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14/01 St Hilaire, évêque, confesseur et docteur

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St Hilaire, baptisant St Martin de Tours

Sommaire

  Textes de la Messe  
  Office  
  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum  
  Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique  
  Benoît XVI, catéchèses, 10 octobre 2007  

Déposition le 13 janvier 367. Fête au XIIIème siècle à Rome, Docteur en 1852.

Textes de la Messe

die 14 ianuarii
le 14 janvier
SANCTI HILARII
SAINT HILAIRE
Ep., Conf. et Eccl. Doct.
Evêque, Conf. et Docteur de l’Eglise
III classis (ante CR 1960 : duplex)
IIIème classe (avant 1960 : double)
Missa In médio, de Communi Doctorum.Messe In médio, du Commun des Docteurs.
Oratio CCollecte
Deus, qui pópulo tuo ætérnæ salútis beátum Hilárium minístrum tribuísti : præsta, quǽsumus ; ut, quem Doctórem vitæ habúimus in terris, intercessórem habére mereámur in cælis. Per Dóminum.O Dieu qui avez fait à votre peuple la grâce d’avoir le bienheureux Hilaire, pour ministre du salut éternel, faites, nous vous en prions, que nous méritions d’avoir pour intercesseur dans les cieux celui qui nous a donné sur terre la doctrine de vie.
Et fit commemoratio S. Felicis Presb. et Mart. :Et on fait mémoire de St Félis, Prêtre et Martyr :
Oratio.Collecte
Concéde, quǽsumus, omnípotens Deus : ut ad meliórem vitam Sanctórum tuórum exémpla nos próvocent ; quaténus, quorum sollémnia ágimus, étiam actus imitémur. Per Dóminum.Accordez-nous, nous vous en supplions, ô Dieu tout-puissant, que les exemples de vos Saints nous excitent à une vie meilleure, en sorte que nous imitions aussi les œuvres de ceux dont nous célébrons la fête.
Secreta C1Secrète
Sancti Hilárii Pontíficis tui atque Doctóris nobis, Dómine, pia non desit orátio : quæ et múnera nostra concíliet ; et tuam nobis indulgéntiam semper obtíneat. Per Dóminum.Que la pieuse intercession de saint Hilaire, Pontife et Docteur, ne nous fasse point défaut, Seigneur, qu’elle vous rende nos dons agréables et nous obtienne toujours votre indulgence.
Pro S. FelicePour St Félix
SecretaSecrète
Hóstias tibi, Dómine, beáti Félicis Mártyris tui dicátas méritis, benígnus assúme : et ad perpétuum nobis tríbue proveníre subsídium. Per Dóminum.Recevez favorablement, Seigneur, les hosties que nous vous offrons par les mérites de votre saint Martyr Félix ; faites qu’elles nous obtiennent votre assistance continuelle.
Postcommunio C1Postcommunion
Ut nobis, Dómine, tua sacrifícia dent salútem : beátus Hilarius Póntifex tuus et Doctor egrégius, quǽsumus, precátor accédat. Per Dóminum nostrum.Afin, Seigneur, que votre saint sacrifice nous procure le salut, que le bienheureux Hilaire votre Pontife et votre admirable Docteur intercède pour nous.
Pro S. FelicePour St Félix
PostcommunioPostcommunion
Quǽsumus. Dómine, salutáribus repléti mystériis : ut, beáti Félicis Mártyris tui, cuius sollémnia celebrámus, oratiónibus adiuvémur. Per Dóminum.Rassasiés par la participation à ces mystères de salut, nous vous demandons, Seigneur, d’être aidés grâce aux prières de votre bienheureux Martyr Félix dont nous célébrons la solennité.

Office

Leçons des Matines avant 1960

AU DEUXIÈME NOCTURNE.

Quatrième leçon. Hilaire, né en Aquitaine de famille noble, excella en doctrine et en éloquence. Engagé d’abord dans le mariage, il y mena une vie presque monastique ; créé ensuite Évêque de Poitiers à cause de ses rares vertus, il s’acquitta de la charge épiscopale de façon à mériter les plus grandes louanges de la part des fidèles. C’était à l’époque où l’empereur Constance persécutait les Catholiques, employant la terreur, la spoliation des biens, l’exil, et toutes sortes de cruautés, s’ils ne voulaient pas passer au parti des Ariens ; Hilaire, s’opposant aux efforts de l’Arianisme comme un mur inébranlable, attira sur lui toute la fureur des hérétiques. Aussi beaucoup de pièges lui furent tendus, et enfin, par les artifices de Saturnin, Évêque d’Arles, il se vit exilé par le synode de Béziers et relégué en Phrygie. Dans son exil, il ressuscita un mort et écrivit contre les Ariens ses douze livres sur la Trinité.

Cinquième leçon. Quatre ans après, un concile ayant été rassemblé à Séleucie, ville d’Isaurie. Hilaire fut contraint d’y assister. Il partit ensuite pour Constantinople où il remarqua l’extrême péril de la foi, et demanda, par trois requêtes publiques, audience à l’empereur, afin de disputer devant lui de la foi avec ses adversaires. Mais comme Ursace et Valens, Évêques ariens qu’Hilaire avait réfutés dans ses écrits, craignaient la présence d’un homme si savant, ils persuadèrent à Constance de le rétablir dans son évêché, comme pour lui faire honneur. Ce fut alors que l’Église des Gaules, selon l’expression de saint Jérôme, embrassa Hilaire revenant de ses combats contre les hérétiques. Saint Martin le suivit jusqu’à sa ville épiscopale, et fut depuis élevé au gouvernement de l’Église de Tours ; la sainteté de sa vie montra dans la suite combien il avait profité des leçons d’un tel maître.

Sixième leçon. Depuis lors, Hilaire gouverna l’Église de Poitiers dans une grande tranquillité. Il amena la Gaule entière à condamner l’impiété des Ariens. Il écrivit plusieurs livres d’une admirable érudition. Saint Jérôme, dans sa lettre à Læta, atteste qu’ils peuvent tous être lus sans’ crainte d’y rencontrer l’erreur. « On peut, dit-il, lire sans aucun risque les livres d’Hilaire. » II s’en alla au ciel le jour des ides de janvier, sous les empereurs Valentinien et Valens, l’an de la naissance de Jésus-Christ trois cent soixante-neuf. Un grand nombre de Pères et plusieurs conciles ont donné à Hilaire le nom de Docteur insigne de l’Église, et dans quelques diocèses il était honoré sous ce titre : enfin, sur les instances du synode de Bordeaux, le souverain Pontife Pie IX, après avoir pris l’avis de la sacrée Congrégation des Rites, a déclaré et confirmé saint Hilaire Docteur de l’Église universelle, et ordonné qu’au jour de sa fête, il fût partout honoré de ce titre à la Messe et à l’Office.

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

Après avoir consacré à la gloire de l’Emmanuel manifesté à la terre la radieuse Octave de l’Épiphanie, la sainte Église, toujours occupée du divin Enfant et de son auguste Mère, jusqu’au jour où Marie portera dans ses bras ce fruit béni de ses entrailles au Temple où il doit être offert ; la sainte Église, disons-nous, admet sur son glorieux Cycle de nombreux amis de Dieu, qui nous tracent au ciel, comme autant d’astres étincelants, la voie qui conduit des joies de la Nativité au sacré mystère de la Purification.

Tout d’abord, éclate d’une gloire sans pareille, dès le lendemain du jour consacré à la mémoire du Baptême du Christ, le fidèle et courageux Hilaire, honneur immortel de l’Église des Gaules, le frère d’Athanase et d’Eusèbe de Verceil dans les combats qu’il soutint pour la divinité de l’Emmanuel. Le lendemain des persécutions sanglantes du paganisme, commence cette lutte affreuse de l’Arianisme, qui avait juré d’enlever au Christ vainqueur, par ses Martyrs, de la violence et de la politique des Césars, la gloire et les honneurs de la divinité. L’Église, affranchie par son propre sang, ne fit point défaut sur ce nouveau champ de bataille ; de nombreux Martyrs scellèrent encore de leur sang, versé par .des princes désormais chrétiens, mais hérétiques, la divinité du Seigneur immortel qui a daigné apparaître dans la faiblesse delà chair ; mais à côté de ces généreux athlètes, brillèrent, martyrs eux-mêmes de désir, d’illustres Docteurs qui vengèrent, par leur savoir et leur éloquence, cette foi de Nicée qui avait été celle des Apôtres. Au premier rang, et tout couvert des palmes d’une glorieuse confession, apparaît Hilaire, élevé, comme dit saint Jérôme, sur le cothurne gaulois et paré des fleurs de la Grèce, le Rhône de l’éloquence latine, et l’insigne Docteur des Églises, selon saint Augustin.

Sublime par son génie, profond dans sa doctrine, Hilaire est plus grand encore dans son amour pour le Verbe incarné, dans son zèle pour la liberté de l’Église ; toujours dévoré de la soif du martyre, toujours invincible à cette époque désolante où la foi, victorieuse des tyrans, sembla un jour au moment d’expirer, par l’astuce des princes, et parla lâche défection de tant de pasteurs.

L’ancienne Église Gallicane, dans ses livres liturgiques dont quelques fragments sont venus jusqu’à nous, consacre les éloges suivants au plus illustre de ses Pontifes. Nous donnerons d’abord cette Allocution au peuple fidèle, extraite d’un antique Sacramentaire.

ALLOCUTION.

Supplions, ô peuples, l’adorable Seigneur, dans l’abondance de nos vœux, en ce retour solennel de la fête du très heureux pontife Hilaire, dont la bouche a tonné au milieu du monde, pour l’égalité des trois divines personnes, avec tant de force, que ce soldat du Christ a renversé le Prince de ce siècle, et est entré vainqueur au palais du Roi céleste. Demandons à Celui qui l’a rendu chef vigilant de ses armées, et calme au milieu des combats, qu’il daigne nous faire la grâce d’obtenir, par le suffrage d’Hilaire, ce que nous sollicitons en son honneur.

Cette Préface, qui célèbre les vertus et les prodiges de saint Hilaire, s’est conservée dans l’Église des Gaules, même après l’introduction de la Liturgie Romaine :

PRÉFACE.

Il est vraiment digne et juste de vous rendre grâces , de vous offrir des vœux, de vous consacrer ces dons, Seigneur saint, Père tout-puissant, Dieu éternel, qui avez élu le bienheureux Hilaire votre Confesseur pour le Pontife de votre confession sacrée : cet homme tout éclatant d’une lumière immense, orné d’une si grande douceur de mœurs, enflammé des ardeurs de la foi, source impétueuse d’éloquence ; lui dont la gloire paraît dans le concours des peuples à son tombeau, dans la guérison des possédés, dans le soulagement de ceux qui languissent, dans les signes des plus merveilleux prodiges. Selon la nature, il a quitté notre séjour ; mais les mérites de ce Pontife survivent au delà du tombeau, en la présence du Sauveur Jésus-Christ, notre Seigneur.

L’Oraison suivante a été recueillie de plusieurs anciens Missels manuscrits :

ORAISON.

O Dieu, dont la miséricorde change les pécheurs pour le pardon, et transfère les justes pour les couronner ; vous qui, habitant dans le cœur du bienheureux Pontife Hilaire, y avez donné les réponses de la foi, comme du sein de votre sanctuaire ; vous qui avez donné à cet illustre Confesseur de ne pas craindre César : daignez, par son intercession, défendre votre peuple suppliant contre son ennemi spirituel, et faire qu’il soit protégé par la fidèle prière de celui dont il célèbre avec transport la solennité.

L’Église de Poitiers, toujours fidèle à la mémoire de son héroïque Pontife, célèbre sa fête avec une religion filiale. Pour honorer avec plus d’éclat le témoignage rendu par le grand Docteur des Gaules, au mystère qui fait la base du Christianisme tout entier, elle chante en ce jour, à la Messe, la Préface de la Sainte Trinité. Nous donnerons ici quelques pièces liturgiques empruntées aux anciens livres de cette illustre Église. Les Répons suivants sont tirés en partie de la Légende du Saint, rédigée par saint Venance Fortunat, l’un de ses plus illustres successeurs.

R/. Le bienheureux Hilaire, distingué au-dessus de tous par l’honneur de la naissance, plus éclatant encore par la pureté de son cœur, * Brillant comme l’étoile du matin, a paru au milieu des astres, V/. Le bienheureux Hilaire, Évêque de la ville de Poitiers, sorti de la région d’Aquitaine, * Brillant comme l’étoile.

R/. Oh ! Qu’il fut parfait dans l’état de laïque ! Les prêtres mêmes eussent désiré être ses imitateurs. * L’occupation de sa vie n’était autre que de craindre avec amour le Christ, que de l’aimer avec crainte, V/. Ceux qui marchent sur ses traces, courent à la gloire ; ceux qui s’en écartent, encourent la peine : au croyant la récompense ; à l’incrédule, les supplices. * L’occupation de sa vie.

R/. Le très saint Hilaire fut donc exilé dans la Phrygie, contrée d’Asie, pour l’accroissement de sa vertu ; * Car plus il s’éloignait, pour l’amour du Christ, du pays de sa naissance, plus il méritait de s’approcher du ciel. V/. Étant arrivé au lieu de ses désirs, nous devons célébrer les faveurs qui lui furent accordées. * Car plus il s’éloignait.

R/. De retour de son exil, le saint Pontife Hilaire rentra dans Poitiers, au milieu de la joie et des applaudissements de tout son peuple ; * Car l’Église recouvrait son Pontife, et le troupeau son Pasteur. V/. La perle des Prélats, il est rentré dans son héritage ; louons le Seigneur, et que le chœur des Anges aussi se réjouisse. * Car l’Église.

De nos jours, l’Église de Poitiers chante en l’honneur de son grand Évêque ces deux Hymnes composées par le pieux Simon Gourdan, chanoine régulier de cette même abbaye de Saint-Victor de Paris, tant illustrée par les Séquences de son immortel Adam.

HYMNE.
Depuis le jour où l’Église, mère féconde de tant d’hommes illustres, réunit les Gaulois à son immense troupeau, quel homme parmi eux a été comparable à Hilaire ? Quel docteur a vengé avec plus de courage le Fils engendré par le Père ?
Célèbre, ô peuple fidèle, les titres de gloire qui le recommandent, la dignité de son élocution, les qualités nombreuses qui brillèrent en lui ; mais son suprême honneur, c’est la foi, par laquelle il proclame hautement le Fils de Dieu.
La mitre qui brille sur son auguste front n’a pas été teinte de son sang ; mais sa vie a été en proie à mille épreuves ; ses fatigues incessantes ont compense pour lui l’honneur du martyre.
La foi de Nicée resplendit par les efforts d’un tel vengeur ; en vain la fureur des enfers s’efforce d’en renverser le Symbole ; Hilaire lance les éclairs de sa parole semblable à un glaive d’or ; il chasse les loups dévastateurs.
Avec quel transport le fidèle troupeau reçoit, à son retour, le Pontife exilé I Après ses longs combats, que de lauriers Hilaire moissonne ! O Martin ! c’est alors qu’il t’enseigne à marcher d’un pas ferme dans le sentier des vertus.
Louange suprême au Père ; honneur égal au Fils que le Père engendre de son sein fécond : au Fils, égal au Principe, semblable en divinité ; louange pareille à l’Esprit divin !
Amen.
HYMNE.
Ni la fraude, ni la faveur des princes, ni leurs menaces, n’ébranlent l’athlète magnanime ; Pasteur, il est contraint par un ordre tyrannique de quitter son troupeau. Qui désormais repoussera la fureur des loups ?
Tu pars, ô Pontife ! Mais tandis que ton grand cœur se soumet à l’exil, la Gaule est baignée dans les larmes ; et la terre de Phrygie, qui reçoit en toi un père, va se réjouir de posséder en toi le vengeur du Verbe.
Puissant Docteur, il illumine du flambeau d’une lumière nouvelle les ténèbres sous lesquelles se cachait l’erreur ; ses eaux vives nettoient les pâturages souillés d’un impur limon ; il éclaire des nations que l’infidélité rendait encore féroces.
Il confirme dans la foi des pasteurs chancelants : on voit revenir vers leurs troupeaux les gardiens timides que l’audace de l’hérésie en avait éloignés ; la voix d’Hilaire est pour eux la voix d’un père.
Sublime Pontife, qui, au plus haut des cieux, contemples de près le Soleil de justice, obtiens qu’il daigne nous éclairer, ce Verbe dont tu nous as fait connaître l’essence.
Qu’ils tremblent en présence du prince de ce monde ceux qui ne goûtent que les choses terrestres ; pour Hilaire, il dédaigne les fureurs d’un César irrité ; il n’affirme qu’avec plus de liberté la pure foi du Christ.
Louange suprême au Père ; honneur égal au Fils que le Père engendre de son sein fécond : au Fils, égal au Principe, semblable en divinité ; louange pareille à l’Esprit divin. Amen.

Ainsi a mérité d’être glorifié le saint Pontife Hilaire, pour avoir conservé, par ses courageux efforts, et jusqu’à exposer sa tête, la foi dans le premier des mystères. Une autre gloire que Dieu lui a donnée est d’avoir fécondé, par sa vigueur, le grand principe de la Liberté de l’Église, principe sans lequel l’Épouse de Jésus-Christ est menacée de perdre, du même coup, la fécondité et la vie. Naguère, nous avons honoré la mémoire du saint Martyr de Cantorbéry ; aujourd’hui, nous célébrons la fête d’un des plus illustres Confesseurs dont l’exemple l’éclaira et l’encouragea dans la lutte. L’un et l’autre s’inspiraient des leçons qu’avaient données aux ministres du Christ les Apôtres eux-mêmes, lorsqu’ils parurent pour la première fois devant les tribunaux de ce monde et prononcèrent cette grande parole, qu’il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes. (Act. V, 29.) Mais les uns et les autres n’étaient si forts contre la chair et le sang, que parce qu’ils étaient détachés des biens terrestres, et avaient compris que la vraie richesse du chrétien et du Pontife est dans l’humilité et le dénuement de la crèche, la seule force victorieuse dans la simplicité et la faiblesse de l’Enfant qui nous est né. Ils avaient tous goûté les leçons de l’école de Bethlehem, et voilà pourquoi aucune promesse d’honneurs, de richesses, de paix même, ne put les séduire.

Avec quelle dignité cette nouvelle famille de héros du Christ se lève au sein de l’Église ! Si la politique des tyrans qui veulent paraître chrétiens, malgré le christianisme, leur refuse avec obstination la gloire du martyre, de quelle voix tonnante ne proclament-ils pas la liberté due à l’Emmanuel et à ses ministres ! D’abord, ils savent dire aux princes, avec notre grand Évêque de Poitiers, dans son premier Mémoire à Constance : « Glorieux Auguste, votre sagesse singulière comprend qu’il ne convient pas, qu’il n’est pas possible de contraindre violemment des hommes qui y répugnent de toutes leurs forces, à se soumettre, et à s’unir à ceux qui ne cessent de répandre les semences corrompues d’une doctrine adultère. L’unique but de vos travaux, de vos desseins, de votre gouvernement, de vos veilles, doit être de faire jouir des douceurs de la liberté tous ceux à qui vous commandez. Pas d’autre moyen d’apaiser les troubles, de réunir ce qui a été disjoint avec violence, que de rendre chacun exempt de la servitude, et maître de sa vie. Laissez donc parvenir aux oreilles de votre mansuétude toutes ces voix qui crient : Je suis Catholique, je ne veux pas être hérétique ; je suis Chrétien, je ne suis pas Arien : je préfère mourir en ce monde, plutôt que de laisser corrompre par la domination d’un homme la pureté virginale de la vérité. »

Et lorsque l’on faisait retentir aux oreilles d’Hilaire le nom profané de la Loi pour justifier la trahison dont l’Église était l’objet de la part de ceux qui préféraient les bonnes grâces de César au service de Jésus-Christ, le saint Pontife, dans son Livre contre Auxence, rappelait avec courage à ses collègues l’origine de l’Église, qui n’a pu s’établir qu’à rencontre des lois humaines, et qui se fait gloire d’enfreindre toutes celles qui entraveraient sa conservation, ses développements et son action.

« Quelle pitié nous inspire toute cette peine qu’on se donne de notre temps, et combien il nous faut gémir en considérant les folles opinions de ce siècle, quand on rencontre des hommes qui pensent que les choses humaines peuvent protéger Dieu, et qui travaillent à défendre l’Église du Christ par les moyens de l’ambition séculière ! Je vous le demande, à vous, Évêques, de quel appui les Apôtres se sont-ils servis dans la publication de l’Évangile ? Quelles sont les puissances qui les ont aidés à prêcher le Christ, à faire passer presque toutes les nations du culte des idoles à celui de Dieu ? Obtenaient-ils quelques dignités de la cour, eux qui chantaient des hymnes à Dieu dans les prisons, sous les chaînes, et après avoir été flagellés ? Était-ce par les édits du prince, que Paul rassemblait l’Église du Christ ? Sans doute qu’il agissait sous le patronage d’un Néron, d’un Vespasien, ou d’un Décius, de ces princes dont la haine a fait fleurir la prédication divine ! Ces Apôtres, qui vivaient du travail de leurs mains, qui tenaient leurs assemblées dans des lieux secrets, qui parcouraient les villages, les villes, les nations, par terre et par mer, en dépit des Sénatus-Consultes et des Édits royaux, ils n’avaient sans doute pas les clefs du Royaume des Cieux ! Ou bien encore, ce n’est pas la vertu de Dieu qui triomphait des passions humaines, dans ces temps où la prédication du Christ s’étendait en proportion des défenses dont elle était l’objet ! »

Mais quand le moment est arrivé de s’adresser à l’Empereur lui-même, et de protester en face contre la servitude de l’Église, Hilaire, le plus doux des hommes, revêt cette indignation divine dont le Christ lui-même parut animé contre les violateurs du Temple ; et son zèle apostolique brave tous les dangers pour signaler les périls du système que Constance a inventé pour étouffer l’Église du Christ, après l’avoir flétrie.

« Le temps de parler est venu ; car le temps de se taire est passé. Il nous faut attendre le Christ ; car le règne de l’Antéchrist a commencé. Que les pasteurs poussent des cris ; car les mercenaires ont pris la fuite. Donnons nos vies pour nos brebis ; car les voleurs sont entrés, et le a lion furieux tourne autour de nous. Allons au-devant du martyre ; car l’ange de Satan est transformé en ange de lumière.
« Pourquoi, Dieu tout-puissant, ne m’avez-vous pas fait naître, et remplir mon ministère au temps des Néron et des Décius ? Plein du feu de l’Esprit-Saint, je n’eusse pas craint le chevalet, au souvenir d’Isaïe scié en deux ; le feu ne m’eût pas épouvanté, à la pensée des Enfants Hébreux chantant au milieu des flammes ; ni la croix, ni le brisement des membres ne m’eussent effrayé, en me rappelant le larron transféré dans le Paradis après un semblable supplice ; les abîmes de la mer, la fureur des vagues n’eussent point affaibli mon courage ; car l’exemple de Jonas et de Paul aurait été là pour m’apprendre que vos fidèles peuvent vivre sous les flots.
« Contre vos ennemis avoués, j’aurais combattu avec bonheur ; car je n’aurais pas eu de doute qu’ils ne fussent de vrais persécuteurs, ceux qui m’auraient voulu contraindre par les supplices, le fer et le feu, à renier votre Nom ; pour vous rendre témoignage, notre mort seule aurait suffi. Nous eussions combattu ouvertement et avec confiance contre ceux qui vous renient, contre des bourreaux, contre des meurtriers ; et nos peuples, avertis par la publicité de la persécution, nous eussent suivis comme leurs chefs, dans le sacrifice qui vous rend témoignage.
« Mais aujourd’hui nous avons à combattre contre un persécuteur déguisé, contre un ennemi qui nous flatte, contre Constance l’Antéchrist, qui a pour nous, non des coups, mais des caresses ; qui ne proscrit pas ses victimes pour leur donner la vie véritable, mais les comble de richesses pour leur donner la mort ; qui ne leur octroie pas la liberté des cachots, mais leur donne une servitude d’honneurs dans ses palais ; qui ne déchire pas les flancs, mais envahit les cœurs ; qui ne tranche pas la tête avec le glaive, mais tue l’âme avec son or ; qui ne publie pas d’édits pour condamner au feu, mais allume, pour chacun, le feu de l’enfer. Il ne dispute pas, dans la crainte d’être vaincu ; mais il flatte pour dominer ; il confesse le Christ, pour le renier ; il procure une fausse unité, afin qu’il n’y ait pas de paix ; il sévit contre certaines erreurs, pour mieux détruire la doctrine du Christ ; il honore les Évêques, afin qu’ils cessent d’être Évêques ; il bâtit des églises, tout en ruinant la foi.
« Qu’on cesse de m’accuser de médisance, de calomnie ; le devoir des ministres de la vérité est de ne dire que des choses véritables. Si nous disons des choses fausses, nous consentons à ce que nos paroles soient réputées infâmes ; mais si nous faisons voir que tout ce que nous disons est manifeste, nous n’avons pas dépassé la liberté et la modestie des Apôtres, nous qui n’accusons qu’après un long silence.
« Je te dis hautement, Constance, ce que j’aurais dit à Néron, ce que Décius et Maximien auraient entendu de ma bouche : Tu combats contre Dieu, tu sévis contre l’Église, tu persécutes les saints, tu hais les prédicateurs du Christ, tu enlèves la religion ; tu es un tyran, sinon dans les choses humaines, du moins dans les choses divines. Voilà ce que j’aurais dit en commun, à toi et à eux ; maintenant, écoute ce qui t’est propre. Sous le masque d’un chrétien, tu es un nouvel ennemi du Christ ; précurseur de l’Antéchrist, tu opères déjà ses odieux mystères. Vivant contre la foi, tu t’ingères à en dresser des formules ; tu distribues les évêchés à tes créatures ; tu remplaces les bons par des méchants. Par un nouveau triomphe de la politique, tu trouves le moyen de persécuter sans faire de martyrs. « _ Combien plus nous fûmes redevables à votre cruauté, Néron, Décius, Maximien ! Par vous, nous avons vaincu le diable. La piété a recueilli en tous lieux le sang des martyrs ; et leurs ossements vénérés rendent témoignage de toutes parts. Mais toi, plus cruel que tous les tyrans, tu nous attaques avec un plus grand péril pour nous, et tu nous laisses moins d’espoir pour le pardon. A ceux qui auraient eu le malheur d’être faibles, il ne reste même pas l’excuse de pouvoir montrer à l’éternel Juge la trace des tortures et les cicatrices de leurs corps déchirés, pour se faire pardonner la faiblesse, en considération de la nécessité. O le plus scélérat des a hommes ! tu tempères les maux de la persécution de telle sorte que tu enlèves l’indulgence à la faute, et le martyre à la confession.
« Nous te reconnaissons sous tes vêtements de brebis, loup ravissant ! Avec l’or de l’État, tu décores le sanctuaire de Dieu ; tu lui offres ce que tu enlèves aux temples des Gentils, ce que tu extorques par tes édits et tes exactions. Tu reçois les Évêques par le même baiser dont le Christ a été trahi. Tu abaisses ta tête sous la bénédiction, et tu foules aux pieds la foi ; tu fais remise des impôts aux clercs, pour en faire des chrétiens renégats ; tu relâches de tes droits, dans le but de faire perdre à Dieu les siens. »

Telle était la vigueur du saint évêque en face d’un prince qui finit par faire des martyrs ; mais Hilaire n’eut pas seulement à lutter contre César. A toutes les époques, l’Église a renfermé dans son sein des demi-fidèles que l’éducation, une certaine bienséance, quelques succès d’influence et de talent, retiennent parmi les catholiques, mais que l’esprit du monde a pervertis. Ils se sont fait une Église humaine, parce que le naturalisme ayant faussé leur esprit, ils sont devenus incapables de saisir l’essence surnaturelle de la véritable Église. Accoutumés aux variations de la politique, aux tours habiles à l’aide desquels les hommes d’État arrivent à maintenir un équilibre passager à travers les crises, il leur semble que l’Église, dans la déclaration même des dogmes, doit compter avec ses ennemis, qu’elle pourrait se méprendre sur l’opportunité de ses résolutions, en un mot que sa précipitation peut attirer sur elle, et sur ceux qu’elle compromettra avec elle, une défaveur funeste. Arbres déracinés, dit un apôtre ; car en effet leurs racines ne plongent plus dans le sol qui les eût nourris et rendus féconds. Les promesses formelles de Jésus-Christ, la direction immédiate de l’Esprit-Saint sur l’Église, l’aspiration du vrai fidèle à entendre proclamer dans son complément la vérité qui nourrit la foi, en attendant la vision, la soumission passive due préalablement à toute définition qui émane et émanera de l’Église jusqu’à la consommation du monde : tout cela pour eux n’appartient point à l’ordre pratique. Dans l’enivrement de leur politique mondaine et des encouragements qu’elle leur vaut de la part de ceux qui haïssent l’Église, ils se compromettent devant Dieu et devant l’histoire par les efforts désespérés qu’ils osent faire pour arrêter la promulgation de la vérité révélée.

Hilaire devait aussi les rencontrer sur son chemin, ces hommes qu’effrayait le consubstantiel, comme d’autres se sont effarouchés de la transsubstantiation et de l’infaillibilité. Il s’opposa comme un mur d’airain à leurs pusillanimités et à leurs vulgaires calculs. Écoutons-le lui-même commenté par le plus éloquent de ses successeurs : « La paix, me dites-vous ? N’allez-vous pas troubler la paix, troubler l’union ? » — C’est un beau nom que celui de la paix ; c’est aussi une belle chose que l’idée d’unité ; mais qui donc ignore que, pour l’Église et pour l’Évangile, il n’y a pas d’autre unité et d’autre paix que l’unité et la paix de Jésus-Christ ? » — Mais, lui objectait-on encore, ne savez-vous pas avec qui vous vous mesurez, et n’avez-vous pas peur ? » — « Oui, vraiment j’ai peur : j’ai peur des dangers que court le monde ; j’ai peur de la terrible responsabilité qui pèserait sur moi par la connivence, par la complicité de mon silence. J’ai peur enfin du jugement de Dieu, j’en ai peur pour mes frères sortis de la voie de la vérité, j’en ai peur pour moi, dont c’est le devoir de les y ramener. » On ajoutait : « Mais n’y a-t-il pas des réticences permises, des ménagements nécessaires ? » Hilaire répondait que l’Église n’a vraiment pas besoin qu’on lui fasse la leçon, et qu’elle ne peut oublier sa mission essentielle. Or, cette mission, la voici : « Ministres de la vérité, il nous appartient de déclarer ce qui est vrai. Ministros veritatis decet vera proferre [1]. »

C’était donc avec raison, glorieux Hilaire, que l’Église de Poitiers vous adressait, dès les temps anciens, ce magnifique éloge que l’Église Romaine consacre à votre illustre disciple Martin : « O bienheureux Pontife ! Qui aimait de toutes ses entrailles le Christ Roi, et qui ne ployait pas sous le faix du commandement ! O âme très sainte ! Que le glaive du persécuteur n’a point séparée du corps, et qui cependant n’a pas perdu la palme du martyre ! » Si la palme vous a manqué, du moins n’avez-vous pas manqué à la palme ; et la couronne de Martyr, qui ceint le front de votre illustre frère Eusèbe, ne convient pas moins à votre tête sacrée qu’entoure déjà l’auréole de Docteur. Tant de gloire est due à votre courage dans la confession de ce Verbe divin dont nous honorons, en ces jours, les abaissements et l’ineffable enfance. Comme les Mages, vous n’avez point tremblé en présence d’Hérode ; et si les ordres de César vous exilèrent sur la terre étrangère, votre cœur se consola en songeant à l’exil de Jésus enfant, dans la terre d’Égypte. Obtenez-nous la grâce de comprendre, à notre tour, ces divins mystères.

Veillez aussi sur la foi des Églises ; et par votre suffrage puissant, conservez-y la connaissance et l’amour du divin Emmanuel. Souvenez-vous de celle que vous avez gouvernée, et qui se glorifie encore d’être votre fille ; mais puisque l’ardeur de votre zèle embrassait la Gaule tout entière dont vous fûtes l’invincible boulevard, protégez aujourd’hui la France chrétienne. Qu’elle garde toujours le don de la foi ; que ses Evêques soient les athlètes courageux de la liberté ecclésiastique ; formez dans son sein des prélats puissants en œuvres et en paroles, comme Martin et comme vous, profonds dans la doctrine, et fidèles dans la garde du dépôt.

Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

Selon Grégoire de Tours, cette fête était déjà célébrée le 13 janvier dans cette cité épiscopale dès la fin du Ve siècle, c’est-à-dire sous le gouvernement de saint Perpétue. Mais ce ne fut que de nombreux siècles plus tard, sous Pie IX, qu’elle fut insérée dans le calendrier romain. Toutefois le 13 janvier étant le jour octave de l’Épiphanie, l’office de saint Hilaire fut remis au lendemain.

La messe est celle du Commun des Docteurs, semblable, en grande partie, à celle de la fête de saint Ambroise le 7 décembre. On y trouve seulement quelques variantes.

Le répons pour la messe des Docteurs est tiré du psaume 36 : « Les lèvres du juste proféreront des oracles de sagesse, et sa langue prononcera ce qui est juste. » — Voilà la magnifique louange que le Saint-Esprit fait de celui qui instruit les fidèles dans la voie de la vertu. Il ajoute toutefois immédiatement ce qui est exigé du prédicateur sacré, pour que sa parole puisse être vraiment fructueuse : « La loi de Dieu remplit son cœur, en sorte qu’il ne vacillera pas dans sa marche. »

Le verset alléluiatique s’inspire de l’Ecclésiastique (XLV, 9) : « Le Seigneur l’a aimé et l’a orné d’un manteau de gloire. » Toute grâce est un don de l’amour.

Le verset pour la communion est tiré de l’Évangile selon saint Luc (XII, 42) : « Voici le serviteur fidèle et prudent que le Seigneur a placé à la tête de sa famille. » — La prudence est le don le plus nécessaire aux supérieurs ecclésiastiques. Toutefois pour que cette prudence ne soit pas celle de la chair qui, selon l’Apôtre, est ennemie de Dieu, il faut qu’elle s’inspire de la foi, et c’est pourquoi le saint Évangile nous parle ici du serviteur non seulement prudent, mais aussi fidèle.

La collecte d’action de grâces est la même que pour la fête de saint Pierre Chrysologue.

Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique

Saint Hilaire. — Jour de mort : 13 janvier 367. Tombeau : dans la cathédrale de Parme (Italie). Image : On le représente en évêque, avec le livre des docteurs ; à ses pieds des serpents ou des dragons, symboles des erreurs qu’il a combattues. Sa vie : Saint Hilaire est un de ces héros qui, pour la foi à la divinité du Christ, ont éprouvé de grandes souffrances et accompli de grandes œuvres. A peine le temps des persécutions sanglantes était-il passé, que s’éleva un autre ennemi terrible dans le sein de l’Église : l’arianisme. Cette hérésie niait la divinité du Christ et n’était, sous le masque de la foi chrétienne, qu’une forme de paganisme. En très peu de temps, se déchaîna un conflit qui s’étendit sur toute l’Église, avec d’autant plus de rapidité que les empereurs soi-disant chrétiens favorisèrent puissamment l’hérésie. Il fallut encore que de nombreux martyrs scellassent, de leur sang, la foi à la divinité du Christ. Les évêques orthodoxes qui s’opposaient à l’hérésie furent envoyés en exil où ils souffrirent toutes sortes de privations.

Au premier rang des défenseurs de la foi se trouvait saint Hilaire. Il était issu d’une famille distinguée et avait reçu une éducation soignée. Bien que marié, il fut nommé, à cause de sa vie vertueuse, évêque de Poitiers ; bientôt, à cause de sa défense de la vraie foi, il fut exilé en Phrygie. C’est là qu’il composa son ouvrage principal sur la Sainte-Trinité (en douze livres) où il défend avec enthousiasme la foi de l’Église qui triomphe quand elle est combattue ». Enfin il put revenir dans sa patrie. Par sa sage douceur, il arriva à débarrasser les Gaules de l’hérésie d’Arius. Comme écrivain ecclésiastique, il eut aussi une influence heureuse ; c’est pourquoi l’Église l’a élevé à la dignité de docteur de l’Église.

Pratique. Depuis le Baptême, notre plus grand bien est la Sainte-Trinité, mais aussi notre adhésion à la Trinité par le Christ. Toutes nos prières, tous nos travaux et tous nos sacrifices sont un culte rendu à la Trinité. Avec quel zèle ne devrions-nous pas nous acquitter de nos prières à la Sainte Trinité depuis le signe de la Croix et Gloria Patri jusqu’au Gloria in excelsis, au Te Deum, au Credo. Depuis le Baptême nous sommes la propriété de la Sainte Trinité. Puissions-nous l’être consciemment dans notre intelligence, notre volonté, notre cœur, notre âme tout entière. Saint Hilaire peut être notre guide.

La messe du commun des docteurs (In medio) est très plastique. L’Église voit dans le prêtre célébrant notre saint docteur (cette conception rend les chants plus intelligibles). Quand le prêtre (autrefois l’Évêque) s’avance vers l’autel, nous chantons : « Au milieu de l’Église, Dieu lui ouvre la bouc e, le Seigneur le remplit de l’esprit de sagesse et d’intelligence ; il l’a revêtu de la robe de gloire » (Intr.). Le docteur de l’Église nous adresse en tout temps la parole, dans l’Église de Dieu. C’est dans la personne du prêtre qu’il nous parle aujourd’hui, le vêtement sacerdotal est l’image de la stola gloriae, de la robe de gloire. Dans le psaume 91, nous louons Dieu dans ses saints.

L’Oraison mérite elle aussi d’être méditée : le docteur de l’Église est pour nous, sur la terre, un doctor vitae — un maître de vie (c’est-à-dire de la sagesse de vie mais aussi de la vie divine) et en même temps un intercesseur au ciel.

Dans l’Épître, nous voyons le saint marcher sur les traces de saint Paul : il a été un combattant et un prédicateur sans peur et infatigable du royaume de Dieu — « opportunément ou importunément » — , il a fait œuvre d’évangéliste (nous ne voyons la facilité d’adaptation du texte de la messe que lorsque nous connaissons, d’une certaine manière, la vie du saint). Aujourd’hui est le jour de sa mort, le jour du retour du Seigneur pour lui, où il peut dire : « J’ai combattu le bon combat, j’ai achevé ma course, maintenant est réservée pour moi la couronne de justice que me donnera en ce jour le Seigneur le juste Juge. » Et nous pouvons aujourd’hui, à la messe, assister avec le saint au retour du Seigneur.

Le saint docteur est le sel de la terre, une lumière de l’Église, une ville sur la montagne (songeons à l’Évêque assis sur un trône élevé), une lumière dans la maison du Seigneur, placée sur le chandelier, lumière à laquelle nous pouvons allumer notre petite lumière ; il est appelé grand, car il a fait et enseigné de grandes choses (Év.).

Quand nous approchons de l’autel, pour offrir nos dons, le saint « se multiplie » en nous comme « se multiplie le palmier ou le cèdre » ; nous lui devenons semblables. (Off). Au moment de la communion, nous voyons encore dans le prêtre qui nous la distribue, le docteur de l’Église. Nous voyons en esprit l’Évêque de la primitive Église, dans ses fonctions liturgiques de prédicateur et de prêtre. Dans l’avant-messe, nous entendons son enseignement ; au Saint-Sacrifice, nous le voyons dans l’administration de la communion. La doctrine et l’Eucharistie sont le froment divin que l’administrateur de la famille de Dieu distribue « prudemment et fidèlement ». Aujourd’hui encore le prêtre qui célèbre nous distribue le même froment des élus dans l’esprit de saint Hilaire.

Benoît XVI, catéchèses, 10 octobre 2007

Chers frères et sœurs,

Aujourd’hui, je voudrais parler d’un grand Père de l’Eglise d’Occident, saint Hilaire de Poitiers, l’une des grandes figures d’Evêques qui ont marqué le IVe siècle. Au cours de la confrontation avec les ariens, qui considéraient le Fils de Dieu Jésus comme une créature, certes éminente, mais toutefois uniquement comme une créature, Hilaire a consacré toute sa vie à la défense de la foi dans la divinité de Jésus Christ, Fils de Dieu et Dieu comme le Père, qui l’a engendré de toute éternité.

Nous ne disposons pas d’informations certaines sur la plus grande partie de la vie d’Hilaire. Les sources antiques disent qu’il naquit à Poitiers, probablement vers l’année 310. Issu d’une famille aisée, il reçut une solide formation littéraire, bien évidente dans ses écrits. Il ne semble pas qu’il ait grandi dans un milieu chrétien. Lui-même nous parle d’un chemin de recherche de la vérité, qui le conduisit peu à peu à la reconnaissance de Dieu créateur et du Dieu incarné, mort pour nous donner la vie éternelle. Baptisé vers 345, il fut élu Evêque de sa ville natale autour de 353-354. Au cours des années suivantes, Hilaire écrivit sa première œuvre, le Commentaire à l’Evangile de Matthieu. Il s’agit du plus ancien commentaire en langue latine qui nous soit parvenu de cet Evangile. En 356, Hilaire assiste comme Evêque au Synode de Béziers, dans le sud de la France, le "synode des faux Apôtres", comme il l’appelle lui-même, car la réunion fut dominée par des Evêques philo-ariens, qui niaient la divinité de Jésus Christ. Ces "faux apôtres" demandèrent à l’empereur Constance la condamnation à l’exil de l’Evêque de Poitiers. Hilaire fut ainsi obligé de quitter la Gaule au cours de l’été 356.

Exilé en Phrygie, dans l’actuelle Turquie, Hilaire se trouva au contact d’un milieu religieux totalement dominé par l’arianisme. Là aussi, sa sollicitude de pasteur le poussa à travailler sans relâche pour le rétablissement de l’unité de l’Eglise, sur la base de la juste foi, formulée par le Concile de Nicée. C’est dans ce but qu’il commença la rédaction de son œuvre dogmatique la plus importante et la plus connue : le De Trinitate (Sur la Trinité). Dans celle-ci, Hilaire expose son chemin personnel vers la connaissance de Dieu, et se préoccupe de montrer que l’Ecriture atteste clairement la divinité du Fils et son égalité avec le Père, non seulement dans le Nouveau Testament, mais également dans un grand nombre de pages de l’Ancien Testament, dans lequel apparaît déjà le mystère du Christ. Face aux ariens, il insiste sur la vérité des noms de Père et de Fils et développe toute sa théologie trinitaire à partir de la formule du Baptême qui nous a été donnée par le Seigneur lui-même : "Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit".

Le Père et le Fils sont de la même nature. Et si certains passages du Nouveau Testament pourraient faire penser que le Fils est inférieur au Père, Hilaire offre des règles précises pour éviter des interprétations erronées : certains textes de l’Ecriture parlent de Jésus comme de Dieu, d’autres mettent, en revanche, en évidence son humanité. Certains se réfèrent à Lui dans sa préexistence auprès du Père ; d’autres prennent en considération l’état d’abaissement (kenosi), sa descente jusqu’à la mort ; d’autres, enfin, le contemplent dans la gloire de la résurrection. Au cours des années de son exil, il écrivit également le Livre des Synodes, dans lequel il reproduit et commente pour ses confrères Evêques de Gaule les confessions de foi et d’autres documents des synodes réunis en Orient autour de la moitié du IV siècle. Toujours ferme dans son opposition aux ariens radicaux, saint Hilaire montre un esprit conciliant à l’égard de ceux qui acceptaient de confesser que le Fils était ressemblant au Père dans son essence, naturellement en cherchant à les conduire vers la plénitude de la foi de Nicée, selon laquelle il n’y a pas seulement une ressemblance, mais une véritable égalité du Père et du Fils dans la divinité. Cela aussi me semble caractéristique : l’esprit de conciliation qui cherche à comprendre ceux qui n’y sont pas encore arrivés et qui les aide, avec une grande intelligence théologique, à parvenir à la plénitude de la foi, dans la divinité véritable du Seigneur Jésus Christ.

En 360 ou en 361, Hilaire put finalement revenir dans sa patrie après son exil, et il reprit immédiatement l’activité pastorale dans son Eglise, mais l’influence de son magistère s’étendit de fait bien au-delà des frontières de celle-ci. Un synode tenu à Paris en 360 ou en 361 reprend le langage du Concile de Nicée. Certains auteurs antiques pensent que ce tournant anti-arien de l’épiscopat de la Gaule a été en grande partie dû à la fermeté et à la mansuétude de l’Evêque de Poitiers. Tel était précisément son don : conjuguer la fermeté dans la foi et la douceur dans les relations interpersonnelles. Au cours des dernières années de sa vie, il rédigea encore les Traités sur les Psaumes, un commentaire de cinquante-huit Psaumes, interprétés selon le principe souligné dans l’introduction de l’œuvre : "Il ne fait aucun doute que toutes les choses qui se disent dans les Psaumes doivent être comprises selon l’annonce évangélique, de façon à ce que, quelle que soit la voix avec laquelle l’esprit prophétique a parlé, tout soit cependant rattaché à la connaissance de la venue de Notre Seigneur Jésus Christ, incarnation, passion et royaume, et à la gloire et puissance de notre résurrection" [2]. Il voit dans tous les psaumes cette compréhension du mystère du Christ et de son Corps, qui est l’Eglise. En diverses occasions, Hilaire rencontra saint Martin : précisément près de Poitiers, le futur Evêque de Tours fonda un monastère, qui existe encore aujourd’hui. Hilaire mourut en 367. Sa mémoire liturgique est célébrée le 13 janvier [3]. En 1851, le bienheureux Pie IX le proclama Docteur de l’Eglise.

Pour résumer l’essentiel de sa doctrine, je voudrais dire qu’Hilaire trouve le point de départ de sa réflexion théologique dans la foi baptismale. Dans le De Trinitate, Hilaire écrit : Jésus "a commandé de baptiser au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit [4], c’est-à-dire dans la confession de l’Auteur, du Fils unique et du Don. Il n’y a qu’un seul Auteur de toutes les choses, car Dieu le Père est un seul, dont tout procède. Et Notre Seigneur Jésus Christ est un seul, à travers lequel tout fut fait [5], et l’Esprit est un seul [6], don en tous... En rien on ne pourra trouver qu’il manque quelque chose à une plénitude aussi grande, dans laquelle convergent dans le Père, dans le Fils et dans le Saint-Esprit l’immensité de l’Eternel, la révélation dans l’Image, la joie dans le Don" [7]. Dieu le Père, étant entièrement amour, est capable de communiquer en plénitude sa divinité au Fils. Je trouve particulièrement belle la formule suivante de saint Hilaire : "Dieu ne sait rien être d’autre qu’amour, il ne sait rien être d’autre que le Père. Et celui qui l’aime n’est pasenvieux, et celui qui est le Père l’est dans sa totalité. Ce nom n’admet pas de compromis, comme si Dieu pouvait être le Père sur certains aspects, mais ne l’était pas sur d’autres" [8].

C’est pourquoi, le Fils est pleinement Dieu sans aucun manque ni diminution : "Celui qui vient de la perfection est parfait, car celui qui a tout, lui a tout donné" [9]. Ce n’est que dans le Christ, Fils de Dieu et Fils de l’homme, que l’humanité trouve son salut. En assumant la nature humaine, Il a uni chaque homme à lui, "il s’est fait notre chair à tous" [10] ; "il a assumé en lui la nature de toute chair, et au moyen de celle-ci il est devenu la vraie vie, il possède en lui les racines de chaque sarment" [11]. C’est précisément pour cette raison que le chemin vers le Christ est ouvert à tous, - car il a attiré chacun dans sa nature d’homme - même si la conversion personnelle est toujours demandée : "A travers la relation avec sa chair, l’accès au Christ est ouvert à tous, à condition qu’ils se dépouillent du vieil homme [12] et qu’ils le clouent sur sa croix [13] ; à condition qu’ils abandonnent les oeuvres de jadis et qu’ils se convertissent, pour être ensevelis avec lui dans son baptême, en vue de la vie [14]" [15].

La fidélité à Dieu est un don de sa grâce. C’est pourquoi saint Hilaire demande, à la fin de son Traité sur la Trinité, de pouvoir rester toujours fidèle à la foi du baptême. C’est une caractéristique de ce livre : la réflexion se transforme en prière et la prière redevient réflexion. Tout le livre est un dialogue avec Dieu. Je voudrais conclure la catéchèse d’aujourd’hui par l’une de ces prières, qui devient ainsi également notre prière : "Fais, ô Seigneur - récite saint Hilaire de manière inspirée - que je reste toujours fidèle à ce que j’ai professé dans le symbole de ma régénération, lorsque j’ai été baptisé dans le Père, dans le Fils et dans l’Esprit Saint. Fais que je t’adore, notre Père, et en même temps que toi, que j’adore ton Fils ; fais que je mérite ton Esprit Saint, qui procède de toi à travers ton Fils unique... Amen" [16]. © Copyright 2006 - Libreria Editrice Vaticana

[1] Œuvres du Cardinal Pie, évêque de Poitiers, tome VI. Discours prononcé à Rome, dans l’Église de Saint-André della Valle, le 14 janvier 1870.

[2] Instructio Psalmorum 5.

[3] Dans le calendrier réformé.

[4] cf. Mt 28, 19.

[5] 1 Co 8, 6.

[6] Ep 4, 4.

[7] De Trinitate 2, 1.

[8] ibid. 9, 61.

[9] ibid. 2, 8.

[10] Tractatus in Psalmos 54, 9.

[11] ibid. 51, 16.

[12] cf. Ep 4, 22.

[13] cf. Col 2, 14.

[14] cf. Col 1, 12 ; Rm 6, 4.

[15] ibid. 91, 9.

[16] De Trinitate 12, 57.