Le paralytique portant son lit forme le sujet de l’Évangile du jour, et donne son nom au dix-huitième Dimanche après la Pentecôte. On a pu remarquer que le rang d’inscription de ce Dimanche le place, au Missel, à la suite des Quatre-Temps d’automne. Nous ne discuterons pas, avec les liturgistes du moyen âge [1], la question de savoir s’il doit être considéré comme ayant pris la place du Dimanche vacant qui suivait toujours autrefois l’Ordination des ministres sacrés [2], en la manière que nous avons dite ailleurs [3]. De très anciens manuscrits, Sacramentaires et Lectionnaires, l’appellent de ce nom, sous la formule bien connue : Dominica vacat [4].
Il n’est pas non plus sans intérêt d’observer que la Messe de ce jour est la seule où soit interverti l’ordre des lectures tirées de saint Paul et formant le sujet des Épîtres, depuis le sixième Dimanche après la Pentecôte : la lettre aux Éphésiens, déjà en cours de lecture et qui sera continuée, s’interrompt aujourd’hui pour donner place au passage de la première Épître aux Corinthiens, dans lequel l’Apôtre rend grâces à Dieu de l’abondance des dons gratuits accordés à l’Église en Jésus-Christ. Or, les pouvoirs conférés par l’imposition des mains aux ministres de l’Église sont le don le plus merveilleux que connaissent la terre et le ciel même ; et d’un autre côté, les autres parties de cette Messe se rapportent très bien aussi, comme on le verra, aux prérogatives du sacerdoce nouveau.
La liturgie du présent Dimanche offre donc un intérêt spécial, quand il se rencontre au lendemain des Quatre-Temps de septembre. Mais cette rencontre est loin d’être régulière, aujourd’hui du moins ; nous ne saurions nous arrêter davantage sur ces considérations, sans entrer trop exclusivement dans le domaine de l’archéologie et dépasser les bornes qui nous sont imposées.
A LA MESSE.
L’introït des Messes dominicales, depuis la Pentecôte, avait toujours été tiré des Psaumes. Parcourant le Psautier du XIIe au CXVIIIe, l’Église, sans jamais revenir en arrière sur l’ordre d’inscription de ces chants sacrés, avait pu néanmoins choisir en eux l’expression qui convenait davantage aux sentiments qu’elle voulait formuler dans sa Liturgie. Désormais, sauf une fois encore où le livre par excellence de la louange divine sera de nouveau mis à contribution pour cet objet, c’est à divers autres livres de l’Ancien Testament que les Antiennes d’Introït seront empruntées. Aujourd’hui, Jésus fils de Sirach, l’auteur inspiré de l’Ecclésiastique, demande à Dieu de vérifier, par l’accomplissement de ce qu’ils ont annoncé, la fidélité des prophètes du Seigneur [5]. Les interprètes des oracles divins sont maintenant les pasteurs, que l’Église envoie prêcher en son nom la parole du salut et de la paix ; demandons, nous aussi, que jamais la parole ne soit vaine en leur bouche.
Le plus sûr moyen d’obtenir la grâce est toujours l’humble aveu de notre impuissance à plaire par nous-mêmes au Seigneur. L’Église continue de nous en donner d’admirables formules dans ses Collectes.
ÉPÎTRE
Le dernier avènement du Fils de Dieu n’est plus éloigné. L’approche du dénouement qui doit donner la pleine possession de l’Époux à l’Église redouble ses espérances ; mais le jugement final, qui doit consommer en même temps la réprobation d’un grand nombre de ses fils, joint chez elle la crainte au désir, et ces deux sentiments vont se faire jour plus souvent désormais dans la sainte Liturgie.
L’attente sans doute n’a point cessé d’être pour l’Église comme le fonds même de son existence. Séparée de l’Époux quant à la vision de ses charmes divins, elle n’eût fait depuis sa naissance que soupirer dans la vallée de l’exil, si l’amour qui la pousse ne l’eût pressée de se dépenser, sans retour sur elle-même, pour celui à qui allait tout son cœur. Sans compter donc, elle s’est donnée par le travail, la souffrance, la prière et les larmes. Mais son dévouement, tout généreux qu’il fût, ne lui a point fait oublier l’espérance. Un amour sans désir n’est point la vertu de l’Église ; elle le condamne, dans ses fils, comme une injure à l’Époux.
Si légitimes et si véhémentes à la fois étaient dès l’origine ses aspirations, que l’éternelle Sagesse voulut ménager l’Épouse, en lui cachant la durée de l’exil. L’heure de son retour est le seul point sur lequel Jésus, interrogé par les Apôtres, ait refusé de renseigner son Église [6]. Un tel secret entrait dans les vues générales du gouvernement divin sur le monde ; mais c’était aussi, de la part de l’Homme-Dieu, compassion et tendresse : l’épreuve eût été trop cruelle ; et mieux valait laisser l’Église à la pensée, véritable d’ailleurs, de la proximité de la fin devant Dieu, pour qui mille ans sont comme un jour [7]. C’est ce qui nous explique la complaisance avec laquelle les Apôtres, interprètes des aspirations de la sainte Église, reviennent sans cesse, dans leurs paroles, sur l’affirmation de l’avènement prochain du Seigneur. Le chrétien, saint Paul vient de nous le dire jusqu’à deux fois en une même phrase, est celui qui attend la manifestation de notre Seigneur Jésus-Christ au jour qu’il viendra. Appliquant au second avènement, dans sa lettre aux Hébreux, les soupirs enflammés des Prophètes aspirant au premier [8] : Encore un peu, un très peu de temps, dit-il, et celui qui doit venir viendra, et il ne tardera point [9]. C’est qu’en effet, sous la nouvelle comme dans l’ancienne alliance, l’Homme-Dieu s’appelle, en raison de sa manifestation finale attendue, celui qui vient [10], celui qui doit venir [11]. Le cri qui terminera l’histoire du monde sera l’annonce de son arrivée : Voici l’époux qui vient [12] !
« Ceignant donc spirituellement vos reins, dit saint Pierre à son tour, pensez à la gloire du jour où se révélera le Seigneur ; attendez-le, espérez-le d’une parfaite espérance [13]. » Le Vicaire de l’Homme-Dieu prévoyait cependant le parti que les docteurs de mensonge allaient tirer d’une attente si longtemps prolongée. « Où donc est la promesse ? devaient-ils dire ; à quand son arrivée ? Nos pères se sont endormis du grand sommeil, et toutes choses demeurent comme au commencement [14] ». Or le chef du collège apostolique reprenait par avance, contre eux, la réponse que Paul son frère [15] avait déjà faite [16] : « Ce n’est point, comme quelques-uns pensent, que le Seigneur retarde sa promesse ; mais il agit ainsi dans sa patience, à cause de vous, ne voulant pas, s’il était possible, qu’aucun pérît, mais que tous revinssent à lui par la pénitence. Le jour du Seigneur n’en arrivera pas moins comme un voleur, et alors, dans une effroyable tempête, les cieux passeront, les éléments se dissoudront embrasés, la terre et ses ouvrages seront consumés. Puis donc que tout cela doit périr, quels ne devez-vous pas être par la sainteté de votre vie et vos œuvres pieuses, attendant, hâtant de vos désirs l’arrivée de ce jour du Seigneur où le feu dissoudra les éléments et les cieux ? Car nous attendons, selon sa promesse, de nouveaux cieux et une nouvelle terre où habite la justice. C’est pourquoi, mes bien-aimés, faites en sorte que le Seigneur, quand il viendra, vous trouve dans la paix, sans reproche et sans tache [17]... Instruits ainsi de toutes choses à l’avance, veillez sur vous, de peur que, vous laissant emporter aux égarements des insensés, vous ne tombiez de l’état si ferme qui est aujourd’hui le vôtre [18]. »
Si, en effet, le péril doit être grand dans ces derniers jours où les vertus des cieux seront ébranlées [19], le Seigneur, ainsi que le dit notre Épître, a pris soin de confirmer en nous son témoignage, d’affermir notre foi par les multiples manifestations de sa puissance. Et comme pour vérifier cette autre parole de la même Épître, qu’il confirmera de la sorte jusqu’à la fin ceux qui croient en lui, ses prodiges redoublent en nos temps précurseurs de la fin. Partout le miracle s’affirme à la face du monde ; les mille voix de la publicité moderne en portent les échos jusqu’aux extrémités de la terre. Au nom de Jésus, au nom de ses Saints, au nom surtout de sa Mère immaculée qui prépare le dernier triomphe de l’Église, les aveugles voient, les boiteux marchent, les sourds entendent, les maux du corps et de l’âme perdent soudain leur empire. La manifestation de la puissance surnaturelle est devenue si intense, que les services publics, hostiles ou non, doivent en tenir compte ; le tracé des voies ferrées elles-mêmes se plie à la nécessité de porter les peuples aux lieux bénis où Marie s’est montrée. La terre catholique n’est point la seule où éclate le divin pouvoir. Naguère encore, au cœur de l’infidélité musulmane, n’a-t-on pas vu la ville des sultans tressaillir au bruit des merveilles accomplies par la Reine du ciel en ses murs ? L’eau de sa fontaine miraculeuse a pénétré jusqu’en cette cité de la Mecque ouest fixé le tombeau du fondateur de l’Islam, et dans laquelle jadis un chrétien ne pouvait entrer sans mourir.
L’impie a beau dire en son cœur : Il n’y a point de Dieu [20] ! S’il n’entend pas le témoignage divin, c’est que la corruption ou l’orgueil prévaut chez lui sur l’intelligence, comme autrefois sur l’intelligence des ennemis de Jésus durant les jours de sa vie mortelle. Pareil est-il à l’aspic du Psaume [21], qui se rend sourd ; il se bouche les oreilles, pour ne point ouïr la voix de l’enchanteur divin qui veut nous sauver. Sa conduite n’est que rage [22] et folie [23] ; il aura bien mérité la vengeance.
Ne l’imitons point ; mais, avec l’Apôtre, remercions Dieu pour la profusion miséricordieuse dont il fait preuve envers nous. Jamais ses dons gratuits ne furent plus nécessaires qu’en nos temps misérables. Il ne s’agit plus sans doute, chez nous, de promulguer l’Évangile ; mais les efforts de l’enfer sont devenus tels contre lui, qu’il ne faut rien moins, pour le soutenir, qu’un déploiement de la vertu d’en haut pareil, en quelque chose, à celui dont l’histoire des origines de l’Église nous retrace le tableau. Demandons au Seigneur des hommes puissants en paroles et en œuvres. Obtenons que l’imposition des mains produise plus que jamais, dans les élus du sacerdoce, son plein résultat ; qu’elle les fasse riches en toutes choses, et spécialement dans la parole et dans la science. Que nos jours, où tout s’éteint, voient du moins la lumière du salut briller vive et pure par les soins des guides du troupeau du Christ. Puissent les compromis et les lâchetés de générations où tout s’étiole et s’amoindrit, ne jamais amener ces nouveaux christs à décroître eux-mêmes, ni à laisser tronquer en leurs mains la mesure de l’homme parfait [24] qui leur fut confiée pour l’appliquer, jusqu’à la fin, atout chrétien soucieux d’observer l’Évangile ! Puisse leur voix, en dépit des vaines menaces, et dominant toujours le tumulte des passions déchaînées, retentir partout aussi ferme et vibrante qu’il convient à l’écho du Verbe !
L’Église reprend au Graduel le Verset de l’Introït, pour chanter encore la joie du peuple chrétien à l’annonce de son entrée prochaine dans la maison du Seigneur. Cette maison est le ciel où nous entrerons, au dernier jour, à la suite de Jésus triomphant ; c’est aussi le temple où s’offre ici-bas le Sacrifice, et dans lequel nous introduisent les représentants de l’Homme-Dieu, dépositaires de son sacerdoce.
ÉVANGILE.
Au XIIe siècle, dans plusieurs Églises d’Occident, on lisait aujourd’hui, comme Évangile, le passage du livre sacré où Jésus parle des Scribes et des Pharisiens assis sur la chaire de Moïse [25]. L’Abbé Rupert, qui nous fait connaître cette particularité dans son livre Des divins Offices, rapproche heureusement cet ancien Évangile et l’Antienne de l’Offertoire toujours en usage, où il est aussi question de Moïse. « L’Office de ce Dimanche, dit-il, montre éloquemment à celui qui préside dans la maison du Seigneur et qui a reçu la charge des âmes, la manière dont il doit se comporter dans le rang supérieur où l’a placé la vocation divine. Qu’il ne ressemble pas à ces hommes assis indignement sur la chaire de Moïse ; mais qu’il soit comme Moïse lui-même, lequel présente dans l’Offertoire et ses Versets un beau modèle aux chefs de l’Église. Les pasteurs des âmes ne doivent pas ignorer, en effet, pour quelle cause ils occupent un lieu plus élevé : à savoir, non tant pour gouverner que pour servir [26]. » L’Homme-Dieu disait des docteurs juifs : Ce qu’ils disent, faites-le ; ce qu’ils font, gardez-vous de le faire ; car ils disent bien ce qu’il faut faire, mais ne font rien de ce qu’ils disent. A l’encontre de ces indignes dépositaires de la Loi, ceux qui sont assis dans la chaire de la doctrine « doivent enseigner et agir conformément à leur enseignement, dit Rupert ; ou plutôt, qu’ils fassent d’abord ce qu’il convient de faire, afin de l’enseigner ensuite avec autorité ; qu’ils ne recherchent pas les honneurs et les titres, mais tendent à cet unique but de porter sur eux mêmes les péchés du peuple, et de parvenir à détourner de ceux qui leur sont soumis la colère de Dieu, comme fit Moïse, ainsi que le dit l’Offertoire [27]. »
L’Évangile des Scribes et des Pharisiens établis sur la chaire de Moïse a été réservé, depuis, pour le mardi de la deuxième semaine de Carême. Mais celui qui est maintenant partout en usage, n’éloigne point nos pensées de la considération des pouvoirs suréminents du sacerdoce, qui sont le bien commun de l’humanité régénérée. Les fidèles dont l’attention, en ce jour, était autrefois attirée sur le droit d’enseigner confié aux pasteurs, méditent maintenant sur la prérogative qu’ont ces mêmes hommes de pardonner les péchés et de guérir les âmes. De même qu’une conduite en contradiction avec leur enseignement n’enlèverait rien à l’autorité de la chaire sacrée, d’où ils dispensent pour l’Église et en son nom le pain de la doctrine à ses fils, l’indignité de leur âme sacerdotale ne diminuerait pas non plus, dans leurs mains, la puissance des clefs augustes qui ouvrent le ciel et ferment l’enfer. Car, c’est le Fils de l’homme, c’est Jésus qui par eux, indignes ou non, relève de leurs fautes les hommes ses frères et ses créatures, dont il a pris sur lui les misères et racheté les crimes dans son sang [28].
L’épisode de la guérison du paralytique, qui fut pour Jésus l’occasion d’affirmer son pouvoir de remettre les péchés en tant que fils de l’homme, a toujours été particulièrement cher à l’Église. Outre le récit que nous en fait aujourd’hui saint Matthieu, elle a placé la narration qu’en donne aussi saint Luc [29] au vendredi des Quatre-Temps de la Pentecôte. Les fresques des catacombes, parvenues jusqu’à nous, attestent encore la prédilection qu’elle inspira pour ce sujet aux artistes chrétiens du premier âge. C’est qu’en effet, dès l’origine du christianisme, on vit l’hérésie dénier à l’Église le pouvoir de pardonner au nom de Dieu, qu’elle tient de son divin Chef ; c’était condamner irrémissiblement à la mort un nombre incalculable de chrétiens, malheureusement tombés après leur baptême, et que guérit le sacrement de Pénitence. Or quel trésor une mère peut-elle défendre avec plus d’énergie, que le remède auquel la vie de ses enfants est attachée ? L’Église donc frappa de ses anathèmes et chassa de son sein ces Pharisiens de la loi nouvelle, qui, comme leurs pères du judaïsme, méconnaissaient la miséricorde infinie et l’étendue du grand mystère de la Rédemption. Elle-même, comme Jésus sous les yeux des scribes ses contradicteurs, avait produit, en garantie de ses affirmations, un miracle visible à la face des sectaires, sans arriver plus que l’Homme-Dieu à les convaincre de la réalité du miracle de grâce opéré invisiblement par ses paroles de rémission et de pardon. La guérison extérieure du paralytique fut tout ensemble, en effet, l’image et la preuve de la guérison de son âme réduite auparavant à l’impuissance ; mais lui-même représentait un bien autre malade : le genre humain, gisant immobile en son péché depuis des siècles. L’Homme-Dieu avait déjà quitté la terre, quand la foi des Apôtres opéra ce premier prodige de transporter aux pieds de l’Église le monde vieilli dans son infirmité. L’Église donc, voyant le genre humain docile à l’impulsion des messagers du ciel et partageant déjà leur foi, avait retrouvé pour lui dans son cœur de mère la parole de l’Époux : Mon fils, aie confiance, tes péchés sont remis. Soudain, aux yeux étonnés de la philosophie sceptique, et confondant la rage de l’enfer, le monde s’était levé ostensiblement de sa couche ignominieuse ; montrant bien que ses forces lui étaient rendues, on l’avait vu charger sur ses épaules, par le travail de la pénitence et de la répression des passions, le lit de ses langueurs et de son impuissance, où l’avaient retenu si longtemps l’orgueil, la chair et la cupidité. Depuis lors, fidèle à la parole du Seigneur qui lui a été répétée par l’Église, il est en marche pour retourner dans sa maison, le paradis, où l’attendent les joies fécondes de l’éternité ! Et la multitude des cohortes angéliques, voyant sur la terre un pareil spectacle de rénovation et de sainteté [30], est saisie de stupeur, et elle glorifie Dieu qui a donné aux hommes une telle puissance.
Nous aussi, rendons grâces à l’Époux dont la dot merveilleuse, qui est son sang versé pour l’Épouse, suffit jusqu’à la fin à solder les droits de la justice éternelle. Dans les jours de la Pâque, nous avons contemplé l’Homme-Dieu établissant le sacrement précieux qui rend ainsi, en un instant, vie et forces au pécheur [31]. Mais combien sa vertu n’apparaît-elle pas plus merveilleuse encore, en nos temps d’affaissement et de ruine universelle ! L’iniquité abonde, les crimes se multiplient ; et toujours la piscine réparatrice, alimentée par les flots qui s’échappent du côté de Jésus entr’ouvert, absorbe et dissout, quand on le veut, sans laisser trace aucune, ces montagnes de péchés, ces hideux trésors de l’enfer entassés durant toute une vie par la complicité du démon, du monde et de l’homme même !
L’Offertoire rappelle l’autel figuratif dressé par Moïse pour recevoir les oblations de la loi d’attente, qui annonçaient le grand Sacrifice préparé en ce moment sous nos yeux. Nous donnons, à la suite de l’Antienne, les Versets autrefois en usage. Moïse y apparaît véritablement comme le type de ces prophètes fidèles que nous saluions dans l’Introït, comme le modèle de ces vrais chefs du peuple de Dieu qui se dévouent pour obtenir à ceux qu’ils conduisent la miséricorde et la paix [32]. Dieu lutte avec eux, et se laisse vaincre ; en retour de leur fidélité, il les admet aux plus inRup. ubi supra.times manifestations de sa lumière et de son amour. Le premier Verset nous montre le Prêtre dans sa vie publique d’intercession et de dévouement pour les autres ; le second nous révèle sa vie privée, dont la contemplation est l’aliment. On ne s’étonnera pas de la longueur de ces Versets ; leur exécution par le chœur des chantres dépasserait de beaucoup aujourd’hui le temps de l’offrande de l’hostie et du calice ; mais il faut se souvenir qu’autrefois toute l’assemblée prenait part à l’oblation du pain et du vin nécessaires au Sacrifice. De même les quelques lignes auxquelles se réduit maintenant la Communion, n’étaient que l’Antienne d’un psaume désigné pour chaque jour dans les anciens Antiphonaires : c’était celui-là même d’où cette Antienne était tirée, à moins qu’étant prise de quelque autre livre de l’Écriture, on ne revînt alors au psaume d’Introït ; on chantait ce psaume en reprenant l’Antienne après chacun des Versets, tout le temps que durait la participation commune au banquet sacré.
Moïse consacra un autel au Seigneur, offrant sur lui des holocaustes et immolant des victimes ; il * accomplit le sacrifice du soir, odeur très suave pour le Seigneur Dieu, en présence des fils d’Israël.
V/. I. Le Seigneur parla à Moïse, disant : Monte vers moi sur la montagne de Sina, et tu te tiendras debout sur son sommet. Moïse se levant monta sur la montagne où Dieu lui avait donné rendez-vous ; et le Seigneur descendit vers lui dans une nuée, et il se tint devant sa face. Moïse, à sa vue, se prosterna et adora, disant : Je vous en prie, Seigneur, pardonne les péchés de votre peuple. Et le Seigneur lui dit : Je ferai selon ta parole.
Alors Moïse * accomplit le sacrifice du soir.
V/. II. Moïse pria le Seigneur, et dit : Si j’ai trouvé grâce devant vous, montrez-vous à moi à découvert, pour que je puisse vous contempler. Et le Seigneur lui parla en ces termes : Aucun homme, s’il me voit, ne pourra vivre ; mais tiens-toi sur le haut du rocher : ma main droite te couvrira pendant que je passerai ; et lorsque je serai passé, j’enlèverai ma main, et alors tu verras ma gloire, quoique ma face ne te soit pas montrée ; car je suis le Dieu qui manifeste sur la terre des choses admirables.
Alors Moïse * accomplit.
La sublime éloquence de la Secrète dépasse tout commentaire. Pénétrons-nous de la grandeur des enseignements si admirablement résumés en quelques mots ; comprenons que notre vie et nos mœurs ne doivent être rien moins que divines, pour répondre aux mystères qui sont révélés à notre intelligence et s’incorporent à nous dans le commerce auguste du Sacrifice.
L’Antienne de la Communion s’adresse aux Prêtres, et en même temps à nous tous ; car si le Prêtre offre la victime sainte entre toutes, nous ne devons nous présenter avec lui dans les parvis du Seigneur qu’en apportant, pour la joindre à la divine hostie, cette autre victime qui est nous-mêmes, selon la parole du Seigneur : Vous n’apparaîtrez point devant moi les mains vides [33].
En rendant grâces dans la Postcommunion pour le don sans prix des Mystères, obtenons du Seigneur qu’il achève de nous en rendre dignes.
Selon le rit romain, après la veillée à Saint-Pierre ce jour devrait être aliturgique (vacat). De fait, la messe d’aujourd’hui, avec l’épître aux Corinthiens qui rompt la série des lectures tirées de l’épître aux Éphésiens, révèle de suite son caractère d’addition postérieure. Cette interpolation est toutefois assez ancienne, puisque Paul Diacre la mentionne déjà. La raison en est simple : hors de Rome, dans les nombreux monastères spécialement, la vigile dominicale du samedi des Quatre-Temps n’avait pas lieu, ou était célébrée selon un rit tout à fait différent du rit papal. A Rome, cette vigile se terminait toujours par la messe, qui représentait le véritable sacrifice dominical ; là où, au contraire, cette vigile de l’ancien type romain n’était pas en usage, le peuple ne pouvait passer le dimanche sans la célébration de la messe ; aussi la dominica vacat des Sacramentaires romains ne tarda pas à avoir, hors de Rome, son propre formulaire liturgique.
Au lieu d’être tiré du Psautier, l’introït est emprunté à l’Ecclésiastique (36, 18) et commence ainsi un cycle d’antiphonie tout à fait spéciale et propre à ces derniers dimanches après la Pentecôte. « Faites, ô Seigneur, que ceux qui attendent votre secours ne soient pas déçus dans leur espérance, mais obtiennent au contraire cette récompense qu’ont promise vos Prophètes. Écoutez donc les prières de votre serviteur, et avec les siennes, recevez celles de tout votre peuple d’Israël. ». Les Prophètes nous ont promis l’aide de Dieu, mais il faut bien entendre la valeur spirituelle de leur message, pour ne pas le matérialiser à la manière des Juifs et des anciens millénaristes. C’est pourquoi saint Augustin disait à ses fidèles : Ne vous promettez pas ce que l’Évangile ne vous promet pas non plus. Dieu n’a pas garanti la vie corporelle et les biens de cette terre même à son Fils et aux Apôtres. Il est donc vain d’attendre de Dieu sans condition cette sorte de biens matériels qu’il ne nous accorde que s’ils concourent au salut de l’âme. Ce salut de l’âme au moyen de la grâce forme l’objet de notre espérance, laquelle doit être ferme, solidement appuyée sur la bonté de Dieu.
La collecte supplie la divine bonté de vouloir bien diriger par sa grâce les mouvements de notre libre arbitre, puisque ainsi seulement nos actions pourront être agréables à Dieu et mériter la récompense éternelle. C’est là un argument qui, bien considéré, doit affermir l’âme dans la sainte humilité. Tout ce que nous faisons de bien est l’œuvre de la grâce, est un don reçu d’En-Haut. Si autem accepisti, écrit l’Apôtre — quia gloriaris, quasi non acceperis [34] ?
Dans le passage de l’Épître aux Corinthiens (I, 1, 4-8) l’Apôtre rend de vives actions de grâces à Dieu pour la large effusion de ses charismes sur l’église de Corinthe, expliquant que la vraie manière de s’enrichir spirituellement consiste à unir toutes nos paroles, nos œuvres et nos intentions à celles de Jésus, en sorte que sa vie se manifeste et se prolonge pour ainsi dire dans la nôtre.
Le graduel, tiré du psaume 121, est commun au quatrième dimanche de Carême, mais aujourd’hui il est appelé par l’antienne d’introït, où la paix est également invoquée. Le Psalmiste, après les angoisses de l’exil de Babylone, se réjouit finalement à cette annonce inattendue qu’avec son peuple il pourra de nouveau franchir le seuil sacré du temple de Yahweh sur le mont Sion. La colère et la justice de Dieu ont dispersé Israël par l’épée, l’incendie, la guerre et la servitude ; mais cette vengeance divine ne peut jamais être séparée d’une ineffable miséricorde. Que Dieu restaure donc lui-même les ruines qu’il a accumulées dans sa citadelle de Jérusalem, et que la disette des années passées soit oubliée grâce à l’abondance de tout bien à l’intérieur de l’enceinte fortifiée de la capitale de la théocratie judaïque.
Tout cela est évidemment élevé à un sens spirituel. La paix dont il est question ici constitue comme l’atmosphère de la Jérusalem céleste où Dieu même, bien suprême, comblera tout notre désir et nous établira dans une paix imperturbable.
Le verset alléluiatique est tiré du psaume 101 et prophétise la transcendance de la Nouvelle Alliance, à laquelle adhéreront tous les Gentils avec leurs rois. Contre le régionalisme intransigeant des judaïsants de la première heure, que Paul rencontrait constamment sur sa route, il est intéressant de constater l’importance assumée dans la prédication prophétique par l’internationalisation de la Religion messianique.
La lecture évangélique de saint Matthieu (9, 1-8) raconte la guérison du paralytique. Le péché étant une dette contractée envers la justice divine, ne peut être pardonné que par Dieu ; aussi la puissance de remettre les péchés, concédée par Jésus à l’Église, est-elle une preuve de sa divinité. Le dernier verset de la lecture de ce jour, avec les foules glorifiant Dieu qui a donné aux hommes une telle puissance, peut être entendu comme un jugement subjectif du peuple, lequel n’avait pas encore compris la divinité de Jésus.
Mais cette phrase cache un sens plus mystérieux. En Jésus, la divinité opérait les miracles au moyen de son humanité ; aussi le texte sacré veut-il ici nous insinuer la vérité de l’humanité du Sauveur unie hypostatiquement au Verbe, duquel provient une si grande puissance et la valeur infinie de la rédemption. De plus le récit évangélique de la rémission des péchés au paralytique a une valeur non seulement historique mais aussi symbolique et prophétique. Cette puissance d’effacer les péchés devait être communiquée aux hommes, c’est-à-dire aux Apôtres et à leurs successeurs dans le sacerdoce. Le Saint-Esprit élargit donc l’horizon de la scène évangélique, et c’est pourquoi les foules se réjouissent sans plus de ce que les hommes ont eux aussi reçu du ciel cette autorité éminemment divine.
L’antienne pour l’offertoire est composée de divers passages empruntés au chapitre 24e de l’Exode et traite du sacrifice solennel par lequel Moïse sanctionna dans le sang des victimes l’alliance entre Yahweh et Israël. Il est regrettable que dans le Missel romain ce splendide offertoire soit réduit au seul verset initial. Dans les anciens antiphonaires la composition s’élève à la magnificence d’un vrai drame liturgique. Le Législateur, sur l’invitation de Yahweh, monte sur la cime du Sinaï et, prosterné devant la majesté de Dieu, intercède pour le peuple apostat, implorant son pardon. Le Seigneur lui répond : « Je ferai selon ta parole. » Alors Moïse, prenant courage, le prie de lui manifester sa gloire. « Personne, répond Yahweh, n’a pu supporter ma splendeur et demeurer en vie. Monte pourtant sur cette roche ; à mon passage ma main t’abritera pour que ma gloire ne t’éblouisse pas. Quand je serai passé, alors je retirerai ma main et tu pourras voir derrière les épaules le reflet de ma gloire » (Ex., 33, 13-23).
Ce récit, revêtu de splendides mélodies dans l’Antiphonaire grégorien, a un sens très profond. La vision de l’Essence divine n’appartient pas à l’état de simples voyageurs, et probablement, comme le pensent les Docteurs, ne fut jamais accordée à personne durant cette vie, mais fut le privilège du Christ seul. Notre nature mortelle n’est pas adaptée à cet état qui comporterait la possession actuelle et inamissible du Souverain Bien. Cependant la foi nous vient en aide ; elle voile pour ainsi dire la face de Dieu, en sorte que les rayons de sa gloire illuminent notre route sans nous éblouir et sans nous ôter le mérite de la vertu, qui suppose la liberté de l’arbitre humain.
La secrète rappelle d’abord que le divin Sacrifice nous met en relations si intimes avec la divinité que, tandis que nous lui offrons nos présents, celle-ci, à son tour, se donne elle-même à nous en échange. Cet état si sublime, auquel nous initie la foi, exige une fidèle correspondance de notre part, aussi supplions-nous aujourd’hui la divine clémence de nous accorder d’exprimer par nos œuvres cette dignité de fils de Dieu participant à la nature divine, dont le Sacrement nous est le gage. Alors la vérité sera en nous pleine et entière, quand, à l’image du Verbe de Dieu, nous exprimerons nous aussi la bonté et la beauté du Père.
L’antienne pour la distribution des saints Mystères est empruntée au psaume 95. « Allons ! prenez les oblations et franchissez le seuil de Dieu ; adorez-le dans son saint temple. » Dans l’Ancienne Alliance, c’était le peuple qui portait à Dieu les dons dans le temple. Dans la Nouvelle, c’est Dieu au contraire qui se donne à son peuple.
Dans la collecte d’action de grâces, après avoir payé à Dieu le tribut de notre reconnaissance pour le Sacrement que nous avons reçu, nous le supplions de nous rendre de plus en plus dignes d’y participer.
Une Communion bien faite, selon la doctrine des Saints, est la meilleure préparation à la Communion suivante, puisque le divin Sacrement est d’autant plus profitable que l’âme est mieux disposée à s’unir à Jésus. Or, pour obtenir ces heureuses dispositions, quel moyen est plus efficace que la Communion elle-même, dans laquelle Jésus met en commun avec l’âme les trésors de sa Passion et les ineffables battements d’amour de son Sacré-Cœur ?
Dieu observe un ordre merveilleux dans la distribution de ses grâces, aussi dans nos besoins ne faut-il pas nous lasser de prier et d’attendre patiemment l’heure des miséricordes divines. Il est vrai que dans la sainte Écriture Dieu a promis d’exaucer les prières des humbles ; mais une grâce hors de propos ne serait plus une grâce ; aussi, si parfois le Seigneur retarde son secours, c’est ’peur le rendre plus doux, plus efficace, plus utile. Telle est la signification profonde qui est cachée dans l’invocation de l’introït de ce jour et en ces autres paroles d’Isaïe : Qui crediderit, non festinet.
Entre dans ta demeure céleste.
1. La messe (Da pacem). – La messe de ce dimanche s’écarte en partie du cycle des dimanches après la Pentecôte. Le dimanche suivant les Quatre-Temps de septembre était, dans l’église primitive, un jour dépourvu d’office liturgique, car le service divin du samedi des Quatre-Temps se continuait pendant toute la nuit jusqu’aux premières heures du matin. Lorsque, plus tard, l’office de nuit fut avancé au samedi matin, on intercala parmi les messes du temps notre messe, qui était peut-être primitivement une messe de dédicace. Ce qui est sûr, c’est que, dans cette messe, le thème de la parousie se trouve fortement marqué. Pour la comprendre, il faut se rappeler que l’Église représente aujourd’hui la Jérusalem céleste. C’est pourquoi le chant fondamental de la messe est le “cantique de Sion”, le psaume 121 : “De quelle joie mon cœur a tressailli à cette annonce : nous allons dans la maison de Dieu !”.
Introït : Nous sortons du monde de la lutte, du tumulte et des persécutions, pour entrer dans la paix du sanctuaire et nous écrier : “Donnez-nous la paix, Seigneur, à nous qui vous attendons avec impatience.” Que signifient ces paroles ? Mon Dieu, donnez-nous la béatitude éternelle après laquelle nous soupirons, afin que soient réalisées les prophéties qui ont dépeint votre retour sous de si éclatantes couleurs. L’entrée du clergé est l’image de notre entrée au ciel, d’où le psaume 121 tout entier : Nous faisons avec joie notre entrée au ciel.
Oraison : Connaissant notre impuissance, nous faisons appel à la “puissance de la miséricorde divine” (c’est la messe).
A l’Épître (elle s’écarte, elle aussi, du cycle ; tandis que nous lisons, au XVIe et au XVIIe dimanches, l’Épître aux Éphésiens, nous avons aujourd’hui un passage de la première aux Corinthiens), notre mère la sainte Église se tient devant nous : l’année liturgique touche à sa fin ; elle jette maintenant un regard en arrière : elle remercie en notre nom pour tant de grâces reçues. Que nous sommes riches, nous, les enfants de Dieu ; une seule grâce nous a-t-elle manqué ? Aujourd’hui encore, le Christ nous “fortifiera jusqu’au bout” (dans la messe). L’Église présume que nous “attendons la révélation (le retour) de Notre-Seigneur Jésus-Christ”, et que c’est là notre plus grande préoccupation, de paraître “sans faute et sans châtiment au jour de la venue de Jésus-Christ” ; l’Église nous a fait porter ainsi un double regard : un regard en arrière – action de grâces, examen de conscience ; un regard en avant – le retour du Seigneur. La pensée de la “venue” du Christ nous fait faire de nouveau un pèlerinage en esprit dans la céleste “maison de Dieu”, où régneront “paix et bonheur” (Graduel).
Maintenant, l’Alléluia nous présente la vision du jugement dernier où le Christ, entouré de rois et de païens, apparaîtra dans sa “majesté”.
A l’Évangile, nous voyons le paralytique devant le Christ qui prouve, par le miracle, qu’il “a puissance de pardonner sur terre les péchés”. Mais ce paralytique est notre image ; à nous aussi appartient une semblable guérison : comme ce malade, nous fûmes jadis paralysés dans notre âme ; mais le Seigneur nous a guéris. Ce fut notre baptême. Chaque dimanche, celui-ci comme les autres, rappelle la grâce du baptême et veut lui donner son épanouissement et sa maturité. La messe d’aujourd’hui est donc en premier lieu un prolongement du baptême. Nous sommes encore bien paralysés dans notre âme : le monde, le moi, les bas instincts de la nature sont comme un poids de plomb qui tient notre âme abattue sur le sol, ce qui fait que nous pouvons si difficilement nous relever. Le Christ a institué l’Eucharistie pour nous donner sans cesse de nouvelles forces et pour guérir la paralysie de notre âme. L’Eucharistie doit nous tenir prêts à partir pour notre patrie céleste. Ainsi l’Evangile unit le passé (le baptême), le présent (l’Eucharistie) et l’avenir (le second avènement). Au jugement dernier, se réalisera pleinement pour nous la parole du Christ : “Il se leva (surrexit) et partit dans sa demeure (céleste)”.
La Secrète exprime une profonde pensée : Dieu nous fait, par le saint “commerce” qui se réalise au Saint-Sacrifice, participants de la divinité suprême (le commerce consiste en ce que Dieu se fait homme, grâce à quoi nous sommes divinisés) ; nous demandons non seulement de garder la foi, mais de vivre, conformément à cette foi, une vie de “dignes mœurs”. La Communion est à proprement parler pour les fidèles une invitation à l’offrande : “Apportez vos dons et entrez dans ses parvis” ; toutefois, l’Église primitive donnait vraisemblablement aux mots latins leur sens textuels : Tollite hostias – allez chercher les hosties et entrez... C’est en même temps une invitation à entrer dans les sacrés parvis du ciel et à y adorer le Seigneur. Le chant grégorien fait, à “adorate Dominum”, une chute tonique tout à fait expressive et, à “in aula sancta eius ”, nous perd pour ainsi dire dans l’éternité par un neume phrygien qui se prolonge indéfiniment. La Postcommunion comporte aujourd’hui exceptionnellement une action de grâces pour le don sacré reçu.
2. L’Offertoire. – Le chant de l’Offertoire est particulièrement beau et tout pénétré de l’attente de la parousie, du moins dans son entier développement (voir plus haut, le texte complet dans le commentaire de Dom Guéranger)
Moïse offrit un « sacrifice vespéral » pour les péchés du peuple ; c’est l’image du sacrifice expiatoire du Christ sur la croix et à la messe. Ensuite Moïse exprima le désir de contempler la face de Dieu ; le Seigneur refusa tout d’abord d’exaucer cette prière, en disant qu’aucun vivant ne peut voir Dieu. Mais Moïse ne cessa pas de prier et Dieu lui accorda de le voir tandis qu’il tenait ses yeux couverts et se présentait à lui de dos. Par ces mots, la liturgie nous montre dans la messe une anticipation du retour du Seigneur, une apparition voilée du Christ. A la messe, le Seigneur « apparaît » ; il apparaît comme il viendra au jugement dernier, mais en réalité sous un voile. Voici la différence : là, sa venue signifiera « l’éternelle jouissance de sa divinité Il ; ici, sa venue est un passage du Seigneur. Actuellement, le Seigneur pose mystérieusement sa main sur nous jusqu’à ce qu’il ait passé. Nous voyons son « dos », tandis que son « visage demeure invisible ».
3. Le symbolisme de la préparation du trône. Les mosaïques et les sculptures des premiers temps de l’Église présentent une très curieuse image : Nous voyons un trône sur lequel personne n’est assis, mais où sont placés quelques insignes ; donc un trône préparé pour quelqu’un qui doit y prendre place. On nommait cette image : Hétoimasie, puis, plus tard, en adoucissant l’accent : Étimasie, c’est-à-dire préparation du trône. C’était le symbole du retour du Seigneur, de la parousie du Christ ; c’était l’expression imagée de l’attente et des désirs des chrétiens au sujet du retour du Seigneur Dieu. Les anciens chrétiens lui ont, pour ainsi dire, préparé le trône sur lequel il doit s’asseoir au jour de sa venue, et ont placé sur le trône les signes de sa souveraineté.
Nous ne possédons, de l’ancien temps, qu’une seule image sur laquelle le trône figure avec les quatre insignes de la souveraineté (l’expression : « Insignia Christi » se lit sur une inscription de l’église Saint Chrysogone, à Rome, qui remonte au IVe siècle environ. A Sainte-Marie Majeure de Rome, elle se trouve sur une mosaïque de Sixte III 432-440). Ces insignes sont : la croix triomphale qui est dressée sur le trône, le rouleau des Saintes Écritures, la couronne et le manteau royal de pourpre qui est déployé sur le siège du trône. La signification de ces insignes de la dignité royale du Christ ne réclame aucune explication. Le groupe des insignes du Christ se retrouve, avec des différences plus ou moins considérables, sur d’autres images, sans cependant y figurer au complet ; il en manque toujours l’un ou l’autre. Particulièrement intéressants sont les trônes représentés dans les deux baptistères de Ravenne (Ve siècle) : Dans le plus ancien baptistère, catholique, se trouve, au centre de la voûte, une mosaïque représentant le baptême du Christ ; tout autour, un second tableau : les douze Apôtres s’avançant avec leurs couronnes ; après celui-ci, un troisième en forme de cercle : alternativement quatre autels et quatre trônes préparés, contenus dans des niches de marbre. Sur les trônes se trouvent la croix et le manteau de pourpre ; sur chaque autel, l’un des quatre Évangiles. Le manteau se présente sous la forme quelque peu étrange d’une draperie dont la partie supérieure ressemble à un pouf, tandis que la partie inférieure figure un manteau joliment plissé. La coloration semblable, d’or avec une bordure pourpre, des deux parties indique que celles-ci appartiennent au même objet. La bordure de pourpre est le signe de la toga praetexta. L’artiste a donc choisi le manteau impérial de plus haut prix : pourpre et or.
Dans le baptistère des Ariens, de quelques dizaines d’années plus récent, la décoration de la voûte est tout à fait semblable, mais un peu simplifiée ; autour du médaillon représentant le baptême du Christ, les douze Apôtres s’avancent en cercle, mais ils marchent vers un trône préparé. Ce trône présente cette particularité distinctive qu’il porte une grande croix de gemmes (dans l’autre baptistère, les croix sont petites), surmontant quatre perles qui sont un équivalent de la couronne, et le manteau de pourpre, orné de deux majuscules dorées (L), laissant tomber ses plis sur la croix de gemmes de chaque côté de la barre transversale. Notre image symbolique se rencontre encore avec diverses variantes : on voit le trône avec la colombe du Saint Esprit et la Bible. Ici, l’Évangile, symbole du Christ, est présenté, grâce à la colombe, comme la Parole de Dieu. On trouve aussi le trône avec l’Agneau divin. C’est peut-être l’image de l’Apocalypse avec l’Agneau sur le trône. Le dernier type, que nous ne ferons qu’indiquer, ne symbolise plus l’attente joyeuse de la parousie, mais la crainte du jugement : les insignes royaux sont remplacés par les emblèmes de la Passion. Cette Étimasie, qui appartient à l’art oriental plus récent, représente le jugement dernier. On en trouve un spécimen à Rome, à Saint Paul hors les murs.
Leçons des Matines avant 1960 Au troisième nocturne.
Lecture du saint Évangile selon saint Matthieu.
En ce temps-là : Jésus étant monté dans une barque, repassa le lac et vint dans sa ville. Et le reste.
Homélie de saint Pierre Chrysologue.
Septième leçon. Le Christ accomplit des mystères divins, en ses actions humaines et sous des apparences visibles, il opère des œuvres invisibles : la lecture de ce jour nous le montre. « Il monta dans une barque, dit l’Évangile, et il passa sur l’autre rive. Il vint dans sa ville. » N’est-ce pas celui-là même qui, après avoir repoussé les flots, met à nu les tréfonds de la mer, de sorte que le peuple d’Israël passe à pied sec au milieu des eaux figées d’étonnement, comme dans un creux entre des montagnes ? N’est-ce pas lui qui incline les vagues de la mer sous les pieds de Pierre si bien qu’une route d’eau offre aux pas d’un homme un sillage solide ?
Huitième leçon. Alors, pourquoi refuse-t-il pour lui-même les services de la mer, et recourt-il à ceux d’un batelier pour traverser un si petit lac ? « Il monta dans une barque, dit l’Évangile, et il passa sur l’autre rive. » Et quoi d’étonnant, frères ? Le Christ est venu se charger de nos faiblesses et nous donner sa force, chercher ce qui est humain, accorder ce qui est divin, accepter des injures, rendre des dignités, porter des maux, apporter la guérison ; car le médecin qui ne porte pas l’infirmité ne sait pas guérir, et celui qui n’a pas été malade avec le malade ne peut pas apporter au malade la guérison.
Neuvième leçon. Le Christ donc, s’il était demeuré dans sa puissance, n’aurait rien eu de commun avec les hommes ; et s’il n’avait pas assumé la condition de la nature charnelle, c’est en vain qu’il aurait revêtu la chair. « Il monta dans une barque, dit l’Évangile, et il passa sur l’autre rive. Il vint dans sa ville. » Le Créateur des choses, le Seigneur de l’univers, après s’être mis à l’étroit pour nous dans notre chair, commence par avoir une patrie humaine, commence par être citoyen d’une ville de Judée, commence par avoir des parents, lui qui est le père de tous les parents. N’est-ce pas l’amour qui invite, la charité qui attire, l’affection qui triomphe, la bonté qui persuade ceux que la tyrannie a chassés, que la crainte a dispersés, que la contrainte a bannis ?
Ant. du Benedictus à Laudes Le Seigneur dit * au paralytique : Aie confiance, mon fils ; tes péchés te sont remis.
Ant. du Magnificat aux 2èmes Vêpres Le paralytique, * magnifiant Dieu, emporta donc son lit dans lequel il était couché auparavant ; et tout le peuple, voyant cela, rendit gloire à Dieu.
Dominica Decima octava post Pentecosten |
18ème Dimanche après la Pentecôte |
Ant. ad Introitum. Eccli. 36, 18. | Introït |
Da pacem, Dómine, sustinéntibus te, ut prophétæ tui fidéles inveniántur : exáudi preces servi tui et plebis tuæ Israël. | Donnez la paix, Seigneur, à ceux qui vous attendent afin que vos prophètes soient trouvés fidèles : exaucez les prières de votre serviteur, et celles d’Israël votre peuple. |
Ps. 121, 1. | |
Lætátus sum in his, quæ dicta sunt mihi : in domum Dómini íbimus. | Je me suis réjoui de ces mots qui m’ont été dits : Nous irons dans la maison du Seigneur. |
V/.Glória Patri. | |
Oratio. | Collecte |
Dírigat corda nostra, quǽsumus, Dómine, tuæ miseratiónis operátio : quia tibi sine te placére non póssumus. Per Dóminum. | Seigneur, nous vous en supplions, que l’opération de votre grâce dirige nos cœurs, puisque sans vous nous ne pouvons vous plaire. |
Léctio Epístolæ beáti Pauli Apóstoli ad Corinthios. | Lecture de l’Épître de saint Paul Apôtre aux Corinthiens. |
1. Cor. 1, 4-8. | |
Fratres : Grátias ago Deo meo semper pro vobis in grátia Dei, quæ data est vobis in Christo Iesu : quod in ómnibus dívites facti estis in illo, in omni verbo et in omni sciéntia : sicut testimónium Christi confirmátum est in vobis : ita ut nihil vobis desit in ulla grátia, exspectántibus revelatiónem Dómini nostri Iesu Christi, qui et confirmábit vos usque in finem sine crímine, in die advéntus Dómini nostri Iesu Christi. | Mes frères, je rends grâces continuellement à mon Dieu pour vous, à cause de la grâce de Dieu, qui vous a été donnée dans le Christ Jésus ; car en lui, vous êtes devenus riches en toutes choses, en toute parole et en toute science, le témoignage du Christ ayant été aussi confirmé parmi vous, de sorte qu’il ne vous manque aucune grâce, à vous qui attendez la manifestation de notre Seigneur Jésus-Christ, lequel vous affermira encore jusqu’à la fin, pour que vous soyez irréprochables au jour de l’avènement de Jésus-Christ notre Seigneur. |
Graduale. Ps. 121, 1 et 7. | Graduel |
Lætátus sum in his, quæ dicta sunt mihi : in domum Dómini íbimus. | Je me suis réjoui en ces mots qui m’ont été dits : Nous irons dans la maison du Seigneur. |
V/. Fiat pax in virtúte tua : et abundántia in túrribus tuis. | Que la paix soit dans ta force et l’abondance dans tes tours. |
Allelúia, allelúia. V/.Ps. 101, 16. | Alléluia, alleluia. |
Timébunt gentes nomen tuum, Dómine, et omnes reges terræ glóriam tuam. Allelúia. | Les nations craindront votre nom, Seigneur, et tous les rois de la terre votre gloire. Alléluia. |
+ Sequéntia sancti Evangélii secundum Matthǽum. | Lecture du Saint Evangile selon saint Mathieu. |
Matth. 9, 1-8. | |
In illo témpore : Ascéndens Iesus in navículam, transfretávit et venit in civitátem suam. Et ecce, offerébant ei paralýticum iacéntem in lecto. Et videns Iesus fidem illórum, dixit paralýtico : Confíde, fili, remittúntur tibi peccáta tua. Et ecce, quidam de scribis dixérunt intra se : Hic blasphémat. Et cum vidísset Iesus cogitatiónes eórum, dixit : Ut quid cogitátis mala in córdibus vestris ? Quid est facílius dícere : Dimittúntur tibi peccáta tua ; an dícere : Surge et ámbula ? Ut autem sciátis, quia Fílius hóminis habet potestátem in terra dimitténdi peccáta, tunc ait paralýtico : Surge, tolle lectum tuum, et vade in domum tuam. Et surréxit et ábiit in domum suam. Vidéntes autem turbæ timuérunt, et glorificavérunt Deum, qui dedit potestátem talem homínibus. | En ce temps-là, Jésus étant monté dans une barque, repassa le lac et vint dans sa ville [35]. Et voici qu’on lui présenta un paralytique couché sur un lit. Et Jésus, voyant leur foi, dit au paralytique : Aie confiance, mon fils ; tes péchés te sont remis. Et voici que quelques-uns des scribes dirent en eux-mêmes : Cet homme blasphème. Et Jésus, ayant vu leurs pensées, dit : Pourquoi pensez-vous le mal dans vos cœurs ? Lequel est le plus aisé, de dire : Tes péchés te sont remis ; ou de dire : Lève-toi et marche ? Or, afin que vous sachiez que le Fils de l’homme a sur la terre le pouvoir de remettre les péchés : Lève-toi, dit-il alors au paralytique ; prends ton lit, et va dans ta maison. Et il se leva, et s’en alla dans sa maison. Les foules, voyant cela, furent remplies de crainte, et glorifièrent Dieu, qui avait donné un tel pouvoir aux hommes. |
Credo | Credo |
Ant. ad Offertorium. Exodi 24, 4 et 5. | Offertoire |
Sanctificávit Móyses altáre Dómino, ófferens super illud holocáusta et ímmolans víctimas : fecit sacrifícium vespertínum in odórem suavitátis Dómino Deo, in conspéctu filiórum Israël. | Moïse consacra un autel au Seigneur, offrant sur cet autel des holocaustes et immolant des victimes ; il fit en présence des enfants d’Israël le sacrifice du soir, sacrifice d’agréable odeur au Seigneur Dieu. |
Secreta. | Secrète |
Deus, qui nos, per huius sacrifícii veneránda commércia, uníus summæ divinitátis partícipes éfficis : præsta, quǽsumus ; ut, sicut tuam cognóscimus veritátem, sic eam dignis móribus assequámur. Per Dóminum. | O Dieu, qui par les échanges admirables s’accomplissant en ce sacrifice, nous rendez participants de votre souveraine et unique divinité, faites, nous vous en supplions, que comme nous connaissons votre vérité, nous la suivions en ayant une conduite digne de notre foi. |
Præfatio de sanctissima Trinitate ; non vero in feriis, quando adhibetur Missa huius dominicæ, sed tunc dicitur præfatio communis. | Préface de la Sainte Trinité ; mais les jours de Féries, où l’on reprend la Messe de ce Dimanche, on dit la Préface Commune . |
Ant. ad Communionem. Ps. 95. 8-9. | Communion |
Tóllite hóstias, et introíte in átria eius : adoráte Dóminum in aula sancta eius. | Prenez des hosties et entrez dans ses parvis ; adorez le Seigneur dans son saint temple. |
Postcommunio. | Postcommunion |
Grátias tibi reférimus, Dómine, sacro múnere vegetáti : tuam misericórdiam deprecántes ; ut dignos nos eius participatióne perfícias. Per Dóminum. | Nourris de votre don sacré, nous vous rendons grâces, Seigneur, en suppliant votre miséricorde de nous rendre dignes de cette participation. |
[1] Berno Aug. Cap. V ; etc.
[2] Microlog. Cap. XXIX.
[3] Avent. Samedi des Quatre-Temps.
[4] Thomasii Opp. Edit. Vezzosi, t. V, p. 148, 149, 309.
[5] Eccli. XXXVI, 18.
[6] Matth. XXIV, 3, 36.
[7] II Petr. III, 8.
[8] Habac II, 3.
[9] Heb. X, 37.
[10] Matth. XI, 3.
[11] Apoc. 1, 8.
[12] Matth. XXV, 6.
[13] I Petr. 1, 5, 7, 13.
[14] II Petr. III, 3-4.
[15] Ibid. 15.
[16] Rom. II, 4.
[17] II Petr. III, 9-14.
[18] Ibid. 17.
[19] Matth. XXIV, 29.
[20] Psalm. XIII, 1.
[21] Psalm. LVII, 5-6.
[22] Ibid.
[23] Psalm. XIII, 1.
[24] Eph. IV, 13.
[25] Matth. XXIII, 1-12.
[26] Rup. De div. Off. XII, 18.
[27] Rup. De div, Off. XII, 18.
[28] Heb. II, 10-18.
[29] Luc. V, 17-26.
[30] Luc. V, 26.
[31] Mercredi de la cinquième sem. ap. Pâques.
[33] Exod. XXIII, 15.
[34] I Cor., 4, 7.
[35] Capharnaüm