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28/05 St Augustin de Cantorbéry, évêque et confesseur

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Sommaire

  Textes de la Messe  
  Office  
  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum  
  Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique  

A Cantorbéry, déposition de saint Augustin, premier évêque de cette ville, le 26 mai 604 ou 605. Culte local immédiat. Le concile de Cloveshoë décrète en 747 son natale jour férié et l’inscription de son nom dans les litanies après celui de saint Grégoire le Grand.

Diffusion du culte dans le nord de la France à partir du XIe siècle.

Léon XIII introduit la fête sous le rite double à la date du 28 mai en 1882.

Textes de la Messe

die 28 maii
le 28 mai
SANCTI AUGUSTINI
SAINT AUGUSTIN
Ep. et Conf.
Evêque et Confesseur
III classis (ante CR 1960 : duplex)
IIIème classe (avant 1960 : double)
Ant. ad Introitum. Ps. 131, 9-10.Introït
Sacerdótes tui, Dómine, índuant iustítiam, et sancti tui exsúltent : propter David servum tuum, non avértas fáciem Christi tui. (T.P. Allelúia, allelúia.)Que vos prêtres, Seigneur, revêtent la justice et que vos saints tressaillent de joie. En considération de David votre serviteur, ne repoussez pas la face de votre Christ. (T.P. Alléluia, alléluia.)
Ps. Ibid, 1.
Meménto, Dómine, David : et omnis mansuetúdinis eius.Souvenez-vous, Seigneur, de David et de toute sa douceur.
V/. Glória Patri.
Oratio.Collecte
Deus, qui Anglórum gentes, prædicatióne et miráculis beáti Augustíni Confessóris tui atque Pontíficis, veræ fídei luce illustráre dignátus es : concéde ; ut, ipso interveniénte, errántium corda ad veritátis tuæ rédeant unitátem, et nos in tua simus voluntáte concórdes. Per Dóminum nostrum.O Dieu, qui, par la prédication et les miracles du bienheureux Augustin, votre Confesseur et Pontife, avez daigné éclairer de la lumière de la vraie foi la nation anglaise, faites que, par son intercession, les cœurs égarés reviennent à l’unité de votre vérité, et que nous soyons tous unis de cœur en votre volonté.
Lectio Epístolæ beáti Pauli Apóstoli ad Thessalonicénses.Lecture de l’Epître de saint Paul aux Thessaloniciens.
1 Thess. 2, 2-9
Fratres : Fidúciam habúimus in Dómino nostro, loqui ad vos Evangélium Dei in multa sollicitúdine. Exhortátio enim nostra non de erróre, neque de immundítia, neque in dolo ; sed sicut probáti sumus a Deo, ut crederétur nobis Evangélium : ita lóquimur, non quasi homínibus placéntes, sed Deo, qui probat corda nostra. Neque enim aliquándo fúimus in sermóne adulatiónis, sicut scitis : neque in occasióne avarítiæ : Deus testis est : nec quæréntes ab homínibus glóriam, neque a vobis, neque ab áliis. Cum possémus vobis óneri esse, ut Christi Apóstoli ; sed facti sumus párvuli in médio vestrum, tamquam si nutrix fóveat fílios suos. Ita desiderántes vos, cúpide volebámus trádere vobis non solum Evangélium Dei, sed etiam ánimas nostras, quóniam caríssimi nobis facti estis. Memores enim estis, fratres, labóris nostri, et fatigatiónis : nocte ac die operántes, ne quem vestrum gravarémus, prædicávimnus in vobis Evangelium Dei.Mes Frères : Si, pour vous annoncer l’Évangile en dépit de tant de difficultés, nous avons montré une telle assurance, c’est en Dieu que nous l’avons trouvée. Notre prédication ne procède ni de l’erreur, ni d’intentions impures ; elle n’use pas de diplomatie. Mais puisque Dieu nous a jugé digne de nous confier son Évangile, nous ne parlons pas pour plaire aux hommes, mais à Dieu qui juge notre cœur. De fait, à aucun moment, nous n’avons employé des paroles de flatterie, vous le savez bien. Jamais nous n’avons cherché de profits personnels, Dieu en est témoin ; nous n’avons pas ambitionné une célébrité parmi les hommes, ni chez vous, ni ailleurs. Comme apôtres du Christ, nous aurions pu cependant rester à votre charge ; mais nous nous sommes comportés parmi vous avec une simplicité d’enfants. Et comme une mère entoure de tendresse les enfants qu’elle nourrit, dans notre affection pour vous, nous désirons vivement vous donner non seulement l’Évangile de Dieu, mais encore notre vie. Car vous êtes devenus très chers à notre cœur. Vous vous rappelez, frères, nos labeurs, nos fatigues ; c’est en travaillant nuit et jour, pour n’être à charge à aucun de vous, que nous avons prêché l’Évangile de Dieu.
Graduale. Ps. 131, 16-17.Graduel
Sacerdótes eius índuam salutári : et sancti eius exsultatióne exsultábunt.Je revêtirai ses prêtres de salut, et ses saints seront ravis de joie.
V/. Illuc prodúcam cornu David : parávi lucérnam Christo meo.V/. Là je ferai paraître la puissance de David ; j’ai préparé une lampe pour mon Christ.
Allelúia, allelúia. V/. Ps. 109, 4. Iurávit Dóminus, et non poenitébit eum : Tu es sacérdos in ætérnum, secúndum órdinem Melchísedech. Allelúia.Allelúia, allelúia. V/. Le Seigneur a juré, et il ne s’en repentira point : Vous êtes prêtre à jamais selon l’ordre de Melchisédech. Alléluia.
Tempore paschali omittitur graduale, et eius loco dicitur :Au Temps pascal, on omet le graduel et à sa place on dit :
Allelúia, allelúia. V/. Ps. 109, 4. Iurávit Dóminus, et non poenitébit eum : Tu es sacérdos in ætérnum, secúndum órdinem Melchísedech.Allelúia, allelúia. V/. Le Seigneur a juré, et il ne s’en repentira point : vous êtes prêtre à jamais selon l’ordre de Melchisédech.
Allelúia. V/. Eccli. 45, 9. Amávit eum Dóminus, et ornávit eum : stolam glóriæ índuit eum. Allelúia.Allelúia. V/. Le Seigneur l’a aimé et l’a orné, il l’a revêtu d’une robe de gloire. Alléluia.
+ Sequéntia sancti Evangélii secundum Lucam.Lecture du Saint Evangile selon saint Luc.
Luc. 10, 1-9.
In illo témpore : Designávit Dóminus et álios septuagínta duos : et misit illos binos ante fáciem suam in omnem civitátem et locum, quo erat ipse ventúrus. Et dicebat illis : Messis quidem multa, operárii autem pauci. Rogáte ergo Dóminum messis, ut mittat operários in messem suam. Ite : ecce, ego mitto vos sicut agnos inter lupos. Nolíte portare sǽculum neque peram neque calceaménta ; et néminem per viam salutavéritis. In quamcúmque domum intravéritis, primum dícite : Pax huic dómui : et si ibi fúerit fílius pacis, requiéscet super illum pax vestra : sin autem, ad vos revertétur. In eádem autem domo manéte, edéntes et bibéntes quæ apud illos sunt : dignus est enim operárius mercede sua. Nolíte transíre de domo in domum. Et in quamcúmque civitátem intravéritis, et suscéperint vos, manducáte quæ apponúntur vobis : et curáte infírmos, qui in illa sunt, et dícite illis : Appropinquávit in vos regnum Dei.En ce temps-là : le Seigneur désigna encore soixante-dix autres disciples, et il les envoya devant lui, deux à deux, en toute ville et endroit où lui-même devait aller. Il leur disait : La moisson est grande, mais les ouvriers sont en petit nombre. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers à sa moisson. Allez : voici que je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups. Ne portez ni bourse, ni besace, ni sandales, et ne saluez personne en chemin. En quelque maison que vous entriez, dites d’abord : "Paix à cette maison !" Et s’il y a là un fils de paix, votre paix reposera sur lui ; sinon, elle reviendra sur vous. Demeurez dans cette maison, mangeant et buvant de ce qu’il y aura chez eux, car l’ouvrier mérite son salaire. Ne passez pas de maison en maison. Et en quelque ville que vous entriez et qu’on vous reçoive, mangez ce qui vous sera servi ; guérissez les malades qui s’y trouveront, et dites-leur : "Le royaume de Dieu est proche de vous."
Ant. ad Offertorium. Ps. 88, 25.Offertoire
Véritas mea et misericórdia mea cum ipso : et in nómine meo exaltábitur cornu eius. (T.P. Allelúia.)Ma vérité et ma miséricorde seront avec lui et par mon nom s’élèvera sa puissance. (T.P. Alléluia.)
SecretaSecrète
Sacrifícium tibi offérimus, Dómine, in sollemnitáte beáti Augustíni Pontíficis et Confessóris tui, humíliter deprecántes : ut oves, quæ periérunt, ad unum ovile revérsæ, hoc salutári pábulo nutriántur. Per Dóminum.Nous vus offrons ce sacrifice, Seigneur, en la solennité du bienheureux Augustin votre Pontife et Confesseur, en vous priant humblement : que les brebis qui se sont perdues, une fois revenues à unique bergerie, y soient nourries de cette nourriture salutaire.
Ant. ad Communionem. Matth. 24,46-47.Communion
Beátus servus, quem, cum vénerit dóminus, invénerit vigilántem : amen, dico vobis, super ómnia bona sua constítuet eum. (T.P. Allelúia.)Heureux le serviteur que le maître, à son arrivée, trouvera veillant ; en vérité, je vous le dis, il l’établira sur tous ses biens. (T.P. Alléluia.)
PostcommunioPostcommunion
Hóstia salutári refécti : te, Dómine, súpplices exorámus ; ut eadem, beáti Augustíni interveniénte suffrágio, in omni loco nómini tuo iúgiter immolétur. Per Dóminum nostrum.Ranimés par cette victime du salut : nous vous supplions, Seigneur : qu’à l’appui de l’intercession du bienheureux Augustin, elle soit partout et sans cesse immolée à votre gloire.

Office

Leçons des Matines avant 1960

Quatrième leçon. L’an cinq cent quatre-vingt-dix-sept, Augustin, moine du monastère de Latran à Rome, fut envoyé par Grégoire le Grand en Angleterre, avec environ quarante moines de sa communauté, pour convertir au Christ les populations de cette contrée. Il y avait alors dans le pays de Kent un roi très puissant, nommé Ethelbert. Ayant appris le motif de l’arrivée d’Augustin, il l’invita à venir avec ses compagnons à Cantorbéry, capitale de son royaume, et lui accorda de bonne grâce l’autorisation d’y demeurer et d’y prêcher le Christ. Le Saint bâtit donc près de Cantorbéry un oratoire où il résida quelque temps, et où ses compagnons et lui menèrent à l’envi un genre de vie tout apostolique.

Cinquième leçon. L’exemple de sa vie, joint à la prédication de la céleste doctrine que confirmaient de nombreux miracles, gagna les insulaires, puis amena à embrasser le christianisme la plupart d’entre eux et finalement le roi lui-même, qui reçut le baptême, ainsi qu’un nombre considérable des gens de son entourage ; ces faits comblèrent de joie la reine Berthe, qui était chrétienne. Il arriva qu’un jour de Noël Augustin baptisa plus de dix mille Anglais dans les eaux d’une rivière qui coule à York, et l’on rapporte que tous ceux qui se trouvaient atteints de quelque maladie recouvrèrent la santé du corps, en même temps qu’ils recevaient le salut de l’âme. Ordonné Évêque par l’ordre de Grégoire, Augustin établit son siège à Cantorbéry dans l’église du Sauveur qu’il avait élevée, et y plaça des moines pour seconder ses travaux ; il construisit dans un faubourg le monastère de Saint-Pierre, qui porta même plus tard le nom d’Augustin. Ce même Pape Grégoire lui accorda l’usage du pallium, avec le pouvoir d’établir en Angleterre la hiérarchie ecclésiastique. Il lui envoya aussi de nouveaux ouvriers apostoliques, parmi lesquels Méliton, Just, Paulin et Rufin.

Sixième leçon. Les affaires de son Église étant réglées, Augustin réunit en synode les Évêques et les docteurs des anciens Bretons, depuis longtemps en désaccord avec l’Église romaine par rapport à la célébration de la fête de Pâques et à d’autres questions de rite. Mais comme il ne parvenait à les ramener à l’unité, ni par l’autorité du siège apostolique ni par des miracles, un esprit prophétique l’inspirant, il leur prédit leur perte. Enfin, après avoir accompli de nombreux travaux pour le Christ et d’éclatants prodiges, après avoir préposé Méliton à l’Église de Londres, Just à celle de Rochester, il désigna Laurent pour son successeur, et partit pour le ciel, le sept des calendes de juin, sous le règne d’Ethelbert. Il fut enterré au monastère de Saint-Pierre, qui devint le lieu de sépulture des Archevêques de Cantorbéry et de plusieurs rois. Les Anglais lui rendirent un culte fervent, et le souverain Pontife Léon XILI a étendu son Office et sa Messe à l’Église universelle.

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

Quatre cents ans étaient à peine écoulés, depuis le départ d’Éleuthère pour la patrie céleste, qu’un second apôtre de la grande île britannique s’élevait de ce monde, au même jour, vers la gloire éternelle. La rencontre de ces deux pontifes sur le cycle est particulièrement touchante, en même temps qu’elle nous révèle la prévoyance divine qui règle le départ de chacun de nous, en sorte que le jour et l’heure en sont fixés avec une sagesse admirable. Plus d’une fois nous avons reconnu avec évidence ces coïncidences merveilleuses qui forment un des principaux caractères du cycle liturgique. Aujourd’hui, quel admirable spectacle dans ce premier archevêque de Cantorbéry, saluant sur son lit de mort le jour où le saint pape à qui l’Angleterre doit la première prédication de l’Évangile, monta dans les cieux, et se réunissant à lui dans un même triomphe ! Mais aussi qui n’y reconnaîtrait un gage de la prédilection dont le ciel a favorisé cette contrée longtemps fidèle, et devenue depuis hostile à sa véritable gloire ?

L’œuvre de saint Éleuthère avait péri en grande partie dans l’invasion des Saxons et des Angles, et une nouvelle prédication de l’Évangile était devenue nécessaire. Rome y pourvut comme la première fois. Saint Grégoire le Grand conçut cette noble pensée ; il eût désiré assumer sur lui-même les fatigues de l’apostolat dans cette contrée redevenue infidèle ; un instinct divin lui révélait qu’il était destiné à devenir le père de ces insulaires, dont il avait vu quelques-uns exposés comme esclaves sur les marchés de Rome. Mais du moins il fallait à Grégoire des apôtres capables d’entreprendre ce labeur auquel il ne lui était pas donné de se livrer en personne. Il les trouva dans le cloître bénédictin, où lui-même avait abrité sa vie durant plusieurs années. Rome alors vit partir Augustin à la tête de quarante moines se dirigeant vers l’île des Bretons, sous l’étendard de la croix.

Ainsi la nouvelle race qui peuplait cette île recevait à son tour la foi par les mains d’un pape ; des moines étaient ses initiateurs à la doctrine du salut. La parole d’Augustin et de ses compagnons germa sur ce sol privilégié. Il lui fallut, sans doute, du temps pour s’étendre à l’île tout entière ; mais ni Rome, ni l’ordre monastique n’abandonnèrent l’œuvre commencée ; les débris de l’ancien christianisme breton finirent par s’unir aux nouvelles recrues, et l’Angleterre mérita d’être appelée longtemps l’île des saints.

Les gestes de l’apostolat d’Augustin dans cette île ravissent la pensée. Le débarquement des missionnaires romains qui s’avancent sur cette terre infidèle en chantant la Litanie ; l’accueil pacifique et même bienveillant que leur fait dès l’abord le roi Ethelbert ; l’influence de la reine Berthe, française et chrétienne, sur l’établissement de la foi chez les Saxons ; le baptême de dix mille néophytes dans les eaux d’un fleuve au jour de Noël, la fondation de l’Église primatiale de Cantorbéry, l’une des plus illustres de la chrétienté par la sainteté et la grandeur de ses évêques : toutes ces merveilles montrent dans l’évangélisation de l’Angleterre un des traits les plus marqués de la bienveillance céleste sur un peuple. Le caractère d’Augustin, calme et plein de mansuétude, son attrait pour la contemplation au milieu de tant de labeurs, répandent un charme de plus sur ce magnifique épisode de l’histoire de l’Église ; mais on a le cœur serré quand on vient à songer qu’une nation prévenue de telles grâces est devenue infidèle à sa mission, et qu’elle a tourné contre Rome, sa mère, contre l’institut monastique auquel elle est tant redevable, toutes les fureurs d’une haine parricide et tous les efforts d’une politique sans entrailles.

Nous plaçons ici cette Hymne qui a été approuvée par le Saint-Siège, en l’honneur de l’apôtre de l’Angleterre.

HYMNE.
Ile féconde des saints, célèbre ton apôtre, exalte dans tes pieux concerts le fils de Grégoire.
Rendue fertile par ses labeurs, tu donnas une moisson abondante ; et longtemps les fleurs de sainteté qui couvraient ton sol répandirent sur toi un éclat supérieur.
Suivi d’une troupe de quarante moines, il débarqua sur tes rivages, ô terre des Anglais ! Il portait l’étendard du Christ ; messager de la paix, il venait en apporter les gages.
Bientôt la croix est plantée sur ton sol comme un éclatant trophée, la parole du salut se répand de toutes parts ; et un roi barbare reçoit lui-même la foi d’un cœur docile.
La nation renonce à ses coutumes sauvages ; elle se plonge dans les eaux sanctifiées d’un fleuve, et renaît à la vie de l’âme le jour même où le Soleil de justice se leva sur le monde.
O Pasteur auguste, du haut du ciel, gouverne toujours tes fils ; ramène dans les bras de la mère désolée l’ingrat troupeau qui s’est éloigné d’elle.
Heureuse Trinité, qui envoyez sans cesse sur votre vigne la rosée de la grâce, daignez faire renaître l’antique foi, afin qu’elle fleurisse comme aux anciens jours.
Amen.

Vous êtes, ô Jésus ressuscité, la vie des peuples, comme vous êtes la vie de nos âmes. Vous appelez les nations à vous connaître, à vous aimer et à vous servir ; car « elles vous ont été données en héritage [1] », et vous les possédez tour à tour. Votre amour vous inclina de bonne heure vers cette île de l’Occident que, du haut de la croix du Calvaire, votre regard divin considérait avec miséricorde. Dès le deuxième siècle, votre bonté dirigea vers elle les premiers envoyés de la parole ; et voici qu’à la fin du sixième, Augustin, votre apôtre, délégué par Grégoire, votre vicaire, vient au secours d’une nouvelle race païenne qui s’est rendue maîtresse de cette île appelée à de si hautes destinées.

Vous avez régné glorieusement sur cette région, ô Christ ! Vous lui avez donné des pontifes, des docteurs, des rois, des moines, des vierges, dont les vertus et les services ont porté au loin la renommée de l’Ile des saints ; et la grande part d’honneur dans une si noble conquête revient aujourd’hui à Augustin, votre disciple et votre héraut. Votre empire a duré longtemps, ô Jésus, sur ce peuple dont la foi fut célèbre dans le monde entier ; mais, hélas ! des jours funestes sont venus, et l’Angleterre n’a plus voulu que vous régniez sur elle [2], et elle a contribué à égarer d’autres nations soumises à son influence. Elle vous a haï dans votre vicaire, elle a répudié la plus grande partie des vérités que vous avez enseignées aux hommes, elle a éteint la foi, pour y substituer une raison indépendante qui a produit dans son sein toutes les erreurs. Dans sa rage hérétique, elle a foulé aux pieds et brûlé les reliques des saints qui étaient sa gloire, elle a anéanti l’ordre monastique auquel elle devait le bienfait du christianisme, elle s’est baignée dans le sang des martyrs, encourageant l’apostasie et poursuivant comme le plus grand des crimes la fidélité à l’antique foi.

En retour, elle s’est livrée avec passion au culte de la matière, à l’orgueil de ses flottes et de ses colonies ; elle voudrait tenir le monde entier sous sa loi. Mais le Seigneur renversera un jour ce colosse de puissance et de richesse. La petite pierre détachée de la montagne l’atteindra à ses pieds d’argile, et les peuples seront étonnés du peu de solidité qu’avait cet empire géant qui s’était cru immortel. L’Angleterre n’appartient plus à votre empire, ô Jésus ! Elle s’en est séparée en rompant le lien de communion qui l’unit si longtemps à votre unique Église. Vous avez attendu son retour, et elle ne revient pas ; sa prospérité est le scandale des faibles, et c’est pour cela que sa chute, que l’on peut déjà prévoir, sera lamentable et sans retour.

En attendant cette épreuve terrible que votre justice fera subir à l’île coupable, votre miséricorde, ô Jésus, glane dans son sein des milliers d’âmes, heureuses de voir la lumière, et remplies pour la vérité qui leur apparaît, d’un amour d’autant plus ardent, qu’elles en avaient été plus longtemps privées. Vous vous créez un peuple nouveau au sein même de l’infidélité, et chaque année la moisson est abondante. Poursuivez votre œuvre miséricordieuse, afin qu’au jour suprême ces restes d’Israël proclament, au milieu des désastres de Babylone, l’immortelle vie de cette Église dont les nations qu’elle a nourries ne sauraient se séparer impunément.

Saint apôtre de l’Angleterre, Augustin, votre mission n’est donc pas terminée. Le Seigneur a résolu de compléter le nombre de ses élus, en glanant parmi l’ivraie qui couvre le champ que vos mains ont ensemencé. Venez en aide au labeur des nouveaux envoyés du Père de famille. Par votre intercession, obtenez ces grâces qui éclairent les esprits et changent les cœurs. Révélez à tant d’aveugles que l’Épouse de Jésus est « unique », comme il l’appelle lui-même [3] ; que la foi de Grégoire et d’Augustin n’a pas cessé d’être la foi de l’Église catholique, et que trois siècles de possession ne sauraient créer un droit à l’hérésie sur une terre qu’elle n’a conquise que par la séduction et la violence, et qui garde toujours le sceau ineffaçable de la catholicité.

Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

Cette fête fut introduite dans le calendrier par Léon XIII, et, dans l’intention de ce grand Pontife, elle était comme un cri d’immense amour et un tendre appel de l’Église Mère à cette glorieuse île Britannique jadis si féconde en saints. Saint Augustin était un moine romain, et il fut envoyé en Angleterre par saint Grégoire le Grand, avec quarante de ses compagnons, pour convertir ce royaume à la foi. Le succès surpassa de beaucoup l’attente du Pape, car Dieu authentiqua la prédication d’Augustin par un si grand nombre de miracles qu’on semblait revenu au temps des Apôtres. Le roi de Kent, Ethelbert, accompagné des grands de sa cour, reçut le baptême des mains du Saint qui, un jour de Noël, baptisa dans un fleuve des milliers de personnes. A ceux qui étaient malades, les ondes baptismales donnèrent la santé du—corps en même temps que celle de l’âme. Sur l’ordre de saint Grégoire, Augustin fut consacré premier évêque des Anglais par Virgile d’Arles. Revenu ensuite dans la Grande-Bretagne, il consacra des évêques pour d’autres sièges, et il établit sa chaire primatiale à Cantorbéry où il érigea aussi un célèbre monastère. Il mourut le 26 mai 609 et reçut immédiatement le culte des saints.

De même que durant sa vie saint Grégoire avait partagé la consolation de son disciple Augustin lors de la régénération chrétienne de tout ce florissant royaume, après sa mort il fut aussi associé à ses mérites, et c’est surtout par les Anglais qu’il fut proclamé l’Apôtre de l’Angleterre ; ce titre honorifique se trouve même dans l’épigraphe tombale de saint Grégoire :

AD • CHRISTVM • ANGLOS • CONVERTIT • PIETATE • MAGISTRA
ADQVIRENS • FIDEI • AGMINA • GENTE • NOVA

Les Anglais attribuent aussi la gloire de leur conversion au patriarche saint Benoît dont la Règle fut introduite chez eux par Augustin et ses compagnons. Voici comment s’exprime à ce sujet saint Aldhelm : Huius (Benedicti) alumnorum numéro glomeramus ovantes … A quo iam nobis baptismi gratia fluxit Atque Magistrorum (Augustin et les 40 moines) veneranda caterva cucurrit. La lecture de l’Apôtre est tirée de la Ire Épître aux Thessaloniciens (II, 2-9). Saint Paul rappelle en quelles circonstances il avait commencé sa prédication dans leur ville ; quel avait été son infatigable labeur durant ces premiers jours, la pureté de sa doctrine et enfin son désintéressement puisqu’il avait renoncé à recevoir des fidèles même ce modeste entretien corporel auquel d’ailleurs le prédicateur évangélique a droit. Une si grande pureté d’intention et un labeur si difficile ne doivent pourtant pas être inutiles ; c’est pourquoi il faut que les fidèles gardent avec un grand zèle ce dépôt de foi catholique qui leur fut confié jadis.

Le répons-graduel est tiré du psaume : « Je revêtirai ses prêtres de salut, et ses saints exulteront dans la joie. ». « Là je ferai paraître la puissance de David, et je tiendrai allumé un flambeau devant mon Oint. »
Ces splendides promesses messianiques sont appliquées par l’Église aux saints Pontifes, en tant qu’ils participent à la dignité du sacerdoce du Christ. Ce sacerdoce catholique sera pour beaucoup comme un vêtement de salut éternel, car ils assureront leur prédestination par la fidélité avec laquelle ils correspondront à leur vocation. Et que comporte donc cette vocation sacerdotale ? La vertu commune ne suffit pas ; une seule chose est requise : sainteté, et sainteté éminente.

La lecture évangélique, en la fête de ce grand apôtre de l’Angleterre, ne peut être autre que celle qui se présente lors de la solennité des premiers compagnons des apôtres : Marc, Luc, Tite, etc.

La prédication d’Augustin, comme celle des premiers Apôtres à qui Jésus, dans l’Évangile de ce jour, ordonne de faire des miracles et de guérir les malades, fut authentiquée par le Seigneur par de nombreux prodiges. La renommée de ceux-ci parvint jusqu’à saint Grégoire à Rome et on aime voir le très humble Pontife, écrivant à son disciple, l’exhorter à conserver la vertu d’humilité malgré la grandeur des miracles qu’il opérait [4].

Les deux collectes avant l’anaphore et après la Communion sont les suivantes :
Sur les oblations. — « Nous vous offrons, Seigneur, le Sacrifice en la fête du bienheureux pontife Augustin, vous suppliant de faire que les brebis séparées retournent l’unité de la foi et participent ainsi à ce banquet de salut. » Claire allusion à la conversion, tant désirée par l’Église, de l’Angleterre à la foi de ses pères, et à l’invalidité de l’Eucharistie et des Ordinations chez les Anglicans.
Après la Communion. — « Après avoir participé à la Victime du salut, nous vous prions, par les mérites de votre bienheureux pontife Augustin, de permettre que cette même Hostie vous soit offerte toujours et partout. » — La pensée est empruntée à Malachie, mais l’allusion concerne la grande île Britannique.

Nous ne saurions nous séparer aujourd’hui de saint Augustin sans évoquer la scène suggestive et impressionnante de son premier atterrissage en Angleterre. Tandis que les Barbares mettaient sens dessus dessous l’Italie, brûlaient les églises et massacraient les évêques, Grégoire le Grand décide un coup audacieux. Il envoie ses pacifiques troupes conquérantes dans la lointaine Bretagne, là où les Césars eux-mêmes n’avaient jamais pu établir solidement les aigles romaines. Le groupe psalmodiant des quarante moines missionnaires pose donc, courageux, le pied sur le sol anglais, et en prenant possession au nom de l’Église catholique, il se met en ordre de procession. Le pieux cortège est précédé d’une croix d’argent et d’une image du Divin Sauveur suivies par Augustin et les moines, qui chantent cette belle prière romaine de la procession des Robigalia : Deprecamur te, Domine, in omni misericordia tua, ut auferatur furor tuus et ira tua a civitate ista et de domo sancta tua, quia peccavimus tibi.

Y eut-il jamais conquête plus pacifique que celle-là ?

Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique

Pour le retour des Anglicans.

Saint Augustin. — Jour de mort : 26 mai 604. — Tombeau : dans le monastère Saint Pierre, à Cantorbéry. Image : On le représente en Bénédictin et en évêque. Vie : Le saint était moine au monastère de Saint-André, près du Latran, à Rome. Le pape saint Grégoire 1er le chargea, en 597, avec 40 compagnons, d’aller évangéliser les Anglo-Saxons. Le roi Ethelbert l’accueillit amicalement et lui permit de s’établir dans le voisinage de Cantorbéry. Bientôt, il put baptiser le roi et 10.000 de ses sujets. Augustin fut alors nommé par le pape primat d’Angleterre et reçut le pallium. Il mourut le 26 mai 604 et fut enterré dans le monastère de Saint-Pierre, qui fut désormais le lieu de sépulture des évêques de Cantorbéry.

Pratique : Nous avons devant les yeux, aujourd’hui, l’Apôtre de l’Angleterre. Malheureusement, ce pays est en grande partie, aujourd’hui, séparé de l’unité de l’Église, tout en gardant toujours des sentiments religieux profonds. Les Anglicans ont, par exemple, un bréviaire laïc avec la récitation quotidienne des psaumes et la lecture de la bible ; ils ont un idéal liturgique semblable au nôtre. L’oraison du jour demande que ce peuple religieux revienne à l’unité de l’Église.

La messe (Sacerdotes) est composée en partie de textes du commun et en partie de textes propres. Nous avons devant nous l’évêque (Intr., Grad., Alléluia) et le missionnaire (Ép. et Évang.). L’Évangile est celui des saints missionnaires qui sont les successeurs des 72 disciples que le Seigneur envoie devant lui. L’Épître est très belle. Saint Paul y décrit, d’une manière touchante, en s’adressant aux Thessaloniciens, ses travaux, pastoraux. Avec les paroles de l’Apôtre, saint Augustin décrit son zèle pour les âmes : « Vous le savez, nous avons été pour chacun de vous comme est un père pour ses enfants, vous priant, vous exhortant et vous adjurant ». L’évêque Augustin a été le serviteur vigilant que le Seigneur au moment de la mort a trouvé veillant Qu’il en soit ainsi pour nous aujourd’hui et à l’heure de notre mort !

[1] Psalm. II.

[2] Luc. XIX, 14.

[3] Cant. VI, 8.

[4] Registr. xi, Ep. 28. P. L., LXXVII, col. 1138.