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04/06 St François Carraciolo, confesseur

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Sommaire

  Textes de la Messe  
  Office  
  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum  
  Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique  

Mort en 1608. Fondateur des Clercs réguliers mineurs en 1558. Canonisé en 1807, fête la même année.

Textes de la Messe

die 4 iunii
le 4 juin
SANCTI FRANCISCI CARACCIOLO
SAINT FRANÇOIS CARACCIOLO
Confessoris
Confesseur
III classis (ante CR 1960 : duplex)
IIIème classe (avant 1960 : double)
Ant. ad Introitum. Ps. 21,15 ; 68, 10.Introït
Factum est cor meum tamquam cera liquéscens in médio ventris mei : quóniam zelus domus tuæ comédit me. (T.P. Allelúia, allelúia.)Mon cœur est devenu comme de la cire fondue au milieu de mes entrailles, car le zèle de votre maison m’a dévoré. (T.P. Alléluia, alléluia.)
Ps. 72, 1.
Quam bonus Israël Deus : his, qui recto sunt corde !Que Dieu est bon pour Israël, pour ceux qui ont le cœur droit.
V/. Glória Patri.
Oratio.Collecte
Deus, qui beátum Francíscum, novi órdinis institutórem, orándi stúdio et poeniténtiæ amóre decorásti : da fámulis tuis in eius imitatióne ita profícere ; ut, semper orántes et corpus in servitútem redigéntes, ad cæléstem glóriam perveníre mereántur. Per Dóminum.O Dieu, qui avez suscité le bienheureux François pour être le fondateur d’un nouvel Ordre, et l’avez admirablement doué de zèle pour la prière et d’amour de la pénitence, accordez à vos serviteurs de profiter si bien de ses exemples, que, s’appliquant toujours à prier et à réduire leur corps en servitude, ils méritent de parvenir à la gloire céleste.
Léctio libri Sapiéntiæ.Lecture du livre de la Sagesse.
Sap. 4, 7-14.
Iustus, si morte præoccupátus fúerit, in refrigério erit. Senéctus enim venerábilis est non diutúrna, neque annórum número computáta : cani autem sunt sensus hóminis, et ætas senectútis vita immaculáta. Placens Deo Iactus est diléctus, et vivens inter peccatóres translátus est. Raptus est, ne malítia mutáret intelléctum eius, aut ne fíctio decíperet ánimam illíus. Fascinátio enim nugacitátis obscúrat bona, et inconstántia concupiscéntia ? transvértit sensum sine malítia. Consummátus in brevi explévit témpora multa, plácita enim erat Deo ánima illíus : propter hoc properávit edúcere illum de médio iniquitátum.Le juste, alors même qu’il mourrait d’une mort précipitée, sera dans le repos ; car ce qui rend la vieillesse vénérable, ce n’est ni la longueur de sa vie, ni le nombre des années, mais la prudence de l’homme lui tient lieu de cheveux blancs, et sa longue vieillesse, c’est une vie sans tache. Le juste a plu à Dieu et en a été aimé, et il a été enlevé du milieu des pécheurs parmi lesquels il vivait, il a été enlevé, de peur que sa malice ne transformât son esprit, et que les apparences trompeuses ne séduisissent son âme. Car la fascination des frivolités obscurcit le bien, et l’inconstance de la passion renverse même l’esprit éloigné du mal. Quoiqu’il eût peu vécu, il a fourni une longue carrière ; car son âme était agréable à Dieu : c’est pourquoi il s’est hâté de le tirer du milieu de l’iniquité.
Graduale. Ps. 41, 2.Graduel
Quemádmodum desíderat cervus ad fontes aquárum : ita desíderat ánima mea ad te, Deus.Comme le cerf soupire après les sources des eaux, ainsi mon âme soupire vers vous, mon Dieu.
V/. Ps. ibid., 3. Sitívit ánima mea ad Deum fortem vivum.V/. Mon âme a soif du Dieu fort et vivant.
Allelúia, allelúia. V/. Ps. 72, 26. Defécit caro mea et cor meum : Deus cordis mei, et pars mea Deus in ætérnum. Allelúia. Allelúia, allelúia. V/. Ma chair et mon cœur ont défailli, ô Dieu qui êtes le Dieu de mon cœur et mon partage pour l’éternité. Alléluia.
Tempore paschali omittitur graduale, et eius loco dicitur :Pendant le temps pascal, on omet le graduel et à sa place on dit :
Allelúia, allelúia. V/. Ps. 64, 5 Beátus, quem elegísti et assumpsísti : inhabitábit in átriis tuis.Allelúia, allelúia. V/. Heureux celui que vous avez choisi et pris avec vous : il habitera dans vos parvis.
Allelúia. V/. Ps. 111, 9. Dispérsit, dedit paupéribus : iustítia eius manet in sǽculum sǽculi. Allelúia.Allelúia. V/. II répand ses largesses, il donne aux pauvres : sa justice demeure dans tous les siècles. Alléluia.
+ Sequéntia sancti Evangélii secúndum Lucam.Lecture du Saint Evangile selon saint Luc.
Luc. 12, 35-40.
In illo témpore : Dixit Iesus discípulis suis : Sint lumbi vestri præcíncti, et lucernæ ardéntes in mánibus vestris, et vos símiles homínibus exspectántibus dóminum suum, quando revertátur a núptiis : ut, cum vénerit et pulsáverit, conféstim apériant ei. Beáti servi illi, quos, cum vénerit dóminus, invénerit vigilántes : amen, dico vobis, quod præcínget se, et fáciet illos discúmbere, et tránsiens ministrábit illis. Et si vénerit in secúnda vigília, et si in tértia vigília vénerit, et ita invénerit, beáti sunt servi illi. Hoc autem scitóte, quóniam, si sciret paterfamílias, qua hora fur veníret, vigiláret útique, et non síneret pérfodi domum suam. Et vos estóte paráti, quia, qua hora non putátis, Fílius hóminis véniet.En ce temps-là : Jésus dit à ses disciples : Que vos reins soient ceints, et les lampes allumées dans vos mains. Et vous, soyez semblables à des hommes qui attendent que leur maître revienne des noces, afin que, lorsqu’il arrivera et frappera, ils lui ouvrent aussitôt. Heureux ces serviteurs que le maître, à son arrivée, trouvera veillant ; en vérité, je vous le dis, il se ceindra, les fera asseoir à table, et passant devant eux, il les servira. Et, s’il vient à la seconde veille, s’il vient à la troisième veille, et qu’il les trouve en cet état, heureux sont ces serviteurs ! Or, sachez que, si le père de famille savait à quelle heure le voleur doit venir, il veillerait certainement, et ne laisserait pas percer sa maison. Vous aussi, soyez prêts ; car, à l’heure que vous ne pensez pas, le Fils de l’homme viendra.
Ant. ad Offertorium. Ps. 91, 13.Offertoire
Iustus ut palma florébit : sicut cedrus, quæ in Líbano est multiplicábitur. (T.P. Allelúia.)Le juste fleurira comme le palmier : et il se multipliera comme le cèdre du Liban. (T.P. Alléluia.)
SecretaSecrète
Da nobis, clementíssime Iesu : ut præclára beáti Francísci mérita recoléntes, eódem nos, ac ille, caritátis igne succénsi, digne in circúitu sacræ huius mensæ tuæ esse valeámus : Qui vivis.Donnez-nous, ô très clément Jésus, qu’honorant à nouveau les glorieux mérites du bienheureux François, et embrasés, comme lui, du feu de la charité, nous puissions entourer cette table sacrée qui est la vôtre.
Ant. ad Communionem. Ps. 30, 20.Communion
Quam magna multitúdo dulcédinis tuæ, Dómine, quam abscondísti timéntibus te. (T.P. Allelúia.)Qu’elle est grande, Seigneur, l’abondance de votre douceur que vous avez mise en réserve pour ceux qui vous craignent. (T.P. Alléluia.)
PostcommunioPostcommunion
Sacrosáncta sacrifícii, quǽsumus, Dómine, quod hódie in sollemnitáte beáti Francísci tuæ obtúlimus maiestáti, grata semper in méntibus nostris memória persevéret et fructus. Per Dóminum nostrum.Seigneur, nous vous en supplions, faites que le souvenir reconnaissant et les fruits du sacrifice sacro-saint que nous avons offert aujourd’hui à votre majesté en la solennité du bienheureux François demeurent dans nos âmes.

Office

Leçons des Matines avant 1960

Quatrième leçon. François, appelé d’abord Ascanio, naquit à Santa-Maria-de-Villa dans les Abruzzes, de la noble famille des Caracciolo. Dès ses premières années, il se fit remarquer par une vive piété. Encore adolescent, il résolut, pendant une grave maladie, de s’attacher entièrement au service de Dieu et du prochain. Il partit pour Naples, se prépara au sacerdoce, et s’étant inscrit dans une pieuse confrérie, se livra à la contemplation et à l’œuvre du salut des pécheurs ; il se dévouait aussi à exhorter les condamnés à mort. Il arriva qu’une lettre destinée à un autre lui fut remise par erreur ; lettre dont les pieux auteurs, Jean Augustin Adorno et Fabrice Caracciolo, appelaient le destinataire à fonder un nouvel institut religieux. Frappé de ce fait étrange, et admirant les desseins de la volonté divine, Ascanio se joignit à eux avec empressement. S’étant retirés dans une solitude des Camaldules, ils y arrêtèrent les règles du nouvel Ordre ; et venus à Rome, ils en obtinrent la confirmation du Pape Sixte-Quint, qui voulut qu’on les appelât Clercs réguliers mineurs. Ils ajoutèrent aux trois vœux ordinaires celui de ne point rechercher les dignités.

Cinquième leçon. Ascanio Caracciolo, en faisant sa profession solennelle, prit le nom de François, à cause de sa dévotion particulière à saint François d’Assise. Adorno étant mort deux ans après, François fut mis malgré lui à la tête de tout l’Ordre ; et dans cette charge, donna de très beaux exemples de toutes les vertus. Plein de sollicitude pour le développement de son Ordre, il demandait de tout son cœur à Dieu cette grâce, par des prières, des larmes et des mortifications continuelles. Dans ce but, il se rendit trois fois en Espagne vêtu en pèlerin, et mendiant sa nourriture de porte en porte. Il eut à supporter en chemin les épreuves les plus pénibles, mais ressentit d’une façon merveilleuse l’appui du Tout-Puissant : grâce à sa prière, le navire qui le portait fut préservé d’un naufrage imminent. Pour arriver à ses fins dans, ce royaume, il eut beaucoup à travailler et à souffrir ; mais ayant surmonté l’opposition de ses ennemis avec une force d’âme singulière, la renommée de sa sainteté et la munificence des rois catholiques Philippe II et Philippe III, l’aidèrent à fonder plusieurs maisons de son Ordre ; ce qu’il fit en Italie avec le même succès.

Sixième leçon. François excella tellement dans l’humilité, qu’arrivé à Rome et reçu dans un hospice de pauvres, il choisit un lépreux pour compagnon, et refusa constamment les dignités ecclésiastiques que Paul V lui offrait. Il conserva toujours intacte sa virginité, et gagna même à Jésus-Christ des femmes qui avaient eu l’impudence de tendre des pièges à sa chasteté. Brûlant d’un ardent amour pour le divin mystère de l’Eucharistie, il passait des nuits presque entières en adoration devant le Saint-Sacrement et voulut que ce pieux exercice fût perpétuellement pratiqué dans son Ordre, comme en étant la marque distinctive. Il favorisa de tout son pouvoir le culte de la Vierge Mère de Dieu. Sa charité envers le prochain était des plus vives. Il eut en partage le don de prophétie et celui de scruter les cœurs. A l’âge de quarante-quatre ans, se trouvant un jour en prière dans la sainte maison de Lorette, il eut connaissance de sa fin prochaine et se dirigea aussitôt vers les Abruzzes ; arrivé dans le bourg d’Agnoni, il fut pris d’une fièvre mortelle, chez les disciples de saint Philippe de Néri. Après avoir reçu avec une très grande dévotion les sacrements de l’Église, il s’endormit paisiblement dans le Seigneur, la veille des nones de juin de l’an mil six cent huit, en la vigile de la fête du Corps du Christ. Sa sainte dépouille fut transportée à Naples, et inhumée avec honneur dans l’église de Sainte-Marie-Majeure, où il avait jeté les premiers fondements de son Ordre. Plus tard, l’éclat de ses miracles détermina le souverain Pontife Clément XIV à l’inscrire solennellement au nombre des Bienheureux. De nouveaux prodiges ayant éclaté, Pie VII le mit au nombre des Saints en mil huit cent sept.

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

Les biens apportés au monde par l’Esprit divin continuent de se révéler dans la sainte Liturgie. François Caracciolo nous apparaît comme un type nouveau de cette fécondité sublime que le christianisme a donnée à la terre, et dont Clotilde et Blandine nous ont fourni des exemples si merveilleux. La foi des saints est en eux le principe de la fécondité surnaturelle, comme elle le fut dans le père des croyants ; elle engendre à l’Église des membres isolés ou des nations entières ; d’elle procèdent également les multiples familles des Ordres religieux, qui, dans leur fidélité à suivre les voies diverses où les ont mises leurs fondateurs, sont le principal élément de la parure royale et variée dont resplendit l’Épouse à la droite de l’Époux. C’est la pensée qu’exprimait le Souverain Pontife Pie VII, au jour de la canonisation de notre saint, voulant, disait-il, « redresser ainsi le jugement de ceux qui auraient apprécié la vie religieuse selon la vaine tromperie des points de vue de ce monde, et non selon la science de Jésus-Christ » [1].

Le siècle de ruine où la voix du vicaire de l’Homme-Dieu s’adressait à la terre en cette circonstance solennelle, rappelait, sous des couleurs plus sombres encore, les temps calamiteux de la prétendue Réforme où François, comme tant d’autres, avait prouvé par ses œuvres et sa vie l’indéfectible sainteté de l’Église. « L’Épouse de Jésus-Christ, disait l’auguste Pontife, l’Église est habituée maintenant à poursuivre la carrière de son pèlerinage, au milieu des persécutions du monde et des consolations du Seigneur. Par les saints que sa toute-puissance ne cesse de susciter dans tous les temps. Dieu, comme il l’a promis, fait d’elle jusqu’à la fin la ville placée sur la montagne, le flambeau dont l’éclatante lumière frappe tous les yeux qui ne se ferment pas de parti-pris pour ne point voir. Pendant que ses ennemis s’unissent, formant pour la détruire de vains complots, pendant qu’ils disent : Quand donc mourra-t-elle ? Quand périra son nom ? Couronnée d’un éclat nouveau par les triomphes récents des soldats qu’elle envoie aux cieux, elle demeure glorieuse, annonçant pour toutes les générations à venir la puissance du bras du Seigneur » [2].

Le seizième siècle avait entendu à son début le plus effroyable blasphème qu’on eût proféré contre l’Épouse du Fils de Dieu. Celle qu’on appelait la prostituée de Babylone prouva sa légitimité, en face de l’hérésie impuissante à faire germer une vertu dans le monde, par l’admirable efflorescence des Ordres nouveaux sortis de son sein en quelques années, pour répondre aux exigences de la situation nouvelle qu’avait créée la révolte de Luther. Le retour des anciens Ordres à leur première ferveur, l’établissement de la Compagnie de Jésus, des Théatins, des Barnabites, des Frères de saint Jean de Dieu, de l’Oratoire de saint Philippe Néri, des Clercs réguliers de saint Jérôme Émilien et de saint Camille de Lellis, ne suffisent pas au divin Esprit ; comme pour marquer la surabondance de l’Épouse, il suscite à la fin du même siècle une autre famille, dont le trait spécial sera l’organisation parmi ses membres de la mortification et de la prière continues, par l’usage incessant des moyens de la pénitence chrétienne et l’adoration perpétuelle du Très-Saint-Sacrement. Sixte-Quint reçoit avec joie ces nouveaux combattants de la grande lutte ; pour les distinguer des autres Ordres déjà nombreux de clercs joignant aux obligations de leur saint état la pratique des conseils, et en preuve de son affection spécialement paternelle, l’illustre Pontife donné au monde par la famille franciscaine assigne à ces derniers venus le nom de Clercs réguliers Mineurs. Dans la même pensée de rapprochement avec l’Ordre séraphique, le saint que nous fêtons aujourd’hui, et qui doit être le premier Général du nouvel Institut, change le nom d’Ascagne qu’il portait jusque-là en celui de François.

Le ciel, de son côté, sembla vouloir lui-même unir François Caracciolo et le patriarche d’Assise, en donnant à leurs vies une même durée de quarante-quatre ans. Comme son glorieux prédécesseur et patron, le fondateur des Clercs réguliers Mineurs fut de ces hommes dont l’Écriture dit qu’ayant peu vécu ils ont parcouru une longue carrière [3]. Des prodiges nombreux révélèrent pendant sa vie les vertus que son humilité eût voulu cacher au monde. A peine son âme eut-elle quitté la terre et son corps fut-il enseveli, que les foules accoururent à une tombe qui continuait d’attester chaque jour, par la voix du miracle, la faveur dont jouissait auprès de Dieu celui dont elle renfermait la dépouille mortelle.

Mais c’est à la souveraine autorité constituée par Jésus-Christ dans son Église, qu’il est réservé de prononcer authentiquement sur la sainteté du plus illustre personnage. Tant que le jugement du Pontife suprême n’a point été rendu, la piété privée reste libre de témoigner à qui la mérite, dans l’autre vie, sa gratitude ou sa confiance ; mais toute démonstration qui, de près ou de loin, ressemblerait aux honneurs d’un culte public, est prohibée par une loi de l’Église aussi rigoureuse que sage dans ses prescriptions. Des imprudences contraires à celte loi, formulée dans les célèbres décrets d’Urbain VIII, attirèrent, vingt ans après la mort de François Caracciolo, les rigueurs de l’Inquisition sur quelques-uns de ses enfants spirituels, et retardèrent de près d’un siècle l’introduction de sa cause au tribunal de la Congrégation des Rites sacrés. Il avait fallu que les témoins des abus qui avaient attiré ces sévérités disparussent de la scène ; et comme, par suite, les témoins de la vie de François ayant disparu eux-mêmes, on dut alors s’en rapporter aux témoignages auriculaires sur le chapitre des vertus héroïques qu’il avait pratiquées, Rome exigea la preuve, par témoins oculaires, de quatre miracles au lieu de deux qu’elle réclame autrement pour procéder à la béatification des serviteurs de Dieu.

Il serait inutile de nous arrêtera montrer que ces précautions et ces délais, qui prouvent si bien la prudence de l’Église en ces matières, n’aboutissent qu’à faire ressortir d’autant mieux l’évidente sainteté de François. Lisons donc maintenant le récit de sa vie. François, appelé d’abord Ascagne, naquit de la noble famille de Caracciolo à Villa Santa-Maria dans l’Abruzze. Dès ses premières années il brilla par sa piété ; il était encore dans son adolescence, lorsque pendant une grave maladie il prit la résolution de s’attacher entièrement au service de Dieu et du prochain. Il se rendit à Naples, y fut ordonné prêtre, et ayant donné son nom à une pieuse confrérie, il se livra tout entier à la contemplation et au salut des pécheurs ; il s’adonnait assidûment à la fonction d’exhorter les criminels condamnés au dernier supplice. Il arriva un jour qu’une lettre destinée à un autre lui fut remise par erreur de nom ; on y invitait le destinataire à prendre part à la fondation d’un nouvel institut religieux, et l’invitation venait de deux pieux personnages, Jean Augustin Adorno et Fabrice Caracciolo. Frappé de la nouveauté du fait et admirant les conseils de la volonté divine, François se joignit à eux avec allégresse. Ils se retirèrent dans une solitude des Camaldules pour y arrêter les règles du nouvel Ordre, et se rendirent ensuite à Rome où ils en obtinrent la confirmation de Sixte-Quint. Celui-ci voulut qu’on les appelât Clercs Réguliers Mineurs. Ils ajoutèrent aux trois vœux ordinaires celui de ne point rechercher les dignités.

A la suite de sa profession solennelle, notre saint prit le nom de François à cause de sa dévotion particulière envers saint François d’Assise. Adorno étant venu à mourir deux ans après, il fut mis, malgré lui, à la tète de tout l’Ordre, et, dans cet emploi, il donna les plus beaux exemples de toutes les vertus. Zélé pour le développement de son institut, il demandait à Dieu cette grâce par des prières continuelles, des larmes et de nombreuses mortifications. Il fit trois fois dans ce but le voyage d’Espagne, couvert d’un habit de pèlerin et mendiant sa nourriture de porte en porte. Il eut dans la route grandement à souffrir, mais éprouva aussi d’une façon merveilleuse l’appui du Tout-Puissant. Par le secours de sa prière, il arracha au danger imminent du naufrage le navire sur lequel il était monté. Pour arriver aux fins qu’il s’était proposées dans ce royaume, il dut peiner longtemps ; mais la renommée de sa sainteté et la très large munificence dont il fut favorisé par les rois Catholiques Philippe II et Philippe III, l’aidèrent à surmonter avec une force d’âme singulière l’opposition de ses ennemis, et il fonda plusieurs maisons de son Ordre ; ce qu’il fit également en Italie avec le même succès.

Son humilité était si profonde, que lorsqu’il vint à Rome, il fut reçu dans un hospice de pauvres où il choisit la compagnie d’un lépreux, et qu’il refusa constamment les dignités ecclésiastiques que lui offrait Paul V. Il conserva toujours sans tache sa virginité, et gagna à Jésus-Christ des femmes dont l’impudence avait osé lui tendre des pièges. Enflammé du plus ardent amour envers le divin mystère de l’Eucharistie, il passait les nuits presque entières en adoration devant lui ; et il voulut que ce pieux exercice, qu’il établit comme devant être pratiqué à jamais dans son Ordre, en fût le lien principal. Il fut un propagateur zélé de la dévotion envers la très sainte Vierge Mère de Dieu. Sa charité envers le prochain fut aussi ardente que généreuse. Il fut doué du don de prophétie et connut le secret des cœurs. Étant âge de quarante-quatre ans, un jour qu’il priait dans la sainte maison de Lorette, il eut connaissance que la fin de sa vie approchait. Aussitôt il se dirigea vers l’Abruzze, et étant arrivé dans la petite ville d’Agnoni, il fut atteint d’une fièvre mortelle dans la maison de l’Oratoire de saint Philippe Néri. Ayant reçu les sacrements de l’Église avec la plus tendre dévotion, il s’endormit paisiblement dans le Seigneur la veille des nones de juin de l’an mil six cent huit, le jour d’avant la fête du Saint-Sacrement. Son saint corps fut porté à Naples et enseveli avec honneur dans l’église de Sainte-Marie-Majeure, où il avait jeté les premiers fondements de son Ordre. L’éclat de ses miracles détermina le Souverain Pontife Clément XIV à l’inscrire solennellement au nombre des bienheureux ; et de nouveaux prodiges ayant déclaré de plus en plus sa sainteté, Pie VII le mit au nombre des Saints l’an mil huit cent sept.

Votre amour pour le divin Sacrement de nos autels fut bien récompensé, ô François ; vous eûtes la gloire d’être appelé au banquet de l’éternelle patrie à l’heure même où l’Église de la terre entonnait la louange de l’Hostie sainte, aux premières Vêpres de la grande fête qu’elle lui consacre chaque année. Toujours voisine de la solennité du Corps du Seigneur, votre fête à vous-même continue d’inviter les hommes, comme vous le faisiez durant votre vie, à scruter dans l’adoration les profondeurs du mystère d’amour. C’est la divine Sagesse qui dispose mystérieusement l’harmonie du Cycle, en couronnant les Saints dans les saisons fixées par sa Providence ; vous méritiez le poste d’honneur qu’elle vous assigne dans le sanctuaire, près de l’Hostie.

Sans cesse, sur la terre, vous vous écriiez au Seigneur avec le Psalmiste : Le zèle de votre maison m’a dévoré [4]. Ces paroles, qui étaient moins encore les paroles de David que celles de l’Homme-Dieu dont il était la figure [5], remplissaient bien réellement votre cœur ; après la mort, on les trouva gravées dans la chair même de ce cœur inanimé, comme ayant été la règle unique de ses battements et de vos aspirations. De là ce besoin de la prière continuelle, avec cette ardeur toujours égale pour la pénitence, dont vous fîtes le trait particulier de votre famille religieuse, et que vous eussiez voulu faire partager à tous. Prière et pénitence ; elles seules établissent l’homme dans la vraie situation qui lui convient devant Dieu. Conservez-en le dépôt précieux dans vos fils spirituels, ô François ; que par leur zèle à propager l’esprit de leur père, ils fassent, s’il se peut, de ce dépôt sacré le trésor de la terre entière.

Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

Le séraphique fondateur des Clercs Réguliers Mineurs dont se présente aujourd’hui la mémoire dans le Missel romain, appartient à ce groupe d’âmes privilégiées que Dieu cueille dans la fleur de la jeunesse avant qu’aucun souffle du monde ne les flétrisse. Saint François, de la noble famille napolitaine des Caracciolo, n’atteignit pas en effet quarante-cinq ans, mais sa vie fut si féconde devant le Seigneur que ses fruits demeurent impérissables dans l’Église.

Non seulement le Saint édifia Naples et Rome, où il fit l’admiration de la cour de Paul V par son constant refus des dignités qui lui étaient offertes, mais jusqu’à l’Espagne lointaine, témoin de sa vie pure et toute ardente de tendre dévotion. Il mourut le 4 juin 1608 et fut canonisé par Pie VII qui introduisit sa fête dans le Missel romain. Sa messe se ressent du goût liturgique moderne, elle manque de variété, mais elle est rédigée avec une certaine onction, qui caractérise bien le caractère du Saint.

L’antienne pour l’introït est tirée du psaume 21, qui fut récité par le Sauveur dans sa dernière agonie, et qui, par conséquent, nous décrit les sentiments de son Cœur très aimant. « Mon cœur est devenu dans ma poitrine comme une cire molle, parce que le zèle de Votre maison me dévore ». Suit le psaume 72 (le rédacteur ignorait sans doute la règle liturgique en vertu de laquelle l’antienne ad introitum doit être tirée du psaume où on l’intercalait à l’origine). « Qu’il est bon, le Dieu d’Israël, pour ceux qui ont le cœur droit ! »

C’est surtout la collecte qui se ressent du goût d’une époque récente, car, ayant renoncé à l’antique et lapidaire concinnitas du Sacramentaire, elle est devenue une sorte de contemplation des actes et les vertus du Saint. « Seigneur, qui avez orné d’un grand zèle pour la prière et pour la pénitence le bienheureux François, instituteur d’un ordre nouveau ; accordez à vos serviteurs de profiter de ses exemples, en sorte que, appliqués sans cesse à prier et à réduire leur corps en servitude, ils puissent finalement arriver à la gloire céleste ».

Ce précepte évangélique de la prière ininterrompue fut ainsi interprété par les canonistes du moyen âge : Semper orat, qui statutis horis psaltit [6]. Tout le peuple, en effet, prenait alors part, nuit et jour, au chant en commun des heures canoniques dans l’église.

La lecture est tirée du Livre de la Sagesse (IV, 7-14). La vieillesse doit se mesurer, non aux années, mais à la sagesse de l’âme qui, fuyant constamment le péché, est passée sans souillure au milieu de la fange du monde. C’est là un tel prodige de la grâce, que celui qui, docile, y coopère, montre la sagesse d’un vieillard, et, si jeune qu’il soit, il est déjà chargé de mérites plus que d’autres à la fin d’une longue vie. C’est pour cela que le Seigneur se plaît parfois à transplanter de telles fleurs au Paradis, afin que le serpent visqueux ne rampe pas jusqu’à elles et ne les empoisonne pas de sa bave infernale. — Celui qui est aimé du Ciel meurt jeune.

Le répons est tiré du psaume 41, comme celui du samedi saint, pour la descente au baptistère. Cependant le rédacteur moderne a procédé plus librement. « Comme le cerf aspire à la source de l’eau, ainsi mon âme est altérée de Dieu. Mon âme a soif du Dieu fort et vivant ».

Cette soif, dont brûle ici le Psalmiste, est causée par l’ardeur de l’amour que le Saint-Esprit allume dans le cœur des saints : quand ils ont une fois goûté Dieu, cet amour devient pour eux une passion, un incendie qui les consume. Ils ont alors du dégoût pour toutes les fausses joies du monde, et ils ne veulent plus rien, n’entendent plus rien, hormis Dieu.

Le verset alléluiatique est tiré du psaume 72 et reprend à peu près la pensée exprimée dans le précédent répons-graduel. « Ma chair et mon cœur défaillirent. Dieu de mon cœur, Dieu, ma part pour toujours ».

Voilà la raison intime de la mort précoce du Saint dont aujourd’hui nous célébrons la fête. Son corps fut trop faible pour supporter les ardeurs de son âme qui ressentait une accablante nostalgie de Dieu. Il succomba donc, et son âme délivrée s’envola vers celui pour qui il vivait.

Si cette fête tombe durant le cycle pascal, au lieu du répons et du verset, on dit les versets alléluiatiques suivants : Ps. 64 : « Bienheureux celui que vous choisissez et rapprochez de vos parvis ! ». « Il répandit ses largesses et donna aux pauvres ; sa bonne œuvre demeurera dans tous les siècles ».

L’élection divine appelant une âme à faire sa demeure dans les parvis de Dieu, peut désigner la vocation au saint état religieux, qui est la voie la plus facile, la plus sûre, la plus méritoire, la plus agréable au Seigneur et aux hommes, pour monter de cella ad cælum [7].

La lecture évangélique est semblable à celle de la fête de saint Raymond le 23 janvier. Il faut se tenir toujours dans l’attente du Seigneur, qui, selon l’image évangélique, vient la nuit, comme un voleur. De fait, saint François Caracciolo mourut en voyage à Agnone, dans la maison des Oratoriens dont il était l’hôte.

L’antienne pour l’offertoire : Iustus, est la même que pour la fête de saint François de Sales le 29 janvier.

La secrète fait allusion à la tendre dévotion du cher Saint envers la divine Eucharistie devant laquelle il passait en prières les longues heures de la nuit. « Faites, ô très clément Jésus, que commémorant aujourd’hui les glorieux mérites da bienheureux François, nous brûlions comme lui du feu de la charité, qui nous fasse nous asseoir autour de cette table sacrée avec les dispositions convenables ».

L’antienne pour la Communion est tirée du psaume 30. « Combien grande, Seigneur, est l’abondance de votre douceur, que vous avez réservée à ceux qui vous craignent ! »

Ainsi les saints, attirés par cette suavité, passent de la crainte à l’amour. Cette douceur, dit le Prophète, est cachée, parce que les joies de l’esprit sont de telle nature que seul celui qui les éprouve les comprend et les désire.

Voici la prière d’action de grâces, dans laquelle le rédacteur moderne a inutilement tenté de cacher l’insuffisance de sa pensée dans une phraséologie emphatique : « Que le souvenir et le fruit du sacrifice sacrosaint offert aujourd’hui à Votre Majesté pour la fête du bienheureux François, se conservent toujours pleins de fraîcheur dans notre âme ».

Non seulement l’Esprit Saint veut que nous travaillions, mais il nous dit : instanter operare quodcumque potest manus tua [8]. Et la raison en est, que notre vie est fort courte et que notre bagage pour l’éternité doit être très chargé, en sorte qu’il n’y a pas de temps à perdre. Ce fut sous cette impression salutaire que certains saints, comme saint Alphonse, firent le vœu de ne jamais perdre un instant.

Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique

« Dieu de mon cœur, ma part, mon Dieu pour toujours ».

1. Saint François. — Jour de mort : 4 juin 1608. Tombeau : à Naples, dans l’église Sainte-Marie Majeure. Image : On le représente avec une flèche et un ostensoir. Vie : Le saint est le fondateur des clercs réguliers mineurs. On l’appela plus tard « le vénérable père, le prédicateur de l’amour de Dieu ». Il contribua beaucoup à répandre la dévotion au Saint Sacrement et il introduisit dans son Institut « l’adoration nocturne ». Il avait une dévotion filiale pour la Sainte Vierge. Aider le prochain était une de ses plus grandes joies. Le Seigneur lui avait accordé le don de prophétie et la connaissance des esprits et des cœurs. Dans la quarante-quatrième année de son âge, au cours d’une cérémonie dans l’église de Lorette, il connut que sa fin était proche. Il se rendit immédiatement dans le couvent d’Agona, dans les Abruzzes. Il s’écria en rentrant : « C’est ici le lieu de mon repos ! » Peu de temps après, il fut saisi d’une fièvre mortelle. Il reçut les derniers sacrements avec la plus touchante piété et s’endormit doucement dans le Seigneur, le 4 juin 1608.

Pratique : L’Église loue dans ce saint surtout le zèle de la prière et l’esprit de pénitence. Elle nous propose aussi l’imitation de ces deux vertus : « Donne à tes serviteurs de faire de tels progrès dans son imitation qu’ils prient toujours et réduisent leurs corps en esclavage ». Ce n’est pas une chose facile que l’Église demande de nous. Mais elle nous donne des secours : l’exemple de notre saint et la sainte Eucharistie.

2. La messe. (Factum est). — La messe est riche en textes propres qui décrivent les vertus héroïques du saint, notamment son zèle dans la prière : « Mon cœur est comme une cire qui se fond au-dedans de moi, parce que le zèle de ta maison me dévore » (Intr.). « Comme le cerf soupire après les sources d’eau, mon âme a soif de toi, ô Dieu ». « Qu’il est grand le trésor de ta bonté que tu as caché pour ceux qui te craignent ! ». La leçon signale sa mort prématurée : « Arrivé en peu de temps à la perfection, il a fourni une longue carrière, car son âme était agréable à Dieu. C’est pourquoi le Seigneur s’est hâté de l’enlever du milieu de l’iniquité ». A l’Évangile, nous le voyons comme le « serviteur vigilant », les reins ceints de la ceinture de la mortification, et portant à la main la lampe de l’amour de Dieu.

[1] Homil. in canoniz.

[2] Homil. in canoniz.

[3] Sap. IV, 13.

[4] Psalm. LXVIII, 10.

[5] Johan. II, 17.

[6] Il prie toujours, celui qui psalmodie aux heures établies.

[7] De la cellule au ciel.

[8] Eccle. 9, 10 : Fais promptement tout ce que ta main pourra faire.