Avant 1960, on célébrait aujourd’hui Notre-Dame des Sept-Douleurs, désormais on n’en fait que mémoire à la messe après l’oraison de la férie, sauf si des exercices particuliers de piété sont accomplis : alors on peut dire la messe de la fête.
Les commentaires sur la fête de Notre-Dame des Sept-Douleurs au temps de la Passion se trouvent avec les textes de la messe ici.
Textes de la Messe |
Office |
Dom Guéranger, l’Année Liturgique |
Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum |
Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique |
Chaque jour de cette semaine de la Passion, l’Église de Rome choisit comme lieu de réunion le sanctuaire d’un martyr. La Station se faisait dans l’église de St-Étienne au mont Cœlius, dite St-Étienne le Rond, à cause de sa forme circulaire. Elle fut dédiée au Ve siècle au premier des martyrs dont les reliques venaient d’être apportées à Rome. Ce saint fut le premier martyr ou témoin du Christ. En mourant il déclara qu’il voyait Jésus à la droite du Père dans le ciel. Il convenait donc de se réunir dans sa basilique en ce saint Temps consacré au souvenir de la Passion du Sauveur et qui nous prépare à célébrer le triomphe de Jésus à Pâques.
Ant. ad Introitum. Ps. 30, 10, 16 et 18. | Introït |
Miserére mihi, Dómine, quóniam tríbulor : líbera me, et éripe me de mánibus inimicórum meórum et a persequéntibus me : Dómine, non confúndar, quóniam invocávi te. | Ayez pitié de moi, Seigneur, car je suis très affligé, délivrez-moi et arrachez-moi de la main de mes ennemis et de mes persécuteurs. Seigneur, que je ne sois pas confondu, car je vous ai invoqué. |
Ps. ib., 2. | |
In te, Dómine, sperávi, non confúndar in ætérnum : in iustítia tua libera me. Miserére mihi. | J’ai espéré en vous, Seigneur, que je ne sois jamais confondu ; dans votre justice, délivrez-moi. |
Oratio. | Collecte |
Córdibus nostris, quǽsumus, Dómine, grátiam tuam benígnus infúnde : ut peccáta nostra castigatióne voluntária cohibéntes, temporáliter pótius macerémur, quam súppliciis deputémur ætérnis. Per Dóminum. | Daignez, Seigneur, dans votre bonté, répandre votre grâce en nos cœurs ; afin que, réprimant nos péchés par les châtiments volontaires, nous souffrions des peines temporelles, plutôt que d’être condamnés aux supplices éternels. Par Notre-Seigneur. |
Léctio Ieremíæ Prophétæ. | Lecture du Prophète Jérémie. |
Ier. 17, 13-18. | |
In diébus illis : Dixit Ieremías : Dómine, omnes, qui te derelínquunt, confundéntur : recedéntes a te in terra scribéntur : quóniam dereliquérunt venam aquárum vivéntium Dóminum. Sana me. Dómine, et sanábor : salvum me fac, et salvus ero : quóniam laus mea tu es. Ecce, ipsi dicunt ad me : Ubi est verbum Dómini ? Véniat. Et ego non sum turbátus, te pastórem sequens : et diem hóminis non desiderávi, tu scis. Quod egréssum est de lábiis meis, rectum in conspéctu tuo fuit. Non sis tu mihi formídini, spes mea tu in die afflictiónis. Confundántur, qui me persequúntur, et non confúndar ego : páveant illi, et non páveam ego. Induc super eos diem afflictiónis, et dúplici contritióne cóntere eos, Dómine, Deus noster. | En ces jours-là, Jérémie dit : Seigneur, tous ceux qui vous abandonnent seront confondus ; ceux qui se retirent de vous seront écrits sur la terre, parce qu’ils ont abandonné le Seigneur, la source des eaux vives. Guérissez-moi, Seigneur, et je serai guéri ; sauvez-moi, et je serai sauvé, car vous êtes ma gloire. Voici qu’ils me disent : Où est la parole du Seigneur ? Qu’elle s’accomplisse. Et moi je n’ai pas été troublé en vous suivant comme mon pasteur, et je n’ai pas désiré le jour de l’homme, vous le savez : ce qui est sorti de mes lèvres a été droit devant vous. Ne soyez pas pour moi un sujet d’effroi vous qui êtes mon espérance au jour de l’affliction. Que ceux qui me persécutent soient confondus, et que je ne sois pas confondu moi-même ; qu’ils aient peur, et que je n’aie pas peur ; faites venir sur eux le jour du malheur, et brisez-les d’un double brisement, ô Seigneur notre Dieu. |
Graduale. Ps. 34, 20 et 22. | Graduel |
Pacífice loquebántur mihi inimíci mei : et in ira molésti erant mihi. | En m’adressant des paroles de paix mes ennemis dans leur colère méditaient de perfides desseins. |
V/. Vidísti, Dómine, ne síleas : ne discédas a me. | Vous avez vu, Seigneur ; ne restez pas en silence ; ne vous éloignez pas de moi. |
Tractus. Ps. 102, 10. | Trait. |
Dómine, non secúndum peccáta nostra, quæ fécimus nos : neque secúndum iniquitátes nostras retríbuas nobis. | Seigneur, ne nous traitez pas selon nos péchés, et ne nous punissez pas selon nos iniquités. |
V/.Ps. 78, 8-9. Dómine, ne memíneris iniquitátum nostrarum antiquarum : cito antícipent nos misericórdiæ tuæ, quia páuperes facti sumus nimis. | Seigneur, ne vous souvenez plus de nos anciennes iniquités ; que vos miséricordes viennent en hâte au-devant de nous, car nous sommes réduits à la dernière misère. |
(Hic genuflectitur) V/. Adiuva nos, Deus, salutáris noster : et propter glóriam nóminis tui, Dómine, libera nos : et propítius esto peccátis nostris, propter nomen tuum. | On se met à genoux V/. Aidez-nous, ô Dieu notre Sauveur, et pour la gloire de votre nom, Seigneur, délivrez-nous et pardonnez-nous nos péchés, à cause de votre nom. |
+ Sequéntia sancti Evangélii secúndum Ioánnem. | Lecture du Saint Evangile selon saint Mathieu Luc Jean Marc. |
Ioann. 11, 47-54. | |
In illo témpore : Collegérunt pontífices et pharisǽi concílium advérsus Iesum, et dicébant : Quid fácimus, quia hic homo multa signa facit ? Si dimíttimus eum sic, omnes credent in eum : et vénient Románi, et tollent nostrum locum et gentem. Unus autem ex ipsis, Cáiphas nómine, cum esset póntifex anni illíus, dixit eis : Vos nescítis quidquam, nec cogitátis, quia expédit vobis, ut unus moriátur homo pro pópulo, et non tota gens péreat. Hoc autem a semetípso non dixit : sed cum esset póntifex anni illíus, prophetávit, quod Iesus moritúrus erat pro gente, et non tantum pro gente, sed ut fílios Dei, qui erant dispérsi, congregáret in unum. Ab illo ergo die cogitavérunt, ut interfícerent eum. Iesus ergo iam non in palam ambulábat apud Iud.os : sed ábiit in regiónem iuxta desértum, in civitátem, quæ dícitur Ephrem, et ibi morabátur cum discípulis suis. | En ce temps-là, les Pontifes et les Pharisiens assemblèrent le conseil contre Jésus et ils disaient : Que ferons-nous ? Car cet homme fait beaucoup de miracles. Si nous le laissons agir ainsi, tous croiront en lui, et les Romains viendront, et ruineront notre ville et notre nation. Mais l’un d’eux, nommé Caïphe, qui était le grand-prêtre de cette année-là, leur dit : Vous n’y entendez rien, et vous ne réfléchissez pas qu’il vaut mieux pour vous qu’un seul homme meure pour le peuple, et que la nation entière ne périsse point. Or il ne dit pas cela de lui-même, mais, étant grand-prêtre cette année-là, il prophétisa que Jésus devait mourir pour la nation, et non seulement pour la nation, mais aussi pour rassembler en un seul corps les enfants de Dieu qui étaient dispersés. A partir de ce jour, ils pensaient donc à le faire mourir. C’est pourquoi Jésus ne se montrait plus ouvertement parmi les Juifs ; mais il s’en alla dans une région voisine du désert, dans une ville nommée Ephrem et il demeurait là avec ses disciples. |
Ant. ad Offertorium. Ps. 118, 12, 121 et 42. | Offertoire |
Benedíctus es, Dómine, doce me iustificatiónes tuas : et non tradas calumniántibus me supérbis : et respondébo exprobrántibus mihi verbum. | Vous êtes béni, Seigneur : enseignez-moi vos commandements ; ne me livrez pas aux superbes qui me calomnient : et je pourrai répondre à ceux qui m’insultent. |
Secreta. | Secrète |
Præsta nobis, miséricors Deus : ut digne tuis servíre semper altáribus mereámur ; et eórum perpétua participatióne salvári. Per Dóminum nostrum. | Accordez-nous, ô Dieu de miséricorde, que nous méritions de servir toujours dignement à vos autels et que nous soyons sauvés par la continuelle participation à ces mêmes sacrifices. Par N.-S. |
Præfatio de sancta Cruce. | Préface de la sainte Croix . |
Ant. ad Communionem. Ps. 26, 12. | Communion |
Ne tradíderis me. Dómine, in animas persequéntium me : quóniam insurrexérunt in me testes iníqui, et mentíta est iníquitas sibi. | Ne me livrez pas ; Seigneur, à la merci de ceux qui me persécutent : des témoins iniques se sont élevés contre moi et l’iniquité a menti contre elle-même. |
Postcommunio. | Postcommunion |
Sumpti sacrifícii, Dómine, perpetua nos tuítio non derelínquat : et nóxia semper a nobis cuncta depéllat. Per Dóminum. | Que la constante protection de ce sacrifice dont nous avons reçu la victime, ne nous fasse point défaut, ô Seigneur, et qu’elle écarte sans cesse de nous tout ce qui pourrait nous nuire. Par. |
Super populum : Orémus. Humiliáte cápita vestra Deo. | Sur le peuple : Prions. Humiliez vos têtes devant Dieu. |
Oratio. | Prière |
Concéde, quǽsumus, omnípotens Deus : ut, qui protectiónis tuæ grátiam quǽrimus, liberáti a malis ómnibus, secúra tibi mente serviámus. Per Dóminum. | Faites, nous vous en supplions, Dieu tout-puissant, que nous qui recherchons la faveur de votre protection, nous vous servions d’une âme confiante, étant délivrés de tous les maux. Par Notre-Seigneur Jésus-Christ. |
A MATINES
Invitatorium | Invitatoire |
Hódie, si vocem Dómini audiéritis, * Nolíte obduráre corda vestra. | Aujourd’hui si vous entendez la voix du Seigneur, * N’endurcissez pas vos cœurs. |
Pange, Lingua, gloriósi (matines de la Passion)
Lectio i | 1ère leçon |
Léctio sancti Evangélii secúndum Ioánnem | Lecture du saint Évangile selon saint Jean |
Cap. 11, 47-54 | |
In illo témpore : Collegérunt pontífices et pharisǽi concílium advérsus Iesum, et dicébant : Quid fácimus, quia hic homo multa signa facit ? Et réliqua. | En ce temps-là, les Pontifes et les Pharisiens assemblèrent le conseil contre Jésus et ils disaient : Que ferons-nous ? Car cet homme fait beaucoup de miracles. Et le reste. [1] |
Homilía sancti Augustíni Epíscopi | Homélie de saint Augustin, Évêque |
Tract. 49 in Ioannem, sub finem | |
Pontífices et pharisǽi sibi consulébant : nec tamen dicébant : Credámus. Plus enim pérditi hómines cogitábant, quómodo nocérent, ut pérderent, quam quómodo sibi consúlerent, ne perírent : et tamen timébant, et quasi consulébant. Dicébant enim : Quid fácimus, quia hic homo multa signa facit ? Si dimíttimus eum sic, omnes credent in eum : et vénient Románi, et tollent nostrum locum et gentem. Temporália pérdere timuérunt, et vitam ætérnam non cogitavérunt, ac sic utrumque amisérunt. | Les Pontifes et les Pharisiens délibéraient entre eux, mais ils ne disaient pas : Croyons en lui ; ces hommes pervers étaient bien plus préoccupés de la pensée de nuire à Jésus pour le perdre que des moyens d’éviter leur propre perte, et cependant ils craignaient et se consultaient. « Ils disaient : Que faisons-nous, car cet homme opère beaucoup de miracles ? Si nous le laissons ainsi, tous croiront en lui, et les Romains viendront et ruineront notre pays et notre nation. » Ils craignirent de perdre les biens temporels, et ils ne songèrent pas aux biens de la vie éternelle : c’est ainsi qu’ils perdirent les uns et les autres. |
R/. Deus meus es tu, ne discédas a me : * Quóniam tribulátio próxima est, et non est qui ádiuvet. | R/. Vous êtes mon Dieu [2], ne vous éloignez pas de moi : * Parce que la tribulation est proche, et il n’y a personne qui me porte secours. |
V/. Tu autem, Dómine, ne elongáveris auxílium tuum a me : ad defensiónem meam áspice. | V/. Mais vous [3], Seigneur, n’éloignez pas votre secours de moi, voyez à ma défense. |
R/. Quóniam tribulátio próxima est, et non est qui ádiuvet. | R/. Parce que la tribulation est proche, et il n’y a personne qui me porte secours. |
Lectio ii | 2e leçon |
Nam et Románi post Dómini passiónem et glorificatiónem tulérunt eis et locum et gentem, expugnándo et transferéndo : et illud eos séquitur, quod álibi dictum est : Fílii autem regni huius ibunt in ténebras exterióres. Hoc autem timuérunt, ne, si omnes in Christum créderent, nemo remanéret, qui advérsus Romános civitátem Dei templúmque defénderet : quóniam contra ipsum templum, et contra suas patérnas leges doctrínam Christi esse sentiébant. | En effet, après la passion et la glorification du Seigneur, les Romains leur enlevèrent leur ville qu’ils prirent d’assaut, et ruinèrent leur nation qu’ils emmenèrent en captivité. Ainsi se vérifia en eux cette prédiction : « Les enfants de ce royaume iront dans les ténèbres extérieures. » [4] Ils craignirent que si tous venaient à croire en Jésus-Christ, il ne restât personne pour défendre contre les Romains la cité de Dieu et le temple ; car ils pensaient que la doctrine de Jésus-Christ était contraire au temple, et aux lois données à leurs pères. |
R/. In te iactátus sum ex útero, de ventre matris meæ Deus meus es tu, ne discédas a me : * Quóniam tribulátio próxima est, et non est qui ádiuvet. | R/. C’est sur vous [5] que j’ai été jeté en sortant du sein maternel ; depuis que j’étais dans les entrailles de ma mère, vous êtes mon Dieu ; ne vous éloignez pas de moi : * Parce que la tribulation est proche, et il n’y a personne qui me porte secours. |
V/. Salva me ex ore leónis, et a córnibus unicórnium humilitátem meam. | V/. Sauvez-moi [6] de la gueule du lion, et ma faiblesse des cornes des licornes [7]. |
R/. Quóniam tribulátio próxima est, et non est qui ádiuvet. | R/. Parce que la tribulation est proche, et il n’y a personne qui me porte secours. |
Unus autem ex ipsis Cáiphas, cum esset Póntifex anni illíus, dixit eis : Vos nescítis quidquam, nec cogitátis, quia éxpedit vobis ut unus moriátur homo pro pópulo, et non tota gens péreat. Hoc autem a semetípso non dixit : sed cum esset póntifex anni illíus, prophetávit. Hic docémur, étiam hómines malos prophetíæ spíritu futúra prædícere : quod tamen Evangelísta divíno tríbuit sacraménto, quia póntifex fuit, id est summus sacérdos. | « Mais l’un d’eux, nommé Caïphe, qui était le Pontife de cette année-là, leur dit : Vous n’y entendez rien, et vous ne pensez pas qu’il vous est avantageux qu’un seul homme meure pour le peuple, et non pas que toute la nation périsse. Or, il ne dit pas cela de lui-même ; mais étant le Pontife de cette année-là, il prophétisa. » Nous apprenons ici que même les hommes méchants peuvent, par l’esprit de prophétie, annoncer les choses à venir. Cependant l’Évangéliste attribue ce dernier fait à un mystère tout divin ; car, dit-il, « il était Pontife », c’est-à-dire grand-prêtre. |
R/. In próximo est tribulátio mea, Dómine, et non est qui ádiuvet ; ut fódiant manus meas et pedes meos : líbera me de ore leónis, * Ut enárrem nomen tuum frátribus meis. | R/. Ma tribulation [8] est proche, Seigneur, et il n’est personne qui me porte secours ; ils m’assiègent [9] pour percer mes mains et mes pieds : sauvez-moi [10] de la gueule du lion, * Afin que je raconte votre nom à mes frères. |
V/. Erue a frámea, Deus, ánimam meam, et de manu canis únicam meam. | V/. Arrachez [11] mon âme à l’épée à double tranchant ; et mon unique de la main du chien. |
R/. Ut enárrem nomen tuum frátribus meis. R/. In próximo est tribulátio mea, Dómine, et non est qui ádiuvet ; ut fódiant manus meas et pedes meos : líbera me de ore leónis, Ut enárrem nomen tuum frátribus meis. | R/. Afin que je raconte votre nom à mes frères. R/. Ma tribulation est proche, Seigneur, et il n’est personne qui me porte secours ; ils m’assiègent pour percer mes mains et mes pieds : sauvez-moi de la gueule du lion, Afin que je raconte votre nom à mes frères. |
A LAUDES
Lustra sex (laudes de la Passion)
Ad Bened. Ant. Appropinquábat autem * dies festus Iudæórum : et quærébant príncipes sacerdótum quómodo Iesum interfícerent, sed timébant plebem. | Ant. au Bénédictus Cependant ils étaient proches, * les jours de la fête des Juifs : et les princes des prêtres cherchaient comment ils pourraient faire mourir Jésus ; mais ils craignaient le peuple. |
AUX VÊPRES
Vexílla Regis (vêpres de la Passion)
Ad Magnificat Ant. Príncipes sacerdótum * consílium fecérunt ut Iesum occíderent : dicébant autem : Non in die festo, ne forte tumúltus fíeret in pópulo. | Ant. au Magnificat Les princes des prêtres * tinrent conseil pour faire mourir Jésus : mais ils disaient : Non pas un jour de fête, de peur qu’il ne s’élevât du tumulte parmi le peuple. |
A Rome, la Station est dans l’Église de Saint-Etienne, au mont Cœlius. En ce jour qui devait être consacré à vous Marie, la Reine des Martyrs, il est touchant de reconnaître que, par une sorte de pressentiment prophétique, cette église dédiée au premier des Martyrs se trouvait déjà désignée, dès la plus haute antiquité, pour la réunion des fidèles.
ÉPÎTRE.
Jérémie est une des principales figures de Jésus-Christ dans l’Ancien Testament, où il représente spécialement le Messie persécuté par les Juifs. C’est ce qui a porté l’Église à choisir ses Prophéties pour sujet des lectures de l’Office de la nuit, dans les deux semaines consacrées à la Passion du Sauveur. Nous venons d’entendre une des plaintes que ce juste adresse à Dieu contre ses ennemis ; et c’est au nom du Christ qu’il parle. Écoutons ces accents désoles qui dépeignent à la fois la malice des Juifs, et celle des pécheurs qui persécutent Jésus-Christ au sein même du christianisme.
« Ils ont, dit le Prophète, abandonné la source des eaux vives. » Juda a perdu le souvenir de la roche du désert, d’où jaillirent les eaux dont il étancha sa soif ; ou, s’il se la rappelle encore, il ne sait plus que cette roche mystérieuse représentait le Messie.
Cependant Jésus est là dans Jérusalem, et il crie : « Que celui qui a soif vienne à moi, et qu’il se désaltère. » Sa bonté, sa doctrine, ses œuvres merveilleuses, les oracles accomplis en lui, disent assez que l’on doit croire à sa parole. Juda est sourd à l’invitation ; et plus d’un chrétien imite son endurcissement. Il en est qui ont goûté à la « source des eaux vives », et qui s’en sont détournés pour aller se désaltérer aux ruisseaux bourbeux du monde ; et leur soif s’en est irritée davantage. Qu’ils tremblent en voyant le châtiment des Juifs ; car s’ils ne reviennent pas au Seigneur leur Dieu, ils tomberont dans ces ardeurs dévorantes et éternelles, où l’on refuse une goutte d’eau à celui qui l’implore. Le Sauveur, par la bouche de Jérémie, annonce « un jour de malheur » qui doit fondre sur les Juifs ; plus tard, lorsqu’il vient en personne, il prévient les Juifs que la tribulation qui tombera sur Jérusalem, en punition de son déicide, sera si affreuse, que « depuis le commencement du monde elle n’a pas eu sa pareille, et ne l’aura jamais dans la suite des siècles [12] ». Mais si le Seigneur a vengé avec tant de rigueur le sang de son Fils contre une ville qui fut longtemps l’escabeau de ses pieds, et contre un peuple qu’il avait préfère à tous les autres, épargnera-t-il le pécheur qui, malgré les invitations de l’Église, s’obstine à rester dans son endurcissement ? Juda eut le malheur de combler la mesure de ses iniquités ; nous aussi, nous avons tous une mesure de mal que la justice de Dieu ne nous permettrait pas de dépasser. Hâtons-nous d’ôter le péché ; songeons à remplir l’autre mesure, celle des bonnes œuvres ; et prions pour les pécheurs qui ne se convertiront pas en ces jours. Demandons que ce sang divin, qu’ils mépriseront encore une fois, et dont ils sont couverts, ne s’appesantisse pas sur eux.
ÉVANGILE.
La vie du Sauveur est menacée plus que jamais. Le conseil de la nation s’est réuni pour aviser à se défaire de lui. Écoutez ces hommes que la plus vile des passions, la jalousie, a rassemblés. Ils ne nient pas les miracles de Jésus ; ils sont donc en mesure de porter un jugement sur sa mission, et ce jugement devrait être favorable. Mais ce n’est pas dans ce but qu’ils sont venus ; c’est pour s’entendre sur les moyens de le faire périr. Que se diront-ils à eux-mêmes ? Quels sentiments exprimeront-ils en commun pour légitimer cette résolution sanguinaire ? Ils oseront mettre en avant la politique, l’intérêt de la nation. Si Jésus continue de se montrer et d’opérer des prodiges, bientôt la Judée va se lever pour le proclamer son Roi, et les Romains ne tarderont pas à venir venger l’honneur du Capitole outragé par la plus faible des nations qui soit dans l’Empire. Insensés, qui ne comprennent pas que si le Messie eût dû être roi à la manière de ce monde, toutes les puissances de la terre seraient demeurées sans force contre lui ! Que ne se souviennent-ils plutôt de la prédiction de Daniel, qui a annoncé que dans le cours de la soixante-dixième semaine d’années, à partir du décret pour la réédification du temple, le Christ sera mis à mort, et le peuple qui l’aura renié ne sera plus son peuple [13] ; qu’après ce forfait un peuple commandé par un chef militaire viendra, et renversera la ville et le temple ; que l’abomination de la désolation entrera dans le sanctuaire, et que la désolation s’établira à Jérusalem, pour y demeurer jusqu’ à la fin [14] ! En mettant à mort le Messie, ils vont du même coup anéantir leur patrie.
En attendant, l’indigne pontife qui préside aux derniers jours de la religion mosaïque s’est revêtu de l’éphod, et il a prophétisé, et sa prophétie est selon la vérité. Ne nous en étonnons pas. Le voile du temple n’est pas déchiré encore ; l’alliance entre Dieu et Juda n’est pas rompue. Caïphe est un homme de sang, un lâche, un sacrilège ; mais il est pontife. Dieu parle encore par sa bouche. Écoutons ce nouveau Balaam : « Jésus mourra pour la nation, et non pour la nation seulement, mais aussi pour rassembler et réunir les enfants de Dieu qui étaient dispersés. » Ainsi la Synagogue expirante est contrainte de prophétiser la naissance de l’Église par l’effusion du sang de Jésus ! Ça et là sur la terre il y a des enfants de Dieu qui le servent, au milieu de la gentilité, comme le centenier Corneille ; mais aucun lien visible ne les réunit. L’heure approche où la grande et unique Cité de Dieu va apparaître sur la montagne, « et toutes les nations se dirigeront vers elle [15]. » Après que le sang de l’alliance universelle aura été répandu, après que le sépulcre aura rendu le vainqueur de la mort, cinquante jours seront à peine écoulés, que la trompette sacrée de la Pentecôte convoquera, non plus les Juifs au temple de Jérusalem, mais tous les peuples à l’Église de Jésus-Christ. Caïphe ne se souvient plus déjà de l’oracle qu’il a lui-même proféré ; il a fait rétablir le voile du Saint des Saints qui s’était déchiré en deux, au moment ou Jésus expirait sur la Croix ; mais ce voile ne cache plus qu’un réduit désert. Le Saint des Saints n’est plus là ; « on offre maintenant en tout lieu une hostie pure [16] », et les vengeurs du déicide n’ont pas encore apparu, avec leurs aigles, sur la montagne des Oliviers, que déjà les sacrificateurs ont entendu retentir au fond du sanctuaire répudié une voix qui disait : « Sortons d’ici. »
Rendons notre hommage à la Sainte Croix, par ces dernières strophes de l’Hymne grecque que nous avons employée hier.
Feria IV. mediæ Septimanæ.
Venez, fidèles, purifiés par le jeûne, embrassons avec amour la Croix du Seigneur exposée à nos regards ; car elle est un trésor de sainteté et de puissance ; par elle nous célébrons le Christ dans les siècles.
Cette Croix qui s’étend et projette ses trois rayons parut vile au commencement ; maintenant elle monte jusqu’aux cieux par sa vertu puissante ; elle élève les nommes jusqu’à Dieu ; par elle, nous célébrons le Christ dans les siècles.
Honorons ce bois sacré que, selon l’oracle du Prophète, les Juifs devaient mettre dans le pain du Christ ; eux qui ont crucifié celui que nous célébrons dans les siècles.
Montagnes, distillez la douceur ; collines, répandez l’allégresse ; arbres des champs, cèdres du Liban, tressaillez aujourd’hui pour l’adoration de la Croix vivifiante. Prophètes, Martyrs, Apôtres, esprits des justes, triomphez.
Jetez un regard, Seigneur, sur votre peuple et votre clergé, qui chantent avec amour vos louanges, et pour lesquels vous avez souffert la mort. Que votre miséricorde ne soit pas dépassée par l’infinie multitude de nos péchés ; mais sauvez-nous tous par votre Croix, vous plein de bonté.
O Croix, tu es l’armure divine de ma vie ; c’est en montant sur toi que le Seigneur m’a sauvé ; c’est là que de son côté ouvert sont sortis le sang et l’eau, auxquels je participe avec joie, chantant gloire au Christ.
O Croix, tu es le divin sceptre de notre Roi, la force de nos armées. Dans notre confiance en toi, nous abattons nos ennemis ; donne-nous toujours, à nous qui t’adorons, la victoire sur les Barbares.
La basilique des martyrs Jean et Paul, érigée par Bisantius et Pammachius dans la maison même où les deux saints titulaires subirent la mort pour la foi, est déjà connue des lecteurs. Celle de Saint-Étienne qui s’élève tout auprès et qui fut appelée in Cœlio monte pour la distinguer des nombreuses basiliques dédiées à saint Étienne dans le centre de la ville, fut achevée par Jean Ier, qui l’orna en outre de mosaïques. Vers 640, quand Nomentum dévastée par les Lombards eut perdu toute espérance d’une reprise pacifique de la vie civile, le pape Théodore en transféra à Saint-Étienne sur le Cœlius les corps des deux martyrs locaux Prime et Félicien, en l’honneur de qui il fit décorer un petit oratoire dont aujourd’hui encore subsiste l’abside ornée de mosaïques. Ce furent les premiers martyrs qui, des cimetières suburbains, firent leur entrée triomphale dans la Rome chrétienne, la loi qui défendait l’ensevelissement des cadavres dans l’enceinte de la Ville ayant été généralement observée sous l’empire.
L’introït est tiré du psaume 30 et il exprime, comme d’habitude, les angoisses de l’âme de Jésus à l’approche de sa passion : « Seigneur, pitié, car je suis dans l’angoisse, — chargé des péchés de toute l’humanité ; objet d’une haine irréconciliable de la part de mes adversaires et des pécheurs, signe et objet de malédiction devant la justice et la sainteté de Dieu, — délivrez-moi de mes ennemis ; ah ! Que je ne demeure pas confondu, puisque je vous invoque et que je recours à vous. » La prière de Jésus obtint son effet, puisque le Père éternel le délivra, et avec Lui l’humanité, des liens de la mort au jour de la résurrection, quand la surabondante plénitude de la vie glorieuse du Christ se répandit dans son corps mystique, et fit de la résurrection spirituelle des âmes le principe de leur future vie de gloire. C’est en ce sens que l’Apôtre dit que le Christ mortuus est propter delicta nostra, resurrexit propter iustificationem nostram [17], en tant que la gloire de la résurrection du Chef se répand dans les membres moyennant la grâce qui remet le péché et mérite l’éternelle récompense.
Nous supplions le Seigneur, dans la collecte, de répandre dans notre cœur l’esprit de contrition, afin qu’expiant nos péchés durant la vie présente au moyen de la pénitence, nous puissions échapper à la peine éternelle. L’annonce de la pénitence faisait partie intégrante de la prédication évangélique : Pœnitentiam agite et credite Evangelio [18]. Cet esprit de pénitence qui prépare les voies à la grâce et à la réconciliation de l’âme avec Dieu, est toutefois un don spécial du Seigneur qu’il faut demander assidûment dans la prière. L’Église chante en effet dans l’une des plus belles hymnes du Carême :
Dans tempus acceptabile, Et pœnitens cor tribue ; Convertat ut benignitas Quos longa suffert pietas. [19]
Jérémie est la figure de Jésus persécuté par la Synagogue, et c’est pourquoi l’Église, dans les divins offices de cette dernière quinzaine du Carême, met sur les lèvres du Rédempteur les accents de cruelle angoisse, de désolation et d’espérance déjà exprimés par le Prophète des Lamentations.
Aujourd’hui la lecture est prise au chapitre XVII (13-18), où est montré le Juste comme se débattant avec ses adversaires. Jérémie ’n’a jamais mis son espérance dans le secours humain : diem hominis non desideravi [20]. Paroles sublimes par lesquelles une grande âme — le bienheureux Nicolas de Prusse, osb, — au moment de mourir, se révéla elle-même. Il sait que tout ce qui est terrestre est emporté par le vent, ou, pour reprendre son énergique image, est comme une écriture tracée sur le sable. Dieu seul suffit à l’âme. Pourvu que Dieu ne soit pas contre nous, que nous importent les jugements du monde entier ?
Le graduel (Ps. 34) décrit la duplicité et la malice des ennemis du Juste : « Mes ennemis ne parlent point de paix, et ils vont, machinant des fraudes contre ceux qui sont doux ; vous les voyez, ô Seigneur ! Ah ! Ne vous taisez pas, et ne m’abandonnez pas à eux. » Le Sanhédrin, ne pouvant s’emparer de Jésus par le moyen du peuple qui l’aimait, recourt à la trahison de Judas, suborne de faux témoins, accuse d’impiété le Saint des saints, puis, dans le procès intenté contre le Sauveur, viole toute formalité légale, et, sous couleur de zèle pour l’honneur de Dieu et les droits de César, condamne à mort un innocent, le Créateur Lui-même. Ce procès fut une tromperie montée contre la vérité ; Dieu la voit mais ne garde pas le silence. Plus les Juifs s’efforcent de couvrir de boue la sainteté de Jésus, plus celle-ci resplendit par la confession de ceux-là même qui furent entraînés dans le déicide. Il fit donc proclamer l’innocence du sang de Jésus par Judas, par Hérode, par Pilate, par le Centurion, par la nature elle-même qui trembla tout entière depuis ses fondements, à la mort du Seigneur.
La lecture évangélique (Ioan. XI, 47-54) nous décrit l’assemblée du Sanhédrin en vue de décider définitivement la perte de Jésus. Caïphe parle avec arrogance et donne aux autres de l’imbécile : Vos nescitis quidquam, nec cogitatis. Lui, toutefois, parle juste et prophétise, non par ses mérites, mais parce qu’il était alors Souverain Pontife et que Dieu ne manque jamais de donner les grâces d’état. Quiconque est supérieur, même si celui-là est Caïphe, parle au nom de Dieu. Jésus doit donc mourir pour l’humanité entière. Caïphe l’a dit, et Caïphe a été poussé à parler ainsi par l’Esprit Saint, contre les intentions mêmes de l’astucieux pontife. Jésus meurt afin de réunir tous les fils de Dieu, alors errants par le monde, en une seule famille qui ne soit plus ni juive, ni grecque, ni païenne, mais catholique, l’Ecclesia Sancta Dei. Étienne, le titulaire de la station, recueille vaillamment ce vœu suprême du Maître et l’annonce aux synagogues des Hellénistes de Jérusalem. Le saint diacre succombe, victime de l’intransigeance nationale Israélite, mais le fruit de sa dernière prière sera la conversion de Paul, l’apôtre de la catholicité du christianisme au delà des confins de la Palestine. Jésus est donc mort, non pour les Juifs seuls, mais pour recueillir en une famille unique les fils de Dieu dispersés sur le globe. Ne regardons donc pas trop aux frontières géographiques et aux nationalités politiques : Dieu compte des fidèles dans les coins les plus reculés de la terre, et sa grâce nous fait tous frères. Ceux qui aujourd’hui encore sont en dissentiment avec nous peuvent demain se convertir et rentrer dans le sein de l’Église. Gardons-nous par conséquent des préventions hostiles et de mépriser personne, ni de désespérer de la conversion d’autrui, quelque pervers qu’il soit. Tous les cœurs sont dans la main de Dieu, et il faut faire un joyeux accueil à celui qui vient de loin, nous rappelant que nous aussi nous vînmes de loin, et que nous sommes aussi des convertis.
Le verset pour l’oblation est tiré du psaume 118 : « Soyez béni, ô Seigneur, parce que vous m’apprenez la voie de votre sainteté — au moyen de l’Évangile et des sacrements qui nous rendent participants de cette divine sainteté. Ne m’abandonnez pas aux calomniateurs orgueilleux, faites que, bien qu’exposé aux tentations qui éprouvent et purifient ma foi, je n’y succombe pas et ne leur cède jamais ; je répondrai à ceux qui me méprisent, je ne resterai pas muet devant leurs accusations, mais je les convaincrai de mensonge et d’impiété, leur démontrant, par la prédication et les bonnes œuvres, de quel côté réside la vérité. » Telle est précisément la conduite de l’Église, point de mire des haines et des calomnies des infidèles, des Juifs et aussi de tant d’hérétiques qui, pervertissant l’Évangile du Christ, en prêchent un autre, qui n’est point celui du Royaume confié par Jésus aux apôtres et avant tous à Pierre ; ce sera l’évangile de Marcion, d’Arius, de Luther, de Henri VIII, de Marx, mais non pas celui qui fut confié aux apôtres. A tous ces prédicateurs j’adresse avec Tertullien une seule demande : Qui estis vos ? Ma foi est celle qui a été gardée par la tradition de l’Église sans aucune interruption, garantie par une série de maîtres infaillibles qui remonte jusqu’à Pierre. C’est à ceux-là que Jésus confia la prédication de son Évangile. Or vous autres qui, après deux, quatre, quinze, dix-neuf siècles, vous mettez à prêcher un soi-disant évangile chrétien, qui êtes-vous ? Qui vous a envoyés ? Qui vous a autorisés après tant de temps à usurper un office désormais confié à l’Église catholique, celui de garder et d’interpréter les saintes Écritures ?
Dans la collecte d’introduction à l’anaphore consécratoire nous supplions le Seigneur de faire que sa grâce nous rende dignes d’accomplir à l’autel le saint ministère sacerdotal, afin de consommer ensuite dans l’éternité, par la vision béatifique, cette possession eucharistique de Dieu, à laquelle nous initie ici-bas la liturgie du temps présent. Ce ministère de l’autel dont parle aujourd’hui la collecte est accompli également d’une certaine manière par les laïques, car eux aussi, regale sacerdotium [21], comme saint Pierre les nomme, offrent au Seigneur le Sacrifice avec le prêtre et par ses mains, et y participent véritablement au moyen de la sainte Communion.
Le verset pour la communion est tiré du psaume 26. C’est le Christ qui supplie de ne pas être définitivement livré à la merci de ses adversaires et sans espoir de revanche. Cela, Jésus le dit principalement pour nous, à qui était absolument nécessaire sa sainte résurrection. « Des témoins menteurs se sont levés contre moi — ceux que le Sanhédrin a subornés — et le méchant a prononcé la calomnie en sa propre faveur », — c’est-à-dire pour confirmer son assertion, ou, mieux, son salut, puisque nous tous qui avons crucifié le Christ par nos péchés, nous l’avons crucifié afin que son précieux Sang nous purifie.
Dans la collecte après la sainte Communion, nous supplions Dieu que jamais ne nous manque — en raison de notre paresse ou de notre dissipation — l’efficacité du Sacrement auquel nous avons participé, afin qu’il éloigne tout ce qui pourrait nuire à notre âme. Après la communion, il faut continuer à vivre de l’esprit eucharistique, de façon à prolonger cette communion spirituelle de l’âme intimement unie à Jésus durant toute la vie. C’est là ce que désire l’Église quand elle nous fait demander ut in gratiarum semper actione maneamus. Persévérer dans l’Eucharistie signifie se conformer à elle, se transfigurer en elle, devenir l’hostie de Jésus comme Il s’est fait hostie pour nous.
La bénédiction avant de congédier le peuple est la même que le mercredi après le IIIe dimanche de Carême.
La question agitée à Jérusalem au lendemain de la mort du divin Maître fut précisément celle du caractère du christianisme, c’est-à-dire si celui-ci devait représenter un mouvement spiritualiste au sein de la Synagogue, comme c’était le fait des Esséniens et des pharisiens ; ou s’il devait être au contraire une nouvelle religion surpassant les anciens cultes nationaux. Saint Pierre la résolut d’abord à l’occasion du baptême de Corneille, mais celui qui, plus particulièrement parmi les Juifs eux-mêmes, porta la question hors du milieu apostolique, fut Étienne, qui voulut y intéresser les hellénistes, lesquels, habitués à vivre parmi les Gentils dans la Diaspora, manifestaient des idées moins étroites en fait de religion. Eux aussi pourtant partageaient beaucoup des préjugés du Sanhédrin et se scandalisèrent de ce qui leur paraissait un libéralisme intolérable de la part d’un adepte du Galiléen. Étienne, intrépide en présence de l’assemblée, déclare toutefois pour confirmer sa thèse universaliste, qu’il contemple Jésus assis sur le trône même de la divine majesté. Il le dit, et, empourpré du sang de son martyre, il ferma les yeux à la lumière du monde pour les rouvrir aux splendeurs de l’éternité.
Jésus meurt pour rassembler les enfants de Dieu qui sont dispersés.
Il nous est difficile, aujourd’hui, de faire un choix entre la messe de Carême, plus antique et plus rude, et la messe de la fête de Notre-Dame des Douleurs, plus récente, mais plus tendre. La messe de Carême présente une belle alliance du thème du Baptême et de celui de la Passion ; la fête des Sept-Douleurs de Marie nous porte à la compassion avec les souffrances du Christ.
Voici les antiennes directrices du lever et du coucher du soleil : « Le jour de fête des Juifs approchait ; les princes des prêtres cherchaient une occasion pour faire mourir Jésus, mais ils craignaient le peuple » (Ant. Bened.). « Les princes des prêtres tinrent conseil pour faire mourir Jésus, mais ils disaient : que ce ne soit pas le jour de fête, de peur qu’il n’y ait un soulèvement parmi le peuple » (Ant. Magn.). Comme hier, ces antiennes ne sont pas extraites de l’Évangile du jour, mais sont empruntées au début de l’histoire de la Passion. La liturgie veut nous présenter les princes des prêtres comme les forces agissantes qui amenèrent la mort du Messie ; elle veut aussi nous montrer leur perplexité.
1. Messe du Carême (Miserere mihi). — Nous nous rendons aujourd’hui auprès du premier martyr, le diacre saint Étienne. C’est lui qui, le premier, a suivi le Seigneur dans ses souffrances, il peut être notre guide dans ce jour de Passion. L’église de station est une antique construction en forme de rotonde qui fut consacrée par le pape Simplicius (468-483). Le pape Théodore (643-649) fit placer dans l’abside un tableau en mosaïque. Cette mosaïque existe encore : c’est un lien qui nous unit aux chrétiens qui se rendaient jadis à l’office de station. Nous y voyons un symbole du crucifiement. Le buste du Christ se tient au-dessus d’une croix ornée de pierres précieuses (cette image rend merveilleusement le sens de la messe d’aujourd’hui). L’église de station appartient au collège germanique.
Nous entendons, en entrant dans l’église, une douloureuse lamentation du Christ. C’est peut-être la vue de la croix dans l’abside qui a déterminé le choix du psaume 30 (que le Christ récita sur la Croix).
Dans la leçon également, nous entendons le Messie souffrant. C’est une plainte du Prophète Jérémie. Sa mission avait été d’être le prédicateur de pénitence de son peuple, mais il n’avait récolté que de l’ingratitude. Jérémie est la figure du Messie souffrant. Nous entendons le Christ se plaindre des enfants de Dieu qui l’abandonnent, qui, par leurs péchés, le crucifient de nouveau, qui « délaissent les veines d’eau pure » pendant que les catéchumènes les recherchent dans le Baptême.
Puissions-nous, comme le demande l’oraison, ne pas « mériter les châtiments de l’enfer ».
A l’Évangile, nous voyons les princes des prêtres prendre la décision de faire mourir Jésus. La péricope est la continuation du passage, que nous avons entendu voilà huit jours, où il était question de la résurrection de Lazare. Ce miracle eut pour conséquence la séance mémorable du sanhédrin, dans laquelle le grand-prêtre prononça la parole prophétique concernant la mort du Seigneur pour le rachat des hommes. C’était le dernier représentant de Dieu dans l’Ancien Testament ; en lui, malgré son indignité, agissait l’Esprit de Dieu. La méchanceté, la haine, l’enfer même, servent finalement à Dieu pour l’exécution de ses plans. Saint Jean souligne avec émotion cette grande pensée que, seuls, des enfants de Dieu peuvent comprendre. Or le sang du Christ n’a pas seulement été versé pour les Juifs, mais les païens aussi (les catéchumènes) reçurent la bénédiction de ce sang divin. Ce fut justement notre saint de station qui défendit, contre l’étroitesse des Juifs, l’universalité de l’Église : il fut martyr de la catholicité.
Dans cette séance du sanhédrin fut décidée la mort du Seigneur ; il ne s’agissait plus que d’attendre le moment opportun pour s’emparer de lui. Mais, pour le Christ, l’heure de la mort n’était pas encore venue. C’est pourquoi il se retire dans une petite ville du désert, à Éphrem ; il y passe quelques jours, pour se préparer silencieusement à sa mort. Environ huit jours avant sa mort (à peu près aujourd’hui, dans la matinée), il s’éloigne de ce lieu et se rend à Jéricho.
A la Communion, l’Église songe aux faux témoins qui se levèrent contre le Seigneur.
Remarquons qu’aujourd’hui les quatre chants psalmodiques sont des plaintes du Christ souffrant. Que veut dire cela ? Les chants psalmodiques sont la participation du peuple à l’action de la messe ; ils indiquent les sentiments et les pensées que nous devons entretenir pendant la journée. La messe, en effet, la plus haute action de la journée, doit avoir son écho. Pour entrer dans les détails, disons : l’Introït nous indique les sentiments et les pensées que nous devons avoir en nous rendant à l’église, dans notre marche du monde vers le sanctuaire — nous allons aujourd’hui à l’église avec le Sauveur souffrant. Le Graduel est le chant intermédiaire entre les lectures et, en même temps, l’écho de la leçon ; cet écho doit retentir pendant tout le jour. Nous devons entendre, pendant toute la journée d’aujourd’hui, les lamentations du Christ. L’antienne de l’Offrande nous accompagne dans l’action sainte ; elle nous aide à entrer dans le sacrifice ; il s’agit, aujourd’hui, d’entrer dans le sacrifice de la Passion du Christ. L’antienne de la Communion nous enseigne à considérer comme il faut le corps du Seigneur et, en même temps, le mystère du jour. Aujourd’hui « nous annonçons », en mangeant ce pain, la mort du Seigneur.
Considérons encore que les quatre chants psalmodiques parlent à la première personne. C’est le Christ qui se plaint et qui souffre ; en prononçant nous-mêmes ces plaintes, nous nous faisons un avec lui, ou plutôt, en tant que membres de son corps mystique, nous nous plaignons avec lui. Le cardinal Schuster écrit : « Quand l’Église veut exprimer les sentiments du Seigneur à l’approche de sa Passion, elle se sert du psautier. C’est, à vrai dire, le livre de prière de l’Église. Les évangiles nous donnent une image de la vie et des enseignements de Jésus, mais les cantiques de David nous font pénétrer dans la vie intime de Jésus, nous dévoilent ses prérogatives, ses combats, ses angoisses, l’amour sublime qui l’unissait au Père. Pendant toute sa vie, le Sauveur s’est servi des psaumes pour prier son Père ; sur la Croix, le psaume 21 le soutenait encore dans son agonie. Nous pouvons même appeler le livre des psaumes le livre dont s’est servi le Grand-Prêtre éternel pour formuler sa prière quand il offrit sa vie mortelle en sacrifice à son Père. »
[1] Si nous le laissons agir ainsi, tous croiront en lui, et les Romains viendront, et ruineront notre ville et notre nation. Mais l’un d’eux, nommé Caïphe, qui était le grand-prêtre de cette année-là, leur dit : Vous n’y entendez rien, et vous ne réfléchissez pas qu’il vaut mieux pour vous qu’un seul homme meure pour le peuple, et que la nation entière ne périsse point. Or il ne dit pas cela de lui-même, mais, étant grand-prêtre cette année-là, il prophétisa que Jésus devait mourir pour la nation, et non seulement pour la nation, mais aussi pour rassembler en un seul corps les enfants de Dieu qui étaient dispersés. A partir de ce jour, ils pensaient donc à le faire mourir. C’est pourquoi Jésus ne se montrait plus ouvertement parmi les Juifs ; mais il s’en alla dans une région voisine du désert, dans une ville nommée Ephrem et il demeurait là avec ses disciples.
[2] Ps 21, 11.
[3] Ps 21, 20.
[4] Matt 8, 12.
[5] Ps 21, 11.
[6] Ps 21, 22.
[7] « Les licornes sont des bêtes sauvages et féroces, et c’est pourquoi on leur compare les ennemis du Sauveur, dont la malice et la cruauté, loin d’être apaisées par ses souffrances, en furent plutôt augmentées. » (Bellarmin).
[8] Ps 21, 11.
[9] Ps 21, 17.
[10] Ps 21, 22.
[11] Ps 21, 21.
[12] Matth. XXIV, 21.
[13] Dan. IX, 25.
[14] Ibid. 26, 27.
[15] Isai. II, 2.
[16] Malach. I, 11.
[17] Le Christ est mort pour nos péchés, il est ressuscité pour notre justification : Cf. Rom. 4, 25.
[18] Faites pénitences et croyez en l’Évangile.
[19] 2ème strophe de l’hymne des Laudes du Carême avant la réforme de Clément VIII, au supplément de l’Antiphonaire Romain de 1912.
[20] Je n’ai pas cherché le jour de l’homme : Jer. 17, 16.
[21] Sacerdoce royal : I Petr. 2, 9.