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03/07 St Léon II, pape et confesseur

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Sommaire

  Textes de la Messe  
  Messe après 1942  
  Messe avant 1942  
  Office  
  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Bhx cardinal Schuster, Liber Sacramentorum  
  Dom Pius Parsch, Le guide dans l’année liturgique  

Rome fêtait le 28 juin la translation de St Léon le Grand à l’intérieur de la basilique Saint-Pierre par Serge Ier en 688. Lorsque la date du 11 avril fut choisie à Rome sous l’influence des sacramentaires francs pour être la fête principale de St Léon Ier, sa fête du 28 juin devint dans les calendriers Sancti Leonis secundo (comme pour la fête secundo de sainte Agnès le 28 janvier).

Par suite d’une mauvaise lecture, cette seconde fête de St Léon Ier devint la fête de St Léon II (681-683) : la réforme de St Pie V entérina ce doublet en consacrant le 28 juin comme fête de St Léon II sous le rite semi-double. L’introduction de la fête de St Irénée le 28 juin en 1921 transféra cette fête au 3 juillet.

Lors de la réforme de Jean XXIII, qui redonna son rang à la Vigile des Apôtres Pierre et Paul le 28 juin, la fête de St Irénée fut transférée à son tour le 3 juillet. L’ancien doublet de St Léon Ier, devenu fête de St Léon II, fut alors supprimé.

Textes de la Messe

Missa post 1942

Messe après 1942

die 3 iulii
le 3 juillet
SANCTI LEONIS II
SAINT LÉON II
Papæ et Conf.
Pape et Confesseur
semiduplex
semidouble
Missa Si díligis me, de Communi Summorum Pontificum.Messe Si díligis me, du Commun des Souverains Pontifes.
Oratio.Collecte
Gregem tuum, Pastor ætérne, placátus inténde : et, per beátum leónem Summum Pontíficem, perpétua protectióne custódi ; quem totíus Ecclésiæ præstitísti esse pastórem. Per Dóminum nostrum.Pasteur éternel de l’Église, regardez avec bienveillance votre troupeau, protégez-le et gardez-le toujours. Nous vous le demandons par le bienheureux Pape Léon que vous avez placé comme berger à la tête de l’Église.
SecretaSecrète
Oblátis munéribus, quǽsumus, Dómine, Ecclésiam tuam benígnus illúmina : ut, et gregis tui profíciat ubique succéssus, et grati fiant nómini tuo, te gubernánte, pastóres. Per Dóminum.Grâce à l’offrande de ces présents, accordez Seigneur, la lumière à votre Église ; faites prospérer partout votre troupeau, et daignez diriger ses pasteurs pour qu’ils vous soient agréables.
PostcommunioPostcommunion
Refectióne sancta enutrítam gubérna, quǽsumus, Dómine, tuam placátus Ecclésiam : ut, poténti moderatióne dirécta, et increménta libertátis accípiat et in religiónis integritáte persístat. Per Dóminum nostrum.Seigneur, dirigez avec amour votre Église qui vient de se nourrir à cette table sainte, pour que, sous votre conduite toute-puissante, elle voie grandir sa liberté, et garde la religion dans toute sa pureté.
Missa ante 1942

Messe avant 1942

die 3 iulii
le 3 juillet
ante 1921 : die 28 iunii
avant 1921 : le 28 juin
SANCTI LEONIS II
SAINT LÉON II
Papæ et Conf.
Pape et Confesseur
semiduplex
semidouble
Ant. ad Introitum. Ps. 131, 9-10.Introït
Sacerdótes tui, Dómine, índuant iustítiam, et sancti tui exsúltent : propter David servum tuum, non avértas fáciem Christi tui.Que vos prêtres, Seigneur, revêtent la justice et que vos saints tressaillent de joie. En considération de David votre serviteur, ne repoussez pas la face de votre Christ.
Ps. Ibid, 1.
Meménto, Dómine, David : et omnis mansuetúdinis eius.Souvenez-vous, Seigneur, de David et de toute sa douceur.
V/. Glória Patri.
Oratio.Collecte
Deus, qui beátum Leónem Pontíficem Sanctórum tuórum méritis coæquásti : concéde propítius ; ut, qui commemoratiónis eius festa percólimus, vitæ quoque imitémur exémpla. Per Dóminum.Dieu, vous avez égalé le bienheureux Pontife Léon en mérites à vos Saints, accordez-nous, dans votre bonté, que comme nous célébrons la mémoire de sa fête, nous imitions aussi les exemples de sa vie.
Léctio Epístolæ beáti Pauli Apóstoli ad Hebrǽos.Lecture de l’Épître de saint Paul Apôtre aux Hébreux.
Hebr. 7, 23-27.
Fratres : Plures facti sunt sacerdótes, idcírco quod morte prohiberéntur permanére : Iesus autem, eo quod máneat in ætérnum, sempitérnum habet sacerdótium. Unde et salváre in perpétuum potest accedéntes per semetípsum ad Deum : semper vivens ad interpellándum pro nobis. Talis enim decébat, ut nobis esset póntifex, sanctus, ínnocens, impollútus, segregátus a peccatóribus, et excélsior cælis factus : qui non habet necessitátem cotídie, quemádmodum sacerdótes, prius pro suis delíctis hóstias offérre, deínde pro pópuli : hoc enim fecit semel, seípsum offeréndo, Iesus Christus, Dóminus noster.Mes frères, il y a eu des prêtres en grand nombre, parce que la mort les empêchait de l’être toujours ; mais Jésus, parce qu’il demeure éternellement, possède un sacerdoce éternel. C’est pourquoi il peut sauver pour toujours ceux qui s’approchent de Dieu par lui, étant toujours vivant pour intercéder en notre faveur. Car il convenait que nous eussions un tel pontife, saint, innocent, sans tache, séparé des pécheurs, et plus élevé que les deux ; qui n’a pas besoin, comme les prêtres, d’offrir tous les jours des victimes, d’abord pour ses propres péchés, ensuite pour ceux du peuple ; car cela, il l’a fait une fois pour toutes, en s’offrant lui-même.
Graduale. Ps. 131, 16-17.Graduel
Sacerdótes eius índuam salutári : et sancti eius exsultatióne exsultábunt.Je revêtirai ses prêtres de salut, et ses saints seront ravis de joie.
V/. Illuc prodúcam cornu David : parávi lucérnam Christo meo.V/. Là je ferai paraître la puissance de David ; j’ai préparé une lampe pour mon Christ.
Allelúia, allelúia. V/. Ps. 109, 4. Iurávit Dóminus, et non poenitébit eum : Tu es sacérdos in ætérnum, secúndum órdinem Melchísedech. Allelúia.Allelúia, allelúia. V/. Le Seigneur a juré, et il ne s’en repentira point : Vous êtes prêtre à jamais selon l’ordre de Melchisédech. Alléluia.
+ Sequéntia sancti Evangélii secúndum Matthǽum.Suite du Saint Évangile selon saint Mathieu.
Matth. 25, 14-23.
In illo témpore : Dixit Iesus discípulis suis parábolam hanc : Homo péregre proficíscens vocávit servos suos, et trádidit illis bona sua. Et uni dedit quinque talénta, álii a tem duo, álii vero unum, unicuíque secúndum própriam virtútem, et proféctus est statim. Abiit autem, qui quinque talénta accéperat, et operátus est in eis, et lucrátus est ália quinque. Simíliter et, qui duo accéperat, lucrátus est ália duo. Qui autem unum accéperat, ábiens fodit in terram, et abscóndit pecúniam dómini sui. Post multum vero témporis venit dóminus servórum illórum, et pósuit ratiónem cum eis. Et accédens qui quinque talénta accéperat, óbtulit ália quinque talénta,dicens : Dómine, quinque talénta tradidísti mihi, ecce, ália quinque superlucrátus sum. Ait illi dóminus eius : Euge, serve bone et fidélis, quia super pauca fuísti fidélis, super multa te constítuam : intra in gáudium dómini tui. Accéssit autem et qui duo talénta accéperat, et ait : Dómine, duo talénta tradidísti mihi, ecce, ália duo lucrátus sum. Ait illi dóminus eius : Euge, serve bone et fidélis, quia super pauca fuísti fidélis, super multa te constítuam : intra in gáudium dómini tui.En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples cette parabole : Un homme, partant pour un long voyage, appela ses serviteurs et leur remit ses biens. Il donna à l’un cinq talents, à un autre deux, et à un autre un seul, à chacun selon sa capacité ; puis il partit aussitôt. Celui qui avait reçu cinq talents s’en alla, les fit valoir, et en gagna cinq autres. De même, celui qui en avait reçu deux, en gagna deux autres. Mais celui qui n’en avait reçu qu’un, s’en alla, creusa dans la terre et cacha l’argent de son maître. Longtemps après, le maître de ces serviteurs revint, et leur fit rendre compte. Et celui qui avait reçu cinq talents s’approcha, et présenta cinq autres talents, en disant : Seigneur, vous m’avez remis cinq talents ; voici que j’en ai gagné cinq autres. Son maître lui dit : C’est bien, bon et fidèle serviteur ; parce que tu as été fidèle en peu de choses, je t’établirai sur beaucoup ; entre dans la joie de ton maître. Celui qui avait reçu deux talents s’approcha aussi, et dit : Seigneur, vous m’avez remis deux talents ; voici que j’en ai gagné deux autres. Son maître lui dit : C’est bien, bon et fidèle serviteur ; parce que tu as été fidèle en peu de choses, je t’établirai sur beaucoup ; entre dans la joie de ton maître.
Ant. ad Offertorium. Ps. 88, 25.Offertoire
Véritas mea et misericórdia mea cum ipso : et in nómine meo exaltábitur cornu eius.Ma vérité et ma miséricorde seront avec lui et par mon nom s’élèvera sa puissance.
SecretaSecrète
Annue nobis, quǽsumus, Dómine : ut intercessióne beáti Leónis hæc nobis prosit oblátio, quam immolándo totíus mundi tribuísti relaxári delícta. Per Dóminum.Accordez-nous, s’il vous plaît, Seigneur, que grâce à l’intercession du bienheureux Léon, cette oblation nous soit utile : c’est par cette immolation que vous avez voulu effacer les péchés du monde entier.
Ant. ad Communionem. Matth. 24,46-47.Communion
Beátus servus, quem, cum vénerit dóminus, invénerit vigilántem : amen, dico vobis, super ómnia bona sua constítuet eum.Heureux le serviteur que le maître, à son arrivée, trouvera veillant ; en vérité, je vous le dis, il l’établira sur tous ses biens.
PostcommunioPostcommunion
Deus, qui ánimæ fámuli tui Leónis ætérnæ beatitúdinis prǽmia contulísti : concéde propítius ; ut, qui peccatórum nostrórum póndere prémimur, eius apud te précibus sublevémur. Per Dóminum.Dieu, vous avez récompensé votre serviteur Léon, en donnant à son âme le bonheur éternel, faites, dans votre bonté, que nous soyons soulagés grâce à ses prières auprès de vous, nous qui sommes accablés sous le poids de nos péchés.

Office

Leçons des Matines avant 1960

Quatrième leçon. Le souverain Pontife Léon II, Sicilien d’origine, était versé dans la science des saintes Écritures et des lettres profanes ; il possédait à fond les deux langues grecque et latine. Non moins habile dans le chant sacré, il perfectionna les mélodies des Psaumes et des Hymnes de l’Église. Il approuva et traduisit en latin les actes du sixième concile, tenu à Constantinople sous la présidence des légats du Siège apostolique, en présence de l’empereur Constantin, des deux Patriarches de Constantinople et d’Antioche, et de soixante-dix Évêques.

Cinquième leçon. Dans ce concile furent condamnés Cyrus, Sergius et Pyrrhus, qui enseignaient qu’il n’y avait dans le Christ qu’une seule volonté et opération. Léon II brisa l’orgueil des Évêques de Ravenne, qui, forts de l’appui des exarques, n’obéissaient plus au Siège apostolique. C’est pourquoi il décréta que l’élection du clergé de Ravenne serait nulle, si elle n’était approuvée par l’autorité du Pontife romain.

Sixième leçon. Il fut vraiment le père des pauvres, car il ne soulageait pas seulement de son argent, mais de ses soins, de ses fatigues, de ses conseils, la misère et le délaissement des nécessiteux, des veuves et des orphelins. Son exemple et sa parole portaient tout le monde à une pieuse et sainte vie. Il s’endormit dans le Seigneur au onzième mois de son pontificat, le cinq des nones de juillet, l’année seize cent quatre-vingt-trois, et fut enseveli dans la basilique de Saint-Pierre. Dans une ordination au mois de juin, il ordonna neuf Prêtres, trois Diacres et sacra vingt-trois Évêques pour divers lieux.

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

Il convenait qu’en ce jour de Vigile (La vigile des Sts Pierre et Paul, le 28 juin, ancien jour de la fête de St Léon II), l’attention ne fût pas détournée de l’auguste objet que l’Église se prépare à exalter dans ses chants. Mais le triomphe de Pierre éclatera d’autant mieux, que son témoignage au Fils de l’homme apparaîtra maintenu plus fidèlement, dans la série des siècles, par les Pontifes héritiers de sa primauté. Longtemps le 28 juin fut consacré à honorer la mémoire de saint Léon le Grand ; c’était le jour que Sergius Ier avait choisi pour célébrer la translation de l’insigne Docteur, et certes on ne pouvait désirer plus magnifique introducteur à la solennité du lendemain. Jamais comme par lui, Rome n’entendit relever en de sublimes discours la grandeur des deux princes des Apôtres et sa propre gloire ; jamais, depuis l’incomparable scène de Césarée de Philippe, le mystère de l’Homme-Dieu ne s’était vu affirmé d’une façon si grandiose qu’au jour où l’Église, frappant à Chalcédoine l’impie Eutychès, recevait de Léon l’immortelle formule du dogme chrétien. Pierre, de nouveau, avait parlé par la bouche de Léon ; cependant la cause était loin d’être finie : il y fallait deux siècles encore ; et ce fut un autre Léon, celui-là même que nous fêtons maintenant en ce jour, qui eut l’honneur de la terminer au sixième concile.

Tout en veillant au développement de la Liturgie sacrée, l’Esprit de Dieu n’avait donc point voulu que rien changeât, en cette journée, le cours des pensées du peuple fidèle. Mais lorsque saint Léon Ier reprit, vers le commencement du XIVe siècle, la place qu’il occupait primitivement sur le Cycle au 11 avril, saint Léon II, dont le 28 juin marquait l’anniversaire de la mort, et qui n’avait eu jusque-là qu’une simple mémoire, se leva pour rappeler à son tour les glorieuses luttes de son prédécesseur, et les siennes, dans l’ordre de la confession apostolique.

Comment l’exposition si complète et si claire de Léon le Grand, comment les anathèmes de Chalcédoine, n’avaient-ils point eu raison de l’hérésie qui déniait son plus beau titre de noblesse à notre nature, et lui refusait d’avoir été prise en son intégrité par le Verbe divin ? C’est que, pour assurer le triomphe de la vérité, il ne suffit pas de convaincre un jour l’erreur de mensonge. Plus d’une fois, hélas ! l’histoire nous montre les plus solennels anathèmes aboutir seulement à endormir la vigilance des gardiens de la cité sainte. La lutte paraît finie, le besoin de repos se fait sentir aux combattants, mille autres soins réclament l’attention des chefs ; et, sourdement, feignant la déférence la plus entière, se montrant, s’il le faut, toute de flammes pour les nouvelles préoccupations du moment, l’erreur profite du silence qui a suivi sa défaite. Alors son progrès devient d’autant plus redoutable, qu’elle passe et s’efforce elle-même de passer pour avoir disparu sans laisser trace aucune. Grâce cependant au divin Chef qui ne cesse point de veiller sur son œuvre, l’épreuve atteint rarement la profondeur douloureuse où saint Léon II dut pénétrer, avec le fer et le feu, pour sauver l’Église. Une seule fois le monde terrifié a vu l’anathème frapper au sommet de la montagne sainte. Honorius, placé au faîte de l’Église, « ne l’avait point fait resplendir de la doctrine apostolique, mais par une trahison profane, avait laissé la foi qui doit être sans tache exposée à la subversion » [1] ; Léon II lançant la foudre, avec l’Église assemblée, sur les nouveaux Eutychiens et leurs complices, n’épargna pas son prédécesseur. Et cependant, de l’aveu de tous, Honorius avait été par ailleurs un Pape irréprochable ; et, dans la circonstance même, il était loin d’avoir professé l’hérésie ou enseigné l’erreur : quelle était donc sa faute ?

L’empereur Héraclius, que ses victoires avaient porté au comble de la puissance, voyait avec tristesse la division persister entre les catholiques de son empire et les disciples attardés d’Eutychès. L’évêque de la cité impériale, le patriarche Sergius, entretenait ces pensées du maître ; fier de quelque habileté politique dont il se flattait, il prétendait se faire un nom en rétablissant à lui seul l’unité que le concile de Chalcédoine et Léon le Grand n’avaient pu obtenir. Les dissidents reconnaîtraient qu’il y avait en Jésus-Christ deux natures, et, pour répondre à leurs avances, on ferait le silence sur la question de savoir s’il y avait en lui deux volontés ou une seule. L’enthousiasme avec lequel ce compromis fut accueilli par les différentes sectes rebelles à l’autorité du quatrième concile, montrait assez qu’il conservait et consacrait à leurs yeux tout le venin de l’erreur ; et par le fait, nier, ou, ce qui pratiquement revenait au même, hésiter à dire qu’il y eût en l’Homme-Dieu d’autre volonté que celle de la nature divine, c’était reconnaître qu’il n’avait pris qu’un semblant d’humanité, la nature humaine ne pouvant exister aucunement sans une volonté qui lui soit propre. Aussi les monophysites ou partisans d’une seule nature dans le Christ, ne firent-ils pas difficulté d’être appelés désormais monothélites ou partisans d’une seule volonté. Sergius, l’apôtre de la nouvelle unité, pouvait s’applaudir ; Alexandrie, Antioche, Constantinople, célébraient d’une même voix le bienfait de la paix : n’était-ce pas tout l’Orient dans ses patriarcats ? Si Rome à son tour pouvait acquiescer, ce serait le triomphe ! Jérusalem, pourtant, faisait défaut dans l’étrange concert.

Témoin des angoisses de l’Homme-Dieu dans son humaine nature, Jérusalem l’avait entendu s’écrier au jardin de l’agonie : Père, s’il est possible, que ce calice s’éloigne de moi ; cependant que VOTRE VOLONTÉ se fasse, et NON PAS LA MIENNE [2] ! Mieux que toute autre, la ville des douleurs savait à quoi s’en tenir sur les deux volontés mises ainsi en présence, et que l’héroïsme d’un incomparable amour avait pourtant maintenues en si pleine harmonie ; le temps était venu pour elle de rendre son témoignage. Le moine Sophrone, qu’elle s’était choisi pour évêque, fut, par la sainteté, le courage et la science, à la hauteur du rôle qu’il devait remplir. Mais, tandis que, dans la charité de son âme, il cherchait à ramener Sergius avant d’en appeler au Pontife romain, l’évêque de Constantinople prenait les devants ; il arrivait, dans une lettre hypocrite, à circonvenir Honorius, et obtenait de lui qu’il imposât silence au patriarche de Jérusalem. Lorsque saint Sophrone, à la tête des évêques de sa province réunis en concile, crut devoir se tourner vers Rome à son tour, ce ne fut que pour s’entendre confirmer la défense de troubler la paix. Méprise lamentable, qui n’engageait point directement, il est vrai, l’infaillible magistère ; mesure exclusivement politique, qui n’en devait pas moins coûter des larmes et du sang à l’Église, pour aboutir, cinquante années plus tard, à la condamnation du malheureux Honorius.

L’Esprit-Saint, en effet, qui garantit l’infaillible pureté de la doctrine officiellement descendue de la chaire apostolique, n’est point tenu de protéger également contre toute défaillance la vertu, le jugement privé, l’administration même du Pontife souverain. Entrant dans les vues de cette solidarité merveilleuse que le Dieu créateur fait régner sur la terre et aux cieux, l’Homme-Dieu, quand il fonda sur l’authentique et immuable base de la foi de Pierre la société des saints, voulut laisser aux prières de tous la charge de compléter son œuvre, en obtenant au successeur de Pierre les grâces de préservation qui ne ressortent point par elles-mêmes de la divine constitution de l’Église.

Cependant Mahomet venait de lancer ses hordes sur le monde. Héraclius allait apprendre ce que valait la paix menteuse de son patriarche, et descendre plus bas dans la honte que ne l’avaient élevé en gloire ses victoires sur les Perses, au temps où il s’était montré le héros de la Croix La Palestine, la Syrie, l’Égypte, tombaient ensemble sous les coups des lieutenants du Prophète. Sophrone, placé au centre de l’invasion, grandissait avec l’épreuve. Abandonné de l’empereur sur le terrain de la défense de l’empire, désavoué par Rome sur celui de la foi, il traitait intrépidement avec Omar de puissance à puissance ; et, près de mourir, espérant contre toute espérance dans cette Rome même qui lui portait un coup plus sensible que les califes, il confiait à Etienne de Dora la mission suprême que ce dernier rapportait ainsi plus tard : « Fort comme le lion dans sa justice, méprisant calomnies et intrigues, le bienheureux Sophrone me prit avec lui, moi indigne, et me conduisit au lieu sacré du Calvaire. Là, il me lia d’indissolubles engagements par ces mots : « Tu rendras compte à celui qui, étant Dieu, a été crucifié volontairement selon la chair, pour nous, en ce saint lieu, lorsqu’au jour de son terrible avènement il viendra juger avec gloire les vivants et les morts, si tu diffères et si tu négliges les intérêts de sa foi qui est en péril. Tu sais que je ne le puis faire de corps, étant empêché par l’incursion des Sarrasins que nos péchés nous ont méritée. Pars donc au plus tôt, va des confins de la terre à son autre extrémité, jusqu’à ce que tu sois arrivé au Siège apostolique, là où sont les fondements des dogmes orthodoxes. Non pas une fois, ni deux fois, mais sans fin, retourne, fais savoir aux très saints personnages qui résident en ce lieu l’ébranlement de nos régions ; instamment, sans repos, demande et supplie, jusqu’à ce que la prudence apostolique détermine par son jugement régulier la victoire sur ces dogmes perfides » [3].

L’évêque de Dora fut fidèle au mandat de Sophrone. Lorsque, douze ans après, il faisait cet émouvant récit au concile de Latran de 649, c’était la troisième fois qu’en dépit des embûches et de la difficulté des temps, il pouvait dire : « Nous avons pris les ailes de la colombe, comme parle David, et nous sommes venus déclarer la situation à ce Siège élevé à tous les regards, Siège souverain et principal, où se trouve le remède de la blessure qui a fondu sur nous » [4]. Saint Martin Ier, qui recevait cet appel, était digne de l’entendre ; bientôt il rachetait par son martyre la faute qu’Honorius avait commise de se laisser tromper par un imposteur. Sa mort glorieuse, suivie des supplices endurés pour la vérité par le saint Abbé Maxime et ses compagnons, préparait la victoire que l’héroïque foi de Sophrone au Pontife romain avait annoncée. Admirable revanche de l’Église contre un silence odieux : on vit ses docteurs, la langue arrachée, continuer de proclamer par la vertu divine le dogme chrétien qui ne se peut enchaîner [5] ; la main coupée, trouver, dans leur indomptable zèle, le moyen de fixer encore à leur bras mutilé la plume dont les œuvres, deux fois glorieuses, continuaient de porter partout la réfutation du mensonge !

Mais il est temps d’arriver au dénouement de cette lutte immortelle. C’est lui que nous célébrons, en toute vérité, dans la fête de ce jour. Saint Agathon, sur la prière d’un autre Constantin, ennemi de l’hérésie et vainqueur de l’Islam, avait réuni à Constantinople le sixième concile général. La justice et la foi faisaient leur œuvre de concert ; et saint Léon II pouvait chanter enfin : « O sainte mère Église, quitte le manteau du deuil, et pare-toi des vêtements de ta joie. Tressaille maintenant d’une confiante allégresse : ta liberté n’a point sombré » [6].

Pontife glorieux, vous avez eu le privilège de compléter la confession apostolique, en donnant son développement dernier au témoignage rendu par Pierre à ce fils du Dieu vivant, qui était en même temps fils de l’homme. Vous étiez digne d’achever l’œuvre des Silvestre, des Célestin, et de cet autre Léon, pontife aimé de la terre et du ciel. Convoquant, inspirant, confirmant les illustres conciles de Nicée, d’Éphèse, de Chalcédoine, ils avaient vengé dans notre Emmanuel, et sa divinité consubstantielle au Père, et l’unité de personne qui faisait de Marie sa vraie mère, et cette dualité des natures sans laquelle il n’eût point été notre frère. Or Satan, qui sur les deux premiers points s’était plus facilement laissé battre, défendait le troisième avec rage : c’est qu’au jour du grand combat qui le chassa des deux, sa révolte avait été le refus d’adorer Dieu sous des traits humains ; forcé par l’Église de plier le genou comme tout l’enfer, sa jalousie voudrait du moins que ce Dieu n’eût pris de l’homme qu’une nature tronquée. Que le Verbe soit chair, mais qu’il n’ait en cette chair d’autre impulsion, d’autres énergies que celles de la divinité même : et cette nature inerte, découronnée de la volonté, ne sera plus l’humanité, dût-elle en garder tout le reste ; et Lucifer, dans son orgueil, n’aura point à rugir autant. Car l’homme, objet de son infernale envie, n’aura plus de commun avec le Verbe divin qu’une vaine apparence. Merci à vous, ô Léon II, merci au nom de l’humanité tout entière ! Par vous, devant le ciel, la terre et l’enfer, est promulgué authentiquement l’incomparable titre qui établit, sans restriction, notre nature à la droite du Père, au plus haut des cieux ; par vous, Notre-Dame consomme l’écrasement de la tête de l’odieux serpent. Mais quelle habileté en cette campagne de Satan, prolongée plus de deux siècles dans l’ombre, pour arriver plus sûrement au triomphe ! Quels applaudissements dans l’abîme, quand, un jour, le représentant de Celui qui est la lumière parut de complicité avec les puissances des ténèbres pour amener la nuit ! Un nuage avait semblé s’interposer entre le ciel et les monts où Dieu réside en son vicaire ; sans doute, l’apport social de l’intercession n’avait point été ce qu’il devait être. Prévenez, ô Léon, le retour de situations à ce point douloureuses. Soutenez le pasteur au-dessus de la région des brouillards perfides qui s’élèvent de la terre ; entretenez dans le troupeau cette prière qui sans cesse doit monter à Dieu pour lui de l’Église [7] : et Pierre, fût-il enseveli au fond des plus obscurs cachots, ne cessera point de contempler le pur éclat du Soleil de justice ; et le corps entier de la sainte Église sera dans la lumière. Car, dit Jésus, le corps est éclairé par l’œil : si l’œil est simple, le corps entier resplendit [8].

Instruits par vous sur le prix du bienfait que le Seigneur a conféré au monde, quand il l’affermit sur l’infaillible enseignement des successeurs de Pierre, nous serons mieux préparés pour célébrer demain la solennité qui s’annonce. Nous connaissons maintenant la force du roc qui porte l’Église ; nous savons que les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle [9]. Car jamais l’effort de ces puissances de l’abîme n’alla plus loin que dans la triste crise à laquelle vous avez mis un terme ; or leur succès, si douloureux qu’il fût, n’était point à rencontre des promesses divines : ce n’est point au silence de Pierre, mais à son enseignement, qu’est promise l’immanquable assistance de l’Esprit de vérité. Très pieux Pontife, obtenez-nous, avec cette rectitude de la foi, le céleste enthousiasme qui convient pour chanter Pierre et l’Homme-Dieu dans l’unité que Jésus même a établie entre eux. La sainte Liturgie vous fut grandement redevable : faites-nous goûter toujours plus la manne cachée qu’elle renferme ; puissent nos cœurs et nos voix interpréter dignement les mélodies sacrées !

Bhx cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

Saint Léon Ier, pape, pour la seconde fois.
Station à Saint-Pierre.

C’est aujourd’hui l’anniversaire de la translation du corps de saint Léon le Grand, du portique de la basilique vaticane à l’intérieur du temple, par les soins de Serge Ier. Telle était la célébrité du grand pontife Léon que les Romains célébraient aujourd’hui encore solennellement sa mémoire, — sancti Leonis, secundo, — comme le note le Sacramentaire Grégorien, d’accord avec beaucoup d’autres documents liturgiques de la même période. Plus tard, l’antique dévotion de la Ville éternelle envers celui qui la sauva d’Attila et de Genséric ayant quelque peu décliné, le sancti Leonis, secundo, devint tout à coup saint Léon II, pape dont le pontificat fut d’ailleurs de courte durée et sans spéciale importance.

Au contraire, la renommée de saint Léon le Grand durant le haut moyen âge fut immense, comme en fait foi du reste la fête de ce jour, instituée par les Romains le jour même où se célébrait la vigile des apôtres Pierre et Paul.

L’inscription gravée par Serge Ier sur la nouvelle tombe de saint Léon, fait allusion aux prodiges et aux grâces qu’y obtenaient les fidèles. De son côté, l’Ordo Romanus du chanoine Benoît nous apprend qu’au XIIe siècle, lors des fêtes les plus solennelles, le Pape, avant de commencer les vigiles nocturnes près de l’autel de saint Pierre, allait encenser le tombeau de saint Léon le Grand.

La messe Sacerdotes, du commun, est la même que le 29 mai pour la fête de saint Augustin, sauf les collectes et les lectures.

La première oraison est la suivante : « Seigneur qui avez élevé le bienheureux pontife Léon au mérite de vos saints ; accordez-nous, tandis que nous célébrons sa commémoration solennelle, d’imiter aussi ses exemples ».

La première lecture est identique à celle de la fête de saint Damase le 11 décembre. On y établit un parallèle entre le sacerdoce de Jésus et le sacerdoce symbolique juif, afin d’accroître notre confiance dans les mérites sublimes et la médiation d’un si grand Pontife qui ne peut pas ne pas être agréé du Père céleste. De plus, les vertus sacerdotales de Jésus, décrites par l’Apôtre en ce splendide passage de l’épître aux Hébreux, sont un modèle et une règle de vie pour les prêtres.

La lecture évangélique est la même que pour la fête de saint Nicolas le 6 décembre. Les cinq talents, remis au plus industrieux d’entre les serviteurs, symbolisent l’œuvre des saints évêques qui, placés au sommet de la hiérarchie catholique, rapportent au Seigneur, par les Sacrements et la prédication, le fruit le plus profitable et le plus abondant de leur apostolat.

Voici la belle collecte avant l’anaphore : « Faites, Seigneur, que, par l’intercession du bienheureux Léon, cette oblation nous soit profitable ; vous avez voulu que par son immolation les péchés du monde entier soient remis ».

La prière eucharistique après la sainte Communion est la suivante : « Seigneur qui avez donné à l’âme du bienheureux pontife Léon la récompense de l’éternelle béatitude ; par ses prières accordez-nous d’être allégés du poids des fautes qui maintenant nous accable ».

Ces trois collectes se récitent également pour la fête de saint Grégoire le Grand, avec qui saint Léon présente aussi d’autres analogies par les mérites, la renommée et la vénération dont Rome les entoura.

Plusieurs oratoires et églises s’élevèrent à Rome en l’honneur de saint Léon le Grand. Martinelli en mentionne une non loin du Titre de Saint-Laurent in Damaso ; une seconde église de saint Léon sur le Cœlius est indiquée dans une bulle de Grégoire VII en faveur de l’abbaye de Saint-Paul ; une troisième mémoire de saint Léon existait près de l’église de sainte Bibiane, où se trouvait aussi un monastère dédié aux martyrs Simplice, Faustin et Viatrix. Hors de la Ville éternelle, il existe encore d’anciens sanctuaires en l’honneur du célèbre Pontife ; parmi ceux-ci, mentionnons l’église de san Léo à Leprignano, qui remonte au moins au IXe siècle et a été classée monument national. Elle est de petite dimension, mais avec ses transennes de marbre, son abside et sa pergula de pierre en avant de l’autel, elle nous offre un modèle très intéressant de ce que, au point de vue artistique et liturgique, devaient être, au début du moyen âge, les plus petites paroisses de campagne.

Dom Pius Parsch, Le guide dans l’année liturgique

Un pape liturgiste et un père des pauvres.

La fête est transférée depuis 1921 du 28 juin à ce jour ; autrefois on célébrait le 28 juin la translation des ossements de saint Léon 1er à l’église Saint-Pierre ; la fête était désignée sous la rubrique S. Leonis secundo ; de cette dénomination on passa dans la suite par une confusion à saint Léon II.

1. Saint Léon II. — Jour de mort : 28 juin 683. Tombeau : à Rome, au Vatican. Vie : Le pape Léon II, qui régna de 682 à 683, était originaire de Sicile ; il se distingua par ses connaissances en littératures ecclésiastique et classique de langues grecque et latine, et aussi par sa culture musicale. Il réforma le chant liturgique des hymnes et des psaumes. Il approuva et ratifia les décisions du sixième concile général, qui se tint à Constantinople (680-681) sous la présidence du légat pontifical, en présence de l’empereur Constantin IV, des deux patriarches de Constantinople et d’Antioche et de cent soixante-dix évêques, et il les traduisit en latin. Léon II était un vrai père pour les pauvres : il soulageait les misères pressantes des veuves et des orphelins non seulement par des aumônes et d’autres dons importants, mais aussi par ses conseils et par son action. Pratique : Nous devons « suivre les exemples de sa vie » (oraison) ; joignons le culte de sa sainte liturgie à l’amour charitable des pauvres. Que l’offertoire, tout empreint de charité, nous y entraîne. Devenons le père ou la mère des pauvres !

2. La messe. — Nous célébrons aujourd’hui la messe à Saint-Pierre de Rome, ce qui s’harmonise avec l’octave de la fête. Un successeur du Prince des Apôtres ! La messe (Si diligis) est du commun des Souverains Pontifes.

[1] Léon. II, Epist. confirm. Concil. Constantinop. III.

[2] Luc. XXII, 42.

[3] Concil. Later. Actio seu Secret. II.

[4] Concil. Later. Actio seu Secret. II.

[5] II Tim. II, 9.

[6] Epist. confirm. Concil. Constantinop. III.

[7] Act. XII, 5.

[8] Matth. VI, 22.

[9] Ibid. XVI, 18.