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Commentaire sur la Notification du 16 juin 1971

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1971.


Commentaire sur la Notification du 16 juin 1971 de la Congrégation du Culte Divin sur la vacatio legis et le calendrier. Artcile de La Maison-Dieu 107, 1971.

La Notificatio publiée le 16 juin 1971 par la Congrégation pour le culte divin est plus importante que ne le dit son titre, puisqu’elle réorganise les délais de mise en application des principaux livres de la réforme liturgique et qu’à cette occasion elle récapitule et complète les règles concernant l’usage de la langue du peuple dans la liturgie. A quoi viennent s’ajouter, dans une deuxième partie, les conséquences que cela entraîne pour le calendrier ainsi que des indications au sujet du calendrier 1972 et 1973.

LA « VACATIO LEGIS » DU MISSEL ET DE LA « LITURGIE DES HEURES »

Les premières dispositions de la réforme comportaient, conformément au droit général, l’indication d’une date d’entrée en vigueur, calculée de façon à permettre l’achat des livres nécessaires et une préparation liturgique et catéchétique aux changements introduits. Mais, dès 1969, la Congrégation pour le culte divin modifia la discipline de la vacatio legis de deux manières. En premier lieu, au moins dans certains cas, l’usage des rites réformés en latin fut autorisé dès leur publication [1]. En second lieu il apparut que le délai prévu pour la mise en application de l’Ordo lectionum Missæ et du Missale Romanum devait être allongé pour que lès Conférences épiscopales puissent faire préparer et éditer les traductions correspondantes, d’autant plus que la publication en latin du Missale Romanum, puis de la Liturgia Horarum se trouvait mise en retard par les nombreux problèmes techniques inhérents à de telles entreprises.

Devant ces difficultés, la Congrégation s’orienta vers une réglementation nouvelle qui prend forme progressivement, de l’Instruction pour la préparation des lectionnaires (25 juillet 1969) à la Constitution apostolique de Paul VI promulguant la Liturgie des Heures (1er novembre 1970) : tout d’abord les Conférences épiscopales fixeront la date de mise en application des livres liturgiques en langue du peuple et la Congrégation leur offre, comme elle-même le fait pour les textes latins, de distinguer entre le moment où l’usage des nouveaux livres est permis, et celui où il est obligatoire. De plus, la vacatio legis des livres en langue du peuple devait rejaillir sur celle des mêmes livres en latin ; aussi la Constitution de Paul VI sur l’Office divin détermine-t-elle que celui-ci deviendra obligatoire en latin au moment où il le sera en langue vernaculaire.

Voici maintenant que les §§ 1 et 2 de la Notification appliquent cette réglementation nouvelle de la vacatio legis non seulement à la Liturgie des Heures mais au Missel et au Lectionnaire, en renonçant ainsi à fixer au premier dimanche de l’Avent 1971 la date limite d’entrée en usage des nouveaux livres. Une telle mesure était nécessaire puisque, même dans les espaces linguistiques les mieux équipés, il n’était pas possible de tenir complètement le calendrier prévu. Elle a en outre le double avantage de simplifier la vacatio legis des livres liturgiques (il est souhaitable que la même règle soit adoptée pour les livres encore à paraître), et de décentraliser l’application de celle-ci : préparer et éditer une traduction liturgique pose en effet des problèmes assez différents selon qu’on se trouve, par exemple, en France, en Islande, en Tchécoslovaquie ou en Nouvelle-Guinée.

Il appartient aux Conférences épiscopales de déterminer quand l’usage du missel et de la liturgie des heures (ou de leurs parties) sera permis, et quand il sera obligatoire. Peut-on en inférer qu’une Conférence pourrait, après avoir préparé la traduction d’un livre liturgique, en autoriser l’usage sans jamais le rendre obligatoire, et laisser ainsi subsister, dans le cas de l’Ordo Missae par exemple, l’ancien rite à côté du nouveau ? Une telle interprétation ne serait possible que dans une exégèse myope, isolant les alinéas 2 et 3 du n° 2 du contexte général de la Notificatio et de toute la réforme liturgique. En réalité les Conférences épiscopales dans leur ensemble sont si convaincues que les livres liturgiques nouveaux sont destinés à faire disparaître les anciens, que la Congrégation pour le culte divin n’éprouve pas le besoin de le leur rappeler. Ici, plus encore qu’ailleurs, la dialectique entre le permis et l’obligatoire ne peut suffire à guider une conduite, que ce soit celle des Conférences épiscopales, celle des prêtres, ou celle des fidèles en général ; mais cette dialectique est au service d’un bien, à savoir à la fois la réforme liturgique décidée par le Concile et l’effort corrélatif d’éducation liturgique de tout le peuple de Dieu.

Il reste que la réforme demande un grand effort d’adaptation aux chrétiens les plus âgés, et spécialement aux prêtres, dont le rôle dans la célébration de la messe est beaucoup plus détaillé que celui des autres fidèles. De même, il ne leur est pas facile d’apprendre à nouveau les règles de la célébration individuelle de l’Office, d’autant plus que la disposition matérielle des nouveaux livres en langue du peuple est encore loin d’être aussi pratique que celle des anciens. En de tels cas, l’Ordinaire de l’intéressé pourra lui permettre de conserver les livres liturgiques antérieurs pour la célébration sans peuple. La distinction entre célébration cum populo et sine populo a reçu, comme on sait, un sens juridique précis dans la présentation générale du nouveau missel romain : « la messe cum populo est celle qui est célébrée avec la participation des fidèles » (n° 77) ; quant à la messe sine populo « il s’agit d’une messe célébrée par un prêtre qu’un seul servant assiste en lui répondant » (n° 209).

LA LANGUE DE LA MESSE ET DE L’OFFICE DIVIN

Les règles initiales du Concile au sujet de l’usage de la langue du peuple à la messe et à l’Office se sont, avec les années, progressivement élargies en vertu, soit de dispositions générales du Siège Apostolique, soit de concessions particulières [2], soit de la pratique coutumière. Toute disposition restrictive antérieure étant abolie, l’usage de la langue du peuple est maintenant possible dans toutes les parties de la messe et de l’Office divin, et dans toutes les formes de célébration : le grand changement inauguré par la Constitution conciliaire sur la liturgie (4 décembre 1963) atteint ainsi, au bout de six ans, son point final.

Pour les messes cum populo, au sens qui a été rappelé plus haut et qui inclut les messes de groupes ou de communautés religieuses, c’est aux Conférences épiscopales que revient le droit de décider de l’usage de la langue du peuple. On remarquera l’expression : il ne s’agit pas seulement du droit de permettre, mais de celui de décider, ius decernendi, donc éventuellement de prescrire. Pour des motifs pastoraux, les Conférences épiscopales ont souvent exercé ce droit et rendu obligatoire l’usage de la langue du peuple pour telle ou telle catégorie de cas : ainsi, par exemple, la Conférence française pour les lectures de la messe cum populo, la Conférence italienne pour tous les textes des messes dominicales à horaire régulier. Inversement, l’usage, au moins partiel, du latin sera indiqué dans certains cas. A celui des assemblées de fidèles de langues diverses, que mentionne la Notificatio, on peut ajouter celui de groupes ayant du mal à s’adapter à la réforme et celui du maintien du chant grégorien. On peut se demander si le latin continuera d’être avantageux dans le premier cas (celui des fidèles de langues diverses), à mesure que ceux-ci auront perdu l’habitude de la messe en latin. Il se pourrait que le chant grégorien soit le seul motif durable d’un maintien partiel de la langue latine.

LE CALENDRIER

En ce qui concerne le Calendrier, la Notification aborde trois questions.

1. L’ENTREE EN VIGUEUR DU NOUVEAU CALENDRIER ROMAIN

Ici encore le Siège Apostolique confie aux Conférences épiscopales le soin d’en fixer la date. La décision de la Conférence aura valeur pour tout le territoire sur lequel s’exerce sa juridiction, y compris pour ceux qui suivent un Calendrier propre, par exemple les diverses familles religieuses. C’est ainsi qu’un Ordre religieux répandu à travers le monde devra suivre soit le Calendrier ad interim, soit le nouveau Calendrier, selon les décisions des Conférences épiscopales des pays où vivent ses membres.

2. L’ADAPTATION PROVISOIRE DES CALENDRIERS PARTICULIERS AU CALENDRIER GÉNÉRAL EN USAGE SUR UN TERRITOIRE DONNÉ

Cette décision n’est qu’une adaptation de ce qui est dit plus haut.

3. LA SOLUTION DE QUELQUES CAS PARTICULIERS AUX ANNÉES 1972 ET 1973

Autrefois, des rubriques assez compliquées réglaient tous les cas possibles d’occurrence et de concurrence. Aujourd’hui le Saint-Siège préfère donner en temps voulu les orientations permettant de régler la célébration des fêtes selon les besoins pastoraux. Voici comment le problème se pose en France.

1972 Saint Joseph (samedi 18 mars).
Il s’agit de l’application du n° 5 des Normae generales. Comme, en notre pays, la solennité de saint Joseph n’est pas une fête d’obligation, il n’y a pas de raison d’en dire la messe le soir à la place de la messe du 5ème dimanche de Carême.

1973 Saint Jean-Baptiste (samedi 23 juin), Saint-Sacrement du Corps et du Sang du Christ (dimanche 24 juin).
La solennité du Saint-Sacrement l’emportant sur celle de saint Jean-Baptiste, on anticipera celle-ci au samedi (la messe du soir sera évidemment celle du Saint-Sacrement). Cette anticipation sera bien accordée aux usages populaires. En effet, là où l’on allume encore les feux de la Saint-Jean, c’est le 23 au soir qu’on le fait. Le report de la solennité de saint Jean au lundi n’aurait eu aucun impact dans la piété populaire.

1973 Sacré-Cœur de Jésus (vendredi 29 juin). Saints Pierre et Paul (dimanche 1" juillet).
Une application stricte des règles de l’occurrence aurait amené une translation de la solennité des saints Apôtres au samedi 30 juin, où elle serait passée inaperçue entre la fête du Sacré-Cœur et le dimanche. Mieux valait la reporter au dimanche, où elle recevra toute l’ampleur qui lui convient. Le samedi 30 juin au soir, on dira la messe indiquée pour le 28 au soir, avant ou après les premières Vêpres des saints Pierre et Paul. Le 1er juillet, on dira la messe et l’office du 29 juin.

P.-M. GY.

[1] Décrets promulguant l’Ordo Exsequiarum (15 août 1969) et le Missale Romanum (26 avril 1970) ; Constitution apostolique promulguant la Liturgia Horarum (1er novembre 1970).

[2] Pour l’Office choral des « religions cléricales », autorisations données aux différents Ordres à partir de juillet 1967.