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5ème jour dans l’Octave de l’Épiphanie (10 janvier, avant 1955)

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Sommaire

  Textes de la Messe avant 1955   
  Office avant 1955   
  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique  

Cinquième jour dans l’Octave de l’Épiphanie, supprimée en 1955 ; lectures patristiques de St Maximin et de St Jérôme.

Textes de la Messe avant 1955

die 10 ianuarii
le 10 janvier
De V Die infra Octavam Epiphaniæ
Le 5ème jour dans l’Octave de l’Épiphanie
Semiduplex
Semidouble
Missa dicitur ut in Festo, præfatione et Communicántes de Epiphania et dicitur Credo.Messe comme le jour de la Fête avec préface et Communicántes de l’Épiphanie. On dit le Credo.

Office avant 1955

A MATINES.

Invitatoire. Le Christ nous est apparu, * Venez, adorons-le.

Au premier nocturne.

De l’Épître aux Romains. Cap. 14, 1-13.

Première leçon. Accueillez celui qui est faible dans la foi, sans disputer sur les opinions. Car l’un croit qu’il peut manger de tout, et l’autre, qui est faible dans la foi, ne mange que des légumes [1]. Que celui qui mange ne méprise pas celui qui ne mange point, et que celui qui ne mange point ne condamne pas celui qui mange ; car Dieu l’a accueilli [2]. Qui es-tu, toi qui juges le serviteur d’autrui ? C’est pour son maître qu’il demeure ferme ou qu’il tombe ; mais il demeurera ferme, parce que Dieu est puissant pour l’affermir.
1er répons comme au 7 janvier, les autres répons comme à la fête de l’Epiphanie

Deuxième leçon. L’un fait différence entre un jour et un jour ; un autre les juge tous pareils ; que chacun abonde en son sens [3]. Celui qui distingue les jours, les distingue en vue du Seigneur. Celui qui mange, mange en vue du Seigneur, car il rend grâce à Dieu ; et celui qui ne mange point, ne mange point en vue du Seigneur, et il rend aussi grâces à Dieu. Car aucun de nous ne vit pour soi, et nul ne meurt pour soi. Mais, soit que nous vivions, nous vivons pour le Seigneur ; soit que nous mourions, nous mourons pour le Seigneur. Soit donc que nous vivions, soit que nous mourions, nous sommes au Seigneur.

Troisième leçon. Car c’est pour cela que le Christ est mort et qu’il est ressuscité, afin de dominer sur les morts et sur les vivants. Toi donc, pourquoi juges-tu ton frère ? ou pourquoi méprises-tu ton frère ? Car nous paraîtrons tous devant le tribunal du Christ ; il est écrit, en effet : Je vis, moi, dit le Seigneur [4], tout genou fléchira devant moi, et toute langue confessera pieu. » Ainsi chacun de nous rendra compte à Dieu pour soi. Ne nous jugeons donc plus les uns les autres.

Au deuxième nocturne.

Sermon de saint Maxime, Évêque.

Quatrième leçon. En ce jour solennel, nous avons, mes bien aimés, (comme la tradition de nos pères nous l’apprend) à célébrer dans l’allégresse plusieurs mystères à la fois. Car on rapporte que c’est en ce jour que le Christ notre Seigneur tut adoré par les Mages qu’avait guidés l’étoile ; ou bien en ce jour, qu’invité à des noces, il changea l’eau en vin ; ou encore en ce jour, qu’après avoir été baptisé par Jean, il consacra les eaux du Jourdain, et en même temps purifia celui qui le baptisait.

Cinquième leçon. De ces trois merveilles, quelle est celle qui s’est accomplie aujourd’hui, celui-là le sait qui les a lui-même opérées. Quand à nous, il nous faut croire sans hésitation que ce mystère quel qu’il soit, a été opéré pour nous. Du moment, en effet, où les Chaldéens, invités par les rayons d’une étoile très éclatante, adorèrent le vrai Dieu, les Gentils reçurent l’espoir de l’adorer. Que les eaux aient été changées en vin par un ordre nouveau, nous y voyons en figure le breuvage nouveau du Sacrement qui nous est offert. Et c’est parce que l’Agneau de Dieu a été baptisé, que nous avons reçu le bienfait d’un baptême qui nous régénère pour nous sauver.

Sixième leçon. Nous devons donc, mes frères, pour honorer notre Sauveur, dont nous avons naguère célébré la naissance avec une sainte joie, fêter encore aujourd’hui avec beaucoup de dévotion l’anniversaire des merveilles que nous pouvons regarder comme les prémices de ses miracles. Et c’est avec raison que ces trois mystères nous sont proposés en un seul jour, à nous qui confessons que les trois personnes de l’ineffable Trinité sont un seul Dieu. Le Christ, notre Seigneur et Rédempteur, a voulu par ces miracles se révéler aux yeux des mortels, afin que sa divinité invisible, qui était cachée en sa nature humaine, se manifestât dans ses œuvres.

Au troisième nocturne.

Lecture du saint Évangile selon saint Matthieu. Cap. 2, 1-12.
En ce temps-là : Jésus étant né à Bethléem de Judée, aux jours du roi Hérode, voici que des mages d’Orient arrivèrent à Jérusalem, disant : "Où est le roi des Juifs qui vient de naître ?". Et le reste.

Homélie de saint Jérôme, Prêtre.

Septième leçon. « Car nous avons vu son étoile en Orient. » Afin que, pour la confusion des Juifs, ils apprissent des Gentils eux-mêmes la naissance du Christ, ce fut en Orient que se montra l’étoile annoncée aux Mages par l’oracle de Balaam, dont ils étaient les successeurs. Lisez le livre des Nombres. Suivant l’indication de l’étoile, les Mages se rendent en Judée, afin que l’interrogation même qu’ils adressent aux prêtres sur le lieu de la naissance du Christ, laisse ces derniers sans excuse touchant sa venue.

Huitième leçon. Or, eux, lui dirent : « A Bethléem de Judée. » Il y a ici erreur de copiste. Nous croyons qu’il fut d’abord écrit par l’Évangéliste, comme le porte le texte hébreu lui-même, « de Juda » et non « de Judée ». Où est, en effet, cet autre Bethléem étranger, pour qu’il soit nécessaire de le distinguer en appelant celui-ci « de Judée ? » Mais on ne spécifie « de Juda », que parce qu’il y a un autre Bethléem dans la Galilée. Lisez le livre de Jésu, fils de Navé. Dans le passage même de Michée qu’on emprunte, il est dit : « Et toi, Bethléem, terre de Juda. »

Neuvième leçon. « Puis, il leurs trésors ouverts, ils lui offrirent des présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe. » Le prêtre Juvencus a élégamment donné la signification mystérieuse de ces présents dans une ligne pleine de poésie : Ils offrent l’encens au Dieu, l’or au Roi, la myrrhe à l’homme. « Mais ayant été avertis en songe de ne point retourner vers Hérode, ils revinrent dans leur pays par un autre chemin. » Ils ont offert des présents au Seigneur ; ils reçoivent en conséquence une réponse qui ne leur vient point par un Ange, mais par le Seigneur lui-même, afin que cette distinction puisse témoigner du privilège fait aux mérites de Joseph. Ils s’en retournent par un autre chemin, parce qu’ils devaient rester totalement étrangers à l’infidélité des Juifs.

A LAUDES

Ant. au Bénédictus Toutes les nations * viendront de loin, portant leurs présents, alléluia.

AUX DEUXIÈMES VÊPRES.

Ant. au Magnificat De Saba, tous * viendront, apportant de l’or et de l’encens, alléluia, alléluia.

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

Les Mages sont arrivés à Bethléhem ; l’humble retraite du Roi des Juifs s’est ouverte pour eux. Ils y trouvent, dit saint Luc, l’Enfant et Marie sa Mère. » Ils se prosternent, et adorent le divin Roi qu’ils ont tant cherché, et que la terre désire.

En ce moment, l’Église chrétienne commence à apparaître. Dans cet humble réduit, le Fils de Dieu fait homme préside comme le Chef de son corps mystique ; Marie assiste comme la coopératrice du salut, et la Mère de grâce ; Juda est représenté par elle et par. Joseph son époux ; la Gentilité adore, en la personne des Mages ; car leur foi a tout compris à la vue de cet Enfant. Ce n’est point un Prophète qu’ils honorent, ni un Roi terrestre à qui ils ouvrent leurs trésors ; c’est un Dieu devant qui ils s’abaissent et s’anéantissent. « Voyez, dit saint Bernard, dans son deuxième Sermon sur l’Épiphanie, voyez quelle est la pénétration des yeux de la foi ! La foi reconnaît le Fils de Dieu à la mamelle, elle le reconnaît attaché au bois, elle le reconnaît jusque dans la mort. Le larron le reconnaît sur le gibet, les Mages dans l’étable : celui-là, malgré les clous qui l’attachent ; ceux-ci, à travers les langes qui l’enveloppent. »

Tout est donc consommé. Bethléhem n’est plus seulement le lieu delà naissance du Rédempteur, elle est encore le berceau de l’Église ; et combien le Prophète avait raison de s’écrier : « O Bethléhem ! tu n’es pas la moindre entre les villes de Juda ! » Comme il nous est aisé de comprendre l’attrait qui porta saint Jérôme à dérober sa vie aux honneurs et aux délices de Rome, aux applaudissements du monde et de l’Église, pour venir s’ensevelir dans cette grotte, témoin de tant et de si sublimes merveilles ! Qui ne désirerait aussi vivre et mourir dans cette retraite bénie du ciel, toute sanctifiée encore de la présence de l’Emmanuel, tout embaumée des parfums de la Reine des Anges, toute retentissante de l’écho des concerts célestes, toute remplie du souvenir des Mages, nos pieux ancêtres !

Rien n’étonne ces heureux Princes en entrant dans l’humble séjour. Ni la faiblesse de l’Enfant, ni la pauvreté de la Mère, ni le dénuement de l’habitation, rien ne les émeut. Loin de là, ils comprennent tout d’abord que le Dieu éternel, voulant visiter les hommes, et leur montrer son amour, devait descendre jusqu’à eux, et si bas, qu’il n’y eût aucun degré de la misère humaine qu’il n’eût sondé et connu par lui-même. Instruits par leur propre cœur de la profondeur de cette plaie d’orgueil qui nous ronge, ils ont senti que le remède devait être aussi extrême que le mal ; et dans cet abaissement inouï, ils ont reconnu tout d’abord la pensée et l’action d’un Dieu. Israël attend un Messie glorieux et tout éclatant de gloire mondaine ; les Mages, au contraire, reconnaissent ce Messie à l’humilité, à la pauvreté qui l’entourent ; subjugués par la force de Dieu, ils se prosternent et adorent, dans l’admiration et l’amour.

Qui saurait rendre la douceur des conversations qu’ils eurent avec la très pure Marie ? car le Roi qu’ils étaient venus chercher ne sortit pas pour eux du silence de son enfance volontaire. Il accepta leurs hommages, il leur sourit avec tendresse, il les bénit ; mais Marie seule pouvait satisfaire, par ses célestes entretiens, la sainte curiosité des trois pèlerins de l’humanité. Comme elle récompensa leur foi et leur amour en leur manifestant le mystère de ce virginal enfantement qui allait sauver le monde, les joies de son cœur maternel, les charmes du divin Enfant ! Eux-mêmes, avec quel tendre respect ils la considéraient et l’écoutaient ! Avec quelles délices la grâce pénétrait dans leurs cœurs, à la parole de celle que Dieu même a choisie pour nous initier maternellement à sa vérité et à son amour ! L’étoile qui naguère brillait pour eux au ciel avait fait place à une autre Etoile, d’une lumière plus douce, et d’une force plus victorieuse encore ; cet astre si pur préparait leurs regards à contempler sans nuage Celui qui s’appelle lui-même l’Etoile étincelante et matinale. Le monde entier n’était plus rien pour eux ; l’étable de Bethléhem contenait toutes les richesses du ciel et delà terre. Les nombreux siècles de l’attente qu’ils avaient partagée avec le genre humain, leur semblaient à peine un moment : tant était pleine et parfaite la joie d’avoir enfin trouvé le Dieu qui apaise, par sa seule présence, tous les désirs de sa créature.

Ils s’associaient aux desseins miséricordieux de l’Emmanuel ; ils acceptaient avec une humilité profonde l’alliance qu’il contractait par eux avec l’humanité ; ils adoraient la justice redoutable qui bientôt allait rejeter un peuple incrédule ; ils saluaient les destinées de l’Église Chrétienne, qui prenait en eux son commencement ; ils priaient pour leur innombrable postérité.

C’est à nous, Gentils régénérés, de nous joindre à ces chrétiens choisis les premiers, et de vous adorer, ô divin Enfant, après tant de siècles, durant lesquels nous avons vu la marche des nations vers Bethléhem, et l’Etoile les conduisant toujours. C’est à nous de vous adorer avec les Mages ! mais plus heureux que ces premiers-nés de l’Église, nous avons entendu vos paroles, nous avons contemplé vos souffrances et votre croix, nous avons été témoins de votre Résurrection ; et si nous vous saluons comme le Roi de l’univers, l’univers est là devant nous qui répète votre Nom devenu grand et glorieux, du lever du soleil à son couchant. Le Sacrifice qui renouvelle tous vos mystères s’offre aujourd’hui en tous lieux du monde ; la voix de votre Église retentit à toute oreille mortelle ; et nous sentons avec bonheur que toute cette lumière luit pour nous, que toutes ces grâces sont notre partage. C’est pourquoi nous vous adorons, ô Christ ! nous qui vous goûtons dans l’Église, la Bethléhem éternelle, la Maison du Pain de vie.

Instruisez-nous, ô Marie, comme vous avez instruit les Mages. Révélez-nous de plus en plus le doux Mystère de votre Fils ; soumettez notre cœur tout entier à son empire adorable. Veillez, dans votre attention maternelle, à ce que nous ne perdions pas une seule des leçons qu’il nous donne ; et que ce séjour de Bethléhem, où nous sommes entrés à la suite des pèlerins de l’Orient, opère en nous un complet renouvellement de notre vie tout entière.

Finissons cette journée par nos chants accoutumés en l’honneur du divin Mystère de notre Roi nouveau-né. Nous les ouvrirons par ces strophes d’une Hymne qu’on a attribuée à saint Ambroise :

HYMNE.
Le Christ a franchi la porte virginale, la porte pleine de grâce ; le Roi a passé, et cette porte demeure fermée à jamais, comme elle le fut toujours.
Le Fils du Dieu suprême est sorti du sanctuaire de la Vierge ; il est l’Époux, le Rédempteur, le fondateur, le géant de son Église.
Gloire et joie de sa Mère, espoir immense des croyants, en épuisant le noir breuvage de la mort, il guérira nos crimes.
Il est cette pierre détachée delà montagne qui couvre de grâce le monde entier ; cette pierre que la main de l’homme n’a pas taillée, qu’avaient annoncée les anciens Prophètes.
Le Verbe fait chair à la parole de l’Ange, naissant vierge, s’est élancé de la retraite sacrée d’un sein virginal.
Les cieux ont versé leur rosée, les nuées ont répandu le Juste ; la terre altérée, enfantant son salut, a reçu Celui qui est son Seigneur.
O merveilleuse conception ! Elle a produit le Christ ; et la Vierge dans l’enfantement, est demeurée vierge après l’enfantement.
Que toute âme tressaille de joie ; le Rédempteur des nations, le Seigneur du monde, est venu racheter ceux qu’il a formés.
Le créateur de la race humaine, Celui que l’univers ne saurait contenir, Mère sainte, il s’est renfermé dans vos entrailles.
Celui que le Dieu Père a engendré Dieu avant tous les temps, la virginité d’une mère féconde l’a mis au jour dans le temps.
Il ôtera tous les péchés, il apportera les trésors de la grâce ; par lui la lumière recevra son accroissement, l’empire des ténèbres sera ruiné.

La prière qui suit est tirée du Bréviaire de l’Église Gothique d’Espagne.

ORATIO.

Seigneur Jésus-Christ, qui, au moment où Hérode les interroge, illuminez la réponse des Mages par une confession de votre vérité, en vous manifestant comme le Roi des rois qu’ils annoncent, en déclarant le prodige de cette brillante étoile qui verse sa lumière sur le monde entier ; donnez, nous vous en prions, à votre Église, la lumière désirée de votre vision : apparaissez en elle comme l’astre cher à tous vos fidèles, afin que, n’étant jamais effrayés des interrogations de l’adversaire, nous annoncions à pleine bouche vos merveilles, et méritions de resplendir dans l’asile de la lumière éternelle. Amen.

Nous empruntons cette Séquence au Missel Parisien du XVIe siècle.

SÉQUENCE.
A l’enfantement de la Vierge, les cieux racontent la gloire de Dieu.
La lumière céleste descend sur les bergeries, l’étoile se lève pour les Mages, brillante d’un éclat nouveau.
Le Christ naît, et les oracles se taisent ; et les Anges chantent autour de son berceau pour réjouir son enfance.
Les bergers entendent des voix dans les airs : un astre le révèle aux Rois de la Chaldée.
Le ciel daigne parler à tous ; mais la voix est pour les Juifs, la langue pour les Gentils.
Les cieux daignent parler à tous ; mais la nation infidèle au lieu de voix n’obtient qu’un prodige.
C’est le jour fécond en miracles, le jour qui manifeste le Christ, à divers instants de sa vie :
Il manifeste le Christ, quand le Père déclare qu’il a mis en lui ses complaisances ;
Il le manifeste, quand le Christ lui-même commande au vase d’eau de verser le vin au festin nuptial ;
Il le manifeste encore, sous le mystère de la triple offrande des Mages.
L’or déclare sa royauté, l’encens sa divinité, là myrrhe sa sépulture.
O Vierge toujours vierge, vous êtes l’étoile merveilleuse qui conduisez au Seigneur :
Glorieuse Dame, douce Vierge des vierges, illuminez nos esprits.
Amen.

L’Église Syriaque doit cette Hymne des Mages à son admirable poète, saint Éphrem.

HYMNE.
Les Princes de Perse, pleins de joie, quittant leur pays, se munirent de présents, et apportèrent au Fils de la Vierge l’or, l’encens et la myrrhe.
Étant entrés, ils trouvèrent l’enfant couché dans un berceau, dans la maison d’une mère pauvre ; prosternés, ils l’adorèrent d’un cœur joyeux et lui offrirent leurs présents.
Marie leur dit : — Pour qui ces présents ? dans quel but ? quel motif vous a appelés de votre région, vous a fait venir vers cet enfant avec vos trésors ?
Ils répondirent : — Votre fils est Roi ; il réunit tous les diadèmes, car il est Roi universel ; son royaume est plus grand que le monde, et tout cède à son empire.
— Comment serait-il possible qu’une femme pauvre eût enfanté un Roi ? Je suis humble et manquant de toutes choses ; comment serais-je la mère d’un Prince ?
— Vous seule cependant avez l’honneur d’avoir mis au jour le grand Roi ; par vous la pauvreté est glorifiée, et toutes les couronnes sont soumises à votre fils.
— Les trésors des rois ne sont point pour moi ; jamais les richesses n’ont été mon partage. Cette demeure est ce qu’il y a de plus pauvre ; cette retraite est dénuée de tout : pourquoi donc dites-vous que mon fils est un Roi ?
— Votre fils est lui-même un grand trésor : ses richesses suffisent à enrichir tous les hommes. Les trésors des rois s’épuisent : lui ne saurait ni s’épuiser, ni se mesurer.
— Ce Roi qui vous est né est peut-être un autre que cet enfant : examinez celui-ci ; ce n’est que le fils d’une pauvre mère qui ne saurait même être admise en présence d’un Roi.
— La lumière, quand elle descend du ciel, pourrait-elle donc s’égarer dans sa route ? Les ténèbres ne nous ont ni appelés ni conduits ici ; c’est à la lumière que nous avons marché. Votre Fils est Roi.
— Vous n’avez devant vous qu’un enfant muet, que la maison nue et dépouillée de sa mère ; aucune trace de royauté n’y apparaît : comment pourrait être Roi l’habitant d’un tel séjour ?
— Oui, nous le voyons dans son silence et dans son repos ; il est pauvre, comme vous l’avez dit, mais il est Roi. N’avons-nous pas vu les astres du ciel s’ébranler à son commandement, afin d’annoncer sa naissance ?
— Il n’y a ici qu’un petit enfant : vous le voyez ; il n’y a ici ni trône ni diadème royal ; qu’apercevez-vous donc qui vous engage à l’honorer de vos trésors comme un Roi ?
— S’il est un petit enfant, c’est qu’il l’a voulu ; il aime la mansuétude et l’humilité, jusqu’au jour où il se manifestera ; mais il viendra un temps où les diadèmes s’abaisseront devant lui pour l’adorer.
— Mon fils n’a ni armées, ni légions, ni cohortes ; le voilà couché dans la pauvreté de sa mère : comment pouvez-vous l’appeler Roi ?
— Les armées de votre fils sont en haut ; elles parcourent le ciel, et illuminent tout de leurs feux. Un seul de ses soldats est venu nous appeler, et toute notre contrée en a été dans la stupeur.

Pour offrande à Marie, nous lui présenterons cette gracieuse Séquence des Églises d’Angleterre, au moyen âge :

SÉQUENCE.
Fleur de virginité, Sanctuaire de pureté, Mère de miséricorde.
Salut ! Vierge sereine, Source de vie, Lumière aimable, Baignée de la rosée De l’Esprit aux sept dons ; De vertus Ornée, De mérites Toute fleurie.
Rose chérie, Lis de chasteté, Mère féconde, Tu enfantes le Fils de Dieu, Et tu demeures vierge Après l’enfantement.
Par une merveille, Sans le secours de l’homme, Tu deviens féconde ;
Du grand Roi, De la vraie lumière L’enfantement fait ta gloire.
La branche, la fleur, Le buisson, la rosée, Prophétisent ta virginité ;
Et aussi la toison Humide de rosée, Digne Mère du Seigneur.
Vierge, tu produis un Fils, Etoile, un Soleil, A jamais sans égale.
Pour ce prodige, La Voie de la vie Nous t’appelons.
Tu es l’espoir et le refuge Des pauvres âmes tombées, Le remède des péchés, Le salut des pénitents.
Tu es la consolation des affligés, Le soulagement des faibles, Purifiant les souillures, Affermissant les cœurs.
Tu es la gloire et le secours De ceux qui en toi se confient, La récompense pleine de vie Pour ceux qui servent sous tes lois.
Miséricordieuse Marie, Avocate des criminels, A tous les malheureux Douce et gracieuse espérance ;
Élève et dirige Les cœurs de tes esclaves Vers les saintes joies Du céleste royaume,
Où goûter la vraie joie Par toi nous pourrons, Et, avec ton Fils, Régner à jamais. Amen.

Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique

La procession d’offrande de la messe.

1. Prière des Heures. — Au deuxième Nocturne, nous entendons des extraits d’un sermon de saint Maximin, évêque de Turin (milieu du Ve siècle), sur les trois mystères de la fête : « Dans cette grande fête, nous pouvons, selon la tradition de nos pères, nous réjouir de plusieurs mystères. Aujourd’hui, nous racontent-ils, le Seigneur fut trouvé par des païens que guidait une étoile et adoré par eux ; aujourd’hui, comme convive à des noces, il a change l’eau en vin ; aujourd’hui, il a, des mains de Jean, reçu le Baptême et ainsi il a sanctifié les eaux du Jourdain et en même temps purifie son baptiseur. Quel est des évènements de ce Jour le plus Important ? Celui-là le sait qui les a accomplis. Quant à nous, nous devons être persuadés que tout ce qui est arrivé est arrivé à cause de nous.

Car que les Chaldéens aient été amenés par l’éclat d’une étoile qui brillait d’une manière étrange, à venir l’adorer, cela donna, aux païens l’espérance de parvenir au culte du vrai Dieu. Que l’eau ait été changée en vin d’une manière merveilleuse, cela présageait le mystère d’un nouveau breuvage divin ; que l’Agneau de Dieu ait été baptisé, cela nous montre le bienfait et le salut du Baptême qui nous a fait renaître. Il convient donc, mes frères, qu’en l’honneur du rédempteur dont nous avons célébré récemment la nativité, avec toute la joie convenable, nous fêtions aussi avec piété ce jour natal de ses œuvres merveilleuses. Comme il convient donc que ces trois évènements mystérieux nous soient annoncés en un seul jour, à nous qui confessons solennellement le mystère ineffable de la Sainte Trinité sous le nom unique de Dieu ! Par ce miracle donc Notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ voulut se manifester aux regards des mortels, afin que sa divinité invisible, qui était cachée dans sa forme humaine, se manifestât visiblement dans ses œuvres. » — Aujourd’hui nous pensons le matin et le soir aux dons que nous apportons : « Tous les peuples viendront de loin et apporteront des présents, Alléluia » (Ant. Ben). « Ils viendront tous de Saba, apportant de l’or et de l’encens, Alléluia, Alléluia ». (Ant. Vêp.).

2. La messe. — Dans tous les temps, les présents des Mages ont attiré l’attention de la chrétienté. On en a tressé toute une guirlande mystique et symbolique. Or, dans l’antiquité chrétienne, la démarche des Mages, pour offrir leurs présents était considérée comme le symbole de la procession des fidèles à la messe. Nous en trouvons une preuve frappante dans une mosaïque de Ravenne. Là des deux côtés de la nef est représentée l’Offrande de l’empereur et de l’impératrice avec leur suite. L’Empereur porte le pain, et l’Impératrice le vin, à l’autel ; sur le vêtement de l’Impératrice est brodée la marche des Mages.

La messe de la fête elle-même suppose ce symbole en mettant sur les lèvres des fidèles, pendant l’Offrande, les versets du psaume 71 : « Les rois de Tharsis et des îles offriront des présents, les rois d’Arabie et de Saba apporteront leurs dons... » L’Église veut dire par là : Dans le drame sacré, les fidèles représentent les Mages qui apportent au divin Roi des présents précieux comme l’or, saints comme l’encens, marquant le sacrifice comme la myrrhe. Cela ne s’applique pas seulement à l’Octave de la fête, nous devons toujours avoir devant les yeux la marche des Mages et leurs présents, toutes les fois que — bien que ce soit seulement en esprit — nous faisons l’Offrande à la messe.

Et nos offrandes ont tant d’analogie avec celles des Mages ! Le sens de l’Offrande est en effet le don de sa propre personne ; le don représente le donateur. Ainsi donc l’Offrande doit ressembler à l’or ; elle doit être ce qu’il y a de plus vrai, de plus pur et de plus précieux en nous. Elle doit ressembler à l’encens, car elle est l’expression de la plus profonde soumission à Dieu. Tel était en effet le sens le plus ancien du sacrifice (cf. Caïn et Abel). Elle doit enfin ressembler à la myrrhe, car il n’y a que ce qui est pénible qui soit digne d’un sacrifice. Enfin les trois dons symbolisent tout l’ensemble de notre vie : travail, prière et souffrance. Apportons chaque jour ces trois dons au sacrifice de la messe.

L’Église a encore une interprétation plus profonde de ces présents dans la secrète de la messe, mais nous en parlerons une autre fois.

3. Notre myrrhe. — Offrons aujourd’hui, avec le troisième Mage, notre myrrhe. Que signifie-t-elle ? Avant tout, c’est la foi vivante au Seigneur crucifié. Nous rendons-nous compte véritablement et d’une manière vivante, qu’au Saint-Sacrifice, la mort du Christ sur la croix nous est rendue présente ? « Toutes les fois que vous mangerez de ce pain, ... vous annoncerez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il revienne. » Saint Paul dit aussi qu’il ne veut rien connaître que le Christ et le Christ crucifié. Sommes-nous remplis de reconnaissance et d’amour pour le Christ crucifié ? « Portons-nous les stigmates du Christ dans notre corps ? » Voilà ce que doit nous rappeler l’offrande de la myrrhe.

La myrrhe signifie aussi, d’après les Pères, la mortification de la chair. Nous trouvant dans l’état de nature déchue, nous devons considérer notre chair comme un ennemi ; il n’y a aucune alliance possible : « Celui qui ne se renonce pas lui-même et ne prend pas sur lui sa croix ne peut être mon disciple. »

Enfin la myrrhe c’est la souffrance de notre vie. Le contenu de notre vie se compose surtout de ces trois choses : travail, prière, souffrance. Des trois, la plus précieuse est la souffrance supportée dans l’abandon et l’union à Dieu. Mettons, aujourd’hui et chaque jour, la souffrance ainsi acceptée sur l’autel, au moment de l’Offrande. Ce ne sera plus alors notre souffrance mais une partie de la Passion du Christ et nous pourrons « compléter ce qui manque aux souffrances du Christ ». Croyons bien que seuls les privilégiés de Dieu sont choisis pour aider le Christ mystique à porter sa Croix. La souffrance est un martyre et l’Église ne met rien au-dessus du martyre.

4. Lecture d’Écriture. — L’Apôtre des Gentils nous parle de la vraie tolérance (Rom. XIV, 1-13) ; lui qui voulait être Juif avec les Juifs, Grec avec les Grecs, « tout à tous » ; lui qui chez ses coreligionnaires a trouvé tant d’intolérance, peut nous enseigner la vraie tolérance chrétienne qui n’abandonne pas un pouce des principes, mais par la charité rétablit les bonnes relations avec les personnes : « Personne d’entre nous ne vit pour soi et personne ne meurt pour soi ; mais, quand nous vivons, nous vivons pour le Seigneur et, quand nous mourons, nous mourons pour le Seigneur. Ainsi donc, que nous vivions ou que nous mourions, nous appartenons au Seigneur. Car le Christ est mort et est redevenu vivant pour régner sur les vivants et les morts... Ne nous jugeons pas les uns les autres, efforcez-vous plutôt de n’être pas pour vos frères une pierre d’achoppement et un scandale. »

[1] Quelques chrétiens faibles d’entre les Juifs convertis n’osaient manger des viandes déclarées impures par la loi ; les chrétiens moins faibles en mangeaient sans scrupule ; Saint Paul recommande aux premiers de ne point condamner ces derniers qui usaient de leur liberté chrétienne, et il engage ces derniers à ne pas mépriser ni scandaliser leurs frères faibles.

[2] En le prenant à son service. — « Ce n’est pas parce que sa conduite ne mérite point d’être jugée que je vous défends de le juger, mais parce qu’il est le serviteur d’autrui, ce qui veut dire qu’il n’est pas le vôtre, mais celui de Dieu. » (Saint Chrysostome).

[3] C’est-à-dire, agisse selon son opinion. Dans les questions non tranchées par l’Église, chacun peut suivre les lumières de la conscience en pleine sécurité.

[4] Je vis, moi, formule de serment qui veut dire : J’en jure par la vie qui est en moi .essentiellement, nécessairement, éternellement.