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26/05 St Philippe Neri, confesseur

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Sommaire

  Textes de la Messe  
  Office  
  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum  
  Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique  

Mort à Rome le 26 mai 1595. Canonisé par Grégoire XV en 1622 et inscrit au calendrier romain en 1625 par Urbain VIII comme semi-double ad libitum. Alexandre VII en fit un semi-double de précepte en 1657 et Clément XI l’éleva au rite double en 1669.

Alexandre VIII le dota d’une messe propre en 1690.

Textes de la Messe

die 26 maii
le 26 mai
SANCTI PHILIPPI NERII
SAINT PHILIPE NERI
Conf.
Confesseur
III classis (ante CR 1960 : duplex)
IIIème classe (avant 1960 : double)
Ant. ad Introitum. Rom. 5, 5.Introït
Cáritas Dei diffúsa est in córdibus nostris per inhabitántem Spíritum eius in nobis. (T.P. Allelúia, allelúia.)L’amour de Dieu a été répandu dans nos coeurs par l’Esprit-Saint, qui nous a été donné. (T.P. Alléluia, alléluia.)
Ps. 102. 1.
Benedic, ánima mea, Dómino : et ómnia, quæ intra me sunt, nómini sancto eius.Mon âme, bénis le Seigneur : et que tout ce qui est au dedans de moi bénisse son saint nom.
V/. Glória Patri.
Oratio.Collecte
Deus, qui beátum Philippum Confessórem tuum Sanctórum tuórum glória sublimásti : concéde propítius ; ut, cuius sollemnitáte lætámur, eius virtútum proficiámus exémplo. Per Dóminum.Dieu, qui avez élevé le bienheureux Philippe, votre Confesseur, à la gloire de vos Saints, accordez-nous, dans votre miséricorde, que, célébrant avec joie cette solennité, nous mettions à profit l’exemple de ses vertus.
Et fit commemoratio S. Eleutherii Papæ et Mart. ::Et on fait mémoire de St Eleuthère, Pape et Martyr :
Oratio.Collecte
Gregem tuum, Pastor ætérne, placátus inténde : et, per beátum Eleuthérium Mártyrem tuum atque Summum Pontíficem, perpétua protectióne custódi ; quem totíus Ecclésiæ præstitísti esse pastórem. Per Dóminum nostrum.Pasteur éternel de l’Eglise, regardez avec bienveillance votre troupeau, protégez-le et gardez-le toujours. Nous vous le demandons par le bienheureux Pape Eleuthère votre Martyr que vous avez placé comme berger à la tête de l’Eglise.
Lectio libri Sapientiæ.Lecture du Livre de la Sagesse.
7, 7-14.
Optávi et datus est mihi sensus ; et invocávi, et venit in me spíritus sapiéntiæ ; et præpósui illam regnis et sédibus, et divítias nihil esse duxi in comparatióne illíus. Nec comparávi illi lápidem pretiósum : quóniam omne aurum in comparatióne illíus aréna est exígua, et tamquam lutum æstímábitur argentum in conspectu illíus. Super salútem et spéciem diléxi illam ; et propósui pro luce habére illam, quóniam inexstinguíbile est lumen illíus. Venérunt autem mihi ómnia bona páriter cum illa, et innumerábilis honéstas per manus illíus ; et lætátus sum in ómnibus, quóniam antecedébat me ista sapiéntia ; et ignorábam quóniam horum ómnium mater est. Quam sine fictióne dídici, et sine invídia commúnico, et honestátem illíus non abscóndo. Infínitus enim thesáurus est homínibus ; quo qui usi sunt partícipes facti sunt amicítiæ Dei, propter disciplínæ dona commendáti.J’ai demandé l’intelligence et elle me fut donnée. J’ai prié, et l’Esprit de Sagesse est venu en moi. Je l’ai préférée à la puissance et aux dignités. J’ai estimé qu’auprès d’elle les richesses n’étaient rien et que les pierres précieuses étaient sans valeur ; oui, tout l’or du monde n’était qu’un peu de sable, et l’argent ne valait pas plus que la boue. Je l’ai aimée plus que la santé et la beauté. J’ai choisi sa lumière pour me guider, car sa flamme ne s’éteint jamais. Avec elle me sont venus tous les biens ; de ses mains, j’ai reçu d’innombrables richesses ; et, avec tous ces biens, la joie qu’elle apporte, car la Sagesse marchait devant moi, et j’ignorais qu’elle en était la mère. Je l’ai apprise avec désintéressement, je ne la garde pas jalousement pour moi, et je ne cache pas aux autres ses trésors. Car elle est pour les hommes une richesse inépuisable. Ceux qui viennent y puiser acquièrent ces dons de la science qui leur ouvrent l’amitié de Dieu.
Graduale. Ps. 33, 12 et 6.Graduel
Veníte, fílii, audíte me : timorem Dómini docébo vos.Venez, mes fils, écoutez-moi : je vous enseignerai la crainte du Seigneur.
V/. Accédite ad eum, et illuminámini : et fácies vestræ non confundéntur.V/. Approchez-vous de lui, et vous serez éclairés : et vos visages ne seront pas couverts de confusion.
Allelúia, allelúia. V/. Thren. 1, 13. [1] De excélso misit ignem in óssibus meis, et erudívit me. Allelúia.Allelúia, allelúia. V/. D’en haut il a envoyé un feu dans mes os, et il m’a enseigné. Alléluia.
Tempore paschali omittitur graduale, et eius loco dicitur :Au Temps pascal, on omet le graduel et à sa place on dit :
Allelúia, allelúia. V/. Thren. 1, 13. De excélso misit ignem in óssibus meis, et erudívit me.Allelúia, allelúia. V/. D’en haut il a envoyé un feu dans mes os, et il m’a enseigné.
Allelúia. V/. Ps. 38, 4. Concáluit cor meum intra me : et in meditatióne mea exardéscet ignis. Allelúia.Allelúia. V/. Mon coeur s’est échauffé au dedans de moi : et tandis que je méditais, un feu s’est embrasé. Alléluia.
+ Sequéntia sancti Evangélii secúndum Lucam.Lecture du Saint Evangile selon saint Luc.
Luc. 12, 35-40.
In illo témpore : Dixit Iesus discípulis suis : Sint lumbi vestri præcíncti, et lucernæ ardéntes in mánibus vestris, et vos símiles homínibus exspectántibus dóminum suum, quando revertátur a núptiis : ut, cum vénerit et pulsáverit, conféstim apériant ei. Beáti servi illi, quos, cum vénerit dóminus, invénerit vigilántes : amen, dico vobis, quod præcínget se, et fáciet illos discúmbere, et tránsiens ministrábit illis. Et si vénerit in secúnda vigília, et si in tértia vigília vénerit, et ita invénerit, beáti sunt servi illi. Hoc autem scitóte, quóniam, si sciret paterfamílias, qua hora fur veníret, vigiláret útique, et non síneret pérfodi domum suam. Et vos estóte paráti, quia, qua hora non putátis, Fílius hóminis véniet.En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples : Que vos reins soient ceints, et les lampes allumées dans vos mains. Et vous, soyez semblables à des hommes qui attendent que leur maître revienne des noces, afin que, lorsqu’il arrivera et frappera, ils lui ouvrent aussitôt. Heureux ces serviteurs que le maître, à son arrivée, trouvera veillant ; en vérité, je vous le dis, il se ceindra, les fera asseoir à table, et passant devant eux, il les servira. Et, s’il vient à la seconde veille, s’il vient à la troisième veille, et qu’il les trouve en cet état, heureux sont ces serviteurs ! Or, sachez que, si le père de famille savait à quelle heure le voleur doit venir, il veillerait certainement, et ne laisserait pas percer sa maison. Vous aussi, soyez prêts ; car, à l’heure que vous ne pensez pas, le Fils de l’homme viendra.
Ant. ad Offertorium. Ps. 118, 32.Offertoire
Viam mandatórum tuórum cucúrri, cum dilatásti cor meum. (T.P. Allelúia.)J’ai couru dans la voie de vos commandements, lorsque vous avez dilaté mon coeur. (T.P. Alléluia.)
SecretaSecrète
Sacrifíciis præséntibus, quǽsumus, Dómine, inténde placatus : et præsta ; ut illo nos igne Spíritus Sanctus inflámmet, quo beáti Phílippi cor mirabíliter penetrávit. Per Dóminum . . . in unitáte eiúsdem.Seigneur, nous vous en prions, regardez avec bonté ce sacrifice que nous présentons : afin que le Saint-Esprit nous embrase, nous aussi, de ce feu dont il a admirablement pénetré le cœur du bienheureux Philippe.
Pro S. EleutherioPour St Eleuthère
SecretaSecrète
Oblátis munéribus, quǽsumus, Dómine, Ecclésiam tuam benígnus illúmina : ut, et gregis tui profíciat ubique succéssus, et grati fiant nómini tuo, te gubernánte, pastóres. Per Dóminum.Grâce à l’offrande de ces presents, accordez Seigneur, la lumière à votre Eglise ; faites prospérer partout votre troupeau, et daignez diriger ses pasteurs pour qu’ils vous soient agréables.
Ant. ad Communionem. Ps. 83, 3.Communion
Cor meum et caro mea exsultavérunt in Deum vivum. (T.P. Allelúia.)Mon coeur et ma chair tressaillent d’amour pour le Dieu vivant. (T.P. Alléluia.)
PostcommunioPostcommunion
Cæléstibus, Dómine, pasti delíciis : quǽsumus ; ut beáti Philippi Confessóris tui méritis et imitatióne, semper eadem, per quæ veráciter vívimus, appetámus. Per Dóminum nostrum.Nourris de celui qui fait les délices du ciel, nous vous en supplions, Seigneur ; faites que, par les mérites et à l’imitation du bienheureux Philippe, votre Confesseur, nous ayons toujours faim de ce même aliment au moyen duquel nous vivons véritablement.
Pro S. EleutherioPour St Eleuthère
PostcommunioPostcommunion
Refectióne sancta enutrítam gubérna, quǽsumus, Dómine, tuam placátus Ecclésiam : ut, poténti moderatióne dirécta, et increménta libertátis accípiat et in religiónis integritáte persístat. Per Dóminum nostrum.Seigneur, dirigez avec amour votre Eglise qui vient de se nourrir à cette table sainte, pour que, sous votre conduite toute-puissante, elle voie grandir sa liberté, et garde la religion dans toute sa pureté.

Office

Leçons des Matines avant 1960

Quatrième leçon. Philippe de Néri, né à Florence de parents pieux et honorables, donna dès son jeune âge de clairs indices de sa future sainteté. Encore adolescent, il renonça à une succession importante qui lui venait d’un oncle, et vint se retirer à Rome, où s’étant instruit dans la philosophie et les saintes lettres, il se donna tout à Jésus-Christ. Son abstinence était telle qu’il passait souvent trois jours sans prendre aucun aliment. Adonné aux veilles, assidu à l’oraison, Philippe visitait fréquemment les sept basiliques de la Ville, et prit l’habitude de passer la nuit au cimetière de Calixte dans la contemplation des choses célestes Devenu prêtre par obéissance, il s’employa tout entier procurer le salut des âmes persévérant jusqu’à son dernier jour à entendre les confessions il engendra à Jésus-Christ un nombre presque incalculable d’enfants ; mû par le vif désir de leur assurer l’aliment quotidien de la parole de Dieu, la fréquentation des sacrements, l’assiduité à la prière, et d’autres exercices de piété, il institua la congrégation de l’Oratoire.

Cinquième leçon. Blessé de l’amour de Dieu, Philippe semblait en une continuelle langueur, et son cœur brûlait d’un feu si ardent que, sa poitrine étant devenue trop étroite pour le contenir, le Seigneur l’élargit en brisant et soulevant miraculeusement deux de ses côtes. Lorsqu’il célébrait le saint Sacrifice ou priait avec grande ferveur, Philippe fut aperçu élevé de terre et environné d’une lumière éclatante. Ceux qui se trouvaient dans la misère ou le besoin furent de sa part l’objet d’une charité très étendue ; il mérita que, sous les traits d’un pauvre, un Ange vint lui demander l’aumône, et tandis qu’il portait une nuit du pain à des indigents, ce fut encore un Ange qui vint le tirer sain et sauf d’une fosse où il était tombé. Voué à l’humilité, il eut toujours de l’aversion pour les honneurs ; et des dignités ecclésiastiques, même très élevées, lui ayant été offertes à différentes reprises, il les refusa invariablement.

Sixième leçon. Philippe fut célèbre par le don de prophétie et brilla merveilleusement par celui de pénétration des cœurs. Il conserva toujours une inviolable virginité, et parvint à distinguer par leur bonne ou mauvaise odeur, ceux qui étaient chastes et ceux qui ne l’étaient pas Parfois il apparut à des personnes absentes et leur vint en aide dans le danger. A sa parole, beaucoup de malades et de mourants revinrent à la santé, un mort même fut rappelé à la vie. Les esprits célestes et la Vierge mère de Dieu elle-même l’honorèrent souvent de leurs apparitions, et plusieurs âmes lui furent montrées montant au ciel, environnées de splendeur. Enfin, l’an du salut mil cinq cent quatre-vingt-quinze, le huitième jour des calendes de juin, en la fête du Saint-Sacrement, Philippe, ayant célébré la Messe avec les plus grands transports de joie spirituelle, et s’étant acquitté des autres fonctions de son ministère, s’endormit dans le Seigneur, après minuit, à l’heure qu’il avait prédite. Ses miracles éclatants ont porté Grégoire XV à le mettre au nombre des Saints.

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

La joie est, ainsi que nous l’avons dit, le caractère principal du Temps pascal : joie surnaturelle, motivée à la fois par le triomphe si éclatant de notre Emmanuel et par le sentiment de notre heureuse délivrance des liens de la mort. Or, ce sentiment de l’allégresse intérieure a régné d’une manière caractéristique dans le grand serviteur de Dieu que nous honorons aujourd’hui ; et c’est bien d’un tel homme, dont le cœur fut toujours dans la jubilation et dans l’enthousiasme des choses divines, que l’on peut dire, avec la sainte Écriture, « que le cœur du juste est comme un festin continuel [2] ». Un de ses derniers disciples, l’illustre Père Faber, fidèle aux doctrines de son maître, enseigne, dans son beau livre du Progrès spirituel, que la bonne humeur est l’un des principaux moyens d’avancement dans la perfection chrétienne. Nous accueillerons donc avec autant d’allégresse que de respect la figure radieuse et bienveillante de Philippe Néri, l’Apôtre de Rome et l’un des plus beaux fruits de la fécondité de l’Église au XVIe siècle.

L’amour de Dieu, un amour ardent, et qui se communiquait comme invinciblement à tous ceux qui l’approchaient, fut le trait particulier de sa vie. Tous les saints ont aimé Dieu ; car l’amour de Dieu est le premier et le plus grand commandement-, mais la vie de Philippe réalise ce divin précepte avec une plénitude, pour ainsi dire, incomparable. Son existence ne fut qu’un transport d’amour envers le souverain Seigneur de toutes choses ; et sans un miracle de la puissance et de la bonté de Dieu, cet amour si ardent au cœur de Philippe eût consumé sa vie avant le temps. Il était arrivé à la vingt-neuvième année de son âge, lorsqu’un jour, dans l’Octave de la Pentecôte, le feu de la divine charité embrasa son cœur avec une telle impétuosité que deux côtes de sa poitrine éclatèrent, laissant au cœur l’espace nécessaire pour céder désormais sans péril aux transports qui l’agitaient. Cette fracture ne se répara jamais ; la trace en était sensible par une proéminence visible à tout le monde ; et grâce à ce soulagement miraculeux, Philippe put vivre cinquante années encore, en proie à toutes les ardeurs d’un amour qui tenait plus du ciel que de la terre.

Ce séraphin dans un corps d’homme fut comme une réponse vivante aux insultes dont la prétendue Réforme poursuivait l’Église catholique. Luther et Calvin avaient appelé cette sainte Église l’infidèle et la prostituée de Babylone ; et voici que cette même Église avait à montrer de tels enfants à ses amis et à ses ennemis : une Thérèse en Espagne, un Philippe Néri dans Rome. Mais le protestantisme s’inquiétait beaucoup de l’affranchissement du joug, et peu de l’amour. Au nom de la liberté des croyances, il opprima les faibles partout où il domina, il s’implanta par la force là même où il était repoussé ; mais il ne revendiquait pas pour Dieu le droit qu’il a d’être aimé. Aussi vit-on disparaître des pays qu’il envahit ce dévouement qui produit le sacrifice à Dieu et au prochain. Un long intervalle de temps s’est écoulé depuis la prétendue Réforme, avant que celle-ci ait songé qu’il existe encore des infidèles sur la surface du globe ; et si plus tard elle s’est fastueusement imposé l’œuvre des missions, on sait assez quels apôtres elle choisit pour organes de ses étranges sociétés bibliques. C’est donc après trois siècles qu’elle s’aperçoit que l’Église catholique n’a pas cessé de produire des corporations vouées aux œuvres de charité. Émue d’une telle découverte, elle essaie en quelques lieux ses diaconesses et ses infirmières. Quoi qu’il en soit du succès d’un effort si tardif, on peut croire raisonnablement qu’il ne prendra jamais de vastes proportions ; et il est permis de penser que cet esprit de dévouement qui sommeilla trois siècles durant au cœur du protestantisme, n’est pas précisément l’essence de son caractère, quand on l’a vu, dans les contrées qu’il envahit, tarir jusqu’à la source de l’esprit de sacrifice, en arrêtant avec violence la pratique des conseils évangéliques qui n’ont leur raison d’être que dans l’amour de Dieu.

Gloire donc à Philippe Néri, l’un des plus dignes représentants de la divine charité au XVIe siècle ! Par son impulsion, Rome et bientôt la chrétienté reprirent une vie nouvelle dans la fréquentation des sacrements, dans les aspirations d’une piété plus fervente. Sa parole, sa vue même électrisaient le peuple chrétien dans la cité sainte ; aujourd’hui encore la trace de ses pas n’est point effacée. Chaque année, le vingt-six mai, Rome célèbre avec transport la mémoire de son pacifique réformateur. Philippe partage avec les saints Apôtres les honneurs de Patron dans la ville de saint Pierre. Les travaux sont suspendus, et la population en habits de fête se presse dans les églises pour honorer le jour où Philippe naquit au ciel, après avoir sanctifié la terre. Le Pontife romain en personne se rend en pompe à l’église de Sainte-Marie in Vallicella, et vient acquitter la dette du Siège Apostolique envers l’homme qui releva si haut la dignité et la sainteté de la Mère commune.

Philippe eut le don des miracles, et tandis qu’il ne cherchait que l’oubli et le mépris, il vit s’attacher à lui tout un peuple qui demandait et obtenait par ses prières la guérison des maux de la vie présente, en même temps que la réconciliation des âmes avec Dieu. La mort elle-même obéit à son commandement, témoin ce jeune prince Paul Massimo que Philippe rappela à la vie, lorsque l’on s’apprêtait déjà à lui rendre les soins funéraires. Au moment où cet adolescent rendait le dernier soupir, le serviteur de Dieu dont il avait réclamé l’assistance pour le dernier passage, célébrait le saint Sacrifice. A son entrée dans le palais, Philippe rencontre partout l’image du deuil : un père éploré, des sœurs en larmes, une famille consternée ; tels sont les objets qui frappent ses regards. Le jeune homme venait de succomber après une maladie de soixante-cinq jours, qu’il avait supportée avec la plus rare patience. Philippe se jette à genoux, et après une ardente prière, il impose sa main sur la tête du défunt et l’appelle à haute voix par son nom. Paul, réveillé du sommeil de la mort par cette parole puissante, ouvre les yeux, et répond avec tendresse : « Mon Père ! » Puis il ajoute : « Je voudrais seulement me confesser. » Les assistants s’éloignent un moment, et Philippe reste seul avec cette conquête qu’il vient de faire sur la mort. Bientôt les parents sont rappelés, et Paul, en leur présence, s’entretient avec Philippe d’une mère et d’une sœur qu’il aimait tendrement, et que le trépas lui a ravies. Durant cette conversation, le visage du jeune homme, naguère défiguré par la fièvre, a repris ses couleurs et sa grâce d’autrefois. Jamais Paul n’avait semblé plus plein de vie. Le saint lui demande alors s’il mourrait volontiers de nouveau. — « Oh ! oui, très volontiers, répond le jeune homme ; car je verrai en paradis ma mère et ma sœur. » — « Pars donc, répond Philippe ; pars pour le bonheur, et prie le Seigneur pour moi. » A ces mots, le jeune homme expire de nouveau, et entre dans les joies de l’éternité, laissant l’assistance saisie de regret et d’admiration.

Tel était cet homme favorisé presque constamment des visites du Seigneur dans les ravissements et les extases, doué de l’esprit de prophétie, pénétrant d’un regard les consciences, répandant un parfum de vertu qui attirait les âmes par un charme irrésistible. La jeunesse romaine de toute condition se pressait autour de lui. Aux uns il faisait éviter les écueils ; aux autres il tendait la main dans le naufrage. Les pauvres, les malades, étaient à toute heure l’objet de sa sollicitude. Il se multipliait dans Rome, employant toutes les formes du zèle, et ayant laissé après lui une impulsion pour les bonnes œuvres qui ne s’est pas ralentie.

Philippe avait senti que la conservation des mœurs chrétiennes dépendait principalement d’une heureuse dispensation de la parole de Dieu, et nul ne se montra plus empressé à procurer aux fidèles des apôtres capables de les attirer par une prédication solide et attrayante. Il fonda sous le nom d’Oratoire une institution qui dure encore, et dont le but est de ranimer et de maintenir la piété dans les populations. Cette institution, qu’il ne faut pas confondre avec l’Oratoire de France, a pour but d’utiliser le zèle et les talents des prêtres que la vocation divine n’appelle pas à la vie du cloître, et qui, en associant leurs efforts, arrivent cependant à produire d’abondants fruits de sanctification.

En fondant l’Oratoire sans lier les membres de cette association par les vœux de la religion, Philippe s’accommodait au genre de vocation que ceux-ci avaient reçu du ciel, et leur assurait du moins les avantages d’une règle commune, avec le secours de l’exemple si puissant pour soutenir l’âme dans le service de Dieu et dans la pratique des œuvres du zèle. Mais le saint apôtre était trop attaché à la foi de l’Église pour ne pas estimer la vie religieuse comme l’état de la perfection. Durant toute sa longue carrière, il ne cessa de diriger vers le cloître les âmes qui lui semblèrent appelées à la profession des vœux. Par lui les divers ordres religieux se recrutèrent d’un nombre immense de sujets qu’il avait discernes et éprouvés : en sorte que saint Ignace de Loyola, ami intime de Philippe et son admirateur, le comparaît agréablement à la cloche qui convoque les fidèles à l’Église, bien qu’elle n’y entre pas elle-même.

La crise terrible qui agita la chrétienté au XVIe siècle, et enleva à l’Église catholique un si grand nombre de ses provinces, affecta douloureusement Philippe durant toute sa longue vie. Il souffrait cruellement de voir tant de peuples aller s’engloutir les uns après les autres dans le gouffre de l’hérésie. Les efforts tentés par le zèle pour reconquérir les âmes séduites par la prétendue Réforme faisaient battre son cœur, en même temps qu’il suivait d’un œil attentif les manœuvres à l’aide desquelles le protestantisme travaillait à maintenir son influence. Les Centuries de Magdebourg. vaste compilation historique destinée à donner le change aux lecteurs, en leur persuadant, à l’aide de passages falsifiés, de faits dénaturés et souvent même inventés, que l’Église Romaine avait abandonné l’antique croyance et substitué la superstition aux pratiques primitives ; cet ouvrage sembla à Philippe d’une si dangereuse portée, qu’un travail supérieur en érudition, puisé aux véritables sources, pouvait seul assurer le triomphe de l’Église catholique. Il avait deviné le génie de César Baronius, l’un de ses compagnons à l’Oratoire. Prenant en main la cause de la foi, il commanda à ce savant homme d’entrer tout aussitôt dans la lice, et de poursuivre l’ennemi de la vraie foi en s’établissant sur le terrain de l’histoire. Les Annales ecclésiastiques furent le fruit de cette grande pensée de Philippe ; et Baronius lui-même en rend le plus touchant témoignage en tète de son huitième livre. Trois siècles se sont écoulés sur ce grand œuvre. Avec les moyens de la science dont nous disposons aujourd’hui, il est aise d’en signaler les imperfections ; mais jamais l’histoire de l’Église n’a été racontée avec une dignité, une éloquence et une impartialité supérieures à celles qui règnent dans ce noble et savant récit dont le parcours est de douze siècles. L’hérésie sentit le coup ; l’érudition malsaine et infidèle des Centuriateurs s’éclipsa en présence de cette narration loyale des faits, et l’on peut affirmer que le flot montant du protestantisme s’arrêta devant les Annales de Baronius, dans lesquelles l’Église apparaissait enfin telle qu’elle a été toujours, « la colonne et l’appui de la vérité [3]. » La sainteté de Philippe et le génie de Baronius avaient décidé la victoire ; de nombreux retours à la foi romaine vinrent consoler les catholiques si tristement décimés ; et si de nos jours d’innombrables abjurations annoncent la ruine prochaine du protestantisme, il est juste de l’attribuer en grande partie au succès de la méthode historique inaugurée dans les Annales.

Vous avez aimé le Seigneur Jésus, ô Philippe, et votre vie tout entière n’a été qu’un acte continu d’amour ; mais vous n’avez pas voulu jouir seul du souverain bien. Tous vos efforts ont tendu à le faire connaître de tous les hommes, afin que tous l’aimassent avec vous et parvinssent à leur fin suprême. Durant quarante années, vous fûtes l’apôtre infatigable de la ville sainte, et nul ne pouvait se soustraire à l’action du feu divin qui brûlait en vous. Nous qui sommes la postérité de ceux qui entendirent votre parole et admirèrent les dons célestes qui étaient en vous, nous osons vous prier de jeter aussi les regards sur nous. Enseignez-nous à aimer notre Jésus ressuscité. Il ne nous suffit pas de l’adorer et de nous réjouir de son triomphe ; il nous faut l’aimer : car la suite de ses mystères depuis son incarnation jusqu’à sa résurrection, n’a d’autre but que de nous révéler, dans une lumière toujours croissante, ses divines amabilités. C’est en l’aimant toujours plus que nous parviendrons à nous élever jusqu’au mystère de sa résurrection, qui achève de nous révéler toutes les richesses de son cœur. Plus il s’élève dans la vie nouvelle qu’il a prise en sortant du tombeau, plus il apparaît rempli d’amour pour nous, plus il sollicite notre cœur de s’attacher à lui. Priez, ô Philippe, et demandez que « notre cœur et notre chair tressaillent pour le Dieu vivant [4]. » Après le mystère delà Pâque, introduisez-nous dans celui de l’Ascension ; disposez nos âmes à recevoir le divin Esprit de la Pentecôte ; et lorsque l’auguste mystère de l’Eucharistie brillera à nos regards de tous ses feux dans la solennité qui approche, vous, ô Philippe, qui l’ayant fêté une dernière fois ici-bas, êtes monté à la fin de la journée au séjour éternel où Jésus se montre sans voiles, préparez nos âmes à recevoir et à goûter « ce pain vivant qui donne la vie au monde [5] ».

La sainteté qui éclata en vous, ô Philippe, eut pour caractère l’élan de votre âme vers Dieu, et tous ceux qui vous approchaient participaient bientôt à cette disposition, qui seule peut répondre à l’appel du divin Rédempteur. Vous saviez vous emparer des âmes, et les conduire à la perfection par la voie de la confiance et la générosité du cœur. Dans ce grand œuvre votre méthode fut de n’en pas avoir, imitant les Apôtres et les anciens Pères, et vous confiant dans la vertu propre de la parole de Dieu. Par vous la fréquentation fervente des sacrements reparut comme le plus sûr indice de la vie chrétienne. Priez pour le peuple fidèle, et venez au secours de tant d’âmes qui s’agitent et s’épuisent dans des voies que la main de l’homme a tracées, et qui trop souvent retardent ou empêchent l’union intime du créateur et de la créature.

Vous avez aimé ardemment l’Église, ô Philippe ; et cet amour de l’Église est le signe indispensable de la sainteté. Votre contemplation si élevée ne vous distrayait pas du sort douloureux de cette sainte Épouse du Christ, si éprouvée dans le siècle qui vous vit naître et mourir. Les efforts de l’hérésie triomphante en tant de pays stimulaient le zèle dans votre cœur : obtenez-nous de l’Esprit-Saint cette vive sympathie pour la vérité catholique qui nous rendra sensibles à ses défaites et à ses victoires. Il ne nous suffit pas de sauver nos âmes ; nous devons désirer avec ardeur et aider de tous nos moyens l’avancement du règne de Dieu sur la terre, l’extirpation de l’hérésie et l’exaltation de notre mère la sainte Église : c’est à cette condition que nous sommes enfants de Dieu Inspirez-nous par vos exemples, ô Philippe, cette ardeur avec laquelle nous devons nous associer en tout aux intérêts sacrés de la Mère commune. Priez aussi pour cette Église militante qui vous a compté dans ses rangs comme un de ses meilleurs soldats. Servez vaillamment la cause de cette Rome qui se fait honneur de vous être redevable de tant de services. Vous l’avez sanctifiée durant votre vie mortelle ; sanctifiez-la encore et défendez-la du haut du ciel.

Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

Ce saint prêtre (+ 1591) qui, pendant près d’un demi siècle, exerça à Rome le ministère apostolique, et, dans un milieu léger et corrompu, devint l’oracle des Pontifes, des cardinaux et des personnages les plus insignes de son temps, a si bien mérité du Siège apostolique que, jusqu’à ces dernières années, sa fête était assimilée aux dimanches dans la Ville éternelle, et le Pontife lui-même, en cortège de gala, allait célébrer les divins mystères sur le tombeau du Saint à Sainte-Marie in Vallicella.

Il est presque impossible de parler brièvement des mérites de saint Philippe et de la part importante qu’il eut dans la réforme ecclésiastique du XVIe siècle. Ami de saint Charles et du cardinal Frédéric Borromée, confesseur de saint Camille et de saint Ignace, père spirituel de Baronius, confesseur de Clément VIII, on peut dire que son influence salutaire s’étendit à tous les divers aspects de la réforme, en sorte que même si l’on pouvait faire abstraction de sa sainteté, l’activité de saint Philippe lui aurait indubitablement mérité une place d’honneur dans l’histoire du XVIe siècle.

Par la fondation de la Congrégation des Prêtres de l’Oratoire, Philippe, en un champ sans doute beaucoup plus restreint et avec des vues quelque peu diverses, se proposa 3e même but que saint Ignace : celui de ramener à la religion la société chrétienne, moyennant la fréquentation des Sacrements et l’enseignement du catéchisme.

Tandis qu’en Allemagne les protestants accusaient l’Église catholique d’avoir soustrait la Bible au peuple, saint Philippe ordonnait que, dans son église de Saint-Jérôme, on commentât l’épître de saint Paul aux Romains ; il répondit aux centuries de Magdebourg en imposant à Baronius d’exposer à cinq ou six reprises dans ses conférences du soir l’histoire de l’Église, puis de publier ces études qui remplissent douze gros in-folio.

L’hérésie luthérienne, avec ses erreurs sur la grâce et le libre arbitre, avait tari les sources mêmes de la joie ; saint Philippe, par ses soirées musicales et poétiques qui prirent alors leur nom d’oratorios du lieu où le saint les faisait exécuter ; par ses récréations sur le Janicule, où à l’ombre d’un chêne, il se faisait enfant avec les enfants, sagement ; par ses pèlerinages aux tombeaux des martyrs et aux sept principales églises de la Ville éternelle, restitua à la vie catholique sa vraie tonalité, celle qu’exigeait aussi saint Paul quand il écrivait à ses fidèles : Gaudete in Domino semper ; iterum dico : gaudete.

Très pénitent et dur pour lui-même, Philippe était doux avec les autres et, au besoin, même facétieux, anticipant dans la pratique ce que, quelque temps plus tard, devait enseigner saint François de Sales, à savoir qu’un saint triste est un triste saint. A l’occasion, saint Philippe savait même ressusciter les morts, écouter leur confession, causer avec eux, et, à leur demande, les rendre, d’un signe de croix, à l’éternité. Et pour que la nouveauté de tels prodiges ne lui conciliât pas l’admiration du peuple, il aimait à se comporter de manière à se rendre méprisable et à se faire passer pour insensé ; c’est ainsi que, le jour de la fête de saint Pierre aux Liens, il se mit à danser devant la basilique de ce nom.

A l’offre de la pourpre cardinalice qui lui avait été faite tant de fois par les papes, Philippe opposa toujours un refus sans réplique ; et il sut si heureusement inspirer ce même esprit d’humilité à ses disciples, spécialement à Tarugi et à Baronius que, quand ce dernier fut créé cardinal, on dut le dépouiller de force de ses vieux vêtements d’oratorien, dans la sacristie même de la Vallicella, pour le revêtir malgré lui de la soutane rouge et du rochet, selon les ordres du Pontife.

L’office de saint Philippe Neri fut introduit dans le Bréviaire romain par Urbain VIII. La messe a certaines parties propres, mais cette exception fut fort à propos introduite pour celui qui avait tant et si bien mérité de la sainte liturgie et qui, dans l’incendie du divin amour qui liquéfiait son cœur, avait coutume d’employer trois heures à célébrer les divins Mystères.

L’introït est le même que le samedi après la Pentecôte ; il contient une allusion évidente au prodige survenu dans le cimetière ad Catacumbas, alors que Philippe, priant durant la nuit dans ces cryptes des martyrs, le Saint-Esprit descendit sur lui. Dès lors, le cœur embrasé du Saint commença à battre si fortement pour Dieu que plusieurs de ses côtes se soulevèrent et s’arquèrent.

Voici la collecte, très sobre, et d’un goût classique : « O Dieu qui avez élevé à la gloire de vos saints le bienheureux Philippe ; aujourd’hui que nous célébrons sa fête, accordez-nous d’imiter aussi l’exemple de ses vertus. »

La première lecture est commune à la fête de saint Thomas d’Aquin, le 7 mars, et fait allusion à cette sagesse surnaturelle qui auréolait la tête blanche de saint Philippe quand, assidu au saint tribunal de la pénitence, il dirigeait les consciences et formait à la vraie sainteté la foule de ses pénitents.

Le répons-graduel, commun à la IVe férie des grands scrutins de Carême, est tiré du psaume 33 et développe encore mieux l’idéal de l’école d’ascèse, que dirigeait le Saint : « Allons, mes enfants, écoutez-moi, car je vous apprendrai à craindre le Seigneur. » — Dans le verset suivant, le texte hébreu diffère un peu de celui de la Vulgate. — « Fixez les yeux sur lui et vous serez tranquilles, et votre visage ne rougira pas. »

Le verset alléluiatique revient sur le miracle du cimetière ad Catacumbas. « Alléluia (Thren., 1, 13). D’en haut il fit tomber le feu sur mes os, et il m’instruisit. » — Le sens littéral de ce texte est bien différent toutefois, puisqu’il s’agit des Babyloniens qui avaient incendié les divers quartiers de Jérusalem.

Au temps pascal, le premier verset alléluiatique est celui que nous venons d’emprunter aux Lamentations de Jérémie ; quant au second, il est tiré du psaume 38 : « Mon cœur brûle dans mon sein, et dans mon âme un feu s’est allumé. »

Ces derniers mots s’appliquent au Saint-Esprit qui nous communique la vie divine de Jésus. C’est à bon droit qu’on le compare à un feu, car lui aussi purifie, consume, réchauffe et éclaire. Il n’est pas de voie plus sûre et plus courte pour arriver à la sainteté, que de nous livrer à cet incendie d’amour. Dieu lui-même nous répète plusieurs fois dans la sainte Écriture : Dominus Deus tuus ignis consumens est.

La lecture évangélique est celle des simples Confesseurs . L’antienne de l’offertoire revient sur le phénomène de la dilatation et de la courbure des côtes de saint Philippe, conséquence des violents battements de son cœur. ps. 118 : « Je marchai dans la voie de vos préceptes, après que vous avez agrandi mon cœur. »

Par cette dilatation du cœur dont parle le Psalmiste, il faut entendre ceci : ce que l’on trouve difficile, au début, dans la vie spirituelle, on le fait ensuite sans peine, et même avec une inexprimable joie, grâce à la bonne habitude contractée, et à la divine charité répandue dans l’âme par le Saint-Esprit. En effet, il est dans la nature de l’amour de travailler, de se sacrifier, sans jamais se lasser.

La prière avant l’anaphore s’inspire de la belle secrète du vendredi durant l’octave de la Pentecôte : « Regardez favorablement, Seigneur, ce sacrifice ; et comme l’Esprit Saint pénétra dans le cœur du bienheureux Philippe, qu’il brûle pareillement le nôtre. »

Voici le verset pour la Communion (Ps. 83) : « Mon cœur et ma chair exulteront dans le Dieu vivant. » — Le rédacteur de la messe ne peut pas perdre de vue le prodige du cœur dilaté de saint Philippe ; il en est généralement ainsi pour tous les rédacteurs de messes modernes qui, impressionnés par quelque fait caractéristique de la vie d’un Saint, adaptent à ce fait, avec l’aide d’une concordance scripturale, toute leur composition liturgique. A la vérité, il y a tant à dire au sujet de saint Philippe que la messe aurait pu être beaucoup plus variée.

La prière eucharistique représente une simple adaptation d’une collecte plus ancienne : « Maintenant que nous sommes nourris. Seigneur, des célestes délices ; accordez-nous, par les mérites et à l’imitation du bienheureux Philippe, un immense désir de cet aliment de vie. »

Une sentence de saint Philippe est mémorable entre toutes : mettant deux doigts sur le front de ses disciples, il disait que la sainteté est toute comprise en ce petit espace, car tout consiste à mortifier la raisonnante.

Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique

« Tu as dilaté mon cœur. »

Saint Philippe. – Jour de mort : 26 mai 1595 (le jour de la Fête-Dieu). Tombeau : dans l’église des Trinitaires, à Rome. Image : On le représente en Oratorien, avec un bâton et un chapelet. Vie : Le saint, aimable et toujours joyeux (1515-1595), l’un des apôtres de Rome, est une des plus belles figures de saint du XVIe siècle. L’amour de Dieu, un amour brûlant qui se communiquait, à leur insu, à ceux qui l’approchaient, forme le trait caractéristique de sa vie. Dans sa vingt-neuvième année, (dans l’octave de la Pentecôte), le feu de l’amour divin enflamma tellement son cœur qu’il fit sauter deux de ses côtes. Cette déchirure ne se guérit jamais et, ainsi, le saint put vivre pendant cinquante ans dans l’ardeur d’un amour qui appartenait déjà plus au ciel qu’à la terre. La tâche de sa vie fut de procurer, pendant un apostolat de cinquante ans à Rome, un renouvellement de la vie religieuse. Il réussit heureusement dans cette tâche. Il eut le mérite de restaurer la pratique de la communion fréquente, qui était tombée en désuétude à Rome et dans toute la chrétienté. C’est ce qui lui mérita de devenir un des saints protecteurs de Rome et l’un des saints les plus populaires. Saint Philippe aimait beaucoup la jeunesse, qui se pressait autour de lui. Ce fut un confesseur très recherché. Il voulut continuer l’efficacité de sa vie sainte en fondant la Congrégation de l’Oratoire. Le but de cette société de prêtres réunis sans vœux est de développer la piété dans le peuple.

Pratique : Jeune homme, il visitait souvent les sept basiliques romaines et il passait volontiers des nuits entières dans le voisinage des catacombes, par conséquent à proximité des martyrs, occupé à méditer les choses saintes, Il puisa dans la liturgie l’esprit apostolique. La liturgie doit nous rendre aptes, nous aussi, à l’action catholique.

La messe. (Caritas Dei). — La messe est formée en grande partie, de textes propres qui font d’ordinaire allusion au grand cœur du saint. L’Introït parle du grand événement qui se passa aux catacombes. Une nuit que le saint priait aux catacombes, le Saint-Esprit descendit sur lui et enflamma son cœur de l’amour divin. La leçon célèbre la sagesse surnaturelle de Philippe. Le Graduel chante l’élargissement de son cœur, et le verset de l’Alléluia son amour des enfants. Le saint marcha vraiment dans la vie comme un serviteur vigilant, la lampe ardente de l’amour divin à la main et les reins ceints de la ceinture de la pénitence (Évang.) Les trois morceaux suivants (Off., Sec., Comm.) nous parlent du cœur brûlant d’amour de saint Philippe.

[1] Livre des Lamentations de Jérémie.

[2] Prov. XV, 15.

[3] I Tim III, 15.

[4] Psalm. LXXXIII, 2.

[5] Johan. VI, 33.