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Physionomie générale des nouvelles rubriques (1960)

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1960.


Commentaires sur le Nouveau Code des Rubriques publié par le Pape Jean XXIII, revue La-Maison-Dieu, n° 63bis, 1960.

[On peut constater qu’un des grand acteurs de la réforme de Paul VI précise, 10 ans avant l’Ordo missae de ce dernier, les objectifs principaux... et n’hésite pas à qualifier d’abominable, ou d’influence du "Malin" les points qui ne lui plaisent pas]

Par un motu proprio du 25 juillet 1960, le pape Jean XXIII promulgue un « nouveau Code des rubriques du Missel et du Bréviaire », préparé par la Congrégation des Rites. Ce Code est publié, avec la date du lendemain 26 juillet, dans les Acta apostolicæ sedis, t. 52, 1960, pp. 596-740 ; il entre en vigueur le 1er janvier 1961, et à ce moment-là, cesseront d’avoir valeur les Rubricæ generales du Missel et du Bréviaire, les Additiones et Variationes de la réforme de saint Pie X, le Decretum generale du 28 mars 1955, toutes les concessions par privilège ou indult et toutes les réponses de la Congrégation qui seraient contraires.

Comme lors du décret de 1960, la presse s’est aussitôt emparée de l’événement, déformant et exagérant la portée des décisions prises. Il ne s’agit pas, comme on l’a annoncé à tort, d’une réforme du Missel et du Bréviaire : un projet de réforme générale liturgique sera présenté au futur Concile qui devra se prononcer sur ses grandes lignes. Le Code des rubriques se situe donc dans le cadre de la discipline en vigueur ; certes, nous allons le voir, il comporte un certain nombre d’innovations et modifications importantes, voire sensationnelles. Cependant la Congrégation des Rites a tenu à ce que puissent être utilisés les livres actuels : tout au plus sera-t-il indispensable d’ajouter quelques feuilles aux missels ; quant au bréviaire, il vaudra mieux, pour la commodité, se procurer au moins un fascicule contenant l’Ordinaire, le Psautier et quelques autres textes.

Le pape avoue qu’il a hésité à promulguer ce Code, si peu de temps avant le Concile : ne pouvait-on faire l’économie d’une étape dans la réforme liturgique ? Deux considérations semblent avoir entraîné toutefois la décision. Tout d’abord le fait que la législation liturgique, modifiée par les décrets successifs de saint Pie X (1911-1914), et de Pie XII, n’avait jamais été unifiée [1]. Missel et Bréviaire continuèrent de présenter, dans leurs feuillets préliminaires, les Rubricæ generales de saint Pie V (celles du Bréviaire avaient été modifiées en 1900 par Léon XIII), mais il fallait les corriger par les Additiones et Variationes qui leur faisaient suite, et surtout par le Decretum, du 23 mars 1955. De ce dernier, vu son caractère provisoire, la Congrégation des Rites n’avait pas permis que le texte fût imprimé en tête des éditions ; pareillement avait-elle interdit qu’on en tînt compte pour l’agencement des livres ou la modification des rubriques courantes, de sorte qu’il était devenu impossible de se fier à celles-ci. Enfin l’Instruction du 3 septembre 1958 avait changé la législation des messes conventuelles et introduit un nouvel esprit, celui-là même qui était inscrit dans les rubriques du nouvel Ordo hebdomadæ sanctæ, mais qui était confiné strictement dans la période de son utilisation. Cet état instable des rubriques était grandement dommageable et les évêques s’en plaignaient : seuls quelques spécialistes pouvaient s’y reconnaître ; certains rédacteurs d’Ordos eux-mêmes, peu préparés aux perspectives nouvelles qu’ouvrait le Saint-Siège, en violaient involontairement l’esprit sinon parfois la lettre ; un grand laisser-aller risquait de s’introduire. Or, même si le Concile se réunit à la date prévue et s’acquitte rapidement de sa tâche, la mise en œuvre des réformes qu’il décidera demandera plusieurs années d’études. Il était enfin souhaitable que les Pères du Concile possèdent, pour leurs travaux, un bilan mis à jour de la législation liturgique. La seconde considération qui doit avoir ému le Saint-Siège, c’est la pénurie de livres dans laquelle on se, trouvait depuis quelque temps. Devant la précarité des réformes de 1955 et l’annonce de réformes ultérieures, les éditeurs se refusaient à publier des bréviaires, comme d’ailleurs les usagers hésitaient à en acheter. Les jeunes clercs s’habituaient ainsi à utiliser des livres vieillis et sales qui n’invitent pas au respect. Désormais, vont pouvoir être imprimées des missels entièrement mis à jour el surtout de nouveaux bréviaires : ceux-ci, en conséquence des décisions prises, seront allégés à un tel point qu’ils ne comporteront plus que deux volumes (de l’Avent à la Trinité, et de la Trinité à l’Avent) ou même un seul.

Ce « Code des rubriques » n’est pourtant qu’un bilan limité. De soi, il ne remplace que les Rubricæ generales du Missel et du Bréviaire, dont il conserve le cadre et parfois jusqu’au texte. Il ne légifère théoriquement que sur le calendrier et sur l’agencement des formulaires : il laisse donc intacts et suppose le Ritus celebrandi missam, le De defectibus, le Cæremoniale episcoporum, le Memoriale rituum (avec les documents correspondants pour la semaine sainte), l’Instruction du 3 septembre 1958 - à celle-ci est faite référence expresse, n° 272, - et les décrets ou réponses qui leur correspondent. Ce n’est qu’à titre exceptionnel qu’il leur fait dérogation, lorsque l’ancien texte des rubriques l’exigeait. Peut-être d’ailleurs se ressent-il de la méthode qui a présidé à sa composition : au témoignage du Motu proprio pontifical, il a été « préparé par les spécialistes de la Congrégation des Rites et ensuite revu avec soin par la Commission pontificale de réforme liturgique » ; et, sans doute, faire davantage ou faire une synthèse plus complète de la législation liturgique eût engagé déjà ces « altiora principia » que le Saint-Père veut laisser à la décision du Concile.

Le Code des rubriques ne vise, de soi, que le rite romain, comme le décret de 1955. Cependant les Églises et Ordres religieux qui suivent d’autres rites latins avaient sollicité la faculté d’amender leurs propres rubriques de façon à bénéficier des heureuses modifications apportées par ce dernier. Désormais cette adaptation est exigée de plein droit, en tout ce qui est compatible avec le génie propre de ces rites (Motu proprio, n° 1).

Dans l’analyse du nouveau Code, nous en suivrons pratiquement le plan : il comporte en effet d’abord des Rubricæ generales, valables tant pour la messe que pour l’office et concernant surtout l’organisation du temps liturgique, ensuite des Rubricæ generales Breviarii, enfin des Rubricæ generales Missalis. Mais notre commentaire de la législation liturgique ne peut se contenter d’analyser des formules juridiques et d’en déduire toutes les applications ; ce ne serait d’ailleurs pas dans l’esprit de cette revue ; il doit situer la loi dans l’évolution générale de la discipline et se référer à son terme : la réforme qu’a amorcée Pie X, qu’a reprise Pie XII et que Jean XXIII entend achever en la soumettant au Concile. En ce sens, il nous arrivera à diverses reprises de manifester des réserves ou même d’exprimer des regrets ou des souhaits : c’est une façon pour les commentateurs de coopérer de façon constructive à l’avancement de la réforme ; nous y sommes encouragés en constatant que le Code de 1960 a fait droit, sur plusieurs points, aux vœux que nous formulions naguère en commentant le décret de 1955 et l’Instruction de 1958.

I -L’ORGANISATION DU TEMPS LITURGIQUE

1. Le jour liturgique.

L’année ecclésiastique du rite romain ne comporte qu’un seul jour aliturgique, c’est-à-dire excluant la célébration de toute assemblée proprement dite : le samedi saint. Cette exception est rappelée dans le Codex rubricarum, n° 28 ; les motifs doctrinaux et historiques en ont été exposés ici même par Dom J. Hild [2]. Le vendredi saint, l’Église romaine n’offre pas le sacrifice eucharistique, mais le peuple s’assemble pour la liturgie de la Parole, la prière d’intercession et la communion des présanctifiés. Les autres jours sont « liturgiques » au sens complet du terme, puisqu’ils sont « sanctifiés par des actions liturgiques et surtout par le sacrifice eucharistique et par la prière publique de l’Église ou office divin » (n° 4).

Depuis 1955, une évolution radicale s’est faite dans la manière de compter le jour, aboutissant à la règle actuelle : « le jour liturgique va de minuit à minuit et court normalement de l’office de nuit jusqu’aux complies » (n. 4-5). Seuls, dès lors, certains jours plus solennels comportent des premières vêpres, qui en constituent une anticipation au soir du jour précédent. On a souvent souligné, depuis 1955, le caractère novateur de cette mesure ; elle a rompu en effet avec l’idéal biblique de la Genèse, avec l’usage juif et avec la tradition liturgique de l’Occident médiéval. Elle a l’avantage de simplifier considérablement l’organisation de l’office et de rejoindre la façon dont les gens comprennent la journée dans leur vie courante. Le maintien des premières vêpres, à certains jours, sauvegarde ce qu’il y avait de profondément humain dans l’anticipation de la fête ; le fait qu’elles soient réservées à des jours plus solennels les préserve de l’accoutumance qui affadit. Précisément, le nouveau Code en restreint la propriété au dimanche et aux fêtes de première classe ; les fêtes de seconde classe perdent donc leurs premières vêpres [3]. En sens inverse, tout office qui se célèbre est prolongé jusqu’aux vêpres et aux complies du jour lorsqu’il n’est pas empêché par des premières vêpres : les saints qui étaient jadis semi-doubles, la vigile de saint Laurent (n° 34) ont désormais des vêpres ; en est dépourvu uniquement l’office de S. Maria in sabbato (n° 79), puisqu’il rencontre toujours les premières vêpres du dimanche suivant.

2. Prééminence du temporal.

Seuls peuvent comprendre la portée des diverses réformes des rubriques, échelonnées depuis 1911 jusqu’à nos jours, ceux qui savent en quel état de déchéance était tombée la célébration de l’année liturgique à la fin du pontificat de Léon XIII. Les fêtes de saints, les dévotions, les offices votifs avaient tout envahi, au point que les sacristies ne possédaient plus d’ornements verts, les messes des dimanches n’étant jamais dites, et les missels pour fidèles omettaient les textes des féries de Carême et de Quatre-Temps puisqu’on n’en faisait que mémoire. L’effort entrepris par saint Pie X a si bien porté ses fruits que le décret de 1955 et le nouveau Code ont pu en consolider et développer les résultats, sans parler de la restauration de la semaine sainte qui eût été impossible en dehors de ce mouvement.

« Le dimanche est le jour du Seigneur, premier de toute semaine » (n° 9). Ce principe, dans sa brièveté digne du droit romain, évoque toutes les richesses bibliques, patristiques et spirituelles que nous avons nous-mêmes redécouvertes au Congrès de Lyon en 1947 et dans son prolongement. Rien ne peut être préféré au dimanche, parce qu’il est le souvenir périodique du mystère du salut dont la Résurrection du Christ est le sceau éclatant ; il nous fait regarder vers le ciel d’où le Seigneur reviendra au jour de sa bienheureuse Parousie, il nous fait prendre conscience de l’Église, peuple de Dieu acquis dans le sang du Christ, et c’est pourquoi il nous réunit en assemblée autour de la Parole de Dieu et de l’eucharistie [4]. Sa récurrence hebdomadaire est inscrite déjà dans l’évangile et n’a jamais subi d’interruption depuis la Résurrection, chose que - soit dit en passant - semblent trop oublier ceux qui discutent de projets de réforme du calendrier.

Dans les rubriques, la dignité suréminente du dimanche est soulignée par le fait qu’il a des premières vêpres, et qu’il ne cède la place à aucune fête de 2e classe, à moins que celle-ci ne soit une fête du Seigneur ; les dimanches de 1re classe (Avent, Carême, Pâques, Quasimodo, Pentecôte) ne sont évincées en occurrence par aucune fête, quelque importante qu’elle soit (sauf l’Immaculée Conception). Les solennités extérieures, dont nous parlerons à propos de la messe, se voient heureusement réduites (on aurait dû être beaucoup plus radical encore) ; et aucune n’est plus obligatoire.

Ce qui a contribué pour une bonne part à la restauration du dimanche, c’est l’institution des messes du soir qui permettent de célébrer à leur jour d’incidence les fêtes de dévotion et les fêtes dont la fériation a été supprimée : par celte messe qui vient interrompre la monotonie des jours, qui exige effort et sacrifice au milieu de tâches quotidiennes absorbantes, les fêtes sont beaucoup mieux remarquées et vécues que par une solennité extérieure : ainsi se crée un style de jours semi-fériés.

En même temps que le dimanche, la restauration liturgique s’est efforcée depuis saint Pie X de remettre en honneur les temps privilégiés, riches de formulaires propres, temps forts pour la vie spirituelle et la catéchèse. Désormais les jours de Quatre-Temps (de l’Avent, du Carême et de septembre) et les fériés du 17 au 23 décembre excluent toutes les fêtes de saints qui étaient anciennement doubles, et même les fêtes particulières de 2e classe ; ils ne cèdent qu’à des fêtes de 2e classe de l’Église universelle. Les féries de Carême l’emportent sur toutes les fêtes qui ne sont pas de 2e classe : le choix laissé par saint Pie X pour la messe, et par le décret de 1955 pour l’office privé, est supprimé, et nous devons nous en réjouir d’autant plus que les fidèles redécouvrent, grâce aux textes bibliques du Carême, les enseignements majeurs de la préparation baptismale, les « grandes vérités » délaissées jadis par la prédication. La préparation à la Pâque ne laissera désormais place qu’à quatre fêtes universelles : chaire de saint Pierre, saint Mathias, saint Joseph, l’Annonciation, auxquelles peut s’ajouter telle fête propre.

Enfin l’octave de Noël (n. 67-70), si pauvrement traitée jadis, retrouve sa splendeur : elle réduit à une commémoraison saint Thomas et saint Silvestre ; le 1er janvier redevient Octava Nativitatis ; les trois fêtes maintenues et traditionnelles de saint Etienne, de saint Jean et des saints Innocents cèdent le pas au dimanche quand il se présente. Quant à la fête des saints Innocents, elle est dépouillée heureusement des signes lugubres dont elle était endeuillée jadis : ce sont des martyrs, donc leur Natale est glorieux ; que Rachel pleure ses enfants, c’est normal, mais depuis que le Christ est ressuscité, l’Église ne peut trouver dans leur mort qu’une cause de joie.

On notera que le régime transitoire créé en 1955 pour certaines anciennes octaves est aboli ; en conséquence les dimanches après la Pentecôte qui étaient dans ces octaves redeviennent vraiment des dimanches per annum. Quant aux jours libres entre le 2 et le 12 janvier, ils sont dotés d’un excellent office férial temporis Nativitatis qui entérine presque toutes les dispositions de 1955

3. Le cas des Litanies majeures et mineures.

Une des caractéristiques du nouveau Code, c’est la franchise avec laquelle sont envisagées les situations réelles. A une civilisation rurale a succédé une civilisation urbaine qui rend parfois impraticables et souvent inintelligibles des processions lustratives supposant des champs à parcourir et à bénir. A plus forte raison est-il difficile de maintenir au-delà des tropiques, et surtout dans l’autre hémisphère, des dates de prières pour les fruits de la terre qui sont celles des saisons de l’Italie et de la France. D’autre part, ces cérémonies, d’elles-mêmes trop austères, étaient accompagnées généralement de pieux exercices plus populaires, sanctionnés parfois par un usage immémorial. Les historiens de la liturgie invitaient à beaucoup de libéralisme, car si la date du 25 avril est précise, elle est un souvenir purement romain et préchrétien ; quant au triduum des Rogations, il avait connu des dates fort variables dans les Églises qui les avaient pratiquées (sans parler des objections essentielles que soulève leur fixation par saint Mamert en plein temps pascal).

Désormais, Litanies majeures et mineures sont sans influence sur l’office, où elles ne sont même pas commémorées (il a donc fallu désigner des lectures de la première épître de saint Pierre pour le lundi de la cinquième semaine après Pâques) : la messe propre ne se dit qu’après la procession ou les exercices qui en tiennent lieu ; on en fait cependant mémoire (cette mémoire est privilégiée) le 25 avril. L’obligation de dire les litanies pour ceux qui sont astreints à l’office n’est maintenue que ce seul jour (n° 84).

Le 25 avril reste la date fixe de la Litanie majeure ; une procession a lieu, on y chante la litanie des saints, dont les invocations ne sont plus doublées, on y ajoute les versets et les oraisons, et la messe doit suivre. Mais il appartient aux Ordinaires des lieux de juger des conditions et coutumes des églises locales ; là où ils estimeront la procession impraticable, ils la remplaceront par des supplications particulières au cours desquelles on dira la litanie des saints et les prières qui l’accompagnent (n° 83). On clôturera toujours par la messe, même le soir (n° 86). De plus, en certains lieux, la litanie et les prières se disant en langue vulgaire au cours de la procession ou de la célébration où le peuple est présent, ceux qui sont astreints à l’office et qui participent à la cérémonie n’auront pas à redire la litanie en latin (n° 85) : nous reviendrons sur ce point plus loin.

Les Rogations, fixées toujours en principe aux trois jours qui précèdent l’Ascension, peuvent être transférées à d’autres dates pourvu qu’elles soient constituées de trois jours se suivant sans interruption : c’est aux évêques et à eux seuls qu’il appartient de faire cette translation, fondée sur la convenance soit du climat, soit de la coutume, ou sur la nécessité (n° 87).

On aura remarqué le rôle important donné ainsi aux Ordinaires des lieux. Non seulement ils peuvent décider de la date des Rogations, mais là où la procession est impossible, ils fixent l’organisation de ces peculiares supplicationes comportant essentiellement les litanies avec leurs versets et oraisons et suivies de la messe : il ne s’agit donc pas simplement de pia exercitia accompagnant l’action liturgique, mais d’une véritable action liturgique elle-même. D’autres décisions incombent aux évêques groupés en conférences nationales ou régionales : celles qui concernent le choix des couleurs liturgiques.

4. Réduction de l’importance du sanctoral.

Nous avons déjà exposé les nouvelles mesures prises pour renforcer la sauvegarde du dimanche, des Quatre-Temps, du Carême et de l’Octave de Noël. Ce n’est pas la seule réduction apportée au sanctoral : les fêtes de 2e classe sont dépouillées des premières Vêpres ; quant aux autres saints, ils sont ou simplement commémorés (c’est le cas des anciens simples d’avant 1955), ou célébrés uniformément selon la même « 3e classe », qu’ils aient été jusqu’ici doubles majeurs, doubles mineurs ou qu’ils fussent semi-doubles avant 1955 : à Matines, ils n’ont plus qu’une leçon propre (l’ancienne leçon contractée) dans un Nocturne qui est presque semblable à celui des anciennes fêtes simples ; mais à la messe ils s’opposent à la liberté des messes votives ordinaires comme les anciens doubles ; ils ont des Vêpres le soir, également comme les anciens doubles.

Un certain nombre de fêtes ont été supprimées parce qu’elles faisaient double emploi avec d’autres : la Chaire de saint Pierre du 18 janvier, l’Invention de la sainte Croix (en revanche l’Exaltation devient de 2e classe), l’Invention de saint Etienne, l’Apparition de saint Michel (8 mai) ; ou parce qu’elles se fondaient sur des faits historiques mal assurés (saint Anaclet, saint Jean devant la Porte Latine, saint Pierre aux Liens). Mais pour d’autres fêtes du même genre, comme aussi quand il s’agissait de dévotions trop limitées, on a parfois maintenu une commémoraison (saint Georges, Notre-Dame du Mont-Carmel, saint Alexis, Stigmates de saint François, saint Eustache, Notre-Dame de la Merci, Sept-Douleurs du vendredi de la Passion). La fête du Rosaire, si populaire, a été maintenue, mais son nom est changé de façon caractéristique : elle devient la fête de Notre-Dame du Rosaire (Var., n° 12).

De telles mesures soulèvent toujours des protestations de la part de ceux qui se croient touchés dans leurs affections les plus chères. Cependant souhaitons que ces résistances n’arrêtent pas le législateur : les dévotions particulières ne doivent pas être imposées au plan général ; parce qu’un saint est cher à telle communauté, à telle ville, à tel pays, à tel pape, faudra-t-il qu’on n’ait pas de repos jusqu’à ce qu’il soit obligatoirement fêté par le monde entier ? Les difficultés, jamais résolues depuis le 16e siècle, de l’allégement du sanctoral el de la réforme du Bréviaire tiennent en grande partie à ce mal foncier. Il faut même dire notre déception de voir la Congrégation des Rites agir avec tant de timidité : elle a encore maintenu des fêtes de saints dont l’existence ou l’histoire est insuffisamment claire (saint Félix de Valois, Mémoire de saint Melchiade, etc.), d’autres qui font double emploi (par sa nature, la fête de saint Michel est celle de tous les Anges, et l’on devrait supprimer les autres), d’autres dont l’inscription au calendrier ne s’explique que par la dévotion personnelle de tel pape (saint Joachim, saint Liboire...). On a malheureusement maintenu ces « fêtes d’idées » si abstraites et froides, introduites à l’époque moderne et qui font double emploi avec des fêtes d’anniversaires, concrètes celles-ci et riches pour la piété. Il faudrait élargir l’horizon si restreint du sanctoral : que de saints qui y sont célébrés n’ont pas d’autre notoriété en dehors de leur province ou de l’Ordre religieux auquel ils appartiennent ! Il faudrait surtout libérer la liturgie de ces surenchères aux docteurs et aux fondateurs de Congrégations : la piété n’y gagne rien, au contraire ; les saints dont le message est important pour tous les chrétiens (les martyrs, avant tout, mais aussi saint Antoine, saint Benoît, saint Bernard, saint François, sainte Catherine de Sienne, saint Jean de la Croix, saint Ignace et saint François-Xavier, saint Jean Bosco, les deux saintes Thérèse...) se perdent au milieu de la grisaille quotidienne de l’Iste confessor répété à satiété, des messes Si diligis et In medio usées et fades à force d’être reprises. Que gagnent le règne de Dieu, la propagation de l’Évangile et l’approfondissement de l’amour dans le cœur des chrétiens à ce que l’on célèbre comme docteur un saint, personnage dont les écrits ne sont plus lus ? Que signifient à Melbourne, Calcutta, Canberra, Brasilia ou Los Angeles, les noms de saint Gabriel de l’Addolorata, saint Jean Leonardi, saint André Avellin et autres ? Or le nouveau Code nous annonce deux nouveaux saints (saint Antoine-Marie Claret, saint Grégoire Barbadigo) et consolide le doctorat de saint Laurent de Brindisi... Le vrai problème n’est donc pas entamé, et je fais des vœux pour qu’il soit abordé au Concile, en même temps d’ailleurs que la révision des procédures de canonisation. Il suffirait au reste que, sauf une douzaine (un par mois environ) en plus des Apôtres, les autres saints soient réduits à une commémoraison à Laudes avec messe facultative ; c’est au plan local ou familial surtout que le culte des Saints retrouverait son véritable éclat.

Il faudrait aussi dire un mot du Martyrologe. Même Pie XI, historien de métier, n’a pas pu obtenir que ce livre soit rendu à la vérité de l’histoire ; il n’y a donc qu’à souhaiter sa disparition complète de l’office choral romain : par la même occasion, les prières du chapitre (Pretiosa, etc.) qui suivent Prime seraient avantageusement supprimées. Tout cela a déjà disparu pratiquement de l’office monastique ; hélas, le Code des rubriques a gardé le Martyrologe en lui faisant subir une kyrielle d’Additiones et Variationes !

5. Simplifications dans l’agencement du calendrier.

L’esprit de simplification des rubriques, si heureusement introduit par le décret de 1955, se précise dans le nouveau Code.

Tout d’abord le calcul du premier dimanche du mois, laborieux jadis, devient très simple : est le premier dimanche, désormais, celui qui vient en tête dans le mois, sans remonter aux derniers jours du mois précédent (sauf pour l’Avent dont les règles sont inchangées).

Simplification ensuite dans l’occurrence. Les jours liturgiques sont susceptibles d’être de 1ère, 2e, 3e ou 4e classe ; il y a ainsi des dimanches de 1re et 2e classe ; des féries des quatre classes, etc. Il n’y a plus ni doubles ni simples. Les fêtes de 1re et 2e classe correspondent à peu d’exceptions près aux anciennes fêtes du même titre ; toutes les autres sont de 3e classe ; la 4e classe est réservée à l’office de sancta Maria in Sabbato et aux féries ordinaires. La classe détermine avant tout la préséance, car la célébration peut être différente selon qu’il s’agit d’un dimanche, d’une fête, d’une octave, d’une férie, d’une vigile. On peut discuter de l’intérêt de celle terminologie, dont on verra la commodité ou l’incommodité à l’usage. De toute façon, à l’intérieur de chaque classe, il y a encore un ordre de préséance, mais les règles d’occurrence sont tout de même plus simples que jadis. Nous n’entrerons pas dans le détail ; relevons seulement qu’on ne transférera plus accidentaliter les fêtes de 2e classe (n° 95), et que la règle de proprietas festorum ne joue que pour les 3e classes. On ne distingue plus fêtes primaires et secondaires, la fériation n’est prise en considération que là où elle est effective.

La concurrence est rendue assez peu fréquente déjà par suite du petit nombre de solennités qui ont des premières vêpres. En outre, il n’y a plus division des Vêpres a capitulo (nos 104-105) sinon durant l’octave de Noël et, les mémoires non privilégiées étant abolies aux Vêpres (n° 108), rares y seront les commémoraisons (du dimanche, de la férie pendant l’Avent, le Carême et aux Quatre-Temps, de l’octave de Noël, d’une fête de 1ère classe).

Les commémoraisons, tant à la messe qu’à 1’office, sont très allégées. Le décret de 1955 avait porté une main courageuse à cette plaie douloureuse : le puzzle des mémoires que nous avons dû pratiquer jusque-là n’est déjà plus qu’un lointain souvenir. Pourtant, le texte publié alors manquait de clarté et avait dû faire l’objet de nombreuses réponses de la Congrégation des Rites. Désormais, outre la simplification que nous venons de signaler pour les Vêpres, on supprime la mémoire du dimanche lorsque celui-ci cède la place à une fête du Seigneur ou à la vigile de Noël (et inversement, on omet la mémoire du Seigneur à l’office ou la messe du dimanche) ; on supprime de même la mémoire d’une Personne à la célébration d’un mystère différent de la même Personne (n. 95, 112) [5]. Le dimanche, on ne fait pas mémoire des fêtes de 3e classe. Enfin la mémoire de saint Paul aux célébrations de saint Pierre et réciproquement se fait par une oraison sub unica conclusione.

Même simplification dans les règles des Préfaces, avec précision définitive de tout ce qui était douteux depuis 1955 ; en particulier, la préface de la Trinité est, le dimanche, préface du Temps (n° 494).

Quant aux doxologies, on supprime carrément leur variation : les hymnes se diront toujours avec la doxologie qui leur est assignée. C’est excessif : je regrette les doxologies du temps (Noël, Epiphanie, et surtout temps pascal), qui avaient l’avantage de colorer toute une période, et cela même musicalement puisqu’elles imposaient leur mélodie aux hymnes. Je crains que l’office ne soit finalement simplifié jusqu’à la monotonie. En revanche, on a maintenu les versets de Prime (n° 244), et je m’en réjouis.

II. - MODIFICATIONS CONCERNANT LE BREVIAIRE

Plus même que des changements de rubriques, le nouveau Code impose un esprit nouveau à la célébration de l’office divin. Il ne suffira donc pas aux prêtres de se satisfaire de l’exactitude dans l’observation des rubriques : il leur faudra surtout entrer dans cet esprit et en suivre l’exigence ; ce sera, pour beaucoup, une vraie conversion à faire.

1. La vérité des Heures.

Les nouvelles Rubricæ generales breviarii s’ouvrent par des définitions (Normæ generales), puis proposent aussitôt un chapitre intitulé De tempore dicendi horas canonicas : les articles 142-147 qui le composent nous offrent un magnifique programme qui, à lui tout seul, va exiger des prêtres qu’ils reconsidèrent la nature de l’office, le sens des Heures, la manière de les dire et donc tout leur règlement de vie sacerdotale, à moins que, déjà touchés par le mouvement liturgique, ils n’aient appliqué par avance les principes qui sont exposés ici. De nombreux monastères et couvents auront à modifier leur horaire de l’office, sans parler des chapitres cathédraux ou basilicaux.

« Les heures canoniques ont pour but, par leur établissement et leur structure (ex earum constitutione), de sanctifier les diverses Heures du jour naturel. Il importe donc, pour sanctifier effectivement la journée comme pour réciter les Heures avec fruit spirituel, que l’on observe dans leur acquittement le temps qui se rapproche le plus du temps véritable de chaque Heure canonique » (n° 142). Si l’on a cru et parfois dit qu’« un bon prêtre en était toujours à Prime du lendemain », une telle erreur ne sera plus possible. Ceux qui n’éprouvent aucune répugnance à appeler dans leur prière « lever du soleil » le moment qui, pour le reste des hommes est l’après-midi, ceux qui annoncent sans sourciller au bréviaire qu’ils vont se coucher (In pace in idipsum dormiam... custodi nos dormientes) alors qu’ils se disposent à faire la promenade digestive de leur repas de midi, ceux qui se croyaient « liturgistes » parce qu’en Carême ils disaient Vêpres à huit heures du matin, tous ceux-là et bien d’autres encore sont invités à mettre enfin de l’authenticité dans leur prière. Avant d’être une quantité imposée de formules vocales, l’office est la sanctification du temps.

Certes, l’Église est maternelle, aussi suffit-il, comme par le passé, que toutes les Heures canoniques soient dites dans l’espace des vingt-quatre heures pour que l’on ait satisfait à l’obligation (n° 143). Certes aussi, il demeure permis d’anticiper les Matines dès quatorze heures du jour précédent, mais pas plus tôt (n° 144) cette faculté suppose une juste cause, et d’ailleurs elle vaut pour la célébration chorale, puisque, à moins de clause expresse, les règles de celle-ci ne sont plus différentes de la célébration extra chorum (n° 141).

En revanche, les Laudes ne pourront, plus être dites la veille : « Comme c’est la prière du malin, on les dira au tout début du jour tant in choro qu’en commun, ce qu’il conviendra d’observer aussi dans la récitation individuelle » (n° 146). C’est pourquoi, même dans la célébration chorale, on peut dorénavant séparer les Matines des Laudes, comme dans l’office monastique et conformément à la tradition de l’antiquité (cf. n° 179).

« Les Vêpres, y compris durant le Carême, et cela même au chœur ou en commun, se diront toujours dans les heures d’après-midi, ce qu’il convient d’observer aussi dans la récitation individuelle » (n° 146). Ajoutons que c’est None et non pas les Vêpres qui constitue la prière du milieu de l’après-midi : les Vêpres sont le « sacrifice du soir », l’heure de la Cène, l’heure de l’intimité d’Emmaüs, la fin du travail et du plein jour : « Mane nobiscum Domine quoniam advesperascit », « Iam sol recedit igneus... » : le moment normal pour les célébrer, c’est donc le temps qui précède aussitôt le repas du soir. C’est exactement pour cela d’ailleurs que l’on en était venu à les dire le matin en Carême : la discipline du jeûne antique ne permettant pas de manger avant le coucher du soleil, comme on ne pouvait agir sur l’heure du coucher du soleil, on avançait l’heure des Vêpres afin de passer à table plus tôt et même à midi.

Les Complies devraient se dire comme la dernière prière à la fin du jour. Après les avoir célébrées, on entre dans le silence et l’on va se coucher. Il est souhaitable qu’il en soit ainsi pour tous ceux qui sont astreints à l’office, mais à plus forte raison pour les communautés. Et Matines, dira-t-on, quand alors s’en acquitte-t-on ? L’anticipation des Matines pour une juste cause n’empêche nullement de réserver Complies comme ultime prière : de nombreux auteurs l’avaient affirmé ces dernières années, désormais c’est le législateur lui-même qui le dit (n° 147). Les Complies comportent la confession générale des péchés, précédée d’un moment de silence, l’espace d’un Pater ; ce Pater n’a pas à être dit lorsqu’on célèbre Complies à l’heure voulue : on vaquera à l’examen de conscience durant le temps nécessaire (n° 147).

Un gros obstacle à la célébration des Heures au moment voulu, c’étaient jadis les règles concernant la messe conventuelle, celle-ci se disant tantôt après Prime, tantôt après Tierce, tantôt après Sexte, tantôt après None. Nous avons, ici même en 1946, expliqué l’origine de ces règles et souhaité qu’elles disparaissent [6]. C’est chose faite depuis l’Instruction du 3 septembre 1958 [7], dont le présent Code reprend les dispositions, article 287. Relevons seulement une particularité : « La veille de Pentecôte, la messe conventuelle est dite après None » (même n° 287), ce qui s’explique par suite du changement de temps liturgique que la messe apporte. J’en conclus que cette messe conventuelle devra se dire désormais le soir, comme c’était d’ailleurs l’usage antique.

Signalons une dernière conséquence de la vérité des Heures ainsi affirmée dans le Codex rubricarum. Nous souhaitons voir disparaître de l’Ordo hebdomadæ sanctæ deux ou trois choses qui le déparent : l’indication des Complies qui semblent suivre immédiatement l’action liturgique du jeudi soir et celle du vendredi soir, alors qu’on devrait passer à table et que, le jeudi, on est invité à veiller au reposoir ; surtout l’abominable Pro Laudibus, qui d’ailleurs ne figurait pas dans la première édition de l’Ordo sabbati sancti et qui doit avoir été introduit en 1952 par ceux qui regrettaient le Pro Vesperis du samedi saint : dire des Laudes au moment d’aller se coucher, et les imposer au peuple qui s’étonne tout à coup de cet appendice inopiné après la communion ! Un grand et vénéré liturgiste en a pris devant moi la défense ces derniers temps : sans doute qu’il n’a jamais célébré la Vigile pascale en paroisse.

2. Primat de la célébration commune.

L’Instruction du 3 septembre 1958 l’avait déjà souligné : « Par sa nature, l’office divin est constitué de telle sorte qu’il soit exécuté par voix mutuelles et alternées ; bien plus, certaines parties exigent, de soi, d’être chantées [8]. » C’est pourquoi elle modifiait la distinction classique entre célébration chorale et célébration extra chorum et envisageait, outre la célébration chorale et la récitation individuelle, la célébration en commun par une communauté non astreinte au chœur. Même accompli individuellement par quelqu’un qui est député à son accomplissement par les lois ecclésiastiques, l’office demeure un acte du culte public, rendu à Dieu au nom de l’Église » ; mais « on doit favoriser son accomplissement in choro » et l’Instruction recommandait « vivement l’accomplissement en commun comme aussi le chant d’au moins une partie de l’office » ; elle faisait un devoir de cet accomplissement en commun, au moins pour une partie de l’office, aux séminaires de clercs tant séculiers que réguliers [9]. Les nouvelles Rubriques tendent à faciliter l’application de ces principes, en supprimant quelques-uns des obstacles fréquemment rencontrés. Le premier venait d’un scrupule qui troublait certains prêtres : l’office qui se célèbre au chœur ou en commun ne correspond pas au leur, soit par son calendrier (difficulté qui d’ailleurs ne pouvait être opposée par un clerc non bénéficier), soit par son rite : que penser de la participation chorale d’un clerc séculier à l’office bénédictin ou dominicain ? J’avais expliqué ici même jadis les raisons qu’il y avait de passer outre ces scrupules [10]. Il n’y a même plus à raisonner désormais, grâce à l’admirable formule de l’article 167 :

Tous les clercs diocésains, tous les religieux de l’un et l’autre sexe, astreints à l’office divin à quelque titre que ce soit [11], qui participent à l’office choral ou en commun en suivant un autre calendrier ou un autre rite que le leur, satisfont à leur obligation pour la partie de l’office dite ainsi.

Ce n’est pas tout :

Lorsque quelqu’un participe aux Vêpres votives d’une solennité extérieure, il satisfait à son obligation pour cette partie de l’office, à condition que ces Vêpres aient été célébrées intégralement et avec observation des rubriques.

Des règles sont aussi données pour l’organisation de l’office dans les maisons interdiocésaines, régionales, nationales ou internationales de clercs, de religieux ou de religieuses (nos 154-165) : nous n’insisterons pas sur leur détail, mais elles méritent d’être signalées comme expression du nouvel esprit que veulent inculquer les présentes Rubriques.

Par ailleurs, il faut souligner deux autres marques éclatantes de la prédilection dont l’Église entoure la célébration communautaire. Les Matines des Martyrs, à la vigile de la Dédicace d’une église, satisfont au précepte pour tous ceux qui sont tenus à l’office, est-il précisé dans les Variationes, n° 60. Là où, le 25 avril, les litanies avec leurs prières et oraisons sont chantées en langue vulgaire dans l’assemblée du peuple, ceux qui y participent activement sont dispensés de les redire ensuite en latin (Rubr. gen., 85).

Tout cela m’invite à formuler de nouveaux vœux. En effet, les clercs ne prendront pas aux célébrations liturgiques la part active et joyeuse qu’y apportent les fidèles tant qu’on les verra réciter leur bréviaire à ce moment-là. Les nouvelles Rubriques ont fléchi dangereusement dans l’article 288, à propos de la messe conventuelle lorsque celle-ci n’est pas chantée : « chorales prohibentur quominus inter missam conventualem horas canonicas CHORALITER prosequantur », redoutable tentation qui leur est offerte de dire l’office en privé durant ce temps, alors que l’Instruction du 3 septembre 1958 disait : « Id saltem omnino evitetur ne inter missam conventualem horæ canonicæ recitentur. » Ce petit choraliter a-t-il été ajouté subrepticement par quelque démon ? Il est de trop et vient du Malin. Mais l’Ordo hebdomadæ sanctæ a ouvert une perspective intéressante en décidant que les grandes célébrations tenaient lieu, pour ceux qui y prennent part, de la partie d’office qui correspondait à leur heure : Vêpres, pour les actions liturgiques du jeudi et du vendredi saint, Complies, Matines et Laudes pour la Vigile pascale. Ne pourrait-on envisager quelque chose d’équivalent pour les fonctions du Pontifical (ordinations, Dédicace...) ? Et n’y aurait-il pas là aussi le principe le plus commode d’allégement de l’office dominical pour les prêtres assurant soit la célébration, soit l’animation de plusieurs messes, avec prédication ? Quel poids spirituel cela leur enlèverait, car il est si décourageant d’arriver à midi et demi d’un dimanche sans avoir pu dire ni Laudes, ni Prime, ni Tierce, ni Sexte parce qu’on a été pris sans arrêt par le ministère liturgique le plus essentiel ! Il suffirait de déterminer certaines équivalences précises, comme pour l’Ordo hcbdomadæ sanctæ, et cela éviterait de toucher au cursus même de l’office dominical. Au surplus, on retrouverait par là une discipline qui a été traditionnelle en certaines Églises.

3. Précisions sur la qualité de l’office auquel on est astreint.

Nous attirions l’attention, dans notre article de 1950, dans La Maison-Dieu, 21, sur la carence de la législation à définir l’office auquel étaient astreints les clercs non bénéficiers, catégorie qui devient de plus en plus nombreuse aujourd’hui : séminaristes, étudiants, vicaires, aumôniers, professeurs, missionnaires, et autres. Cette lacune est comblée ; les nouvelles Rubriques envisagent tous les cas ; nous ne citerons que ceux qui concernent les prêtres diocésains : les séminaires et maisons religieuses fourniront à leurs sujets les précisions dont ils ont besoin.

Les clercs bénéficiers (en France : évoques résidentiels, chanoines titulaires, curés et assimilés) sont tenus de suivre le calendrier de l’église à laquelle les attache leur bénéfice : cathédrale, église paroissiale (n° 149), sauf évidemment quand ils participent ailleurs à l’office choral ou en commun, comme il a été dit plus haut.

Les autres clercs diocésains doivent suivre le calendrier de l’église ou de l’oratoire auquel ils sont attachés de façon stable, même si elle est dans un autre diocèse que celui de leur incardination (église paroissiale du curé dont ils sont vicaires, chapelle de la communauté dont ils sont chapelains ou dans laquelle ils sont professeurs). Ce calendrier s’établit selon les règles précisées aux articles 48-58. S’ils sont dans leur diocèse, mais ne sont pas attachés de façon stable à une église ou un oratoire (professeurs de Faculté, aumôniers de lycées et collèges publics, aumôniers d’Action catholique, membres de la Curie diocésaine, etc.), ils suivent le calendrier du diocèse, en ajoutant les fêtes propres au lieu de leur domicile (patron principal et secondaire de la ville ou de la commune). Si, dans les mêmes conditions ils sont hors du diocèse pour un temps prolongé, ils doivent toujours célébrer au moins les fêtes propres au lieu, mais plutôt ils suivent tout le calendrier du lieu où ils sont (n° 150).

4. Le psautier.

En 1945, par son Motu proprio « In cottidianis precibus », Pie XII a promulgué une version nouvelle des psaumes, laissant à chacun le choix entre cette version et la Vulgate traditionnelle. Cette liberté était devenue de plus en plus illusoire puisque les éditeurs pontificaux avaient reçu interdiction d’imprimer des bréviaires avec l’ancienne version ; il est vrai que celte mesure n’avait pas été rendue publique aux Acta apostolicæ Sedis. Si l’on fait donc état d’une proportion de quatre-vingts pour cent des prêtres qui auraient adopté le nouveau psautier, ce chiffre, difficile d’ailleurs à évaluer, ne correspond pas exactement à un plébiscite. D’ailleurs, l’accord s’est fait aujourd’hui partout sur la nécessité de reconsidérer le psautier de Pie XII, tant à cause de son inadaptation vérifiée à la célébration collective qu’à cause de sa latinité pseudo-cicéronienne : nous en avons reparlé récemment dans La Maison-Dieu [12]. C’est pourquoi une commission a été constituée, sous la présidence du cardinal Béa en vue d’en entreprendre la révision. Dans l’attente des résultats de ses travaux, qui demanderont sans doute un long temps, pleine liberté est affirmée aux éditeurs de mettre dans leurs bréviaires tant l’ancien que le nouveau psautier (Ordinationes ad librorum liturgicorum editores, n° 2, AAS 52, 1960, p. 733).

5. Simplifications et souci de vérité dans les paroles.

L’office divin étant une prière, il faut éviter le plus possible le tracas que causait jadis la complication des rubriques, ces anomalies ou curiosités qui venaient tromper le plus attentif et qui causaient même de la confusion dans la célébration chorale. Déjà le décret de 1955 en avait supprimé la plupart. Les nouvelles Rubriques ont simplifié encore davantage. Nous avons mentionné la suppression des variations de doxologie. Ajoutons la suppression à Prime du capitule Pacem (désormais on dira uniformément Regi sæculorum, n° 241) ; à Prime encore, la leçon brève qui achève le chapitre (ad absolutionem capituli) sera prise « de tempore » même aux fêtes, en sorte qu’on ne prendra plus le capitule de None, et que par là le temps liturgique fera toujours entendre sa note propre (n° 242).

Aux fêtes de 3e classe du Seigneur ou de la Vierge, on ne prendra plus les psaumes du Commun ou du dimanche (n° 169) à moins qu’il n’y ait des antiennes propres à Matines, Laudes ou Vêpres (n° 177).

Les antiennes seront doublées toujours, même aux féries, et à toutes les Heures, sans exception (n° 191) : voilà disparue une cocasserie qui, à certains jours, tournait au burlesque quand on annonçait « Nigra sum » ou « Ego dæmonium » sans autre suite.

On évitera les répétitions ; par exemple l’antienne Euge serve bone des Confesseurs Pontifes ne passera plus pour différente de celle des Confesseurs non pontifes, et l’on ne pourra reprendre comme verset le texte qu’on vient immédiatement de chanter comme antienne (n° 253 et suiv.).

Dans la récitation solitaire, on remplacera Dominus vobiscum par Domine exaudi orationem meam. Je comprends le souci de vérité qui a animé les auteurs de cette rubrique : peut-on dialoguer avec soi-même ? C’est ainsi qu’avait déjà fait Quiñónez dans son bréviaire. Cependant, il y avait de forts arguments en sens inverse représentant une tradition très vénérable : rappelons-nous le traité Dominus vobiscum de saint Pierre Damien [13], et les belles remarques de Dom Chautard [14]. Tenons-nous du moins en garde contre la tentation de souhaiter un office à dire en privé qui ne se réfère plus à l’office chanté en commun et qui n’y conduise plus : ce fut la principale cause d’échec des tentatives de réforme du 16e siècle. Si nous perdions d’ailleurs certaines parties de l’office qui, de soi, exigent la célébration commune comme les répons, nous perdrions une grande richesse spirituelle et une source féconde de contemplation biblique. Mais je ne verrais pas grand inconvénient à ce que l’on supprimât, tant en public qu’en privé, les bénédictions au lecteur ; ce genre de compositions a fleuri en abondance au haut moyen âge et demeure un bel exemple d’oraisons jaculatoires, mais est-il nécessaire que le lecteur demande, à l’office, une bénédiction qu’il ne reçoit pas dans la messe et aux plus grandes actions ? De même les « absolutions » des Nocturnes représentent une chose assez factice dans la célébration. Mais ce sont là simples détails.

6. Abrègements de l’office.

Un des principaux soucis de la réforme liturgique c’est, avec la simplification, la recherche d’abrègements à faire dans l’office divin, de telle façon qu’il puisse devenir la prière joyeuse et dilatante même des clercs accablés par l’action pastorale d’aujourd’hui. Ces abrègements, unanimement désirés, seront d’autant plus nécessaires que le clerc pratiquera mieux le mens concordet voci, et qu’au lieu d’acquitter matériellement la servitude d’un multiloquium, il cherchera à goûter les textes dans une récitation lente et méditative.

Parmi ces abrègements possibles, certains engagent les « altiora principia » à soumettre au Concile, ou du moins une refonte telle que les livres actuels ne pourraient plus servir, comme par exemple la distribution du Psautier sur quinze jours, la suppression de l’heure de Prime (qui est historiquement un doublet des Laudes). La présente réforme se situant dans le cadre des livres actuels, les abrègements restent forcément réduits, mais sont très substantiels cependant.

Abrègement de certaines psalmodies trop longues : le psaume 88 (Misericordias Domini) est réduit, à tous les offices où il se présentait non sectionné (Noël, Transfiguration), ou insuffisamment sectionné (Christ Roi) ; le cantique de Moïse au samedi, deuxième schéma, est amputé de la moitié : il conserve heureusement la méditation des prévenances divines (Circumduxit eam et docuit...), chère à sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, et perd ses malédictions. A Prime, le quatrième psaume est supprimé, aux jours où Laudes comporte le Miserere : cela entraîne un grave inconvénient en Carême, puisque certains psaumes ne se diront plus durant sept semaines, en violation de la sainte règle fixée par Pie X.

Les fêtes de saints de 3e classe n’auront qu’un Nocturne, comportant les neuf psaumes à la suite, les trois leçons d’Écriture courante regroupées en deux, et comme troisième leçon, la contracta confectionnée sous le pontificat de Benoît XV. Cela fait donc presque l’équivalent de l’ancien rite simple, si ce n’est que la troisième lecture d’Écriture est jointe à la seconde au lieu d’être supprimée : solution excellente, dont il faut se réjouir. L’abrègement est important puisqu’il porte sur un nombre très considérable de jours de l’année. Le maintien de la péricope biblique intégrale évite de réduire la part fondamentale de l’Écriture sainte. La suppression de l’homélie ne comporte guère d’inconvénient, puisqu’elle était généralement tirée du Commun : il y a pourtant quelques disparitions regrettables ; de même on perd certains beaux répons, à l’office de sainte Agnès par exemple. Quant à la suppression des leçons prolixes au profit de la contracta, il faut s’en féliciter beaucoup : une grande partie des légendes apocryphes (mais, hélas ! pas encore la totalité), beaucoup de renseignements oiseux sur la vie des saints disparaissent. C’est cependant un remède qui ne va pas à la racine du mal : les leçons des saints, même contractées, devraient ne donner que des faits véridiques ; le portrait moral du saint, son originalité spirituelle devrait s’en dégager par-delà les naïvetés et les détails mélodramatiques chers à des époques passées (Emile Mâle a analysé merveilleusement ces mentalités à propos de l’iconographie) ; elles devraient enfin se terminer par la mort du saint, sans cet étalage des diverses étapes de la gloire posthume. Enfin, si les leçons contractées de Benoît XV étaient un résumé succinct des trois leçons, je perçois un inquiétant retour à la prolixité dans les leçons des nouveaux saints confectionnées actuellement.

Les jours dans l’octave de Noël (29-31 décembre) et les dimanches subissent un allégement presque identique. Les premiers ont (n° 175) les neuf psaumes de la fête avec trois leçons de l’Écriture occurrente ; ils perdent les magnifiques sermons de saint Léon et les homélies de saint Ambroise. Les dimanches auront également un seul Nocturne avec les neuf psaumes à la suite (sauf, bien sûr, Pâques et Pentecôte qui n’en ont que trois), et trois leçons : la première leçon est la première de l’Écriture courante, avec son répons ; la seconde réunit celles qui étaient jusqu’ici la seconde et la troisième, elle est suivie du troisième répons ; la troisième leçon est la première de l’homélie, suivie du Te Deum ou, lorsque le Te Deum n’a pas lieu, du neuvième répons. Cet abrègement radical a été décidé sans doute par égard pour les prêtres du ministère, pour lesquels le dimanche est particulièrement chargé à notre époque. Il appelle cependant plusieurs remarques et doit être considéré avec gravité. En effet, le court début d’homélie qui sera lu désormais ne signifie plus grand-chose : on aurait pu emprunter à l’usage bénédictin (qui s’inspirait sans doute de celui de Jérusalem) la lecture complète de l’évangile. Mais en outre, la place des Pères de l’Église au bréviaire devient très réduite, point sur lequel nous allons revenir aussitôt. D’autre part, il faut tenir compte du fait que l’office romain est utilisé par des moniales (Carmélites, Clarisses, etc.) et par des religieux qui ne sont pas dans le ministère pastoral : or, alors que, traditionnellement, la veillée dominicale monastique était la plus solennelle et la plus longue, comme le cursus bénédictin en témoigne toujours, faudra-t-il en frustrer des contemplatifs ? Je pense que ces convents pourraient utilement solliciter le maintien de l’office dominical complet. Par ailleurs, remarquons que tous les prêtres diocésains n’ont pas de charge pastorale et que, pour beaucoup de ceux qui s’y emploient, ce n’est pas le samedi soir qui est accablé de besogne, mais le dimanche et la veille des grandes fêtes. Je me demande dès lors s’il n’eût pas mieux valu laisser intacte la solennité des matines dominicales, et préciser en revanche quels actes du ministère pastoral dispensent de telle heure de l’office.

7. Nécessité de la lecture personnelle des Pères et de la Bible.

Le pape Jean XXIII termine en ces termes le Motu proprio du 26 juillet : « Comme la lecture des saints Pères est souvent quelque peu abrégée désormais, nous exhortons tous les clercs à avoir assidûment dans leurs mains et à méditer les ouvrages des Pères, pleins de tant de sagesse et de piété. » Les lectures patristiques de l’office n’étaient pas toujours bien choisies, elles étaient presque chaque fois mal coupées, puisqu’on se contentait d’en lire le début. Du moins ont-elles fait découvrir aux générations qui nous ont précédés l’antiquité chrétienne, avec ce qu’elle exige chez le lecteur moderne de dépaysement. Certaines de ces péricopes nous heurtaient, à une première impression, par exemple lorsque saint Augustin nous entraînait dans l’allégorie des chiffres ou que saint Grégoire nous proposait une exégèse moralisante ; cependant bien des homélies dominicales, bien des sermons du second Nocturne ont été nos guides dans la méditation de l’évangile et dans l’apprentissage de la prière. Plus proches de la Bible et en même temps plus proches de leur peuple, les Pères nous réservent toujours les meilleures leçons spirituelles et pastorales. Il est vrai que la lecture de quelques-unes de leurs pages au Bréviaire n’était qu’une invitation à en connaître davantage. La théologie, l’exégèse même ont connu un grand renouvellement grâce à une meilleure intelligence des Pères ; les éditions modernes mettent leurs œuvres à la portée de tous, et leur succès montre l’intérêt que leur porte le public cultivé. Les prêtres ne demeureront pas en marge de ce courant, tout au contraire, l’abrègement du lectionnaire de l’office les pressera de se constituer une bibliothèque patristique el de faire une étude plus suivie des grands classiques chrétiens. La collection Sources chrétiennes, l’homiliaire de Jean-Paul Bonnes, l’ouvrage de Dom Tissot sont plus accessibles et en même temps plus scientifiques dans leur traduction que les grandes éditions offertes par l’éditeur Vives aux prêtres de la fin du 19° siècle ; mais il manque encore à ces collections modernes bien des textes fondamentaux : il faut souhaiter notamment la publication complète, mise à jour et ordonnée chronologiquement, des sermons de saint Augustin et de saint Chrysostome, une édition accessible de la catéchèse de saint Cyrille de Jérusalem, l’achèvement de l’édition de saint Léon, et bien d’autres.

Des réflexions identiques pourraient être faites au sujet des péricopes bibliques. On souhaite une révision générale des péricopes scripturaires, tant de la messe que de l’office, qui s’inscrirait volontiers dans les « altiora principia » de la réforme liturgique à soumettre au Concile. La messe pourrait recevoir une troisième lecture d’Ancien Testament, en échange de la disparition souhaitée du dernier évangile et d’allégements à l’offertoire ; en outre, les féries per annum pourraient retrouver avantageusement les épîtres et évangiles qu’elles possédaient et ont perdus, de telle sorte que le fidèle de la messe quotidienne ait un cycle suffisant de lecture de tout le Nouveau Testament, comme dans le rite byzantin. L’office de Matines pourrait alors être consacré à l’Ancien Testament, avec un choix des meilleures péricopes. Mais il y aurait, pour Matines, une solution meilleure encore : en même temps qu’on y proposerait ces péricopes choisies, considérées comme un minimum, on y indiquerait la référence d’une péricope plus longue à lire dans sa Bible personnelle les jours où l’on en aurait le loisir, de façon à offrir un cycle annuel de l’Ancien Testament.

8. Attitudes communes durant la célébration de l’office.

Les anciennes Rubricæ generales Breviarii ne signalaient qu’incidemment les attitudes et gestes à observer durant l’office : on trouvait plus de précisions dans le Cæremoniale episcoporum, livre 2, chapitre 3, et ailleurs encore.

Les auteurs avaient tenté une synthèse de ces éléments épars, que les nouvelles Rubriques ont voulu regrouper et résumer, articles 261-268. C’est la partie la plus faible. En effet, elle codifie des usages d’origine fort diverse et parfois discutable, comme certains signes de croix ; elle propose de façon universelle des attitudes sur lesquelles la pratique des églises était assez variée. Pour pouvoir donner sur ce sujet une législation valable, il faudrait d’abord reconsidérer tout le cérémonial des Heures solennelles que le moyen âge nous a légué ; que de sujets de distraction inutiles avec ces allées et venues de chantres ou chapiers, avec ces intonations d’antiennes par des dignitaires ! De soi l’office n’appelle aucun autre mouvement que celui des lecteurs ; quant aux attitudes, celles que proposait le Cérémonial des évêques à une époque de décadence liturgique demandent à être révisées. Pourquoi, par exemple, attendre la fin de la première antienne et l’intonation du psaume pour s’asseoir, ceci d’autant plus que désormais les antiennes sont doublées à toutes les heures ? Mais on peut surtout remarquer que le chœur des moines demeure debout pendant la psalmodie, appuyé seulement au dossier des stalles. Le mieux est donc que, selon les règles générales du droit, chaque église conserve sa coutume, à moins que celle-ci n’apparaisse déraisonnable. Un minimum de cérémonial est nécessaire pour le bon ordre et afin de créer un climat de révérence religieuse.

III. - MODIFICATIONS CONCERNANT LA MESSE

Nos remarques seront groupées en deux chapitres distincts, l’un concernant l’utilisation des formulaires, l’autre décrivant les changements apportés à l’ordonnance générale et au cérémonial.

§ 1. Règles concernant les formulaires de la messe et leur utilisation

1. L’organisation du Missel.

Les nouvelles Rubriques (Rubriques générales et Rubriques du Missel) prenant la place des anciennes Rubricæ generales missalis, le Ritus servandus in celebratione missæ et le De defectibus demeurent inchangés. On a maintenu le Pro aliquibus locis : je le déplore, parce qu’il présente et conserve trop de devotions discutables et surannées, telles que la pretendue Translation de Lorette ou les fêtes votives qui peuplaient le Carême avant saint Pie X, des titres fort sujets a controverse (peut-on admettre une fete du saint Rédempteur différente de Pâques ?), et les saints qui y ont leur messe devraient être réservés aux propres diocésains ou a ceux des Congrégations. Les éditeurs gardent la liberté d’insérer 1’Ordinaire entre le Propre du Temps et le Propre des Saints s’ils le préfèrent. II n’est pas question dans les Rubriques des préfaces solemniores, dont la disparition, en tout cas, est tres souhaitable.

2. Quelle messe faut-il dire ?

Les règles concernant le calendrier qu’il faut suivre selon le lieu de la célébration ont été quelque peu modifiées et compliquées. On a assimile aux oratoires privés les oratoires secondaires des communautés et maisons pieuses pour la faculté laissée au célébrant d’y conserver son calendrier propre (n° 276). On a tout prévu : la messe en mer, en avion, en chemin de fer, le cas des maisons interdiocésaines, nationales et internationales... Je crains que toutes ces distinctions ne risquent de faire oublier un peu deux choses essentielles : la premiere est l’enracinement de 1’Église dans un lieu, un lieu ou 1’évangile a été prêché, où des martyrs ont peut-être versé leur sang, ou des saints ont mené le combat spirituel ; on n’atteint 1’Église universelle qu’en entrant dans une église locale ; cerles, les nouvelles Rubriques insistent peut-être plus que l’ancienne législation sur les Patrons du pays, du diocèse, de la ville, sur la Dédicace de la cathédrale, les fêtes chomées (n° 278) ; cependant je déplore quelques fléchissements sur d’autres points (nos 276, 280, etc.). La seconde chose essentielle, c’est la présence d’un peuple : plus que 1’édifice de culte, c’est ce peuple qui devrait être considéré, avec son histoire, ses traditions, surtout, ses besoins spirituels ; est-il normal, par exemple, du point de vue éducatif, de faire participer à des messes de rite romain, à l’intérieur d’un collège, des enfants qui par leur naissance et leur destin sont de rite copte, grec ou chaldéen ? Je cite ce probleme parce qu’il a été vivement ressenti ces dernieres années par les éducateurs du Proche-Orient, et qu’il est d’ailleurs résolu par des indults. Mais la lecture détaillée des nouvelles Rubriques révélera sur ce point la persistance d’anomalies semblables.

3. Les messes votives.

Les règles qui presidaient jusqu’ici aux messes votives étaient d’une complication inouïe : aux catégories que prévoyait le Missel de saint Pie V s’étaient ajoutées celles des Additiones et Variationes de saint Pie X, sans compter de nombreuses concessions générales ou particulières de toutes sortes. Certaines messes votives empêchées devaient etre commémorées sub unica conclusione, d’autres sous une conclusion différente. II s’y ajoutait l’imbroglio des solennites extérieures, elles aussi ressortissant à de nombreuses catégories. Qui pouvait se flatter de ne pas se perdre dans le maquis de ces règles, que les Ordos diocésains étaient cependant obligés d’expliquer de leur mieux ? Desormais, les messes votives suivent les quatre classes des offices, ce qui facilite du même coup les lois de préséance et toute 1’ordonnance générale, chaque classe imposant sa loi pour les commémoraisons et pour le Credo.

Mais je ne puis taire ma gêne devant la reprise, au n° 270, du vieux principe : « missa per se cum officio diei concordare debet ». Ce principe en effet a toujours été interprété si mal qu’il a, dans 1’esprit de bien des prêtres, tenu en echec la reforme de saint Pie X concernant les messes des féries majeures. II est loin d’être évident en dehors des jours d’assemblée : d’une part les messes votives sont traditionnelles, d’autre part il est normal que l’on célèbre des saints par la messe sans leur faire place à l’office ; le régime des « Commemorationes cum missa » répond à la pratique de 1’antiquité et ce n’est qu’en la généralisant qu’on résoudra le problème du sanctoral. Un des problèmes les plus urgents de la formation liturgique du clergé, c’est de lui apprendre à exercer son initiative dans le choix des messes lorsque les rubriques laissent ce choix : on est frappé du manque de personnalité avec lequel les prêtres suivent la première indication de l’Ordo lorsque celui-ci en fournit plusieurs, à moins qu’ils ne disent uniformément la messe des morts. Il faut dire qu’ils redoutent les sacristains : est-ce pour cela que le n° 323 permet de dire avec la couleur du jour (pourvu qu’elle soit blanche, rouge ou verte) les messes votives de la 4e classe ? Je crains que ce soit une prime à la paresse et au laisser-aller.

Je suis aussi attristé du privilège que l’on a donné aux fêtes des saints de 3e classe d’exclure les messes votives (n° 387) et même les messes des saints inscrits ce jour-là au Martyrologe (n° 303) et qui ne seraient pas elles-mêmes de 3e classe. Comme on a mis désormais dans la 3e classe les anciens semi-doubles, il y a donc de moins en moins de liberté de fêter les « pauvres saints », ceux qui ne sont pas montés dans la 3e classe, qui sont tout juste commémorés ou même pas du tout ; c’est le cas, hélas ! de la plupart des martyrs.

L’esprit qui avait présidé, en 1956, au décret de simplification des rubriques a été battu en brèche encore sur un point précis : désormais à la messe conventuelle chantée se retrouve l’obligation d’ajouter les mêmes mémoires qu’à la messe lue (nos 108-289). Cette aggravation sera, vivement ressentie dans les monastères, où l’on avait goûté la simplicité de la quotidienne oraison unique ; du coup est anéanti l’excellent principe de l’Instruction du 3 septembre 1958 (n° 37 b) : « missa conventualis sequitur normas missæ in cantu vel lectæ ».

Il est vrai que plus de facilités sont accordées pour les messes votives conventuelles (nos 289 et suiv.). De même sont à noter certains assouplissements concernant les messes votives que l’on appelait jadis « privilégiées » (premier vendredi du mois, etc.) : lorsque leur célébration était conditionnée par l’existence de pia exercitia correspondants, désormais il n’est plus nécessaire qu’ils se fassent immédiatement avant ou après (depuis l’Instruction du 3 septembre 1958, ils ne peuvent plus se faire pendant la messe) : il suffit qu’ils aient lieu « ce jour-là », eo die (n° 385). Plus de souplesse aussi dans l’organisation des messes votives que nous appelions « solennelles » (nos 366-383) et qui font partie dorénavant de la « 2e classe » : messe des Quarante-Heures, solennités extérieures, messes votives des lieux de pèlerinage. De nombreux cas sont prévus qui intéressent les pasteurs (n° 370) ; mais pourquoi n’a-t-on pas mentionné par-dessus tout la messe qui suit immédiatement le baptême d’un adulte et celle qui suit la confirmation, pour lesquelles d’ailleurs il serait bon d’avoir des formulaires propres, avec l’Hanc igitur pascal ? Il est vrai que, sans être nommées, ces messes entrent dans les conditions du n° 370 [15].

Les solennités extérieures sont considérablement réduites, avons-nous déjà dit, et heureusement. On a supprimé, de droit commun, presque toutes celles qui représentaient des fêtes jadis fixées au dimanche ; on n’aura plus désormais la possibilité de dire toutes les messes d’une solennité, mais seulement une messe chantée et une messe lue ; aucune solennité ne sera obligatoire de façon systématique. Le principe qui les régit toutes, c’est : in bonum fidelium (n° 356). C’est en ce sens qu’on interprétera à l’avenir les textes, et non par une simple exégèse verbale comme le faisaient trop d’Ordos diocésains. La solennité extérieure doit apparaître à tous comme une pénible atteinte à la primauté du jour du Seigneur, que ne peut justifier qu’un bien considérable des fidèles, par exemple le fait que, sans cela, de grands mystères seraient méconnus du peuple : c’est le cas de l’Epiphanie, là où la fériation n’existe pas ; mais là encore, les messes du soir peuvent résoudre souvent la difficulté [16]. Quant au « concursus populi », il donne comme par le passé grande latitude de décision à l’Ordinaire du lieu, mais on l’appréciera exactement : il s’agit d’une affluence de fidèles hors du lieu normal de leur assemblée, ou d’une fête qui attire même ceux qui ne pratiquent pas habituellement.

Le Missel comporte des messes votives in die creationis et coronationis papæ et in eorum anniversario, in anniversario electionis et consecrationis episcopi. A ces quatre dates annuelles, à toutes les messes on en faisait mémoire, mais on ne pouvait les célébrer comme messes privées. Désormais, il n’y aura plus que deux dates : pour le pape, l’anniversaire du couronnement, et pour l’évêque, celui qu’il préférera : élection, sacre ou translation (n° 292). Je suppose que beaucoup d’évêques préféreront la date du sacre, vraie et solide, au deux autres qui sont fictives depuis qu’il n’y a plus le consistoire hebdomadaire ou mensuel ! Quant au pape, les théologiens ne regretteront-ils pas que l’on ait préféré l’anniversaire du couronnement, cérémonie éclatante mais qui n’a aucune portée ecclésiale, à l’anniversaire de l’élection, puisque le pape a reçu sa pleine juridiction lorsqu’il a accepté son élection ?

La messe in anniversario papæ peut toujours être dite comme votive solennelle (n° 365). Mais j’ai cherché vainement, tant dans les Rubricæ que dans les Variationes, l’indication souhaitée que l’on supprimât les restrictions traditionnelles à la célébration de la messe in anniversario episcopi : pourquoi la réserver toujours aux chapitres ? Nos évêques, voyant s’alourdir leurs soucis et leur responsabilité apostolique, ont besoin plus que jamais de la prière de leur peuple.

Pour en terminer avec les messes votives, relevons le changement du titre de certaines d’entre elles, changement très caractéristique de l’esprit pacifique de Jean XXIII : la messe Contra paganos s’appellera désormais Pro Ecclesiæ defensione, la messe Ad tollendum schisma s’appellera Pro unitate Ecclesiæ.

Le Missel continuait de présenter des oraisons Pro imperatore Romano fort inutiles, puisqu’il n’y a plus d’empereur romain depuis beau temps ; les nouvelles Rubriques, prolongeant l’heureuse initiative qui a déjà modifié l’Exsultet et les Orationes solemnes, proposent dorénavant des oraisons Pro res publicas moderantibus (Variat., n° 63).

4. Les commémoraisons à la messe.

Les décisions si libératrices de 1955 ont bien raréfié les commémoraisons qui jusque-là pullulaient, rendaient si pénible au prêtre la célébration et désorientaient le fidèle. Mais ces décisions avaient d’abord besoin d’être clarifiées : que de questions elles laissaient en suspens, qui ont obligé la Congrégation à de fréquentes réponses interprétatives ! II était en outre souhaitable que l’on allât plus loin encore. C’est ce double progrès qu’apportent les nouvelles Rubriques (sauf, hélas ! pour les messes conventuelles, comme nous l’avons dit plus haut). En 1955, j’avais regretté publiquement que le Décret n’ait pas été plus restrictif pour les oraisons impérées : mon vœu est exaucé ; il n’y a plus d’impérée privilégiée pro re gravi ; l’Ordinaire ne peut impérer plus d’une oraison, celle-ci ne pouvant d’autre part se dire qu’aux messes lues de 3e et 4e classes, et encore à la condition que des oraisons privilégiées n’aient pas déjà fait atteindre le nombre maximum ; surtout, « il convient que l’Ordinaire du lieu n’impose pas une oraison impérée de façon stable, mais seulement pour une cause vraiment grave et pour une durée qui ne dépasse pas le temps de la vraie nécessité » (n° 456).

« Dans le cas d’une nécessité ou d’une calamité publique qui de sa nature persiste pendant une durée plus longue, par exemple guerre, épidémie, etc., l’Ordinaire du lieu pourra imposer une oraison impérée pour toute la durée du fléau, mais en ce cas uniquement les lundis, mercredis et vendredis » aux mêmes conditions que ci-dessus (n° 459). Ces sages principes se passent de tout commentaire : en certains endroits ils apporteront une vraie libération.

5. Les lectures des samedis des Quatre-Temps.

Les samedis des Quatre-Temps, les six lectures demeurent obligatoires aux messes d’ordination et aux messes conventuelles (je renverse volontairement l’ordre d’énumération du n° 468). Aux autres messes, chantées ou lues, faculté est laissée d’omettre les deuxième, troisième, quatrième et cinquième leçons avec les chants et les oraisons qui les suivent : en ce cas, la seconde oraison sera précède de Dominus vobiscum, mais non de Flectamus genua, et elle sera suivie des éventuelles commémoraisons, puis de l’épître. L’avantage de cette liberté d’abrègement ne me paraît pas évident ; peut-être était-elle le seul moyen de faire accepter dans certains milieux la prééminence de ces fériés sur les fêtes des saints.

6. Le « Credo ».

Les règles concernant le Credo, déjà si améliorées en 1955, sont encore simplifiées et perfectionnées. Le Credo se dira désormais tous les dimanches, aux fêtes de 1re classe et aux messes votives de 1re classe, aux fêtes de 2e classe du Seigneur et de la Vierge ; tous les jours des trois octaves de Pâques, Pentecôte et Noël, aux Natalicia des Apôtres et des Évangélistes, à la Chaire de saint Pierre et à la fête de saint Barnabé. Le Credo disparaît donc de toutes les fêtes de IIIe ordre (à l’exception de saint Barnabé) : on ne le dira plus, par exemple, pour Sainte-Marie-aux-Neiges, pour la Dédicace des basiliques de Saint-Pierre et Saint-Paul ; surtout on ne le dira plus pour les docteurs, et c’est fort heureux. Les fidèles comprendront-ils l’archéologisme qui exclut le Credo des deux messes du jeudi saint et de celle de la Vigile pascale ? On s’est cependant rapproché beaucoup du principe qui nous semblait naguère le plus simple et le plus logique, et qui consisterait à réserver le Credo aux assemblées du peuple (dimanche, fêtes d’obligation, messes votives de 1re classe).

7. Autres remarques.

Nous parlerons au chapitre suivant des prières du bas de l’autel et du dernier évangile. N’insistons pas sur les règles concernant les Préfaces, le Communicantes et l’Hanc igitur : ce sont pratiquement celles de 1955), précisées par les réponses subséquentes ; nous avons déjà noté en particulier que la préface de la Trinité est, le dimanche, préface du Temps (n° 494), donc elle se dit même si la messe n’est pas du dimanche.

Nous avons été tenté de relever les suppressions opérées par les nouvelles Rubriques dans les textes qui leur ont servi de base. Mais ces comparaisons n’intéresseraient que les spécialistes. Tout au contraire est-il des dispositions concernant l’ordonnance générale et le Cérémonial : là, on va le voir, s’impose la comparaison si l’on veut discerner les changements apportés et fournir une interprétation correcte.

§ 2. Changements apportés à l’ordonnance générale et au cérémonial de la messe

Le Ritus servandus in celebratione missæ et le Cæremoniale episcoporum demeurent hors de la portée des présentes réformes. Ce n’est donc qu’indirectement et de façon très fragmentaire que des changements sont introduits dans l’ordonnance générale de la messe et son cérémonial, lorsque les Rubricæ generales de saint Pie V, que l’on refondait, exigeaient ou du moins appelaient une mention immédiate de ces changements. Cette remarque préliminaire est très importante : du fait que tel changement n’a pas été fait, ou qu’il n’a pas été conduit à son terme, on ne peut pas conclure que le Saint-Siège y est hostile et le rejette ; il faut se demander s’il était possible dans ce cadre de réformes, limité « politiquement » par la décision du pape, limité littérairement par le plan des anciennes rubriques. Le maintien du texte de saint Pie V dans une rubrique donnée ne prouve pas davantage l’attachement exprès et renouvelé de l’Église à telle prescription et son refus d’en admettre l’ultérieure évolution : cela signifie seulement que la rubrique conserve la même valeur, sans plus, que précédemment, et doit recevoir la même interprétation. D’où la nécessité ici de comparer sans cesse le texte ancien et le nouveau texte.

1. Différentes sortes de messes.

Les nouvelles Rubriques, reproduisant les nos 2-3 de l’Instruction du 3 septembre 1958, distinguent deux espèces de messes : la messe lue et la messe in cantu, celle-ci se subdivisant en messe solennelle et messe chantée. Cette terminologie, familière aux auteurs, était assez éloignée de celle des Rubriques de saint Pie V. En commentant l’Instruction, nous avons regretté qu’elle n’ait pas fait mention de la messe de l’évêque, « présentée à juste titre par le Directoire français comme le modèle et le principe d’explication de toutes les autres, selon l’enseignement traditionnel des auteurs et le Cæremoniale episcoporum [17] ». Nous recevons cette fois satisfaction : « la messe solennelle qui est célébrée par l’évêque ou par d’autres en ayant la faculté, avec les solennités fixées par les livres liturgiques, est dite messe pontificale » (n° 271). A juste titre, cette formule met à part l’Évêque (car dans le contexte ce n’est pas un évêque, mais l’Évêque avec majuscule) de tous les autres usagers des pontificaux : seule, la messe de l’évêque diocésain est la vraie messe pontificale selon le Cæremoniale et la Tradition, parce qu’elle manifeste l’unité de l’Église locale autour de celui que l’Esprit Saint lui a donné comme pasteur ; aussi certains privilèges liturgiques de l’évêque diocésain sont incommunicables même à ses supérieurs : dans la réforme ultérieure de la liturgie, souhaitons que l’on rende éclat à la présence du presbyterium et des autres degrés hiérarchiques auprès de l’évêque célébrant. Il est dommage que les nouvelles Rubriques n’étendent pas à toute l’année la faculté de célébrer la messe avec diacre sans sous-diacre (missa cum diacono) concédée par l’Ordo hebdomadæ sanctæ ; il est vrai que cela concernait le seul Ritus et non les Rubricæ générales.

2. Autres corrections des rubriques selon l’esprit de l’Instruction du 3 septembre 1958.

On ne pouvait évidemment incorporer toute l’Instruction aux Rubriques générales du Missel, parce qu’elle en déborde le cadre et concerne souvent la matière des rubriques d’autres livres liturgiques. Relevons du moins encore la reproduction de ses articles 2, 3, 22 (premier alinéa), 23, 36, 37, et surtout certaines corrections influencées pur elle : ainsi le titre XV, De hora celebrandi missam de saint Pie V, disparaît puisqu’il était annulé par l’Instruction ; les termes Introitus, Offertorium, Communio, sont remplacés chaque fois par antiphona ad introitum (n° 427 des présentes rubriques), antiphona ad offertorium (n° 477), antiphona ad communionem (n° 504, cf. 511). Alors que les anciennes rubriques, supposait muets les circumstantes, prévoyaient le dialogue avec le seul servant (alternatim cum ministro, a ministro respondetur...), les nouvelles suppriment la mention du servant et avertissent au préalable que la participation du peuple est réglée selon l’Instruction (n° 272). Espérons que personne désormais ne l’ignorera plus !

3. Vêtements liturgiques.

Bien que les nouvelles Rubriques aient fait passer ce titre dans la partie commune au Bréviaire et au Missel, nous préférons en traiter à l’occasion de la messe, par comparaison avec les titres XVIII-XIX des anciennes Rubriques du Missel.

Les dispositions concernant les vêtements qui étaient inscrites dans l’Ordo hebdomadæ sanctæ sont entérinées et incorporées au nouveau Code. M. Jounel a formulé cependant sur ces dispositions, des réserves [18] que je fais pleinement miennes ; le vendredi saint, en particulier, l’ensemble est très mauvais : que signifie ce changement perpétuel de costume que rien ne justifie, sinon un emprunt aux usages médiévaux décadents ? Les règles anciennes étaient meilleures, plus traditionnelles et plus sobres. De même, dans la Nuit pascale, pourquoi mettre le célébrant en chape violette pour les lectures et prières, alors qu’il était traditionnellement en chasuble ? Je craindrais que l’on se soit laissé induire en erreur par l’argument que j’ai lu dans une revue : cette partie de la liturgie correspondant à l’office, il convenait que le célébrant fût en chape comme pour les Vêpres ! C’est une grave confusion.

Dans le prolongement des réformes de la Semaine sainte, les chasubles pliées sont supprimées (n° 137) : désormais diacres et sous-diacres seront en dalmatiques (mais on prévoit des cas où ils restent en aube).

Le 2 février, pour la bénédiction des cierges et la procession, la couleur des vêtements est le blanc (n° 120). On a donc abandonné complètement l’aspect utilitaire qu’avaient, pour les sorties hors de l’édifice du culte, les vêtements de couleur sombre, protection contre la pluie et les intempéries. Quelques messes ou offices subissent également des changements de couleur ; nous avons déjà signalé avec joie la disparition du violet pour les saints Innocents ; il est également remplacé par le rouge à la messe votive De passione Domini (n° 125).

De nombreux évêques missionnaires se plaignaient d’être obligés de revêtir tant d’épaisseurs de vêtements pour les offices pontificaux. Dorénavant, les évêques et autres prélats « peuvent, pour une cause raisonnable, s’abstenir de prendre sous la chasuble la tunicelle et la dalmatique » (n° 134). Mais il eût été mieux d’en profiter pour supprimer complètement la tunicelle, qui n’est pas traditionnelle, et laisser la seule dalmatique, que portait déjà saint Cyprien.

Tous ces détails ne sont rien à côté de l’innovation considérable que voici : « Dans les pays de mission, là où le symbolisme que l’Église romaine a attaché à telle ou telle couleur ne s’accorde pas avec la signification que les peuples indigènes attribuent actuellement à cette couleur par suite de leur tradition originelle et éprouvée, faculté est donnée à la Conférence épiscopale de ce pays, ou d’un territoire plus vaste si cela vaut mieux, de substituer à la couleur inadaptée une autre couleur plus appropriée ; cependant que cela ne se fasse pas sans consulter la Congrégation des Rites » (n° 117). C’est la première fois que les pays de mission sont mentionnés ainsi dans les Rubriques ; on ne légiférera plus en liturgie comme si l’Église était limitée aux terres de l’ancien empire carolingien. D’où ce plus grand pouvoir donné aux évêques, comme nous l’avons fait remarquer plus haut.

4. Le psaume « Judica ».

Le psaume Judica n’était pas mentionné dans les Rubriques de saint Pie V. Mais il figurait déjà dans l’Ordo missæ. La redécouverte de la messe chantée et, par elle, du processionnal d’entrée que constitue l’Introït, tout cela a remis en question cette prière privée de préparation. Aux premiers temps de la messe dialoguée, on avait donné à ce début, que la messe lue mettait trop en valeur, une importance disproportionnée contre laquelle ont réagi les Directoires. Quoi qu’il en soit, les nouvelles Rubriques généralisent le principe de l’Ordo hebdomadæ sanctæ : le psaume Judica, le Confiteor et les prières qui suivent sont supprimés toutes les fois que la messe est précédée d’une action liturgique qui lui est inséparable ou dont elle est le point culminant (procession du 2 février, Cendres, procession des Rameaux, Vigile pascale, Rogations, consécration d’une église ou d’un autel) (n° 424).

5. Encensements.

Désormais, c’est à toute messe chantée que l’on peut faire les encensements (n° 426). De droit commun, ils étaient réservés à la messe solennelle ; cependant de nombreux indults et coutumes les autorisaient largement à la messe chantée sans ministres ; le Memoriale Rituum les admettait pour les petites églises aux cérémonies qu’il décrivait, et l’Ordo hebdomadæ sanctæ les avait acceptés sans restriction.

6. « Flectamus genua. »

Depuis sa magnifique restauration dans l’Ordo sabbati sancti en 1951, on admirait le Flectamus genua chanté par le diacre ou le célébrant, et cet impressionnant silence qui suit, prolongé un temps suffisant pour que chaque fidèle intensifie sa prière, jusqu’à ce qu’enfin le diacre chante à nouveau Levate : à ce moment-là, l’oraison prononcée par le célébrant et écoutée par toute l’assistance debout, apparaît bien comme une collecte, résumant et concluant les prières variées de chacun.

La même rubrique s’étend désormais à toute l’année (n° 44o), mettant fin à l’invraisemblable bévue du Missel : « Flectamus genua. R/ Levate.  » Que signifiait ce R/ (responsum) ? Qu’au 16e siècle l’on n’attachait plus aucun sens, hélas ! à des paroles que l’on ne prononçait que par habitude, puisque les circumstantes étaient condamnés à demeurer à genoux toute la messe.

7. Vers la suppression des doublets de la messe chantée.

Une contamination progressive de la messe chantée par la messe lue, jointe à cette « horreur du vide », bien décrite par le P. Jungmann, qui conduisait les célébrants du moyen âge à meubler de prières tous leurs moments de silence, ont abouti à la situation que les livres de la réforme tridentine ont codifiée et dont l’invraisemblance éclatait surtout à la messe pontificale : tandis que le chœur polyphonique chantait le Gloria, tous les chanoines avaient quitté leurs places et entouraient l’évêque pour le réciter avec lui ou bien le disaient en aparté, deux à deux ; l’évêque qui, assis et silencieux, avait apparemment écouté l’épître avec attention, se ravisait soudain dès qu’il avait bénit le sous-diacre et se faisait porter livre et bougeoir pour la lire en privé, après quoi il continuait d’une traite jusqu’à l’évangile sans se soucier des chants...

L’Ordo sabbati sancti, dès 1951, a imposé sa géniale formule : « celebrans et ministri, clerus et populus sedentes auscultant ». De la sainte Vigile, ce souffle a un peu (trop peu) gagné l’ensemble de la Semaine sainte en 1956, et la règle formulée s’applique désormais à toute l’année : « In missa in cantu, ea omnia quæ diaconus, vel subdiaconus aut lector, vi proprii officii cantant vel legunt, a celebrante omittuntur » (n° 473). Applaudissons et remercions la Commission de réforme liturgique de ce don magnifique. Enfin ! Il n’y a plus à faire effort pour maintenir assis jusqu’au chant de l’évangile les fidèles de la messe solennelle qui voulaient à tout prix se lever dès qu’ils voyaient le célébrant passer du côté gauche, se signer et lire le texte. Et profitons-en pour demander que nos souhaits soient comblés plus complètement encore, car deux restrictions, hélas ! demeurent et seront ressenties avec peine.

La première restriction est dans le texte que nous venons de citer : le doublage n’est supprimé que pour les lectures, non pour les chants. Il est vrai que l’évêque peut très bien se faire porter un Graduale et chanter avec le choeur, au lieu de les lire, le graduel et le trait ou l’Alléluia, puisqu’il en a tout loisir. Il est vrai aussi que le célébrant et ses ministres peuvent chanter le Gloria avec le chœur et le peuple au lieu de le dire en hâte, et pour cela demeurer à l’autel. Ce ne sont que demi-solutions.

Mais il y a une deuxième restriction à laquelle j’avoue ne rien comprendre. A la fin de 1956, dans les Ephemerides liturgicæ (t. 70, p. 421), on commentait ainsi la rubrique de l’Ordo hebdomadæ sanctæ :

An celebrans infra cantum lectionum possit ad scamnum sedere ? In missa, videtur respondendum esse negative, cum non habeatur tempus sufficiens, et de cetero celebrans debeat legere graduale et tractum, sed in functionibus feriæ VI et sabbati sancti hoc non videtur absonum.

Ce texte m’avait échappé, sans quoi j’aurais protesté aussitôt : l’argument est vraiment trop mauvais. Que l’on se rappelle l’ancien rite du samedi saint, où après avoir lu à l’autel chaque prophétie, le célébrant et ses ministres trouvaient encore le temps d’aller s’asseoir à la banquette jusqu’à ce que le lecteur ait terminé, et à ce moment, il revenait à l’autel pour l’oraison. Quoi qu’il en soit, les nouvelles Rubriques omettent l’épître dans la liste des moments où le célébrant s’assied à la banquette (n° 523). Il est vrai que ce texte reproduisant à quelques mots près celui des anciennes rubriques (tit. XVII, n° 6), on ne peut pas conclure avec évidence à une omission voulue et à la consécration par le législateur d’une telle anomalie : alors que tout le monde est assis et écoute le lecteur ou le sous-diacre, le célébrant (passe encore pour le diacre) serait seul contraint à demeurer debout, lui qui préside l’assemblée (Instruction, n° 98), qui s’est assis déjà peut-être au Kyrie, au Gloria, qui ira s’asseoir pour le trait ou la prose et aussi pour le Credo ! Il eût fallu s’inspirer de l’usage lyonnais ou de l’usage dominicain. Ajoutons que, en France, la lecture bilingue du texte donne le « tempus sufficiens ».

8. L’homélie.

Une addition importante se remarque à la fin des prescriptions concernant les lectures : c’est un article n° 474 sur l’homélie. Celle-ci était ignorée du Missel de saint Pie V, dont les rubriques décrivaient avant tout les nombreuses messes privées dites quotidiennement aux divers autels dispersés tout au long de la nef des églises de la fin du moyen âge et de la Renaissance. Et d’ailleurs, l’esprit de la réforme tridentine n’avait pas encore fait sentir ses effets. L’homélie est en revanche mentionnée chaque fois dans le Cæremoniale episcoporum qui doit tant à saint Charles Borromée. Mais par la suite, on oublia le lien qu’avait l’homélie avec la messe elle-même : on la remplaça par une prédication, faite d’ailleurs par un prêtre différent du célébrant, véritable intermède entre deux parties de la messe ; dans certains pays on se mit à prêcher pendant la messe ; j’ai assisté naguère à une messe de midi dans une des plus vénérables églises : un prêtre parla depuis le début jusqu’à la fin, ne s’interrompant de prêcher que pour faire tout haut des prières d’adoration à chaque élévation ! On comprend dès lors la grande portée des prescriptions des présentes rubriques : Après l’évangile, surtout [19] les dimanches et les jours de fête de précepte, on adressera au peuple, au mieux des circonstances, une brève homélie. Mais cette homélie, si elle est faite par un prêtre différent du célébrant, ne doit pas se superposer à la célébration de la messe, empêchant ainsi la participation des fidèles : aussi, dans ce cas, la célébration de la messe doit être interrompue et ne reprendra que l’homélie une fois terminée.

9. La communion.

Sur la communion, les rubriques de saint Pie V étaient fort brèves : « expleto Canone et aliis omnibus usque ad Communionem, ea peracta dicitur Communio... » (XIII, 1) ; l’Ordinaire de la messe n’était guère plus éloquent : « Si qui sunt communicandi, eos communicat antequam se purificet » ; quant au Ritus, après avoir décrit les ablutions, la façon d’essuyer le calice et de le recouvrir, il revenait en arrière : « Si qui sunt communicandi in missa... » (X, 6). Hypothèse négligeable, en effet, à une époque où si peu de fidèles s’approchaient de la Table sainte et où, les rares fois où ils le faisaient, ils recevaient la communion n’importe quand : en dehors de la messe ou pendant la messe, mais à peu près jamais au moment de la communion de la messe. Certains pays donnent encore ce spectacle navrant. Les nouvelles Rubriques précisent (n° 502) : « Le moment propre pour distribuer la sainte Communion aux fidèles c’est durant la messe, après la communion du prêtre célébrant, qui la distribuera lui-même à ceux qui la demandent, mais le grand nombre de communiants peut inviter à le faire aider par un ou plusieurs autres prêtres... » Admirable et nécessaire définition, sur laquelle il faudra revenir fréquemment dans les réunions sacerdotales, qui imposera un changement d’habitudes à certains prêtres (aux chapelains de certains sanctuaires surtout), parfois aux messes conventuelles des monastères et plus encore à la messe papale : les pèlerins de Rome sont étonnés et scandalisés de constater que la communion n’est pas prévue aux messes stationnales ; j’eus la hardiesse filiale d’en parler à Pie XII au moment de l’Année Sainte ; il daigna me faire donner par la suite une réponse écrite : les services compétents jugeaient la chose irréalisable, vu l’affluence ; or le Congrès eucharistique de Munich, après bien d’autres Congrès tenus un peu partout, montre qu’il est toujours techniquement possible de faire communier la grande foule en ordre et rapidement : il faut seulement que la chose ait été prévue et organisée par des personnes expérimentées.

Mais continuons la citation du texte : « il est tout à fait inconvenant (dedecet vero omnino) que, à l’autel même où la messe se célèbre actuellement, un autre prêtre distribue la communion en dehors du moment propre de la communion. » II me souvient d’un sanctuaire où j’eus l’honneur de célébrer la messe : je n’étais pas parvenu au Pater que des prêtres s’étaient déjà emparés des ciboires que l’on m’avait fait consacrer, et j’ai continué la messe dans le brouhaha dû au mouvement des communiants, aux ordres donnés par le sacristain et les prêtres, aux manipulations de ciboires.

« Pour un motif raisonnable, cependant, il est permis de distribuer aussi la communion immédiatement avant ou après la messe et même hors de la messe. » Ce motif raisonnable existe et les pasteurs ne doivent pas l’oublier : fidèles qui viennent avant leur travail et ne peuvent demeurer à la messe de semaine, voyageurs pressés par leurs horaires, malades qui n’ont pas ce jour-là une messe à l’heure qui leur serait possible, et bien d’autres. Mais n’est pas un « motif raisonnable » le désir, en communiant avant la messe d’avoir un temps plus long d’action de grâces ni la crainte, de la part du curé, que les fidèles ne trouvent la messe trop longue s’il distribue la communion au moment voulu : ce sont des préjugés qui avaient cours encore dans certains milieux il y a vingt ans.

Modification importante au rite de la communion à la messe : on ne chantera plus ni ne dira plus le Confiteor ; le célébrant ne dira plus Misereatur et Indulgentiam : aussitôt après avoir pris le Précieux Sang et recouvert le calice, le célébrant, ayant fait la génuflexion, mettra les hosties sur la patène ou découvrira le ciboire et, se retournant, dira : « Ecce Agnus Dei... » II faudra convenir d’une façon d’avertir le célébrant lorsque, éventuellement, il ne se présentera pas de fidèles pour communier, hypothèse qui d’ailleurs se vérifie très rarement en France. Cette suppression était souhaitée de certains liturgistes : le Confiteor, à cette place, provenait en effet de ce qu’on y avait introduit tout le rituel de la communion hors de la messe. On le maintiendra donc le vendredi saint, puisque la messe n’est pas célébrée, et à toute communion donnée hors de la messe (n° 503). Pour le fidèle qui prend part à la messe, c’est l’ensemble des prières et des chants qui l’invite à se proclamer pécheur et à espérer en la miséricorde de Dieu qui pardonne.

10. « Ite, missa est ».

Pourquoi donc, aux messes qui ne comportaient pas de Gloria in excelsis, devait-on remplacer l’Ite missa est par Benedicamus Domino ? Diverses raisons étaient proposées par les historiens de la liturgie, sans qu’aucune soit tout à fait satisfaisante. L’Ordo hebdomadæ sanctæ nous a acheminés vers la solution qui est dorénavant la règle (n° 607) : Ite missa est a pour but de congédier l’assemblée ; on le dit chaque fois que le renvoi a lieu (sauf aux messes des morts) ; on le supprime (le remplaçant par Benedicamus Domino) lorsque la réunion liturgique continue par une autre action liée à la messe, c’est-à-dire en fait, une procession (jeudi saint, Saint-Sacrement). La formule retrouve donc sa pleine vérité : il reste à souhaiter que, par la suite, on la déplace jusqu’après la bénédiction du célébrant. Lorsqu’on supprime l’Ite missa est, il n’y a pas non plus de bénédiction (n° 5o8), celle-ci étant liée au renvoi.

11. Le dernier évangile.

Que ne l’a-t-on complètement supprimé ! C’est un vœu qui nous est bien cher ; cet évangile est fort peu à sa place, donnant presque l’impression que la messe va recommencer. Mais à vrai dire, comme nous souhaitons qu’une troisième lecture soit donnée à la liturgie de la Parole, mieux valait ne pas faire, avant cette contrepartie, un abrègement qui eût habitué à une brièveté excessive. Du moins, le dernier évangile se fait de plus en plus discret : le décret de 1955 avait aboli la reprise d’un évangile propre, ne maintenant ce dernier qu’aux messes du jour des Rameaux qui n’ont pas été précédées de la procession, et à la troisième messe de Noël. Les nouvelles Rubriques (n° 510) ont maintenu le cas des Rameaux (je le regrette). A la troisième messe de Noël, il n’y aura pas de dernier évangile du tout ; le début de saint Jean est supprimé également lorsque la messe est suivie d’une action liturgique (procession, absoute) et lorsqu’elle a été précédée d’une action liturgique importante qui lui était liée (procession des Rameaux, Vigile pascale, Dédicace d’une église ou d’un autel - pourquoi a-t-on oublié la procession des Litanies ?). A la messe pontificale, le célébrant dit l’évangile privément, en s’en allant ; on évitera de même, aux autres messes, tout ce qui donnerait de la publicité à cette récitation qui est une formule de l’action de grâces privée ; mais il est bon de suggérer aux fidèles d’en faire, à l’occasion, le thème de leur prière personnelle eucharistique.

12. Du vin nouveau dans des outres trop vieilles ?

Un certain nombre de chapitres des nouvelles Rubriques du Missel sont moins bien venus. Nous chercherons surtout pourquoi il en est ainsi, ce qui sera utile pour formuler, à l’occasion de la future réforme générale, des désirs plus précis. Nous voulons parler en particulier du chapitre sur les tons de voix (IX), et de celui qui concerne les attitudes (X).

Sur les tons de voix, les nouvelles Rubriques se sont contentées de faire quelques légères modifications au texte de saint Pie V (Rubr. gen., XVI), pour tenir compte principalement des dispositions introduites par l’Instruction du 3 septembre 1958 : c’est ainsi qu’à la messe chantée, la précision suivante a été introduite : « dicit clara voce formulas ad communionem fidelium et verba benedictionis in fine missæ » (n° 513 c). Distinction est faite, toujours à la messe chantée, entre les prières que le célébrant dit avec ses seuls ministres (par exemple les prières du bas de l’autel ou l’Orate fratres, qu’il dit « à voix convenable » pour permettre ce dialogue sans troubler l’assemblée qui chante, et les autres choses qu’il dirait à voix haute à la messe et qu’il dira ici secreto : les anciennes rubriques disaient « submissa voce » : il s’agit des seules pièces de chant, puisque, pour les lectures, le célébrant écoute en silence.

Au n° 512, qui reprend Rubr. gen., XVI, 2, quelques modifications révélatrices : « ne perturbet alios... » reçoit la juste précision : « si in altari secundario celebrat » (précision qui se révèle utile !) ; mais on a supprimé la description plus complète du ton de voix convenable : peut-être parce que l’Instruction en traite plus abondamment, peut-être aussi à cause d’un innocent : « ut quæ leguntur intelligant » des anciennes rubriques : a-t-on reculé devant les problèmes qu’il soulevait ? De toute façon, on corrigera ce n° 512 par les nos 34 et 78 de l’Instruction.

D’ailleurs les règles sur les tons de voix à la messe lue (n° 511) n’ont subi que des retouches de pur détail rédactionnel. On n’a donc pas voulu les mettre en cause pour le moment. Disons qu’elles ne nous ont jamais paru aussi désuètes, que d’ailleurs, pour les modifier, il eût fallu renverser toute la perspective des Rubriques et du Ritus de saint Pie V, c’est-à-dire partir non pas de la messe lue, mais de la messe chantée. Et de plus les Rubriques de saint Pie V reflétaient elles-mêmes la mentalité de la fin du moyen âge (celle encore de nombreux prêtres), selon laquelle la messe chantée n’est qu’une messe lue dans laquelle se font quelques adaptations. Je serais tenté de craindre que cette même mentalité ait influé sur la rédaction de l’article 514 : « aux messes chantées sans ministres, le célébrant... doit chanter les parties propres aux ministres sacrés, l’épître peut être chantée par un lecteur ; que si elle n’est pas chantée par un lecteur, il suffit au célébrant de la lire sans chant, mais il peut cependant la chanter à l’accoutumée ». Le Memoriale rituum de Benoît XIII avait un sens plus net des divers acteurs de la célébration dont la distinction reste importante là où on ne peut avoir les degrés hiérarchiques au complet. Or j’ai été frappé de voir combien, sur ce point, le Ritus simplex de la Semaine sainte était involontairement rétrograde par rapport au Memoriale rituum : ce n’est d’ailleurs que l’une des graves critiques que l’on doit faire à ce Ritus simplex, de même que le Ritus pontificalis méconnaît trop la tradition du Cæremoniale episcoporum dans ses aspects les plus valables. Sur ce sujet, il nous faudra revenir ultérieurement.

Pour ce qui concerne les attitudes, notons que l’on a aboli l’ancienne rubrique du titre XVII, n° 2, qui faisait demeurer à genoux, du début à la fin, le seul moment de l’évangile excepté, et cela même au temps pascal, les circumstantes de la messe privée. Les attitudes de la messe lue sont fixées par l’usage des diverses régions, selon l’Instruction (n° 29 comparé à n° 22), et c’est fort heureux : que de tâtonnements avons-nous connus en France, avant le Directoire de la messe ; et, depuis la promulgation du Directoire, combien de prêtres n’ont pas compris pourquoi le document des évêques avait si discrètement limité ses exigences d’unanimité aux attitudes liturgiques fondamentales ! La même règle joue pour la participation du peuple aux messes chantées. Mais les Rubriques de saint Pie V fournissaient une réglementation des attitudes pour les ministres et pour le chœur, ce chœur comprenant des prélats, des chanoines, des gens qui chantent et des clercs qui ne chantent pas ! Les nouvelles Rubriques l’ont un peu modernisée, tantôt en bien, tantôt en mal. En bien : lorsque des paroles demandent une génuflexion, le célébrant fait celle-ci, non pas au moment où il lit lui-même ces paroles, mais au moment où elles sont chantées au chœur (518) [20] ; aux jours de pénitence, le chœur se relève pour le Per omnia sæcula sæculorum qui précède le Pater, alors qu’on restait anciennement à genoux jusqu’après le Pax Domini... - En mal : on précise (n° 522) que tous font la génuflexion au chœur quand le célébrant récite les paroles du Symbole Et incarnatus est et, au dernier évangile, à Et verbum caro factum est, chose qui se pratiquait peut-être, mais n’était pas dans les rubriques du missel : au moment où on l’y introduit, elle apparaît choquante. De même, il est vrai que l’usage de nombreuses églises faisait mettre le chœur à genoux durant la distribution de la communion aux fidèles, mais ce n’était pas la bonne tradition : pourquoi l’introduire précisément dans les nouvelles Rubriques (n° 527) ? Or, cette fois encore, jamais les Rubriques de saint Pie V ne nous ont semblé aussi désuètes. Pourquoi proposer au chœur des altitudes différentes selon qu’il s’agit de prélats, de gens qui chantent (qui actu cantant), ou des autres clercs ? Il n’est nulle part parlé directement de l’attitude debout, seule caractéristique du chrétien dans toute la tradition. Et pourquoi, lorsque le diacre chante l’évangile, tous étant tourné vers lui, on change tout à-coup de position pour faire vers l’autel une génuflexion que le texte impose et que le diacre fait vers le livre (Anciennes rubriques, XVII, 4 ; nouvelles, n° 519) ? Heureusement, sur tous ces points, existent dans certaines églises des coutumes différentes, que l’on aura soin de conserver précieusement. Pourquoi surtout maintenir des règles trop compliquées pour les faire observer aux fidèles, comme la différence entre les féries des anciens jours de jeûne et les autres messes ? L’ensemble est donc à repenser complètement, mais ce n’est que l’expérience des communautés vivantes de peuple qui peut aider à la formulation de règles simples, aisées à observer, et surtout susceptibles de faire que les attitudes reflètent de vifs sentiments intérieurs : peut-être même, pour cela, faut-il distinguer entre des moments où l’unanimité s’impose et des moments où quelque liberté est admissible.

Ces dernières remarques n’ont qu’un but dans notre esprit : montrer l’ampleur et la complexité de la réforme liturgique que Pie XII a inaugurée et que le Concile doit diriger sur la proposition de Jean XXIII. Sur bien des points, chacun d’entre nous eût été d’avis qu’il fallait attendre cette solennelle échéance pour des réformes dont l’évidence s’impose. On ne peut coudre une pièce neuve sur le vieux vêtement des rubriques sans voir se déchirer l’étoffe tout autour. Tout se tient ; ceux qui prépareront les nouveaux textes doivent les concevoir et les rédiger de telle façon qu’apparaissent le dynamisme et l’unité d’une célébration dans laquelle agissent, chacun selon son ordre ou son rang, des célébrants, des ministres, un peuple et éventuellement aussi, mais secondairement, un chœur de moines ou chanoines ; dans cette action symphonique, paroles, gestes, attitudes, signes sacrés se comprennent comme des moments d’un même rythme. Il ne faut donc pas faire d’abord de nouvelles Rubricæ generales d’une part, d’autre part un nouveau Ritus celebrandi missam et, encore à part, un nouveau Cæremoniale episcoporum ; il faut commencer par bien remettre en valeur et rénover la messe de l’évêque entouré de toute son Église, prêtres, diacres, ministres, peuple, selon la bonne tradition antique ; les problèmes de la messe solennelle presbytérale seront alors éclairés par ce modèle fondamental ; la messe chantée sans ministres et la messe lue seront en dernier lieu aménagées comme des réductions de la messe solennelle. Surtout, pour un tel travail de réforme, est-il nécessaire de se méfier des perspectives familières à celui qui est dans une stalle du chœur : que voit le fidèle de la nef, comment entend-il, comment peut-il chanter, répondre, agir ? Les changements liturgiques modernes ont reçu leur branle de saint Pie X : son mot d’ordre sur la participation active des fidèles, sa bienfaisante révolution de la discipline eucharistique, sa première réforme du Bréviaire nous ont fait rejoindre, par-delà le moyen âge, les sources de l’antiquité. Ce fut providentiel : les transformations gigantesques du monde mettent les chrétiens dans des conditions qui se rapprochent beaucoup plus de celles de l’antiquité que de celles du moyen âge. L’histoire liturgique doit donc être utilisée avec beaucoup de discernement, alors que déjà elle est si difficile à établir sur bien des points.

Prions donc pour ceux qui devront travailler à cette generalis instauratio liturgica, pour le Concile surtout qui décidera de ses altiora principia avec l’assistance de l’Esprit Saint. Et en attendant, observons avec fidélité et exactitude les prescriptions liturgiques en vigueur, si heureusement rénovées déjà. C’est notre fidélité d’aujourd’hui qui rendra possibles les progrès de demain.

[1] Sauf dans le bréviaire bénédictin.

[2] J. HILD, Le samedi saint, jour aliturgique, La Maison-Dieu, 28, 1951, pp. 136-159.

[3] A l’exception des fêtes de 2e classe du Seigneur lorsque, tombant le dimanche, elles en remplacent l’office, n° 37 c.

[4] Voir les références indiquées dans mon article de La Maison-Dieu, 57, 1959, pp. 55-84.

[5] Cependant la mention de saints insérée éventuellement dans une messe du temporal, comme saint Paul, saints Côme et Damien, ne compte pas : n° 112.

[6] La Maison-Dieu, 8, 1946, pp. 47-58.

[7] Voir MARTIMORT-PICARD, Liturgie et musique, Paris, éd. du Cerf, 1959, pp. 99-100.

[8] N° 41, dans MARTIMORT-PICARD, op. cit., pp. 105 et suiv. - Pour tout ce paragraphe, je me permets de renvoyer aussi à mon article de La Maison-Dieu, 21, 1950, pp. 129-153.

[9] N° 40, 42, 46, dans MARTIMORT-PICARD, op. cit., pp. 105-107, 110-112.

[10] La Maison-Dieu, 21, 1950, pp. 144-147.

[11] Donc même bénéficiers

[12] La Maison-Dieu, 59, pp. 169-172.

[13] LA Maison-Dieu, 21, pp. 174-181.

[14] L’âme de tout apostolat, 12e éd., Abbaye de Sept-Fons, 1937, p. 236.

[15] Certaines modifications sont peu heureuses. Pourquoi avoir supprimé la messe de la Dédicace à la consécration d’un autel, lorsque celle-ci ne fait pas partie de la consécration d’une église, et lui avoir substitué une messe du Titulaire (n° 354) ? C’est remplacer une grande réalité d’Église par une dévotion, et c’est oublier que la « domus Dei » que chante l’Introït de la Dédicace était un lieu en pleine nature, la pierre sur laquelle Jacob reposait sa tête en dormant.

[16] Il est souhaitable que les diocèses reconsidèrent les indults qu’ils peuvent avoir : que de solennités extérieures qui ne répondaient pas ou ne répondront plus à ce besoin du peuple ! Et trop souvent les Ordos présentent comme obligatoires des solennités qui ne le sont pas. Seules pourraient être considérées comme obligatoires (et encore est-ce à étudier de près) les solennités du décret Caprara pour la France et la Belgique.

[17] MARTIMORT-PICARD, op.cit., p. 27.

[18] La Maison-Dieu, 53, 1958, pp. 137-143.

[19] C’est nous qui soulignons : car l’avantage de l’homélie, pourvu qu’elle soit brève, n’est pas limitée au dimanche : notre regretté ami l’abbé Rauch en faisait une chaque jour aux paroissiens présents à la messe de semaine.

[20] Avec cependant une exception regrettable pour Et incarnatus est. - Je crains qu’il y ait une imperfection de rédaction dans le texte du n° 518 : « dum aut a ministris aut a choro... cantu proferuntur... » ; a ministris était inutile, puisque le célébrant ne lisant plus les textes que lisent ces ministres, il n’est pas tenté de faire la génuflexion à un autre moment.