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Intrumentum laboris pour le Synode sur l’Eucharistie (2005)

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Synthèse des réponses des évêques aux Lineamenta
jeudi 7 juillet 2005.


SYNODE DES ÉVÊQUES

XIème ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ORDINAIRE
L’Eucharistie : source et sommet de la vie et de la mission de l’Église

INSTRUMENTUM LABORIS

AVANT-PROPOS

L’Église vit de l’Eucharistie depuis ses origines. Elle y trouve la raison de son existence, la source inépuisable de sa sainteté, la force de l’unité et le lien de communion, l’impulsion de sa vitalité évangélique, le principe de son action d’évangélisation, la source de la charité et l’élan de la promotion humaine, l’anticipation de sa gloire au Banquet éternel des Noces de l’Agneau (cf. Ap 19,7-9).

Parmi les présences à des degrés différents du Seigneur ressuscité dans son Église, une place tout à fait particulière est occupée par le sacrement de l’Eucharistie, du pain et du vin, qui, de par la grâce de l’Esprit Saint et des paroles de la consécration, deviennent le Corps et le Sang de Jésus-Christ pour la gloire et à la louange de Dieu le Père. Ce Don inestimable, ce grand Mystère s’accomplit au cours de la Dernière Cène et, suivant le commandement explicite du Seigneur Jésus : « Faites cela en mémoire de moi » (Lc 22,19), nous a été transmis par l’intermédiaire des Apôtres et de leurs successeurs. À ce propos, Saint Paul écrivait dans son récit sur le Pain et le Calice de la Nouvelle Alliance : « Pour moi, en effet, j’ai reçu du Seigneur ce qu’à mon tour je vous ai transmis » (1 Co 11,23). Il s’agit d’une Tradition sacrée qui, de génération en génération, est fidèlement parvenue jusqu’à nos jours.

Malgré les différentes controverses doctrinales et disciplinaires, la foi eucharistique, dont nous sommes les dépositaires, nous est parvenue par la grâce de la divine Providence, dans sa pureté d’origine, en vertu surtout de la doctrine des deux Conciles Œcuméniques de Trente (1545-1563) et de Vatican II (1962-1965). Pour une meilleure compréhension du Mystère Eucharistique, différents Souverains Pontifes ont apporté une importante contribution, parmi lesquels il faut rappeler Paul VI et Jean-Paul II, de vénérable mémoire, tous deux engagés à mettre en application, au niveau de l’Église universelle, les délibérations du Concile Vatican II. Durant le Pontificat de Jean-Paul II, l’Église catholique s’est enrichie d’importants documents sur le sacrement de l’Eucharistie. Il suffit de rappeler le Catéchisme de l’Église catholique, l’Encyclique Ecclesia de Eucharistia, la Lettre Apostolique Mane nobiscum Domine.

L’actuel Saint-Père également, le Pape Benoît XVI, souhaite maintenir son Pontificat dans cette perspective de mise en œuvre du Concile Vatican II et en continuité fidèle avec la tradition bimillénaire de l’Église. Il a déjà annoncé, lors de sa première allocution adressée à toute l’Église, par l’intermédiaire du Collège des Cardinaux, que l’Eucharistie constitue le centre permanent et la source du service pétrinien qui lui a été confié.

Les documents cités ci-dessus contiennent une profonde réflexion sur le sacrement de l’Eucharistie avec de significatives implications spirituelles et pastorales. Vérifier la manière dont ce riche patrimoine de la foi est, à l’aube du Troisième millénaire du Christianisme, appliqué dans la réalité de l’Église catholique, disséminée sur les cinq continents, reste une question de sensibilité pastorale, de responsabilité épiscopale et de vision prophétique.

Aussi, la proposition qui a été faite par les Conférences épiscopales du monde entier et par d’autres Organismes ecclésiaux consultés par la Secrétairerie Générale du Synode des Évêques, avec l’accord du Conseil Ordinaire, de soumettre à l’approbation du Saint-Père le thème de l’Eucharistie pour la XIème Assemblée Générale Ordinaire du Synode des Évêques, n’a-t-elle pas constitué une surprise. Considérant l’importance de l’argument, Sa Sainteté a volontiers accueilli cette suggestion, décidant le thème : L’Eucharistie : source et sommet de la vie et de la mission de l’Église et la date de l’Assemblée, du 2 au 23 octobre 2005. Dans le choix de ce thème, le rappel explicite à l’enseignement du Concile Vatican II sur l’Eucharistie n’échappe à personne, surtout celui de la Constitution dogmatique Lumen gentium (n° 11), repris aussi par Ecclesia de Eucharistia (n° 1 et 13). Il ne s’agit pas d’un rappel au hasard, mais plutôt d’un rappel conforme à un programme en vue d’une reprise de l’enthousiasme du Concile Œcuménique Vatican II pour vérifier l’application de l’enseignement sur le sacrement de l’Eucharistie à la lumière du Magistère de l’Église successif.

Aidée par les Membres du Conseil Ordinaire, la Secrétairerie Générale du Synode des Évêques a entrepris la préparation de la XIème Assemblée Générale Ordinaire avec la rédaction des Lineamenta. Ce document, publié au début de l’année 2004, visait à susciter une vaste réflexion ecclésiale sur le Mystère de l’Eucharistie, célébré et adoré dans les diocèses et dans les communautés de l’Église catholique et annoncé au monde entier. En effet, ce document a été envoyé aux Conférences épiscopales, aux Églises Orientales catholiques sui iuris, aux Dicastères de la Curie Romaine et à l’Union des Supérieurs Généraux, avec la demande expresse de répondre, après réflexions et prières, à un Questionnaire sur différents arguments pastoraux concernant l’Eucharistie. En outre, ce même document a été largement diffusé dans l’Église et dans le monde à travers les moyens de communication sociale. Le Peuple de Dieu, guidé par les Pasteurs, a répondu favorablement à cette consultation, fournissant des contributions valables sur l’argument, en vue de la préparation de l’Assemblée synodale. Dans de nombreux pays, des discussions au niveau des diocèses, des paroisses et d’autres communautés ecclésiales ont été favorisées. Il s’agissait donc d’une enquête sur la foi et sur la pratique eucharistique au niveau de l’Église universelle.

Les réactions sont arrivées à la Secrétairerie Générale sous forme de « réponses », de la part des Organismes indiqués précédemment avec une claire dimension collégiale, et d’« observations » de la part de ceux qui ont voulu spontanément apporter leur contribution au processus synodal. Les fruits ont été recueillis dans le présent Instrumentum laboris qui est une synthèse fidèle des contributions qui nous sont parvenues. Reflétant la teneur des réponses, ce document ne veut pas représenter une synthèse théologique systématique et complète sur le sacrement de l’Eucharistie qui, d’ailleurs, existe déjà dans l’Église, mais plutôt, rappeler certaines vérités doctrinales qui ont une influence considérable sur la célébration de ce Mystère sublime de notre foi, en en mettant en évidence la grande richesse pastorale. Le document s’est donc principalement concentré sur les aspects positifs de la Célébration Eucharistique, qui rassemble les fidèles et qui fait d’eux une communauté, malgré les différences de race, de langue, de nation et de culture. Dans le document sont ensuite aussi mentionnées quelques omissions ou négligences dans la célébration de l’Eucharistie qui, grâce à Dieu, sont assez marginales. Cependant, elles permettent de prendre une plus grande conscience du respect et de la piété avec lesquels les membres du clergé et tous les fidèles devraient communier pour en célébrer le Saint Mystère. Enfin, il contient aussi une partie présentant des propositions, provenant de nombreuses réponses, fruit de réflexions pastorales approfondies de la part des Églises particulières et des autres Organismes consultés.

Naturellement, la célébration du sacrement de l’Eucharistie se manifeste dans chaque pays et chaque continent avec une grande variété, qui devient évidente compte tenu des diverses Traditions spirituelles ou rites de l’Église catholique. La diversité, loin d’affaiblir son unité, révèle la richesse de l’Église dans la communion catholique caractérisée par l’échange des dons et des expériences. Les catholiques de Tradition latine perçoivent cette richesse dans l’éminente spiritualité des Églises Orientales catholiques, telle qu’il en résulte tant des Lineamenta que de l’Instrumentum laboris. De leur côté, les chrétiens des Traditions orientales redécouvrent l’important patrimoine théologique et spirituel de la Tradition latine. Cette attitude a aussi une finalité œcuménique. En effet, si l’Église catholique respire à deux poumons, et en remercie la Divine Providence, elle attend aussi le jour béni où cette richesse spirituelle pourra être amplifiée et ravivée par une unité pleine et visible avec celles des Églises Orientales qui, même en absence d’une pleine communion, professent en grande partie la même foi dans le Mystère de Jésus-Christ Eucharistie.

L’Instrumentum laboris est destiné aux Pères synodaux comme document de travail et de réflexion ultérieure sur l’Eucharistie qui, en tant que cœur de l’Église, l’incite dans la communion à renouveler son élan missionnaire. Indubitablement, la réflexion sera fructueuse car l’esprit de collégialité, propre aux réunions synodales, favorisera le consensus sur les propositions destinées au Saint-Père. En outre, on pourra recueillir en abondance des fruits de la réforme liturgique, des recherches exégétiques et de l’approfondissement théologique qui ont caractérisé la période successive au Concile Vatican II.

À partir des réponses synthétisées dans l’Instrumentum laboris, on perçoit le souhait du Peuple de Dieu pour que les travaux des Pères synodaux, rassemblés autour de l’Évêque de Rome, Chef du Collège épiscopal et Président du Synode, et avec d’autres représentants de la communauté de l’Église, contribuent ensemble à redécouvrir la beauté de l’Eucharistie, Sacrifice, Mémorial et Banquet de Jésus-Christ, Sauveur et Rédempteur du monde. Les fidèles attendent des orientations appropriées pour que soit célébré plus dignement le sacrement de l’Eucharistie, Pain descendu du ciel (cf. Jn 6,58) et offert par Dieu le Père dans son Fils Unique, pour que soit adoré avec plus de dévotion le Seigneur sous les Espèces du Pain et du Vin, et pour que soient renforcés les liens d’unité et de communion entre ceux qui se nourrissent du Corps et du Sang du Seigneur. Cette attente ne surprend pas, car les chrétiens qui participent à la Table du Seigneur, éclairés par la grâce de l’Esprit Saint, sont une partie vivante de l’Église, Corps mystique de Jésus-Christ, ses témoins dans le milieu de vie et de travail, attentifs aux besoins spirituels et matériels de l’homme contemporain, actifs dans la construction d’un monde plus juste, dans lequel notre pain quotidien ne vient plus à manquer à personne.

Les Pères synodaux s’acquitteront de leurs devoirs synodaux en suivant l’exemple de la Bienheureuse Vierge Marie, Femme eucharistique, dans la disponibilité à accomplir la volonté de Dieu le Père et dans une attitude d’ouverture aux inspirations de l’Esprit Saint. Dans cet important travail, ils seront soutenus par les liens de la communion avec le clergé et les fidèles qui, en cette Année de l’Eucharistie, et avec un zèle renouvelé, ne cessent de prier, de célébrer, d’adorer, de témoigner avec la vie chrétienne et avec la charité fraternelle la fécondité du Mystère Eucharistique, annonçant à ceux qui sont proches de l’Église et à ceux qui en sont éloignés, avec une vigueur apostolique ravivée, la beauté du grand Mystère de la foi contenu dans le sacrement de l’Eucharistie, source et sommet de la vie et de la mission de l’Église pour le Troisième millénaire du Christianisme.

+ Nikola Eterović Archevêque titulaire de Sisa, Secrétaire Général

INTRODUCTION

Assemblée synodale dans l’Année de l’Eucharistie

1. La XIème Assemblée Générale Ordinaire du Synode des Évêques se tiendra du 2 au 23 octobre 2005, sur le thème L’Eucharistie : source et sommet de la vie et de la mission de l’Église. La phase préparatoire à cette Assemblée synodale implique toute l’Église catholique disséminée dans le monde, grâce aussi au Magistère de Jean-Paul II qui a promulgué l’Encyclique Ecclesia de Eucharistia et la Lettre Apostolique Mane nobiscum Domine. Les évêques et les théologiens qui ont participé au 48ème Congrès Eucharistique International de Guadalajara [1], au Mexique ont également contribué à cette préparation. D’autres documents sont liés, d’une certaine manière, au thème synodal : l’Instruction Redemptionis sacramentum et l’opuscule Année de l’Eucharistie. Suggestions et propositions de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements. Ce dernier a été diffusé cette année à l’occasion de l’ouverture de l’Année de l’Eucharistie qui, ayant commencé le 17 octobre 2004, se conclura justement avec le Synode.

Les Lineamenta ont été réalisés pour orienter la préparation spécifique. Ce document n’a pas l’objet d’offrir un traité complet sur l’Eucharistie, ni de simplement proposer de nouveau les enseignements doctrinaux contenus dans les documents précités, mais plutôt d’indiquer les questions émergentes dans le cadre des points essentiels de la doctrine eucharistique de l’Église, à la lumière des Écritures Saintes et de la Tradition.

Des réponses à ces Lineamenta et au Questionnaire l’accompagnant, sont parvenues de la part des Conférences épiscopales, des Églises Orientales catholiques sui iuris, de la Curie Romaine et de l’Union des Supérieurs Généraux, et des observations de la part d’évêques, de prêtres, de religieux, de théologiens et de fidèles laïcs qui ensuite ont été recueillies dans l’Instrumentum laboris. Ce document de travail de la future Assemblée sert à informer sur la réalité de la foi, du culte et de la vie eucharistique des Églises particulières disséminées dans le monde et à la confronter avec celle de l’Église universelle.

Instrumentum laboris et son utilisation

2. Pour favoriser la réflexion et la discussion préparatoire, ainsi que les interventions et le débat en salle, l’Instrumentum laboris expose les données à la fois doctrinales et pastorales. C’est dans ces deux domaines que les évêques sont en effet continuellement engagés, dans l’exercice de leur triple office épiscopal qui consiste à enseigner, sanctifier et gouverner le Peuple de Dieu. En effet, la pratique de l’Église dans le monde doit se confronter continuellement avec la doctrine pérenne alimentée par l’Écriture Sainte et par la Tradition.

Appliquant la méthode au thème du Synode, il est nécessaire de vérifier si la loi de la prière correspond à la loi de la foi, c’est-à-dire de demander ce que croit le Peuple de Dieu et la manière dont il vit pour que l’Eucharistie puisse être toujours davantage la source et le sommet de la vie et de la mission de l’Église et de chaque fidèle au moyen de la liturgie, de la spiritualité et de la catéchèse dans les milieux culturels, sociaux et politiques. Des réponses aux Lineamenta, émerge le besoin de comprendre l’Eucharistie à la lumière de sa double qualité de fons et culmen dans l’Église. Le Sacrifice sacramentel est source car, en vertu des paroles du Seigneur et de l’œuvre de l’Esprit Saint, il contient l’efficacité de la passion de Jésus-Christ et la puissance de sa Résurrection. Ensuite, l’Eucharistie est sommet de la vie de l’Église car elle conduit à la communion avec le Seigneur pour la sanctification et la divinisation de l’homme, membre d’une communauté rassemblée autour de la Table du Seigneur. De cette vérité, fons et culmen, naît l’engagement pour la transformation des réalités temporelles. Tel est le thème général du Synode. On peut dire que dans l’Eucharistie se trouve le sens du sacrifice de Jésus : Dieu se donne totalement et gratuitement, et l’homme s’abandonne complètement au Père qui l’aime. Il s’agit d’une double expression d’amour qui, en quelque sorte, correspond à l’Eucharistie en tant que Sacrifice et en tant que Banquet.

D’après les réponses, le fait que les Lineamenta aient proposé non seulement de porter un regard sur l’Eucharistie de la liturgie de tradition latine mais aussi sur celle des liturgies des traditions orientales, a généralement été apprécié : l’osmose est considérée enrichissante et bénéfique, dans le but également d’exalter les lumières et de dissiper les ombres qui se vérifient dans de nombreux lieux. Le texte de l’Instrumentum laboris essaie d’en faire autant pour embrasser toute la tradition de l’Église, et non pas seulement à partir de la perspective du rite latin, bien qu’on ne puisse pas cacher que certains phénomènes lui soient propres.

Maintenant cet Instrumentum laboris est soumis à la réflexion des Pasteurs des Églises particulières pour que, avec le Peuple de Dieu, ils se préparent au Synode, dans lequel les Pères offriront à l’Évêque de Rome des propositions utiles pour le renouvellement eucharistique de la vie ecclésiale.

Ière Partie EUCHARISTIE ET MONDE ACTUEL

Chapitre I FAIM DU PAIN DE DIEU

« Car le pain de Dieu, c’est celui qui descend du ciel et donne la vie au monde. Ils lui dirent alors : Seigneur, donne-nous toujours ce pain-là » (Jn 6,33-34)

Pain pour l’homme dans le monde

3. À la demande d’offrir un signe pour pouvoir croire, Jésus-Christ se propose à la foule comme le Pain véritable qui rassasie l’homme (cf. Jn 6,35), le Pain qui descend du ciel pour donner la vie au monde. Le monde actuel a, lui aussi, besoin de ce Pain pour avoir la vie. Dans la conversation avec Jésus qui se présentait comme le Pain pour la vie du monde, spontanément la foule le prie : « Seigneur, donne-nous toujours ce pain-là ». Il s’agit d’une supplique significative, expression du désir profond qui est inné dans le cœur non seulement des fidèles mais de chaque homme qui aspire ardemment au bonheur symbolisé par le Pain de la vie éternelle. En cette année du Seigneur 2005, malgré les difficultés et les contradictions de diverse nature, le monde, lui aussi, aspire au bonheur et désire le Pain de la vie, de l’âme et du corps. Pour donner une réponse à ce désir ardent de l’homme, le Pape a lancé un appel angoissé à toute l’Église afin que l’Année de l’Eucharistie soit aussi une occasion d’engagement sérieux et profond à lutter contre le drame de la faim, le fléau des maladies, la solitude des personnes âgées, les difficultés des chômeurs et les adversités des migrants. Les fruits de cet engagement seront la preuve de l’authenticité des Célébrations Eucharistiques [2].

Et non seulement l’homme mais aussi toute la création entière attend les cieux nouveaux et la terre nouvelle (cf. 2 P 3,13) et la récapitulation de toutes les choses, celles de la terre également, dans le Christ (cf. Ep 1,10). C’est pourquoi, étant le sommet auquel aspire toute la création, l’Eucharistie est la réponse à la préoccupation du monde contemporain, pour l’équilibre écologique aussi. En effet, le pain et le vin, espèces que Jésus-Christ a choisies pour chaque Sainte Messe, relient la Célébration Eucharistique à la réalité du monde créé et confié à la domination de l’homme (cf. Gn 1,28), dans le respect des lois que le Créateur a mis dans les œuvres de ses mains. Que le pain qui devient Corps du Christ, soit produit par une terre fertile, pure et non contaminée. Que le vin, qui se transforme en Sang du Seigneur Jésus, soit le signe d’un travail de transformation de la création selon les besoins des hommes préoccupés aussi de sauvegarder les ressources nécessaires pour les générations futures. Que l’eau qui, unie au vin symbolise l’union de la nature humaine à la nature divine dans le Seigneur Jésus, conserve ses qualités salutaires pour les hommes assoiffés de Dieu « source d’eau jaillissant en vie éternelle » (Jn 4,14).

Quelques données statistiques essentielles

4. Le thème du Synode L’Eucharistie : source et sommet de la vie et de la mission de l’Église, exige donc de porter un regard aussi sur certaines données significatives du monde, dans lequel l’Église vit et œuvre. Dans l’impossibilité de fournir un tableau complet et exhaustif, on indique des remarques et des considérations d’ordre général.

Certaines données montrent clairement le rapport statistique entre la population en général et les fidèles qui professent la foi catholique. Il faut remarquer ici, qu’en 2003 le nombre des catholiques était égal à 1.086.000.000, avec une augmentation de 15.000.000 de personnes par rapport à l’année précédente, réparti par continent de la façon suivante : Afrique + 4,5 % ; Amérique + 1,2 % ; Asie + 2,2 % ; Océanie + 1,3 %. On constate une situation de stabilité pratique en Europe. La lecture des données sur la répartition des catholiques dans les différentes zones géographiques met en évidence le fait que l’Amérique recueille 49,8 % des catholiques du monde entier, tandis que l’Europe n’en a que 25,8 %, l’Afrique 13,2 %, l’Asie 10,4 % et l’Océanie 0,8 % [3]. Quant au nombre des habitants, le pourcentage des fidèles catholiques dans chacun des continents est le suivant : 62,46 % en Amérique, 39,59 % en Europe, 26,39 % en Océanie, 16,89 % en Afrique et 2,93 % en Asie [4].

Du point de vue de la répartition géographique de l’Église, il faut remarquer qu’en 2003 les circonscriptions ecclésiastiques étaient au nombre de 2.893, soit 10 en plus par rapport à 2002, avec une augmentation dans tous les continents [5]. Le nombre des Évêques a augmenté de 27,68 % dans le monde entier, passant de 3.714 en 1978 à 4.742 en 2003, tandis que le nombre total des prêtres en 2003 (405.450 : 268.041 diocésains et 137.409 religieux) par rapport à celui de 1978 (420.971 : 262.485 diocésains et 158.486 religieux) a subi une flexion de 3,69 %, due à une diminution de 13,30 % des prêtres religieux et à une croissance de 2,12 % des prêtres diocésains. En outre, le nombre des religieux profès non prêtres est en diminution de 27,94 % (de 75.802 en 1978 à 54.620 en 2003). On note aussi une flexion de 21,65 % du nombre des religieuses professes (de 990.768 en 1978 à 776.269 en 2003) [6].

Du fait que la célébration du sacrement de l’Eucharistie est essentiellement liée au sacrement de l’Ordre, il faut aussi tenir compte, pour la période 1978-2003, de l’augmentation des catholiques par prêtre. Il est en effet passé de 1.797 catholiques par prêtre au début de la période à 2.677 à la fin. Cette proportion n’apparaît pas très différente d’un continent à l’autre. Par exemple, par rapport aux 1.386 catholiques par prêtre environ en Europe, on en compte environ 4.723 en Afrique, 4.453 en Amérique, 2.407 en Asie et 1.746 en Océanie [7]. En outre, il est à noter qu’au cours de cette même période, les diacres permanents constituent le groupe en plus forte croissance : dans l’ensemble, ils ont plus que quintuplés dans tous les continents, avec une augmentation relative de 466,7 %. Il n’est pas sans intérêt de rappeler que cette figure religieuse est très répandue en Amérique (spécialement dans le Nord du continent) avec 65,7 % de tous les diacres du monde, et également en Europe avec 32 %. Le rôle joué dans l’évangélisation dans le monde entier par les missionnaires laïcs (172.331) et par les catéchistes (2.847.673) est aussi très important [8].

5. Le Synode se situe dans une période caractérisée par de forts contrastes au sein de la famille humaine. La mondialisation permet la perception de l’unité du genre humain, grâce aussi aux mass media qui informent sur la réalité aux quatre coins du monde. Il s’agit d’un aspect important du progrès technique, qui s’est développé d’une manière exceptionnelle au cours des dernières décennies. Malheureusement, la mondialisation et le progrès technique n’ont pas favorisé la paix ni une meilleure justice entre les nations riches et les nations pauvres du Tiers et du Quart-monde. Tout laisse à supposer malheureusement que, tandis que les Pères synodaux seront réunis, des actes de violence, de terrorisme et des guerres continueront à avoir lieu dans différentes parties du monde. En même temps, de nombreux frères et sœurs seront victimes de diverses maladies, comme par exemple le SIDA, qui provoquent la désolation dans de vastes couches de la population, surtout dans les pays pauvres.

Malheureusement, le scandale de la faim continuera d’exister, phénomène qui s’est aggravé au cours des dernières années, puisque plus d’un milliard d’hommes vivent dans la misère. À cet effet, il faut indiquer certains phénomènes concernant la réalité sociale, en particulier la faim, qui ne peuvent pas être négligés lorsque l’on pense au rapport de l’Église avec le monde en termes d’évangélisation. En effet, l’Église a, depuis toujours, accompagné l’annonce de l’Évangile et la transmission du salut à travers les sacrements avec les œuvres de promotion humaine, dans de nombreux domaines de la vie sociale, tels que la santé, l’assistance humanitaire et l’éducation. C’est la raison pour laquelle il ne faut pas oublier, entre autres, qu’au cours de la période 1999-2001, il y a eu 842 millions de personnes sous-alimentées dans le monde entier, dont 798 millions dans les pays en voie de développement, spécialement dans l’Afrique Subsaharienne, en Asie et dans le Pacifique [9]. Cette dramatique réalité ne peut être absente de la réflexion des Pères synodaux qui, avec chaque chrétien, prient plusieurs fois par jour le Seigneur en disant : « Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien ».

Eucharistie en différents contextes de l’Église

6. Il ressort des réponses aux Lineamenta que la fréquence à la Sainte Messe le dimanche est plutôt élevée dans différentes Églises particulières de nations africaines et dans certaines nations asiatiques. On remarque, au contraire, le phénomène inverse dans la plupart des pays européens et américains, et dans certains pays de l’Océanie, atteignant des pointes négatives de 5 %. Les fidèles qui négligent le commandement dominical ne donnent, dans la majorité des cas, aucune importance particulière à la participation à la Messe. Au fond, ils ne savent pas vraiment ce qu’est le Sacrifice et le Banquet Eucharistique qui unit les fidèles autour de l’Autel du Seigneur.

La Messe du samedi soir permet à de nombreuses personnes de satisfaire le précepte même si, dans certains cas, quelques-uns en profitent pour travailler le dimanche. En de nombreux lieux, la Messe en semaine n’est fréquentée que par peu de personnes ; certaines d’entre elles y participent d’une manière habituelle, d’autres occasionnellement, et d’autres encore du fait de leur engagement dans la vie ecclésiale.

Il faudrait encourager une catéchèse plus continue et intense en ce qui concerne l’importance et l’obligation de participer à la Sainte Messe le dimanche et les jours prescrits. Parfois, on sous-estime l’importance du précepte soutenant qu’il n’est suffisant de l’observer que lorsque l’état d’esprit le suggère.

7. Parmi les Églises particulières, on peut remarquer plusieurs phénomènes principaux. On assiste à un déclin de la pratique de la foi, de la participation à la Messe, surtout parmi les jeunes. Cela doit faire réfléchir sur le temps que les pasteurs et les catéchistes consacrent à l’éducation à la foi des jeunes et des enfants, et à celui qu’ils dédient, au contraire, aux autres activités, telles que les activités sociales.

On perçoit un affaiblissement du sens du Mystère dans les sociétés sécularisées qui est aussi à attribuer à des interprétations et à des actes qui ne sont pas conformes au sens de la réforme liturgique du Concile, qui conduit à des rites d’une grande banalité et qui manquent de spiritualité. Dans d’autres parties du monde, les communautés chrétiennes ont conservé un sens profond du Mystère, de sorte que la liturgie conserve chez elles une grande signification.

On exprime la satisfaction pour une liturgie inculturée qui permet de mieux parvenir à la participation active à la liturgie. En conséquence, la participation à la Messe a augmenté. Beaucoup de jeunes et d’adultes participent à la vie et à la mission de l’Église. Si, en raison de l’insuffisance du clergé, la Messe n’est célébrée que quelques fois par mois ou même par an dans les zones rurales, il est inévitable que le service dominical soit confié à des laïcs.

8. Il faut clarifier le fait que l’accès au Mystère dépend d’une célébration de la liturgie faite avec dignité, par une préparation soignée, mais surtout par la foi dans le Mystère lui-même. À ce propos, une grande aide est apportée par l’Encyclique Redemptoris missio qui a mis en évidence les deux aspects du manque de foi qui est en train d’avoir une incidence négative sur l’élan missionnaire : la sécularisation du salut et le relativisme religieux. La première conduit à se battre effectivement pour l’homme, mais pour un homme réduit à la seule dimension horizontale [10]. Certains semblent lier la vocation de ministre des Mystères de Dieu à celle d’organisateur de la justice sociale. Le second aspect conduit à abolir la vérité du Christianisme, car on considère qu’une religion en vaut une autre [11]. Loin de se laisser aller à des regrets, dans la Lettre Apostolique Novo millennio ineunte Jean-Paul II a exhorté à renforcer l’activité missionnaire de l’Église [12].

Le thème du Synode peut se développer correctement en tenant compte de ce contexte, sans oublier que pour les Apôtres et pour les Pères - pensons seulement à Justin [13] - l’Eucharistie est l’action la plus sainte de l’Église, qui croit fermement que le Seigneur Jésus Ressuscité y est réellement présent. Cette présence est le résultat fondamental du sacrement.

C’est justement cet événement qui jaillit de la transformation des espèces du pain et du vin qui fait s’approcher l’Église toujours avec crainte et tremblement, et en même temps avec confiance, du Mystère qui constitue l’essence de la liturgie. Aujourd’hui, il faut affirmer de nouveau le respect envers le Mystère de l’Eucharistie et la conscience de son intangibilité. Pour cela, il est nécessaire d’observer un programme articulé de formation. Mais cela dépendra beaucoup de l’existence de lieux exemplaires où l’on croie réellement en l’Eucharistie, où elle soit correctement célébrée, où l’on puisse vivre personnellement ce qu’elle est : l’unique véritable réponse à la recherche du sens de la vie qui caractérise l’homme sous toutes les latitudes.

Eucharistie et sens chrétien de la vie

9. L’homme se questionne sur le sens de la vie : qu’en est-il de ma vie ? Qu’est-ce que la liberté ? Pourquoi est-ce que la souffrance et la mort existent ? Y a-t-il quelque chose après la mort ? En un mot : la vie de l’homme a-t-elle oui ou non un sens [14] ? La question subsiste même si l’homme a l’illusion d’être parvenu à l’autosuffisance ou s’il est en proie à la peur et à l’incertitude. La religion est la réponse définitive à la question du sens de la vie, car elle conduit l’homme à la vérité sur lui-même dans le rapport avec le vrai Dieu. L’Eucharistie, qui « révèle le sens chrétien de la vie » [15], répond à cette question en annonçant la résurrection et la présence réelle, pleine et durable du Seigneur, comme gage de la gloire future. Cela implique que l’homme place son rapport avec Dieu à la base de tout, en tant que source de liberté qui lui permet d’entrer au plus profond de lui-même pour se donner gratuitement. C’est ce qui se passe dans le Mystère Pascal, où la vérité et l’amour se rencontrent, montrant qu’ils sont les caractéristiques de la vraie religion. Ainsi l’Eucharistie manifeste la vérité de la Parole de Dieu : nihil hoc verbo veritatis verius, comme chante l’hymne Adoro Te, devote. Le sens de l’Eucharistie est intégralement expliqué par les paroles de Jésus : « Faites ceci en mémoire de moi » (Lc 22,19). Elles annoncent, en premier lieu, que Jésus-Christ a porté l’éternité dans le temps en lui donnant son orientation définitive et en éliminant son pouvoir d’anéantissement. En second lieu, de par ces paroles, est mis en évidence le fait que la liberté de Dieu et celle de l’homme se rencontrent en Jésus, donnant origine à la communion qui permet de vaincre le Malin. Enfin, ces paroles signifient que Jésus-Christ est la source inépuisable du renouvellement de l’homme et du monde, en dépit des limites et du péché des hommes.

10. Les réponses aux Lineamenta dénoncent un certain éloignement de l’Eucharistie de la part de la vie pastorale ; aussi un encouragement pour renforcer la corrélation entre la vie et la mission est-il attendu de la part du Synode. L’Eucharistie est la réponse aux signes des temps de la culture contemporaine. À la culture de la mort, l’Eucharistie répond avec la culture de la vie. Contre l’égoïsme individuel et social, l’Eucharistie affirme le don total. À la haine et au terrorisme, l’Eucharistie oppose l’amour. Face au positivisme scientifique, l’Eucharistie proclame le mystère. S’opposant au désespoir, l’Eucharistie enseigne l’espérance certaine de l’éternité bienheureuse.

L’Eucharistie indique que l’Église et l’avenir du genre humain sont liés au Christ, unique roc vraiment durable, et à aucune autre réalité. C’est pourquoi la victoire du Christ est le peuple chrétien qui croit, qui célèbre et qui vit le Mystère Eucharistique.

Chapitre II EUCHARISTIE ET COMMUNION ECCLÉSIALE

« Parce qu’il n’y a qu’un pain, à plusieurs nous ne sommes qu’un corps, car tous nous participons à ce pain unique » (1 Co 10,17)

Mystère eucharistique, expression d’unité ecclésiale

11. En exhortant les fidèles à fuir l’idolâtrie, en évitant de manger la chair immolée aux idoles, Saint Paul met en évidence le lien étroit de communion des chrétiens avec le Sang du Christ et avec son Corps, capable de modeler, à partir de la multitude des fidèles, une seule communauté, une seule Église (cf. 1 Co 8,1-10).

Le thème de la communion ecclésiale a joui d’une attention particulière de la part du Concile Œcuménique Vatican II [16]. C’est d’autant plus vrai que l’argument a été spécialement mis en évidence dans le Rapport Final de la IIème Assemblée Générale Extraordinaire du Synode des Évêques, célébrée en commémoration du XXVème anniversaire de ce Concile [17], tout comme dans un document de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi aux évêques de l’Église catholique [18]. En outre, le thème a été largement traité au chapitre VI de l’Exhortation Apostolique Post-synodale Pastores gregis, promulguée par le Pape Jean-Paul II suite à la Xème Assemblée Générale Ordinaire du Synode des Évêques. Ce document pontifical, qui recueille la réflexion synodale sur l’argument, met en évidence la manière dont la communion des évêques avec le Successeur de Pierre, signe de l’unité entre l’Église universelle et les Églises particulières, culmine dans la Célébration Eucharistique des évêques avec le Pape durant les visites ad limina. L’Eucharistie présidée par le Saint Père et concélébrée par les Pasteurs des Églises particulières exprime parfaitement l’unité de l’Église. Cette Concélébration permet de percevoir plus clairement le fait que « chaque Eucharistie est (...) célébrée en communion avec l’Évêque propre, avec le Pontife romain et avec le Collège épiscopal et, à travers ces derniers, avec les fidèles de l’Église particulière et de toute l’Église, de telle sorte que l’Église universelle est présente dans l’Église particulière, et que celle-ci est insérée, avec les autres Églises particulières, dans la communion de l’Église universelle » [19].

En relation à la thématique de l’Eucharistie en tant qu’expression de la communion ecclésiale, les thèmes suivants qui émergent des réponses aux Lineamenta méritent un traitement particulier : rapport entre l’Eucharistie et l’Église ; rapport entre l’Eucharistie et les autres sacrements, spécialement la Pénitence ; rapport entre l’Eucharistie et les fidèles ; ombres dans la célébration de l’Eucharistie.

Rapport entre l’Eucharistie et l’Église ‘Épouse et Corps du Christ’

12. L’Eucharistie est le cœur de la communion ecclésiale. Le Concile a, parmi les nombreuses images de l’Église, préféré en choisir une qui exprime toute sa réalité : Mystère. Avant toute autre chose, l’Église est le Mystère de la rencontre de Dieu avec l’humanité ; c’est pourquoi elle est Épouse et Corps du Christ, Peuple de Dieu et Mère. La relation mutuelle entre l’Eucharistie et l’Église permet d’appliquer, à toutes deux, les mots du Credo : une, sainte, catholique et apostolique, que l’Encyclique Ecclesia de Eucharistia a illustré ultérieurement [20].

L’Eucharistie édifie l’Église et l’Église est le lieu où se réalise la communion avec Dieu et entre les hommes. L’Église a conscience que l’Eucharistie est le sacrement de l’unité et de la sainteté, de l’apostolicité et de la catholicité, sacrement essentiel à l’Église, Épouse du Christ et son Corps. Les caractéristiques de l’Église sont en même temps les liens de la communion catholique qui permettent la célébration légitime de l’Eucharistie.

Le Pape Jean-Paul II rappelait que « L’Église est le Corps du Christ : on chemine ‘avec le Christ’ dans la mesure où on est en relation ‘avec son Corps’ » [21]. C’est là que l’observance des normes et la dignité de la Célébration trouvent leur vrai sens : il s’agit de l’obéissance au Christ de la part de l’Église son Épouse.

13. L’Église fait l’Eucharistie et l’Eucharistie fait l’Église. Bien qu’elles aient toutes deux été instituées par le Christ l’une en prévision de l’autre, les deux termes du fameux aphorisme ne sont pas équivalents. Si l’Eucharistie fait grandir l’Église en raison de la présence de Jésus-Christ vivant en ce sacrement, c’est qu’auparavant il a voulu l’Église pour qu’elle célèbre l’Eucharistie. Les chrétiens de l’Orient soulignent tout particulièrement le fait que depuis la création l’Église préexiste à sa réalisation ici-bas. L’appartenance à l’Église est prioritaire pour pouvoir accéder aux sacrements : on ne peut accéder à l’Eucharistie sans avoir auparavant reçu le Baptême ou l’on ne peut retourner à l’Eucharistie sans avoir reçu la Pénitence qui est le ‘baptême laborieux’ pour les péchés graves. Depuis les origines, pour exprimer cette urgence propédeutique, l’Église a institué respectivement le catéchuménat pour l’initiation et l’itinéraire pénitentiel pour la réconciliation. En outre, il n’y a pas d’Eucharistie valable et légitime sans le sacrement de l’Ordre.

Pour ces raisons, l’Encyclique Ecclesia de Eucharistia parle d’« influence déterminante de l’Eucharistie aux origines mêmes de l’Église » [22], et de lien étroit entre l’une et l’autre [23]. Avec ces préliminaires, on comprend mieux l’affirmation que « toutefois la célébration de l’Eucharistie ne peut pas être le point de départ de la communion, qu’elle présuppose comme existante pour ensuite la consolider et la porter à sa perfection. Le sacrement exprime ce lien de communion d’une part dans sa dimension invisible (...) d’autre part dans sa dimension visible (...) Le rapport étroit qui existe entre les éléments invisibles et les éléments visibles de la communion ecclésiale est constitutif de l’Église comme sacrement du salut. C’est seulement dans ce contexte qu’il y a la célébration légitime de l’Eucharistie et la véritable participation à ce sacrement » [24]. Parler d’ecclésiologie eucharistique ne veut pas dire que dans l’Église tout puisse être déduit de l’Eucharistie, qui cependant reste source et sommet de la vie ecclésiale. En effet, comme le Concile Vatican II l’affirme : « La liturgie ne remplit pas toute l’activité de l’Église ; car, avant que les hommes puissent accéder à la liturgie, il est nécessaire qu’ils soient appelés à la foi et à la conversion » [25].

Pratiquement, l’espace où se déroule naturellement la vie ecclésiale est la paroisse. Dûment renouvelée et animée, elle doit être le lieu approprié à la formation et au Culte Eucharistique, du fait que, comme l’enseignait le Pape Jean-Paul II, la paroisse est « une communauté de baptisés qui expriment et consolident leur identité surtout à travers la célébration du Sacrifice Eucharistique » [26]. Elle devrait aussi se servir de l’expérience et de la contribution de mouvements et de nouvelles communautés qui, sous l’impulsion de l’Esprit Saint, ont su valoriser, selon leurs propres charismes, les éléments de l’initiation chrétienne. De cette manière, ils aident un grand nombre de fidèles à redécouvrir la beauté de la vocation chrétienne, dont le centre est le sacrement de l’Eucharistie pour tous dans la communauté paroissiale.

14. L’expression liturgique de l’ecclésiologie catholique se trouve dans l’Anaphore à travers les dénommés diptyques, qui rappellent la dimension eucharistique de la primauté du Pape, Évêque de Rome, comme élément intérieur à l’Église universelle, d’une manière analogue à celle de l’évêque dans l’Église particulière [27]. C’est l’Eucharistie uniquement qui rassemble l’Église dans l’unité contre toute fragmentation. La seule Église voulue par le Christ renvoie toujours à une Eucharistie qui se réalise en communion avec le collège apostolique, dont le Chef est le Successeur de Pierre. C’est cela le lien qui légitime l’Eucharistie. Une communion seulement transversale entre les Églises qualifiées de sœurs n’est pas conforme à l’unité eucharistique voulue par le Christ. La communion avec le Successeur de Pierre est un élément intérieur au sacrement, principe d’unité dans l’Église, dépositaire du charisme d’unité et d’universalité, qui est le charisme pétrinien. Donc l’unité ecclésiale se manifeste dans l’unité sacramentelle et eucharistique des chrétiens.

Rapport entre l’Eucharistie et les autres sacrements

15. Il existe un rapport spécifique de l’Eucharistie avec tous les autres sacrements. À cet effet, il faut tenir compte, d’une part, que selon le Concile de Trente les sacrements « contiennent la grâce qu’ils signifient » et la confèrent en raison de leur célébration elle-même [28]. D’autre part, tous les sacrements comme tous les ministères ecclésiaux et les œuvres d’apostolat aussi, sont étroitement unis à la sainte Eucharistie à laquelle ils sont ordonnés [29]. Toutefois, le sacrement de l’Eucharistie est « la perfection des perfections » [30].

La relation avec l’Eucharistie ne concerne pas seulement la célébration liturgique, mais avant tout l’essence de chaque sacrement. Le sacrement du Baptême est indispensable pour entrer dans la communion ecclésiale qui est renforcée par d’autres sacrements, offrant au croyant « grâce pour grâce » (Jn 1,16). On connaît la relation fondamentale qui existe entre le Baptême et l’Eucharistie en tant que source de la vie chrétienne. Dans les Églises de Tradition orientale, avec le Baptême on reçoit aussi la Sainte Communion, tandis que dans les Églises de Tradition latine, c’est à l’âge de raison qu’on accède à l’Eucharistie et seulement après avoir reçu le Baptême.

Les réponses aux Lineamenta recommandent d’expliciter le lien théologique qui existe entre Baptême et Eucharistie comme sommet de l’initiation, même si cela ne doit pas conduire nécessairement à toujours célébrer le Baptême durant la Messe. À ce propos, des préoccupations sont exprimées en ce qui concerne la qualité d’une catéchèse appropriée.

16. Il existe un lien théologique entre la Confirmation et l’Eucharistie, car l’Esprit Saint conduit l’homme à croire en Jésus-Christ notre Seigneur. Afin de rendre ce lien plus évident, la pratique d’administrer la Confirmation avant la Communion a été réintroduite dans certaines Églises particulières.

L’Eucharistie est le sommet d’un itinéraire authentique de l’initiation chrétienne. Vivre en chrétien signifie actualiser le don du Baptême, ravivé par la Confirmation, en l’alimentant avec la participation régulière à la Sainte Messe du dimanche et des jours prescrits.

On observe que les prêtres sont souvent délégués pour conférer la Confirmation, et ceci a pour conséquence le risque de mettre au second plan le fait que c’est l’évêque qui en est le ministre ordinaire. De cette manière, on enlève aux nouveaux confirmés une occasion de rencontrer le Père et le Chef visible de l’Église particulière.

17. Plusieurs réponses soulèvent la question de l’âge le plus opportun pour l’admission au sacrement dans l’Église de Tradition latine, compte tenu des bons résultats spirituels et pastoraux obtenus lorsque la Sainte Communion a été reçue dans la petite enfance. Il est utile de rappeler ici la constatation du Pape Jean-Paul II dans son livre « Levez-vous, et allons ! » [31]. Plus récemment, lui-même rappelait que « les enfants sont le présent et l’avenir de l’Église. Ils jouent un rôle actif dans l’évangélisation du monde, et à travers leurs prières ils contribuent à le sauver et à l’améliorer » [32].

Dans le passé, sur ce même argument, le Décret Quam singulari admettait les enfants à l’Eucharistie dès sept ans, un âge considéré comme faisant usage de la raison, quand ils pouvaient distinguer le Pain Eucharistique du pain ordinaire, après avoir accompli la première confession sacramentelle [33]. Cette orientation semble aujourd’hui encore plus nécessaire du fait que l’usage de la raison, tout comme les dangers et les tentations aussi, arrivent plus précocement. Avec cette pratique, on professe la primauté de la grâce qui a apporté de grands bénéfices à l’Église, favorisant aussi les vocations sacerdotales.

18. Le rapport entre l’Ordre et l’Eucharistie est visible justement dans la Messe présidée par l’Évêque ou par le prêtre in persona Christi capitis. La doctrine de l’Église fait de l’Ordre la condition indispensable pour la célébration valable de l’Eucharistie.

C’est pour cette raison qu’il a été vivement recommandé que « le rôle (...) du sacerdoce ministériel dans la célébration de l’Eucharistie, qui diffère en essence et non seulement en degré du sacerdoce commun des fidèles » [34], soit mis en évidence. Pour cela aussi il est juste de recommander que les prêtres prennent part à l’Eucharistie comme célébrants, accomplissant la fonction de leur ordre [35].

19. On sait que le Mariage est habituellement célébré durant la célébration de l’Eucharistie dans les Églises de Tradition latine, à la différence de ce qui se passe dans les Églises orientales.

Quand le Mariage est célébré durant la Messe, c’est pour indiquer, comme paradigme de l’amour chrétien, l’amour de Jésus-Christ qui dans l’Eucharistie aime l’Église comme son Épouse au point de donner la vie pour elle. Cet amour nuptial est indiqué aussi dans les cas où le sacrement du mariage est célébré en-dehors de la Messe [36]. L’Eucharistie reste cependant la source inépuisable de l’unité et de l’amour indissoluble du mariage, et devient la nourriture de toute la famille dans l’édification d’un foyer chrétien.

20. Le rapport entre l’Eucharistie et l’Onction des malades trouve l’origine de son institution, comme tous les sacrements, en la personne du Christ : il montrait, dans la sollicitude pour les malades de tout genre, le sens de sa mission de guérir et de sauver l’homme.

En outre, dans les réponses aux Lineamenta on recommande de présenter le rapport entre Onction et Eucharistie comme consolation et espérance dans la maladie, avant de le présenter comme ultime Viatique. Les ministres extraordinaires de la Communion sont invités à être diligents envers les malades graves et les personnes âgées qui ne peuvent physiquement participer à la Célébration Eucharistique à l’Église. À leur endroit, il serait très opportun, comme certaines réponses le suggèrent, de valoriser davantage l’utilisation des moyens de communication sociale pour la transmission de Saintes Messes et d’autres célébrations liturgiques. Pour utiliser cette technologie moderne, il convient que ceux qui en sont chargés possèdent une formation théologique, pédagogique et culturelle appropriée.

21. Quant à l’insertion de sacrements durant la Messe, les normes liturgiques des Églises orientales ne le prévoient pas, bien qu’il y ait ça et là quelques exceptions pour le Baptême et le Mariage. Au sujet de cette pratique, c’est à chaque Église qu’il incombe d’établir des règles opportunes.

Pour les Églises particulières de rite latin, les réponses montrent que l’insertion s’effectue d’une manière diversifiée en fonction des usages qui varient d’un pays à l’autre. Il existe des diocèses qui possèdent des normes réglementant la célébration des sacrements et des sacramentaux durant la Messe, spécialement pour les mariages mixtes et pour les funérailles de personnes qui ne sont pas pratiquantes.

Les rituels distinguent normalement, comme c’est le cas pour le Baptême et pour la Pénitence, le rite individuel du rite communautaire. Bien que du point de vue pastoral on préfère ce dernier, il ne faut pas tomber dans une sorte de communautarisme, tant parce que le sacrement reste toujours un don fait à la personne individuelle, que parce que le fidèle a droit, dans certaines conditions, à l’administration individuelle du sacrement.

Lien étroit entre l’Eucharistie et la Pénitence

22. Le sacrement de la Réconciliation rétablit les liens de communion interrompus par le péché mortel [37]. C’est pourquoi la relation entre l’Eucharistie et le sacrement de la Réconciliation mérite une attention particulière. Les réponses soulignent la nécessité de la proposer de nouveau dans le contexte du rapport entre l’Eucharistie et l’Église, et comme condition pour rencontrer et adorer, en esprit de sainteté et avec un cœur pur, le Seigneur qui est le Très Saint. Il a lavé les pieds des Apôtres, pour indiquer la sainteté du Mystère. Le péché, comme l’affirme Saint Paul, provoque une profanation semblable à la prostitution, parce que nos corps sont les membres du Christ (cf. 1 Co 6,15-17). Saint César d’Arles dit, par exemple : « Toutes les fois que nous allons à l’église, remettons nos âmes en ordre comme nous voudrions trouver le temple de Dieu. Tu veux trouver une basilique toute resplendissante ? Ne tache pas ton âme avec les souillures du péché » [38].

Le rapport entre l’Eucharistie et la Pénitence dans la société actuelle dépend beaucoup du sens du péché et du sens de Dieu. La distinction entre le bien et le mal devient souvent subjective. L’homme moderne, insistant unilatéralement sur le jugement de sa conscience, risque de bouleverser le sens du péché.

23. Nombreuses sont les réponses aux Lineamenta qui ont parlé du rapport entre l’Eucharistie et la Réconciliation.

Dans nombre de pays on a perdu, ou on est en train de perdre, la conscience de la nécessité de la conversion avant de recevoir l’Eucharistie. Le lien avec la Pénitence n’est pas toujours perçu comme l’exigence d’être en état de grâce avant de recevoir la Communion, et c’est pourquoi on néglige l’obligation de confesser les péchés mortels [39].

Également l’idée de Communion comme « nourriture pour le voyage », a conduit à sous-estimer la nécessité de l’état de grâce. Au contraire, tout comme la nourriture suppose un organisme vivant et sain, de la même façon l’Eucharistie exige l’état de grâce pour renforcer l’engagement du Baptême : on ne peut être en état de péché mortel pour recevoir Celui qui est le ‘médicament’ d’immortalité et l’‘antidote’ pour ne pas mourir [40].

De nombreux fidèles savent qu’on ne peut pas recevoir la Communion en état de péché mortel, mais ils n’ont pas une idée claire sur ce qui constitue le péché mortel. D’autres ne s’interrogent plus sur ce point. Il se crée souvent un cercle vicieux : « je ne communie pas parce que je ne me suis pas confessé, je ne me confesse pas parce que je n’ai pas commis de péchés ». Les causes peuvent être diverses, mais une des principales est la carence catéchétique sur cet argument.

Un autre phénomène assez répandu consiste dans le fait de ne pas faciliter, avec des horaires opportuns, l’accès au sacrement de la réconciliation. Dans certains pays, la Pénitence individuelle n’est pas administrée ; au maximum, on célèbre deux fois par an une liturgie communautaire, créant une formule à mi-chemin entre le IIème et le IIIème rite prévu par le Rituel.

Force est de constater la grande disproportion qui existe entre le grand nombre de personnes qui communient et le petit nombre d’entre elles qui se confessent. Il est très fréquent que les fidèles reçoivent la Communion, sans se soucier de l’état de péché grave dans lequel ils peuvent se trouver. Pour cela, l’admission à la Communion de personnes divorcées et remariées civilement est un phénomène qui n’est pas rare dans différents pays. Aux Messes de funérailles ou de mariage ou à d’autres Célébrations, beaucoup viennent communier, uniquement en raison d’une conviction diffuse que la Messe n’est pas valable sans la Communion.

24. Face à ces réalités pastorales, un grand nombre de réponses adoptent, au contraire, un ton plus encourageant. Elles espèrent aider les personnes à être conscientes des conditions pour recevoir la Communion et de la nécessité de la Pénitence qui, précédée d’un examen de conscience, prépare le cœur en le purifiant du péché. Dans ce but, on estime opportun que le célébrant parle souvent, y compris dans l’homélie, du lien entre les deux sacrements. Le désir a été exprimé de restituer, partout, au jeûne eucharistique cette attention rigoureuse qui est restée en usage dans les Églises orientales [41]. En effet, le jeûne comme maîtrise de soi requiert le concours de la volonté et conduit à purifier l’esprit et le cœur. Saint Athanase dit : « Tu veux savoir ce que fait le jeûne ? (...) il chasse les démons et te libère des mauvaises pensées, il réjouit l’esprit et purifie le cœur » [42]. Dans la liturgie du Carême, on rappelle souvent la purification du cœur par le jeûne et le silence, comme le recommande Saint Basile [43]. Dans quelques réponses aux Lineamenta, on pose la question de l’opportunité du rétablissement de l’obligation des trois heures de jeûne eucharistique.

On invite à faire des efforts pour accroître les occasions de réconciliation individuelle en ayant recours à la collaboration inter-paroissiale durant le samedi et le dimanche, puis d’une manière plus intensive pendant l’Avent et le Carême. Beaucoup pourrait être fait dans la prédication et dans la catéchèse pour rétablir le sens du péché et la pratique pénitentielle, en surmontant les difficultés dues à la mentalité sécularisée.

On considère nécessaire d’offrir la possibilité de se confesser avant la Messe, en adaptant les horaires à la situation réelle des pénitents, et également durant la Célébration Eucharistique, comme le recommande la Lettre Apostolique Misericordia Dei [44].

Il faut encourager les prêtres à administrer le sacrement de Pénitence, occasion privilégiée d’être signes et instruments de la miséricorde de Dieu. Quoi qu’il en soit, l’Église est profondément reconnaissante envers les prêtres qui, avec zèle, écoutent les confessions pour préparer les fidèles à rencontrer et à recevoir le Christ dans l’Eucharistie. Les fidèles sont attirés vers la confession surtout lorsqu’ils voient le prêtre exercer son ministère dans le confessionnal, comme en ont témoigné de nos jours, Saint Léopold Mandić, Saint Padre Pio de Pietrelcina et tant d’autres saints pasteurs.

Rapport entre l’Eucharistie et les fidèles

25. Comme l’enseignent le Concile Vatican II et d’autres documents du Magistère [45], les fidèles laïcs, partie essentielle de l’Église communion, hiérarchiquement structurée, sont convoqués dans la Sainte Assemblée pour prendre part à la Célébration Eucharistique.

L’incarnation du Verbe, dans lequel Dieu le Père s’est rendu visible, a inauguré le culte spirituel, conforme à la raison, qui s’accomplit dans l’Esprit Saint ; le culte ne peut être « un commandement humain, une leçon apprise » (Is 29,13). Le culte chrétien a une implication christologique et anthropologique : c’est pourquoi la participation des fidèles à la liturgie, surtout à la Célébration Eucharistique, consiste essentiellement à entrer dans ce culte, dans lequel Dieu descend vers l’homme et l’homme s’élève vers Dieu. L’Eucharistie même, mémorial du Fils, est le culte d’adoration qui, dans l’Esprit, monte vers le Père : tel est le fondement du renouveau liturgique voulu par le Concile Vatican II.

Beaucoup ont observé que la participation a souvent été réduite à ses aspects extérieurs. Tous n’en comprennent pas le véritable sens, qui naît à partir de la foi en Jésus Fils de Dieu. La participation à l’Eucharistie est, à juste titre, considérée comme acte fondamental de la vie de l’Église, communion avec la vie trinitaire, avec le Père qui est source de tout don, avec le Fils incarné et ressuscité, avec l’Esprit Saint qui opère la transformation et la divinisation de la vie humaine.

Les réponses aux Lineamenta convergent toutes pour constater la nécessité d’aider les fidèles à comprendre la nature de l’Eucharistie et le lien avec l’incarnation du Verbe, afin de participer au Mystère Eucharistique en communion de cœur et d’esprit, avant de le faire avec des actes extérieurs, et surtout en s’offrant eux-mêmes. À ce sujet, il est suggéré d’expliciter la relation nuptiale de l’Eucharistie et de la Nouvelle Alliance, comme modèle des vocations du chrétien : mariage, virginité, sacerdoce. L’objectif poursuivi est de former des personnes et des communautés eucharistiques, qui aiment, qui servent comme Jésus dans l’Eucharistie.

26. En outre, comme le recommande le Concile Vatican II [46], il serait bon de renforcer les moyens de communication déjà existants, spécialement pour faciliter la participation des fidèles qui, pour des raisons diverses, ne peuvent assister personnellement aux Célébrations Eucharistiques à l’église. Il existe des propositions concernant les mass media du Saint Siège, qui travaillent avec la meilleure synergie possible et sont en mesure de fournir à l’Église universelle, avec diligence et professionnalisme, des prestations appropriées et aussi réagir rapidement à la diffusion de principes anti-chrétiens. Dans cette tâche, tous les moyens de communication d’inspiration catholique devraient jouer un grand rôle. Leur renforcement devient urgent pour proposer le message chrétien d’une manière équilibrée et positive, et pour éclairer la conscience des hommes de bonne volonté sur des thèmes éthiques et moraux de grande importance pour la vie de l’Église et de la société.

Ombres dans la célébration de l’Eucharistie

27. La communion ecclésiale se trouve sérieusement troublée et blessée par les ombres qui existent dans la Célébration Eucharistique, et qui sont aussi signalées dans les réponses aux Lineamenta. Le thème, déjà abordé par le Pape Jean-Paul II dans l’Encyclique Ecclesia de Eucharistia [47], et plus particulièrement traité dans l’Instruction de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements Redemptionis sacramentum [48], est une invitation à accorder un regard attentif et serein, mais non pas moins critique, à la manière dont l’Église célèbre ce Sacrement, qui est la source et le sommet de sa vie et de sa mission. Le fait même qu’une telle invitation ait été lancée en cette période de notre histoire, alors que l’Église est toujours plus engagée dans le dialogue avec les religions et avec le monde, n’est rien d’autre qu’une inspiration providentielle du Successeur de Pierre, qui fait comprendre combien l’Église a toujours le besoin de porter un regard sur elle-même pour mieux se confronter avec ses interlocuteurs, sans perdre son identité de sacrement universel de salut.

Dans le présent texte seront signalées diverses ombres qui émergent de l’analyse des réponses aux Lineamenta. Ces observations ne devraient pas être considérées seulement comme de simples transgressions aux rubriques et à la pratique liturgiques, mais bien plutôt comme des expressions d’attitudes plus profondes.

On remarque une diminution de la participation à la célébration du Dies Domini, le dimanche et les jours prescrits à cause d’une connaissance insuffisante du contenu et du sens du Mystère Eucharistique et de l’indifférentisme, en particulier dans les pays où le processus de sécularisation est important et où il n’est pas rare que le dimanche se transforme aussi en un jour de travail.

Le Christ est la source et le centre de notre communion, et la Tête de son Corps qui est l’Église contrairement à l’idée très répandue selon laquelle c’est la communauté qui génère la présence du Christ.

Suite à un affaiblissement de la prière, de la contemplation et de l’adoration du Mystère Eucharistique, le sens du sacré par rapport à ce grand Sacrement est en train de s’altérer.

Dans un contexte d’idées qui entendent expliquer le Mystère Eucharistique non pas tant en lui-même, que plutôt dans la perspective du sujet avec qui il entre en relation avec, par exemple, des termes comme transfinalisation et transignification, on risque de compromettre la vérité du dogme catholique de la transformation du pain et du vin en Corps et Sang de Jésus-Christ, traditionnellement dénommée transubstantiation et, en conséquence, de la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie. On remarque une incohérence entre la foi professée dans le Sacrement et la dimension morale, tant dans la sphère personnelle que dans celle plus vaste de la culture et de la vie sociale.

Les documents de l’Église sont très peu connus, en particulier ceux du Concile Vatican II, les grandes Encycliques sur l’Eucharistie, y compris Ecclesia de Eucharistia, la Lettre Apostolique Mane nobiscum Domine, et d’autres encore. Un juste équilibre vient à manquer dans la célébration : on passe d’un ritualisme passif à une créativité exagérée, qui revêt parfois des formes de personnalisation excessive de la part du célébrant de l’Eucharistie, caractérisées, ce qui n’est pas rare, par une verbosité faite de commentaires trop nombreux et trop longs, ne laissant pas parler le Mystère à travers le rite et les formules de la liturgie.

IIème Partie FOI DE L’ÉGLISE DANS LE MYSTÈRE DE L’EUCHARISTIE

Chapitre I EUCHARISTIE, DON DE DIEU À SON PEUPLE

« Mystère de la foi »

Eucharistie, Mystère de la foi

28. Avec cette expression, le prêtre qui préside l’Eucharistie proclame les merveilles de la foi de l’Église dans le Seigneur ressuscité, réellement présent sous les espèces du pain et du vin, transformés par la grâce de l’Esprit Saint en Corps et en Sang du Seigneur Jésus.

On connaît l’insistance du Magistère conciliaire sur l’Eucharistie comme centre et cœur de la vie de l’Église et, avant tout, comme Mystère de la foi, dessein de Dieu révélé en Jésus-Christ. Dieu qui se donne à nous, qui est avec nous, est un Don et un Mystère d’une richesse ineffable, un Don et un Mystère à redécouvrir en permanence. Le Mysterium fidei est Dieu qui se donne à nous, le Premier, le Dernier et le Vivant venu dans le temps. Le Seigneur Jésus est véritablement homme et véritablement Dieu parmi nous. Il est le Fils de Dieu, et le Fils de l’Homme.

Un texte bien connu du Concile Vatican II répond à la question sur la foi et sur le mystère : « En réalité, le mystère de l’homme ne s’éclaire vraiment que dans le mystère du Verbe Incarné (...) Nouvel Adam, le Christ, dans la révélation même du mystère du Père et de son amour, manifeste pleinement l’homme à lui-même et lui découvre la sublimité de sa vocation » [49].

Le mot mystère est repris trois fois, condensant la vérité sur le Christ et sur l’homme. Le mystère du Verbe, le mystère du Père et le mystère de l’homme ne restent pas des énigmes insolubles ; ils trouvent une réponse en Jésus-Christ, qui est vrai Dieu et vrai homme. En devenant véritablement l’un de nous, et en s’étant « en quelque sorte uni Lui-même à tout homme » [50], il a permis, à tous ceux qui le désirent, de trouver le chemin menant au sens plénier de l’existence. Il ne s’est pas éloigné de l’humain, il a porté à sa pleine réalisation la vérité de la création, car : « Il a travaillé avec des mains d’homme, Il a pensé avec une intelligence d’homme, Il a agi avec une volonté d’homme, Il a aimé avec un cœur d’homme » [51]. Jean-Paul II avait repris ce texte dans sa première Encyclique Redemptor hominis [52], pour en faire en quelque sorte le programme de l’Église, appelé à déduire, à partir de la vérité sur le Christ, la vérité sur l’homme qui se trouve dans l’Évangile même.

29. Le fait et le Mystère de l’incarnation et de la mort et résurrection du Seigneur Jésus-Christ, qui permettent à l’homme de participer à la vie divine, sont présents dans l’Eucharistie, Pain de vie éternelle, car ils portent en eux la force pour vaincre la mort. « Qui mange ma chair et boit mon sang aura la vie éternelle » (Jn 6,54). Aussi, la Résurrection est-elle la source pérenne de sens offerte à l’humanité.

L’Eucharistie se trouve alors au centre de l’annonce diffusée par les chrétiens dans le monde depuis deux mille ans, selon laquelle Jésus, le Crucifié, était mort mais est ressuscité et nous, nous en sommes les témoins (cf. 1 Co 15,3-5).

L’Eucharistie annonce la mort du Christ qui, dans toute ce qu’elle a de dramatique, peut être comprise par tous les hommes. Mais elle proclame aussi sa Résurrection, qui exige la foi et l’ouverture à accueillir Dieu dans notre vie. La foi est le nouveau style de vie qui naît de l’Eucharistie et qui porte en soi le sens dernier et définitif de l’attente de la venue du Seigneur.

Sans la foi, l’Eucharistie ne peut ni être célébrée, ni exister, ainsi que le rappelle le trinôme foi-liturgie-vie, si fréquent dans les plans pastoraux. Sans la foi, il n’est même pas question de parler du thème de la participation active à la liturgie.

Eucharistie, Alliance Nouvelle et Éternelle

30. Comme le rappelle le Catéchisme de l’Église catholique, en reprenant Saint Irénée : « L’Eucharistie est le résumé et la somme de notre foi : ‘Notre manière de penser s’accorde avec l’Eucharistie, et l’Eucharistie en retour confirme notre manière de penser’ » [53]. Comment ne pas voir ici la réalisation de cette alliance avec Dieu dont l’homme a besoin pour vivre, l’alliance de la foi ? « Si vous ne croyez pas, vous ne vous maintiendrez pas » (Is 7,9b), dit le Seigneur. L’Eucharistie est l’Alliance nouvelle et éternelle, le pacte et le testament que Jésus a laissés dans le sacrement de son Corps et de son Sang.

En elle, en effet, l’Église tout entière exprime sa foi : après avoir écouté la Parole, on professe la foi dans le Mystère Eucharistique, révélation et don de Dieu lui-même dans Jésus, qui pousse les chrétiens à la donation pleine et parfaite d’eux-mêmes. Dans l’Eucharistie, surtout, la foi signifie reconnaître et accueillir Jésus-Christ comme dans une rencontre au cours de laquelle le fidèle est impliqué en totalité, à l’exemple de Marie, modèle de foi réalisée en plénitude.

Foi et la célébration de l’Eucharistie

31. Les réponses aux Lineamenta ne manquent pas de mettre en relief les caractéristiques de la foi comme conditions nécessaires à la célébration de l’Eucharistie. En elle se manifeste la primauté de la grâce de Dieu qui est toujours à l’origine de tout et qui par le don de l’Esprit Saint nous fait comprendre son action mystérieuse dans le sacrement qui changer le pain et le vin en Corps et en Sang de Jésus et pour notre sanctification. Si on se rend à la Liturgie Eucharistique sans croire à la grâce et sans, au moins, le désir d’être en état de grâce, il n’y a pas de participation adorante en esprit et en vérité.

Dans l’Eucharistie est proclamée la vérité de la Parole de Dieu révélée en Jésus, Verbe fait chair qui porte déjà en soi l’accomplissement ultime de l’histoire humaine. Si on se rend à la Liturgie Eucharistique en porteur de doute au lieu d’une adhésion à la vérité, il n’y a pas de participation authentique.

Le don de la liberté que le Créateur a offerte à sa créature fait que la foi est un acte libre d’adhésion à la personne de Jésus Chemin, Vérité et Vie (cf. Jn 14,6). Il se fait connaître dans la liturgie de l’Eucharistie mais, en même temps, il reste caché pour encourager la raison et l’intelligence du croyant à le chercher constamment jusqu’à ce qu’il le trouve présent dans la vie. C’est là l’action du Mystère auquel la liturgie conduit toujours plus profondément. Les Pères l’appelaient mystagogie.

L’amour réalise et complète la foi, comme le déclarent les Apôtres Jacques et Paul (cf. Jc 2,14 et suiv. ; Rm 13,10 ; Ga 5,6). La foi change le cœur du croyant, elle le convertit et l’ouvre à l’amour. S’ils sont accompagnés de l’espérance, la foi et l’amour fondent l’essence du chrétien. L’Eucharistie est le sacrement de l’amour qui ouvre l’homme à l’amour et lui fait trouver son origine et sa raison d’être. Sans agapé, pas de vie dans l’Esprit.

Toutes ces caractéristiques entraînent la participation à s’exprimer éminemment dans l’obéissance à la volonté de Dieu, conformément à la demande de la prière du Notre Père, en vue de la plénitude de la Communion. Il est certain que l’on peut participer à la Messe tout en n’étant pas dans les conditions nécessaires pour recevoir la Communion, mais il faut toujours nourrir le désir et la volonté de satisfaire ce besoin le plus tôt possible.

Foi personnelle et ecclésiale

32. La communion avec le Christ et avec l’Église rend manifeste que la dimension personnelle de la foi tend en permanence vers la dimension ecclésiale, tout comme le fait la liturgie dès l’instant de la profession de foi baptismale. C’est pourquoi, sans Baptême, il est impossible d’accéder à l’Eucharistie, qui présuppose la foi. Ainsi, si la grâce du Baptême est perdue avec le péché, le retour à l’Eucharistie exige le « baptême laborieux » qu’est la Pénitence.

Avant d’accéder à l’Eucharistie, il est nécessaire de renouveler sa profession de foi, ce lien incontournable qui atteste la communion de chaque Église particulière avec toutes les autres Églises de par le monde et, en premier lieu, avec l’Église de Rome et son évêque, principe nécessaire de l’unité. Il en est de même dans l’Anaphore, lorsque sont proclamés les diptyques. Dans l’Eucharistie, nous manifestons notre foi personnelle et celle de l’Église. La participation à l’Eucharistie aiguise l’intelligence du mystère qui englobe l’homme et sa vie, et permet au chrétien de défendre sa foi devant des interprétations partielles ou erronées. Ce n’est pas un hasard si la liturgie fait intégralement partie de l’itinéraire de foi qui se déroule durant toute la vie.

Le sens global de la foi est visible surtout dans le témoignage des martyrs, qui ont accepté librement la mort qui leur est infligée en raison de la haine envers leur foi, souvent pendant ou immédiatement après la Célébration Eucharistique. Ils étaient certains d’être dans la vérité et d’avoir la vie en suivant le Christ qui s’est offert librement, laissant dans l’Eucharistie le mémorial de son sacrifice. Dans le martyre, elle se manifeste véritablement de façon éminente en tant que fons et culmen de la vie et de la mission de l’Église, comme cela se produit dans nombre d’Églises qui subissent des persécutions ouvertes ou voilées.

Perception du Mystère Eucharistique de la part des fidèles

33. À partir des réponses aux Lineamenta, on relève généralement une certaine diminution de la perception du Mystère célébré. Le Don et le Mystère de l’Eucharistie ne sont pas toujours perçus en plénitude. On constate, en tous cas, des nuances en vertu des contextes culturels différents. Par exemple, dans les pays où règne un climat général de paix et de prospérité – principalement les pays occidentaux –, le Mystère Eucharistique est vu par beaucoup comme l’accomplissement de la fête prescrite et comme un repas fraternel. Par contre, dans les pays déchirés par la guerre et les différents problèmes de l’existence, on peut remarquer une compréhension plus profonde du Mystère Eucharistique dans son intégralité, c’est-à-dire également dans la dimension sacrificatoire. Célébré sur l’autel sans effusion de sang, le Mystère Pascal confère un sens spirituel très profond aux souffrances des chrétiens catholiques de ces pays, en les aidant à accepter celles-ci dans la participation au Mystère de la mort et de la résurrection de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Certaines réponses venant de l’Église qui est en Afrique font allusion au fait que l’idée de sacrifice est un élément constitutif des cultures de ce continent et que donc, si cette conception est élevée de façon appropriée après avoir été purifiée de tout élément étranger à l’Évangile, elle est souvent pastoralement utilisée dans la catéchèse pour mieux faire comprendre la dimension sacrificatoire de l’Eucharistie.

La catéchèse met en évidence la difficulté de conserver à la fois le caractère sacrificatoire et celui de vie en commun, l’accent retombant très souvent sur ce dernier aspect.

Pour affronter ces situations pastorales, de nombreuses réponses aux Lineamenta souhaitent que soit efficacement et fidèlement appliquée la réforme liturgique rétablissant l’équilibre entre les différentes dimensions de l’Eucharistie. En cas de nécessité, quelque retouche aux normes liturgiques pourrait être envisagée. Il est en même temps suggéré de promouvoir une catéchèse adéquate à tous les niveaux, pour mieux faire comprendre que, dans l’Eucharistie, se renouvelle le Mystère Pascal et qu’elle est le sacrifice de louange et de communion qui assure la croissance de la communauté.

Sens du sacré dans l’Eucharistie

34. Il n’existe aucun doute quant aux effets importants de la réforme liturgique réalisée suivant l’esprit du Concile Vatican II. En effet, la liturgie post-conciliaire a beaucoup favorisé la participation active, consciente et féconde des fidèles au Saint Sacrifice de l’autel [54].

Toutefois, les réponses parvenues d’un nombre relativement important de pays mettent en évidence, aussi bien dans le clergé que chez les fidèles, des lacunes et des ombres dans la pratique de la Célébration Eucharistique, qui semblent avoir origine dans un sens affaibli du sacré à propos du Sacrement. La sauvegarde de ce sens du sacré dépend fondamentalement de la conscience que l’Eucharistie est un Don et un Mystère, pour la mémoire de laquelle sont nécessaires des signes et des mots correspondant à la nature sacramentelle.

Très souvent dans les réponses aux Lineamenta sont signalés des actes qui portent atteinte au sens du sacré. Par exemple : la négligence dans l’utilisation des ornements liturgiques appropriés de la part du célébrant et des ministres, ainsi que le manque de décence dans la mise vestimentaire des personnes participant à la Messe ; la ressemblance de certains chants utilisés pendant la Célébration, avec des chansons profanes ; le consentement tacite dans l’élimination de certains gestes liturgiques parce que considérés comme trop traditionnels, tels que la génuflexion devant le Très Saint Sacrement ; une distribution impropre de la Communion dans la main, en-dehors de toute catéchèse adéquate ; des attitudes peu respectueuses avant, pendant et après la célébration de la Sainte Messe, non seulement chez les laïcs, mais aussi chez le célébrant lui-même ; la médiocre qualité architecturale et artistique de certains édifices sacrés ainsi que des objets destinés au culte ; des cas de syncrétisme dus à une inculturation inconsidérée des formes liturgiques, mêlées à des éléments d’autres religions.

Toutes ces réalités négatives, plus fréquentes dans la liturgie latine que dans celles orientales, ne doivent pas créer de faux alarmismes, car elles sont limitées. Cependant, elles doivent provoquer une réflexion profonde et sincère en vue de leur élimination et faire en sorte que les Liturgies Eucharistiques deviennent des lieux de louange, de prière, de communion, d’écoute, de silence et d’adoration, dans le respect du mystère de Dieu qui se révèle dans le Christ, sous la forme du Pain et du Vin, et dans la joie respectueuse de se sentir membre d’une communauté de fidèles réconciliés avec Dieu le Père, dans la grâce de l’Esprit Saint. L’Eucharistie est le point le plus sacré et élevé de la prière. Elle est la grande prière.

Chapitre II MYSTÈRE PASCAL ET EUCHARISTIE

« Chaque fois en effet que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne » (1 Co 11,26)

Caractère central du Mystère Pascal

35. Dans chaque Célébration Eucharistique est renouvelé le Mystère Pascal de la mort et de la résurrection du Seigneur Jésus-Christ, Pain rompu pour la vie du monde et Sang versé pour la rédemption des hommes et la libération du cosmos (cf. Rm 8,19-23).

Le thème synodal doit faire à nouveau découvrir le Mystère Pascal de Jésus comme Mystère du salut, dont jaillissent la vie et la mission de l’Église. L’Eucharistie se révèle comme le Don : le Seigneur se donne lui-même, c’est Dieu avec nous. L’Eucharistie, c’est sa Personne et sa vie pour nous. Avec l’Eucharistie, le Seigneur exerce la mission sacerdotale, prophétique et royale.

« C’est bien vrai ! Le Seigneur est ressuscité et est apparu à Simon ! » (Lc 24,34) disaient les Apôtres et les disciples. Saint Paul exhorte Timothée : « Souviens-toi de Jésus-Christ, ressuscité d’entre les morts » (2 Tm 2,8). À propos justement du témoignage apostolique, Saint Jean Chrysostome observe : « Aussi, il est évident que s’ils ne l’avaient pas vu ressuscité et s’ils n’avaient pas eu une preuve indéniable de sa puissance, ils ne se seraient pas exposés à tant de dangers » [55].

Dans un certain sens, l’homme est capable de tout vouloir, mais il n’a en son pouvoir que ce qu’il réussit à concrétiser. La mort et ce qui la précède, tout comme la maladie et la souffrance, indiquent la limite intrinsèque de la liberté de choix qui est celle de l’homme. Avec la Résurrection, Jésus instaure dans l’histoire de l’humanité la graine de l’espérance définitive : la victoire sur la mort. En fin de compte, c’est là le sommet de la révélation qu’il réalise. La mort est vaincue parce que le péché a été détruit et que l’homme a été réconcilié avec Dieu, mais aussi parce que la vie a été rendue et est donnée, pour l’éternité, à ceux qui croient dans le Christ. Le signe concret de cette espérance, c’est le Seigneur Jésus qui le donne, à travers sa volonté que l’Église soit son Corps mystique. En effet, les croyants sont morts et ressuscités avec le Christ (cf. Rm 6,1-11).

Noms de l’Eucharistie

36. Il convient d’expliquer le nom de l’Eucharistie et d’en approfondir le contenu si l’on veut que soit compris le culte chrétien.

Le Catéchisme de l’Église catholique énonce les noms par lequel ce Sacrement est appelé : en premier lieu, Eucharistie [56], puis Repas du Seigneur, aussi bien comme commémoration du repas pascal qu’il a célébré que comme anticipation du repas des noces de l’Agneau dans la Jérusalem céleste ; fraction du pain, rite qui souligne le partage de la communion à un seul Corps et qui fonde la Synaxis ou Assemblée Eucharistique, expression visible de l’Église ; Mémorial de la passion et de la résurrection ; Saint Sacrifice, parce qu’il actualise l’unique sacrifice du Christ Sauveur ; Sainte et Divine Liturgie, Saints Mystères, Très Saint Sacrement, Choses Saintes, Médicament d’immortalité, Viatique, Sainte Messe, pour souligner la dimension missionnaire.

Il est important de faire comprendre le sens de ces mots, sans en omettre aucun, si l’on veut que la catéchèse soit complète, et la condition d’une participation véritablement consciente à la liturgie.

Sacrifice, mémorial et rencontre

37. Dans les réponses et les observations aux Lineamenta, on constate une exigence répandue d’approfondir la nature sacrificatoire de l’Eucharistie et la demande d’exposer cette vérité de notre foi avec toujours plus clarté, en conformité au récent Magistère de l’Église.

Le Concile Vatican II avait déjà promu la réflexion théologique sur le sens du sacrifice de Jésus, en tant qu’offrande pleine, libre et gratuite à Dieu le Père pour le salut du monde. Parmi les nombreux textes qui mentionnent cet aspect, il faut accorder une attention particulière à celui qui, dans la Constitution dogmatique Lumen gentium, concerne l’exercice du sacerdoce ministériel : « Les prêtres (...) exercent leur fonction sacrée [lorsque] tenant la place du Christ et proclamant son Mystère, ils joignent les prières des fidèles au sacrifice de leur Chef et, dans le sacrifice de la messe, ils rendent présent à nouveau et appliquent jusqu’à la venue du Sauveur (cf. 1 Co 11,26) l’unique sacrifice du Nouveau Testament, celui du Christ, qui s’est offert une fois pour toutes au Père commun comme victime immaculée (cf. He 9,11-28) » [57].

À ce propos, le Catéchisme de l’Église catholique [58] présente une sous-partie intitulée le sacrifice sacramentel : action de grâce, mémorial, présence dont il ressort que le nom principal, qui englobe tous les autres, est sacrifice sacramentel ; c’est-à-dire la mort du Christ pour nous sauver du péché par son sacrifice, ce qui est rendu possible à chacun à travers le sacrement. Aussi l’action de grâce est-elle rendue pour le sacrifice, le mémorial de son sacrifice, la présence de son sacrifice dans le corps donné et dans le sang versé. L’action de grâce est adressée à Dieu pour la création et pour le salut du monde.

Considérer l’Eucharistie de cette façon permet de dépasser la dialectique entre le sacrifice et la rencontre. En effet, si le deuxième mot est compris comme le synonyme de repas, il inclut le sacrifice du fait qu’il s’agit du repas de l’Agneau immolé ; s’il est compris comme le synonyme de communion, il manifeste la fin ou le sommet de l’Eucharistie.

L’Encyclique Ecclesia de Eucharistia, sur le Sacrifice Eucharistique [59], enseigne que l’Église présente à nouveau le sacrifice du Christ sous forme d’intercession également, parce que le Fils lui-même s’est offert dans sa chair, et que de ce fait il est médiateur entre l’homme et le Père. L’Église du Christ est unie à cette offrande dans l’Anaphore, ou Prière Eucharistique. Bien que sans effusion de sang, cette offrande n’est pas nouvelle : elle est la même que celle accomplie sur la Croix. C’est dans ce sens que doit être lu le rappel de l’Encyclique : « La Messe rend présent le sacrifice de la Croix, elle ne s’y ajoute pas et elle ne le multiplie pas » [60]. Le fait d’affirmer que cela se produit à cause de l’amour sacrificatoire du Seigneur sert à reprendre ce qui est dit dans l’Encyclique.

Consécration

38. L’incarnation, la mort et résurrection, l’Ascension et la Pentecôte sont des événements qui se sont réellement produits et ils permettent de comprendre que la présence permanente et substantielle du Seigneur dans le sacrement n’est pas simplement une typologie ou une métaphore. Au contraire, si le sacrement est présenté seulement comme un symbole de la présence du Christ, c’est parce qu’existe alors le doute que Dieu puisse intervenir sur des réalités matérielles. Aussi, en se situant dans le contexte des autres modes possibles de présence, le Mystère Pascal permet de saisir la nature de la présence eucharistique, donnée par la transformation des espèces, c’est-à-dire par la transsubstantiation. Le pain devient le Corps donné, rompu pour notre salut ; Corpus Christi salva me ; le vin devient le Sang versé, surabondance de délices divins : Sanguis Christi, inebria me [61]. Dépasser l’écart entre la pauvreté des espèces sacramentelles et Jésus-Christ qui se donne véritablement et substantiellement, permet à l’Eucharistie de semer dans le monde le germe de l’histoire nouvelle [62]. Le Mystère Pascal confirme la condescendance de Dieu et la kenosis du Fils, en présence de la transcendance absolue de la Trinité.

Aussi, les mots de Jésus « Prenez et mangez » indiquent-ils avant tout le don qu’il nous fait de soi. Deuxièmement, ils portent en eux la fraternité de la table, l’unité de la communauté de l’Église, l’engagement à partager le pain avec ceux qui n’en ont pas. L’ensemble génère l’adoration, c’est-à-dire la reconnaissance permanente du Seigneur qui accompagne le chemin du Peuple de Dieu.

La transsubstantiation se produit dans la consécration du pain et du vin. À ce sujet, les réponses recommandent d’expliquer la [théologie de la consécration à la lumière des traditions ecclésiales d’Orient et d’Occident, en particulier à propos de la consécration en tant qu’imitation du Seigneur dans ce qu’il a fait et ordonné dans la Cène, et de l’invocation de l’Esprit Saint dans l’épiclèse. Une théologie plus claire de la consécration pourrait être très utile pour le dialogue œcuménique avec les Églises Orientales avec lesquelles il n’y a pas encore de pleine communion. Cette clarté serait également utile pour éliminer certaines ombres signalées par les réponses aux Lineamenta comme, par exemple : l’emploi d’hosties confectionnées avec du levain et autres ingrédients ; la célébration avec du pain commun ; l’improvisation de la Prière Eucharistique, la récitation d’une partie ou de toute cette prière par les fidèles, à la demande insistante du célébrant ; la fractio panis au moment de la consécration.

Présence réelle

39. C’est le Seigneur lui-même qui a voulu être présent dans le sacrement pour être près de l’homme et le nourrir de son Corps et pour rester au sein de la communauté ecclésiale. L’homme répond par sa foi dans la présence réelle et substantielle, comme cela est rappelé dans certaines réponses, sur la base des Encycliques Ecclesia de Eucharistia et Mysterium fidei. En même temps que la foi en la présence du Christ dans le sacrement, d’autres aspects doivent aussi être rappelés : le sens du mystère et les attitudes qui l’expriment, la place du tabernacle, la solennité de la célébration, la valeur eschatologique, c’est-à-dire le sacrement comme gage de la gloire ; en effet, celui-ci est aussi anticipation de la réalité dernière et éternelle pendant le pèlerinage vers la maison du Père céleste, comme cela est manifesté, par exemple, dans l’attente nuptiale des personnes consacrées.

Dans sa Lettre Apostolique Mane nobiscum Domine pour l’Année de l’Eucharistie, Jean-Paul II proposait cette synthèse de la doctrine de la présence du Christ vivant dans son Église : « Toutes ces dimensions de l’Eucharistie se rejoignent dans un aspect qui, plus que tous les autres, met notre foi à l’épreuve, à savoir celui du mystère de la présence ‘réelle’. Avec toute la tradition de l’Église, nous croyons que, sous les espèces eucharistiques, Jésus est réellement présent. Il s’agit d’une présence qui – comme l’a si bien dit le Pape Paul VI – est dite ‘réelle’ non par exclusion, comme si les autres formes de présence n’étaient pas réelles, mais par antonomase, car, en vertu de cette présence, le Christ tout entier se rend substantiellement présent dans la réalité de son corps et de son sang. C’est pourquoi la foi nous demande de nous tenir devant l’Eucharistie avec la conscience que nous sommes devant le Christ lui-même. C’est sa présence même qui donne à toutes les autres dimensions – repas, mémorial de la Pâque, anticipation eschatologique – une signification qui va bien au-delà d’un pur symbolisme. L’Eucharistie est mystère de présence, par lequel se réalise de manière éminente la promesse de Jésus de rester avec nous jusqu’à la fin du monde » [63].

Cette citation affirme la donnée doctrinale rappelée dans diverses réponses aux Lineamenta : Celui qui réside secrètement dans le Sacrement est le Médiateur rempli de majesté entre Dieu et l’homme, le Grand Prêtre souverain, le Maître divin, le Juge des vivants et des morts, le Dieu-Homme, la Parole incarnée, Celui qui renferme de façon mystérieuse tous les fidèles dans la grande communauté de l’Église. C’est ainsi qu’il se présente dans la Messe. 40. Cependant, à partir de certaines réponses aux Lineamenta, il ressort que parfois sont diffusées des déclarations contraires à la transsubstantiation et à la présence réelle, comprise seulement en tant que symbole, et que certains comportements manifestent cette conviction de façon implicite. Comme de nombreuses réponses le font remarquer, il semble quelquefois que, dans la liturgie, certains agissent comme animateurs devant attirer l’attention du public sur leur propre personne, plutôt qu’en serviteurs du Christ appelés à conduire les fidèles à s’unir à Lui [64]. Bien évidemment tout cela a une répercussion négative sur le peuple et risque ainsi de troubler sa compréhension et sa foi dans la présence réelle du Christ dans le sacrement.

Dans la tradition de l’Église, un véritable langage des gestes liturgiques s’est créé dans le but d’exprimer la foi authentique dans la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie comme, par exemple, la purification méticuleuse des vases sacrés après la Communion ou lorsque l’hostie tombe sur le sol, la génuflexion devant le tabernacle, l’emploi des plateaux de Communion, le renouvellement régulier des hosties conservées dans le tabernacle, le rangement de la clef du tabernacle en un lieu sûr, l’attitude correcte et le recueillement du célébrant conformément au caractère transcendant et divin du Sacrement. Omettre ou négliger ces signes sacrés, qui recèlent un sens plus profond et plus vaste par rapport à leur aspect extérieur, ne contribue certainement pas à conserver une foi forte dans la présence réelle du Christ dans le Sacrement. Aussi, dans les réponses il est recommandé que les signes et les symboles exprimant la foi dans la présence réelle soient l’objet d’une mystagogie et d’une catéchèse liturgique appropriées.

41. En outre, il ne faut pas oublier que l’expression de la foi en la présence réelle du Seigneur mort et ressuscité dans le Très Saint Sacrement culmine dans l’Adoration Eucharistique, tradition qui, dans l’Église latine, a des racines profondes. Comme le soulignent avec justesse de nombreuses réponses aux Lineamenta, cette pratique ne devrait pas être présentée en discontinuité avec la Célébration Eucharistique, mais comme sa prolongation naturelle. Ces mêmes réponses indiquent que, dans certaines Églises particulières, on constate un réveil de l’Adoration Eucharistique, qui doit, dans tous les cas, se dérouler dignement et solennellement.

La position du tabernacle aussi dans un lieu aisément visible est une autre façon de mettre en évidence la foi en la présence du Christ dans le Très Saint Sacrement. À ce propos, les réponses aux Lineamenta demandent une réflexion plus approfondie sur le juste emplacement du tabernacle dans les églises, conformément aux dispositions canoniques [65]. Vérification pourrait être faite de ce que le déplacement du tabernacle du centre du sanctuaire en un lieu écarté et dépourvu de solennité, dans une chapelle isolée, ou encore celui du siège du célébrant installé dans une position centrale ou devant lui – comme cela a été réalisé dans de nombreuses adaptations d’églises anciennes ou dans celles de nouvelle construction – ne soient pas, d’une manière ou d’une autre, à l’origine de la diminution de la foi en la présence réelle.

Il ressort aussi des réponses que, là où des instructions ont été données en vue de la construction et de la restructuration des églises, en insistant particulièrement sur la place du tabernacle, afin que celui-ci exprime la conscience de la présence réelle, des résultats positifs ont été atteints, comme la croissance de la foi et de l’adoration. Les églises doivent rester des lieux de prière et d’adoration, et non devenir des musées. Cela vaut aussi pour les cathédrales et les basiliques d’une valeur historique et artistique importante.

IIIème Partie L’EUCHARISTIE DANS LA VIE DE L’ÉGLISE

Chapitre I CÉLÉBRER L’EUCHARISTIE DU SEIGNEUR

« Et voici que je suis avec vous pour toujours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,30)

« Nous te rendons grâce car tu nous as choisis pour servir en ta présence » [66]

42. La célébration de la Sainte Messe commence avec la reconnaissance que Dieu est présent là où deux personnes ou plus sont réunies en son nom, et que nous nous trouvons devant lui. Lorsque nous participons à la Messe, nous devons avoir conscience de nous trouver à la source de la grâce : « Nos chants n’ajoutent rien à ce que tu es, mais ils nous rapprochent de toi » [67]. Dans la liturgie, l’homme ne se regarde pas lui-même, il regarde Dieu.

Ce n’est pas notre louange qui fait l’Eucharistie, mais l’action de Dieu. L’Eucharistie est au centre de la liturgie cosmique où la Trinité est présente, éternellement adorée par Marie et par les anges qui servent Dieu, qui nous offrent un modèle de service. Le Dieu Un et Trine est aussi adoré par les saints et les justes qui jouissent de sa vision bienheureuse et intercèdent pour nous, tout comme par les âmes des fidèles qui se purifient dans l’attente de voir Dieu. C’est ici que l’Église se manifeste en tant que famille de Dieu, ainsi que l’enseigne le Concile Vatican II et, récemment, l’Exhortation Apostolique Post-synodale Ecclesia in Africa [68].

Le culte rendu au Seigneur et aux saints a son centre dans le Mystère Pascal : « Dans les anniversaires des saints, l’Église proclame le Mystère Pascal en ces saints qui ont souffert avec le Christ et sont glorifiés avec lui » [69]. Cette liturgie de communion, qui unit le ciel et la terre, est célébrée pour le salut de tous les hommes, et également de ceux qui ne croient pas. Rappeler la liturgie céleste ne veut pas dire se détacher de celle terrestre, mais vouloir saisir dans celle-ci la dimension itinérante et eschatologique.

43. La célébration de l’Eucharistie a une structure et des éléments propres exposés dans la Présentation générale du Missel romain et dans l’Instruction pour l’application des prescriptions liturgiques du Code des Canons des Églises orientales, en particulier dans la tradition byzantine, la plus répandue dans les Églises Orientales catholiques, mais aussi dans les autres traditions. Il faut que soit réaffirmé que la célébration de l’Eucharistie nécessite que le prêtre et les ministres observent avec humilité ces normes canoniques.

Pour faciliter le respect et la vénération dus à l’Eucharistie, il est souhaitable surtout que les ministres se préparent par la prière à la célébration du Sacrifice Eucharistique – au cours duquel le Seigneur devient présent entre leurs mains – et qu’ensuite ils rendent grâce à Dieu [70].

Hélas, comme certaines réponses le signalent, ces temps réservés à la préparation et à l’action de grâce ne sont pas toujours observés. Pourtant, force est de reconnaître que nombreux sont les évêques, les prêtres, les diacres et les laïcs qui louent le Seigneur et lui rendent grâce, en en tirant un profit spirituel certain. À ce sujet, il ne faut pas négliger l’appel insistant lancé par un grand nombre de réponses, à se préparer à la Célébration par le silence et la prière, en puisant aux vénérables traditions du culte.

44. Pour aider à créer cet esprit de prière, seront utiles non seulement la conscience, chez le célébrant, du grand Mystère qu’il va accomplir, mais aussi l’usage de certains signes comme l’encens, symbole de la prière qui s’élève à Dieu, selon les paroles du Psaume : « Que monte ma prière, en encens devant ta face, les mains que j’élève, en offrande du soir » (Ps 140,2).

Un minimum d’assistance et de collaboration de la part des laïcs pour célébrer dignement les Saints Mystères contribue également à créer un climat de sérénité approprié pour la Liturgie Eucharistique. Parfois, les célébrants remplissent aussi les fonctions de cérémoniaires, réprimandent les personnes, donnent des ordres et se soucient de tout, même dans la phase préparatoire de la Célébration Eucharistique. Le prêtre aurait au contraire besoin de l’assistance de lecteurs, d’acolytes, de ministres, de laïcs afin de pouvoir se concentrer sur les Mystères Sacrés qu’il célèbre, transmettant cette attitude de paix et de recueillement à toute l’assemblée réunie autour de l’autel du Seigneur. Ainsi, de nombreuses réponses proposent de renforcer la collaboration des laïcs convenablement préparés et de réintroduire le service des hostiaires, des laïcs disponibles surtout à l’accueil des fidèles dans l’église, afin que l’ordre soit respecté dans la Célébration Eucharistique, et de veiller à ce que la Communion ne soit pas distribuée à des personnes étrangères.

Rites d’introduction

45. Le chant d’entrée, le signe de croix, le salut, l’hymne du Gloria lorsqu’il est prévu, dans le rite romain ; les antiennes, les litanies, l’hymne Unigenito, dans le rite byzantin et dans d’autres rites tels que l’ambrosien, le mozarabe et les anciens rites orientaux, servent à préparer les fidèles à la conscience de se trouver en présence de Dieu, et ce avant d’écouter sa Parole et de lui rendre grâce avec l’Eucharistie. L’acte pénitentiel en particulier rappelle l’attitude nécessaire pour célébrer les Saints Mystères : celle du publicain qui reconnaît humblement d’être pécheur. Tout en n’ayant pas valeur de sacrement, il rappelle le lien indissoluble entre la Pénitence et l’Eucharistie ; ce lien est particulièrement observé dans les Églises Orientales catholiques. Et lorsqu’il est remplacé par l’aspersion d’eau bénite, il renvoie au Baptême, principe de vie nouvelle, par lequel nous avons renoncé aux œuvres du Malin. Aussi, dès le début, il nous est rappelé que pour aller communier, nous devons être purifiés par la pénitence, libres de toute dispute et division, qui sont contraires au signe de l’unité qu’est l’Eucharistie. Dans la catéchèse, il est important d’illustrer ces aspects et, en particulier, de clarifier le fait que l’acte pénitentiel ne remet pas les péchés graves, pour lesquels il est nécessaire d’accéder au sacrement de la réconciliation.

Liturgie de la Parole

46. Les lectures bibliques, le Psaume responsorial, l’acclamation avant l’Évangile, l’homélie et la profession de foi constituent la Liturgie de la Parole. Dieu nous a parlé par l’intermédiaire de son Fils, sa Parole incarnée. La Parole divine est unique, et puisqu’elle actualise ce qu’elle proclame, elle devient en même temps le Pain de vie, signe accompli par Jésus-Christ. Reprenant le récit d’Emmaüs, le Pape Jean-Paul II montrait le lien inséparable qui existe entre l’autel de la Parole et celui de l’Eucharistie [71]. C’est pourquoi, en union avec la Liturgie Eucharistique, celle de la Parole qualifie la Célébration comme un acte de culte unique, qui n’admet aucune fracture.

La liturgie de la Parole nous relie à la révélation que Dieu a faite dans l’Ancien Testament. L’immense richesse de la présence puissante de Dieu, qui fut la gloire du Peuple élu d’Israël, est venue faire partie de la liturgie catholique, éclairée par la lumière du Verbe incarné, mort et ressuscité pour tous les hommes.

En outre, comme le rappelle le Concile Vatican II, la révélation de Jésus va au-delà de la codification du texte des Écritures qui ne l’exprime pas en totalité [72]. Sa parole reste vivante dans la vie de l’Église, qui la transmet au cours des siècles, la rendant accessible dans le signe sacramentel. L’annonce faite par Jésus n’est pas séparée de sa présence dans le sacrement, et cela crée une unité jamais réalisée auparavant, et jamais réitérée par la suite.

Son incarnation, sa passion, sa mort et sa résurrection constituent une parole et un événement à voir et à contempler. La parole renvoie à l’événement. Le Mystère Eucharistique accompagnera pour toujours la vie de l’Église comme synthèse de parole et d’événement, engendrant la contemplation. Dans le rite romain et dans la Petite entrée byzantine, tout cela est rappelé par la vénération et l’honneur dont l’Évangéliaire est l’objet, comme l’entrée mystique du Verbe incarné et sa présence parmi l’assemblée des croyants.

47. À ce propos, il a été relevé que la Parole de Dieu n’est pas toujours proclamée de façon adéquate. Il serait nécessaire d’améliorer le service des lecteurs pour transmettre aux fidèles toute la beauté du contenu et de la forme de la Parole que Dieu adresse à son peuple. En certains endroits, où prévaut l’habitude de lire deux lectures seulement les dimanches et fêtes d’obligation, on déplore le manque de connaissance des Lettres et des Actes des Apôtres. Il est opportun, pourtant, de rappeler que ces lectures, qui se réfèrent à l’action de Dieu dans la communauté primitive, ne doivent pas être exclues.

Une partie importante de la liturgie de la Parole est constituée par l’homélie, tenue par le ministre, afin d’aider les fidèles à placer leur cœur et leur esprit à l’écoute de la Parole de Dieu. Pour ce faire, le type d’homélie conseillé par un grand nombre est l’homélie mystagogique, qui permet d’introduire les fidèles dans les Mystères Sacrés en cours de célébration, selon les lectures proclamées, dans le but d’éclairer la vie de chacun grâce à la lumière de Jésus-Christ, en évitant toute allusion ou référence non appropriée ou profane.

En ayant bien présents à l’esprit les passages des Saintes Écritures, on pourrait penser aux homélies thématiques qui, tout au long de l’année liturgique, peuvent présenter à nouveau les grands thèmes de la foi chrétienne : le Credo ; le Notre Père ; la structure de la Sainte Messe ; les Dix Commandements, et d’autres encore. À ce sujet, il pourrait être fait usage du matériel élaboré par les Commissions compétentes des Conférences épiscopales ou des Synodes des Évêques des Églises Orientales catholiques sui iuris, ou encore d’autres organismes spécialisés dans la pastorale. Dans les Églises Orientales catholiques, on déplore des homélies sans aucun lien avec les lectures de la liturgie, du fait que tous les ans les mêmes lectures se répètent aux mêmes jours.

Liturgie Eucharistique

48. Les réponses aux Lineamenta recommandent que la Présentation des dons servent surtout à rappeler l’attention sur le pain et sur le vin, qui deviendront le Corps et le Sang du Seigneur. C’est sur eux que doit porter l’importance, avant les autres dons pour le culte et la charité, du fait que c’est pour eux que l’autel est préparé et orné. En outre, ces dons renvoient au grand Don d’amour, l’Eucharistie, qui imprime l’élan à la charité envers les plus pauvres et les nécessiteux.

En rapport avec cet argument, il est nécessaire d’expliquer, par une catéchèse appropriée, l’importance de l’aumône pendant les Célébrations Eucharistiques, celle qui est destinée aux pauvres et celle pour les besoins de l’Église. On verrait ainsi se créer et se développer la conscience de la dimension sociale de l’Eucharistie. Il faut renforcer cette conscience surtout dans les pays où l’Église ne peut exercer librement cette activité caritative. Les fidèles doivent être exhortés à aider ceux qui sont dans le besoin.

49. La Présentation des Dons est suivie de la Prière Eucharistique qui, dans les différentes formes existant en Orient et en Occident, voit l’Église à la lumière du Mystère de la Trinité, avec son début, dans la création, son sommet, dans le Mystère Pascal, et son but ultime dans la récapitulation de tout dans le Christ à la fin des temps. C’est pour cela que le célébrant invite les fidèles à élever leurs cœurs vers le Seigneur. Le mot même d’Anaphore signifie élever les Dons et nous-mêmes au Père, nous adresser au Seigneur dont vient le salut. Avec l’épiclèse, l’Église supplie le Père d’envoyer l’Esprit Saint, pour qu’avec sa puissance il descende sur les Dons. Dans l’épiclèse qui suit la consécration dans la liturgie orientale, est accentué le lien entre l’Eucharistie et le Mystère de Pentecôte, effusion de l’Esprit sur la communauté rassemblée : « Seigneur, tout comme tu as envoyé ton Esprit Saint sur tes disciples saints et tes Apôtres purs et saints, envoie aussi sur nous ton Esprit Saint pour qu’il sanctifie notre âme, notre corps et notre esprit » [73]. L’invocation à l’Esprit concerne tous ceux qui entendent communier afin qu’ils puissent avoir la force de se donner les uns aux autres, et de vivre selon le sacrement qu’ils célèbrent.

Au sein de la Prière Eucharistique, le récit de l’institution, avec les mots de Jésus sur le pain et sur le vin, occupe la place centrale : c’est la consécration, moment solennel au cours duquel se réalise la présence réelle du Seigneur ressuscité sous les Espèces du Pain et du Vin. Elle garantit la continuité éternelle de l’Eucharistie, depuis le Christ jusqu’aux Apôtres et à leurs successeurs et collaborateurs, les évêques et les prêtres qui, de par le ministère hiérarchique, agissent au nom du Seigneur pour le bien de l’Église.

Cette continuité s’exprime tout particulièrement dans l’intercession : « Rappelle-toi, Père, de ton Église répandue sur toute la terre » [74]. Ici, la célébration de l’Eucharistie montre qu’elle est un acte profond de l’Église dans son universalité, antérieur à tout autre distinction particulière et locale.

Consciente d’être répandue dans le monde, l’assemblée eucharistique, par les intercessions, entre dans la communion des saints, se projette vers le Royaume, mais est consciente qu’elle vit ici-bas. Aussi, dans la prière, elle n’oublie pas les difficultés qu’elle rencontre, les persécutions qu’elle supporte, les calamités naturelles, les guerres, et invoque surtout les dons de l’unité et de la paix.

C’est l’Esprit qui imprime à la grande prière l’orientation intérieure vers le Seigneur Jésus pour que l’offrande « soit portée par [son] ange en présence de [sa] gloire sur [son] autel céleste » [75] et que soit louée la Trinité « per Ipsum, cum Ipso et in Ipso », avec le consentement du Peuple de Dieu qui proclame Amen.

Communion

50. La Présentation générale du Missel romain recommande que reçoivent la Communion les « fidèles bien préparés » [76]. La bonne préparation naît du discernement que le Corps du Seigneur n’est pas un pain commun, mais un Pain de vie, qui attend tous ceux qui se sont réconciliés avec le Père. Tout comme le partage de l’autel entre les hommes présuppose la concorde, de même l’Eucharistie est le sacrement des réconciliés, au sens où elle est le sommet de l’itinéraire de réconciliation avec Dieu et avec l’Église à travers le sacrement de la Pénitence. De cette façon se manifeste la compassion du Christ pour le salut des âmes, qui est aussi la loi suprême de l’Église. Après que les fidèles aient été réconciliés au moyen de la Pénitence et après qu’ils aient retrouvé l’état de grâce, les rites de Communion constituent la préparation immédiate. Il conviendrait de souligner davantage l’importance de la grâce des sacrements comme un bien qui ne doit être refusé à personne dès que les conditions requises sont remplies [77], conditions déterminées avec précision dans les normes canoniques et liturgiques, sans en ajouter d’autres.

La préparation à la Communion est exigée en vertu de la pureté nécessaire pour approcher le Seigneur. En effet, il revient à chacun de nous d’examiner si nous sommes dans de telles dispositions. À ce propos, une catéchèse appropriée sur le pouvoir qu’a l’Eucharistie d’effacer les péchés véniels peut être des plus opportunes. En fait, recevoir l’Eucharistie avec un cœur repenti nous obtient la grâce de l’Esprit Saint pour ne pas succomber aux tentations, mais aussi pour témoigner de la vie chrétienne, dans un milieu souvent défavorable. La prière du Notre Père aussi est une aide pour nous, du fait que par elle nous demandons la purification de nos péchés et la libération du Malin. L’échange de la paix également permet aux fidèles d’exprimer la communion ecclésiale et l’amour réciproque [78], tout en orientant vers une vérification de l’aptitude au pardon, une disposition dont l’importance n’est pas secondaire pour recevoir la Communion. Dans les liturgies orientales et dans celle ambrosienne, avec le baiser de paix échangé à l’offertoire, c’est justement cet aspect qui est accentué, l’extinction de tout inimitié (cf. Mt 5,23-24). On fait observer de plusieurs côtés que le geste de paix est facultatif et qu’il ne devrait pas se superposer au geste suivant et central de la fractio panis, qui indique le Corps du Christ rompu pour nous.

Dans plusieurs réponses, on peut lire qu’au moment de la distribution de la Communion le prêtre bénit les enfants ou les catéchumènes, qui ont précédemment été portés à sa connaissance et qui s’approchent de lui sans avoir fait leur première Communion. Dans certaines églises, la bénédiction est aussi impartie aux non-catholiques qui s’approchent de l’autel au moment de la Communion. Et c’est dans cette ligne aussi que, d’Asie, des suggestions sont avancées pour que soit pris en considération quelque signe en faveur des non-chrétiens au moment de la Communion, afin qu’ils ne se sentent pas exclus de la communauté liturgique.

Rites de conclusion

51. Après avoir reçu la Communion, il faut prier pour que le Mystère célébré porte ses fruits. L’un de ces premiers fruits est d’être l’antidote contre les chutes quotidiennes et les péchés mortels [79]. Il faut prier, surtout, pour que notre foi et notre communion avec le Christ permettent de porter son Évangile en mission à travers le monde, dans tous les milieux où nous vivons, à travers le témoignage des œuvres, pour que les hommes croient et glorifient le Père.

Le renvoi de l’Assemblée comprend un envoi en mission, que l’Église, soutenue par l’Eucharistie, précédée et accompagnée par l’exemple et l’intercession de Marie, réalise en évangélisant le monde contemporain. Le but de l’Eucharistie est de nous faire grandir dans l’amour du Christ et dans son désir d’apporter son Évangile à tous les hommes.

Ars celebrandi

52. Il faut être attentifs à l’ars celebrandi, afin de conduire les fidèles au culte authentique, à la révérence et à l’adoration. Les mains élevées du prêtre veulent indiquer la prière du pauvre et de l’humble : « Nous t’en prions humblement » récite la Prière Eucharistique [80]. L’humilité de l’attitude et des mots est en accord avec le Christ, lui aussi doux et humble de cœur. Lui, doit grandir, et nous, nous devons nous abaisser. Pour que la célébration de l’Eucharistie exprime la foi catholique, il est recommandé qu’elle soit présidée par le prêtre avec humilité ; ce n’est qu’ainsi qu’elle pourra véritablement être mystagogique et contribuer à l’évangélisation. Normalement, dans les Prières Eucharistiques, on ne dit pas « je », mais « nous » ; et lorsque la première personne est employée dans les formules sacramentelles, le ministre parle pour la personne du Christ, et non en son nom propre.

Plusieurs réponses aux Lineamenta concernent le thème de la mystagogie, la comprenant comme une introduction au Mystère de la présence du Seigneur et mettant en relief qu’il faut aujourd’hui conduire l’homme à se rapprocher de Dieu, du fait qu’il vit dans un milieu où l’existence du Mystère semble être niée. La ligne maîtresse est indiquée par le Seigneur lui-même : « Je vous appelle amis, parce que tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître » (Jn 15,15). Le Seigneur veut que nous allions vers lui, pour nous révéler le Mystère de la vie divine.

Au premier plan se situe la responsabilité de l’évêque à l’égard de l’Eucharistie, en tant que premier mystagogue. L’engagement en vue d’une participation consciente, pleine et active des fidèles à la Célébration Eucharistique [81] est entièrement lié à la responsabilité particulière de l’évêque envers le Saint Sacrement, responsabilité qui vient du fait que le Seigneur l’a confiée aux Apôtres et que l’Église la transmet avec la même foi. Chaque Célébration Eucharistique qui se tient dans un diocèse se déroule en communion avec l’évêque et dépend de son autorité [82]. Il veille afin que les fidèles puissent participer à la Messe et que le sacrement soit célébré avec dignité et solennité, en éliminant les abus si besoin en est. C’est le sensus ecclesiæ dans la célébration liturgique, qui transcende les situations spécifiques, les groupes et les cultures. En tant que primus mysteriorum Dei dispensator, l’évêque célèbre souvent la Sainte Messe dans la cathédrale, église-mère et cœur du diocèse, et dont la liturgie doit constituer un exemple pour tout le diocèse.

53. Reste l’obligation de la Messe pro populo par l’évêque diocésain et le curé, avec l’application pour les vivants et pour les défunts [83]. Pour des raisons théologiques et spirituelles, il est recommandé, en outre, que les prêtres célèbrent chaque jour l’Eucharistie. Et plus particulièrement, il est important de célébrer les défunts dont les âmes se trouvent au Purgatoire, en attente du jour bienheureux où elles pourront voir la Face de Dieu. Prier pour les défunts est un devoir de charité à leur égard.

Pour ce qui est des intentions, plusieurs réponses mentionnent des abus, parmi lesquels le plus commun est l’accumulation dans les Messes dites « pluri-intentionnelles ». À ce sujet, il est également suggéré de clarifier l’attitude à l’égard des intentions de Messe. On constate en même temps que, dans certains pays, cette pratique a notablement diminué et presque disparu, alors que dans beaucoup d’autres les intentions de Messe représentent le mode traditionnel, et souvent le seul, de subsistance du clergé. Il y a en outre des pays, où l’on peut noter le manque d’intentions, celles-ci provenant alors d’autres pays depuis des années, en tant que contribution valable à la communion ecclésiale et à la participation concrète à l’activité missionnaire. Du point de vue pastoral, il est tout aussi important de s’attacher à la formation des fidèles quant à la signification de l’application des Messes en suffrage des défunts qui, grâce à la rédemption du Christ et à la prière de toute l’Église, pourront être admis rapidement au Banquet de la vie éternelle. Ainsi, les intentions de Messes pour les défunts deviennent également une expression de foi dans la résurrection des morts, vérité solennellement professée dans le Credo.

Parole et Pain de vie

54. À propos du rapport entre la Sainte Messe et les célébrations de la Parole, nombre de réponses aux Lineamenta font observer que, dans certaines situations, les fidèles risquent de perdre progressivement le sens de la différence entre la Célébration Eucharistique et les autres célébrations. Un tel problème au niveau pastoral se vérifie, par exemple, là où sont fréquents les services de Communion présidés par des diacres ou des ministres extraordinaires. Ce même risque incombe sur les fidèles invités en certains endroits à participer à la liturgie de la Parole au lieu de se rendre à la Messe dans une paroisse proche.

Toutefois, il y a aussi des réponses qui transmettent le témoignage du service précieux assuré par les laïcs, adéquatement préparés, dans les célébrations de la Parole, avec et sans distribution de l’Eucharistie, là où se trouvent des communautés qui, en attendant que soit nommé un prêtre de façon stable, ne peuvent compter sur lui pour les Célébrations du dimanche. Dans ces cas, sous la conduite de l’évêque diocésain et des prêtres, il est possible, grâce à la collaboration des laïcs, de faire face aux besoins pastoraux des nombreuses communautés assoiffées de la Parole et du Pain de vie. Lorsque cette activité se déroule conformément aux orientations du Magistère en la matière [84], les résultats sont réconfortants et elle peut même donner naissance à des vocations sacerdotales au sein des familles de laïcs engagés dans ces services, ainsi que dans les communautés qui savent apprécier le service précieux du prêtre, ministre ordinaire de l’Eucharistie.

55. Dans ce contexte, émerge la question des excès dans les célébrations de la Parole qui remplacent la Sainte Messe, et qui risquent d’abaisser le culte chrétien à un service d’assemblée. D’ailleurs, il serait préférable d’assurer, comme dans les postes de missions, une catéchèse en attendant que l’Eucharistie puisse être célébrée par le prêtre. Pour indiquer cette réalité, dans certaines régions, une étole est placée sur l’autel ou sur le siège du célébrant. La prière pour les vocations garde vivant le désir d’une présence permanente du célébrant de l’Eucharistie. Le manque de prêtres, qui assume des dimensions préoccupantes dans certaines régions, devrait constituer un fort encouragement au réveil de l’activité missionnaire et de l’échange de dons entre les Églises particulières.

Différentes réponses aux Lineamenta suggèrent que les fidèles désignés en tant que ministres extraordinaires de l’Eucharistie puissent participer à des sessions d’étude pour approfondir la doctrine eucharistique et les normes liturgiques. Un tel programme devrait aussi être inséré dans la formation permanente des catéchistes.

En outre, ces mêmes réponses mettent en avant la nécessité d’une explication claire sur la triple dimension sacerdotale, prophétique et royale, dans la distinction entre ministère ordonné et non ordonné. Serait alors mise en évidence l’identité du prêtre en tant que ministre des Mystères Divins, mais aussi en même temps comme leur interprète, mystagogue et témoin. Enfin, pour surmonter une certaine confusion à propos du ministère ordonné dans l’Église, il est recommandé, entre autres, de promouvoir la connaissance des documents appropriés du Magistère, tels que l’Exhortation Apostolique Post-synodale Pastores dabo vobis sur le prêtre, signe du Christ Chef, Époux et Pasteur.

56. Il faut être reconnaissant envers les fidèles laïcs, et en particulier envers les catéchistes, qui sont responsables de la préparation à la prière et à la Communion, surtout dans les cas où le manque de prêtres est un obstacle à la participation des fidèles à l’Eucharistie. Cependant, nombreuses sont les réponses aux Lineamenta qui signalent certaines pratiques tendant à voiler, chez les fidèles, la distinction essentielle entre le sacerdoce ministériel et le sacerdoce commun. Par exemple : l’attitude de certains agents de la pastorale qui prennent en main la direction effective des paroisses et exercent, de facto, une sorte de présidence de l’Eucharistie, laissant au prêtre la latitude minimum pour en garantir la validité ; l’homélie tenue par des laïcs pendant la Sainte Messe ; l’habitude d’accorder la priorité aux ministres extraordinaires de l’Eucharistie lors de la distribution du Sacrement, tandis que les ministres ordinaires, en particulier le prêtre célébrant et les concélébrants, restent assis ; l’habitude qu’ont certains ministres extraordinaires de conserver le Très Saint Sacrement chez eux avant de l’apporter aux malades, ou bien l’autorisation accordée par le curé à un parent d’un malade d’apporter le viatique à celui-ci. Avec les normes canoniques sur l’argument, les dispositions de l’Instruction Ecclesia de mysterio [85] devraient être prises en due considération pour informer les responsables de façon appropriée et pour assurer une célébration ecclésiale de l’Eucharistie.

Sens des normes

57. Les réponses aux Lineamenta au sujet du nouvel Ordo Missæ et de la Présentation générale du Missel romain qui énoncent les caractéristiques de la liturgie de l’Église universelle sont liées à la question de l’instauratio.

Les normes liturgiques peuvent être comprises comme l’accompagnement vers le Mystère. Les Pères post-apostoliques ont été les premiers à établir les normes et les canons, dans les célèbres Constitutiones et Didascaliæ. Ils devaient alors, d’une part, annoncer le Mystère révélé dans Jésus, et de l’autre, contrer les concepts mystériques, allégoriques et ésotériques des païens.

Si, d’un côté, les normes reconduisent au caractère apostolique de l’Eucharistie, de l’autre c’est surtout la sainteté de celle-ci qui exige de telles normes : il faut s’approcher du Très Saint Sacrement avec le plus grand respect. On peut dire que c’est pour cela que les prêtres sont consacrés, ainsi que le rappelle l’allocution prononcée par l’évêque avant l’ordination : « vous aurez aussi à remplir, dans le Christ, la charge de sanctification. Par votre ministère, en effet, s’accomplira le sacrifice spirituel des fidèles, uni au sacrifice du Christ : avec eux et par vos mains, il sera offert sur l’autel de manière non sanglante dans la célébration des Mystères. Ayez donc conscience de ce que vous faites ; imitez dans votre vie ce que vous accomplissez dans les rites : en célébrant le mystère de la mort et de la résurrection du Seigneur, efforcez-vous de faire mourir en vous tout penchant au mal, et d’avancer sur le chemin de la vie nouvelle » [86]. Certaines réponses font remarquer que la norme fondamentale qui doit être observée par l’évêque et le prêtre est d’aider les fidèles à entrer dans le Mystère de la personne du Seigneur.

58. Plusieurs réponses aux Lineamenta mentionnent certaines des motivations portant à négliger les normes : la connaissance insuffisante de l’histoire et du sens théologique des rites, le désir de nouveauté et le manque de confiance dans la capacité du rite de parler à l’homme avec le langage des signes. Certaines réponses considèrent que le non-respect des normes est dû à des défauts présumés, intrinsèques à la Présentation générale du Missel romain, et elles mentionnent, par exemple, les traductions inadéquates des textes liturgiques et le manque de précision dans les rubriques, qui laissent au célébrant la liberté d’improviser certaines parties. Elles signalent en particulier la nécessité de soigner minutieusement la traduction des textes liturgiques, en confiant ce travail délicat aux spécialistes sous la supervision des évêques, et avec l’approbation de la Congrégation du Saint-Siège compétente en la matière.

Lorsque sont énoncées des orientations doctrinales ou des normes, il faut tenir compte d’un principe fondamental : tout comme une surévaluation de la maturité des fidèles peut avoir contribué à créer des difficultés pratiques dans l’introduction de la réforme, de même il ne faut pas sous-estimer la psychologie populaire ou la capacité des fidèles d’accepter le rappel aux vérités fondamentales.

Urgences pastorales

59. L’ensemble des réponses aux Lineamenta est réuni dans le tableau suivant, se rapportant aux ombres existant dans la célébration de l’Eucharistie.

Alors que l’on constate une certaine méfiance envers les rubriques liturgiques, d’autres sont inventées pour promouvoir des changements s’inspirant d’idéologies et de déviations théologiques. À ce sujet, de nombreuses initiatives de ce genre proviennent de mouvements et de groupes qui entendent renouveler la liturgie.

On estime souvent que l’affirmation de normes universelles, communément soutenue par l’Église en tant qu’expression de la catholicité, est en contraste avec les célébrations liturgiques particulières de certains mouvements d’Église. À ce propos, une plus grande clarté est réclamée aux autorités compétentes de l’Église afin d’éviter les confusions possibles. Après l’introduction des langues vernaculaires, il faut que soit respectée la structure du rite, unique moyen pour souligner visiblement l’unité de l’Église catholique de tradition occidentale. Les fidèles sont très sensibles à d’éventuels changements arbitraires du rite.

Dans certains cas, il est observé qu’un excès d’interventions porte à la manipulation de la Messe, et dans plusieurs cas il est arrivé que les textes liturgiques soient remplacés par des textes d’une autre nature. Il n’est pas rare qu’une telle attitude engendre des conflits entre le clergé et les laïcs, et parfois même entre les prêtres eux-mêmes.

60. Afin de dissiper ces ombres, les mêmes réponses aux Lineamenta suggèrent certaines orientations.

Il faut que soient promus un esprit renouvelé de prière, ainsi qu’un renforcement de la formation permanente du clergé, dans le but d’affermir une disposition d’adhésion humble à l’esprit et à la lettre des normes liturgiques afin de pouvoir rendre un véritable service au Peuple de Dieu, appelé à rendre grâce et à élever des prières à son Seigneur dans l’Esprit Saint, dans le cadre de la liturgie divine.

Quant au mode d’intégration d’éléments des cultures locales dans les célébrations liturgiques, il est nécessaire d’étudier à fond les principes déjà connus et, éventuellement, émettre de nouvelles instructions, plus explicites et plus précises, à la lumière de la récente révision de la Présentation générale du Missel romain, et des Instructions Redemptionis sacramentum et Varietates legitimæ de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements. Il faut que soit expliquée aux fidèles la portée de la foi eucharistique. Dans l’Eucharistie, les fidèles se nourrissent du Corps du Christ ressuscité. Le Seigneur ressuscité, vainqueur du péché et de la mort, dépasse les dimensions de l’espace et du temps, et se trouve réellement présent sous les Espèces du Pain et du Vin dans chaque Célébration Eucharistique, de par le monde entier. Il s’agit donc du Corps du Seigneur glorifié, transformé, Pain des anges et de tous les hommes appelés à partager la vision béatifique, dans la communion des saints et dans l’adoration éternelle du Dieu Un et Trine.

Une catéchèse appropriée doit éliminer les possibles conceptions magiques, superstitieuses ou spiritistes de l’Eucharistie. Cette catéchèse est particulièrement adaptée lors des Messes de guérison qui sont célébrées dans certains pays.

Il est urgent de se prémunir contre les sacrilèges des hosties consacrées, qui se déroulent lors de rites sataniques et de messes noires.

Chant liturgique

61. Rassemblé dans la maison du Seigneur, le Peuple de Dieu exprime son action de grâce et de louange par les mots, l’écoute, le silence et le chant.

Différentes réponses aux Lineamenta souhaitent que le chant exécuté pendant la Messe et pendant l’Adoration soit véritablement empreint de dignité. Il y est souligné la nécessité de s’assurer que les fidèles connaissent l’essentiel du répertoire du chant grégorien. Celui-ci est composé à la mesure de l’homme de tout temps et de tout lieux, et ce grâce à sa transparence, à sa discrétion, et à la souplesse de ses formes et de ses rythmes. Aussi est-il nécessaire de reconsidérer les chants actuellement en usage [87]. Si la musique instrumentale et vocale ne possède pas à la fois le sens de la prière, celui de la dignité et celui de la beauté, elle se nie toute possibilité d’accéder au domaine du sacré et du religieux. Cela exige la bonté des formes, en tant qu’expression d’art authentique, en correspondance aux différents rites et à la capacité d’adaptation aux exigences légitimes tant de l’inculturation que de l’universalité. Le chant grégorien répond à toutes ces exigences et c’est pourquoi, comme l’a dit Jean-Paul II [88], il est le modèle d’où tirer inspiration. Aussi faut-il aider les musiciens et les poètes pour qu’ils composent de nouveaux chants, empreints d’un véritable contenu catéchétique sur le Mystère Pascal, sur le dimanche et sur l’Eucharistie, et rédigés selon les critères liturgiques.

62. L’emploi des instruments de musique a fait lui aussi l’objet d’une attention particulière dans différentes réponses, en rappelant les orientations de la Constitution Sacrosanctum Concilium sur le sujet [89]. À ce propos, la valeur de l’orgue dans la tradition latine a été relevée à maintes reprises, le son de cet instrument pouvant apporter de la solennité au culte et favoriser la contemplation. L’expérience faite de l’insertion d’autres instruments a été également reprise dans diverses réponses, avec des résultats positifs lorsque, avec le consentement de l’autorité ecclésiastique compétente, ceux-ci sont jugés aptes à être employés dans la sphère sacrée, en harmonie avec la dignité du temple, et efficaces pour l’édification des fidèles.

D’autres réponses, au contraire, déplorent la pauvreté des traductions des textes liturgiques et de nombre de textes musicaux en langue courante, traductions sans beauté aucune et parfois même ambiguës au niveau théologique, capables d’affaiblir la doctrine et la compréhension du sens de la prière. Une attention particulière est accordée, dans quelques réponses, à la musique et au chant durant les Messes pour les jeunes. À ce sujet, il est souligné l’importance d’éviter toute forme musicale qui n’invite pas à la prière, parce qu’assujettie à des règles d’usage profane. Certains musiciens font preuve d’une trop grande préoccupation pour la composition de nouveaux chants, succombant presque à une mentalité consumériste, sans se préoccuper de la qualité de la musique et du texte et en négligeant trop facilement un immense patrimoine artistique dont la valeur théologique et musicale a fait ses preuves dans la liturgie de l’Église.

Il est également recommandé que lors des rassemblements internationaux, au moins la Prière Eucharistique soit proclamée en latin pour faciliter une participation adéquate des concélébrants et de tous ceux qui ne connaissent pas la langue du lieu, comme le suggère opportunément la Constitution sur la Sainte Liturgie Sacrosanctum Concilium [90].

Il est toutefois réconfortant de constater que, dans certaines nations, existe une tradition solide de chants religieux propres à chaque période de l’année liturgique : Avent, Noël, Carême, Pâques. Connus et chantés par les fidèles rassemblés, ces chants favorisent le recueillement et aident à vivre, avec une remarquable participation spirituelle, les célébrations du Mystère de la foi à l’occasion de chaque période liturgique. Il est à souhaiter que cette expérience positive puisse s’étendre à d’autres nations, et dynamiser les temps forts de l’année liturgique, en aidant les fidèles à en percevoir le message à travers la musique et les paroles.

Dignité du lieu sacré

63. La fonction de l’art est aussi rappelée dans les Lineamenta. La dignité de tout ce qui touche à la célébration de l’Eucharistie manifeste la foi dans le Mystère et contribue efficacement à la garder vivante aussi bien chez les ministres que chez les fidèles. Une telle attitude peut être exprimée par un aménagement convenable du lieu sacré, ainsi que par l’emplacement approprié du tabernacle et du siège du célébrant, et dans l’attention à certains détails comme la propreté, les objets sacrés et les fleurs fraîches. En effet, ce que les fidèles écoutent, mais aussi ce qu’ils voient autour d’eux est très important pour leur formation à la doctrine eucharistique. Au contraire, toute négligence témoigne d’une faiblesse dans la foi.

La tradition de l’Église a puisé dans la Bible la délimitation de l’aire réservée aux ministres : cette distinction est un signe éloquent que c’est le Seigneur qui admet les ministres à son service, ceux-ci étant choisis par lui. Les églises orientales, avec la délimitation du sanctuaire, et les églises occidentales, avec le chœur, ont conservé cette distinction. Celle-ci veut attester que dans la liturgie se manifeste le Peuple de Dieu ordonné hiérarchiquement et disposé convenablement pour participer de façon active. L’autel est la partie la plus sainte du temple et il est surélevé pour indiquer que l’œuvre de Dieu est supérieure à toutes les œuvres de l’homme. Les nappes qui le recouvrent indiquent la pureté nécessaire pour accueillir Dieu. C’est à Lui seul qu’il est consacré, comme le temple lui-même, et il ne peut être utilisé à d’autres fins.

64. Dans les réponses, on peut remarquer un certain souci quant à la destination assez fréquente des églises à des usages profanes, tels que concerts et activités théâtrales qui ne sont pas toujours d’inspiration religieuse. La liturgie de la consécration de l’église rappelle que la communauté offre le temple entièrement au Seigneur, et qu’il ne peut donc pas être destiné à des usages différents de celui pour lequel il a été consacré.

D’autres phénomènes contraires à la tradition de l’Église sus-mentionnée ont été signalés, phénomènes qui voilent le sens du sacré et la transcendance du Mystère. Par exemple, après avoir été restructurées, beaucoup de nouvelles églises et certaines anciennes aussi mettent en évidence, comme critère fondamental du projet architectural, la proximité des fidèles de l’autel, pour que ceux-ci puissent voir aisément la cérémonie qui s’y déroule et que s’instaure une plus grande communication entre le célébrant et l’assemblée. La tendance à déplacer aussi l’autel vers le lieu destiné aux fidèles, éliminant ainsi le chœur par ce procédé, dérive du même concept. De la sorte, on gagne en communication, mais on ne sauvegarde pas toujours suffisamment le sens du sacré, qui est lui aussi un élément essentiel des célébrations liturgiques.

D’autres réponses montrent certains signes encourageants. Conformément aux lignes de la Présentation générale du Missel romain, diverses initiatives ont été prises pour que l’espace sacré des églises déjà existantes ou de celles en construction constitue un vrai lieu de prière et d’adoration, où l’art et l’iconographie deviennent des instruments au service de la liturgie. Ainsi, par exemple, dans certaines églises des prie-Dieu ont été réintroduits, et a été réinstaurée parmi les fidèles la pratique de s’agenouiller pendant la Prière Eucharistique ; là où il n’était pas assez visible, le tabernacle a de nouveau été placé dans le sanctuaire ou en un lieu plus visible ; les nouveaux projets d’églises accordent davantage d’attention à l’art, à la décoration, aux objets et aux vêtements destinés au culte. On cherche ainsi à harmoniser l’espace rapproché entre le célébrant et le peuple et le caractère sacré du Mystère de Dieu à la fois présent et transcendant.

Chapitre II ADORER LE MYSTÈRE DU SEIGNEUR

« Sanctifiez dans vos cœurs le Seigneur Christ, toujours prêt à la défense contre quiconque vous demande raison de l’espérance qui est en vous » (1 P 3,15)

De la célébration à l’adoration

65. L’adoration est l’attitude appropriée du célébrant et de l’assemblée liturgique devant le Dieu Tout-puissant qui se rend réellement présent dans le Sacrement de l’Eucharistie. Il n’est pas rare que cette attitude se poursuive aussi après la Sainte Messe, de différentes façons propres à l’Église catholique.

Dieu recherche l’homme, et celui-ci veut le voir. « De toi mon cœur a dit : ‘Cherche sa face’. C’est ta face, Seigneur, que je cherche, ne me cache point ta face » (Ps 26,8-9). Le Christianisme n’est pas seulement la religion de l’écoute, il est aussi celui de la vue. Lorsque nous voyons Jésus, nous voyons aussi Dieu le Père (cf. Jn 14,9). Dieu assume la nature humaine pour partager notre vie. La lettre de Saint Paul aux Philippiens offre une perspective sur ce Mystère, que nous indiquons avec le mot kenosis, c’est-à-dire que le Fils se vide de la gloire qui lui est due pour participer à la nature humaine : « Lui, de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu » (Ph 2,6). D’une certaine façon, cette kenosis se poursuit dans l’Eucharistie, même si elle a en elle le corps ressuscité et glorieux du Seigneur. Mais le paradoxe réside dans ce que Jésus de Nazareth révèle Dieu dans la plénitude de son humanité : « Qui me voit, voit celui qui m’a envoyé » (Jn 12,45) a-t-il dit aux Hébreux, en synthétisant en une phrase la vérité profonde de la foi chrétienne. Le Dieu qui se fait homme provoque des réactions dans la sphère de la connaissance, comme la vue, le toucher, l’ouïe, la contemplation (cf. 1 Jn 1,1-2). Avec un seul mot, la révélation de Jésus actualise une relation qui bouleverse les sens, en tant que faculté de médiation de la connaissance. Voir et écouter forment un binôme essentiel pour la religion chrétienne. Jésus de Nazareth ne peut pas être seulement écouté, il doit aussi être vu.

Jésus est l’image du Dieu invisible (cf. Col 1,15). Le mot eikon est chargé de son sens historique car il ne réduit pas ce qu’il représente purement à un symbole. Pour la culture grecque, le mot eikon indiquait le portrait, en général. Toutefois, un portrait n’est crédible que s’il représente un visage réel, concret et historique, sans laisser place à l’imagination.

On revient au thème du visage, c’est-à-dire à l’expression personnelle qui exprime l’identité mieux que tout autre chose. Le visage de Jésus, qui laisse transparaître Dieu, devient au même instant l’icône de toute l’humanité rachetée et sauvée « lui qui a été éprouvé en tout d’une manière semblable [à la nôtre] » (He 4,15). Ceci fait déjà comprendre pourquoi le Christianisme ne peut être inséré uniquement parmi les religions du livre.

L’Eucharistie engendre un culte complet, car elle est à la fois sacrifice, mémorial et banquet, et elle réclame la contemplation. Ainsi se trouve dépassée la difficulté psychologique qui porte à interpréter erronément l’adoration et la révérence comme une forme anormale de la liturgie et donc à dévaluer les actes du Culte Eucharistique, tels que l’exposition du Saint Sacrement et la Bénédiction Eucharistique.

Attitudes d’adoration

66. Parmi les problèmes les plus graves et les plus répandus en occident et sur les autres continents, où parfois ils ont été importés par certains agents pastoraux, on trouve surtout la crise de la prière et la réduction de la célébration de l’Eucharistie à un précepte ou à un simple rassemblement.

Les réponses aux Lineamenta demandent que soit relancée la prière, pleinement et totalement, en tant que don, alliance et communion [91], sous les formes qui sont les siennes : bénédiction, adoration, louange, action de grâce, invocation, expiation, intercession. S’ils manquent de la catéchèse opportune pour ce faire, les fidèles ne pourront pas bénéficier de la lymphe qui émane de la liturgie, regula fidei par l’intermédiaire des signes sacrés.

La demande de promouvoir l’attribution d’un temps et d’un espace pour l’adoration et la méditation revient fréquemment dans les réponses. En effet, les hommes d’aujourd’hui, qui sont soumis au rythme frénétique de la vie moderne, ont besoin de s’arrêter, de penser et de prier. Différentes religions, particulièrement celles d’Orient, proposent la méditation selon les caractéristiques de leur propre tradition religieuse. Aussi, devant ce défi, les chrétiens sont-ils appelés à redécouvrir la beauté de l’adoration, de la prière personnelle et communautaire, du silence et de la méditation qui, dans le Christianisme, constituent une rencontre personnelle de l’homme avec Dieu, Trinité très Sainte, et avec Jésus-Christ ressuscité présent dans l’Eucharistie, par la puissance de l’Esprit Saint et pour la gloire de Dieu le Père.

Des demandes ont été avancées pour que soient présentés à nouveau les motifs théologiques et spirituels de l’Adoration, comprise comme préparation à la Sainte Messe, comme attitude de célébration des Saints Mystères et comme action de grâce pour le don de l’Eucharistie. À ce propos, il a été proposé de faciliter la renaissance des confraternités du Très-Saint-Sacrement, en les adaptant aux attentes et aux besoins de l’homme d’aujourd’hui dans sa recherche de Dieu. En outre, il est suggéré d’encourager l’Adoration Eucharistique parmi les prêtres. Chaque paroisse pourrait organiser une journée d’exposition solennelle du Très Saint Sacrement de façon à ce que, dans les diocèses, en particulier ceux d’une certaine dimension, le Peuple de Dieu puisse adorer le Seigneur Eucharistie dans une ou l’autre des paroisses. Réinstaurer la Bénédiction du Saint-Sacrement, là où la pratique est abandonnée, en particulier le dimanche après-midi, pourrait aider à renforcer la dévotion eucharistique. Les vêpres ou les laudes peuvent être récitées devant le Saint Sacrement exposé. Là où plusieurs Messes sont célébrées, par exemple l’après-midi dans certaines paroisses urbaines, le curé pourrait introduire une heure d’Adoration entre l’une et l’autre.

Il faut en outre soutenir d’autres formes de dévotion chrétienne, comme l’Adoration du Jeudi Saint, les processions du Saint Sacrement, surtout à l’occasion de la Fête-Dieu, la Visite Eucharistique, les Quarante-Heures et la prière communautaire devant le Saint Sacrement exposé. Selon les indications du Magistère, de telles initiatives introduisent les fidèles à la prière de réparation pour les offenses, en particulier celles envers le Saint Sacrement [92]. Il conviendrait également de valoriser dans une juste mesure les expressions de la piété populaire en rapport avec l’Eucharistie, comme les chants, les compositions de fleurs et les ornements.

67. La prière commence par le silence qui permet de prendre conscience d’être en présence du Seigneur, Lui qui parle au cœur de l’homme et suscite une réponse dans la grande prière de la liturgie, ou dans l’Adoration Eucharistique en dehors de celle-ci. Dans ce dialogue, on effectue des actes extérieurs qui sont des gestes religieux : le signe de croix, le mouvement des mains, les génuflexions, les inclinaisons, la position debout et celle assise, la procession, et d’autres encore [93]. Nombreuses sont les réponses aux Lineamenta qui exhortent à une catéchèse sur de telles attitudes extérieures, rendues vraies par une plus grande conscience de leur essence.

Les prêtres et les fidèles manifestent la foi et l’adoration par des attitudes corporelles conformes aux indications reportées dans les livres liturgiques ou selon la tradition. Suivant les cultures, des adaptations de ces gestes sont prévues, dans la mesure où ils expriment la vénération et l’amour envers le Mystère de l’Eucharistie.

Attente du Seigneur

68. Jésus ressuscité est « le Principe, Premier-né d’entre les morts » (Col 1,18). Ces mots de l’Apôtre Paul expriment la vérité révélée, selon laquelle, pour le chrétien, la mort n’est pas la fin de toutes choses mais au contraire la porte introduisant dans une vie nouvelle et mystérieuse, caractérisée par un rapport intime et direct avec le Seigneur, et donc par un bonheur qui dépasse radicalement toute attente.

Cependant, il ne faut pas oublier que certains facteurs culturels tendent à éliminer toute perspective au-delà de la mort, tandis que la revendication de l’autonomie éthique totale de l’homme rend désormais inacceptable, ou du moins sans importance, toute idée de récompense ou de punition l’attendant après la mort en fonction de ses comportements moraux.

Diverses réponses considèrent inadéquate la catéchèse actuelle sur la vérité eschatologique de l’Eucharistie. Dans sa deuxième partie, le Catéchisme de l’Église catholique y consacre un titre ayant pour thème « L’Eucharistie, gage de la gloire à venir » [94], anticipation du Banquet du Royaume de Dieu et manifestation de la communion des saints. Naturellement, cette anticipation n’est pas étrangère à la vie du monde, ainsi que le proclame la prière suivante : « Que tes sacrements, Seigneur, achèvent de produire en nous ce qu’ils signifient, afin que nous entrions un jour en pleine possession du mystère que nous célébrons dans ces rites » [95].

69. La tension eschatologique peut être expliquée comme l’irruption, dans l’année liturgique, de Celui qui est, qui était et qui vient. Lui, le Ressuscité et le Vivant, est toujours présent. C’est pourquoi l’Eucharistie est le sacrement de la présence de Celui qui a dit : « Je suis avec vous pour toujours jusqu’à la fin du monde » (Mt 18,20). Certaines réponses aux Lineamenta reconnaissent que cet aspect n’est pas assez mis en évidence, si ce n’est dans la liturgie latine de la Messe des funérailles et de celles du 1er et du 2 novembre, ou encore dans certaines prières pour les défunts dans les textes de la Messe.

Beaucoup sont conscients que l’Eucharistie est source de communion avec les défunts et avec les saints, mais pas qu’elle est l’anticipation du Banquet céleste. Aussi serait-il opportun d’avoir présent à l’esprit que, même si la communion des saints est fêtée tout au long de l’année liturgique, tout le mois de novembre constitue une excellente occasion pour la célébrer, avec une intercession pour les défunts.

À propos des noms des défunts à mentionner pendant la Messe, et bien qu’il existe à ce sujet des normes spécifiques, un nombre consistant de réponses mettent en lumière les abus allant du refus total de mention à la répétition exagérée.

Et ce sont pourtant les mêmes réponses qui proposent aussi quelques orientations pour mettre davantage en évidence la dimension eschatologique du Mystère Eucharistique : la prière tournée vers l’Orient lorsque cela est possible ; une présentation appropriée du lien entre la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie et l’Adoration eucharistique, à travers laquelle nous prions de pouvoir jouir de la plénitude de sa présence lorsqu’Il nous fera une place au Banquet eschatologique à la fin des temps, selon les paroles de l’Anaphore : « dans l’attente de ta venue » et « dans l’attente de ta venue dans la gloire » [96]. L’Eucharistie est un remède d’immortalité car, en agissant comme antidote pour prévenir le péché et en libérant des péchés véniels, elle insuffle dans l’âme la force de la grâce qui sanctifie et prépare à la vie éternelle, à travers l’invocation adressée au Seigneur qui vient : « Maranà tha » (1 Co 16,22 ; cf. Ap 22,20).

Eucharistie dominicale

70. Les réponses invitent à accorder davantage d’attention à la célébration de l’Eucharistie lors du Dies Domini, jour sacré pour la vie de l’Église, pour la communauté de foi et pour tous les croyants. C’est dans ce contexte que doit être soulignée l’importance de la communauté qui se réunit pour la Célébration, puisque le Seigneur est parmi elle. Toutefois, sans la foi nous ne pourrions ni parler du Jour du Seigneur, ni vivre ce Jour. Le dimanche nous aide à voir le monde à la lumière de l’Eucharistie. La Messe est le sacrifice du Christ qui change le monde et demande à l’Église de devenir offrande elle aussi, en s’ouvrant à tous.

L’Eucharistie est également la source d’une culture du pardon, si difficile aujourd’hui. Pendant la Célébration Eucharistique, la demande de pardon pour renouveler la vie est récitée à plusieurs reprises. Le Pape Jean-Paul II invitait en outre à voir comme « conséquence significative de cette tension eschatologique inhérente à l’Eucharistie » [97] le fait de faire naître un germe de vive espérance dans le dévouement quotidien, et de créer de nouveaux signes dans le monde pour pouvoir dire que l’Eucharistie est vécue.

Le Jour du Seigneur est aussi le jour de la solidarité et du partage avec les pauvres, dans la mesure où l’Eucharistie est lien de fraternité et source de communion. En effet, « il rayonne de la Messe dominicale une onde de charité, destinée à se diffuser dans toute la vie des fidèles, en commençant par animer aussi la façon de vivre le reste du dimanche » [98].

71. En l’absence de la Messe du dimanche, il est impossible d’alimenter la foi par la rencontre avec le Seigneur, d’écouter la Parole de Dieu et de vivre la réalité communautaire de l’Église. Pour nombre de personnes, leur seul contact avec l’Église est celui de la Messe dominicale et, ce de fait, leur foi est liée à ce moment particulier. Si le chrétien manque la Messe du dimanche, peu à peu ce sera le Christ qui lui manquera. Il faut que tous les membres du Peuple de Dieu, en particulier le clergé, les personnes consacrées, les catéchistes et les membres des mouvements d’Église soient engagés à promouvoir le respect du Jour du Seigneur. L’assemblée synodale devrait s’attacher à redécouvrir le sens théologique et spirituel profond du dimanche comme Jour du Seigneur, en en facilitant la Célébration. Ceci aura des conséquences très positives pour les fidèles, pour leurs familles et pour la communauté tout entière.

En effet, s’il consacre de son temps au Seigneur chaque dimanche et jours de fête d’obligation, l’homme, en tant que personne et membre d’une famille, redécouvre la hiérarchie des valeurs auxquelles conformer son existence en jouissant, en union avec Dieu, son Créateur et Rédempteur, du temps libre à consacrer à l’exercice de ses capacités humaines et chrétiennes pour le bien de toute la société. C’est pour cette raison qu’il est important de sauvegarder le dimanche comme jour férié, en particulier dans les pays ayant des racines chrétiennes.

Dans diverses réponses aux Lineamenta, est exprimé le souhait d’orientations pastorales aptes à motiver les fidèles à participer à l’Eucharistie, surtout celle du dimanche. Dans la célébration du Jour du Seigneur, lorsque les fidèles, souvent troublés par nombre de problèmes personnels, familiaux et sociaux, se retrouvent au sein d’une assemblée accueillante, ils pourront puiser dans l’Eucharistie, source de lumière, de paix et de consolation spirituelle, la force nécessaire pour transformer leur vie et le monde selon les desseins de Dieu le Père, par l’intermédiaire de Jésus-Christ.

On signale en même temps la nécessité de garantir la célébration de la Messe au plus grand nombre possible de fidèles, de réaffirmer les dispositions fondamentales pour recevoir dignement l’Eucharistie, à savoir l’état de grâce et le jeûne, et de suivre pastoralement ceux qui vivent dans des conditions morales qui ne leur permettent pas de prendre part à la Communion sacramentelle.

Dans ce dernier contexte, il est proposé de présenter brièvement la doctrine sur la Communion spirituelle ou de désir, basée sur les privilèges accordés par le Baptême et qui est la seule forme de Communion à laquelle beaucoup peuvent accéder, lorsque viennent à manquer, objectivement ou subjectivement, les conditions nécessaires à la Communion sacramentelle. Par exemple, la Communion spirituelle est toujours accessible aux personnes âgées et malades qui manifestent leur amour pour l’Eucharistie et participent à la communion des saints, en y trouvant un grand bénéfice spirituel pour eux-mêmes mais aussi pour l’Église, enrichie de leurs souffrances offertes à Dieu. Se trouve ainsi comblé ce qui manque à la passion de Jésus-Christ pour son Corps, l’Église (cf. Col 1,24) et « l’Évangile de la souffrance » [99] est célébré, cet Évangile que le Maître a remis à ses disciples avec son sacrifice, et dont l’Eucharistie est le mémorial.

Faire redécouvrir le sens joyeux de la Célébration Eucharistique du dimanche est un des nombreux défis pastoraux que doit affronter l’Église dans le monde d’aujourd’hui, toujours plus porté à concevoir la fête uniquement comme un moment de divertissement superficiel et non comme un moment de communion et de célébration. Un autre défi tout aussi exigeant est celui de susciter l’intérêt des familles à participer à la Sainte Messe. De la sorte, la famille, église domestique, élargit ses horizons chrétiens et, dans la communion avec d’autres familles, elle se redécouvre partie vivante de la grande famille de Dieu qu’est l’Église catholique.

Enfin, la Célébration dominicale des catholiques devient pour eux un signe distinctif, en particulier dans les pays où ils sont minoritaires. En priant ensemble et en transmettant ensuite cette attitude dans les œuvres de charité, une contribution importante est fournie à l’amélioration de la société, surtout dans les nations où, par tradition, prévaut un concept individualiste du rapport de l’homme avec la divinité.

IVème Partie L’EUCHARISTIE DANS LA MISSION DE L’ÉGLISE

Chapitre I SPIRITUALITÉ EUCHARISTIQUE

« Demeurez en moi, comme moi en vous. De même que le sarment ne peut de lui-même porter du fruit s’il ne demeure pas sur la vigne, ainsi vous non plus, si vous ne demeurez pas en moi » (Jn 15,4)

Eucharistie, source de la morale chrétienne

72. La métaphore de l’Évangile de Saint Jean qui se trouve insérée dans le discours de la Cène acquiert un sens non seulement ecclésial, mais aussi moral, puisque la vie de la grâce reçue à travers l’Eucharistie devient la garantie de la vraie communion ecclésiale, ainsi que d’une vie morale caractérisée par les bonnes œuvres et par la droiture des actions, typique des personnes unies au Christ de façon vitale.

Nombreuses sont les réponses aux Lineamenta qui insistent sur le sens personnel et ecclésial de l’Eucharistie par rapport à la vie morale, à la sainteté et à la mission dans le monde. La présence et l’action permanentes de l’Esprit Saint, don du Seigneur ressuscité, reçu dans la Communion, est la source du dynamisme de la vie spirituelle, de la sainteté et du témoignage des fidèles.

Ainsi, l’Eucharistie et la vie morale sont inséparables, parce que lorsqu’on se nourrit du Saint Sacrement on obtient la transformation intérieure, mais aussi parce que c’est vers Jésus Eucharistie que tend l’homme né à nouveau dans le Baptême à la vie selon l’Esprit, une vie morale nouvelle, qui n’a aucun lien avec la chair. L’Eucharistie renforce véritablement le sens chrétien de la vie, du fait que la célébration est un service de Dieu et aux frères et qu’elle conduit à un témoignage des valeurs évangéliques dans le monde. Ainsi, les trois dimensions de la vie chrétienne, liturgia-martyria-diakonia, manifestent la continuité entre le Sacrement célébré et adoré, l’engagement à témoigner le Christ au cœur des réalités temporelles et la communion construite dans le service de la charité, en particulier en faveur des pauvres.

73. Plusieurs réponses ont insisté sur le rapport entre Eucharistie et vie morale, en mettant en évidence une forte conscience de l’importance de l’engagement moral, suite à la Communion eucharistique. Des mentions sont faites également du fait que trop de fidèles reçoivent la Communion sans avoir suffisamment réfléchi sur la moralité de leur vie [100]. Certains communient même s’ils nient les enseignements de l’Église ou soutiennent publiquement des choix immoraux, comme l’avortement, sans penser qu’ils commettent un acte personnel profondément malhonnête ni qu’ils sont source de scandale. Du reste, il existe des catholiques qui ne comprennent pas pourquoi ils commettent un péché lorsqu’ils soutiennent politiquement un candidat ouvertement en faveur de l’avortement ou d’autres actes graves contre la vie, la justice et la paix. À partir de cette attitude, on constate, entre autres, la crise sur le sens d’appartenance à l’Église mais aussi le manque de clarté dans la distinction entre péché véniel et péché mortel.

Un bon nombre de réponses font remarquer que certains catholiques ne se distinguent guère des autres personnes qui succombent à la tentation de la corruption, sous ses différentes formes et à ses différents niveaux.

Les exigences spécifiques de la vie morale sont souvent séparées du rôle de l’Église en tant qu’éducatrice de vie, de sorte que ses enseignements sont considérés comme ayant besoin d’être filtrés par la conscience individuelle. Dans d’autres sphères, les Pasteurs se sont engagés à clarifier pourquoi il est contradictoire d’invoquer la liberté de conscience ou la liberté religieuse en tant que critère pour ignorer l’enseignement de l’Église. L’accent est mis sur le devoir des fidèles de chercher la vérité et d’avoir une conscience droite.

Nombreux, toutefois, sont ceux qui s’efforcent d’insérer l’Eucharistie dans leur vie et de la considérer comme source d’énergie pour vaincre le péché. Cela se produit spécialement dans les paroisses avec une forte présence de ministères différents, d’organisations caritatives, de groupes de prière et d’associations de laïcs.

74. Les réponses aux Lineamenta mettent en évidence plusieurs suggestions pour dépasser la dichotomie entre l’enseignement de l’Église et l’attitude morale des fidèles. Tout d’abord, on trouve signalée l’opportunité d’accorder toujours plus d’importance à la nécessité de la sanctification et de la conversion personnelle, et d’insister encore davantage sur l’unité entre l’enseignement de l’Église et la vie morale. En outre, les fidèles doivent être encouragés en permanence à prendre conscience que l’Eucharistie est la source de la force morale, de la sainteté et de tout progrès spirituel. Enfin, il apparaît comme fondamentalement important de mettre en avant, dans la catéchèse, le lien entre l’Eucharistie et la construction d’une société juste, à travers la responsabilité personnelle de chacun dans la participation active à la mission de l’Église dans le monde. Dans ce sens, une responsabilité particulière revient aux catholiques qui occupent des postes importants en politique et dans différentes activités sociales.

L’Église nourrit une grande espérance dans ses jeunes, toujours plus intéressés à l’Eucharistie, ce trésor précieux, source inépuisable pour le renouvellement de la vie de l’Église et pour l’espérance du monde. Aussi ne faut-il pas s’étonner de ce que le thème choisi pour la Journée mondiale des Jeunes à Cologne, du 16 au 21 août 2005 : « nous sommes venus lui rendre hommage » (Mt 2,2), soit riche d’un sens eucharistique profond. Une attention particulière doit être accordée à la contribution valable que cet important événement offre à la réflexion synodale. À ce sujet, le Pape Jean-Paul II avait déclaré : « L’Eucharistie est le centre vital autour duquel je désire que les jeunes se rassemblent pour nourrir leur foi et leur enthousiasme » [101]. C’est pourquoi il est suggéré, avec raison, que dans les écoles catholiques également, une plus grande importance soit accordée à l’éducation des jeunes générations à la foi et, en particulier, à la spiritualité eucharistique.

L’Eucharistie, qui est Présence de Jésus-Christ ressuscité, conduit à la perfection et à la sainteté dans la vie chrétienne. Pour réaliser un tel idéal, sont nécessaires la grâce de Dieu, une bonne disposition de la part des chrétiens et une catéchèse permanente spécifique pour chaque catégories de personnes.

Personnes et communautés eucharistiques

75. L’Eucharistie prouve son efficacité à partir des fruits de vie nouvelle ici-bas, fruits de sanctification et de divinisation, c’est-à-dire de vie éternelle. Dans ce sens, l’Eucharistie se révèle comme un Sacrement d’une grande spiritualité.

Un grand nombre de réponses prennent acte d’un développement positif de la spiritualité eucharistique. En effet, dans maints endroits ces derniers temps, on a assisté à une reprise de l’Adoration du Saint Sacrement. À ce sujet, mention est faite d’une augmentation de la dévotion eucharistique dans les églises paroissiales et rectorales, ainsi que le prouvent le temps consacré à l’Adoration eucharistique et l’institution de chapelles spécifiques dans ce but. La procession de la Fête-Dieu continue d’être toujours profondément ressentie, et la Liturgie des Heures devant le Sacrement exposé est promue régulièrement. Tout aussi importante, dans ce contexte, est la dévotion imprimée par les nouveaux mouvements. Là où existe une formation catéchétique et liturgique réelle, les fidèles perçoivent clairement la différence entre la Messe et les autres célébrations liturgiques ou pratiques dévotionnelles, et ils participent avec piété à toutes les initiatives eucharistiques que proposent leurs pasteurs. On peut dire, en général, que toutes ces pratiques viennent alimenter la dévotion, pouvant être perçue comme le don de soi au Seigneur, en esprit, âme et corps.

Cependant, certaines réponses indiquent plusieurs aspects moins encourageants : l’abandon de la pratique de la Bénédiction eucharistique ; la fermeture des églises pendant une grande partie de la journée, principalement par crainte des vols, ce qui empêche les fidèles de venir adorer le Saint Sacrement ; l’emplacement du tabernacle dans des lieux isolés et mal valorisés, difficiles à identifier, en raison de quoi la plupart des fidèles qui entrent dans l’église ne s’aperçoivent pas de la présence du Saint Sacrement et renoncent à prier ; la diminution de l’habitude de venir devant le Saint Sacrement pour prier et méditer ; le manque d’une catéchèse qui enseigne la distinction entre la Sainte Messe et les autres célébrations liturgiques ou pratiques dévotionnelles ; une vision trop individualiste de la Messe qui empêche d’apprécier dans sa juste mesure la dimension communautaire du sacrifice eucharistique.

76. Plusieurs réponses aux Lineamenta souhaitent une plus grande conscience de la dimension ecclésiale de l’Eucharistie, dépassant tout individualisme ; un renouveau de la spiritualité eucharistique qui présente le Sacrement comme le début de la rédemption du monde, en intégrant également la dévotion au Christ ressuscité.

On trouve exprimée la nécessité d’une promotion adéquate de la connaissance de la vie des saints et des bienheureux qui ont été des modèles de spiritualité et de vie eucharistiques, se faisant l’écho de la suggestion de l’Encyclique Ecclesia de Eucharistia [102]. Ils nous enseignent à centrer la vie chrétienne sur le Mystère de l’Eucharistie, à adorer la présence du Seigneur dans le Saint Sacrement, à nous nourrir du Pain de Vie qui soutient notre pèlerinage vers la Patrie céleste. Pour tous les saints, l’Eucharistie est le centre et le creuset de la vie spirituelle mais nombreux aussi sont ceux qui ont développé une spiritualité uniquement eucharistique : de Saint Ignace d’Antioche à Saint Tarcisius, de Saint Jean Chrysostome à Saint Augustin, de Saint Antoine Abbé à Saint Benoît, de Saint François d’Assise à Saint Thomas d’Aquin, de Sainte Catherine de Sienne à Sainte Claire d’Assise, de Saint Pascal Baylon à Saint Pierre-Julien Eymard, de Saint Alphonse de Liguori au Vénérable Charles de Foucauld, de Saint Jean-Marie Vianney au Bienheureux Joseph Bilczewski, du Bienheureux Ivan Mertz à la Bienheureuse Thérèse de Calcutta, pour ne citer que quelques noms parmi bien d’autres [103].

Marie, la femme eucharistique

77. Parmi tous les saints, la Très Sainte Vierge Marie resplendit comme modèle de sainteté et de spiritualité eucharistique. Selon la tradition ecclésiale vivante, son nom est repris avec vénération dans tous les canons de la Sainte Messe, et avec un accent particulier dans les Églises Orientales catholiques. Plusieurs réponses suggèrent de mieux spécifier le rôle de la Bienheureuse Vierge Marie dans la liturgie eucharistique.

Marie est liée au Mystère Eucharistique au point que, dans l’Encyclique Ecclesia de Eucharistia [104], elle est appelée avec raison la « Femme eucharistique ». Dans l’existence de Marie de Nazareth, on trouve exprimés, de façon sublime, non seulement le rapport exclusif entre la Mère et le Fils de Dieu, qui a pris Corps et Sang dans son corps et dans son sang, mais aussi la relation sublime qui unit l’Église et l’Eucharistie, puisque la Très Sainte Vierge est modèle et figure de l’Église, dont la vie et la mission ont leur source et leur sommet dans le Corps et le Sang du Seigneur Jésus-Christ.

L’orientation eucharistique de Marie provient d’une attitude intérieure qui marque sa vie tout entière plus que de sa participation active au moment où le sacrement est institué. Son existence, riche d’un profond sens ecclésial, assume aussi cette note eucharistique. Marie a vécu dans un esprit eucharistique déjà bien avant que le sacrement fût institué, par le fait qu’elle avait offert son sein virginal à l’incarnation du Verbe de Dieu. Pendant neuf mois, elle a été le tabernacle vivant de Dieu. Puis, en présentant l’enfant Jésus aux pasteurs, aux Rois Mages et au Grand Prêtre du Temple, elle a accompli un geste eucharistique, puisque c’est le Fruit béni de son sein qu’elle a offert au Peuple de Dieu et aux païens pour qu’ils l’adorent et le reconnaissent comme le Messie. Sa présence et son intercession de demande à Cana fut un acte identique, à l’heure du premier signe réalisé par le Fils en s’offrant dans un miracle. C’est un même geste encore qu’accomplit la Vierge aux pieds de la Croix, en participant aux souffrances de son Fils et en accueillant ensuite son corps dans ses bras et en le déposant dans le tombeau, comme la semence secrète de la résurrection et de la vie nouvelle pour le salut du monde. Et sa présence lors de l’effusion de l’Esprit Saint, premier don du Seigneur ressuscité à l’Église naissante, fut encore une offrande de nature eucharistique et ecclésiale.

La Vierge Marie avait conscience d’avoir conçu le Christ pour le salut de tous les hommes. Cette conscience se fit plus évidente dans sa participation au Mystère Pascal lorsqu’en prononçant les mots « Femme, voici ton Fils » (Jn 19,26), son Fils, dans la personne de l’Apôtre Jean, lui confia tous les fidèles. Comme la Vierge Marie, l’Église aussi rend le Seigneur Jésus présent à travers la célébration de l’Eucharistie, pour le donner à tous les hommes afin qu’ils aient la vie en abondance (cf. Jn 10,10).

Chapitre II EUCHARISTIE ET MISSION ÉVANGÉLISATRICE

« Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit » (Mt 28,19-20)

Attitude eucharistique

78. L’envoi missionnaire à évangéliser tous les peuples, que Jésus a confié à ses disciples, est fondé sur le Baptême en tant que sacrement ouvrant le chemin à une vie nouvelle, marquée par le caractère indélébile des fils de Dieu. Cet envoi comprend la formation des consciences à un style de vie évangélique centré sur l’annonce de la Bonne Nouvelle et sur le commandement nouveau de l’Amour, dont l’Eucharistie est le sommet et la source inépuisable.

Les réponses aux Lineamenta mettent en relief le fait qu’il existe partout l’attente d’un élan renouvelé d’évangélisation, conformément aux exigences des temps. Le nombre de Baptêmes d’adultes et d’adhésion à l’Église est en augmentation. Mais nombreux encore sont ceux qui doivent connaître le Christ et son Évangile, tout comme nombreux aussi sont ceux qui, bien que le connaissant, ont besoin de grandir dans la foi qu’ils professent. C’est à eux que s’adresse aujourd’hui l’engagement de la nouvelle évangélisation. Cette expression a été employée pour la première fois par le Pape Jean-Paul II, qui en a expliqué le sens en même temps. En effet, il voulait dire que l’évangélisation devrait être « nouvelle dans son ardeur, nouvelle dans ses méthodes et nouvelle dans son expression » [105]. Ainsi, alors qu’avec cette définition on faisait allusion à une nouveauté du témoignage joyeux dans l’attitude des évangélisateurs, on affirmait en même temps le contenu éternel et immuable de la Bonne Nouvelle qu’est Jésus-Christ, présenté à nouveau à l’homme contemporain. Ce nouvel élan de l’évangélisation, qui peut être aussi appliqué à la première annonce de l’Évangile, se nourrit de l’Eucharistie qui, tout au long des événements changeants de l’histoire, reste éternellement source et sommet de la vie et de la mission de l’Église.

L’Eucharistie a toujours été source d’énergie pour les choix et les comportements éthiques et moraux des croyants, en étant reconnue favorablement par la philosophie, l’art, la littérature et même les institutions civiles et les lois, en contribuant à modeler le visage de toute une civilisation dans la vie personnelle, familiale, culturelle, politique et sociale. L’Eucharistie encourage les chrétiens à s’engager en faveur de la justice dans le monde d’aujourd’hui.« Pour une telle mission, l’Eucharistie ne procure pas seulement la force intérieure, mais aussi – en un sens – le projet. Elle est en effet une manière d’être qui, de Jésus, passe chez le chrétien et, par le témoignage de ce dernier, vise à se répandre dans la société et dans la culture. (...) Incarner le projet eucharistique dans la vie quotidienne, dans les milieux de travail et de vie – en famille, à l’école, à l’usine, dans les conditions de vie les plus diverses – signifie, entre autre chose, témoigner que la réalité humaine ne se justifie pas sans la référence au Créateur : ‘La créature sans son Créateur s’évanouit’ » [106].

Tout cela est défini comme « attitude eucharistique », attitude qui doit encourager les chrétiens à témoigner plus intensément la présence de Dieu dans le monde, à ne pas avoir peur de parler de Dieu et de porter les signes de la foi la tête haute, dans le témoignage et dans le dialogue avec tous les autres hommes. Aussi, la consigne de l’Année eucharistique est-elle la « culture de l’Eucharistie », qui doit être promue et diffusée [107].

Implications sociales de l’Eucharistie

79. La Communion eucharistique a pour effet essentiel la charité qui doit pénétrer la vie sociale. Le Concile Vatican II et le Pape Paul VI ont parlé de la présence multiforme du Christ [108] : il faut aider les chrétiens à saisir ce que signifie, pour la foi, le lien entre le Christ dans l’Eucharistie et le Christ présent dans leurs frères et leurs sœurs, en particulier les pauvres et les marginaux de la société.

Non seulement l’amour pour les pauvres et les marginaux a fait l’objet de la prédication de Jésus, mais il a aussi donné un sens à sa vie tout entière. La solution des problèmes, grands et petits, de l’humanité réside dans l’amour, non pas l’amour faible et rhétorique, mais l’amour que le Christ nous enseigne dans l’Eucharistie, l’amour qui est donné, diffusé, l’amour qui se sacrifie. Il faut prier pour que le Christ soit vainqueur de nos résistances humaines et fasse de chacun de nous un témoin crédible de son amour.

Le thème du 48ème Congrès eucharistique international, L’Eucharistie, lumière et vie du nouveau millénaire, a voulu affirmer que le Christ étant la lumière du monde, il doit, dans le nouveau millénaire, l’éclairer de la force d’une vie renouvelée selon la logique de l’Évangile. Dans le monde globalisé d’aujourd’hui, et que l’on dit peu solidaire et conditionné par une technologie toujours plus raffinée, un monde marqué par le terrorisme international et par d’autres formes de violence et d’exploitation, l’Eucharistie conserve son message actuel, nécessaire pour construire une société où prévalent la communion, la solidarité, la liberté, le respect des personnes, l’espérance et la confiance en Dieu.

Eucharistie et inculturation

80. La foi devient culture et elle fait la culture. Nous connaissons tous le riche trésor culturel qui s’est accumulé au long des siècles dans la liturgie d’Orient et d’Occident : les textes des prières, la richesse des rites, les œuvres de l’architecture, des arts plastiques et de la musique sacrée. Tout cela montre le lien entre religion et culture, ensemble de tout ce que l’humanité créé de bon et de significatif. La culture fournit à la foi les instruments adaptées pour exprimer la vérité révélée par Dieu et proclamée dans la liturgie.

L’inculturation est le processus qui a accompagné l’Église dès ses débuts. Il existe de nombreux et excellents exemples d’inculturation. Les Églises Orientales catholiques, par exemple, en sont un témoignage authentique. À ce propos, il faut mentionner l’œuvre des Saints Cyrille et Méthode, apôtres des peuples slaves [109]. Le processus d’inculturation est encore vivant dans les communautés ecclésiales actuelles. Pour pouvoir le mettre en pratique de façon appropriée, il faut tenir compte de la nature purement gratuite de l’acte rédempteur de Dieu et de la manière dont il est compris et accueilli adéquatement par l’homme, dans le cadre de la pleine responsabilité et de la réalité de celui-ci, au plan à la fois personnel et communautaire, et reflétées dans sa vie et sa culture.

Les principes généraux de l’inculturation sont clairement exprimés dans le Décret conciliaire Ad gentes [110], dans l’Instruction Varietates legitimæ sur la liturgie romaine et l’inculturation [111] et dans de nombreuses autres interventions du Magistère sur le sujet [112]. Le thème de l’inculturation a aussi été traité dans les différentes Assemblées Spéciales continentales et dans les Exhortations Apostoliques Post-synodales relatives [113].

Toutefois, les difficultés ne manquent pas lorsqu’on s’efforce d’actualiser ces principes. Il existe deux risques principaux : celui de tomber dans l’archaïsme, et celui d’effectuer une recherche de la modernité à tout prix. Ce qu’il ne faut jamais oublier c’est l’objectif ultime de la mission de l’Église : évangéliser tous les hommes dans le cœur de leurs cultures. Ainsi, l’inculturation n’est pas une simple adaptation, mais le résultat vivant de la rencontre vécue entre la culture d’un certain milieu et celle engendrée par l’Évangile. C’est pourquoi, avant de décider d’incorporer certains éléments d’une culture locale dans la liturgie, il est opportun que l’Évangile soit annoncé et que soit réalisé un grand effort d’éducation dans la foi, c’est-à-dire de catéchèse et de formation à tous les niveaux, dans le but de faire naître une nouvelle culture évangélisée. C’est à ce point que les Conférences épiscopales et les autres organismes compétents devront juger si l’introduction, dans la liturgie, d’éléments ressortant des coutumes des populations, et bien que ceux-ci soient une partie vivante de ces cultures, peut enrichir l’action liturgique sans entraîner des conséquences défavorables pour la foi et pour la piété des fidèles.

81. Des réponses aux Lineamenta, il ressort que dans les différentes parties du monde occidental, l’inculturation concerne habituellement les groupes d’émigrés et les paroisses ethniques ; les efforts réalisés dans ce domaine sont nombreux. Dans d’autres régions géographiques, la question est en train de devenir prioritaire au plan de la pastorale.

De toutes façons, pour ce qui est du thème de l’inculturation il est nécessaire de respecter les normes des documents officiels de l’Église, qui offrent les critères pastoraux opportuns, en ayant toujours présent à l’esprit qu’une grande fidélité à l’Esprit Saint est exigée « pour conserver l´immuable dépôt de la foi à travers la diversité considérable des prières et des rites » [114]. C’est pour cette raison, justement, qu’il faut garder un équilibre profond entre la Tradition qui exprime une foi immuable dans l’Eucharistie, et l’adaptation aux nouvelles conditions.

Certaines réponses mentionnent des problèmes provenant des essais d’inculturation liturgique qui, tout en étant réalisés de bonne foi, peuvent projeter des ombres sur l’Eucharistie. À ce propos, il faut signaler que les éléments locaux, comme les chants, les gestes, les danses, les vêtements, ne sont pas toujours soumis à une purification adéquate pour pouvoir intégrer ensuite dans la célébration liturgique uniquement ce qui convient au Culte Eucharistique. Il y a eu des cas d’adaptation liturgique promus en toute bonne foi, mais sans une connaissance appropriée de la culture locale, ce qui a provoqué le scandale parmi les fidèles. Ceux-ci restent perplexes lorsqu’ils constatent que sont attribués à l’Eucharistie des significations inappropriées, typiques de certains de leurs rites.

Par contre, plusieurs réponses aux Lineamenta mettent en relief des aspects positifs en matière d’inculturation, surtout dans le domaine de la musique sacrée. De toutes façons, il est recommandé de réaliser l’inculturation sous la responsabilité de l’Ordinaire diocésain, avec la supervision de la Conférence épiscopale et la recognitio du Saint-Siège. En même temps, l’application fidèle des normes communes dans la sphère de l’inculturation et de l’innovation est demandée, afin d’éviter que des changements inopportuns soient pratiqués au nom de l’inculturation.

Il est souhaité que l’usage du latin soit maintenu, surtout dans les Célébrations de nature internationale, afin d’exprimer l’unité et l’universalité de l’Église dans son lien avec le rite de l’Église-mère de Rome. À ce sujet, il serait bon que les chrétiens de tous le pays sachent prier et chanter en latin quelques-uns des textes fondamentaux de la liturgie, comme le Gloria, le Credo et le Notre Père.

Eucharistie et paix

82. Avant de distribuer la Sainte Communion, l’évêque ou le prêtre prient le Seigneur Jésus-Christ ressuscité, lui qui a dit à ses disciples : « je vous laisse ma paix, je vous donne ma paix » (Jn 14,27). Le célébrant supplie le Seigneur Jésus de concéder à l’Église « la paix et (...) l’unité (...) pour les siècles des siècles » [115].

L’Eucharistie est le sacrement de la paix, réalisée dans sa plénitude après la réconciliation avec Dieu et avec le prochain dans le sacrement de Pénitence. Elle actualise la grâce que le Seigneur ressuscité a exprimée en disant : « paix à vous » (Jn 20,19). En outre, le sacrement de l’Eucharistie offre aux croyants la grâce nécessaire pour mettre en pratique l’esprit des Béatitudes et, en particulier, la proclamation de Jésus-Christ : « heureux les artisans de paix » (Mt 5,9). Par le sacrifice de la Croix, Il a accompli la victoire sur le péché, sur la mort et sur toutes les divisions et les haines. Ressuscité, Il étend sa paix à ceux qui sont proches et à ceux qui sont éloignés (cf. Ep 2,17).

La paix des cœurs, celle des familles, des communautés et de l’Église est le don du Seigneur ressuscité, présent dans le sacrement de l’Eucharistie. Le fidèle qui vient communier doit déjà avoir en lui la paix de Dieu, à laquelle le péché fait obstacle. Tandis que l’acte pénitentiel au début de la Sainte Messe purifie des péchés véniels, pour les péchés mortels il est nécessaire de recevoir l’absolution sacramentelle. Par elle-même, l’Eucharistie renforce ce don de la paix et offre à tous ceux qui la reçoivent la grâce de devenir eux aussi artisans de paix dans les lieux où ils vivent et où ils travaillent.

83. Il faut que les fidèles découvrent à nouveau l’Eucharistie comme la force de réconciliation et de paix avec Dieu et parmi tous leurs frères. Dans le monde d’aujourd’hui, où les raisons de divisions et de diversification – même légitimes – ne manquent pas, il est opportun que les chrétiens rassemblées autour de l’autel du Seigneur redécouvrent leurs racines communes, ces racines qui se trouvent en Lui. Dans la prière, dans la réflexion et dans l’adoration, avec l’aide de la Parole de Dieu et de l’homélie du célébrant, les fidèles seront renforcés dans leur foi, dans la charité et dans l’espérance, afin de pouvoir s’engager toujours plus et toujours mieux dans la tâche difficile qui consiste à édifier un monde meilleur, plus juste et pacifique. Ils respecteront les différentes options politiques et sociales, pourvu qu’elles ne soient pas en contradiction avec les normes fondamentales de l’Évangile, qui ont inspiré la doctrine sociale de l’Église.

Toutefois, cette dimension de l’Eucharistie n’est pas toujours perçue ; les attitudes prolongées de conflit entre les personnes et les communautés deviennent alors des motifs de contradiction et de scandale. Nouvellement pacifiée dans ses fidèles, l’Église célèbre et adore l’Eucharistie comme le sacrement de la piété, le signe de l’unité et le lien de la charité [116].

84. S’en remettant à la source inépuisable de grâce qu’est l’Eucharistie, l’Église promeut la cause de la paix dans le monde bouleversé par les conflits, les violences, le terrorisme et les guerres qui blessent la dignité des hommes et des peuples et constituent un obstacle à leur développement, quel qu’il soit. L’Église catholique ne se lasse jamais de proclamer l’Évangile de la paix (cf. Ep 6,15) et de promouvoir différentes initiatives dans le but de faire cesser toute guerre et, par le dialogue et la collaboration, encourager la construction de la paix dans le monde.

L’Eucharistie, mémorial du sacrifice de Jésus, « lui qui est notre paix, lui qui des deux peuples n’en a fait qu’un, détruisant la barrière qui les séparait, supprimant en sa chair la haine » (Ep 2,14), oriente l’Église dans cette mission urgente et difficile, en l’ouvrant à la collaboration avec les hommes de bonne volonté. L’Eucharistie, sacrement des réconciliés avec Dieu et avec leurs frères (cf. Col 1,22), devient aussi exhortation à l’exercice du « ministère de la réconciliation » (2 Co 5,18). Sachant de la Parole de Dieu que tous ont péché (cf. Rm 3,23) et que, de ce fait, tous ont besoin du pardon, l’Église propose aux hommes de sortir du cercle vicieux de la violence et de la haine en trouvant la force de demander pardon et de pardonner.

Au nom de l’Église, le Saint-Père et le Saint-Siège sont présents de façon active dans les forums internationaux, soutenant ardemment la cause de la paix, se prodiguant pour réduire les armements et promouvoir la mise au ban des armes de destruction massive. Dans cette œuvre de prière, de persuasion et d’éducation, les Messages du Pape à l’occasion de la Journée mondiale de la Paix jouent un rôle important.

Consciente que la vraie paix peut venir uniquement d’en haut (cf. Jc 1,17 ; Lc 2,14), l’Église continue d’implorer ce grand pardon, en œuvrant pour qu’il puisse se répandre le plus possible ici-bas, avant de briller pleinement dans l’éternité, où le Dieu de la vie assure la paix, la bénédiction, la lumière et la joie aux artisans de paix (cf. Mt 5,9).

Eucharistie et unité

85. Dans la Prière Eucharistique, l’Église supplie Dieu Tout-puissant de lui concéder aussi le don de l’unité. Ce don regarde la nature même de l’Église voulue par Jésus-Christ qui, justement, se traduit dans ses attributs essentiels comme une, sainte, catholique et apostolique.

Avant d’accepter le sacrifice sur la croix, le Seigneur Jésus a prié pour l’unité de ses disciples : « Père saint, garde-les dans ton nom que tu m’as donné, pour qu’ils soient un comme nous » (Jn 17,11). Dans cette « prière sacerdotale », tous les chrétiens de tous les temps sont présents. En effet, Jésus-Christ a prié aussi bien pour l’unité des Apôtres que pour ceux qui, grâce à leur parole, auraient cru en Lui (cf. Jn 17,20). L’unité des disciples du Seigneur Jésus-Christ provient de la nature même de l’Église. L’unité est, en outre, l’une des raisons qui fait qu’elle est crédible : « Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu’eux aussi soient en nous, afin que le monde croie que tu m’as envoyé » (Jn 17,21).

Hélas, les péchés contre l’unité ont accompagné la vie terrestre de l’Église. En plus du fils de la perdition (cf. Jn 17,12), la communauté primitive a du faire les comptes avec les faux prophètes (cf. 1 Jn 4,4) et avec ceux qui ont abandonné la communauté parce que, dans le fond, ils ne lui appartenaient pas sincèrement (cf. 1 Jn 2,19). Saint Paul a dû mettre en garde contre « les fauteurs de dissensions et de scandales contre l’enseignement [qu’ils ont] reçu » (Rm 16,17). Il dut lui-même intervenir avec décision dans la communauté de Corinthe, pour aplanir les divisions (cf. 1 Co 1,12) provoquées par des « êtres psychiques, qui n’ont pas d’esprit » (Jude 19).

Il faut déplorer que le scandale des divisions à différents niveaux existe encore dans l’Église d’aujourd’hui. L’Eucharistie devrait représenter pour tous les hommes un rappel fort à garder l’unité au sein des familles, des communautés paroissiales, des mouvements d’Église, des Ordres religieux et des diocèses. En outre, l’Eucharistie offre la grâce pour rétablir l’unité des chrétiens, membres du Corps du Christ : « Parce qu’il n’y a qu’un pain, à plusieurs nous ne sommes qu’un corps, car tous nous participons à ce pain unique » (1 Co 10,17).

La « prière sacerdotale » de Jésus-Christ s’élargit à tous ceux qui croient en Lui (cf. Jn 17,20). Tout au long de l’histoire, hélas, le Christianisme a connu de douloureuses divisions dans différentes Églises et Communautés ecclésiales. Devant un tel péché, source de scandale pour le monde, il faut prier et œuvrer afin que soit recomposée l’unique tunique sans couture de Jésus (cf. Jn 19,23-24) et que soit maintenu entier le filet des pêcheurs d’hommes (cf Mt 4,19 ; Jn 21,11). Il s’agit de l’œuvre de Dieu, à la réalisation de laquelle tous les chrétiens sont appelés, chacun selon sa propre vocation et responsabilité. Cependant, tous ont le devoir de prier pour que s’accomplisse la parole de Jésus-Christ : « J’ai encore des brebis qui ne sont pas de cet enclos ; celles-là aussi, il faut que je les mène ; elles écouteront ma voix ; et il y aura un seul troupeau, un seul pasteur » (Jn 10,16). À cette parole du Seigneur fait écho la prière de toute l’Église qui, par la bouche de son Pasteur universel élève sa supplique : « Seigneur, souviens-toi de ce que tu as promis. Fais que nous ne soyons qu’un seul Pasteur et un seul troupeau ! Ne permets pas que ton filet se déchire et aide-nous à être des serviteurs de l’unité ! » [117].

Eucharistie et œcuménisme

86. L’œcuménisme est certainement un don de l’Esprit Saint et une voie que l’Église ne peut éviter. Après le Concile Œcuménique Vatican II et le Décret sur l’œcuménisme Unitatis redintegratio, un chemin long et fructueux a été parcouru dans les rapports avec les Églises et les Communautés ecclésiales, suscitant des liens d’unité qui existent déjà à différents niveaux, dans la recherche de la pleine union, en vue de la célébration commune de l’Eucharistie. Dans cette tâche urgente et incontournable, il existe des rapports particuliers avec les Églises orientales, auxquelles même en l’absence d’une pleine communion, l’Église catholique reconnaît la validité du sacrement de l’Eucharistie. Les catholiques des Églises mentionnées peuvent donc communier à certaines conditions, tout comme les membres de ces Églises sont accueillis dans l’Église catholique, à l’Autel du Seigneur, lorsque il leur manque un prêtre validement ordonné.

Des rapports avec les Communautés ecclésiales issues de la Réforme se sont aussi développés favorablement. À ce sujet, l’expérience d’un chemin délicat et prometteur est marquée en grande partie par le rapport avec le sacrement de l’Eucharistie, comme l’indiquent opportunément la normative canonique [118] et le Directoire sur l’œcuménisme [119].

Dans les réponses aux Lineamenta est souligné le fait que la liturgie doit être respectée comme manifestation cultuelle de l’Église et non considérée comme une initiative sociale quelconque. Dans le sillage de l’enseignement du Concile Vatican II, le Pape Jean-Paul II a déclaré dans sa première Encyclique : « Et bien qu’il soit vrai que l’Eucharistie fut toujours et doit être encore la révélation la plus profonde et la célébration la meilleure de la fraternité humaine des disciples du Christ et de ceux qui lui rendent témoignage, elle ne peut pas être traitée seulement comme une occasion de manifester cette fraternité. Dans la célébration du sacrement du Corps et du Sang du Seigneur, il faut respecter la pleine dimension du Mystère Divin, le sens plénier de ce signe sacramentel dans lequel le Christ réellement présent est reçu, l’âme est comblée de grâce et le gage de la gloire future nous est donné » [120]. À la lumière de cet enseignement, on peut comprendre l’affirmation selon laquelle l’Eucharistie présuppose la communion ecclésiale [121]. Aussi, dire que l’Eucharistie est le signe de l’unité de l’Église, son Corps, ne se réfère pas à la nature du sacrement mais à l’effet propre qui est le sien [122].

Les rencontres œcuméniques sont une occasion privilégiée pour mieux faire connaître la doctrine de l’Église à propos de l’Eucharistie et de l’unité des chrétiens. Bien qu’acceptant avec douleur les divisions, qui empêchent une participation commune à la Table du Seigneur, l’Église ne cesse d’encourager la prière pour que reviennent les jours de l’unité entre les croyants dans le Christ [123]. Certaines réponses aux Lineamenta mentionnent toutefois que, dans de telles rencontres, il arrive parfois que la doctrine sur l’Eucharistie ne soit pas exposée avec clarté de la part des catholiques. En outre, tandis que dans certains cas le sacrement est exclu de façon délibérée durant les célébrations respectives, dans d’autres il est inclus et tous les participants sont invités sans distinction aucune à recevoir la Communion. On déplore aussi des problèmes surgis là où certaines Communautés ecclésiales issues de la Réforme pratiquent le prosélytisme parmi les immigrés, en particulier ceux de langue espagnole, en diffusant des invitations à participer à leurs services religieux, auxquels est souvent donné le nom de « Messe ».

De toutes les façons, l’esprit avec lequel beaucoup de pasteurs, en adhésion à la doctrine de l’Église en la matière, s’efforcent avec diligence et charité de contribuer à l’unité ecclésiale désirée, est très positif, sans oublier que l’Eucharistie représente le but ultime de l’engagement œcuménique orienté vers la recherche de l’unité de la foi. Il est très clair qu’en tant que but de l’unité, la Célébration ne peut constituer l’instrument de l’unification. Elle ne peut pas être accomplie à l’avance tant que l’unité de la foi n’est pas réalisée. Seulement à la lumière de l’unité, préalablement supposée et confirmée par l’Eucharistie, il est possible de comprendre le sens de l’« inter-communion ».

Eucharistie et inter-communion

87. La division entre les chrétiens est à l’origine d’une grande souffrance. Il est une urgence inévitable : travailler pour rétablir la communion avec les frères séparés, qui n’ont pas la même compréhension de la foi en la présence du Christ dans l’Eucharistie. Des normes canoniques précises existent à ce propos, ainsi qu’un enseignement clair du Magistère de l’Église, qui encouragent à poursuivre cette recherche d’unité, tout en présentant toujours avec clarté les raisons qui empêchent la pleine communion et réglementent la communication in sacris [124]. De nombreux catholiques connaissent et apprécient cette discipline, car ils y voient un itinéraire sûr qui conduit à prier pour les frères séparés, en attendant que l’union s’accomplisse.

Cependant, comme plusieurs réponses aux Lineamenta y font allusion, il existe des cas d’égalitarisme mal compris ayant conduit à des erreurs. En effet, beaucoup prétendent communier in sacris en l’absence d’une plus grande communion au niveau doctrinal et ecclésial. Une telle attitude est surprenante car il est incohérent de ne pas appartenir à la communauté ecclésiale mais de vouloir recevoir la Communion eucharistique qui en est le signe d’appartenance ; de refuser les Pasteurs et la Doctrine mais de vouloir prendre part aux sacrements qu’ils célèbrent. Une telle façon de penser dérive sans doute d’un manque de clarté à propos de la différence entre l’unité de l’Église et l’unité du genre humain : la première est le signe et l’instrument de la seconde, encore à réaliser.

En outre, à partir des réponses, on constate que, dans certains cas, lorsque des personnes non catholiques participent à une Célébration Eucharistique dans une église catholique, le célébrant les invite parfois à s’approcher de l’autel pour recevoir une bénédiction, et non la Communion. Une pratique qui ressemble à la distribution de l’antidoron dans le rite byzantin. Dans ces occasions, la doctrine catholique à propos de la Communion est présentée sans aucun compromis, et observée. En outre, dans différentes Nations, les rencontres œcuméniques se déroulent dans le contexte de célébrations de la Parole, en évitant tout malentendu relatif au sacrement de l’Eucharistie. Quoi qu’il en soit, si les non-catholiques ou les non-chrétiens devaient participer à la Sainte Messe, il serait très utile de leur distribuer un livret fournissant les explications essentielles de la célébration, afin qu’ils puissent suivre son déroulement.

Enfin, de nombreuses réponses aux Lineamenta expriment la certitude qu’une observance fidèle des normes de l’Église en matière d’inter-communion eucharistique est une expression authentique d’amour à l’égard de Jésus-Christ dans le Saint Sacrement, et des frères d’autres confessions chrétiennes [125], de même qu’un témoignage authentique de la vérité. Tandis que semble plutôt large le consentement sur le fait que l’unité dans la profession de foi précède la communion de la Célébration Eucharistique, il reste encore à préciser la façon dont le Mystère Eucharistique doit être présenté dans le dialogue œcuménique, afin d’éviter deux risques opposés : les fermetures dues aux préjugés, et le relativisme. Trouver la juste mesure est une condition essentielle si l’on veut conserver une ouverture saine et préserver en même temps la vérité et l’identité catholique propre.

Ite missa est

88. Les mots qui concluent la célébration de l’Eucharistie, Ite missa est, rappellent le mandat missionnaire du Seigneur ressuscité à ses disciples, avant son Ascension au ciel : « Allez donc, de toutes les nations faites des disciples » (Mt 28,19). En effet, la conclusion de toute Sainte Messe est immédiatement liée à l’envoi en mission. Celle-ci englobe tous les baptisés, chacun selon sa vocation propre au sein du Peuple de Dieu : les évêques, les prêtres, les diacres, les membres de la vie consacrée et des mouvements d’Église, les laïcs. Le témoignage, premier devoir de tous les chrétiens envoyés dans le monde, est essentiel pour que se réalise cette mission. En effet, « il n’y a pas de témoignage sans témoins, de même qu’il n’y a pas de mission sans missionnaires » [126]. Cette caractéristique de l’activité missionnaire découle des paroles mêmes de Jésus : « À ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres » (Jn 13,35). La mission est exigeante et contraignante pour les capacités humaines. Aussi, où donc prendre la force si ce n’est dans l’Eucharistie, source inépuisable de la mission, source authentique de communion et de solidarité, de réconciliation et de paix ?

L’œuvre évangélisatrice a pour but ultime la rencontre personnelle de tous les êtres humains avec Jésus-Christ, vivant et présent dans le Sacrement de son Corps et de son Sang, et que l’Église offre comme Pain pour la vie du monde. Cette finalité eucharistique aussi de la mission a son fondement dans l’enseignement de Jésus-Christ, qui invite à sa Table tous les hommes de bonne volonté, sans aucune distinction ni préjugé (cf. Mt 22,1-13 ; Lc 14,16-24) et qui offre son Sacrifice pour le salut de tous (cf. Mt 26,26-29 ; Lc 22,15-20 ; Mc 14,22-25 ; 1 Co 11,23-25). Par conséquent, l’Eucharistie est le sommet vers lequel tend tout naturellement toute l’activité missionnaire de l’Église, même celle spécifiquement ad gentes. En effet, quel sens cela pourrait-il avoir d’annoncer l’Évangile, sinon pour conduire chaque homme à la communion avec le Christ et avec ses frères, communion dont la Sainte Messe, anticipation du Banquet éternel, est l’expression liturgique sacramentelle la plus grande ?

L’Eucharistie est donc le cœur palpitant de la mission, elle en est la source authentique et la fin ultime. La requête légitime, relevée dans de nombreuses réponses aux Lineamenta, de promouvoir avec un esprit renouvelé l’élan missionnaire inscrit dans la nature de la Célébration Eucharistique, naît d’un regard apostolique et zélé tourné vers le monde en ce début du troisième millénaire, qui, plus que jamais, a besoin de paix, d’amour et de communion fraternelle que seul Jésus-Christ peut offrir.

89. C’est pourquoi les chrétiens doivent affirmer la dimension missionnaire de l’Eucharistie. Pour eux, il devient spontané d’annoncer aux hommes et au monde les merveilles de Dieu incarné et présent sous les Espèces du Pain et du Vin, et qui, à travers la Communion, entre dans leur vie pour la transformer. Cela vaut pour les chrétiens qui vivent dans un monde sécularisé, où les personnes éloignées de l’Église, qui sont en majorité, connaissent un tourment spirituel constant à la recherche de Dieu, qui reste cependant toujours près d’eux. Ce zèle accompagne les missionnaires qui, poussés par l’amour de Dieu, proposent la première annonce de la Bonne Nouvelle aux personnes qui ne connaissent pas encore l’Évangile de Jésus-Christ, ou ne le connaissent pas en plénitude ou de façon appropriée.

Le dialogue et le respect qui est dû aux valeurs présentes dans les réalités que les chrétiens rencontrent ne peuvent les empêcher d’offrir la proposition missionnaire aux hommes de bonne volonté, en obéissance au commandement du Seigneur : « Allez dans le monde entier, proclamez l’Évangile a toute la création » (Mc 16,15).

Il s’agit là d’une tâche à la fois exaltante et difficile, qui exige un dévouement total, allant même jusqu’au martyre. Dans cette œuvre essentielle pour l’Église, les disciples du Seigneur sont soutenus par l’Eucharistie, dont la célébration partout dans le monde, confirme la promesse : « Voici que je suis avec vous pour toujours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,20).

CONCLUSION

90. Avec la célébration de la XIème Assemblée Générale Ordinaire du Synode des Évêques se termine l’Année de l’Eucharistie, pendant laquelle l’Église dans sa totalité a été appelée à tourner son regard vers le grand Mystère, qui cache la raison la plus profonde de son essence et de sa existence. En effet, « l’Église vit de l’Eucharistie » [127], « parce que ce sacrement embrasse tout le mystère de notre salut » [128]. « Grâce à l’Eucharistie, l’Église renaît toujours de nouveau ! » [129]. L’Année eucharistique ne pouvait donc pas se conclure sans une rencontre collégiale du Successeur de Pierre avec les évêques, du Chef avec les membres de l’Ordre épiscopal, pour célébrer le grand don de l’Eucharistie, pour se nourrir du Pain de Vie, pour adorer la présence du Seigneur dans le Saint Sacrement et pour réfléchir sur le précieux trésor que le Christ a confié à son Église. Il sera ainsi possible de faire progresser la mission de l’évangélisation, avec une ardeur apostolique renouvelée et des indications pastorales concrètes adaptées aux attentes de la communauté chrétienne et aux désirs les plus profonds de l’homme contemporain.

Dans la Lettre Apostolique Mane nobiscum Domine, le Pape exhortait les Pasteurs à s’engager pour que l’Eucharistie soit célébrée avec davantage de vitalité et de ferveur, mais surtout avec « une profonde intériorité » [130]. L’amour pour le Culte Eucharistique passe par la re-découverte de la beauté de la célébration du Sacrifice Eucharistique dans la prière d’adoration et d’action de grâce. Mais l’accueil du Sacrement dans la piété s’ouvre à l’espérance vers les réalités promises, au-delà des horizons limités du quotidien, fortement réduits par une culture submergée par le matérialisme et le consumérisme. L’Eucharistie devient ainsi une force de transformation des cultures, car elle est épiphanie de communion, lieu de rencontre du Peuple de Dieu avec Jésus-Christ, mort et ressuscité, source de vie et d’espérance. L’Eucharistie est semence d’un monde nouveau et école authentique de dialogue, de réconciliation, d’amour, de solidarité et de paix.

91. Les ombres dans la célébration de l’Eucharistie, qui ont été mentionnées dans le souci de présenter, avec réalisme, les données parvenues à travers les réponses aux Lineamenta, disparaîtront dans la mesure où la discussion synodale, et donc ecclésiale, redécouvrira une fois encore la beauté et la grandeur du don du Mystère eucharistique, sans jamais détourner l’attention de la finalité principale du Synode : enquêter en profondeur, à travers l’expérience de la collégialité épiscopale, pour identifier les voies que l’Esprit Saint suscite dans l’Église aujourd’hui afin que l’Eucharistie soit véritablement source et sommet de sa vie et de sa mission, c’est-à-dire de la nouvelle évangélisation dont le monde a un besoin urgent. En effet, la vie tout entière de l’Église trouve dans le Mystère eucharistique – sacrifice, mémorial et banquet – sa source inépuisable de grâce pour célébrer la re-présentation sacramentelle de la passion, de la mort et de la résurrection du Christ, pour vivre l’expérience de la rencontre personnelle avec le Seigneur, pour édifier la communion ecclésiale sur la fondation solide de l’amour et pour goûter à l’avance la gloire future des noces de l’Agneau. Dans la vie de l’Église, tout culmine dans le Mystère eucharistique, but ultime de toutes les activités : de la catéchèse à la réception des autres sacrements, de la dévotion populaire à la Célébration de la Divine Liturgie, de la méditation de la Parole de Dieu à la prière personnelle et communautaire. L’Eucharistie est le cœur de la communion ecclésiale.

Si l’Église est dans le Christ comme un sacrement, c’est-à-dire un signe et un instrument de l’union intime avec Dieu, et de l’unité de tout le genre humain [131], alors l’Eucharistie, présence vivante du Seigneur, devient aussi la source de la mission universelle de l’Église. C’est elle qui confère la grâce aux évêques, aux prêtres et aux diacres, pour qu’ils annoncent l’Évangile avec zèle dans le monde d’aujourd’hui ; c’est elle qui insuffle aux missionnaire le courage d’apporter la Bonne Nouvelle du Royaume jusqu’aux limites de la terre ; c’est elle qui donne aux membres de la vie consacrée la force pour vivre l’idéal de la vie chrétienne dans la pauvreté, l’obéissance et la chasteté ; c’est elle qui irradie lumière et énergie aux laïcs pour transformer les réalités temporelles selon le nouveau commandement de l’amour de Dieu et du prochain ; c’est elle enfin qui donne aux chrétiens persécutés le courage nécessaire pour être des témoins du Christ dans leur monde. La mission évangélisatrice de l’Église a pour fin ultime que tous les hommes se rencontrent déjà ici-bas, sur cette terre, à travers le Christ, présent dans le Mystère eucharistique, en vue de la rencontre définitive lors du Banquet éternel. Alors, l’Eucharistie devient aussi le point culminant de tous les projets pastoraux, de toutes les activités missionnaires et le noyau de l’évangélisation et de la promotion humaine. En effet, ceux qui communient au Pain de la vie et en annoncent au monde le Mystère, doivent également défendre la vie dans toutes ses manifestations, en mettant tout en œuvre aussi en vue du respect dû à la création. Les fidèles qui mangent le Pain descendu du ciel ressentent l’obligation de contribuer à construire un monde plus juste dans lequel soit faite la volonté de Dieu et où à chaque personne soit garanti le « pain quotidien ».

Dans leurs réflexions, les Pères synodaux compteront sur les prières de toute l’Église, mais aussi sur l’intercession des saints, interprètes compétents de la véritable piété et de la théologie eucharistiques, qui nous encouragent et nous soutiennent dans notre pèlerinage, au milieu des joies et des douleurs du monde présent.

Parmi ces saints, la Mère de Dieu resplendit ; depuis qu’elle a donné sa chair immaculée au Fils de Dieu – Ave, verum corpus, natum de Maria Virgine – elle a scellé pour toujours un rapport exclusif avec le Mystère eucharistique. En Marie, la femme eucharistique par excellence, l’Église contemple non seulement son modèle plus parfait, mais aussi la réalisation en avance des « cieux nouveaux » et de la « terre nouvelle », que toute la création attend avec une impatience fébrile. En invoquant sa protection avec confiance et dévotion, l’Église trouvera un nouvel élan pour que l’Eucharistie soit la source et le sommet de toute sa vie et de sa mission pour la gloire de Dieu et pour le salut des hommes et du monde [132]. © Copyright 2005 - Secrétairerie Générale du Synode des Évêques et Libreria Editrice Vaticana.
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[1] Cf. XLVIII Conventus Eucharisticus Internationalis, 10-17 Octobris 2004 : Eucharistia, Lux et Vita Novi Millennii, Memoria, Guadalaiara, Mexicum, 2004.

[2] Cf. Ioannes Paulus ii, Litt. Ap. Mane nobiscum Domine (7 Octobris 2004), 28 : L’Osservatore Romano hebdomadaire en langue française [[O.R.L.F.] (12 Octobris 2004), 8.

[3] Cf. L’Osservatore Romano (31 Ianuarii - 1 Februarii 2005), 6.

[4] Cf. Annuarium Statisticum Ecclesiæ 2003, tab. 4.

[5] Cf. Annuarium Statisticum Ecclesiæ 1978/2003, tab. 1.

[6] Cf. Ibid, tab. 5.

[7] Cf. Annuarium Statisticum Ecclesiæ 2003, tab. 6.

[8] Cf. Ibid, tab. 5.

[9] Notitiæ a F.A.O. datæ mense Ianuario 2005.

[10] Cf. Ioannes Paulus ii, Litt. Enc. Redemptoris missio (7 Decembris 1990), 11 : AAS 83 (1991) 260.

[11] Ibid., 36 : AAS 83 (1991) 281.

[12] Cf. Ioannes Paulus ii, Litt. Ap. Novo millennio ineunte (6 Ianuarii 2001), 2 : AAS 93 (2001) 267.

[13] Cf. S. Iustinus, Apologia I, 66, de Eucharistia : Corpus Apologetarum Christianorum I, pars I, Wiesbaden 1969, pp. 180-182.

[14] Cf. Ioannes Paulus ii, Litt. Enc. Fides et ratio (14 Novembris 1998), 81 : AAS 91 (1999) 68-69.

[15] Missale Romanum, Oratio Post Communionem, I Dominica Adventus.

[16] Cf. Conc. Œcum. Vat. ii , Const. Dogm. de Ecclesia Lumen gentium, 4, 8, 13-15, 18, 21, 24-25 ; Const. Dogm. de Divina Revelatione Dei Verbum, 10 ; Const. Past. de Ecclesia in mundo huius temporis Gaudium et spes, 32 ; Decr. de œcumenismo Unitatis redintegratio, 2-4, 14-15, 17-19, 22.

[17] Cf. II Coetus Extraordinarius Synodi Episcoporum (1985), Relatio Finalis II, C, 1.

[18] Cf. Congregatio pro Doctrina Fidei, Litt. ad Catholicæ Ecclesiæ episcopos de aliquibus aspectibus Ecclesiæ prout est communio Communionis notio (28 Maii 1992) : AAS 85 (1993) 838-850.

[19] Ioannes Paulus ii, Adhort. Ap. Post-syn. Pastores gregis (16 Octobris 2003), 57 : AAS 96 (2004) 900-901.

[20] Cf. Ioannes Paulus ii, Litt. Enc. Ecclesia de Eucharistia (17 Aprilis 2003), 26 : AAS 95 (2003) 451.

[21] Ioannes Paulus ii, Litt. Ap. Mane nobiscum Domine (7 Octobris 2004), 20 : O.R.L.F. (12 Octobris 2004) 7.

[22] Ioannes Paulus ii, Litt. Enc. Ecclesia de Eucharistia (17 Aprilis 2003), 21 : AAS 95 (2003) 447.

[23] Cf. Ibid., 26 : AAS 95 (2003) 451.

[24] Ibid., 35 : AAS 95 (2003) 457.

[25] Conc. Œcum. Vat. ii, Const. de Sacra Liturgia Sacrosanctum Concilium, 9.

[26] Ioannes Paulus ii, Litt. Enc. Ecclesia de Eucharistia (17 Aprilis 2003), 32 : AAS 95 (2003) 455.

[27] Cf. Congregatio pro Doctrina Fidei, Litt. ad Catholicæ Ecclesiæ episcopos de aliquibus aspectibus Ecclesiæ prout est communio Communionis notio (28 Maii 1992) 14 : AAS 85 (1993) 846-847.

[28] Conc. Œcum Tridentin., Decr. de Sacramentis, Sessio VII (3 Martii 1547), can 6 : DS (1973) 1606 ; cf. Can 8 : DS (1973), 1608.

[29] Cf. Conc. Œcum. Vat. ii, Decr. de presbyterorum ministerio et vita Presbyterorum ordinis, 5.

[30] Pseudo-Dionysius Areopagita, De ecclesiastica hierarchia III,1 : PG 3, 424 c.

[31] Cf. Ioannes Paulus ii, Alzatevi, andiamo !, Romæ 2004, 81.

[32] Ioannes Paulus ii, Angelus (6 Ianuarii 2005) : L’Osservatore Romano, (7-8 Ianuarii 2005), 1.

[33] Cf. Sacra Congregatio de Disciplina Sacramentorum, Decr. Quam singulari (8 Augusti 1910), 3 : AAS 2 (1910) 582.

[34] Congregatio de Culto Divino et Disciplina Sacramentorum, Instr. Eucharisticum mysterium (25 Maii 1967), 11 : AAS 59 (1967) 548.

[35] Cf. Ibid., 43 : AAS 59 (1967) 564.

[36] Cf. Ibid., 36 : AAS 59 (1967) 561.

[37] Cf. Ioannes Paulus ii, Adhort. Ap. Post-syn., Reconciliatio et pænitentia (2 Decembris 1984), 27 : AAS 77 (1985) 249.

[38] S. Cæsarius Arelatensis, Sermo 229 De natale templi, 3 : CCL 104, 9.

[39] Cf. Ioannes Paulus ii, Litt. Enc. Ecclesia de Eucharistia (17 Aprilis 2003), 36 : AAS 95 (2003) 458.

[40] Cf. S. Ignatius Antiochenus, Ad Ephesios 20, 2 : Patres Apostolici, F.X. Funk ed., Tübingen 1992, 88.

[41] Cf. Congregationis pro Ecclesiis Orientalibus, Instruction pour l’application des prescriptions liturgiques du Code des Canons des Églises Orientales (6 Ianuarii 1996), 62.

[42] Pseudo-Athanasius, De virginitate, 7 : PG 28, 260 A.

[43] Cf. S. Basilius Cæsariensis, Epistola 2 : PG 32, 228 A.

[44] Cf. Ioannes Paulus ii, Litt. Ap. Motu proprio datæ Misericordia Dei (7 Aprilis 2002), 2 : AAS 94 (2002) 455.

[45] Cf. Conc. Œcum. Vat. ii, Const. Dogm. de Ecclesia Lumen gentium, 10-11 ; Const. de Sacra Liturgia Sacrosanctum Concilium, 10-11 ; Ioannes Paulus ii, Adhort. Ap. Post-syn. Christifideles laici (30 Dicembris 1988), 9 et 20 : AAS 81 (1989) 405-406 ; 425-427.

[46] Cf. Conc. Œcum. Vat. ii, Const. de Sacra Liturgia Sacrosanctum Concilium, 20.

[47] Cf. Ioannes Paulus ii, Litt. Enc. Ecclesia de Eucharistia (17 Aprilis 2003), 10 : AAS 95 (2003) 439.

[48] Cf. Congregatio de Culto Divino et Disciplina Sacramentorum, Instr. Redemptionis sacramentum (23 Aprilis 2004), 172-184 : AAS 96 (2004) 597-600.

[49] Conc. Œcum. Vat. ii, Const. Past. de Ecclesia in mundo huius temporis Gaudium et spes, 22.

[50] Ibid.

[51] Ibid.

[52] Cf. Ioannes Paulus ii, Litt. Enc. Redemptor hominis (4 Martii 1979), 8 : AAS 71 (1979) 270-272.

[53] Catechismus Catholicæ Ecclesiæ, 1327.

[54] Cf. Ioannes Paulus ii, Litt. Enc. Ecclesia de Eucharistia (17 Aprilis 2003), 10 : AAS 95 (2003) 439.

[55] S. Ioannes Chrysostomus, In Epistolam I ad Corinthios, Homilia IV, 4 : PG 61, 36.

[56] Cf. Catechismus Catholicæ Ecclesiæ, 1328 et sq.

[57] Conc. Œcum. Vat. ii, Const. Dogm. de Ecclesia Lumen gentium, 28. Cf. Conc. Œcum. Vat. ii, Decr. de presbyterorum ministerio et vita Presbyterorum ordinis, 5 ; Const. Dogm. de Ecclesia Lumen gentium, 3.

[58] Cf. Catechismus Catholicæ Ecclesiæ, 1356 et sq.

[59] Cf. Ioannes Paulus ii, Litt. Enc. Ecclesia de Eucharistia (17 Aprilis 2003), 12-13 : AAS 95 (2003) 441-442.

[60] Ibid., 12 : AAS 95 (2003) 441.

[61] Oratio Anima Christi.

[62] Cf. Ioannes Paulus ii, Litt. Enc. Ecclesia de Eucharistia (17 Aprilis 2003), 58 : AAS 95 (2003) 472.

[63] Ioannes Paulus ii, Litt. Ap. Mane nobiscum Domine (7 Octobris 2004), 16 : O.R.L.F. (12 Octobris 2004) 6.

[64] Cf. Conc. Œcum. Vat. ii, Const. de Sacra Liturgia Sacrosanctum Concilium, 26 et 47 ; Codex Iuris Canonici, can.899.

[65] Cf. Codex Iuris Canonici, can. 938.

[66] Missale Romanum, Prex Eucharistica II.

[67] Ibid., Præfatio communis IV.

[68] Cf. Conc. Œcum. Vat. ii, Const. Dogm. de Ecclesia Lumen gentium, 6 ; Ioannes Paulus ii, Adhort. Ap. Post-syn. Ecclesia in Africa, (14 Septembris 1995), 63 : AAS 88 (1996) 39-40.

[69] Conc. Œcum. Vat. ii, Const. de Sacra Liturgia Sacrosanctum Concilium,104.

[70] Cf. Codex Iuris Canonici, can. 909 ; Congregatio de Cultu divino et Disciplina Sacramentorum, Instr. Inæstimabile donum, (3 Aprilis 1980), 17 : AAS 72 (1980) 338.

[71] Cf. Ioannes Paulus ii, Epist. Apost. Mane nobiscum Domine, (7 Octobris 2004), 12 : O.R.L.F. (12 Octobris 2004) 6.

[72] Cf. Conc. Œcum. Vat. ii, Const. Dogm. de Divina Revelatione Dei Verbum, 9.

[73] A.Haggi-I.Pahl, Prex Eucharistica. Textus e variis liturgiis antiquioribus selecti, Fribourg, 1968, p. 192.

[74] Missale Romanum, Prex Eucharistica II.

[75] Ibid., Canon Romanus.

[76] Institutio Generalis Missalis Romani, (20 Aprilis 2000), 80.

[77] Cf. Codex Iuris Canonici, can. 912.

[78] Cf. Institutio Generalis Missalis Romani, (20 Aprilis 2000), 82.

[79] Cf. Conc. Œcum. Tridentin., Sess.XIII, cap. 2 : DS 1551.

[80] Missale Romanum, Prex Eucharistica II.

[81] Conc. Œcum. Vat. ii, Const. de Sacra Liturgia Sacrosanctum Concilium, 14.

[82] Cf. Codex Iuris Canonici, can. 899, § 2 ; Codex Canonum Ecclesiarum Orientalium, can. 699, § 1.

[83] Cf. Codex Iuris Canonici, can. 388, §1 ; 429 ; 534 ; 543, §2 ; 549 ; 901 ; Cf. Catechismus Catholicæ Ecclesiæ, 1369 et 1371.

[84] Cf. Congregatio pro Clericis et Aliæ , Instr. Ecclesiæ de mysterio, (15 Augusti 1997), 7 : AAS 89 (1997) 869-870 ; Congregatio pro Cultu Divino et Disciplina Sacramentorum, Directorium de celebrationibus dominicalibus absente presbytero (2 Iunii 1988) : La Documentation Catholique 1972 (20 Novembris 1988) 1101-1105.

[85] Cf. Congregatio pro Clericis et Aliæ, Instr. Ecclesiæ de mysterio, (15 Augusti 1997), 8 : AAS 89 (1997) 870-872 ; Codex Iuris Canonici, can. 767, § 1 ; 910, § 2 e 230, § 2.

[86] Pontificale Romanum, De ordinatione episcoporum, presbyterorum et diaconorum, Civitas Vaticana, 1992, 91.

[87] Cf. Congregatio de Cultu Divino et Disciplina Sacramentorum, Instr. Liturgiam authenticam, (28 Martii 2001), 108 : AAS 93 (2001) 719.

[88] Cf. Ioannes Paulus ii, Chirographe pour le centenaire du Motu Proprio de Pie X Tra le sollecitudini (22 Novembris 2003), 12 : AAS 96 (2004) 256-265.

[89] Cf. Conc. Œcum. Vat. ii, Const. de Sacra Liturgia Sacrosanctum Concilium, 120.

[90] Cf. Ibid., 54.

[91] Cf. Catechismus Catholicæ Ecclesiæ, 2559 - 2565.

[92] Cf. Pius xi, Litt. Enc. Miserentissimus Redemptor (8 Maii 1928) : AAS 20 (1928) 169 ;Pius xii, Litt. Enc. Haurietis aquas (15 Maii 1956) : AAS 48 (1956) 350-352 ; Paulus vi, Litt. Enc. Mysterium fidei (3 Septembris1965) : AAS 57 (1965) 769-770 ; Sacra Congregatio Rituum, Instr. Eucharisticum mysterium (25 Maii 1967), 58-67 : AAS 59 (1967) 569-573.

[93] Cf. Guardini Romano, Lo spirito della liturgia. I santi segni, Morcelliana, Brescia, 1930, pp. 133 et sq.

[94] Cf. Catechismus Catholicæ Ecclesiæ, 1402-1405.

[95] Missale Romanum, Oratio post-communionem, XXX Dominica per annum.

[96] Ibid., Preces Eucharisticæ III et IV.

[97] Ioannes Paulus II, Litt. Enc. Ecclesia de Eucharistia (17 Aprilis 2003), 20 : AAS 95 (2003) 446.

[98] Ioannes Paulus II, Epist. Ap. Dies Domini (31 Maii 1998), 72 : AAS 90 (1998) 757-758.

[99] Cf. Ioannes Paulus II, Epist. Ap. Salvifici doloris (11 Februarii 1984), 25-27 : AAS 76 (1984) 235-242.

[100] Cf. Ioannes Paulus II, Adhort. Ap. Familiaris consortio (22 Novembris 1981), 79-85 : AAS 74 (1982) 180-187.

[101] Ioannes Paulus II, Litt. Ap. Mane nobiscum Domine (7 Octobris 2004) 4 : O.R.L.F. (12 Octobris 2004) 5.

[102] Cf. Ioannes Paulus II, Litt. Enc. Ecclesia de Eucharistia (17 Aprilis 2003), 25 et 62 : AAS 95 (2003) 449-450 ; 474-475.

[103] Relatio inter Eucharistiam, sanctitatem et sanctificationem argumentum fuit Symposii cuiusdam, a Congregatione de Causis Sanctorum promoti, cuius inter labores in lucem perductæ sunt divitiæ illius thesauri eucharisticæ spiritualitatis, quæ in vita sanctorum præsens adest. Ad rem cf. Eucaristia : santità e santificazione, Atti del simposio celebrato dal 6 al 7 dicembre 1999, in Vaticano, Libreria Editrice Vaticana, 2000.

[104] Cf. Ioannes Paulus II, Litt. Enc. Ecclesia de Eucharistia (17 Aprilis 2003), 53 : AAS 95 (2003) 469.

[105] Ioannes Paulus II, Alloc. In Portu Principis, ad episcopos Consilii episcopalis Latino-Americani sodales (9 Martii 1983), III : AAS 75 (1983) 777-779.

[106] Ioannes Paulus II, Litt. Ap. Mane nobiscum Domine (7 Octobris 2004) 25-26 : O.R.L.F. (12 Octobris 2004) 7-8 ; cf. Conc. Œcum. Vat. ii, Const. Past. de Ecclesia in mundo huius temporis Gaudium et spes, 36.

[107] Cf. Ibid., 26.

[108] Cf. Conc. Œcum. Vat. ii, Const. de Sacra Liturgia Sacrosanctum Concilium, 7 ; Paulus VI, Litt. Enc. Mysterium fidei (3 Septembris 1965), 35-39 : AAS 57 (1965) 762-764 ; Institutio Generalis Missalis Romani (20 Aprilis 2000), 27.

[109] Cf. Ioannes Paulus II, Litt. Enc. Slavorum apostoli (2 Iunii 1985), 21 et 26 : AAS 77 (1985) 802-803 ; 806-807.

[110] Cf. Conc. Œcum. Vat. ii, Decr. de activitate missionali Ecclesiæ Ad gentes, 22.

[111] Cf. Congregatio de Cultu Divino et Disciplina Sacramentorum, Instr. Varietates legitimæ (25 Ianuarii 1994) : AAS 87 (1995) 288-314.

[112] Cf. Diligenter collecta Acta Magisterii circa argumentum hoc praebuit Pontificium Consilium de Cultura. Ad rem cf. Pour une Pastorale de la Culture (23 Maii 1999) : O.R.L.F. (8 Iunii 1999), Suppl.

[113] Cf. Ioannes Paulus II, Adhort. Ap. Post-syn. Ecclesia in Africa (14 Septembris 1995), III, nn. 55-71 : AAS 88 (1996) 34-47 ; Adhort. Ap. Post-syn. Ecclesia in America (22 Ianuarii 1999), 70 : AAS 91 (1999) 805-806 ; Adhort. Ap. Post-syn. Ecclesia in Asia (6 Novembris 1999), 21-22 : AAS 92 (2000) 482-487 ; Adhort. Ap. Post-syn. Ecclesia in Oceania (22 Novembris 2001), 16 : AAS 94 (2002) 382-384 ; Adhort. Ap. Post-syn. Ecclesia in Europa (28 Iunii 2003), 58-60 : AAS 95 (2003) 685-686.

[114] Institutio Generalis Missalis Romani (20 Aprilis 2000), 9.

[115] Cf. Missale Romanum, Oratio "Domine Iesu Christe".

[116] Cf. S. Augustinus, In Ioannis Evangelium tractatus, XXVI, cap. VI, n. 13 : PL 35, 1613.

[117] Benedictus XVI, Homilia (24 Aprilis 2005) : O.R.L.F. (26 Aprilis 2005), 4.

[118] Cf. Codex Iuris Canonici, can. 844, § 4 ; Codex Canonum Ecclesiarum Orientalium, can 671, § 4.

[119] Cf. Pontificium Consilium ad Unitatem Christianorum fovendam, Directorium Œcumenicum noviter compositum, Directoire pour l’application des principes et des normes sur l’œcumenisme (25 Martii 1993), 129-131 : AAS 85 (1993) 1088-1089.

[120] Ioannes Paulus II, Litt. Enc. Redemptor hominis (4 Martii 1979), 20 : AAS 71 (1979) 312.

[121] Cf. Ioannes Paulus II, Litt. Enc. Ecclesia de Eucharistia (17 Aprilis 2003), 35 : AAS 95 (2003) 457.

[122] Cf. Paulus VI, Litt. Enc. Mysterium fidei (3 Septembris 1965), 2 : AAS 57 (1965) 753.

[123] Cf. Catechismus Catholicæ Ecclesiæ, 1398-1401.

[124] Cf. Codex Iuris Canonici, can. 844 ; Codex Canonum Ecclesiarum Orientalium, can. 671 ; Catechismus Catholicæ Ecclesiæ, 1399-1401 ; Ioannes Paulus II, Litt. Enc. Ecclesia de Eucharistia (17 Aprilis 2003), 45 : AAS 95 (2003) 462-462.

[125] Cf. Ioannes Paulus II, Litt. Enc. Ecclesia de Eucharistia (17 Aprilis 2003), 46 : AAS 95 (2003) 463.

[126] Ioannes Paulus II, Litt. Enc. Redemptoris missio (7 Decembris 1990), 61 : AAS 83 (1991) 309-310.

[127] Ioannes Paulus II, Litt. Enc. Ecclesia de Eucharistia (17 Aprilis 2003), 1 : AAS 95 (2003) 433.

[128] S. Thomas Aquinas, Summa Theologica, III, q. 83, a. 4 c.

[129] Benedictus XVI, Homilia in Romani Episcopi Cathedræ possessione capienda (7 Maii 2005) : O.R.L.F. (10 Maii 2005), 3.

[130] Ioannes Paulus II, Litt. Ap. Mane nobiscum Domine (7 Octobris 2004) 29 : O.R.L.F. (12 Octobris 2004) 8.

[131] Cf. Conc. Œcum. Vat. ii, Const. Dogmat. de Ecclesia Lumen gentium, 1.

[132] Cf. Ioannes Paulus II, Litt. Ap. Mane nobiscum Domine (7 Octobris 2004) 31 : O.R.L.F. (12 Octobris 2004) 8.