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30 décembre (6ème jour dans l’Octave de la Nativité)

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1960.


6ème jour dans l’octave de la Nativité

Sommaire

  Textes de la Messe  
  De VI Die infra octavam Nativitatis  
  Du 6ème jour dans l’octave de la Nativité  
  Office  
  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique  

Textes de la Messe

La messe est celles des féries dans l’octave.

Die 30 decembris
Le 30 décembre

De VI Die infra octavam Nativitatis

Du 6ème jour dans l’octave de la Nativité

II classis (ante CR 1960 : duplex ; ante 1955 : semiduplex)
IIème classe (avant 1960 : double ; ante 1955 : semidouble)
Ant. ad Introitum. Is. 9, 6.Introït
Puer natus est nobis, et fílius datus est nobis : cuius impérium super húmerum eius : et vocábitur nomen eius magni consílii Angelus.Un enfant nous est né, un fils nous est donné : la souveraineté repose sur son épaule et on l’appellera le Messager d’en haut.
Ps. 97, 1.
Cantáte Dómino cánticum novum, quia mirabília fecit.Chantez au Seigneur un chant nouveau, car il a fait des merveilles.
V/.Glória Patri.
Oratio.Collecte
Concéde, quǽsumus, omnípotens Deus : ut nos Unigéniti tui nova per carnem Natívitas líberet ; quos sub peccáti iugo vetústa sérvitus tenet. Per eúndem Dóminum.Nous vous en prions, Dieu tout puissant, que votre Fils éternel, par sa nouvelle naissance en notre chair, vienne nous délivrer de l’ancien esclavage qui nous maintient sous le joug du péché.
Lectio Epístolæ beati Páuli Apóstoli ad Titum.Lecture de l’Epître de Saint Paul à Tite.
Tit. 3, 4-7.
Caríssime : Appáruit benígnitas et humánitas Salvatóris nostri Dei : non ex opéribus iustítiæ, quæ fécimus nos, sed secúndum suam misericórdiam salvos nos fecit per lavácrum regeneratiónis et renovatiónis Spíritus Sancti, quem effúdit in nos abúnde per Iesum Christum, Salvatorem nostrum : ut, iustificáti grátia ipsíus, herédes simus secúndum spem vitæ ætérnæ : in Christo Iesu, Dómino nostro.très cher ami : lorsque Dieu notre Sauveur a fait paraître sa bonté et son amour pour les hommes, 5 il nous a sauvés, non à cause des oeuvres de justice que nous faisions, mais selon sa miséricorde, par le bain de la régénération et en nous renouvelant par le Saint-Esprit, qu’il a répandu sur nous largement par Jésus-Christ notre Sauveur, afin que, justifiés par sa grâce, nous devenions héritiers de la vie éternelle selon notre espérance, dans le Christ Jésus, notre Seigneur.
Graduale. Ps. 97, 3 et 2.Graduel
Vidérunt omnes fines terræ salutare Dei nostri : iubiláte Deo, omnis terra.Les extrêmités de la terre ont vu le Sauveur envoyé par notre Dieu, Terre entière, chante à Dieu ta joie.
V/.Notum fecit Dominus salutare suum : ante conspéctum géntium revelávit iustitiam suam.Le Seigneur a fait connaître son œuvre de salut : devant tous les peuples il a montré sa justice.
Allelúia, allelúia. V/.
Dies sanctificátus illúxit nobis : veníte, gentes, et adoráte Dóminum : quia hódie descéndit lux magna super terram. Allelúia.Un jour saint a brillé sur nous : Nations, venez adorer le Seigneur, car aujourd’hui une grande lumière est descendue sur terre. Alléluia.
+ Sequéntia sancti Evangélii secundum Lucam.Lecture du Saint Evangile selon saint Luc.
Luc. 2, 15-20.
In illo témpore : Pastóres loquebántur ad ínvicem : Transeámus usque Béthlehem, et videámus hoc verbum, quod factum est, quod Dóminus osténdit nobis. Et venérunt festinántes : et invenérunt Maríam et Ioseph. et Infántem pósitum in præsépio. Vidéntes autem cognovérunt de verbo, quod dictum erat illis de Púero hoc. Et omnes, qui audiérunt, miráti sunt : et de his, quæ dicta erant a pastóribus ad ipsos. María autem conservábat ómnia verba hæc, cónferens in corde suo. Et revérsi sunt pastóres, glorificántes et laudántes Deum in ómnibus, quæ audíerant et víderant, sicut dictum est ad illos.En ce temps là : les bergers se dirent entre eux : "Passons donc jusqu’à Bethléem, et voyons cet événement qui est arrivé, et que le Seigneur nous a fait connaître." Ils s’y rendirent en toute hâte, et trouvèrent Marie, Joseph et le nouveau-né couché dans la crèche. Après avoir vu, ils firent connaître ce qui leur avait été dit au sujet de cet enfant. Et tous ceux qui les entendirent furent dans l’admiration de ce que leur avaient dit les bergers. Quant à Marie, elle conservait avec soin toutes ces choses, les méditant dans son cœur. Et les bergers s’en retournèrent, glorifiant et louant Dieu de tout ce qu’ils avaient entendu et vu, selon ce qui leur avait été dit.
Credo, ratione Octavæ Nativitatis.Credo, à cause de l’Octave de la Nativité.
Ant. ad Offertorium. Ps. 88,12et 15.Offertoire
Tui sunt cœli et tua est terra : orbem terrárum et plenitúdinem eius tu fundásti : iustítia et iudícium præparátio sedis tuæ.A toi sont les cieux, à toi la terre. C’est toi qui as posé les fondations de l’univers, et créé ce qu’il renferme. Ton trône repose sur le droit et la justice.
Secreta.Secrète
Obláta, Dómine, múnera, nova Unigéniti tui Nativitáte sanctífica : nosque a peccatórum nostrórum máculis emúnda. Per eúndem Dóminum nostrum.Sanctifiez ces offrandes, Seigneur, par la nouvelle naissance de votre Fils unique, et purifiez-nous des souillures de nos péchés.
Præfatio de Nativitate Domini. Préface de la Nativité .
Infra actionem : Communicántes et diem sacratíssimum celebrántes.Pendant le canon : Unis dans une même communion et célébrant le jour très saint [*].
Ant. ad Communionem. Ps. 97, 3.Communion
Vidérunt omnes fines terræ salutáre Dei nostri.Les extrêmités de la terre ont vu le Sauveur envoyé par notre Dieu.
Postcommunio.Postcommunion
Præsta, quǽsumus, omnípotens Deus : ut natus hódie Salvátor mundi, sicut divínæ nobis generatiónis est auctor ; ita et immortalitátis sit ipse largítor : Qui tecum vivit et regnat.Dieu tout puissant, le Sauveur du monde, qui est né aujourd’hui, nous a fait naître à la vie divine. Faites, nous vous en prions, qu’il nous accorde aussi le don de l’immortalité.

Office

Tout est dit comme le jour de Noël sauf les leçons et les répons ci-dessous.

A MATINES. avant 1960

Au premier nocturne.

De l’Épître aux Romains. Cap. 2, 1-13.

Première leçon. C’est pourquoi tu es inexcusable, ô homme, qui que tu sois, qui juges les autres ; car en jugeant autrui, tu te condamnes toi-même, puisque tu fais les choses mêmes que tu juges. Car nous savons que le jugement de Dieu contre ceux qui se conduisent ainsi est conforme à la vérité. Penses-tu, ô homme qui juges ceux qui font de telles choses, et qui les fais toi-même, que tu échapperas au jugement de Dieu ? Est-ce que tu méprises les richesses de sa bonté, de sa patience et de sa longanimité ? Ignores-tu que la bonté de Dieu t’invite à la pénitence ?
R/. Aujourd’hui la paix véritable est descendue du Ciel sur nous : * Aujourd’hui, par tout l’univers, les cieux ont distillé le miel. V/. Aujourd’hui a brillé pour nous le jour de la rédemption nouvelle, de l’antique réparation, de l’éternelle félicité. * Aujourd’hui.

Deuxième leçon. Cependant, par ta dureté et ton cœur impénitent, tu t’amasses un trésor de colère pour le jour de la colère et de la manifestation du juste jugement de Dieu, qui rendra à chacun selon ses œuvres : à ceux qui par la persévérance dans les bonnes œuvres, cherchent ta gloire, l’honneur et l’immortalité, la vie éternelle ; mais à ceux qui ont l’esprit de contention, qui ne se rendent pas à la vérité, mais qui acquiescent à l’iniquité, ce sera la colère et l’indignation.
R/. Qui avez-vous vu, bergers ? Dites-le-nous ; apprenez-nous quel est celui qui a paru sur la terre : * Nous avons vu l’Enfant, et les Chœurs des Anges qui louaient ensemble le Seigneur. V/. Dites-nous ce que vous avez vu ? et annoncez la naissance du Christ. * Nous.

Troisième leçon. Tribulation et angoisse à l’âme de tout homme, qui fait le mal, du Juif d’abord, et puis du Grec ; mais gloire, honneur et paix à quiconque fait le bien, au Juif d’abord et puis au Grec ; car Dieu ne fait point acception des personnes. Ainsi, quiconque a péché sans la loi, périra sans la loi, et quiconque a péché sous la loi sera jugé par la loi ; car ce ne sont pas ceux qui écoutent la loi qui sont justes devant Dieu ; mais ce sont les observateurs de la loi qui seront justifiés.
R/. O grand mystère ! Admirable merveille ! Des animaux ont vu, couché dans une crèche, le Seigneur nouveau-né : * Heureuse est la Vierge dont le sein a mérité de porter le Christ, le Seigneur. V/. Nous vous saluons, Marie, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous. * Heureuse. Gloire au Père. * Heureuse.

Au deuxième nocturne.

Sermon de saint Léon, Pape.

Quatrième leçon. Mes bien-aimés, la divine naissance de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, fruit d’une Vierge Mère, doit être tous les jours et en tout temps, l’objet de la méditation des fidèles, afin que leur âme, élevée à reconnaître leur Auteur, s’occupe de ce mystère, soit avec le gémissement de la supplication, soit avec l’exultation de la louange, soit durant l’oblation du sacrifice, et que son regard spirituel ne considère rien avec une foi-plus vive que ce fait d’un Dieu, Fils de Dieu, engendré d’un Père auquel il est coéternel, et néanmoins enfanté en une nature humaine. Mais cette nativité, digne des adorations du ciel et de la terre, aucun jour ne nous la rappelle plus que celui-ci, et cette nouvelle lumière, qui brille même dans les éléments et se manifeste à nos sens, fait pénétrer en nous le rayonnement de ce mystère admirable. Car ce n’est pas seulement en notre mémoire, c’est en quelque sorte devant nous que se passe encore l’étonnant entretien de l’Ange Gabriel avec Marie, et cette conception où tout est également admirable, la promesse qui l’annonce et la foi qui répond à la promesse.
R/. Heureuse est Marie, la Mère de Dieu, dont le sein n’a rien perdu de sa pureté virginale : * Elle a aujourd’hui enfanté le Sauveur du monde. V/. Bienheureuse celle qui a cru : car tout ce qui lui avait été dit, de la part du Seigneur, s’est accompli en elle. * Elle.

Cinquième leçon. C’est aujourd’hui que le Créateur du monde naît d’une Vierge ; le Créateur de l’Univers est devenu le fils de celle à qui il a donné l’être. C’est aujourd’hui que le Verbe de Dieu a paru sur la terre, revêtu de la chair humaine ; ce que les yeux n’avaient jamais vu est devenu visible et même palpable. Aujourd’hui les pasteurs ont appris de la voix des Anges, que le Sauveur est né, ayant une chair et une âme semblables aux nôtres ; aujourd’hui est proposée aux Prélats qui ont la conduite des troupeaux du Seigneur, une manière d’annoncer la bonne nouvelle : c’est que nous disions, nous aussi, avec l’armée de la milice céleste : Gloire à Dieu au plus haut des deux, et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté.
R/. O sainte et immaculée virginité, je ne sais par quelles louanges vous exalter : * Car vous avez renfermé dans votre sein, Celui que les cieux ne peuvent contenir. V/. Bénie êtes-vous entre les femmes, et béni est le fruit de votre sein. * Car.

Sixième leçon. La grandeur et l’éclat du bienfait accordé exige de nous de dignes hommages. Ainsi que nous l’enseigne l’Apôtre, nous n’avons point reçu l’esprit du monde, mais l’Esprit de Dieu, afin que nous connaissions les dons que Dieu nous a faits. Nous ne pouvons l’honorer mieux qu’en lui offrant ce que lui-même a eu la bonté de nous donner. Que pouvons-nous puiser dans les trésors de la libéralité de Dieu, qui convienne mieux à honorer la solennité présente, que la paix annoncée d’abord en la Nativité du Seigneur par un concert angélique ? C’est elle qui fait les enfants de Dieu, qui nourrit la charité, qui conserve l’unité ; elle est le repos des bienheureux et le séjour de l’éternité : son effet propre et spécial est d’unir à Dieu ceux qu’elle a séparés du monde.
R/. Heureuses les entrailles de la Vierge Marie, qui ont porté le Fils du Père éternel, et heureuses les mamelles qui ont allaité le Christ, le Seigneur : * daigne aujourd’hui, pour le salut du monde naître d’une Vierge. V/. C’est un jour vraiment saint qui brille pour nous : venez, Nations, et adorez le Seigneur. * Qui. Gloire au Père. * Qui.

Au troisième nocturne.

Lecture du saint Évangile selon saint Luc.
En ce temps-là : Les bergers se dirent entre eux : "Passons donc jusqu’à Bethléem, et voyons cet événement qui est arrivé, et que le Seigneur nous a fait connaître." Ils s’y rendirent en toute hâte. Et le reste.

Homélie de saint Ambroise, Évêque.

Septième leçon. Vous voyez les bergers se hâter. C’est toujours avec ardeur qu’il faut chercher le Christ. Vous voyez que les pasteurs ont cru au témoignage d’un Ange, et vous ne voudriez pas croire ce que vous disent le Père, et le Fils, et le Saint-Esprit, les Anges, les Prophètes et les Apôtres ? Considérez avec quel soin l’Écriture choisit et pèse tous les mots : « Ils se hâtèrent, dit-elle, d’aller voir le Verbe. » Et en effet, lorsqu’on voit la chair du Seigneur, on voit le Verbe, c’est-à-dire le Fils.
R/. Le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous : * Et nous avons vu sa gloire, sa gloire comme du Fils unique du Père, étant plein de grâce et de vérité. V/. Toutes choses ont été faites par lui, et sans lui rien n’a été fait. * Et.

Huitième leçon. Que la basse condition des pasteurs ne vous fasse pas dédaigner le grand exemple de foi qu’ils vous donnent. Certes, plus leur histoire paraît méprisable à la sagesse humaine, plus elle est précieuse aux yeux de la foi. Le Seigneur n’a pas appelé d’abord des écoles de philosophie, pleines de sages, mais un peuple simple, qui ne sût ni déguiser son enseignement, ni le charger de vains ornements. La simplicité, voilà ce qu’il demande ; il ne cherche point le faste et l’éclat.
R/. O Roi du ciel que tout sert ! Il est couché dans l’étable et il mesure l’univers. * Il est couché dans la Crèche et en même temps il règne au ciel. V/. Aujourd’hui nous est né le Sauveur, qui est le Christ, Le Seigneur, dans la ville de David * Il est couché. Gloire au Père. * Il est couché.

Neuvième leçon. Ne pensez pas non plus qu’on doive mépriser et regarder comme viles les paroles des pasteurs. Les pasteurs, Marie recueille leurs paroles et en nourrit sa foi. Les pasteurs, ce sont eux qui rassemblent le peuple pour glorifier Dieu. « Tous ceux qui entendirent ces bergers admirèrent ce qu’ils disaient, et Marie conservait en elle-même toutes ces choses et les repassait dans son cœur. » Apprenons de là quelle a été, en tout, la chasteté de la sainte Vierge ; non moins réservée dans ses paroles que modeste en son extérieur, elle amassait et gardait dans son cœur les preuves de la foi.

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

De tous les jours de l’Octave de Noël, c’est le seul qui ne soit pas occupé régulièrement par une fête. Dans les Octaves de l’Épiphanie, de Pâques et de la Pentecôte, l’Église est tellement absorbée de la grandeur du mystère, qu’elle écarte tous souvenirs qui l’en pourraient distraire ; dans celle de Noël, au contraire, les fêtes abondent, et l’Emmanuel ne nous est montré qu’environné du cortège de ses serviteurs. Ainsi l’Église, ou plutôt Dieu même, le premier auteur du Cycle, nous a voulu faire voir combien, dans sa Naissance, l’Enfant divin, Verbe fait chair, se montre accessible à l’humanité qu’il vient sauver.

Considérons, dans ce sixième jour de la Naissance de notre Emmanuel, le divin Enfant étendu dans la crèche d’une étable, et réchauffé par l’haleine de deux animaux. Isaïe l’avait annoncé : Le bœuf, avait-il dit, connaîtra son maître, et l’âne la crèche de son seigneur ; Israël ne me connaîtra pas. (I, 3.) Telle est l’entrée en ce monde du grand Dieu qui a fait ce monde. L’habitation des hommes lui est fermée par leur dureté et leur mépris : une étable lui offre seule un abri hospitalier, et il vient au jour dans la compagnie des êtres dépourvus de raison. Mais ces animaux sont son ouvrage. Il les avait assujettis à l’homme innocent. Cette création inférieure devait être vivifiée et ennoblie par l’homme ; et le péché est venu briser cette harmonie. Toutefois , comme nous l’enseigne l’Apôtre , elle n’est point restée insensible à la dégradation forcée que le pécheur lui fait subir. Elle ne se soumet à lui qu’avec résistance [1] ; elle le châtie souvent avec justice ; et au jour du jugement, elle s’unira à Dieu pour tirer vengeance de l’iniquité à laquelle trop longtemps elle est demeurée asservie [2].

Aujourd’hui, le Fils de Dieu visite cette partie de son oeuvre ; les hommes ne Payant pas reçu, il se confie à ces êtres sans raison ; c’est de leur demeure qu’il partira pour commencer sa course ; et les premiers hommes qu’il appelle à le reconnaître et à l’adorer, sont des pasteurs de troupeaux, des cœurs simples qui ne se sont point souillés à respirer l’air des cités.

Le bœuf, symbole prophétique qui figure auprès du trône de Dieu dans le ciel, comme nous l’apprennent à la fois Ézéchiel et saint Jean, est ici l’emblème des sacrifices de la Loi. Sur l’autel du Temple, le sang des taureaux a coulé par torrents ; hostie incomplète et grossière, que le monde offrait dans l’attente de la vraie victime. Dans la crèche, Jésus s’adresse à son Père et dit : Les holocaustes des taureaux et des agneaux ne vous ont point apaisé ; me voici [3].

Un autre Prophète annonçant le triomphe pacifique du Roi plein de douceur, le montrait faisant son entrée dans Sion sur l’âne et le fils de l’ânesse [4]. Un jour cet oracle s’accomplira comme les autres ; en attendant, le Père céleste place son Fils entre l’instrument de son pacifique triomphe et le symbole de son sacrifice sanglant.

Telle a donc été, ô Jésus ! Créateur du ciel et de la terre, votre entrée dans ce monde que vous avez formé. La création tout entière, qui eût dû venir à votre rencontre, ne s’est pas ébranlée ; aucune porte ne vous a été ouverte ; les hommes ont pris leur sommeil avec indifférence, et lorsque Marie vous eut déposé dans une crèche, vos premiers regards y rencontrèrent les animaux, esclaves de l’homme. Toutefois, cette vue ne blessa point votre cœur ; vous ne méprisez point l’ouvrage de vos mains ; mais ce qui afflige ce cœur, c’est la présence du péché dans nos âmes, c’est la vue de votre ennemi qui tant de fois est venu y troubler votre repos. Nous serons fidèles, ô Emmanuel, à suivre l’exemple de ces êtres insensibles que nous recommande votre Prophète : nous voulons toujours vous reconnaître comme notre Maître et notre Seigneur. C’est à nous qu’il appartient de donner une voix à toute la nature, de l’animer, de la sanctifier, de la diriger vers vous ; nous ne laisserons plus le concert de vos créatures monter vers vous, sans y joindre désormais l’hommage de nos adorations et de nos actions de grâces.

Pour rendre nos hommages au divin Enfant, insérons ici cette Séquence qui est d’Adam de Saint-Victor, et l’une des plus mystérieuses que l’on rencontre dans les Missels du moyen âge.

SÉQUENCE.
Celui qui est la splendeur du Père et sa forme incréée, a pris la forme de l’homme.
Sa puissance, et non la nature, a rendu féconde une vierge.
Que le vieil Adam se console enfin ; qu’il chante un cantique nouveau.
Longtemps fugitif et captif, qu’il paraisse au grand jour.
Ève enfanta le deuil ; une vierge, dans l’allégresse, enfante le fruit de vie.
Et ce fruit n’a point lésé le sceau de sa virginité.
Si le cristal humide est offert aux feux du soleil, le rayon scintille au travers ;
Et le cristal n’est point rompu : ainsi n’est point brisé le sceau de la pudeur dans l’enfantement de la Vierge.
A cette naissance, la nature est dans l’étonnement, la raison est confondue.
C’est chose inénarrable, cette génération du Christ, si pleine d’amour et si humble.
D’une branche aride sont sorties la feuille, la fleur et la noix ; et de la Vierge pudique, le Fils de Dieu.
La toison a porté la rosée céleste, la créature le Créateur, rédempteur de la créature.
La feuille, la fleur, la noix, la rosée : emblèmes mystérieux de l’amour du Sauveur.
Le Christ est la feuille qui protège, la fleur qui embaume, la noix qui nourrit, la rosée de céleste grâce.
Pourquoi l’enfantement de la Vierge est-il un scandale au Juif, quand il a vu l’amandier fleurir sur une verge desséchée ?
Contemplons encore la noix ; car la noix, mise en lumière, offre un mystère de lumière.
En elle trois choses sont réunies ; elle nous présente trois bienfaits : onction, lumière, aliment.
La noix est le Christ ; l’écorce amère de la noix est la croix dure à la chair ; l’enveloppe marque le corps.
La divinité, revêtue de chair, la suavité du Christ, c’est le fruit caché dans la noix.
Le Christ, c’est la lumière des aveugles, l’onction des infirmes, le baume des coeurs pieux.
Oh ! qu’il est suave, ce mystère qui change la chair, cette herbe fragile, en divin froment pour les fidèles !
Ceux que, dans cette vie, tu nourris, ô Jésus ! sous les voiles de ton Sacrement, rassasie-les un jour de l’éclat de ta face.
Coéternelle splendeur du Père, enlève-nous de ce séjour jusqu’aux joies des clartés paternelles.
Amen.

L’Église Syrienne, ayant pour chantre saint Ephrem, nous offre cette Hymne du saint Diacre d’Édesse, à laquelle nous empruntons les strophes suivantes :

HYMNE. Quel mortel saura jamais le nom qu’il faut donner, Seigneur, à celle qui fut ta Mère ? Vierge ? Son fils était sous les yeux de tous. Épouse ? Nul ne célébra jamais les noces charnelles avec Marie. L’intelligence ne peut atteindre jusqu’à ta Mère : qui donc pourrait te comprendre toi-même ? Si je considère Marie seule en ce monde, elle est ta Mère : si je la confonds avec le reste des femmes, elle est ta Sœur. Oui, elle est vraiment ta Mère, et parmi les chœurs des saintes femmes, elle est ta Sœur et ton Épouse ; tu l’as honorée en toutes manières, toi, la gloire de celle qui t’enfanta. Elle te fut donnée pour épouse avant ta venue en ce monde ; tu vins, et elle te conçut ; tout surpasse, en ce mystère, les forces de la nature : et son enfantement, et la permanence de son titre virginal. Marie connut toutes les prérogatives de l’épouse. Sans le secours de l’homme, son fils s’anima dans son sein ; le lait des mères abonda dans ses mamelles. Tu dis, et aussitôt cette blanche fontaine jaillit, comme une source, du sein d’une terre altérée. Soutenue par ta présence au milieu d’elle-même, ta Mère trouva des forces pour te porter, et ce fardeau ne l’écrasa jamais ; elle t’offrit la nourriture, à toi qui voulais avoir faim ; elle te présenta le breuvage, à toi qui, volontairement, connaissais la soif. Désirait-elle te presser contre son cœur ? Ta tendresse lui accordait cette faveur. Tu daignais alors tempérer l’ardeur de tes feux, pour ne pas consumer sa poitrine.

Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique

Dans l’Octave de Noël.

O grand mystère, Ô sacrement admirable, Les animaux contemplent le Seigneur nouveau-né, couché dans sa Crèche ; Heureuse Vierge dont le sein a mérité de porter le Christ, le Seigneur, Salut, Ô Marie, pleine de grâce, le Seigneur est avec toi (Rép.).

C’est précisément au temps de Noël que nous aurions le désir de trouver, après la fête, quelques jours d’Octave pendant lesquels nous pourrions méditer à loisir et approfondir le mystère si consolant mais si profond de l’Incarnation. Or la plupart des jours qui suivent Noël sont occupés par des fêtes. Nous n’en devons que plus apprécier la journée d’aujourd’hui. C’est un jour qui appartient tout entier à Noël. La messe est la troisième de la fête. Nous pourrons aujourd’hui lui consacrer une étude plus complète.

1. Considérations sur Noël. — Il est une pensée qui a vivement frappé l’Église ancienne et que nous rencontrons chez les Pères et dans les textes liturgiques ; elle se présente sous forme d’antithèse : Dieu s’est fait homme afin que [‘homme devienne Dieu. Dieu a pris la nature humaine afin de nous faire participer à la nature divine. Dieu est devenu enfant des hommes pour que nous devenions enfants de Dieu. Ainsi la fête de la Nativité du Christ est le commencement de notre naissance divine. Nous sommes devenus aujourd’hui avec le Christ enfants de Dieu.

Dieu s’est fait Homme. C’est là une chose tout à fait incompréhensible. Le Dieu éternel que le ciel et la terre ne peuvent contenir, qui porte dans sa main l’univers comme une coque de noix, devant lequel mille ans sont comme un jour, ce Dieu éternel, infini devient Homme ! Ne serait-ce pas déjà une condescendance s’il avait envoyé un ange pour racheter l’humanité ; ne serait-ce pas déjà une œuvre de miséricorde, s’il était apparu un instant devant le monde, dans l’éclat de sa majesté, dans le tonnerre et les éclairs comme sur le mont Sinaï ? Non, cela était trop peu pour son amour et sa bonté, il voulut être un enfant des hommes comme nous et de plus un enfant des hommes pauvre, un fils de pauvres artisans, né dans une étable, à l’étranger, sans un toit hospitalier. Le vent glacial, la paille nue, des animaux sans raison, voilà tout ce qu’il trouva à son arrivée parmi l’humanité. Quand nous songeons à tout cela, nous ne pouvons que garder un silence de stupeur et tomber à genoux, dans un acte d’adoration, devant la Crèche.

Ce n’est qu’au ciel que nous connaîtrons tout le sens profond des actes rédempteurs du Christ. Ce sera l’une des plus grandes joies de notre béatitude éternelle. Mais la Sainte Église : notre Mère nous en laisse déjà pressentir quelque chose, elle qui est éclairée des lumières de l’Esprit-Saint. Elle est cette Mère sensée qui « réfléchit sur toutes les paroles de Dieu et les conserve dans son cœur ». Elle nous dit : Dieu s’est fait homme pour nous faire participer à la nature divine. C’est le rêve millénaire de l’humanité : « Vous serez comme des dieux », chuchotait Satan à l’oreille de nos premiers parents, « connaissant le bien et le mal » ; et ses paroles ont trouvé un écho. L’homme fut honteusement trompé. Sans doute Il a connu le bien et le mal, mais il n’est pas devenu dieu. Des millénaires d’éloignement de Dieu durent lui apprendre qu’il s’égarait dans la recherche de la divinité. Ce n’était pas par l’orgueil qu’il pouvait devenir Dieu, mais par l’obéissance et l’humilité. La nuit de Noël le lui a montré. Dieu s’est revêtu de haillons, il est devenu un petit Enfant vagissant, afin de nous montrer le chemin que nous devons suivre pour devenir Dieu.

Au paradis terrestre, l’ange tombé disait à l’homme : mange de ce fruit et tu seras Dieu. Il mangea et devint un enfant de l’enfer. Aujourd’hui un ange (l’Église) se tient devant nous et nous dit en nous présentant une nourriture : mange de cette nourriture et tu seras Dieu. La divine nourriture, la chair du Fils de Dieu abaissé jusqu’à nous, nous rend « participants de la divine nature ».

2. Thèmes de Noël. — Le jour même de la fête nous avons pu à peine saisir toutes les belles et grandes choses que nous présentait l’Église. Aujourd’hui nous pouvons revenir sur nos pas et laisser nos pensées errer autour du berceau du Roi nouveau-né.

« O Roi du ciel que tout sert ! Il est couché dans l’étable et il mesure l’univers, Il est couché dans la Crèche et en même temps il règne au ciel. Aujourd’hui nous est né le Sauveur, qui est le Christ, Le Seigneur, dans la ville de David » (Rép.).

« Que les cieux se réjouissent, que la terre tressaille, que la mer bouillonne, et tout ce qui est en elle, que la plaine exulte et tout ce qu’elle porte, que les arbres de la forêt bondissent devant la face du Seigneur, car il est venu » (Psaume 95, aux Matines et à la Messe de Noël).

La créature inanimée salue le Rédempteur, car elle aussi désire être délivrée de la malédiction à laquelle elle est assujettie depuis le péché de l’homme (Rom. VIII, 22). L’hommage de la nature au Fils de Dieu qui vient de naître, est décrit ici avec une grande beauté. Le ciel, la terre, la mer, la plaine, tout rend hommage au Seigneur. Oui, dans la sainte nuit de Noël, un murmure et un frémissement parcourent les arbres de la forêt de Bethléem et se propage jusque dans les antiques forêts de chez nous : « Il est venu. » Et l’arbre qui, trente-trois ans après, devait servir de Croix, frémit de toutes ses branches.

3. Lecture de l’Écriture (Rom. Chap. II). — Dans le premier chapitre, saint Paul a tracé un tableau impressionnant de la banqueroute morale du paganisme. Maintenant il montre que les Juifs eux-mêmes n’ont aucune raison de s’élever au-dessus des païens. Eux aussi, ils ont mérité le courroux de Dieu parce qu’ils n’ont pas observé la loi de Moïse : « C’est pourquoi tu es inexcusable, ô homme (Juif) qui juges. Car par ce fait même que tu juges les autres, tu te condamnes toi-même : car toi, juge, tu fais de même... Affliction et détresse viennent sur toute âme qui fait le mal, sur les Juifs d’abord et ensuite sur les païens. Par contre" gloire et honneur et paix à toute âme humaine qui fait le bien, aux Juifs d’abord et ensuite aux païens. Car pour Dieu il n’y a pas d’acception de personne. Quiconque pèche sans la loi sera perdu sans la loi, et quiconque possédant la loi pèche, sera condamné par la loi. Car ce ne sont pas les auditeurs de la loi qui sont justes aux regards de Dieu, mais se sont les observateurs de la loi qui seront justifiés. En effet, quand les païens qui sont sans la loi remplissent, de par la nature, les prescriptions de la loi, ces hommes sans loi sont à eux-mêmes leur loi. Ils montrent en effet que les exigences de la loi sont inscrites dans leur cœur, car leur conscience leur rend témoignage... » Ce que saint Paul dit ici trouve aussi son application parmi nous quand il s’agit de juger les nombreux incroyants et indifférents de nos jours. Avec la même sévérité que saint Paul apportait à juger les Juifs zélateurs de la loi, nous devons nous juger nous-mêmes : « N’est pas un vrai Juif celui qui l’est extérieurement et la vraie circoncision n’est pas celle qui se fait dans la chair extérieurement ; le vrai Juif est celui qui l’est intérieurement et la vraie circoncision est celle du cœur, non selon la chair mais selon l’Esprit.. Remplaçons ces mots : Juif et circoncision par chrétien et baptême et nous pourrons prendre ces paroles pour nous.

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Communicántes, et diem sacratíssimum celebrántes, quo beátæ Maríæ intemeráta Virgínitas huic mundo édidit Salvatórem, sed et memóriam venerántes, in primis eiúsdem gloriósæ semper Vírginis Maríæ, Genitrícis Dei et Dómini nostri Iesu Christi :Unis dans une même communion et célébrant le jour très saint où la bienheureuse Marie gardant sa virginité sans tâche mit au monde le Sauveur, et honorant la mémoire tout d’abord de la glorieuse Marie toujours Vierge, Mère du même Jésus-Christ notre Dieu et Seigneur...

[1] Rom. VIII, 20.

[2] Sap. V, 21.

[3] Hebr. X, 6.

[4] Zachar. IX, 9.