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Mardi de la Passion

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1960.


Sommaire

  Textes de la Messe  
  Office  
  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum  
  Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique  

Comme hier l’Église unit le souvenir d’un Martyr à celui de la Passion de Jésus en faisant la Station dans l’église du saint diacre Cyriaque, martyrisé sous Dioclétien. Ce sanctuaire, l’une des 25 paroisses de Rome au Ve siècle, ayant été détruit, le corps de ce martyr fut transporté sous le maître-autel de Sainte-Marie via Lata qui devint le lieu de réunion de ce jour. Le diacre Cyriaque (8 août) ayant subi son martyre sur la Via Salaria, fut enseveli dans la catacombe de Priscille, où l’iconographie a laissé l’histoire de Daniel dans le fossé des lions. Il n’est pas impossible que cette représentation ait accompagné la vénération de ce saint martyr dans son antique église ; ce qui justifierait le choix de l’Epître.

Textes de la Messe

Feria Tertia
Mardi de la 1ère semaine de la Passion
III Classis
3 ème Classe
Statio ad S. Cyriacum
Station à St Cyriaque
Ant. ad Introitum. Ps. 26, 14.Introït
Exspécta Dóminum, viríliter age : et confortétur cor tuum, et sústine Dóminum. Attends le Seigneur, agis avec courage ; que ton cœur soit ferme, et espère au Seigneur.
Ps. ibid., 1.
Dóminus illuminátio mea et salus mea : quem timebo ? Exspécta Dóminum. Le Seigneur est ma lumière et mon salut ; qui craindrai-je ?
Oratio.Collecte
Nostra tibi, Dómine, quǽsumus, sint accepta ieiúnia : quæ nos et expiándo grátia tua dignos effíciant ; et ad remédia perdúcant ætérna. Per Dóminum. Nous vous en supplions, Seigneur, faites que nos jeûnes vous soient agréables ; afin qu’expiant nos péchés, ils nous rendent dignes de votre grâce, et qu’ils nous servent de remèdes pour la vie éternelle. Par Notre-Seigneur.
Léctio Daniélis Prophétæ. Lecture du Prophète Daniel.
Dan. 14, 27 et 28-42.
In diébus illis : Congregáti sunt Babylónii ad regem, et dixérunt ei : Trade nobis Daniélem, qui Bel destrúxit et dracónem interfecit, alioquin interficiémus te et domum tuam. Vidit ergo rex, quod irrúerent in eum veheménter : et necessitáte compúlsus trádidit eis Daniélem. Qui misérunt eum in lacum leónum, et erat ibi diébus sex. Porro in lacu erant leónes septem, et dabántur eis duo córpora cotídie et duæ oves : et tunc non data sunt eis, ut devorárent Daniélem. Erat autem Hábacuc prophéta in Iud.a, et ipse cóxerat pulméntum, et intríverat panes in alvéolo : et ibat in campum, ut ferret messóribus. Dixítque Angelus Dómini ad Hábacuc : Fer prándium, quod habes, in Babylónem Daniéli, qui est in lacu leónum. Et dixit Hábacuc : Dómine, Babylónem non vidi, et lacum néscio. Et apprehéndit eum Angelus Dómini in vértice eius, et portávit eum capíllo cápitis sui, posuítque eum in Babylóne supra lacum in ímpetu spíritus sui. Et clamávit Hábacuc, dicens : Dániel, serve Dei, tolle prándium, quod misit tibi Deus. Et ait Dániel : Recordátus es mei, Deus, et non dereliquísti diligéntes te. Surgénsque Daniel comédit. Porro Angelus Dómini restítuit Hábacuc conféstim in loco suo. Venit ergo rex die séptimo, ut lugéret Daniélem : et venit ad lacum et introspéxit, et ecce Dániel sedens in médio leónum. Et exclamávit voce magna rex, dicens : Magnus es, Dómine, Deus Daniélis. Et extráxit eum de lacu leónum. Porro illos, qui perditiónis eius causa fúerant, intromísit in lacum, et devoráti sunt in moménto coram eo. Tunc rex ait : Páveant omnes habitántes in univérsa terra Deum Daniélis : quia ipse est salvátor, fáciens signa et mirabília in terra : qui liberávit Daniélem de lacu leónum. En ces jours-là, les Babyloniens se réunirent auprès du roi et lui dirent : Livre-nous Daniel, qui a brisé Bel et tué le dragon ; autrement nous te ferons périr avec toute ta maison. Le roi vit donc qu’ils le pressaient avec violence, et, contraint par la nécessité, il leur livra Daniel. Ils le jettent dans la fosse aux lions, et il demeura six jours. Or il y avait dans la fosse sept lions et on leur donnait chaque jour deux corps et deux brebis ; mais on ne leur en donna point alors, afin qu’ils dévorassent Daniel. Cependant le prophète Habacuc était en Judée ; il avait fait cuire des aliments, et il avait broyé du pain dans un vase, et il allait aux champs les porter aux moissonneurs. Et l’ange du Seigneur dit à Habacuc : Porte à Babylone le repas que tu as, pour Daniel, qui est dans la fosse aux lions. Habacuc dit : Seigneur, je n’ai pas vu Babylone, et je ne connais pas la fosse. Alors l’ange du Seigneur le prit par le haut de la tête et le porta par les cheveux et il le déposa à Babylone, au-dessus de la fosse, avec l’impétuosité de son esprit. Et Habacuc cria en disant : Daniel, serviteur de Dieu, prends le repas que Dieu t’a envoyé. Et Daniel dit : Vous vous êtes souvenu de moi, ô Dieu, et vous n’avez pas abandonné ceux qui vous aiment. Et, se levant, Daniel mangea. Mais l’ange du Seigneur remit aussitôt Habacuc au lieu où il l’avait pris. Le roi vint, le septième jour, pour pleurer Daniel ; il s’approcha de la fosse et regarda dedans, et voici que Daniel était assis au milieu des lions. Et le roi poussa un grand cri et dit : Vous êtes grand, Seigneur, Dieu de Daniel. Et il le fit tirer de la fosse aux lions. Puis il fit jeter dans la fosse ceux qui avaient voulu perdre Daniel, et ils furent dévorés devant lui en un moment. Alors le roi dit : Que tous les habitants de toute la terre tremblent devant le Dieu de Daniel, car c’est lui qui est le Sauveur, qui fait des prodiges et des merveilles sur la terre, et qui a délivré Daniel de la fusse aux lions.
Graduale. Ps. 42, 1 et 3.Graduel
Discérne causam meam, Dómine : ab homine iníquo et dolóso éripe me.O Seigneur, séparez ma cause ; délivrez-moi de l’homme méchant et trompeur.
V/. Emítte lucem tuam et veritátem tuam : ipsa me deduxérunt, et adduxérunt in montem sanctum tuum. Envoyez votre lumière et votre vérité : elles me conduiront et m’amèneront à votre montagne sainte.
+ Sequéntia sancti Evangélii secúndum Ioánnem.Lecture du Saint Evangile selon saint Jean.
Ioann. 7, 1-13.
In illo témpore : Ambulábat Iesus in Galilǽam, non enim volébat in Iudǽam ambuláre, quia quærébant eum Iudǽi interfícere. Erat autem in próximo dies festus Iudæórum, Scenopégia. Dixérunt autem ad eum fratres eius : Transi hinc, et vade in Iud.am, ut et discípuli tui vídeant ópera tua, quæ facis. Nemo quippe in occúlto quid facit, et quærit ipse in palam esse : si hæc facis, manifesta teipsum mundo. Neque enim fratres eius credébant in eum. Dixit ergo eis Iesus : Tempus meum nondum advénit : tempus autem vestrum semper est parátum. Non potest mundus odísse vos : me autem odit : quia ego testimónium perhíbeo de illo, quod ópera eius mala sunt. Vos ascéndite ad diem festum hunc, ego autem non ascénde ad diem festum istum : quia meum tempus nondum implétum est. Hæc cum dixísset, ipse mansit in Galilǽa. Ut autem ascendérunt fratres eius, tunc et ipse ascéndit ad diem festum non maniféste, sed quasi in occúlto. Iudǽi ergo quærébant eum in die festo, et dicébant : Ubi est ille ? Et murmur multum erat in turba de eo. Quidam enim dicébant : Quia bonus est. Alii autem dicébant : Non, sed sedúcit turbas. Nemo tamen palam loquebátur de illo, propter metum Iudæórum. En ce temps-là, Jésus parcourait la Galilée ; car il ne voulait pas aller en Judée parce que les Juifs cherchaient à le faire mourir. Or la fête des Juifs, dite des Tabernacles, était proche. Et ses frères lui dirent : Pars d’ici, et va en Judée, afin que tes disciples voient aussi les œuvres que tu fais. Car personne n’agit en secret, lorsqu’il cherche à paraître ; si tu fais ces choses, manifeste-toi au monde. Car ses frères non plus ne croyaient pas en lui. Jésus leur dit donc : Mon temps n’est pas encore venu ; mais votre temps à vous est toujours prêt. Le monde ne peut vous haïr ; mais moi, il me hait parce que je rends de lui le témoignage que ses œuvres sont mauvaises. Vous montez à cette fête ; pour moi, je ne monte pas à cette fête, parce que mon temps n’est pas encore accompli. Après avoir dit cela, il demeura en Galilée. Mais, lorsque ses frères furent partis, il monta, lui aussi, à la fête, non pas publiquement, mais comme en secret. Les Juifs le cherchaient donc pendant la fête, et disaient : Où est-il ? Et il y avait une grande rumeur dans la foule à son sujet. Car les uns disaient : C’est un homme de bien ; les autres disaient : Non, mais il séduit les foules. Cependant, personne ne parlait de lui publiquement, par crainte des Juifs ?
Ant. ad Offertorium. Ps. 9, 11-12 et 13.Offertoire
Sperent in te omnes, qui novérunt nomen tuum, Dómine : quóniam non derelínquis quæréntes te : psállite Dómino, qui habitat in Sion : quóniam non est oblítus oratiónes páuperum. Tous ceux qui connaissent votre nom, espèrent en vous, Seigneur, car vous n’abandonnez pas ceux qui vous cherchent. Chantez au Seigneur qui habite dans Sion, car il n’a pas oublié les prières des pauvres.
Secreta.Secrète
Hóstias tibi, Dómine, deférimus immolándas : quæ temporálem consolatiónem signíficent ; ut promíssa non desperémus ætérna. Per Dóminum. Nous vous présentons des hosties en sacrifice, ô Seigneur ; qu’elles nous fassent comprendre ce qui console dans le temps, en sorte que nous ne désespérions pas d’acquérir les biens éternels que vous nous avez promis. Par N.-S.
Præfatio de sancta Cruce. Préface de la sainte Croix .
Ant. ad Communionem. Ps. 24, 22.Communion
Rédime me, Deus Israël, ex ómnibus angústiis meis. Sauvez-moi, Dieu d’Israël, de toutes me angoisses.
Postcommunio.Postcommunion
Da, quǽsumus, omnípotens Deus : ut, quæ divína sunt, iugiter exsequéntes, donis mereámur cæléstibus propinquáre. Per Dóminum nostrum. Accordez-nous, s’il vous plaît, Dieu tout-puissant, que recherchant constamment ce qui est divin, nous méritions de nous approcher des dons célestes. Par Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Super populum : Orémus. Humiliáte cápita vestra Deo.Sur le peuple : Prions. Humiliez vos têtes devant Dieu.
Oratio.Prière
Da nobis, quǽsumus, Dómine : perseverántem in tua voluntáte famulátum ; ut in diébus nostris, et mérito et número, pópulus tibi sérviens augeátur. Per Dóminum nostrum. Nous vous en supplions, Seigneur, donnez-nous la persévérance dans la soumission à votre volonté, afin que, de nos jours, le peuple qui vous sert, augmente en mérite et en nombre. Par Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Office

A MATINES

Invitatorium Invitatoire
Hódie, si vocem Dómini audiéritis, * Nolíte obduráre corda vestra.Aujourd’hui si vous entendez la voix du Seigneur, * N’endurcissez pas vos cœurs.

Pange, Lingua, gloriósi (matines de la Passion)

Lectio i1ère leçon
Léctio sancti Evangélii secúndum IoánnemLecture du saint Évangile selon saint Jean
Cap. 7, 1-13
In illo témpore : Ambulábat Iesus in Galilǽam : non enim volébat in Iudǽam ambuláre, quia quærébant eum Iudǽi interfícere. Et réliqua.En ce temps-là, Jésus parcourait la Galilée, ne voulant pas aller en Judée, parce que les Juifs cherchaient à le faire mourir. Et le reste. [1]
Homilía sancti Augustíni EpíscopiHomélie de saint Augustin, Évêque
Tract. 28 in Ioannem, post initium
In isto Evangélii capítulo, fratres, Dóminus noster Iesus Christus secúndum hóminem se plúrimum commendávit fídei nostræ. Etenim semper hoc egit dictis et factis suis, ut Deus credátur et homo : Deus qui nos fecit, homo qui nos quæsívit : Deus cum Patre semper, homo nobíscum ex témpore. Non enim quǽreret quem fécerat, nisi fíeret ipse quod fécerat. Verum hoc mementóte, et de córdibus vestris nolíte dimíttere : sic esse Christum hóminem factum, ut non destíterit Deus esse. Manens Deus accépit hóminem, qui fecit hóminem.Dans ce chapitre de l’Évangile, mes frères, notre Seigneur Jésus-Christ se manifeste plus particulièrement à notre foi sous le rapport de son humanité. Toutes ses paroles et toutes ses actions le révèlent à notre foi comme Dieu et comme homme : comme Dieu qui nous a faits, comme homme qui nous a recherchés ; Dieu toujours avec son Père, homme avec nous dans le temps. Il n’aurait point recherché l’homme qu’il avait fait, s’il n’était devenu lui-même cet homme qu’il avait créé. Cependant souvenez-vous-en et que cette pensée ne sorte point de votre esprit : le Christ fait homme n’a point cessé d’être Dieu, Celui qui a fait l’homme s’est fait homme lui-même en restant Dieu.
R/. Adiútor et suscéptor meus es tu, Dómine : et in verbum tuum sperávi : * Declináte a me, malígni : et scrutábor mandáta Dei mei.R/. Mon aide [2] et mon soutien, c’est vous, Seigneur, et j’ai espéré en votre parole : * Éloignez-vous de moi, méchants, et j’étudierai les commandements de mon Dieu.
V/. Iníquos ódio hábui : et legem tuam diléxi.V/. J’ai eu en haine les hommes iniques et j’ai aimé votre loi.
R/. Declináte a me, malígni : et scrutábor mandáta Dei mei.R/. Éloignez-vous de moi, méchants, et j’étudierai les commandements de mon Dieu.
Lectio ii2e leçon
Quando ergo látuit ut homo, non poténtiam perdidísse putándus est, sed exémplum infirmitáti præbuísse. Ille enim quando vóluit, deténtus est : quando vóluit, occísus est. Sed quóniam futúra erant membra eius, id est, fidéles eius, qui non habérent illam potestátem, quam habébat ipse Deus noster : quod latébat, quod se tamquam ne occiderétur, occultábat, hoc indicábat factúra esse membra sua, in quibus útique membris suis ipse erat.Lorsqu’il s’est caché comme homme il n’a point perdu sa puissance, gardons-nous de le croire ; mais il a voulu donner un exemple à notre faiblesse. On ne s’est emparé de lui que quand il l’a voulu, il a été mis à mort quand il l’a voulu. Mais comme plus tard ses membres, c’est-à-dire ses fidèles, ne devaient pas avoir la puissance qu’il possédait, lui, notre Dieu, en se cachant, en se dérobant à la fureur des hommes comme pour éviter la mort, il donnait à entendre que ses membres agiraient ainsi ; et, dans ses membres, il est lui-même.
R/. Docébo iníquos vias tuas : et ímpii ad te converténtur : * Líbera me de sanguínibus, Deus, Deus salútis meæ.R/. J’enseignerai [3] aux hommes iniques vos voies, et les impies se convertiront à vous. *
V/. Dómine, labia mea apéries : et os meum annuntiábit laudem tuam.V/. Seigneur, vous ouvrirez mes lèvres, et ma bouche annoncera votre louange.
R/. Líbera me de sanguínibus, Deus, Deus salútis meæ.R/. Délivrez-moi d’un sang versé, ô Dieu, Dieu de mon salut.
Lectio iii3e leçon
Non enim Christus in cápite, et non in córpore : sed Christus totus in cápite, et in córpore. Quod ergo membra eius, ipse : quod autem ipse, non contínuo membra eius. Nam si non ipsi essent membra eius, non díceret Saulo : Quid me perséqueris ? Non enim Saulus ipsum, sed membra eius, id est, fidéles eius, in terra persequebátur. Noluit tamen dícere sanctos meos, servos meos, postrémo honorabílius, fratres meos : sed me, hoc est membra mea, quibus ego sum caput.Car il n’est point vrai que le Christ soit dans le chef sans être dans le corps ; il est tout entier dans le chef et dans le corps de son Église. Ce qui donc s’attribue à ses membres, il le faut attribuer à lui-même ; mais tout ce qui lui convient à lui, ne convient pas pour cela à ses membres. Si ses membres n’étaient pas lui-même, il n’aurait pas dit à Saul : « Pourquoi me persécutes-tu ? » [4] Car ce n’était pas lui en personne que Saul persécutait sur la terre : c’étaient ses membres, c’est-à-dire ses fidèles. Il n’a point cependant voulu dire mes saints, mes serviteurs, ou ce qui est plus honorable encore, mes frères ; mais il dit : moi ; c’est-à-dire mes membres, dont je suis le chef.
R/. Ne perdas cum ímpiis, Deus, ánimam meam, et cum viris sánguinum vitam meam : * R/. Ne perdez pas [5], ô Dieu, mon âme avec des impies, ni ma vie avec des hommes de sang : * Rachetez-moi, Seigneur.
V/. Eripe me, Dómine, ab hómine malo, a viro iníquo líbera me.V/. Arrachez-moi [6], Seigneur, à l’homme méchant : à l’homme inique, arrachez-moi.
R/. Rédime me, Dómine. R/. Ne perdas cum ímpiis, Deus, ánimam meam, et cum viris sánguinum vitam meam : Rédime me, Dómine.R/. Rachetez-moi, Seigneur. R/. Ne perdez pas, ô Dieu, mon âme avec des impies, ni ma vie avec des hommes de sang : Rachetez-moi, Seigneur.

A LAUDES

Lustra sex (laudes de la Passion)

Ad Bened. Ant. Tempus meum * nondum advénit, tempus autem vestrum semper est parátum. Ant. au Bénédictus Mon temps * n’est pas encore venu, mais votre temps est toujours prêt.

Benedictus

AUX VÊPRES

Vexílla Regis (vêpres de la Passion)

Ad Magnificat Ant. Vos ascéndite * ad diem festum hunc : ego autem non ascéndam, quia tempus meum nondum advénit. Ant. au Magnificat Allez, vous, * à cette fête : pour moi, je n’y vais point, parce que mon temps n’est pas encore accompli.

Magnificat

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

Rome, la Station était autrefois à l’Église du saint martyr Cyriaque, et elle est encore marquée ainsi au Missel Romain ; mais cet antique sanctuaire ayant été ruiné, et le corps du saint diacre transféré dans l’Église de Sainte-Marie in Via lata, c’est dans cette dernière que la Station a lieu présentement.

ÉPÎTRE.

Cette lecture était destinée spécialement à l’instruction des catéchumènes. Ils se préparaient à donner leurs noms à la milice chrétienne ; il convenait donc de mettre sous leurs yeux les exemples qu’ils devaient étudier et réaliser dans leur vie. Daniel exposé aux lions, pour avoir méprisé et renversé l’idole de Bel, était le type du Martyr. Daniel avait confessé le vrai Dieu dans Babylone, exterminé un dragon monstrueux, image de Satan, auquel le peuple idolâtre, après la destruction de Bel, avait transporté ses hommages superstitieux ; la mort du Prophète pouvait seule apaiser les païens. Plein de confiance en son Dieu, Daniel s’était laissé descendre dans la fosse des lions, donnant ainsi aux âges chrétiens l’exemple de ce courageux dévouement qui devait apporter durant trois siècles la consécration du sang à l’établissement de l’Église. L’image de ce prophète entouré de lions se rencontre à chaque pas dans les Catacombes romaines ; et la plupart des peintures qui le retracent remontent au temps des persécutions. Ainsi les yeux des catéchumènes pouvaient contempler ce que leur oreille entendait lire, et tout leur parlait d’épreuves et de sacrifices. Il est vrai que l’histoire de Daniel leur montrait la puissance de Dieu intervenant pour arracher aux lions la proie innocente qu’on leur avait jetée ; mais les aspirants au baptême savaient d’avance que la délivrance sur laquelle ils devaient compter, ne leur serait accordée qu’après qu’ils auraient rendu le témoignage du sang. De temps en temps des prodiges se manifestaient jusque dans l’arène ; on voyait quelquefois les léopards lécher les pieds des Martyrs, et contenir leur voracité en présence des serviteurs de Dieu ; mais de si éclatants miracles ne faisaient que suspendre l’immolation des victimes et leur susciter des imitateurs.

C’était donc le courage de Daniel, et non sa victoire sur les lions, que l’Église proposait à l’attention des catéchumènes ; l’important pour eux était d’avoir désormais présente à la mémoire cette parole du Sauveur : « Ne craignez point ceux qui ne peuvent tuer que le corps ; mais craignez plutôt celui qui peut précipiter l’âme avec le corps dans l’enfer [7]. » Nous sommes les descendants de ces premières générations de la sainte Église ; mais nous n’avons pas conquis au même prix l’avantage d’être chrétiens. Ce n’est plus en face des proconsuls que nous avons à confesser Jésus-Christ ; c’est en face du monde, cet autre tyran. Que l’exemple des Martyrs nous fortifie, en ces jours, pour la lutte qu’il nous faudra soutenir de nouveau contre ses maximes, ses pompes et ses œuvres. Il y a trêve entre lui et nous, dans ce temps de recueillement et de pénitence ; mais le moment viendra où nous devrons le braver et nous montrer chrétiens.

ÉVANGILE.

Les faits racontés dans ce passage du saint Évangile se rapportent à une époque un peu antérieure de la vie du Sauveur ; mais l’Église nous les propose aujourd’hui, à cause de la relation qu’ils ont avec ceux que nous avons lus dans le livre sacré depuis plusieurs jours. On voit que non seulement aux approches de cette Pâque qui devait être la dernière pour la Synagogue, mais dès le temps de la fête des Tabernacles, qui avait lieu au mois de septembre, la fureur des Juifs contre Jésus conspirait déjà sa mort. Le Fils de Dieu était réduit à voyager secrètement, et pour se rendre en sûreté à Jérusalem, il lui fallait prendre des précautions. Adorons ces humiliations de l’Homme-Dieu, qui a daigne sanctifier tous les états, même celui du juste persécuté et réduit à se dérober aux regards de ses ennemis. Il lui eût été facile d’éblouir ses adversaires par des miracles inutiles, comme ceux que désira Hérode, et de forcer ainsi leur culte et leur admiration. Dieu ne procède point ainsi ; il ne contraint pas ; il agit sous les yeux de l’homme ; mais, pour reconnaître l’action de Dieu, il faut que l’homme se recueille et s’humilie, qu’il fasse taire ses passions. Alors la lumière divine se manifeste à l’âme ; cette âme a vu suffisamment ; maintenant, elle croit et veut croire ; son bonheur, comme son mérite, est dans la foi ; elle est en mesure d’attendre la manifestation radieuse de l’éternité.

La chair et le sang ne l’entendent pas ainsi ; ils aiment l’éclat et le bruit. Le Fils de Dieu venant sur la terre ne devait pas se soumettre à un tel abaissement que de faire montre aux hommes de son pouvoir infini. Il avait à opérer des prodiges pour appuyer sa mission ; mais en lui, devenu le Fils de l’Homme, tout ne devait pas être prodige. La plus large part de sa carrière était réservée aux humbles devoirs de la créature : autrement il ne nous eût pas appris par son exemple ce que nous avions tant besoin de savoir. Ses frères (on sait que les Juifs étendaient le nom de frères à tous les parents en ligne collatérale), ses frères auraient voulu avoir leur part dans cette illustration vulgaire qu’ils désiraient pour Jésus. Ils lui fournissent l’occasion de leur dire cette forte parole que nous devons méditer en ce saint temps, pour nous en souvenir plus tard : « Le monde ne saurait vous haïr ; mais moi, il me hait ». Gardons-nous donc désormais de plaire au monde ; son amitié nous séparerait de Jésus-Christ.

Cette Hymne touchante, empruntée à nos anciens Bréviaires Romains-Français, servira aujourd’hui à exprimer nos sentiments à notre Rédempteur.

HYMNE.
Rex Christe factor omnium,
Redemptor et credentium :
Placare votis supplicum
Te laudibus colentium.
O Christ, Créateur et Roi de tous les êtres,
rédempteur des croyants,
nous célébrons vos louanges :
laissez-vous fléchir par nos supplications.
Cujus benigna gratia
Crucis per alma vulnera,
Virtute solvit ardua
Primi parentis vincula.
Votre bonté unie à votre puissance
a daigné briser les liens de notre premier père,
par les blessures sacrées
qu’elle reçut sur la Croix.
Qui es Creator siderum,
Tegmen subisti carneum :
Dignatus es vilissimam
Pati doloris formulam.
Vous, le Créateur des cieux,
vous avez revêtu notre enveloppe de chair ;
vous avez daigné subir
l’humiliation et la douleur.
Ligatus es ut solveres
Mundi ruentis complices :
Per probra tergens crimina
Quæ mundus auxit plurima.
Vous avez souffert d’être enchaîné,
afin de délier les pécheurs, tristes suppôts de ce monde destiné à périr ;
par vos opprobres, vous avez effacé les crimes
que le genre humain avait accumulés.
Cruci redemptor figeris,
Terram sed omnem concutis :
Tradis potentem spiritum,
Nigrescit atque sæculum.
Rédempteur, on vous cloue à la Croix ;
mais la terre entière s’ébranle ;
vous rendez au Père votre âme toute-puissante ;
et le monde disparaît sous d’épaisses ténèbres.
Mox in paternas glorias
Victor resplendens culmine :
Cum Spiritus munimine
Defende nos, Rex optime.
Amen.
Mais bientôt on vous voit victorieux
resplendir dans la gloire du Père ;
soyez, ô Roi de bonté notre défenseur,
et envoyez-nous le secours de votre Esprit. Amen.

Rendons notre hommage à la divine Croix, par cette Hymne de la Liturgie Grecque.

Feria IV. mediæ Septimanœ.

Seigneur de tous les êtres, Dieu créateur, vous avez été élevé sur la Croix, au milieu de la terre, attirant à vous la nature humaine qui s’était précipitée par les perfides conseils de l’ennemi ; c’est pourquoi nous nous offrons nos vœux sincères, relevés que nous sommes par votre Passion.

Déjà nos âmes illuminées par le jeûne se purifient ; éclairez-les des rayons spirituels de votre Croix. Aujourd’hui elle est exposée à nos regards ; nous la couvrons de nos chastes baisers ; nous l’adorons de bouche et de cœur.

Adorons la Croix divine ; elle est le lieu où se sont arrêtes les pieds du Seigneur ; demandons que les pieds de notre âme se fixent sur la pierre des divins commandements, et que, par la grâce divine, ils se dirigent dans la voie de la paix.

Régions de la terre, faites entendre vos cantiques, à ce moment où l’on adore le bois auquel le Christ a été suspendu, et par lequel le diable a reçu la blessure.

Aujourd’hui est montrée la Croix qui donne la vie. Adorons avec joie et avec terreur la Croix du Seigneur, afin de recevoir l’Esprit-Saint.

Croix vivifiante, je m’approche pour te toucher ; ma langue et mon esprit sont saisis de frayeur, quand je vois que le sang divin de mon Maître t’a baignée.

Confirmez, Seigneur, votre Église que vous avez acquise par la vertu de votre Croix ; par cette Croix, vous avez triomphé de l’ennemi, et illuminé le monde tout entier.

Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

Station à Saint-Cyriaque aux thermes de Dioctétien.

Les Ordines Romani observent qu’aujourd’hui on ne célébrait pas de station, ce qui, en cette semaine de la Passion au caractère si archaïque, peut être un reste de la très ancienne discipline qui excluait la procession et la messe stationnale les lundis, mardis et jeudis de toute l’année, sauf aux fêtes des martyrs.

Les origines du titulus Cyriaci remontent au commencement du IVe siècle, mais son fondateur doit, selon toute probabilité, être distingué de l’autre Cyriaque martyr, enseveli sur la voie d’Ostie, et qui, en raison de l’homonymie, finit par devenir le patron titulaire de la basilique de Cyriaque sur le Quirinal.

Cet édifice fut restauré successivement sous Hadrien Ier, Léon III et Grégoire IV. Saint Bruno, le célèbre fondateur des Chartreux, sanctifia lui aussi ce lieu où il établit un groupe de ses moines qui y résidèrent presque jusqu’à nos jours. Mais la vénérable église tombant en ruines, elle fut remplacée par un nouveau temple, dédié à la Reine des Anges, et le génie de Michel-Ange sut merveilleusement y adapter les antiques salles des Thermes de Dioclétien. La station de ce jour passa au contraire à la basilique de Sainte-Marie in Via Lata. Dans cette église, à côté de laquelle s’élevait dès le IXe siècle un célèbre monastère de femmes, le culte de saint Cyriaque est très ancien, puisqu’il semble que dès le haut moyen âge on y ait transporté, du cimetière de la voie d’Ostie, le chef de ce célèbre martyr.

L’introït est tiré du psaume 26 : « Attends le Seigneur et sois courageux : ton cœur sera fortifié ; espère dans le Seigneur. » Tous les temps, en effet, ne sont pas semblables, mais Dieu atteint ses fins sublimes en coordonnant les circonstances les plus diverses et les plus disparates ; et la magnificence de la Providence divine resplendit surtout en ce qu’elle fait servir à ses propres buts les événements qui semblaient précisément de plus grands obstacles. « Il y a un temps pour édifier, dit l’Esprit Saint au livre de l’Ecclésiaste, et un temps pour détruire, un temps pour aimer et un temps pour haïr, un temps pour pleurer et un temps pour se réjouir. [8] » Toute chose a son temps, et dans les moments obscurs de la vie il faut rester inébranlable, espérant toujours en Dieu qui, selon la parole du prophète, pousse jusqu’aux portes du Schéol et ensuite en ramène.

Nous prions le Seigneur, dans la collecte, d’avoir pour agréables nos jeûnes, afin que leur efficacité expiatoire nous mérite cette abondance de grâces qui nous assure de la dernière, æterna remedia, après les douleurs du pèlerinage présent. Il faut remarquer l’ordre observé dans cette prière. D’abord l’expiation, car qui non placet, non placat, et Dieu peut refuser des grâces spéciales à celui qui a encore de grosses dettes à solder à la justice divine. Quand les dettes sont payées et que l’âme a pleinement recouvré l’amitié de Dieu, alors elle ose lui demander avec confiance ces grâces particulières que seule l’amitié peut donner la hardiesse d’implorer, parce qu’elles sont accordées seulement aux amis : Et adiicias quod oratio non praesumit. Comme, en outre, toute l’économie divine de la grâce n’est que le prélude d’une dernière grâce, la gloire éternelle dans le Ciel, nous demandons sans cesse au Seigneur que ses dons ici-bas atteignent leur ultime développement et la fin à laquelle ils sont ordonnés, c’est-à-dire la vision béatifique dans le Paradis.

L’épisode de Daniel au milieu des lions (Dan., XIV, 27-42) était très familier aux chrétiens des premiers siècles, aussi est-il fréquemment reproduit dans les catacombes ; on en trouve une très belle représentation, de la première moitié du IIe siècle, au cimetière de Priscille dans la chapelle dite grecque. Son choix peut avoir été suggéré par les traditions légendaires relatives à saint Cyriaque, qui aurait d’abord exercé son apostolat, à l’instar de Daniel, à la cour du persan Sapor ; puis aurait été condamné à mort pour la foi par Dioclétien, qu’un peintre du IVe siècle assimila à Nabuchodonosor, dans la crypte du martyr Crescention appartenant au même cimetière priscillien.

Daniel dans la fosse aux lions est une figure de l’Église primitive, lorsque toute la société contemporaine la poursuivait jusqu’à la mort et confiait à la loi la mission d’exécuter ce décret sanglant : non licet esse vos. Comme Daniel, l’Église aussi éleva ses bras, et plus encore son cœur, vers Dieu ; et Dieu ne manque jamais à qui se confie en Lui.

Il faut donc faire comme Daniel : descendre tranquillement dans la fosse aux lions chaque fois qu’il plaira au Seigneur, et attendre là, avec confiance, l’heure de la divine miséricorde. Ce ne sont pas les tribulations qui nuisent à l’âme, mais l’inquiétude.

Désormais les graduels se rapportent tous au divin Patient de Jérusalem, lequel, contre le jugement des impies qui le condamnent à mort, en appelle au Père, afin qu’au jour de Pâques il lui rende la vie. Le graduel de ce jour provient du psaume 42. La lumière et la vérité que l’Opprimé invoque ici, proclament la mission spéciale du Paraclet, qui est, selon l’évangile, celle de convaincre le monde d’injustice et de malignité. Le Paraclet vint en effet, et par l’effusion de ses charismes sur les disciples du Crucifié, alors qu’il laissait au contraire dans l’abandon les Juifs obstinés, il démontra d’une façon authentique que la mission du Seigneur était vraiment divine.

Le cycle de l’évangile de saint Jean continue à se dérouler avec l’épisode de Jésus allant à la fête des Tabernacles au mois de Tischri (Ioan. VII, 1-13). A l’invitation des siens, Jésus répond qu’il ne veut pas aller à la fête, en ce sens qu’il n’entendait pas s’associer à la caravane tapageuse qui montait à Jérusalem vraiment pour y faire fête ! Il dit donc qu’il ne veut pas. — De fait, il ne prit pas part à la fête, mais Il se rendit toutefois à la Cité sainte secrètement et quand la fête était déjà commencée, afin d’instruire le peuple qui se rassemblait en foule pour cette circonstance. La présence habituelle du divin Sauveur à toutes les solennités de la Loi nous enseigne la grande diligence avec laquelle nous devons cultiver la piété liturgique, fréquentant les églises, intervenant aux fonctions sacrées, spécialement les jours de fête, afin de contribuer à rehausser toujours davantage la splendeur du culte extérieur qui rend tant de gloire à Dieu. La désolation du sanctuaire désert et abandonné par le peuple qui n’accourt plus aux solennités de la vraie religion était l’un des malheurs las plus graves que déplorât Jérémie dans ses Lamentations quand il écrivait : Viæ Sion lugent eo quod non sit qui veniat ad solemnitatem [9].

Dans le verset ad offerendum, pris au psaume 9, est exprimée toute l’inébranlable espérance que Jésus nourrit en son Cœur, même au moment redoutable où la justice paternelle l’abandonne à la haine de ses ennemis : « Qu’ils se confient en Toi, dit-il, tous ceux qui connaissent ton nom, expression d’un ineffable amour. Tu n’abandonnes que celui qui t’abandonne, ou plutôt, tu n’abandonnes personne ; en effet, si le pécheur fuit loin de Toi, tu le poursuis pour l’exciter à la pénitence. Comment donc pourrais-tu manquer à celui qui te cherche ? » Le divin Crucifié sait en outre qu’il ressuscitera glorieux ; et en effet, il entonne déjà sur la Croix le chant pascal : « Chantez des hymnes au Seigneur, s’écrie-t-il, Lui qui, de Sion où Il habite n’a pas oublié le cri du pauvre. » De quel pauvre ? Du Christ, dont saint Paul écrit : Propter nos egenus factus est cum esset dives, ut nos illius inopia divites essemus [10]. Et de quel cri parle ici le psalmiste ? De celui que nous rapportent les évangélistes : « Eloi, Eloi, lamma sabactani, mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-Tu abandonné ? »

Dans la prière d’introduction à l’anaphore consécratoire, en présentant à Dieu l’hostie qui va être immolée en son honneur, nous le prions qu’elle nous mérite les secours temporels nécessaires à la vie, de manière pourtant qu’un bien-être excessif n’éteigne pas dans notre cœur l’espérance des biens célestes. C’est bien là le prudent équilibre de l’Église, maîtresse infaillible de vie ascétique, faisant la part entre les exigences de l’esprit et celles de la matière. Il faut tenir compte de la nature du composé humain, sans tomber dans aucun extrême, selon ces paroles du sage : Divitias et paupertatem ne dederis mihi, sed tantum victui meo tribue necessaria... Et il en donnait la raison : Quand la pauvreté vous étreint, elle favorise la tentation de désespoir et de blasphème, tandis qu’au contraire, quand on est dans l’abondance de biens temporels, très facilement, au moins en pratique, on se passe de Dieu.

Dans le verset pour la communion (Ps. 24) on entend à nouveau la voix du Christ accablé sous le poids de nos péchés et tout angoissé par la fureur de ses ennemis ; Il prie instamment son Père de le soustraire à la puissance de la mort, non pour Lui-même qui, source de vie, ne pouvait être retenu dans ses liens, mais pour nous qui avions un besoin absolu de la résurrection du Christ, afin que celle-ci fût pour toute l’humanité le principe et la cause exemplaire de notre propre résurrection. Nous supplions Dieu, dans la collecte eucharistique, afin que notre assiduité à fréquenter le saint autel devienne pour nous un gage et un symbole de notre accès, chaque jour plus proche, à l’autel céleste et à l’éternelle récompense. L’Église militante, en effet, est en quelque sorte une anticipation symbolique, un type prophétique, de ce qui se déroulera dans l’Église du Ciel, spécialement après la pleine consommation de l’œuvre rédemptrice du Christ au jour de la parousie finale.

Si à l’action matérielle extérieure, au grade hiérarchique que chacun occupe dans la famille catholique, correspond aussi le zèle et un fervent amour, la place et la récompense dans la gloire du Ciel seront certainement proportionnées au trésor de grâce qui aura enrichi l’âme ici-bas.

Dans la collecte de bénédiction, avant de congédier le peuple, nous prions Dieu, auteur de tout mérite et cause première des mouvements de notre libre arbitre, de bien vouloir soutenir par sa grâce la faiblesse et l’inconstance de notre volonté ; en sorte que l’efficacité de notre exemple serve à augmenter non seulement le nombre des croyants, mais encore leur vertu. Un développement en surface ne servirait en effet de rien s’il n’était le résultat d’un intime progrès en intensité, car Dieu ne regarde pas quantum sed ex quanto.

Pour nous décrire les sentiments du Christ à l’approche de sa Passion, l’Église se sert du Psautier. Celui-ci est, en effet, le livre de la prière par excellence. Les saints Évangiles nous décrivent plus volontiers la vie et la doctrine de Jésus, tandis que le psautier nous initie à la connaissance de la psychologie de Jésus, nous révèle ses préférences, les sentiments de son Cœur, ses luttes, ses angoisses, les accents de suprême amour avec lesquels Il invoquait le Père. Durant toute sa vie, Jésus se plut à prier avec les paroles du psautier, sur la croix ce fut encore le psaume 21 qui réconforta son agonie. Nous pourrions même comparer le livre des psaumes à une sorte de livre sacerdotal, où le Pontife éternel récita ses prières tandis que, durant le cours de sa vie mortelle, Il immolait au Père son propre holocauste. C’est pour cela que les ascètes de l’antiquité chrétienne étudiaient assidûment le psautier et le récitaient en entier chaque jour. Maintenant encore, les nobles, chez les Coptes et les Abyssins, l’ont toujours entre les mains, à la maison, en voyage et dans leurs arrêts au désert ; cette tradition se rattache à celle des Juifs qui n’eurent, durant de longs siècles, d’autre livre de prière que le recueil des chants de David.

La piété privée de nos contemporains gagnerait beaucoup si, s’inspirant de l’exemple de la commune Mère, la sainte Église, qui prescrit la récitation hebdomadaire du psautier aux ministres sacrés, elle puisait un peu plus ses inspirations dans ce livre de prière dont l’auteur est le Saint-Esprit et que notre Sauveur Jésus Lui-même voulut recommander par son exemple.

Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique

STATION A SAINT-CYRIAQUE

Le divin Daniel dans la fosse aux lions.

Les messes du mardi ont un caractère spécial et typique. La leçon nous indique d’ordinaire une action ; l’Évangile est doctrinal et nous offre simplement l’explication de cette action et ses rapports avec le Christ. On s’occupe moins des catéchumènes que des fidèles. D’ordinaire, les saints de station sont des héros de la charité et de la miséricorde (diacres ou diaconesses). Ce sont eux qui sont représentés dans la leçon. C’est le cas pour la messe d’aujourd’hui ; seulement, le thème de la Passion est fortement accentué.

Les antiennes directrices : « Mon temps n’est pas encore arrivé ; votre temps est toujours prêt » (Ant. Bened.). « Quant. à vous, montez à cette fête ; pour moi, je n’y monte pas, car mon temps n’est pas encore arrivé » (Ant. Magn.). C’est l’époque qui précède immédiatement la Passion. L’Église attache de l’importance à cette pensée que nous approchons de plus en plus du temps de la mort du Christ.

1. L’église de station. — Saint Cyriaque. Le saint de station fut diacre et martyr (vers 300) : « Après une longue et douloureuse captivité, il fut couvert de poix fondue et étendue sur le chevalet ; là, on lui désarticula les membres et on le frappa de verges sur tout le corps. Il fut enfin, sur l’ordre de Maximien, décapité avec vingt compagnons. Sa fête est célébrée le 8 août. » Le saint soulagea dans leurs besoins temporels les prisonniers chrétiens et leur fournit de la nourriture et de la boisson. Il fut envoyé vers le roi de Perse, à Babylone, pour guérir sa fille. Ce sont peut-être ces circonstances qui ont fait choisir la leçon d’Habacuc et de Daniel. L’église primitive de station est depuis longtemps disparue et a déjà changé deux fois de place. Le pape Sixte-Quint transféra, en 1588, la cérémonie de la station dans l’église de Sainte Marie in Via Lata, une antique diaconie, dans laquelle on vénère maintenant le chef de Saint Cyriaque (Ce déplacement de l’église de station avec le maintien de l’ancien titre nous autorise à célébrer, nous aussi, l’office de station dans notre église paroissiale).

2. La messe (Expecta). — L’Introït est une exhortation maternelle de l’Église qui nous invite à « persévérer » à « attendre », pendant les quelques jours qui nous séparent de Pâques. De loin brille déjà la lumière de Pâques. Notre réponse est celle-ci : « Je ne demande qu’une chose, c’est de pouvoir demeurer dans la maison de Dieu. »

La leçon, en nous présentant Daniel dans la fosse aux lions, nous montre la figure du Christ souffrant ; peut-être pouvons-nous penser à son agonie au jardin des Oliviers, pendant laquelle un ange (Habacuc) le console ; peut-être les fidèles peuvent-ils penser à l’Eucharistie, qui nous réconforte pendant que nous sommes dans la fosse aux lions du Carême. En tout cas, de même que Daniel finit par triompher de ses ennemis, le Christ remporte la victoire dans sa Résurrection. L’image de Daniel dans la fosse aux lions était une image de prédilection dans les cimetières de l’ancienne Église. Daniel est représenté debout, entouré de deux lions. Il figurait le Christ dans sa Passion, mais aussi l’Église au milieu des persécutions.

Au Graduel, le Christ implore la lumière de Pâques et nous l’implorons avec lui sur la montagne de Pâques.

A l’Évangile, nous sommes, de nouveau, témoins des douleurs morales du Christ. Les Juifs veulent le faire mourir ; ses propres frères (ses cousins) ne le comprennent pas. C’est en cachette qu’il se rend à Jérusalem, qui sera pour lui une fosse aux lions. Aujourd’hui encore, sur l’autel, « il ne se rend pas au jour de fête ouvertement, mais comme en cachette ».

L’Offertoire est comme une réponse de la pauvre âme qui veut maintenant profiter de la Passion du Seigneur qui « est assis sur son trône ».

A la Communion, nous entendons encore le Christ souffrant.

Remarquons l’oraison sur le peuple : « Donne-nous, Seigneur, de suivre avec persévérance ta volonté, afin que, dans nos jours, le peuple qui te sert croisse en mérite et en nombre (l’Église croît intérieurement et extérieurement). Le psaume de la Communion est un psaume connu de l’Avent, le psaume 24.

3. L’aumône et la Passion. — L’Église nous propose aujourd’hui deux pensées : l’aumône et la Passion du Christ.

a) Il est remarquable que toutes les messes du mardi, pendant le Carême, traitent de l’aumône et se célèbrent dans des églises de station dédiées à des saints (d’ordinaire des vierges) qui ont consacré leur vie aux œuvres de charité. C’est encore le cas aujourd’hui. Le saint de station est un diacre, c’est-à-dire un ministre sacré préposé par l’Église au soin des pauvres. Il a souvent visité les prisonniers chrétiens dans les cachots, dans les fosses aux lions — car c’est ainsi qu’on appelait les prisons. Il leur a procuré la nourriture spirituelle et temporelle. La liturgie de ce jour lui a élevé, dans la personne d’Habacuc (leçon), un monument voilé, mais durable. — Nous aussi, nous devons, en ce moment surtout, agir comme Habacuc ou Cyriaque, en portant secours aux âmes opprimées. Combien de chrétiens, soit du fait de leur entourage, soit par suite de la maladie ou de leur détresse spirituelle, vivent dans une fosse aux lions ! C’est une véritable aumône de consoler ces frères, de leur rendre courage et confiance. Agissons comme Habacuc.

b) La seconde pensée est celle du Christ souffrant. La liturgie ne médite pas la Passion comme nous sommes habitués de le faire. Nous considérons volontiers les souffrances extérieures, la flagellation, le crucifiement ; la liturgie nous fait pénétrer dans l’âme douloureuse du Seigneur ; les répons sont des lamentations du Christ et les Évangiles, une phase de l’histoire de sa Passion intérieure. De quoi se plaint-il aujourd’hui ? De ses ennemis qui ont fait de Jérusalem une fosse aux lions pour lui, et de ses frères qui ne le comprennent pas ; cela s’applique aussi au Christ mystique, l’Église — et nous, ses frères, souvent « nous ne croyons pas en lui ». Le but de ce temps de renouvellement, c’est que nous comprenions mieux le Seigneur.

Un mot encore : Nous pouvons unir l’aumône et la Passion du Christ. La Passion du Christ ne se continue-t-elle pas dans les membres de son corps mystique ? Les pauvres, les malades, les affligés sont des membres souffrants du Christ. Le Christ accepte volontiers l’aumône spirituelle et temporelle, c’est une consolation dans sa Passion.

[1] Or, la fête des Juifs, celle des Tabernacles, était proche. Ses frères lui dirent donc : « Partez d’ici, et allez en Judée, afin que vos disciples aussi voient les œuvres que vous faites. Car personne ne fait une chose en secret, lorsqu’il désire qu’elle paraisse. Si vous faites ces choses, montrez-vous au monde. » Car ses frères mêmes ne croyaient pas en lui. Jésus leur dit : « Mon temps n’est pas encore venu ; mais votre temps à vous est toujours prêt. Le monde ne saurait vous haïr ; moi, il me hait, parce que je rends de lui ce témoignage, que ses œuvres sont mauvaises. Montez, vous, à cette fête ; pour moi, je n’y vais point, parce que mon temps n’est pas encore venu. » Après avoir dit cela, il resta en Galilée. Mais lorsque ses frères furent partis, lui-même monta aussi à la fête, non publiquement, mais en secret. Les Juifs donc le cherchaient durant la fête, et disaient : « Où est-il ? » Et il y avait dans la foule une grande rumeur à son sujet. Les uns disaient : « C’est un homme de bien. » « – Non, disaient les autres, il trompe le peuple. » Cependant personne ne s’exprimait librement sur son compte, par crainte des Juifs.

[2] Ps 118, 114.

[3] Ps 50, 13.

[4] Ac 9, 4.

[5] Ps 25, 9.

[6] 139, 1.

[7] Matth. X, 28.

[8] Cf. Eccl. 3, 2-4.

[9] Les chemins de Sion sont en deuil, parce qu’il n’y a plus personne qui vienne aux solennités : Lam. 1, 4.

[10] Etant riche, Il S’est fait pauvre pour nous, afin que nous fussions riches par Sa pauvreté.2 Cor. 8, 9.