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10/02 Ste Scholastique, vierge

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Sommaire

  Textes de la Messe  
  Office  
  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum  
  Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique  

Déposition vers 543-547 au Mont-Cassin. La première attestation de sa fête date du VIIIe siècle au Mont-Cassin. Puis son culte se diffusa pour atteindre une grande extension au XIe siècle. En France, ce fut la translation de ses reliques qui y apporta le culte en 865 ; une partie fut transportée à Juvigny-les-Dames (Juvigny-sur-Loison), au diocèse de Verdun en 874, on y fête toujours la Translation le 8 juin.

La fête entre au calendrier romain au XIe ou XIIe siècle. Elle est supprimée par Saint Pie V, et rétablie par Benoît XIII en 1729, sous le rite double.

Textes de la Messe

(En Carême, on fait seulement mémoire du Saint avec les trois oraisons de la Messe suivante)
die 10 februarii
le 10 février
SANCTÆ SCHOLASTICÆ
SAINTE SCHOLASTIQUE
Virginis
Vierge
III classis (ante CR 1960 : duplex)
IIIème classe (avant 1960 : double)
Missa Dilexísti, de Communi Virginum 3 loco, præter orationem sequentem :Messe Dilexísti, du Commun des Vierges 3, sauf l’oraison suivante :
Oratio. PCollecte
Deus, qui ánimam beátæ Vírginis tuæ Scholásticæ ad ostendéndam innocéntiæ viam in colúmbæ spécie cælum penetráre fecísti : da nobis eius méritis et précibus ita innocénter vívere ; ut ad ætérna mereámur gáudia perveníre. Per Dóminum.O Dieu, qui, pour faire connaître la vie innocente de la bienheureuse Vierge Scholastique, avez fait entrer au ciel son âme sous la forme d’une colombe, accordez-nous, par ses mérites et ses prières, de vivre dans l’innocence, de telle sorte que nous méritions d’arriver aux joies éternelles.
Secreta CSecrète
Accépta tibi sit, Dómine, sacrátæ plebis oblátio pro tuórum honóre Sanctórum : quorum se méritis de tribulatióne percepísse cognóscit auxílium. Per Dóminum nostrum.Qu’elle soit agréée de vous, Seigneur, l’offrande faite par votre peuple saint en l’honneur de vos Saintes par les mérites desquelles il reconnaît avoir reçu du secours dans la tribulation.
Postcommunio CPostcommunion
Satiásti, Dómine, famíliam tuam munéribus sacris : eius, quǽsumus, semper interventióne nos réfove, cuius sollémnia celebrámus. Per Dóminum.Vous avez, Seigneur, nourri votre famille de dons sacrés ; ranimez-nous toujours, s’il vous plaît, grâce à l’intervention de la sainte dont nous celébrons la fête.

Office

Leçons des Matines avant 1960

Du second livre des Dialogues de saint Grégoire, Pape.

Quatrième leçon. Scholastique, sœur du vénérable Père Benoît, se consacra au Seigneur dès sa plus tendre enfance. Elle avait’ coutume de venir visiter son frère une fois chaque année, et l’homme de Dieu descendait pour la recevoir dans une propriété qui dépendait du monastère, et en était peu éloignée. Un jour, Scholastique étant venue selon sa coutume, son vénérable frère descendit vers elle avec quelques disciples ; ils passèrent tout le jour dans les louanges de Dieu et de pieux entretiens, et lorsque les ténèbres de la nuit commencèrent à couvrir la terre, ils prirent leur repas. Ils étaient encore à table où ils avaient prolongé leurs saints colloques, et comme il se faisait tard, la vierge consacrée au Seigneur adressa cette demande à son frère : « Je vous prie de ne pas m’abandonner cette nuit, afin que nous nous entretenions jusqu’au matin des joies de la vie céleste ». Le Saint lui répondit : « Que dites-vous, ma sœur ? Je ne puis en aucune façon demeurer hors du monastère ». Le ciel était alors si serein qu’aucun nuage n’apparaissait dans l’atmosphère. Quand la servante de Dieu entendit le refus de son frère, elle appuya sur la table ses mains jointes, et cacha son visage dans ses mains pour prier le Seigneur tout-puissant. Au moment où elle releva la tête, les éclairs brillèrent, le tonnerre éclata avec violence, la pluie tomba par torrents, au point que, ni le vénérable Benoît ni les frères qui étaient avec lui, ne purent mettre le pied hors du lieu où ils étaient.

Cinquième leçon. La Sainte, penchant sa tête entre ses mains, avait versé sur la table un torrent de larmes qui avait fait succéder la pluie à la sérénité de l’air. L’orage suivit immédiatement sa prière, et la coïncidence de ces deux choses fut si parfaite, que le tonnerre se mit à gronder à l’instant même où Scholastique relevait la tête de dessus la table : en sorte qu’un même instant vit la Sainte faire ce mouvement, et la pluie tomber du ciel. L’homme de Dieu, voyant que ces éclairs, ces coups de tonnerre, cette pluie diluvienne ne lui permettaient pas de rentrer au monastère, en fut contristé et commença à s’en plaindre, disant : « Que le Dieu tout-puissant vous pardonne, ma sœur ; que venez-vous de faire ? » Elle lui répondit : « Je vous ai adressé une demande et vous n’avez pas voulu m’écouter ; j’ai prié mon Dieu et il m’a exaucée. Sortez maintenant, si vous pouvez, laissez-moi et retournez à votre monastère ». Mais le Saint était dans l’impossibilité de sortir de la maison, et lui, qui n’avait pas voulu y rester spontanément, demeura contre son gré. C’est ainsi qu’il advint que les deux Saints veillèrent la nuit entière, et, en de pieux entre-liens sur la vie spirituelle, se rassasièrent à loisir par l’échange des sentiments qu’ils éprouvaient.

Sixième leçon. Le lendemain, la vénérable vierge retourna à son monastère et l’homme de Dieu reprit le chemin de son cloître. Trois jours après, étant dans sa cellule, et ayant levé les yeux au ciel, Benoît vit l’âme de sa sœur, sortie de son corps, pénétrer sous la forme d’une colombe les hauteurs mystérieuses des cieux. Ravi de joie à la vue de la grande gloire de cette âme, il rendit grâces au Dieu tout-puissant par des hymnes et des cantiques, et annonça aux frères la mort de Scholastique. Il les envoya aussitôt chercher le corps de la Sainte, afin qu’ils l’apportassent au monastère et qu’il fût déposé dans le tombeau qu’il s’était préparé pour lui-même. Il arriva ainsi qu’une même tombe réunit les corps de ceux dont les âmes avaient toujours été intimement unies en Dieu.

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

La sœur du Patriarche des moines d’Occident vient nous réjouir aujourd’hui de sa douce présence ; la fille du cloître apparaît sur le Cycle à côté de la martyre ! Toutes deux épouses de Jésus, toutes deux couronnées, parce que toutes deux ont combattu et ont remporté la palme. L’une l’a cueillie au milieu des rudes assauts de l’ennemi, dans ces heures formidables où il fallait vaincre ou mourir ; l’autre a dû soutenir durant sa vie entière une lutte de chaque jour, qui s’est prolongée, pour ainsi dire, jusqu’à la dernière heure. Apolline et Scholastique sont sœurs ; elles sont unies à jamais dans le cœur de leur commun Époux.

Il fallait que la grande et austère figure de saint Benoît nous apparût adoucie par les traits angéliques de cette sœur que, dans sa profonde sagesse, la divine Providence avait placée près de lui pour être sa fidèle coopératrice. La vie des saints présente souvent de ces contrastes, comme si le Seigneur voulait nous faire entendre que bien au-dessus des régions de la chair et du sang, il est un lien pour les âmes, qui les unit et les rend fécondes, qui les tempère et les complète. Ainsi, dans la patrie céleste, les Anges des diverses hiérarchies s’unissent d’un amour mutuel dont le souverain Seigneur est le nœud, et goûtent éternellement les douceurs d’une tendresse fraternelle.

La vie de Scholastique s’est écoulée ici-bas, sans laisser d’autre trace que le gracieux souvenir de cette colombe qui, se dirigeant vers le ciel d’un vol innocent et rapide, avertit le frère que la sœur le devançait de quelques jours dans l’asile de l’éternelle félicité. C’est à peu près tout ce qui nous reste sur cette admirable Épouse du Sauveur, avec le touchant récit dans lequel saint Grégoire le Grand nous a retracé l’ineffable débat qui s’éleva entre le frère et la sœur, trois jours avant que celle-ci fût conviée aux noces du ciel. Mais que de merveilles cette scène incomparable ne nous révèle-t-elle pas ! Qui ne comprendra tout aussitôt l’âme de Scholastique à la tendre naïveté de ses désirs, à sa douce et ferme confiance envers Dieu, à l’aimable facilité avec laquelle elle triomphe de son frère, en appelant Dieu même à son secours ? Les anciens vantaient la mélodie des accents du cygne à sa dernière heure ; la colombe du cloître bénédictin, prête à s’envoler de cette terre, ne l’emporte-t-elle pas sur le cygne en charme et en douceur ?

Mais où donc la timide vierge puisa-t-elle cette force qui la rendit capable de résister au vœu de son frère, en qui elle révérait son maître et son oracle ? qui donc l’avertit que sa prière n’était pas téméraire, et qu’il pouvait y avoir en ce moment quelque chose de meilleur que la sévère fidélité de Benoît à la Règle sainte qu’il avait donnée, et qu’il devait soutenir par son exemple ? Saint Grégoire nous répondra. Ne nous étonnons pas, dit ce grand Docteur, qu’une sœur qui désirait voir plus longtemps son frère, ait eu en ce moment plus de pouvoir que lui-même sur le cœur de Dieu ; car, selon la parole de saint Jean, Dieu est amour, et il était juste que celle qui aimait davantage se montrât plus puissante que celui qui se trouva aimer moins. »

Sainte Scholastique sera donc, dans les jours où nous sommes, l’apôtre de la charité fraternelle. Elle nous animera à l’amour de nos semblables, que Dieu veut voir se réveiller en nous, en même temps que nous travaillons à revenir à lui. La solennité pascale nous conviera à un même banquet ; nous nous y nourrirons de la même victime de charité. Préparons d’avance notre robe nuptiale ; car celui qui nous invite veut nous voir habiter unanimes dans sa maison [1].

Nous placerons ici quelques pièces liturgiques de l’Office monastique en l’honneur de la sœur du grand Benoît.

RÉPONS ET ANTIENNES.

R/. L’illustre Scholastique fut la sœur du très saint Père Benoît : * Consacrée dès l’enfance au Seigneur tout-puissant, elle ne quitta jamais la voie de la justice.
V/. Louez le Seigneur, enfants, louez le Nom du Seigneur. * Consacrée dès l’enfance.

R/. Désirant se régler sur les exemples de la sainte vie de son frère, et selon la doctrine de ses sacrés enseignements, elle avait coutume de venir à lui une fois chaque année : * Et l’homme de Dieu l’instruisait de ses célestes leçons.
V/. Heureux qui écoute ses paroles et observe les règles qu’il a écrites. * Et l’homme de Dieu.

R/. La sainte vierge Scholastique était comme un jardin diligemment arrosé ; * La rosée des célestes grâces la rafraîchissait continuellement.
V/. Comme une source d’eau qui ne tarit jamais. * La rosée des célestes grâces.

R/. Le Seigneur lui accorda le désir de son cœur :* Elle obtint de lui ce qu’elle n’avait pu obtenir de son frère.
V/. Le Seigneur est bon envers tous ceux qui espèrent en lui, envers l’âme qui le cherche. * Elle obtint de lui.

R/. L’Époux tardant à paraître, Scholastique gémissait et disait : * Qui me donnera des ailes comme à la colombe, et je volerai et je me reposerait.
V/. Voici mon bien-aimé, il me dit : Lève-toi, mon amie, et viens * Qui me donnera.

R/. Scholastique parut sous la forme d’une colombe ; l’âme de son frère témoigna son allégresse par des hymnes et des cantiques : * Béni soit ce départ ! mais bien plus encore soit bénie cette entrée !
V/. Le vénérable Père Benoit demeura tout inondé d’une joie céleste. * Béni soit.

R/. L’âme de Scholastique sortit de l’arche de son corps, comme la colombe portant le rameau d’olivier, signe de paix et de grâce ; * Elle s’envola dans les cieux.
V/. Comme elle ne trouvait pas où reposer son pied, * Elle s’envola dans les cieux.

Ant. Que l’assemblée des fidèles tressaille d’allégresse pour la gloire de l’auguste vierge Scholastique ; que la troupe des vierges sacrées se livre à une joie plus grande encore, en célébrant la fête de celle qui par ses larmes fléchit le Seigneur, et fut plus puissante sur lui que son frère, parce qu’elle eut plus d’amour.

Ant. Aujourd’hui la sacrée vierge Scholastique monte au ciel toute joyeuse, sous la forme d’une colombe. Aujourd’hui elle jouit pour jamais avec son frère des délices de la vie céleste.

Nous terminerons par ces deux Hymnes empruntées au même Office bénédictin.

HYMNE
Heureuse épouse du ! Christ, Scholastique, colombe des vierges, les habitants du ciel te comblent de louanges ; nos cœurs te saluent en faisant monter vers toi l’hommage d’un joyeux concert.
Tu foulas aux pieds les honneurs du monde et ses couronnes ; dirigée par les enseignements de ton frère et les préceptes de sa Règle sainte, attirée par l’odeur des grâces célestes, tu appris de bonne heure à prendre le chemin de la patrie.
O force invincible de l’amour ! O victoire à jamais glorieuse, en ce jour où par la force de tes larmes tu fais descendre les pluies du ciel, et contrains le Patriarche de Nursie à continuer ses entretiens célestes.
Aujourd’hui tu brilles, au plus haut des cieux, de l’éclat de cette lumière vers laquelle tu soupirais ; les feux de la charité, les splendeurs de la grâce embellissent ton front ; unie à l’Époux, tu reposes au sein de la gloire.
Daigne donc maintenant écarter du cœur des fidèles les nuages d’ici-bas, afin que le Soleil éternel, versant sur nous sa splendeur sereine, nous comble des joies de la lumière sans fin.
Chantons gloire au Père et gloire au Fils unique ; hommage égal au Paraclet divin ; honneur éternel à celui qui créa les siècles et qui les gouverne.
Amen.
HYMNE.
Les ombres de la nuit disparaissent, le jour désiré se lève, auquel l’Epoux éternel s’unit à la vierge Scholastique.
Le temps des frimas est passé, les nuages pluvieux ont disparu, les plaines du ciel s’émaillent de fleurs éternelles.
A l’appel du Dieu qui est amour, la bien-aimée déploie ses ailes ; conviée au baiser mystique, la colombe s’élance d’un vol rapide.
Que tu es belle dans ta marche triomphante, fille chérie du grand Roi ! L’œil de ton frère contemple ton départ ; son cœur rend grâces au Dieu éternel.
De sa droite l’Époux la presse sur son sein ; elle recueille les couronnes qui lui sont dues ; plongée dans un fleuve de gloire, elle s’enivre des joies divines.
O Christ, fleur des vallons, que tous les siècles vous adorent, avec le Père et le Paraclet, dans toute l’étendue de cet univers. Amen.

Colombe chérie de l’Époux, que votre vol fut rapide, lorsque, quittant cette terre d’exil, vous prîtes votre essor vers lui ! L’œil de votre illustre frère, qui vous suivit un instant, vous perdit bientôt de vue ; mais toute la cour céleste tressaillit de joie à votre entrée. Vous êtes maintenant à la source de cet amour qui remplissait votre cœur, et rendait ses désirs tout-puissants sur celui de votre Époux. Désaltérez-vous éternellement à cette fontaine de vie ; et que votre suave blancheur devienne toujours plus pure et plus éclatante, dans la compagnie de ces autres colombes, vierges de l’Agneau comme vous, et qui forment un si noble essaim autour des lis du jardin céleste.

Souvenez-vous cependant de cette terre désolée qui a été pour vous, comme elle l’est pour nous, le lieu d’épreuve où vous avez mérité vos honneurs. Ici-bas, cachée dans le creux de la pierre, comme parle le divin Cantique, vous n’avez pas déployé vos ailes, parce que rien n’y était digne de ce trésor d’amour que Dieu lui-même avait versé dans votre cœur. Timide devant les hommes, simple et innocente, vous ignoriez à quel point vous aviez « blessé le cœur de l’Époux. » Vous traitiez avec lui dans l’humilité et la confiance d’une âme qu’aucun remords n’agita jamais, et il se rendait à vos désirs par une aimable condescendance ; et Benoit, chargé d’années et de mérites, Benoit accoutumé à voir la nature obéir à ses ordres, était vaincu par vous, dans une lutte où votre simplicité avait vu plus loin que sa profonde sagesse.

Qui donc vous avait révélé, ô Scholastique, ce sens sublime qui, en ce jour-là, vous fit paraître plus sage que le grand homme choisi de Dieu pour être la règle vivante des parfaits ? Ce fut celui-là même qui avait élu Benoît comme l’une des colonnes de la Religion, mais qui voulut montrer que la sainte tendresse d’une charité pure l’emporte encore à ses yeux sur la plus rigoureuse fidélité à des lois qui n’ont été faites que pour aider à conduire les hommes au but que votre cœur avait déjà atteint. Benoît, l’ami de Dieu, le comprit ; et bientôt, reprenant le cours de leur céleste entretien, vos deux âmes se confondirent dans la douceur de cet amour incréé qui venait de se révéler et de se glorifier lui-même avec tant d’éclat. Mais vous étiez mûre pour le ciel, ô Scholastique ; votre amour n’avait plus rien de terrestre ; il vous attirait en haut. Encore quelques heures, et la voix de l’Époux allait vous faire entendre ces paroles de l’immortel Cantique, que l’Esprit-Saint semble avoir dictées pour vous : « Lève-toi, ô mon amie, ma belle, et viens ; ma colombe, montre-moi ton visage ; que ta voix résonne à mon oreille ; car ta voix est douce, et ton visage est plein d’attraits [2]. » Dans votre départ de la terre, ne nous oubliez pas, ô Scholastique ! Nos âmes sont appelées à vous suivre, bien qu’elles n’aient pas les mêmes charmes aux yeux de l’Époux. Moins fortunées que la vôtre, il leur faut se purifier longtemps pour être admises dans le séjour où elles contempleront votre félicité. Votre prière força les nuées du ciel à envoyer leur pluie sur la terre ; qu’elle obtienne pour nous les larmes de la pénitence. Vos délices furent dans les entretiens sur la vie éternelle ; rompez nos conversations futiles et dangereuses ; faites-nous goûter ces discours du ciel, dans lesquels les âmes aspirent à s’unir à Dieu. Vous aviez trouvé le secret de cette charité fraternelle dont la tendresse même est un parfum de vertu qui réjouit le cœur de Dieu ; ouvrez nos cœurs à l’amour de nos frères ; chassez-en la froideur et l’indifférence, et faites-nous aimer comme Dieu veut que nous aimions.

Mais, ô colombe de la solitude, souvenez-vous de l’arbre sous les rameaux duquel s’est abritée votre vie. Le cloître bénédictin vous réclame, non seulement comme la sœur, mais encore comme la fille de son auguste Patriarche. Du haut du ciel, contemplez les débris de cet arbre autrefois si vigoureux et si fécond, à l’ombre duquel les nations de l’Occident se sont reposées durant tant de siècles. De toutes parts, la hache dévastatrice de l’impiété s’est plue à le frapper dans ses branches et dans ses racines. Ses ruines sont partout ; elles jonchent le sol de l’Europe entière. Cependant, nous savons qu’il doit revivre, qu’il poussera de nouveaux rameaux, et que votre divin Époux, ô Scholastique, a daigné enchaîner le sort de cet arbre antique aux destinées mêmes de l’Église. Priez pour que la sève première revive en lui ; protégez d’un soin maternel les faibles rejetons qu’il produit encore ; défendez-les de l’orage, bénissez-les, et rendez-les dignes de la confiance que l’Église daigne avoir en eux.

Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

La fête de cette colombe de virginale pureté se trouve déjà dans l’Antiphonaire de la basilique vaticane du XIIe siècle, et doit certainement sa popularité à saint Grégoire le Grand, qui, dans le deuxième Livre des Dialogues, décrit les derniers instants de la sainte avec une candeur charmante. Au ixe siècle, du temps de Léon IV, tandis qu’à Subiaco les héritiers monastiques de la tradition bénédictine dédiaient à sainte Scholastique, sœur du patriarche saint Benoît, leur principal monastère, les Romains ne voulurent pas leur être inférieurs dans la dévotion envers leur sainte concitoyenne, et près de la diaconie de Saint-Vite sur l’Esquilin ils lui érigèrent un temple qui devint par la suite la propriété de l’abbaye de Saint-Érasme sur le Coelius.

Près des Thermes d’Agrippa s’élève encore un oratoire du XVIe siècle, dédié à saint Benoît et à sainte Scholastique.

La messe est celle du Commun des vierges, Dilexísti, sauf la première collecte qui mentionne la colombe, forme sous laquelle saint Benoît vit, de sa tour sur le mont Cassin, l’âme innocente de sa sœur prendre son vol vers le ciel.

Le répons-graduel, tiré du psaume 44, est le suivant : « Dans la splendeur et la gloire avancez et chevauchez pour la vérité et pour la justice, car votre droite vous fera voir des choses merveilleuses. ». La vierge est comparée ici à une guerrière parfaitement armée, qui combat la sainte bataille de la vérité et de la justice. Vérité et justice signifient ici la fidélité à Dieu dans l’accomplissement du vœu de chasteté, raison pour laquelle la vierge, aidée de la grâce divine, est supérieure au monde séducteur, au démon perfide, et même à la faiblesse de son sexe !

Voilà la splendide victoire que le Christ remporte au moyen de la Vierge, son épouse. Le psaume-trait, qui est comme un mystique chant nuptial, est tiré du psaume qui a fourni aussi le répons : « Écoutez, ma fille, regardez, prêtez l’oreille, car le roi s’est épris de votre beauté. Les riches du peuple vous honorent par des présents. Parmi ses bien-aimées, il y a des filles de rois. Après elles sont conduites au Roi les vierges ses amies ; elles se présentent dans la joie et l’allégresse, elles font leur entrée dans le palais du Roi. »

Le verset d’offertoire est emprunté au psaume 44, et il est en partie identique au trait : « Parmi ses bien-aimées sont des filles de rois. La reine siège à ta droite parée de l’or d’Ophir. » Cet or pur, qui orne les vêtements de la reine mystique, symbolise l’intention droite, grâce à laquelle les actions les plus indifférentes et les plus humbles de la vie quotidienne deviennent dignes de la vie éternelle quand elles sont dirigées à la plus grande gloire de Dieu.

Saint Grégoire le Grand, nous racontant le dernier colloque de sainte Scholastique avec son frère, dit qu’à cette occasion elle fut plus puissante que lui sur le cœur de Dieu, car, tandis que saint Benoît tenait pour la discipline et la justice, elle, au contraire, s’inspirait plus haut encore : de l’amour ; plus potuit, quia plus amavit. Retenons cette belle phrase de saint Grégoire, et utilisons-la dans notre vie spirituelle.

Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique

Elle entra au ciel sous la forme d’une colombe.

Sainte Scholastique était la sœur chérie de saint Benoît, le Père des moines. Elle se consacra, comme son frère, au Seigneur, dès sa jeunesse. Nous n’avons que peu de détails sur la vie de cette sainte vierge. Le pape saint Grégoire le Grand nous a laissé, dans le deuxième livre de ses Dialogues, un récit charmant de la dernière entrevue du frère et de la sœur (voir Lectures de Matines, plus haut).

La messe. — La messe est du Commun des vierges Dilexísti. — C’est celle des messes du commun qui présente le plus d’unité, c’est une vraie messe de fiançailles. L’Église est l’Épouse sans tache du Seigneur, et elle se présente sous l’aspect de la vierge sainte que nous fêtons ; celle-ci, de son côté, est notre modèle. Cette image de l’Épouse se retrouve dans toutes les parties de la messe. A l’Introït, nous chantons le cantique nuptial. Notre marche vers l’église est un cortège nuptial, Scholastique marche en avant et nous la suivons. Représentons-nous l’entrée solennelle de l’Évêque se dirigeant, en habits pontificaux, vers l’autel. Pendant ce temps, chantons tout le Ps. 44, le cantique nuptial : le Christ est l’Époux royal, l’Église – Scholastique — est la royale Épouse. Dans l’Épître, tous les fidèles sont considérés comme la fiancée du Christ. Le Christ est un fiancé jaloux, il ne veut partager avec personne la possession de sa fiancée, qui doit lui être présentée comme une vierge pure. — Le chant nuptial se continue à travers les autres parties de la messe. Quand le diacre, dans ses ornements de fête, se rend processionnellement avec le livre l’Évangile (c’est-à-dire le Christ) vers l’ambon, nous avons, de nouveau, devant nos yeux, l’image du cortège nuptial. Puis, vient le chant de l’Évangile, avec la parabole significative des cinq vierges sages (les cinq vierges folles forment seulement une sombre antithèse). Ces vierges sages qui accompagnent l’Époux, nous représentent (les acolytes avec leurs cierges pendant le chant de l’Évangile nous facilitent cette représentation). A l’Offrande, nous allons, comme les vierges sages, à la rencontre de l’Époux. L’autel est le Christ, nos dons, nos lampes remplies d’huile, sont notre don total au divin Époux. Pendant l’offrande, on chante de nouveau le chant nuptial. Ce chant nous permet une nouvelle représentation. L’autel avec son riche antipendium (d’or et de couleurs variées) nous rappelle la royale Épouse, l’Église, que nous entourons au moment de l’Offrande. Au Saint-Sacrifice (à la Consécration), l’Époux divin paraît, et, au moment de la Communion, nous allons de nouveau, comme les vierges sages, « obviam Christo Domino — au-devant du Christ le Seigneur ». « Voici venir l’Époux » (Remarquons que les chants ne prennent tout leur sens qu’en union avec l’Action de la Messe). Nous chantons pour la quatrième fois le cantique nuptial. Rappelons-nous, toute la journée, que notre âme est l’Épouse du Christ et que les paroles de l’Épître retentissent à nos oreilles : « je suis jaloux pour vous de la jalousie de Dieu. »

Sous l’aspect d’une colombe, l’âme innocente de sainte Scholastique s’envola vers le ciel ; puissions-nous, nous aussi, vivre dans l’innocence et parvenir aux joies éternelles.

[1] Psalm. LXVII.

[2] Cant. II, 10.