Accueil - Missel - Temporal - Temps Pascal

Lundi de Pâques

Version imprimable de cet article Version imprimable Partager


Sommaire

  Textes de la Messe  
  Office  
  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum  
  Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique  

L’Octave de Pâques, autrefois chômé, était une fête continuelle. Une messe stationnale réunissait tous les jours les néophytes qui y communiaient. Le soit ils allaient à Saint-Jean de Latran pour l’office des Vêpres.

La première station se faisait à Saint-Pierre où se trouve le tombeau du chef de l’Eglise qui nous fait entendre sa voix dans l’Epître.

Textes de la Messe

Feria Secunda infra Octavam Paschæ
Lundi de Pâques
ante CR 1960 : duplex I classis
double de 1ère classe
CR 1960 : I classis
1ère classe
Statio ad S. Petrum
Station à St-Pierre
Ant. ad Introitum. Exodi 13, 5 et 9.Introït
Introdúxit vos Dóminus in terram fluéntem lac et mel, allelúia : et ut lex Dómini semper sit in ore vestro, allelúia, allelúia.Le Seigneur vous a introduits dans une terre où coulent le lait et le miel, alléluia : afin que la loi du Seigneur soit toujours dans votre bouche, alléluia, alléluia.
Ps. 104, 1.
Confitémini Dómino et invocáte nomen eius : annuntiáte inter gentes ópera eius.Célébrez le Seigneur et invoquez son nom : annoncez ses œuvres parmi les nations.
V/.Glória Patri.
Oratio.Collecte
Deus, qui sollemnitáte pascháli, mundo remédia contulísti : pópulum tuum, quǽsumus, cælésti dono proséquere ; ut et perféctam libertátem cónsequi mereátur, et ad vitam profíciat sempitérnam. Per Dóminum.O Dieu, qui avez apporté au monde dans la solennité pascale la guérison : nous vous en supplions, continuez de répandre votre don céleste sur votre peuple ; qu’il soit digne de jouir de la liberté parfaite et qu’il s’avance vers la vie éternelle.
Léctio Actuum Apostólorum.Lecture des Actes des Apôtres.
Act. 10, 37-43.
In diébus illis : Stans Petrus in médio plebis, dixit : Viri fratres, vos scitis, quod factum est verbum per universam Iudǽam : incípiens enim a Galilǽa, post baptísmum, quod prædicávit Ioánnes, Iesum a Názareth : quómodo unxit eum Deus Spíritu Sancto et virtúte, qui pertránsiit benefaciéndo, et sanándo omnes oppréssos a diábolo, quóniam Deus erat cum illo. Et nos testes sumus ómnium, quæ fecit in regióne Iudæórum et Ierúsalem, quem occidérunt suspendéntes in ligno. Hunc Deus suscitávit tértia die, et dedit eum maniféstum fíeri, non omni pópulo, sed téstibus præordinátis a Deo : nobis, qui mandticávimus et bíbimus cum illo, postquam resurréxit a mórtuis. Et præcépit nobis prædicáre populo et testificári, quia ipse est, qui constitútus est a Deo iudex vivórum et mortuórum. Huic omnes Prophétæ testimónium pérhibent, remissiónem peccatórum accípere per nomen eius omnes, qui credunt in eum.En ces jours-là, Pierre debout au milieu du peuple dit : Mes frères, Vous savez ce qui s’est passé dans toute la Judée : Jésus de Nazareth, commençant par en Galilée, après le baptême que Jean a prêché ; comment Dieu l’a oint de l’Esprit-Saint et de puissance, lui qui a passé en faisant le bien et en guérissant tous ceux qui étaient sous le pouvoir du diable ; car Dieu était avec lui. Et nous, nous sommes témoins de tout ce qu’il a fait dans le pays des Juifs et à Jérusalem, lui qu’ils ont fait mourir en le pendant au bois. Dieu l’a ressuscité le troisième jour et lui a donné de se manifester, non à tout le peuple, mais à des témoins choisis d’avance par Dieu :à nous qui avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d’entre les morts. Et il nous a commandé de prêcher au peuple et d’attester que c’est lui que Dieu a constitué juge des vivants et des morts. A lui tous les prophètes rendent ce témoignage, que quiconque croit en lui recevra, par son nom, la rémission de ses péchés."
Graduale. Graduale. Ps. 117, 24 et 2.Graduel
Hæc dies, quam fecit Dóminus : exsultémus et lætémur in ea.Voici le jour que le Seigneur a fait ; passons-le dans l’allégresse et dans la joie.
V/. Dicat nunc Israël, quóniam bonus : quóniam in sǽculum misericórdia eius.V/. Qu’Israël dise maintenant qu’il est bon et que sa miséricorde est éternelle.
Allelúia, allelúia. V/. Matth. 28, 2. Angelus Dómini descéndit de cælo : et accédens revólvit lápidem, et sedébat super eum. Allelúia, allelúia. V/. Un Ange du Seigneur descendit du ciel et s’approchant il renversa la pierre et s’assit dessus.
Sequentia. Séquence.
Víctimæ pascháli laudes ímmolent Christiáni.A la victime pascale, que les Chrétiens immolent des louanges.
Agnus rédemit oves : Christus ínnocens Patri reconciliávit peccatóres.L’Agneau a racheté les brebis : le Christ innocent a réconcilié les pécheurs avec son Père.
Mors et vita duéllo conflixére mirándo : dux vitæ mórtuus regnat vivus.La vie et la mort se sont affronté en un duel prodigieux : l’Auteur de la vie était mort, il règne vivant.
Dic nobis, María, quid vidísti in via ?Dis-nous, Marie, qu’as-tu vu en chemin ?
Sepúlcrum Christi vivéntis et glóriam vidi resurgéntis.J’ai vu le tombeau du Christ vivant, et la gloire du ressuscité.
Angélicos testes, sudárium et vestes.J’ai vu les témoins angéliques, le suaire et les linceuls.
Surréxit Christus, spes mea : præcédet vos in Galilǽam.Il est ressuscité, le Christ, mon espérance : il vous précèdera en Galilée.
Scimus Christum surrexísse a mórtuis vere : tu nobis, victor Rex, miserére. Amen. Allelúia.Nous le savons : le Christ est ressuscité des morts : ô Vous, Roi vainqueur, ayez pitié de nous. Amen. Alléluia.
+ Sequéntia sancti Evangélii secúndum Lucam.Lecture du Saint Evangile selon saint Luc.
Luc. 24, 13-35.
In illo témpore : Duo ex discípulis Iesu ibant ipsa die in castéllum, quod erat in spátio stadiórum sexagínta ab Ierúsalem, nómine Emmaus. Et ipsi loquebántur ad ínvicem de his ómnibus, quæ accíderant. Et factum est, dum fabularéntur et secum quǽrerent : et ipse Iesus appropínquans ibat cum illis : óculi autem illórum tenebántur, ne eum agnóscerent. Et ait ad illos : Qui sunt hi sermónes, quos confértis ad ínvicem ambulántes, et estis tristes ? Et respóndens unus, cui nomen Cléophas, dixit ei : Tu solus peregrínus es in Ierúsalem, et non cognovísti, quæ facta sunt in illa his diébus ? Quibus ille dixit : Quæ ? Et dixérunt : De Iesu Nazaréno, qui fuit vir Prophéta potens in ópere et sermóne, coram Deo et omni pópulo : et quómodo eum tradidérunt summi sacerdótes et príncipes nostri in damnatiónem mortis, et crucifixérunt eum. Nos autem sperabámus, quia ipse esset redemptúrus Israël : et nunc super hæc ómnia tértia dies est hódie, quod hæc facta sunt. Sed et mulíeres quædam ex nostris terruérunt nos, quæ ante lucem fuérunt ad monuméntum, et, non invénto córpore eius, venérunt, dicéntes se étiam visiónem Angelórum vidísse, qui dicunt eum vívere. Et abiérunt quidam ex nostris ad monuméntum : et ita invenérunt, sicut mulíeres dixérunt, ipsum vero non invenérunt. Et ipse dixit ad eos : O stulti et tardi corde ad credéndum in ómnibus, quæ locúti sunt Prophétæ ! Nonne hæc opórtuit pati Christum, et ita intráre in glóriam suam ? Et incípiens a Móyse et ómnibus Prophétis, interpretabátur illis in ómnibus Scriptúris, quæ de ipso erant. Et appropinquavérunt castéllo, quo ibant : et ipse se finxit lóngius ire. Et coëgérunt illum, dicéntes : Mane nobiscum, quóniam advesperáscit et inclináta est iam dies. Et intrávit cum illis. Et factum est, dum recúmberet cum eis, accépit panem, et benedíxit, ac fregit, et porrigébat illis. Et apérti sunt óculi eórum, et cognovérunt eum : et ipse evánuit ex óculis eórum. Et dixérunt ad ínvicem : Nonne cor nostrum ardens erat in nobis, dum loquerétur in via, et aperíret nobis Scriptúras ? Et surgéntes eádem hora regréssi sunt in Ierúsalem : et invenérunt congregátas úndecim, et eos, qui cum illis erant, dicéntes : Quod surréxit Dóminus vere, et appáruit Simóni. Et ipsi narrábant, quæ gesta erant in via : et quómodo cognovérunt eum in fractióne panis.En ce temps-là : ce même jour, deux des disciples de Jésus faisaient route vers un village du nom d’Emmaüs, distant de Jérusalem de soixante stades. Et ils conversaient entre eux de tout ce qui était arrivé. Et il advint, comme ils conversaient et discutaient ensemble : Jésus en personne s’approcha, et il faisait route avec eux ; mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître. ET il leurs dit : "Quels sont donc ces propos que vous échangez en marchant et qui vous font tristes ?". Et lui répondant, l’un d’eux, nommé Cléophas, lui dit : "Tu es bien le seul qui, de passage à Jérusalem, ne sache pas ce qui s’y est passé ces jours-ci !". Il leur dit : "Quoi ?". Et ils lui dirent : "Ce qui concerne Jésus de Nazareth, qui fut un prophète puissant en œuvres et en parole devant Dieu et tout le peuple ; et comment nos grands prêtres et nos chefs l’ont livré pour être condamné à mort et l’ont crucifié. Quant à nous, nous espérions que ce serait lui qui rachèterait Israël ; mais, en plus de tout cela, on est au troisième jour depuis que cela s’est passé. Mais quelques femmes, des nôtres, nous ont jetés dans la stupeur : étant allées de grand matin au sépulcre, et n’ayant pas trouvé son corps, elles sont venues dire même qu’elles avaient vu une apparition d’anges qui disaient qu’il est vivant. Quelques-uns des nôtres sont allés au tombeau et ont trouvé les choses tout comme les femmes avaient dit ; mais lui, ils ne l’ont pas vu !". Et lui leur dit : "O coeurs sans intelligence, lents à croire à tout ce qu’ont annoncé les Prophètes ! Ne fallait-il pas que le Christ souffrit cela pour entrer dans sa gloire ?". Et commençant par Moïse et par tous les prophètes, il leur interpréta, dans toutes les Ecritures, ce qui le concernait. Ils approchèrent du bourg où ils se rendaient, et lui feignit de se rendre plus loin. Mais ils le forcèrent, disant : "Reste avec nous, car on est au soir et déjà le jour est sur son déclin." Et il entra avec eux. Et il advint, comme il était à table avec eux, qu’il prit le pain, le bénit et le rompit et le leur donna. Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent ; et il disparut de leur vue. Et ils se dirent l’un à l’autre : "Est-ce que notre cœur n’était pas brûlant en nous, lorsqu’il nous parlait sur le chemin, tandis qu’il nous dévoilait les Ecritures ?" Sur l’heure même, ils partirent et retournèrent à Jérusalem ; et ils trouvèrent réunis les Onze et leurs compagnons, qui disaient : "Réellement le Seigneur est ressuscité, et il est apparu à Simon." Et eux de raconter ce qui s’était passé en chemin, et comment ils l’avaient reconnu à la fraction du pain.
Credo
Ant. ad Offertorium. Matth. 28, 2, 5 et 6.Offertoire
Angelus Dómini descéndit de cælo, et dixit muliéribus : Quem quǽritis, surréxit, sicut dixit, allelúia.Un Ange du Seigneur descendit du ciel et dit aux femmes : Celui que vous cherchez est ressuscité, comme il l’a dit, alléluia.
Secreta.Secrète
Súscipe, quǽsumus, Dómine, preces pópuli tui cum oblatiónibus hostiárum : ut, paschálibus initiáta mystériis, ad æternitátis nobis medélam, te operánte, profíciant. Per Dóminum.Recevez, nous vous en supplions, Seigneur, les prières de votre peuple avec l’oblation de ce sacrifice : qu’inauguré par les mystères de Pâques, il nous serve par votre action de remède pour l’éternité.
Præfatio, Communicántes et Hanc ígitur, ut in die Paschæ.. Préface, Communicantes et Hanc igitur du jour de Pâques
Ant. ad Communionem. Luc. 24,34.Communion
Surréxit Dóminus, et appáruit Petro, allelúia.Le Seigneur est ressuscité et il est apparu à Pierre, alléluia.
Postcommunio.Postcommunion
Spíritum nobis, Dómine, tuæ caritátis infúnde : ut, quos sacraméntis paschálibus satiásti, tua fácias pietáte concórdes. Per Dóminum . . . in unitáte eiúsdem.Répandez sur nous, Seigneur, l’Esprit de votre charité : et par votre bonté, unissez dans la concorde ceux que vous avez rassasiés de ces mystères de Pâques.
Post Dóminus vobíscum dicitur : Ite, Missa est, allelúia, allelúia.Après Dóminus vobíscum on dit : Ite, Missa est, allelúia, allelúia.
R/. Deo grátias, allelúia, allelúia.R/. Deo grátias, allelúia, allelúia.

Office

A MATINES

Invitatorium Invitatoire
Surréxit Dóminus vere, * Allelúia.Le Seigneur est vraiment ressuscité, * Alléluia.
Psaume 94 (Invitatoire)
Hymni et capitula non dicuntur in aliqua horarum, nec versiculi, nisi in Nocturno. On ne dit les hymnes et les capitules à aucune heure, ni les verts sauf au Nocturne.
Ant. 1 Ego sum qui sum * et consílium meum non est cum ímpiis, sed in lege Dómini volúntas mea est, allelúia.Ant. 1 Je suis celui qui suis [1], * et mon conseil n’est pas avec les impies [2], mais ma volonté est dans la loi du Seigneur [3], alléluia.
Psaume 1
On répète l’antienne du psaume après chaque psaume.
Ant. 2 Postulávi Patrem meum, * allelúia : dedit mihi Gentes, allelúia, in hereditátem, allelúia.Ant. 2 J’ai demandé à mon Père, * alléluia : il m’a donné les nations, alléluia, en héritage, alléluia [4].
Psaume 2
Ant. 3 Ego dormívi, * et somnum cepi : et exsurréxi, quóniam Dóminus suscépit me, allelúia, allelúia.Ant. 3 Moi je me suis endormi, * j’ai sommeillé ; et je me suis levé parce que le Seigneur m’a pris sous sa protection [5].
Psaume 3
V/. Surréxit Dóminus de sepúlchro, allelúia.V/. Le Seigneur est ressuscité du tombeau, alléluia.
R/. Qui pro nobis pepéndit in ligno, allelúia.R/. Lui qui pour nous fut attaché au bois, alléluia.
Lectio i1ère leçon
Léctio sancti Evangélii secundum Lucam.Lecture du saint Évangile selon saint Luc.
Cap. 24, 13-35.
In illo témpore : Duo ex discípulis Iesu ibant ipsa die in castellum, quod erat in spátio stadiórum sexagínta ab Ierusalem, nómine Emmaus. Et réliqua.En ce temps-là : Ce même jour, deux des disciples de Jésus faisaient route vers un village du nom d’Emmaüs, distant de Jérusalem de soixante stades. Et le reste.
Homilía sancti Gregórii Papæ.Homélie de saint Grégoire, Pape.
Homilía 23 in Evangelia
Audistis, fratres caríssimi, quia duobus discípulis ámbulántibus in via, non quidem credéntibus, sed tamen de se loquéntibus, Dóminus appáruit : sed eis spéciem, quam recognóscerent, non osténdit. Hoc ergo egit foris Dóminus in óculis córporis, quod apud ipsos agebátur intus in óculis cordis. Ipsi namque apud semetípsos intus et amábant, et dubitábant : eis autem Dóminus foris et præsens áderat, et quis esset non osténdebat. De se ergo loquéntibus præséntiam exhibuit : sed de se dubitántibus cognitiónis suæ spéciem abscóndit.Vous venez d’entendre, mes très chers frères, que le Seigneur apparut à deux disciples qui, à la vérité, ne croyaient pas encore en lui, mais qui cependant parlaient de lui en marchant le long du chemin. Toutefois il ne leur montra pas ses traits, qu’ils auraient reconnus. Il voulut paraître extérieurement à leurs yeux corporels, tel qu’il était intérieurement aux yeux de leur cœur. Au fond de leur cœur ces disciples l’aimaient, mais ils doutaient ; or le Seigneur se trouvait extérieurement auprès d’eux, mais il ne leur montrait pas qui il était. Il leur accorda donc le bienfait de sa présence, parce qu’ils s’entretenaient de lui ; mais leur foi restant hésitante, il leur cacha ses traits qui l’eussent fait reconnaître.
R/. María Magdalene, et áltera María ibant dilúculo ad monuméntum. * Iesum quem quǽritis, non est hic, surréxit sicut locútus est, præcédet vos in Galilǽam, ibi eum vidébitis, allelúia, allelúia.R/. Marie-Madeleine et l’autre Marie vinrent au point du jour au sépulcre [6]. * Jésus que vous cherchez n’est point ici, il est ressuscité comme il l’a dit, il vous précédera en Galilée, c’est là que vous le verrez, alléluia, alléluia [7].
V/. Et valde mane una sabbatórum véniunt ad monuméntum, orto iam sole : et introëúntes vidérunt iúvenem sedéntem in dextris, qui dixit illis.V/. Parties de grand matin [8], le premier jour de la semaine, elles arrivèrent au sépulcre, le soleil étant déjà levé : et y entrant, elles aperçurent un jeune homme assis à droite, qui leur dit.
R/. Iesum quem quǽritis, non est hic, surréxit sicut locútus est, præcédet vos in Galilǽam, ibi eum vidébitis, allelúia, allelúia.R/. Jésus que vous cherchez n’est point ici, il est ressuscité comme il l’a dit, il vous précédera en Galilée, c’est là que vous le verrez, alléluia, alléluia.
Lectio ii2e leçon
Verba quidem cóntulit, durítiam intelléctus increpávit, sacræ Scriptúræ mystéria, quæ de seípso erant, apéruit : et tamen quia adhuc in eórum córdibus peregrínus erat a fide, se ire lóngius finxit. Fíngere namque, compónere dícimus : unde et compositóres luti, fígulos vocámus. Nihil ergo simplex Véritas per duplicitátem fecit : sed talem se eis exhíbuit in córpore, qualis apud illos erat in mente. Probándi autem erant, si hi, qui eum etsi necdum ut Deum dilígerent, saltem ut peregrínum amáre potuíssent.Il s’entretint avec eux, leur reprocha d’être si lents à comprendre, leur découvrit le sens mystérieux des passages de la sainte Écriture qui le concernaient, mais néanmoins, comme il était encore un étranger dans leur cœur sous le rapport de la foi, il feignit d’aller plus loin. Nous employons le mot feindre (fingere) dans le sens de composer, donner une forme, d’où vient que nous appelons figuli ceux qui façonnent l’argile. Jésus-Christ, qui est la vérité simple, ne fit donc rien avec duplicité ; mais il se montra aux yeux de leur corps, tel qu’il était dans leur âme. Il fallait éprouver ces disciples, pour voir si, ne l’aimant pas comme leur Dieu, ils pourraient l’aimer sous la figure d’un étranger.
R/. Surréxit pastor bonus, qui ánimam suam pósuit pro óvibus suis, et pro grege suo mori dignátus est : * Allelúia, allelúia, allelúia.R/. Le bon pasteur qui donne sa vie pour ses brebis [9], et qui a daigné mourir pour son troupeau, est ressuscité : * Alléluia, alléluia, alléluia.
V/. Etenim Pascha nostrum immolátus est Christus.V/. Car notre Pâque, le Christ, a été immolé. Alléluia. [10]
* Allelúia, allelúia, allelúia. Glória Patri. * Allelúia, allelúia, allelúia.* Alléluia, alléluia, alléluia. Gloire au Père. * Alléluia, alléluia, alléluia.
Lectio iii3e leçon
Sed quia esse extránei a caritáte non póterant hi, cum quibus Véritas gradiebátur : eum ad hospítium quasi peregrínum vocant. Cur autem dícimus, vocant, cum illic scriptum sit : Et coëgérunt eum ? Ex quo nimírum exémplo collígitur, quia peregríni ad hospítium non solum invitándi sunt, sed étiam trahéndi. Mensam ígitur ponunt, panes cibósque ófferunt : et Deum, quem in Scriptúræ sacræ expositióne non cognóverant, in panis fractióne cognóscunt. Audiéndo ergo præcépta Dei illumináti non sunt, faciéndo illumináti sunt : quia scriptum est : Non auditóres legis iusti sunt apud Deum, sed factóres legis iustificabúntur. Quisquis ergo vult audíta intellígere, festínet ea, quæ iam audíre pótuit, ópere implére. Ecce Dóminus non est cógnitus dum loquerétur, et dignátus est cognósci, dum páscitur.Mais, comme ceux que la Vérité même accompagnait dans leur marche ne pouvaient pas être éloignés de la charité, ils lui offrirent l’hospitalité comme à un voyageur. Pourquoi disons-nous qu’ils la lui offrirent puisqu’il est écrit qu’ils le pressèrent ? On peut conclure de cet exemple qu’il faut non seulement inviter les étrangers à recevoir l’hospitalité, mais encore y mettre de l’insistance. Les deux disciples dressent donc la table, ils offrent à Jésus du pain ainsi que d’autres aliments, et le Dieu qu’ils n’avaient pas reconnu lorsqu’il leur expliquait la sainte Écriture, ils le reconnaissent à la fraction du pain. Ce n’est donc pas en écoutant les préceptes divins qu’ils reçoivent la lumière, c’est en les pratiquant ; car il est écrit : « Ce ne sont pas ceux qui écoutent la loi qui sont justes devant Dieu ; mais ce sont les observateurs de la loi qui seront justifiés. [11] » Quiconque veut avoir l’intelligence de ce qu’il entend, doit se hâter de mettre en pratique ce qu’il a pu entendre déjà. Vous voyez que le Seigneur n’a pas été reconnu quand il parlait, et qu’il a daigné se faire connaître lorsqu’on lui a servi à manger.
Te Deum

A LAUDES.

Ant. 1 Angelus autem Dómini * descéndit de cælo, et accédens revólvit lápidem, et sedébat super eum, allelúia, allelúia.Ant. 1 Un Ange du Seigneur * descendit du ciel, et s’approchant, il renversa la pierre et s’assit dessus, alléluia, alléluia [12].
Psaume 92
Ant. 2 Et ecce terræmótus * factus est magnus : Angelus enim Dómini descéndit de cælo, allelúia.Ant. 2 Et voilà qu’un tremblement de terre, * très grand se produisit : car un Ange du Seigneur descendit du ciel, alléluia.
Psaume 99
Ant. 3 Erat autem * aspéctus eius sicut fulgur, vestiménta autem eius sicut nix, allelúia, allelúia.Ant. 3 Or il avait * l’aspect d’un éclair, et ses vêtements étaient comme la neige, alléluia, alléluia.
Psaume 62
Ant. 4 Præ timóre autem eius * extérriti sunt custódes, et facti sunt velut mórtui, allelúia.Ant. 4 Par crainte de lui * les gardes furent épouvantés, et ils devinrent comme morts, alléluia.
Cantique des trois Enfants
Ant. 5 Respóndens autem Angelus, * dixit muliéribus : Nolíte timére : scio enim quod Iesum quǽritis, allelúia.Ant. 5 Et l’Ange répondant * dit aux femmes : ne craignez point : je sais que vous cherchez Jésus, alléluia.
Psaume 148
Capitulum, hymnus et V/. Non dicuntur, sed eorum loco dicitur antiphona : On ne dit pas le capitule, l’hymne et le verset, mais à leur place, on dit l’antienne :
Ant. Hæc dies, * quam fecit Dóminus : exsultémus, et lætémur in ea.Ant. Voici le jour * qu’a fait le Seigneur [13] : réjouissons-nous et tressaillons d’allégresse en ce jour.
Ad Bened. Ant. Iesus iunxit se * discípulis suis in via, et ibat cum illis : óculi autem eórum tenebántur, ne eum agnóscerent : et increpávit eos, dicens : O stulti et tardi corde ad credéndum in his, quæ locúti sunt Prophétæ, allelúia. Ant. au Bénédictus Jésus se joignit * Jésus se joignit * à ses disciples le long du chemin, et il marchait avec eux : mais leurs yeux étaient retenus de peur qu’ils ne le reconnussent : Et il les reprit, disant : O insensés et lents de cœur à croire tout ce qu’ont dit les Prophètes, alléluia [14].
Benedictus
OratioPrière
Deus, qui sollemnitáte pascháli, mundo remédia contulísti : pópulum tuum, quǽsumus, cælésti dono proséquere ; ut et perféctam libertátem cónsequi mereátur, et ad vitam profíciat sempitérnam. Per Dóminum.O Dieu, qui avez apporté au monde dans la solennité pascale la guérison : nous vous en supplions, continuez de répandre votre don céleste sur votre peuple ; qu’il soit digne de jouir de la liberté parfaite et qu’il s’avance vers la vie éternelle.
V/. Benedicámus Dómino, allelúia, allelúia.V/. Bénissons le Seigneur, alléluia, alléluia.
R/. Deo grátias, allelúia, allelúia.R/. Rendons grâces à Dieu, alléluia, alléluia.

AUX VÊPRES.

Ant. 1 Angelus autem Dómini * descéndit de cælo, et accédens revólvit lápidem, et sedébat super eum, allelúia, allelúia.Ant. 1 Un Ange du Seigneur * descendit du ciel, et s’approchant, il renversa la pierre et s’assit dessus, alléluia, alléluia.
Psaume 109
Ant. 2 Et ecce terræmótus * factus est magnus : Angelus enim Dómini descéndit de cælo, allelúia.Ant. 2 Et voilà qu’un tremblement de terre, * très grand se produisit : car un Ange du Seigneur descendit du ciel, alléluia.
Psaume 110
Ant. 3 Erat autem * aspéctus eius sicut fulgur, vestiménta autem eius sicut nix, allelúia, allelúia.Ant. 3 Or il avait * l’aspect d’un éclair, et ses vêtements étaient comme la neige, alléluia, alléluia.
Psaume 111
Ant. 4 Præ timóre autem eius * extérriti sunt custódes, et facti sunt velut mórtui, allelúia.Ant. 4 Par crainte de lui * les gardes furent épouvantés, et ils devinrent comme morts, alléluia.
Psaume 112
Ant. 5 Respóndens autem Angelus, * dixit muliéribus : Nolíte timére : scio enim quod Iesum quǽritis, allelúia.Ant. 5 Et l’Ange répondant * dit aux femmes : ne craignez point : je sais que vous cherchez Jésus, alléluia.
Psaume 113
Capitulum, hymnus et V/. Non dicuntur, sed eorum loco dicitur antiphona : On ne dit pas le capitule, l’hymne et le verset, mais à leur place, on dit l’antienne :
Ant. Hæc dies, * quam fecit Dóminus : exsultémus, et lætémur in ea.Ant. Voici le jour * qu’a fait le Seigneur : réjouissons-nous et tressaillons d’allégresse en ce jour.
Ad Magnif. Ant. Qui sunt hi sermónes, * quos confértis ad ínvicem ambulántes, et estis tristes ? allelúia. Ant. au Magnificat Quels sont ces discours * que vous tenez ainsi en marchant, et pourquoi êtes-vous tristes ? Alléluia [15].
Magnificat
OratioPrière
Deus, qui sollemnitáte pascháli, mundo remédia contulísti : pópulum tuum, quǽsumus, cælésti dono proséquere ; ut et perféctam libertátem cónsequi mereátur, et ad vitam profíciat sempitérnam. Per Dóminum.O Dieu, qui avez apporté au monde dans la solennité pascale la guérison : nous vous en supplions, continuez de répandre votre don céleste sur votre peuple ; qu’il soit digne de jouir de la liberté parfaite et qu’il s’avance vers la vie éternelle.
V/. Benedicámus Dómino, allelúia, allelúia.V/. Bénissons le Seigneur, alléluia, alléluia.
R/. Deo grátias, allelúia, allelúia.R/. Rendons grâces à Dieu, alléluia, alléluia.

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

Le mystère de la glorieuse Pâque est si vaste et si profond, que nous n’aurons pas trop des sept jours de cette semaine pour le méditer et l’approfondir. Dans la journée d’hier, nous n’avons fait autre chose que contempler notre Rédempteur sortant du tombeau, et se manifestant aux siens jusqu’à six fois, dans sa bonté et dans sa puissance. Nous continuerons à lui rendre les hommages d’adoration, de reconnaissance et d’amour auxquels il a droit pour ce triomphe qui est le nôtre en même temps que le sien ; mais il nous faut aussi pénétrer respectueusement l’ensemble merveilleux de doctrine et de faits dont la Résurrection de notre divin libérateur est le centre glorieux, afin que la lumière céleste nous illumine de plus en plus, et que notre joie croisse toujours.

Qu’est-ce donc d’abord que le mystère de la Pâque ? La Bible nous répond que la Pâque est l’immolation de l’Agneau. Pour comprendre la Pâque, il faut avoir compris le mystère de l’Agneau. Dès les premiers siècles du christianisme, sur les mosaïques et sur les peintures murales des Basiliques, on représentait l’agneau comme le symbole qui réunissait l’idée du sacrifice du Christ et celle de sa victoire. Par sa pose pleine de douceur, l’Agneau exprimait le dévouement qui l’a porté à donner son sang pour l’homme ; mais il était peint debout sur une colline verdoyante, et les quatre fleuves du paradis sortaient à son commandement de dessous ses pieds, figurant les quatre Évangiles qui ont porté sa gloire aux quatre points du monde. Plus tard, on le peignit armé d’une croix de laquelle pendait une banderole triomphale, c’est la forme symbolique sous laquelle nous le révérons dans nos temps.

Depuis le péché, l’homme ne pouvait plus se passer de l’Agneau ; sans l’Agneau, il se voyait déshérité pour jamais du ciel, et en butte éternellement au divin courroux. Aux premiers jours du monde, le juste Abel sollicitait la clémence du Créateur irrité, en immolant sur un autel de gazon le plus bel agneau de son troupeau, jusqu’à ce que, agneau lui-même, il tombât sous les coups d’un fratricide, devenant ainsi le type vivant de notre Agneau, que ses frères aussi ont mis à mort. Dans la suite, Abraham, sur la montagne, consomma le sacrifice commencé par son héroïque obéissance, en immolant le Bélier dont la tête était entourée d’épines, et dont le sang arrosa l’autel dressé pour Isaac. Plus tard, Dieu parla à Moïse ; il lui révéla la Pâque ; et cette Pâque consistait d’abord dans un agneau immolé et dans le festin de la chair de cet agneau. La saints Église nous a donné à lire, ces derniers jours, dans le livre de l’Exode, le commandement du Seigneur à ce sujet. L’agneau pascal devait être sans aucune tache ; on devait répandre son sang et se nourrir de sa chair : telle est la première Pâque. Elle est pleine de figures, mais vide de réalités : cependant elle dut suffire au peuple de Dieu durant quinze siècles ; mais le Juif spirituel savait y reconnaître les traits mystérieux d’un autre Agneau.

A l’époque des grands Prophètes, Isaïe implora, dans ses vers inspirés, l’accomplissement de la promesse divine faite au commencement du monde. Nous avons répété ses sublimes élans, nous nous sommes unis à ses vœux, lorsque la sainte Église, au temps de l’Avent, nous mettait sous les yeux les magnifiques oracles de cet envoyé de Dieu. Avec quelle ardeur nous disions avec lui : « Envoyez-nous, Seigneur, l’Agneau qui doit dominer sur la terre ! » Ce Messie tant attendu, c’était donc l’Agneau ; quelle Pâque, disions-nous, que celle où un tel Agneau sera immolé ! Quel festin que celui où il sera servi aux convives !

Lorsque la plénitude des temps fut arrivée, et que Dieu eut envoyé son Fils sur la terre, ce Verbe incarné qui ne s’était pas encore manifesté aux hommes, marchait au bord du Jourdain, lorsque tout à coup Jean-Baptiste le montra à ses disciples, en leur disant : « Voici l’Agneau de Dieu, qui ôte les péchés du monde. » Le saint Précurseur, à ce moment, annonçait la Pâque ; car il avertissait les hommes qu’enfin la terre possédait l’Agneau véritable, l’Agneau de Dieu, attendu depuis quatre mille ans. Il était venu, cet Agneau plus pur que celui qui fut choisi de la main d’Abel, plus mystérieux que celui qu’Abraham trouva sur la montagne, plus exempt de taches que celui qu’offrirent en Égypte les Israélites. C’est véritablement l’Agneau imploré avec tant d’instance par Isaïe, un Agneau envoyé par Dieu lui-même, en un mot, l’Agneau de Dieu. Encore un peu de temps, et il sera immolé. Il y a trois jours, nous avons assisté à son sacrifice ; nous avons vu sa patience, sa douceur sous le couteau qui l’égorgeait, et nous avons été arrosés de son sang divin qui a lavé tous nos péchés.

L’effusion de ce sang rédempteur était nécessaire à notre Pâque ; il fallait que nous en fussions marqués, pour échapper au glaive de l’Ange ; en même temps, ce sang nous communiquait la pureté de celui qui nous le donnait si libéralement. Nos néophytes sortaient de la fontaine dans laquelle il a mêlé sa vertu, plus blancs que la neige ; les pécheurs même qui avaient eu le malheur de perdre la grâce qu’ils puisèrent autrefois dans le bain sacré, ont retrouvé, par l’inépuisable énergie du sang divin, leur intégrité première. Toute l’assemblée des fidèles a revêtu la robe nuptiale ; et cette robe est d’un éclat éblouissant ; car c’est « dans le sang même de l’Agneau qu’elle a été blanchie. » [16].

Or c’est pour un festin que cette robe a été préparée, et à ce festin nous retrouvons encore notre Agneau. C’est lui qui se donne en nourriture à ses heureux conviés ; et le festin, c’est la Pâque. Le grand Apôtre André l’exprima d’une manière sublime devant le gouverneur Égée, quand il confessa Jésus-Christ en présence de ce païen : « La chair de l’Agneau sans tache, lui dit-il, sert de nourriture, son sang sert de breuvage au peuple qui a foi dans le Christ ; et bien qu’immolé, cet Agneau est toujours entier et vivant. » Hier, par toute la terre, ce festin a eu lieu ; il se continue encore en ces jours, et nous y contractons une étroite union avec l’Agneau qui s’incorpore à nous par ce divin mets.

Mais ce n’est pas tout sur l’Agneau. Isaïe demandait à Dieu de nous envoyer l’Agneau qui doit dominer sur la terre ; il ne vient donc pas seulement pour être immolé, pour nous nourrir de sa chair sacrée, cet Agneau ; il vient donc pour commander, pour être Roi ? Oui, il en est ainsi ; et c’est là encore notre Pâque. Pâques est la proclamation du règne de l’Agneau. C’est le cri des élus dans le ciel : « Il a vaincu, le Lion de la tribu de Juda, le rejeton de David ! » [17]. Mais s’il est Lion, comment est-il Agneau ? Entendons le mystère. Dans son amour pour l’homme qui avait besoin d’être racheté, d’être fortifié par une nourriture céleste, il a daigné se montrer Agneau ; mais il fallait aussi qu’il triomphât de ses ennemis et des nôtres ; il fallait qu’il régnât ; car « toute puissance lui a été donnée au ciel et sur la terre. » [18]. Dans son triomphe, dans sa force invincible, c’est un Lion auquel rien ne résiste, et dont les rugissements de victoire ébranlent aujourd’hui l’univers. Écoutez le grand diacre d’Édesse, saint Éphrem : « A la douzième heure, on le détacha de la croix comme un lion endormi [19]. » Il dormait, notre Lion ; « son repos, en effet, a été si court, dit saint Léon, qu’on dirait un sommeil plutôt qu’une mort [20]. » Qu’était-ce donc alors, sinon l’accomplissement de l’oracle du vieux Jacob sur son lit de mort, lorsque, annonçant deux mille ans à l’avance les grandeurs de son noble et divin rejeton, il disait dans un saint enthousiasme : « Juda, c’est le jeune Lion ; tu t’es couché, mon fils, comme le lion ; tu t’es étendu comme la lionne : qui le réveillera ? » [21]. De lui-même il s’est réveillé aujourd’hui ; il s’est dressé sur ses pieds ; pour nous Agneau, Lion pour ses ennemis ; unissant désormais la force à la douceur. C’est le mystère complet de la Pâque : un Agneau triomphant, obéi, adoré. Rendons-lui nos hommages : et en attendant que nous unissions nos voix dans le ciel à celles des millions d’Anges et des vingt-quatre vieillards, répétons avec eux dès aujourd’hui sur la terre : « Il est digne, l’Agneau qui a été immolé, de recevoir la puissance et la divinité, et la sagesse et la force, et l’honneur et la gloire, et la bénédiction. » [22].

L’ancienne Église chômait tous les jours de cette semaine comme une seule fête ; et les travaux serviles demeuraient interrompus durant tout son cours. L’édit de Théodose, en 389, qui suspendait l’action des tribunaux durant le même intervalle, venait en aide à cette prescription liturgique que nous trouvons attestée dans les Sermons de saint Augustin [23] et dans les Homélies de saint Jean Chrysostome. Ce dernier, parlant aux néophytes, s’exprimait ainsi : « Durant ces sept jours, vous jouissez de l’enseignement de la divine doctrine, l’assemblée des fidèles se réunit à cause de vous, nous vous admettons à la table spirituelle ; ainsi nous vous armons et nous vous exerçons aux combats contre le démon. Car c’est maintenant qu’il se prépare à vous attaquer avec plus de fureur ; plus grande est votre dignité, plus vive sera son attaque. Mettez donc à profit nos enseignements durant cet intervalle, et sachez y apprendre à lutter vaillamment. Reconnaissez aussi dans ces sept jours le cérémonial des noces spirituelles que vous avez eu la gloire de contracter. La solennité des noces dure sept jours ; nous avons voulu, durant le même temps, vous retenir dans la chambre nuptiale [24] . »

Tels étaient alors le zèle des fidèles, leur goût pour les saintes pompes de la Liturgie, l’intérêt qu’ils portaient aux nouvelles recrues qui réjouissaient l’Église en ces jours, qu’ils se prêtaient avec empressement à toutes les assiduités qui étaient exigées d’eux durant cette semaine. La joie de la Résurrection remplissait tous les cœurs et occupait tous les instants. Les conciles publièrent des canons qui érigeaient en loi cette pieuse coutume. Celui de Mâcon, en 585, formulait ainsi son décret : « Nous devons tous célébrer et fêter avec zèle notre Pâque, dans laquelle le souverain Prêtre et Pontife a été immolé pour nos péchés, et l’honorer par notre exactitude à garder les prescriptions qu’elle impose. Nul ne se permettra donc aucune œuvre servile durant ces six jours (qui suivaient le Dimanche) ; mais tous se réuniront pour chanter les hymnes de la Pâque, assistant avec assiduité aux sacrifices quotidiens, et se rassemblant pour louer notre créateur et régénérateur, le soir, le matin et à midi [25]. » Les conciles de Mayence (813) et de Meaux (845) établissent les mêmes prescriptions. Nous les retrouvons en Espagne, au VIIe siècle, dans les édits des rois Recesvinthe et Wamba. L’Église grecque les renouvela dans son concile in Trullo ; Charlemagne, Louis le Pieux, Charles le Chauve, les sanctionnèrent dans leurs capitulaires ; les canonistes des XIe et XIIe siècles, Burkard, saint Yves de Chartres, Gratien, nous les montrent en usage de leur temps ; enfin Grégoire IX essayait encore de leur donner force de loi dans une de ses Décrétales, au XIIIe siècle. Mais déjà, en beaucoup de lieux, cette observance avait faibli. Le concile tenu à Constance, en 1094, réduisait la solennité de la Pâque au lundi et au mardi qui suivent le grand Dimanche. Les liturgistes Jean Beleth, pour le XIIe siècle, et Durand, pour le XIIIe, atestent que, de leur temps, cette réduction était déjà en usage chez les Français. Elle ne tarda pas à s’étendre dans tout l’Occident, et forma le droit commun pour la célébration de la Pâque, jusqu’à ce que le relâchement croissant toujours, on ait obtenu successivement du Siège Apostolique la dispense de l’obligation de férier le Mardi, et même le Lundi, en France, après le Concordat de 1801.

Pour avoir l’intelligence de la Liturgie des jours qui vont se succéder jusqu’au dimanche in Albis, il est donc nécessaire de se souvenir constamment de nos néophytes toujours présents avec leurs robes blanches à la Messe et aux offices divins. Les allusions à leur récente régénération sont continuelles, et se montrent sans cesse dans les chants et dans les lectures que la sainte Église emploie durant tout le cours de cette solennelle Octave.

A Rome, la Station d’aujourd’hui est dans la Basilique de Saint-Pierre. Initiés samedi dernier aux divins mystères dans la Basilique du Sauveur, au Latran, les néophytes hier célébrèrent la résurrection du Fils dans le splendide sanctuaire de la Mère ; il est juste qu’en ce troisième jour ils viennent rendre leurs hommages à Pierre, sur lequel repose l’édifice entier de la sainte Église. Jésus Sauveur, Marie, Mère de Dieu et des hommes, Pierre, chef visible du corps mystique du Christ : ce sont là les trois manifestations divines par lesquelles nous sommes entrés et nous sommes maintenus dans l’Église chrétienne.

A LA MESSE.

L’Introït, tiré de l’Exode, s’adresse aux nouveau-nés de l’Église. Il leur rappelle le lait et le miel mystérieux qui leur furent donnes dans la nuit sacrée du Samedi, après qu’ils eurent participé au divin banquet. Ils sont le véritable Israël, introduit dans la véritable Terre promise. Qu’ils louent donc le Seigneur, qui les a choisis du sein de la gentilité pour faire d’eux son peuple de prédilection.

A la vue du Christ, son Époux, délivré des liens de la mort, la sainte Église demande à Dieu que nous, les membres de ce divin Chef, nous arrivions à l’heureux affranchissement dont Jésus nous offre le modèle. Trop longtemps asservis par le péché, nous devons comprendre maintenant le prix de cette liberté des enfants de Dieu qui nous a été rendue par la Pâque.

ÉPÎTRE.

Saint Pierre adressa ce discours au centurion Corneille, et aux parents et amis de ce gentil, qui les avait rassemblés au tour de lui pour recevoir l’Apôtre que Dieu lui envoyait. Il s’agissait de disposer tout cet auditoire à recevoir le Baptême et à devenir les prémices de la gentilité ; car jusque-là l’Évangile n’avait été annoncé qu’aux Juifs. Remarquons que c’est saint Pierre, et non un autre Apôtre, qui nous ouvre aujourd’hui, à nous gentils, les portes de l’Église que le Fils de Dieu a établie sur lui comme sur le roc inébranlable. Voilà pourquoi ce passage du livre des Actes des Apôtres se lit aujourd’hui, dans la Basilique de Saint-Pierre, près de sa glorieuse Confession, et en présence des néophytes qui sont autant de conquêtes de la foi sur les derniers sectateurs de l’idolâtrie païenne Observons ensuite la méthode qu’emploie l’Apôtre pour inculquer à Corneille et aux autres gentils la vérité du christianisme. Il commence par leur parler de Jésus-Christ ; il rappelle les prodiges qui ont accompagné sa mission ; puis ayant raconté sa mort ignominieuse sur la croix, il montre le fait de la Résurrection de l’Homme-Dieu comme la plus haute garantie de la vérité de son divin caractère. Vient ensuite la mission des Apôtres qu’il faut accepter, ainsi que leur témoignage si solennel et si désintéressé, puisqu’il ne leur a valu que des persécutions. Celui-là donc qui confesse le Fils de Dieu revêtu de la chair, passant en ce monde en faisant le bien, opérant toutes sortes de prodiges, mourant sur la croix, ressuscité du tombeau, et confiant aux hommes qu’il a choisis la mission de continuer sur la terre le ministère qu’il y a commencé ; celui qui confesse toute cette doctrine est prêt à recevoir, dans le saint Baptême, la rémission de ses péchés ; tel fut l’heureux sort de Corneille et de ses compagnons ; tel a été celui de nos néophytes.

On chante ensuite le Graduel, qui présente l’expression ordinaire de la joie pascale ; le Verset seulement est différent de celui d’hier, et variera chaque jour, jusqu’à Vendredi. Le Verset de l’Alléluia nous retrace l’Ange descendu du ciel pour ouvrir le sépulcre vide, et manifester la sortie victorieuse et spontanée du Rédempteur.

ÉVANGILE.

Contemplons ces trois pèlerins qui conversent sur la route d’Emmaüs, et joignons-les par le cœur et par la pensée. Deux d’entre eux sont des hommes fragiles comme nous, qui tremblent devant la tribulation, que la croix a déconcertés, à qui il faut de la gloire et des prospérités, pour qu’ils puissent continuer à croire, « O insensés et cœurs tardifs, » leur dit le troisième voyageur ; « vous ne saviez donc pas qu’il fallait que le Christ souffrît, et qu’il n’entrât dans sa gloire que par cette voie ? » Jusqu’ici, nous avons trop ressemblé à ces deux hommes ; le Juif s’est montré en nous plus que le chrétien ; et c’est pour cela que l’amour des choses terrestres qui nous entraînait nous a rendus insensibles à l’attrait céleste, et par là même exposés au péché. Nous ne pouvons plus désormais penser ainsi. Les splendeurs de la Résurrection de notre Maître nous montrent assez vivement quel est le but de la tribulation, lorsque Dieu nous l’envoie. Quelles que soient nos épreuves, il n’y a pas d’apparence que nous soyons cloués à un gibet, ni crucifiés entre deux scélérats. Le Fils de Dieu a éprouvé ce sort ; et voyez aujourd’hui si les supplices du Vendredi ont arrêté l’essor qu’il devait prendre le Dimanche vers sa royauté immortelle. Sa gloire n’est-elle pas d’autant plus éclatante que son humiliation avait été plus profonde ?

Ne tremblons donc plus tant à la vue du sacrifice ; pensons à la félicité éternelle qui le paiera. Jésus, que les deux disciples ne reconnaissaient pas, n’a eu qu’à leur faire entendre sa voix, qu’à déduire devant eux les plans de la sagesse et de la bonté divines, et le jour se faisait à mesure dans leurs esprits. Que dis-je ? Leur cœur s’échauffait et brûlait dans leur poitrine, en l’entendant discourir à propos de la croix qui conduit à la gloire ; et si déjà ils ne l’avaient pas découvert, c’est qu’il retenait leurs yeux, afin qu’ils ne le reconnussent pas. De même en sera-t-il pour nous, si nous laissons, comme eux, parler Jésus. Nous comprendrons alors que « le disciple n’est pas au-dessus du maître » [26] ; et en voyant l’éclat immortel dont ce Maître resplendit aujourd’hui , nous nous sentirons inclinés à dire aussi à notre tour : « Non, les souffrances de ce monde passager n’ont rien de comparable avec la gloire qui doit plus tard se manifester en nous. » [27].

En ces jours où les efforts du chrétien pour sa régénération sont payés par l’honneur de s’asseoir, avec la robe nuptiale, à la table du festin du Christ, nous ne manquerons pas de remarquer que ce fut au moment de la fraction du pain que les yeux des deux disciples s’ouvrirent, et qu’ils reconnurent leur maître. La nourriture céleste, dont toute la vertu procède de la parole du Christ, donne la lumière aux âmes ; et elles voient alors ce qu’elles ne voyaient pas avant de s’en être nourries. Il en sera ainsi de nous, par l’effet merveilleux du divin sacrement de la Pâque ; mais considérons ce que nous dit à ce sujet le pieux auteur de l’Imitation : « Ceux-là connaissent véritablement le Seigneur au moment de la fraction du pain, dont le cœur était ardent lorsque Jésus cheminait avec eux sur la route. » [28].

Livrons-nous donc à notre divin ressuscité ; désormais nous sommes à lui plus que jamais, non plus seulement en vertu de sa mort pour nous, mais à cause de sa résurrection, qui est aussi pour nous. Devenons semblables aux disciples d’Emmaüs, fidèles comme eux, joyeux comme eux, empressés, à leur exemple, de montrer dans nos œuvres cette nouveauté de vie que nous recommande l’Apôtre, et qui seule convient à ceux que le Christ a aimés jusqu’à ne vouloir ressusciter qu’avec eux.

La sainte Église a placé en ce jour ce passage de l’Évangile préférablement à tout autre, à raison de la Station qui se tient dans la Basilique de Saint-Pierre. Saint Luc y raconte, en effet, que les deux disciples trouvèrent les Apôtres déjà instruits de la résurrection de leur Maître ; « car, disaient-ils, il a apparu à Simon. » Nous avons parle hier de cette faveur faite au prince des Apôtres, et que l’Église romaine proclame avec tant de raison aujourd’hui.

L’Offertoire est formé d’un passage du saint Évangile relatif aux circonstances de la Résurrection du Christ.

Dans la Secrète, l’Église demande en faveur de ses enfants que la nourriture pascale soit pour eux un aliment d’immortalité, qui unisse les membres à leur divin Chef, non seulement pour le temps, mais jusque dans la vie éternelle.

Pendant la Communion, l’Église rappelle aux fidèles le souvenir de Pierre, qui fut favorisé de la visite du Sauveur ressuscité. La foi de la Résurrection est la foi de Pierre, et la foi de Pierre est le fondement de l’Église et le lien de l’unité catholique.

Dans la Postcommunion, l’Église continue à demander pour tous ses enfants, convives du même festin de l’Agneau, l’esprit de concorde qui doit les unir comme les membres d’une même famille dont la nouvelle Pâque est venue sceller l’inviolable fraternité.

Rendons gloire au Fils de Dieu pour l’œuvre qu’il a accomplie dans ce second jour de la création, en séparant les eaux inférieures des eaux supérieures, et en établissant le firmament qui s’étend entre les unes et les autres ; paroles mystérieuses que les Pères ont commentées avec respect, s’attachant au sens spirituel qu’elles présentent de préférence au sens matériel. On y reconnaît la puissance d’un bras divin qui affermit son œuvre, et maintient en équilibre des forces qui demeuraient confondues dans le chaos. La Liturgie Mozarabe nous fournit cette belle prière pour glorifier notre créateur, en ce jour où son œuvre acquiert un nouveau développement.

CAPITULA.
Christe Deus noster, qui secundo die firmamentum formans, quasi solidamentum Scripturarum in Ecclesia præparas, quo cœlestes populos Angelorum ab infirmitate inferiorum hominum, quasi aquas ab aquis, discernere voluisti : quique duo testamenta constituens, figuram veteris sacrificii per testamentum novum immolatione tui corporis complevisti ; da nobis, ut intellectu prudentiæ angelicis Potestatibus, quasi aquis superioribus sociemur, et semper ad superna tendamus : qualiter ita solidamentum utriusque legis in corde nostro præpolleat, ut resurrectionis tuæ potentia ad gaudia nos pertrahat infinita.O Christ, notre Dieu, qui, au second jour, créant le firmament, indiquez par avance la fermeté et solidité des saintes Écritures, sur lesquelles repose l’Église ; et qui, séparant les eaux des eaux, indiquez la distance qui sépare le peuple céleste des Anges de la faible et intérieure race des hommes ; vous qui, auteur des deux Testaments, avez accompli la figure de l’antique sacrifice, en scellant la nouvelle alliance par l’immolation de votre corps ; donnez- nous d’être associés par l’intelligence et la sagesse aux Puissances angéliques, comme aux eaux supérieures, et de tendre toujours vers ce qui est élevé ; afin que la solidité des deux lois étant établie dans notre cœur, la vertu de votre résurrection nous attire jusqu’aux joies infinies.

Empruntons, pour terminer cette journée, la voix des Églises antiques qui célèbrent à l’envi le haut mystère de la Résurrection. L’Église Ambrosienne nous fournira d’abord la belle Préface qu’elle emploie au jour de Pâques.

PRÉFACE.
Vere quia dignum et justum est, æquum et salutare, nos tibi, sancte Deus omnipotens, gratias agere, nos devotas laudes referre, Pater inclyte, omnium Auctor et Conditor. Quia, cum Dominus esset majestatis Christus Jesus Filius tuus, ob liberationem humani generis crucem subire dignatus est. Quem dudum Abraham præfigurabat in filio, turba mosaica immaculati agni immolatione signabat. Ipse est enim, quem sacra tuba cecinerat Prophetarum : qui omnium peccata portaret, aboleret et crimina. Hoc est illud Pascha, Christi nobilitatum cruore, in quo fidelis populus præcipua devotione exsultat. O mysterium gratia plenum ! O ineffabile divini muneris sacramentum ! O solemnitatum omnium honoranda solemnitas ! In qua, ut servos redimeret, mortalibus se præbuit occidendum. Quam utique beata mors, quæ mortis nodos resolvit ! Jam nunc sentiat se tartareus princeps attritum : et nos de profundi labe educti ad cœleste Regnum conscendisse gratulemur.Il est véritablement juste et raisonnable, équitable et salutaire, ô Dieu saint et tout-puissant, que nous vous rendions grâces, que nous célébrions avec amour vos louanges, auguste Père, auteur et créateur de toutes choses ; car votre Fils Jésus-Christ, qui était le Seigneur de majesté, a daigné souffrir le supplice de la croix pour la délivrance du genre humain. C’est lui qu’autrefois Abraham figurait dans son fils, et que le peuple instruit par Moïse présageait dans l’immolation de l’Agneau sans tache. C’est lui que célébrait la trompette sacrée des Prophètes, comme celui qui devait prendre sur lui le péché et abolir le crime. Voici donc la Pâque illustrée par le sang du Christ, dans laquelle le peuple fidèle se livre aux transports d’une piété solennelle. O mystère plein de la grâce ! O arcane ineffable de la divine munificence ! O solennité plus digne d’honneur que toutes les solennités, et dans laquelle le Christ, pour racheter des esclaves, s’est laissé mettre à mort par la main des hommes ! Heureuse mort qui a rompu les nœuds de la mort ! Il se sent maintenant brisé, le prince infernal ; pour nous, arrachés à l’abîme, félicitons-nous d’être montés au céleste royaume.

Nous ajouterons celte autre Préface, dans laquelle l’ancienne Église des Gaules célébrait le mystère de notre Agneau pascal.

IMMOLATION.
Dignum et justum est, nos tibi gratias agere, omnipotens sempiterne Deus, per Jesum Christum Filium tuum Dominum nostrum. Per quem humanum genus vivificans, Pascha etiam per Moysen et Aaron famulos tuos Agni immolatione jussisti celebrari : consequentibus temporibus usque ad adventum Domini nostri Jesu Christi (qui sicut agnus ad victimam ductus est) eamdem consuetudinem in memoriam observare præcepisti. Ipse est Agnus immaculatus, qui prioris populi prima Pascha in Egypto fuerat immolatus. Ipse est aries in vertice montis excelsi de vepre prolatus, sacrificio destinatus. Ipse est vitulus saginatus, qui in tabernaculo patris nostri Abrahæ propter hospites est victimatus. Cujus Passionem et Resurrectionem celebramus, cujus et adventum speramus.Il est digne et juste que nous vous rendions grâces, ô Dieu tout-puissant et éternel, par Jésus-Christ votre Fils, notre Seigneur, de ce que, voulant rendre la vie au genre humain, vous ordonnâtes à vos serviteurs, par Moïse et Aaron, de célébrer la Pâque en immolant l’agneau. Vous étendîtes ce précepte à la suite des temps, jusqu’à l’avènement de noire Seigneur Jésus-Christ, qui a été conduit comme un agneau à l’autel. C’est lui qui est, en effet, l’Agneau sans tache qui fut immolé en Égypte comme la première Pâque du premier peuple. Il est ce bélier tiré du buisson, au sommet de la montagne, et destiné au sacrifice. Il est ce veau gras mis à mort sous la tente de notre père Abraham, pour être servi à ses hôtes ; c’est lui dont nous célébrons la Passion et la Résurrection, et dont nous attendons le dernier Avènement.

Enfin, nous terminerons par cette admirable Séquence d’Adam de Saint-Victor, si connue et si aimée des fidèles de la France au moyen âge ; elle respire toutes les grandeurs et toute la joie de la Pâque.

SÉQUENCE.
Salve, dies dierum gloria,
Dies felix Christi victoria,
Dies digna jugi lætitia,
Dies prima !
Salut, ô jour, la gloire des jours ; jour fortuné où triomphe le Christ ; jour destiné à l’allégresse éternelle ; salut, premier des jours !
Lux divina cæcis irradiat,
In qua Christus infernum spoliat,
Mortem vincit et reconciliat
Summis ima.
La lumière divine vient luire aux yeux des aveugles ; le Christ enlève les dépouilles de l’enfer, il abat la mort et réconcilie le ciel et la terre.
Sempiterni regis sententia
Sub peccato conclusit omnia,
Ut infirmis superna gratia
Subveniret.
La sentence du roi éternel a soumis tous les êtres d’ici-bas à la loi du péché ; la grâce céleste peut seule subvenir à nos maux.
Dei Virtus et Sapientia
Temperavit iram clementia,
Cum jam mundus in præcipitia
Totus iret.
Mais lorsque le monde tout entier allait rouler dans l’abîme, celui qui est en Dieu Vertu et Sagesse est venu par sa clémence adoucir les décrets de la colère.
Insultabat nostræ miseriæ
Vetus hostis, auctor malitiæ,
Quia nulla spes erat veniæ
De peccatis.
L’ancien ennemi, auteur du mal, insultait à notre misère ; car nos péchés étaient sans espoir de pardon.
Desperante mundo remedium,
Dum tenerent cuncta silentium,
Deus Pater emisit Filium
Desperatis.
Le monde éploré désespérait du remède, lorsque Dieu le Père, à l’heure où le silence planait sur toute la nature, daigna envoyer son Fils au secours des désespérés.
Prædo vorax, monstrum tartareum,
Carnem videns, nec cavens laqueum,
In latentem ruens aculeum
Aduncatur.
Le monstre ravissant, le serpent infernal aperçoit la chair, et, ne soupçonnant pas le piège, se jette avidement sur l’hameçon caché sous l’appât ; sa gueule en est déchirée.
Dignitatis primæ conditio
Reformatur nobis in Filio,
Cujus nova nos resurrectio
Consolatur.
Notre condition première est rétablie dans le Fils de Dieu, dont la Résurrection renouvelle en ces jours notre consolation.
Resurrexit liber ab inferis
Restaurator humani generis,
Ovem suam reportans humeris
Ad superna.
Il est sorti libre du tombeau, le restaurateur du genre humain, portant sur ses épaules sa brebis, et l’enlevant jusqu’au ciel.
Angelorum pax fit et hominum ;
Plenitudo succrescit ordinum ;
Triumphantem laus decet Dominum,
Laus æterna.
La concorde est rétablie entre les Anges et les hommes ; les rangs décimés de la milice céleste vont être remplis : louange au Seigneur qui triomphe, louange éternelle !
Harmoniæ cœlestis patriæ.
Vox concordet matris Ecclesiæ ;
Alleluia frequentet hodie
Plebs fidelis.
Église mère, unis ta voix au concert de la patrie céleste ; peuple fidèle, répète aujourd’hui Alléluia.
Triumphato mortis imperio,
Triumphali fruamur gaudio :
In terra pax, et jubilatio
Sit in cœlis ! Amen.
L’empire de la mort a succombé : partageons les joies du triomphe ; paix sur la terre, au ciel jubilation ! Amen.

Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

Station à Saint-Pierre.

Tandis que les autres fêtes de l’année, Noël, l’Épiphanie, la Pentecôte, duraient, dans l’antiquité, trois ou quatre jours à peine, c’était la caractéristique de la solennité pascale de se prolonger toute une semaine, ne se terminant que le samedi in Albis, afin que le dimanche suivant, les néophytes déposassent leurs blanches tuniques baptismales. Durant tout ce temps, c’était, à Rome, comme une fête continuelle. On suspendait les affaires, les tribunaux étaient fermés, les noces étaient renvoyées à plus tard ; chaque matin on allait célébrer la station aux basiliques les plus célèbres de la ville, et l’après-midi le peuple se rassemblait de nouveau dans la basilique du Latran, pour accompagner de là en procession les néophytes jusqu’au baptistère et aux différents oratoires qui entouraient ce sanctuaire.

Après la station d’hier à Sainte-Marie-Majeure il faut aller dès aujourd’hui à Saint-Pierre, car il convient de se hâter de conduire au Pastor Ecclesiæ ceux que la liturgie appelle Agni novelli, qui annuntiaverunt alléluia [29], et aussi parce que saint Pierre fut le premier des Apôtres qui mérita de voir le Rédempteur ressuscité. Les lectures scripturaires de la messe et le répons de l’office vespéral, Surrexit Dominus vere et apparuit Simoni [30], nous attestent la vive foi de l’Apôtre, auprès de qui l’Église romaine veut comme renouveler aujourd’hui la fête pascale.

L’antienne d’introït, précédant le psaume 104, s’inspire de l’Exode (XIII, 5, 9) et s’adresse aux néophytes : « Le Seigneur vous a introduits dans une terre où coulent le lait et le miel ; Alléluia ; que la loi du Seigneur soit toujours sur vos lèvres ; Alléluia, etc. » Ps. « Confessez le Seigneur et invoquez son nom ; portez aux Gentils l’annonce de ses œuvres. »

La collecte célèbre le Sacrement pascal, qui apporte au monde la rédemption. L’Israël selon l’esprit est sorti de la servitude d’Égypte. Que le Seigneur se fasse donc le gardien de cette liberté reconquise.

En ce jour, c’est Pierre lui-même qui fait les honneurs de la maison dans sa propre basilique. C’est pourquoi il prend la parole et annonce aux néophytes la gloire de la résurrection du Christ (Act., X, 37-43). La mission de Jésus, dit l’Apôtre, est parfaitement accréditée. Tous les prophètes lui rendent témoignage : Dieu l’a rempli du Saint-Esprit et de puissance, Il a passé à travers le monde en faisant du bien à tous et en guérissant les malades. Les Juifs l’ont crucifié mais Dieu a anéanti leur condamnation en ressuscitant le Christ, comme ont pu le constater des témoins choisis et compétents, qui ont même pris leurs repas avec Lui. Conformément à l’unanime enseignement des prophètes, le Seigneur a constitué Jésus rédempteur et juge universel, en sorte que, pour être sauvés, tous ont l’obligation de le reconnaître en cette double qualité de rédempteur et de juge et de régler leur vie en conséquence. Exposition brève, mais dense et complète, du mystère de la rédemption chrétienne, à ce point que les différents membres de la démonstration de la thèse, convenablement développés, pourraient être le sujet d’un magnifique ouvrage d’apologétique chrétienne.

Suit le répons-graduel, tiré, comme hier, du psaume 117.

Le verset alléluiatique est tiré de l’Évangile de la vigile pascale : « L’Ange du Seigneur descendit du ciel, et s’approchant, renversa la pierre et il se tenait assis sur elle. » Séquence : « A la victime pascale, etc. »

La lecture suivante (Luc., XXIV, 13-35) à la fin de laquelle est mentionnée l’apparition du Rédempteur à Pierre, se rapporte en réalité à la soirée du jour de Pâques. Toutefois comme hier, à l’office vespéral, il n’y aurait pas eu de place pour une lecture évangélique, c’est aujourd’hui qu’on la fait, dans la basilique même dédiée au Prince du collège apostolique.

Cléophas est probablement le cousin du Sauveur ; l’autre disciple n’est pas nommé ; certains l’identifient avec saint Luc. Ces deux disciples qui sont profondément affligés par la mort de Jésus, mais, en même temps, méritent de lui le reproche d’être insensés et rebelles à ajouter foi au mystère de la Croix, symbolisent opportunément cette forme de piété sentimentale si commune de nos jours, ces âmes qui cherchent des émotions religieuses mais se refusent à comprendre le lien nécessaire et indispensable qui unit le sacrifice et la résurrection, la croix et le salut.

Et cognoverunt eum in fractione panis. Jésus consacra-t-il la sainte Eucharistie à Emmaüs, et fut-ce grâce au Sacrement qu’il se révéla aux deux disciples ? C’est probable, car le terme fractio panis est traditionnel chez saint Luc, pour désigner ordinairement la fraction rituelle du Pain eucharistique. En outre, il est dit que Jésus accepit panem, benedixit ac fregit, exactement comme à la dernière Cène. De même que le Sauveur lors de celle-ci avait été le premier à recevoir l’Eucharistie, ainsi, selon toute probabilité, fit-il après sa résurrection. En ce nouvel état, comme aujourd’hui à Emmaüs, il but réellement du nouveau suc de la vigne avec les Apôtres puisque le mystère figuré le jeudi saint s’était déjà réalisé et que l’ère messianique avait eu son accomplissement. Il est donc probable que les deux disciples reconnurent précisément Jésus ressuscité quand ils le virent répéter la scène sacramentelle du jeudi précédent.

Le verset de l’offertoire est tiré du texte évangélique de saint Matthieu : « L’Ange du Seigneur descendit du ciel et dit aux femmes : Qui cherchez-vous ? Il est ressuscité, comme il vous l’a dit. Alléluia. »

L’importance dogmatique que prend le saint Sépulcre de Jésus réside en ceci, que le mort n’y est plus : la tombe est vide parce que Jésus est ressuscité.

La collecte sur les oblations est la même que le jour de Pâques.

Le verset pour la Communion est tiré de la lecture évangélique de ce jour : « Le Seigneur est ressuscité et il est apparu à Pierre. Alléluia. »

Il apparut séparément à Pierre pour plusieurs raisons : pour épargner sa confusion après son péché de reniement, et surtout parce que Pierre devait être le point d’appui de la foi catholique. Il convenait donc que la révélation de la résurrection, qui met le sceau divin sur l’œuvre messianique de Jésus, fût faite d’abord à Pierre. C’est pourquoi les autres Apôtres, avant même d’avoir vu Jésus de leurs yeux, crurent à sa résurrection à cause de l’infaillible magistère et du témoignage de Pierre. Pierre avait vu, il enseignait ainsi, et l’Église formulait son premier symbole, s’associant à la foi du premier Apôtre et disant : « Le Seigneur est vraiment ressuscité et il est apparu à Pierre. »

La collecte après la Communion est la même qu’hier. De même que dans les maisons la table domestique réunit tous les membres de la famille, ainsi l’Eucharistie est le signe visible de l’unité de la famille catholique, et du dogme de la Communion des Saints. Nous participons tous à un même sacrifice, offert au nom de la communauté catholique par les mains de nos pasteurs légitimes. Cela explique pourquoi l’esprit de l’Église pousse les fidèles à la communion collective au cours de la messe paroissiale, capitulaire et épiscopale. Le fruit que nous rapportons de la sainte Table est en effet cet esprit d’intime union d’âme, de cœur et de volonté avec Jésus-Christ, avec l’Église et avec nos frères.

Surrexit Dominus et apparuit Simoni : Voilà le premier symbole de foi que répète l’Église au soir même du jour de Pâques. Encore à présent, Pierre seul a la divine mission de nous transmettre d’une manière infaillible le dépôt des vérités révélées ; et la communauté catholique, comme jadis les Apôtres, donne une pleine adhésion à la foi de Pierre.

Pour rappeler le symbolisme de cette première apparition à Pierre, durant le moyen âge le Pontife se rendait aujourd’hui en cortège solennel sur la tombe de l’Apôtre pour y célébrer la messe stationnale.

En ces temps, il n’était pas rare que, pour la fête de Pâques, l’empereur ou d’autres princes et rois se trouvassent à Rome, et les historiens nous disent ordinairement qu’à cette occasion, ces souverains, par un geste de pieuse sujétion, soutenaient l’étrier et tenaient les brides du destrier du Pape. Après la messe, le Pontife ceignait la tiare et retournait triomphalement au Latran ; au peuple qui se pressait en foule le long de la route, aux cardinaux, au clergé inférieur, il faisait de larges distributions de monnaie. Dès que le cortège avait franchi le pont d’Hadrien, il était acclamé par les représentants de la colonie juive de Rome, qui, pour récompense, demandaient la protection pontificale pour leur peuple. Le Pape leur faisait distribuer de l’argent à eux aussi, et leur promettait justice et défense contre toute vexation. La procession, qui s’était arrêtée quelques instants pour accueillir la requête des Israélites, reprenait ensuite son chemin dans la direction du Latran ; le cortège gravissait d’abord le Capitole, puis descendait au Forum par le Clivus Argentarius ; il passait sous les arcs de triomphe de Septime-Sévère et de Titus ; arrivé à la Meta Sudans, il laissait à gauche l’arc de Constantin, et se dirigeant vers le colosse de Néron, il entrait dans la via Sancta qui conduisait directement au Latran.

Le spectacle de cette pompe religieuse à travers les ruines de la grandeur de Rome impériale devait être indescriptible. Le Pontife couronné, son cheval tenu en bride par les autorités les plus augustes de la terre ; le groupe nombreux des évêques et des cardinaux, sous leurs imposants vêtements sacerdotaux, entourant le Pape ; les clercs inférieurs, à mesure que le Pontife passait devant les diverses églises de la cité, sortant joyeusement à sa rencontre en balançant les encensoirs aux nuages parfumés ; le peuple compact, serré le long des rues, tout cela devait rappeler à ceux qui en étaient témoins la prophétie de Daniel, au sujet de la petite pierre détachée de la montagne, qui devait broyer des royaumes colossaux, et fonder un empire qui serait éternel.

Après cette marche triomphale, quel chant était plus approprié à la circonstance que celui qu’exécutaient les chantres devant les portes du Patriarchium, tandis que le Pape descendait de son palefroi : Christus vincit, Christus regnat, Christus imperat !

Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique

STATION A SAINT-PIERRE

Alors leurs yeux s’ouvrirent et ils le reconnurent.

L’Église, aujourd’hui, en nous faisant parcourir l’Évangile des disciples d’Emmaüs, nous mène de la tristesse de la Semaine Sainte à l’allégresse pascale. Puis, les néophytes et nous, nous nous rendons, dans la joie pascale, auprès de saint Pierre, le premier pape, qui, après l’amer carême du reniement, put célébrer Pâques dans le bonheur. C’est avec lui et les disciples d’Emmaüs que nous célébrerons Pâques à notre tour.

1. L’office des Heures. — Pendant la veillée nocturne, nous méditons le charmant Évangile ; le matin, cet Évangile se réalise pour nous dans la grâce. Les matines sont entièrement dominées par l’Évangile des disciples d’Emmaüs. Nous lisons une belle homélie de saint Grégoire. Il la prêcha « au peuple, dans la basilique du saint Apôtre Pierre, le lundi de Pâques ». Elle est courte et riche de pensées.

« Comme la fête d’aujourd’hui vous demande beaucoup de temps, je veux vous parler brièvement. Peut-être que ces quelques mots seront d’une plus grande utilité, car il arrive souvent qu’on absorbe avec plus d’appétit une nourriture réduite. Je me suis proposé d’expliquer le sens de l’Évangile d’aujourd’hui en général et non en particulier, de peur qu’un exposé complet ne soit importun à votre charité. Vous avez entendu, très chers frères, comment le Seigneur apparut à deux disciples qui suivaient leur chemin. Ces disciples ne croyaient pas en lui, mais cependant ils parlaient de lui. Il ne se montra pas à eux sous la forme qui leur aurait permis de le reconnaître. Le Seigneur fit donc extérieurement devant les yeux de leur corps ce qui se passait intérieurement devant les yeux de leur cœur. En effet, ils aimaient et doutaient intérieurement. De même, le Seigneur leur était extérieurement présent, mais il ne montrait pas qui il était. Parce qu’ils parlaient de lui, il leur accorda sa présence ; mais parce qu’ils doutaient de lui, il leur cacha la forme qui l’aurait fait reconnaître. Il parla avec eux, blâma la dureté de leur cœur, leur ouvrit les mystères de la Sainte Écriture qui traitaient de lui ; cependant, comme, dans leur cœur, il était un étranger, il fit comme s’il voulait continuer sa route. Avec cette manière d’agir, la divine Vérité qui est simple n’a rien fait d’équivoque. Car le Seigneur se montrait extérieurement à ses disciples tel qu’il était dans leur cœur. Il fallait qu’ils soient éprouvés et montrent si, tout en ne l’aimant pas encore comme Dieu, ils étaient capables de l’aimer au moins comme étranger. Mais comme ceux qui marchent en compagnie de la Vérité ne peuvent pas être loin de l’amour, ils l’invitèrent comme un étranger. Mais pourquoi disons-nous : Ils l’invitèrent, alors qu’il est écrit : « Ils le forcèrent » ? Cet exemple nous enseigne qu’il ne faut pas seulement inviter les étrangers à l’hospitalité, mais véritablement les forcer... Ils préparent la table, apportent les aliments, et Dieu, qu’ils n’avaient pas reconnu pendant l’explication de l’Écriture, ils le reconnaissent à la fraction du pain. Ils furent ainsi éclairés non par l’audition des commandements de Dieu, mais par l’action. L’Écriture ne dit-elle pas : « Ce ne sont pas les auditeurs de la loi qui sont justes, mais ce sont les observateurs de la loi qui sont justifiés » [31]. Que celui donc qui veut comprendre la loi se hâte de mettre en œuvre ce qu’il a pu saisir. Voyez, le Seigneur ne fut pas reconnu quand il parlait, mais il se fit reconnaître quand il eut reçu l’hospitalité. C’est pourquoi, très chers frères, cultivez l’hospitalité, aimez à pratiquer les œuvres de charité. Saint Paul ne dit-il pas : « Persévérez dans l’amour fraternel. N’oubliez pas l’hospitalité. Quelques-uns, en la pratiquant, ont, sans le savoir, logé des anges » [32] ? Saint Pierre écrit, lui aussi : « Soyez hospitaliers les uns envers les autres, sans murmure » [33]. Et la divine Vérité dit elle-même : « J’étais étranger et vous m’avez reçu » [34]. Une histoire très digne de foi, qui nous a été transmise par nos anciens, raconte : « Un père de famille exerçait avec zèle l’hospitalité, ainsi que toute sa maison. Comme il invitait chaque jour des étrangers à sa table, il vint un jour un étranger parmi d’autres et, lui aussi, fut conduit à table. Le maître de maison s’empressait pour lui verser de l’eau sur les mains ; il se détourna pour prendre l’aiguière, mais il s’aperçut soudain que l’étranger sur les mains duquel il voulait verser de l’eau n’était plus là Il en fut très étonné, mais, dans la nuit suivante, le Christ lui apparut et lui dit : « Les autres jours, tu m’as reçu dans mes membres ; mais, hier, tu m’as reçu moi-même ». Oui, quand il viendra un jour pour le jugement, il dira « Ce que vous avez fait au plus petit parmi les miens, c’est à moi que vous l’avez fait » [35]. Voyez : si, avant le jugement, il reçoit l’hospitalité dans ses membres, il visite personnellement ceux qui le reçoivent. Et pourtant nous mettons si peu de zèle à pratiquer l’hospitalité. Songez donc, mes frères, quelle grande vertu est l’hospitalité ! Invitez le Christ à votre table afin d’être invités par lui au festin éternel. Offrez maintenant l’hospitalité au Christ étranger ; alors, au jugement dernier, il ne vous traitera pas comme des étrangers qu’il ne connaît pas, mais comme les siens, et il vous recevra dans le royaume du ciel. Qu’il nous aide à cela, lui qui est Dieu et règne pendant les siècles des siècles. Ainsi soit-il ».

Que nous devions, pendant toute la journée, rester sous l’impression du mystère d’Emmaüs, c’est ce que nous disent les antiennes directrices du jour. Au lever du soleil, nous chantons : « Jésus s’approcha de ses disciples et marcha avec eux, mais leurs yeux étaient aveuglés pour qu’ils ne le reconnaissent pas, et il les réprimanda en leur disant : Ô hommes sans intelligence et dont le cœur est lent à croire tout ce qu’ont dit les Prophètes. Alléluia ». Le soir, nous chantons : « De quoi vous entretenez-vous ainsi en chemin et pourquoi êtes vous tristes ? Alléluia ». Nous remarquerons que cette scène d’Emmaüs occupe l’Église pendant tout le temps pascal dans ses antiennes directrices. Un mot est particulièrement cher à l’Église et elle le chante tous les soirs du temps pascal : « Reste avec nous, Seigneur, car il se fait tard ».

2. La messe (Introduxit). — La station est aujourd’hui à Saint-Pierre. C’est pourquoi l’Apôtre se tient devant nous dès l’Introït. Il nous parle comme le Moise de la nouvelle Alliance : « Le Christ vous a introduits (vous, les néophytes) dans la terre où coulent le lait et le miel » (après la communion, on présentait aux néophytes du lait et du miel). Pendant le temps pascal, nous devons avoir l’impression de nous trouver dans la terre promise. Cependant, saint Pierre nous donne aussi un avertissement : Que la doctrine du Christ soit dans vos cœurs ! On dirait qu’une larme coule sur la joue de l’Apôtre et qu’il nous raconte sa chute (prières graduelles et Kyrie). A l’Oraison, l’Église demande pour nous la liberté complète de l’âme : l’exil est terminé ; l’âme exilée a déposé le vêtement de pénitence pour revêtir la robe de fête des libres enfants de Dieu. Mais avons-nous déjà la liberté complète ? Qui peut dire qu’il a entièrement brisé le joug de Satan ?

Dans la leçon, « Pierre se lève au milieu du peuple » et nous parle. Il a adressé ces paroles autrefois aux premiers chrétiens de la Gentilité (baptême du centurion Corneille). Toute la vie du Christ passe devant nos yeux : le Sauveur, le Bon Pasteur, mais aussi l’Homme de douleurs, le Ressuscité et enfin le Juge au moment de son retour. Pierre parle du Maître qu’il aime ardemment, pour lequel, un jour, il mourra sur la croix, pour lequel il a versé des ruisseaux de larmes. Il veut graver dans nos cœurs le nom du Seigneur.

Ensuite, l’ange du ciel (le diacre) descend vers nous (Grad.) et nous annonce l’Évangile, d’une beauté incomparable. Luc nous peint la scène d’une manière si vivante qu’il nous semble que nous en sommes témoins. Aucun Évangile ne peut nous décrire plus magnifiquement le passage de la Semaine Sainte à la joie pascale. Les disciples s’en vont tristement, par ce matin de printemps ; le Sauveur vient à eux sans se faire connaître ; il les console si bien que leur cœur « est brûlant » au-dedans d’eux-mêmes ; il se fait reconnaître à la « fraction du pain ».

A l’Offrande, nous tenons la place des saintes femmes qui se hâtent au tombeau, avec leurs aromates, pour honorer le corps du Seigneur. Nous aussi, nous apportons des dons à l’autel et, de même que les saintes femmes attendaient le Ressuscité, nous attendons le Sauveur eucharistique glorifié. Dans le saint sacrifice, la scène d’Emmaüs se réalise pour nous ; nous sommes les disciples qui reconnaissons le Seigneur à la « fraction du pain ». Nous sommes aussi Pierre (Comm.) à qui le Seigneur est apparu.

[1] Ex. 3, 14.

[2] Ps. 1, 2.

[3] La première partie de cette Antienne se rapporte à la nature divine de Notre-Seigneur, la seconde à sa nature humaine. Le 1er Psaume nous rappelle que le Christ, l’Homme nouveau a suivi fidèlement la loi du Seigneur, transgressée par le premier homme et que le Seigneur l’a comblé de gloire en ce jour de la Résurrection. Le 2e Psaume nous montre le complot de la Synagogue contre Jésus : les Juifs ont pu immoler le Messie qui devait les sauver ; ils n’ont pu l’enchaîner dans le sépulcre. Le 3e Psaume est une prophétie de la Résurrection du Christ : il s’est endormi dans le tombeau, mais le Seigneur l’a réveillé, et il sera toujours vainqueur de ceux qui s’élèveront contre lui.

[4] Ps. 2, 8.

[5] Ps. 3, 6.

[6] Matth. 28, 1.

[7] Matth. 28, 3.

[8] Marc. 16, 2.

[9] Jean. 10, 11.

[10] Cor. 5, 7.

[11] Rom. 2, 13.

[12] Toutes les antiennes sont de Matth. 28, 2-5

[13] « Le jour de la résurrection du Seigneur est appelé le jour que le Seigneur a fait, soit parce que le Christ ressuscitant l’a éclairé comme soleil de justice, soit parce que Dieu se l’est consacré d’une manière particulière » (St Bellarmin), soit encore parce que le triomphe du Seigneur a marqué le début de l’ère chrétienne qui peut bien s’appeler le jour du salut.

[14] Luc. 24, 15.

[15] Luc. 24, 17.

[16] Apoc. VII, 14.

[17] Apoc. V, 5.

[18] Matth. XXVIII, 18.

[19] In Sanctam Parasceven, et in Crucem et latronem.

[20] Sermo I. de Resurrectione.

[21] Genes, XLIX, 9.

[22] Apoc. V, 12.

[23] De Sermone Domini in Monte.

[24] Homil. V. de Resurrectione.

[25] Canon II. LABBE, t. V.

[26] Matth. X, 24.

[27] Rom. VIII, 18.

[28] Lib. IV, C. XIV.

[29] « Les nouveaux petits agneaux qui annoncèrent l’Alléluia. »

[30] « Le Seigneur est vraiment ressuscité et il est apparu à Simon. » (Luc., XXIV, 34.)

[31] Rom., II, 13.

[32] Hébr., XIII, 1 sq.

[33] 1 Pierre, IV, 9.

[34] Math., XXV, 35.

[35] Math., XXV, 40.