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23/07 St Apollinaire, évêque et martyr

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Sommaire

  Textes de la Messe  
  Office  
  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Bhx cardinal Schuster, Liber Sacramentorum  
  Dom Pius Parsch, Le guide dans l’année liturgique  

Apollinaire, disciple de St Pierre, fut envoyé par ce dernier pour évangéliser Ravenne, selon la tradition rapportée par la légende du bréviaire. Sa fête n’apparu dans les calendriers des basiliques de Rome qu’au XIème siècle, mais les évangéliaires attestent d’une origine bien plus ancienne.

Textes de la Messe

die 23 Iulii
le 23 juillet
SANCTI APOLLINARIS
SAINT APOLLINAIRE
Ep. et Mart.
Évêque et Martyr
III classis (ante CR 1960 : duplex)
IIIème classe (avant 1960 : double)
Ant. ad Introitum. Dan. 3, 84 et 87.Introït
Sacerdótes Dei, benedícite Dóminum : sancti et húmiles corde, laudáte Deum.Prêtres du Seigneur, bénissez le Seigneur : saints et humbles de cœur, louez Dieu.
Ibid., 57.
Benedícite, ómnia ópera Dómini, Dómino : laudáte et superexaltáte eum in sǽcula.Œuvres du Seigneur, louez toutes le Seigneur : louez-le, et exaltez-le à jamais.
V/. Glória Patri.
Oratio.Collecte
Deus, fidélium remunerátor animárum, qui hunc diem beáti Apollináris Sacerdótis tui martýrio consecrásti : tríbue nobis, quǽsumus, fámulis tuis ; ut, cuius venerándam celebrámus festivitátem, précibus eius indulgéntiam consequámur. Per Dóminum nostrum.Dieu, qui récompensez les âmes fidèles, vous avez consacré ce jour par le martyre du bienheureux Apollinaire, votre Prêtre : faites, s’il vous plaît, que nous, qui sommes vos serviteurs, nos obtenions notre pardon au moyen des prières de celui dont nous célébrons la fête vénérable.
Et fit commemoratio S. Liborii Ep. et Conf. :Et on fait mémoire de St Liboire, Évêque et Confesseur :
Oratio.Collecte
Da, quǽsumus, omnípotens Deus : ut beáti Libórii Confessóris tui atque Pontíficis veneránda sollémnitas, et devotiónem nobis áugeat et salútem. Per Dóminum.Faites, nous vous en prions, Dieu tout-puissant, que la solennité vénérable du bienheureux N., votre Confesseur et Pontife, augmente en nous la dévotion, et nous aide pour notre salut.
Léctio Epístolæ beáti Petri Apóstoli.Lecture de l’Épître de Saint Pierre Apôtre.
1. Petri 5, 1-11.
Caríssimi : Senióres, qui in vobis sunt, obsecro, consénior et testis Christi passiónum : qui et eius, quae in futúro revelánda est, glóriæ communicátor : páscite qui in vobis est gregem Dei, providéntes non coácte, sed spontánee secúndum Deum : neque turpis lucri grátia, sed voluntárie : neque ut dominántes in cleris, sed forma facti gregis ex ánimo. Et cum apparúerit princeps pastórum, percipiétis immarcescíbilem glóriæ corónam. Simíliter adolescéntes, súbditi estóte senióribus. Omnes autem ínvicem humilitátem insinuáte : quia Deus supérbis resístit, humílibus autem dat grátiam. Humiliámini ígitur sub poténti manu Dei, ut vos exáltet in témpore visitatiónis : omnem sollicitúdinem vestram proiiciéntes in eum, quóniam ipsi cura est de vobis. Sobrii estóte, et vigiláte : quia adversárius vester diábolus tamquam leo rúgiens círcuit, quærens quem dévoret : cui resístite fortes in fide : scientes eándem passiónem ei, quæ in mundo est, vestræ fraternitáti fíeri. Deus autem omnis grátiæ, qui vocávit nos in ætérnam suam glóriam in Christo Iesu, módicum passos ipse perfíciet, confirmábit solidabítque. Ipsi glória et impérium in sǽcula sæculórum. Amen.Très chers Frères : J’exhorte les anciens qui sont parmi vous, moi ancien comme eux, témoin des souffrances du Christ, et qui prendrai part avec eux à la gloire qui doit être manifestée : paissez le troupeau de Dieu qui vous est confié, veillant sur lui, non par contrainte, mais de bon gré ; non dans un intérêt sordide, mais par dévouement ; non en dominateurs des Églises, mais en devenant les modèles du troupeau. Et quand le Prince des pasteurs paraîtra, vous recevrez la couronne de gloire, qui ne se flétrit jamais. De même, vous qui êtes plus jeunes, soyez soumis aux anciens ; tous, les uns à l’égard des autres, revêtez-vous d’humilité, car "Dieu, résiste aux orgueilleux et donne sa grâce aux humbles." Humiliez-vous donc sous la puissante main de Dieu, afin qu’il vous élève au temps marqué ; déchargez-vous sur lui de toutes vos sollicitudes, car lui-même prend soin de vous. Soyez sobres, veillez ; votre adversaire, le diable, comme un lion rugissant, rode autour de vous, cherchant qui dévorer. Résistez-lui, fermes dans la foi, sachant que vos frères dispersés dans le monde, endurent les mêmes souffrances que vous. Le Dieu de toute grâce, qui vous a appelés à sa gloire éternelle dans le Christ, après quelques souffrances, achèvera lui-même son œuvre, voua affermira, vous fortifiera, vous rendra inébranlables. A lui soient la gloire et la puissance aux siècles des siècles ! Amen !
Graduale. Ps. 88, 21-23.Graduel
Invéni David servum meum, óleo sancto meo unxi eum : manus enim mea auxiliábitur ei, et bráchium meum confortábit eum. J’ai trouvé David mon serviteur, je l’ai oint de mon huile sainte : car ma main l’assistera et mon bras le fortifiera.
V/. Nihil profíciet inimícus in eo, et fílius iniquitátis non nocébit ei.V/. L’ennemi n’aura jamais l’avantage sur lui et le fils d’iniquité ne pourra lui nuire.
Allelúia, allelúia. V/. Ps. 109, 4. Iurávit Dóminus, et non poenitébit eum : Tu es sacérdos in ætérnum, secúndum órdinem Melchísedech. Allelúia.Allelúia, allelúia. V/. Le Seigneur a juré, et il ne s’en repentira point : Vous êtes prêtre à jamais selon l’ordre de Melchisédech. Alléluia.
+ Sequéntia sancti Evangélii secúndum Lucam.Suite du Saint Évangile selon saint Luc.
Luc. 22, 24-30.
In illo témpore : Facta est conténtio inter discípulos, quis eórum viderétur esse maior. Dixit autem eis Iesus : Reges géntium dominántur eórum ; et qui potestátem habent super eos, benéfici vocántur. Vos autem non sic : sed qui maior est in vobis, fiat sicut minor : et qui præcéssor est, sicut ministrátor. Nam quis maior est, qui recúmbit, an qui mínistrat ? nonne qui recúmbit ? Ego autem in médio vestrum sum, sicut qui mínistrat. Vos autem estis, qui permansístis mecum in tentatiónibus meis : et ego dispóno vobis, sicut dispósuii mihi Pater meus regnum, ut edátis et bibátis super mensam meam in regno meo : et sedeátis super thronos, iudicántes duódecim tribus Israël.En ce temps-là : Il y eut parmi les disciples une dispute : lequel d’entre eux devait passer pour le plus grand. Et Jésus leur dit : "Les rois des nations leur commandent en maîtres, et ceux qui exercent empire sur elles se font appeler Bienfaiteurs. Vous, ne faites pas ainsi ; mais que le plus grand parmi vous devienne comme le plus jeune, et celui qui gouverne comme celui qui sert. Qui, en effet, est le plus grand, celui qui est à table ou celui qui sert ? N’est-ce pas celui qui est à table ? Or moi, au milieu de vous, je suis comme celui qui sert. Vous, vous êtes ceux qui sont demeurés constamment avec moi dans mes épreuves ; et moi, je vous attribue la royauté comme mon Père me l’a attribuée, afin que vous mangiez et buviez à ma table dans mon royaume ; et vous siégerez sur des trônes, jugeant les douze tribus d’Israël.
Ant. ad Offertorium. Ps. 88, 25.Offertoire
Véritas mea et misericórdia mea cum ipso : et in nómine meo exaltábitur cornu eius.Ma vérité et ma miséricorde seront avec lui : et par mon nom s’élèvera sa puissance.
SecretaSecrète
Réspice, Dómine, propítius super hæc múnera : quæ pro beáti Sacerdótis et Martyris tui Apollináris commemoratióne deférimus, et pro nostris offensiónibus immolámus. Per Dóminum.Jetez un regard favorable, Seigneur, sur ces présents que nous vous offrons en mémoire du bienheureux Apollinaire, votre Prêtre et Martyr, et que nous sacrifions en expiation de nos offenses.
Pro S. LiborioPour St Liboire
SecretaSecrète
Sancti tui, quǽsumus, Dómine, nos ubíque lætíficant : ut, dum eórum mérita recólimus, patrocínia sentiámus. Per Dóminum.Que le souvenir de vos Saints nous soit, ô Seigneur, en tous lieux, un sujet de joie, afin que nous ressentions la protection de ceux dont nous célébrons à nouveau les mérites.
Ant. ad Communionem. Matth. 25, 20 et 21.Communion
Dómine, quinque talénta tradidísti mihi, ecce, ália quinque superlucrátus sum. Euge, serve bone et fidélis, quia in pauca fuísti fidélis, supra multa te constítuam, intra in gáudium Dómini tui.Seigneur, vous m’avez remis cinq talents ; voici que j’en ai gagné cinq autres. C’est bien, bon et fidèle serviteur ; parce que tu as été fidèle en peu de choses, je t’établirai sur beaucoup ; entre dans la joie de ton maître.
PostcommunioPostcommunion
Tua sancta suméntes, quǽsumus, Dómine, ut beáti Apollináris nos fóveant continuáta præsídia : quia non désinis propítius intuéri, quos tálibus auxíliis concésseris adiuvári. Per Dóminum.En nous nourrissant de vos hosties saintes, nous vous demandons humblement, Seigneur, que la continuelle protection du bienheureux Apollinaire nous mette à couvert des dangers, car vous ne cessez de regarder favorablement ceux à qui vous accordez l’aide d’un tel secours.
Pro S. LiborioPour St Liboire
PostcommunioPostcommunion
Præsta, quǽsumus, omnípotens Deus : ut, de percéptis munéribus grátias exhibéntes, intercedénte beáto Libório Confessóre tuo atque Pontífice, benefícia potióra sumámus. Per Dóminum.Accordez-nous, s’il vous plaît, ô Dieu tout-puissant, qu’en rendant grâces pour les dons reçus, nous recevions plus de bienfaits encore grâce à l’intercession du bienheureux N. votre Confesseur et Pontife.

Office

Leçons des Matines avant 1960.

Au deuxième nocturne.

Quatrième leçon. Apollinaire vint d’Antioche à Rome avec le prince des Apôtres, qui l’ordonna Évêque et l’envoya à Ravenne pour prêcher l’Évangile de notre Seigneur Jésus-Christ. Comme il convertissait dans cette ville beaucoup d’âmes à la foi chrétienne, il fut arrêté par les prêtres des idoles et cruellement frappé. Par ses prières, un noble personnage nommé Boniface, muet depuis longtemps, recouvra la parole, et sa fille fut délivrée d’un esprit immonde : ces miracles soulevèrent une nouvelle sédition contre le Saint. On le battit de verges, et on le contraignit à marcher pieds nus sur des charbons ardents ; comme le feu de ces charbons ne le brûlait point, on le chassa de la ville.

Cinquième leçon. Il se cacha un certain temps avec quelques Chrétiens, puis partit pour l’Émilie, où il ressuscita la fille du patricien Rufin ; ce prodige détermina toute la famille de Rufin à croire en Jésus-Christ. Le préfet, s’en étant fort irrité, manda Apollinaire et lui enjoignit de ne plus propager la foi du Christ dans la ville. Comme Apollinaire ne tenait aucun compte de ses ordres, on le tortura sur le chevalet, on répandit de l’eau bouillante sur ses plaies et on lui frappa le visage avec une pierre ; ensuite, le chargeant de chaînes, on le jeta en prison. Quatre jours après, on l’embarqua pour l’envoyer en exil ; ayant fait naufrage, il vint en Mysie ; de là, sur les rives du Danube, et puis en Thrace.

Sixième leçon. Pendant que le disciple de l’Apôtre Pierre y séjournait, le démon refusa de donner des réponses dans le temple de Sérapis. Après qu’on l’eut cherché longtemps, Apollinaire fut enfin trouvé et de nouveau contraint de prendre la mer. Étant donc revenu à Ravenne, et les mêmes prêtres des idoles recommençant à l’accuser, il fut confié à la garde d’un centurion. Celui-ci, qui honorait secrètement le Christ, favorisa son évasion pendant la nuit. La chose connue, les satellites se mirent à le poursuivre, le couvrirent de blessures et le laissèrent pour mort sur le chemin. Recueilli par des Chrétiens, il les exhorta à rester fermes dans la foi et quitta cette vie sept jours après, couronné de la gloire du martyre. Son corps fut enseveli non loin des murailles de la ville.

Au troisième nocturne.

Lecture du saint Évangile selon saint Luc. Cap. 22, 24-30.
En ce temps-là : Il y eut parmi les disciples une dispute : lequel d’entre eux devait passer pour le plus grand. Et le reste.

Homélie de saint Ambroise, Évêque.. Lib. 10 in Lucæ cap. 22, post init.

Septième leçon. Le royaume de Dieu n’est pas de ce monde [1]. Il n’y a donc pas moyen pour l’homme d’égaler Dieu ; mais il doit y avoir émulation pour lui ressembler. Seul le Christ est l’image parfaite de Dieu, ne faisant qu’un avec son Père dont il exprime en sa personne toute la splendeur. L’homme juste, lui, est à l’image de Dieu, quand éclairé par la connaissance de Dieu et désireux d’imiter la conduite divine, il compte pour peu ce bas monde et dédaigne les voluptés de la terre, rassasié qu’il est du Verbe, aliment vivifiant de nos âmes : aussi mangeons-nous le corps du Christ, afin de pouvoir être participants de la vie éternelle.

Huitième leçon. Car ce qui nous est promis en fait de récompense et d’honneur ce n’est pas de manger et de boire ; c’est la communication de la grâce céleste et de la vie sans fin. Les douze trônes ne sont pas non plus comme des sièges faits pour asseoir le corps. Mais de même que le Christ, en raison de son égalité avec Dieu, juge les âmes d’après la connaissance intime qu’il en a, et non d’après un interrogatoire qui les force à déclarer leurs actes, rémunérant la vertu et condamnant l’impiété, de même aussi, les Apôtres sont destinés et formés à l’exercice d’un jugement spirituel par lequel la foi est récompensée, l’incrédulité détestée ; ils refusent l’erreur avec force et poursuivent les sacrilèges d’une haine sainte.

Neuvième leçon. Convertissons-nous et prenons garde qu’il ne s’élève entre nous, pour notre perte, quelque contestation au sujet du premier rang. Que les Apôtres même eurent à ce sujet un débat, cela n’est point rappelé pour nous fournir une excuse mais pour nous mettre sur nos gardes. Si Pierre ne fut qu’à la fin tout à fait converti, lui qui avait suivi le Seigneur dès son premier appel, qui donc pourra se vanter d’une conversion tôt et vite accomplie ? Évitez donc la jactance ; évitez le monde. Il reçut l’ordre de quitter ses frères, l’Apôtre qui a dit : « Nous avons tout quitté et nous vous avons suivi » [2].

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

Ravenne, mère des cités, convoque aujourd’hui l’univers à célébrer l’évêque martyr dont les travaux firent plus pour son éternelle renommée que la faveur des empereurs et des rois. Du milieu de ses antiques monuments la rivale de Rome, aujourd’hui déchue, n’en montre pas moins fièrement la chaîne ininterrompue de ses Pontifes, remontant jusqu’au Vicaire de l’Homme-Dieu par Apollinaire, qu’ont exalté dans leurs discours les Pères et Docteurs de l’Église universelle, ses successeurs et ses fils [3]. Plût au ciel que toujours la noble ville se fût souvenue de ce qu’elle devait à Pierre !

Pour suivre uniquement le Prince des Apôtres, Apollinaire, oubliant famille, patrie, avait tout quitté. Or, un jour, le maître dit au disciple : « Pourquoi restes-tu assis avec nous ? Voilà que tu es instruit de tout ce que Jésus a fait : lève-toi, reçois le Saint-Esprit, et va vers cette ville qui ne le connaît pas ». Et le bénissant, et lui donnant le baiser, il l’envoya au loin [4]. Scènes sublimes de séparation, fréquentes en ces premiers temps, bien des fois répétées depuis, et qui font dans leur héroïque simplicité la grandeur de l’Église.

Apollinaire courait au sacrifice. Le Christ, dit saint Pierre Chrysologue [5], se hâtait au-devant du martyr, le martyr précipitait le pas vers son Roi : l’Église qui voulait garder cet appui de son enfance se jeta au-devant du Christ pour retarder, non le combat, mais la couronne ; et durant vingt-neuf ans, ajoute Pierre Damien [6], le martyre se poursuivit à travers d’innombrables tourments, de telle sorte que les labeurs du seul Apollinaire suffirent à ces contrées qui n’eurent point d’autre témoin de la foi par le sang. Selon les traditions de l’Église qu’il avait si puissamment fondée, la divine Colombe intervint directement et visiblement par douze fois, jusqu’à l’âge de la paix, pour désigner chacun des successeurs d’Apollinaire.

Instruits par Venance Fortunat [7] venu de Ravenne en nos régions du Nord, nous saluons de loin votre glorieuse tombe. Répondez-nous par le souhait que vous formuliez durant les jours de votre vie mortelle : Que la paix de notre Seigneur et Dieu Jésus-Christ repose sur vous ! La paix, don parfait, premier salut de l’apôtre [8] et consommation de toute grâce [9] : combien vous l’avez appréciée, combien vous en fûtes jaloux pour vos fils, même après avoir quitté la terre ! C’est elle qui vous fit obtenir du Dieu de paix et de dilection [10] cette intervention miraculeuse par laquelle si longtemps furent marqués les pontifes qui devaient après vous s’asseoir en votre chaire. Vous-même n’apparûtes-vous pas un jour au Pontife romain, pour lui montrer dans Chrysologue l’élu de Pierre et d’Apollinaire ? Et plus tard, sachant que les cloîtres allaient devenir l’asile de cette divine paix bannie du reste du monde, vous vîntes en personne par deux fois solliciter Romuald d’obéir à l’appel de la grâce et d’aller féconder le désert.

Pourquoi faut-il qu’enivré de faveurs qui partaient de la terre, plus d’un de vos successeurs, que ne désignait plus, hélas ! La divine Colombe, ait oublié si tôt les leçons laissées par vous à votre Église ? Fille de Rome, ne devait-elle pas se trouver assez grande d’occuper entre ses illustres sœurs la première place à la droite de la mère [11] ? Du moins l’Évangile même chanté depuis douze siècles et plus peut-être [12], en la solennité de ce jour, aurait-il dû la protéger contre les lamentables excès appelés à précipiter sa déchéance. Rome, avertie par de trop regrettables indices, prévoyait-elle donc déjà les sacrilèges ambitions des Guibert, quand son choix se fixait sur ce passage du texte sacré : Il s’éleva une contestation parmi les disciples, à qui devait passer pour le plus grand [13] ? Et quel commentaire, à la fois plus significatif et plus touchant, pouvait-on donner à cet Évangile, que les paroles de Pierre même en l’Épître : « Les vieillards qui sont parmi vous, je les supplie, moi vieillard comme eux et témoin des souffrances du Christ, de paître le troupeau, non dans un esprit de domination sur l’héritage du Seigneur, mais en étant ses modèles dans le désintéressement et l’amour ; que tous s’animent à l’humilité mutuellement, car Dieu résiste aux superbes, et il donne sa grâce aux humbles » [14]. Faites, ô Apollinaire, que pasteurs et troupeau, dans toutes les Églises, profitent maintenant du moins de ces apostoliques et divines leçons, pour que tous un jour nous nous trouvions assis à la table éternelle où le Seigneur convie les siens près de Pierre et de vous dans son royaume [15].

Bhx cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

Le culte dont saint Apollinaire fut l’objet au moyen âge est un reflet fidèle de l’importance que le siège de Ravenne avait prise au VIe siècle, époque où cette ville devint la résidence des empereurs et des exarques. Les tribunaux ecclésiastiques, les évêques et, d’une certaine manière, le Pape lui-même, dans leurs relations avec les représentants des autorités byzantines d’Italie, ne pouvaient pas ne pas compter avec l’archevêque de Ravenne qui était presque devenu ce que, beaucoup plus tard, fut à Naples le Chapelain Majeur, véritable ministre des cultes pour l’Italie.

Toutefois, tant que cette autorité résida en des hommes d’une valeur morale semblable à celle d’un saint Pierre Chrysologue, elle ne put qu’accroître le prestige de leur sainteté éminente et de leur doctrine. Mais hélas ! En ce monde il n’y a pas que des forts, il y a aussi des faibles. Aussi, quand des hommes ambitieux et intrigants montèrent sur le siège de Ravenne, la lutte avec Rome éclata et l’histoire de l’Œcuménique de Constantinople eut son pendant dans la capitale de l’Émilie.

Ravenne était, à l’origine, siège suffragant de Rome. Au temps de saint Pierre Chrysologue, on lui reconnut enfin les honneurs métropolitains. Quelques archevêques allèrent encore plus loin : ils tentèrent de se soustraire à l’obédience du pape, et de faire sentir davantage au clergé leur propre omnipotence ; ils le chargèrent d’impôts et prétendirent même que leurs évêques suffragants, ayant laissé leurs sièges, feraient fonction d’hebdomadiers dans la basilique de Saint-Apollinaire, comme les évêques suburbicaires le faisaient au Latran.

La messe suivante a été rédigée à Rome sous l’impression de ces excès. Le « pape » de Ravenne voulait savoir qui des deux était le plus grand, lui ou le successeur de Céphas.

Rome répond dans les lectures de la messe, rappelant d’abord aux habitants de Ravenne que leur grand évêque Apollinaire était — selon la tradition alors courante — un disciple de Pierre. Ensuite elle fera parler le Maître lui-même, qui, dans sa Ire Épître, V, 1-11, recommande aux pasteurs de l’Église d’avoir horreur de l’esprit de domination sur le clergé et de l’insolent orgueil, qui trop souvent distingue le pouvoir laïc ; Dieu, en effet, résiste aux superbes qui lui dérobent la gloire, et il donne au contraire sa grâce aux humbles qui lui rapportent tout.

Cette leçon d’humilité, mise sur les lèvres du Maître de saint Apollinaire et adressée à son orgueilleux successeur, continue dans la péricope évangélique, déjà notée dans la liste de Würzbourg (Luc., XXII, 24-30). Les Apôtres, à la dernière Cène, se querellent pour savoir qui, entre eux, est le plus grand ; et Jésus répond que cette soif d’ambition et de despotisme exercé sur autrui est propre seulement au pouvoir civil, car, dans la hiérarchie chrétienne, c’est tout l’opposé qui doit se produire. Celui qui est chef est tel pour le service commun : il est donc le serviteur de tous, comme le Fils de l’homme est venu pour servir et pour donner sa vie pour le salut d’un grand nombre.

Le reste de la messe emprunte différents éléments aux Communs, sauf ce qui suit :

La première collecte est la suivante : « O Dieu qui récompensez les âmes qui vous sont fidèles, et qui avez voulu consacrer ce jour par le sacrifice de votre pontife Apollinaire, faites que vos serviteurs, tandis qu’ils célèbrent sa fête, obtiennent aussi par ses prières le pardon de leurs fautes ». Les pasteurs d’âmes ne terminent point à leur mort cette mission de réconciliation et de paix que Dieu leur a confiée au profit de leur troupeau. Dans le ciel ils la continuent par leurs prières ; c’est pourquoi, tandis qu’à Rome Damase a pu écrire sur le sépulcre du pontife Sixte II :

OSTENDIT • CHRISTVS • REDDIT • QVI • PRÆMIA • VITÆ
PASTORIS • MERITVM • NVMERVM • GREGIS • IPSE • TVETVR

à Ravenne, dans l’abside en mosaïque de la splendide basilique de Classe, où Apollinaire fut enseveli, ses fidèles le représentèrent en vêtements pontificaux, dans le jardin fleuri du ciel (paradysus), au milieu des brebis de son cher troupeau.

La collecte sur les oblations : « Regardez favorablement. Seigneur, cette oblation qui vous est offerte pour le natale de votre bienheureux pontife et martyr Apollinaire et en expiation de nos péchés ». Le tombeau de saint Apollinaire était autrefois le but de pieux pèlerinages. C’est ainsi qu’en juillet 599 Maxime, évêque intrus de Salone, voulant obtenir le pardon de saint Grégoire le Grand, celui-ci lui imposa de se rendre à Ravenne, et de se justifier d’abord des crimes qui lui avaient été imputés, en jurant, sur la tombe de saint Apollinaire, qu’il en était innocent. Maxime se mit donc en voyage et débarqua à Classe, où, accueilli honorablement par quelques patrices, il se rendit au forum et, prosterné sur le sol, il cria humblement, pendant trois heures : J’ai péché contre Dieu et contre le bienheureux pape Grégoire. Relevé de là, il fut conduit à la basilique de saint Apollinaire, et, sur son tombeau, il émit le serment requis et rentra en communion avec le Siège romain.

Voici la prière d’action de grâces : « Ayant participé à vos Sacrements, nous vous demandons, Seigneur, d’être continuellement assistés de la protection du bienheureux Apollinaire, car vous ne pourrez pas ne pas regarder favorablement ceux que vous savez secourus par un si puissant intercesseur ». Les habitants de Ravenne, durant le haut moyen âge, obtinrent à Rome une si grande puissance que Grégoire le Grand se résolut à assigner une place spéciale dans les stations papales au diacre apocrisiaire de l’évêque de Ravenne ; ils répandirent dans la Ville éternelle le culte de saint Apollinaire, à qui plusieurs églises furent dédiées.

L’une se trouvait au Vatican ; elle avait été fondée par le pape Honorius Ier et s’appelait Saint-Apollinaire ad palmata ; une autre était au Latran, et on la disait édifiée par Hadrien Ier ; une troisième subsiste encore, Saint-Apollinaire in Archipresbyteratu, et elle a l’honneur de la synaxe stationnale le jeudi de la semaine de la Passion.

Dom Pius Parsch, Le guide dans l’année liturgique

Quand le Prince des pasteurs paraîtra, vous recevrez la couronne de gloire, qui ne se flétrit jamais. (Ép.).

1. Saint Apollinaire. — Jour de mort : le 23 juillet, vers l’an 75. Tombeau : A Classe, près de Ravenne, où se dresse en son honneur une célèbre basilique, parée de vieilles mosaïques et riche en monuments liturgiques d’une vénérable antiquité. Vie : Évêque et martyr peu connu de la primitive Église, originaire des pays du nord. Il fut (d’après une tradition incertaine) disciple de saint Pierre et premier évêque de Ravenne. La légende du bréviaire nous fait le récit des coups et des mauvais traitements qu’il eut à subir de la part surtout des prêtres idolâtres de Ravenne. — Cette ville, résidence des empereurs romains, jouissait d’une grande importance qui rehaussa le prestige de l’évêché et de son fondateur. Malheureusement les archevêques de Ravenne tentèrent plus tard d’exploiter cette situation pour se soustraire à l’autorité papale. La messe nous enseigne l’humilité et la soumission au Saint-Siège. Elle indique que saint Apollinaire fut disciple de saint Pierre, auquel elle donne la parole à l’Épître ; le Sauveur nous y parle également de la vertu d’humilité.

2. La messe (Sacerdótes). — Le texte en est ancien et contient plusieurs parties propres ; l’Épître et l’Évangile notamment n’appartiennent pas au commun. Visiblement l’éminente dignité épiscopale en est l’idée dominante.

Voici pourquoi l’Introït invite « les prêtres de Dieu », et avec eux « les saints et les humbles de cœur » (les fidèles), à bénir le Seigneur ; ceux-ci forment, pour ainsi dire, la haie autour du « Prêtre Apollinaire » (Oraison) à son entrée dans le temple divin.

A l’Épître, saint Pierre, ou plutôt son disciple Apollinaire, nous adresse la parole. Il se présente comme « ancien et témoin des souffrances du Christ », mais aussi comme « participant à la gloire qui doit être manifestée ». Il s’adresse en premier lieu à ses successeurs dans l’épiscopat, mais à tous ceux aussi qui ont charge d’âmes : « Paissez le troupeau qui vous est confié, veillant sur lui non par contrainte, mais spontanément selon Dieu ; non point en vue d’un gain honteux... Lorsque paraîtra le prince des pasteurs, vous recevrez la couronne de gloire qui ne se flétrit jamais ».

Dans l’abside de la basilique de Ravenne, une mosaïque représente saint Apollinaire au ciel en évêque au milieu de son troupeau. Voici qu’il se tourne aussi vers les simples fidèles pour leur recommander instamment l’obéissance, l’humilité, la sobriété, la vigilance et la résistance au démon. Le texte est fait de citations émouvantes attribuées au glorieux martyr.

Le Graduel et l’Alléluia chantent son caractère sacré ; il est le représentant du Grand-Prêtre selon l’ordre de Melchisédech.

A l’Évangile, nous voyons Notre-Seigneur à la Dernière Cène avec les Apôtres. Il les exhorte à pratiquer l’humilité et à participer à ses souffrances et à sa gloire. Saint Apollinaire a fidèlement suivi la recommandation du Sauveur ; il dut, parce qu’il était grand, se faire petit aux yeux du monde, et il est « demeuré avec le Christ dans ses épreuves ». C’est pourquoi il est admis maintenant « à manger et à boire à sa table dans le Royaume de son Père, et à siéger sur un trône ». A la messe, nous participons à ses mérites et, aussi, à sa gloire.

3. Profitons de notre assistance à la messe. — L’assistance quotidienne à la messe est à la fois instructive et salutaire. Arrêtons-nous à l’Épître de ce jour. Voyons comme elle nous rappelle les vertus de saint Apollinaire, et efforçons-nous d’en tirer profit pour notre conduite. Quelles richesses on y découvre ! C’est le sujet de notre oraison quotidienne qui nous est ainsi indiqué par Dieu. Mais la messe n’a pas seulement une valeur instructive ; l’Eucharistie procure la force nécessaire pour mettre en pratique les enseignements qui y sont donnés. Ainsi la Parole de Dieu est vraiment nourriture et grâce.

[1] Jn. 18, 36.

[2] Matth. 19, 27.

[3] Petr. Chrysolog. Sermo CXXVIII, in div. Apollin : PETR. Dam. Sermon, XXX, XXXI, XXXII, in eumdem.

[4] Passio S. Apollin. ap. Bolland.

[5] Petr. Chrys. Sermo CXXVIII.

[6] Petr.Dam. Sermo VI, de S. Eleuchadio.

[7] Ven. Fortun. Vita S. Martini, Lib. IV, V. 684.

[8] Luc. X, 5.

[9] Cant. VIII, 10.

[10] II Cor. XIII, 11.

[11] Diplom. Clementis II, Quod propulsis.

[12] Kalendar. Fronton.

[13] Luc. XXII, 24-30.

[14] I Petr. V, 1-11.

[15] Luc. ibid.