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Samedi de la 4ème semaine de Carême

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1960.


Sommaire

  Textes de la Messe  
  Office  
  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum  
  Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique  

La Station se fait dans une église érigée sur les ruines de trois temples païens et consacrée à S. Nicolas. Elle porte le nom de In carcere parce qu’il y avait là autrefois un cachot. Mais cette Station date seulement du VIIIe siècle. Auparavant, elle était tenue dans l’église de St-Laurent In Lucina, et c’est à cette idée qu’il faut rattacher les nombreuses allusions a la lumière qu’on rencontre dans la Messe. Les citations non moins nombreuses de l’eau proviennent de ce qu’on devait longer le Tibre, puisque la procession partait de Saint Ange Piscium Venditor, situé près du môle d’Adrien.

Textes de la Messe

Sabbato
Samedi de la 4ème semaine de Carême
III Classis
3ème Classe
Statio ad S. Nicolaum in Carcere
Station à St-Nicolas in Carcere
Ant. ad Introitum. Is. 55, 1.Introït
Sitiéntes, venite ad aquas, dicit Dóminus : et qui non habétis prétium, veníte et bíbite cum lætítia.Vous tous qui avez soif, venez aux eaux, dit le Seigneur, et vous qui n’avez point d’argent, venez et buvez avec joie.
Ps. 77, 1.
Atténdite, pópule meus, legem meam : inclináte aurem vestram in verba oris mei.Mon peuple, écoutez ma loi, prêtez l’oreille aux paroles de ma bouche.
V/.Glória Patri.
Oratio.Collecte
Fiat, Dómine, quǽsumus, per grátiam tuam fructuósus nostræ devotiónis afféctus : quia tunc nobis próderunt suscépta ieiúnia, si tuæ sint plácita pietáti. Per Dóminum nostrum.Nous vous en supplions, Seigneur, que le sentiment de notre dévotion devienne fructueux par votre grâce ; parce que les jeûnes que nous avons entrepris nous seront utiles lorsqu’ils seront agréables à votre bonté. Par N.-S.
Léctio Isaíæ Prophétæ.Lecture du Prophète Isaïe.
Is. 49, 8-15.
Hæc dicit Dóminus : In témpore plácito exaudívi te, et in die salútis auxiliátus sum tui : et servávi te, et dedi te in fœdus pópuli, ut suscitáres terram, et possidéres hereditátes dissipátas : ut díceres his, qui vincti sunt : Exíte : et his, qui in ténebris : Revelámini. Super vias pascéntur, et in ómnibus planis páscua eórum. Non esúrient neque sítient, et non percútiet eos æstus et sol : quia miserátor eórum reget eos, et ad fontes aquárum potábit eos. Et ponam omnes montes meos in viam, et sémitæ meæ exaltabúntur. Ecce, isti de longe vénient, ei ecce illi ab aquilóne et mari, et isti de terra austráli. Laudáte, cæli, et exsúlta, terra, iubiláte, montes, laudem : quia consolátus est Dóminus pópulum suum, et páuperum suórum miserébitur. Et dixit Sion : Derelíquit me Dóminus, et Dóminus oblítus est mei. Numquid oblivísci potest múlier infántem suum, ut non misereátur fílio uteri sui ? et si illa oblíta fúerit, ego tamen non oblivíscar tui, dicit Dóminus omnípotens.Ainsi parle le Seigneur : Au temps favorable je t’ai exaucé, et au jour du salut je t’ai secouru ; je t’ai conservé, et je t’ai établi pour l’alliance du peuple, pour relever le pays, pour posséder les héritages dissipés ; pour dire à ceux qui sont dans les chaînes : Sortez ; et à ceux qui sont dans les ténèbres : Paraissez. Ils paîtront sur les chemins, et toutes les plaines leur serviront de pâturages. Ils n’auront plus ni faim ni soif ; la chaleur et le soleil ne les frapperont plus, car celui qui a pitié d’eux les conduira et les mènera boire aux sources des eaux. Alors je changerai toutes mes montagnes en chemin, et mes sentiers seront exhaussés. Voici, ceux-là viennent de loin, et ceux-ci du septentrion et du couchant, et les autres de la terre du midi. Cieux, louez-le ; terre, sois dans l’allégresse ; montagnes, faites retentir sa louange, car le Seigneur consolera son peuple, et il aura pitié de ses pauvres. Cependant Sion a dit : Le Seigneur m’a abandonnée, et le Seigneur m’a oubliée. Une femme peut-elle oublier son enfant, et n’avoir pas pitié du fils de ses entrailles ? Mais quand elle l’oublierait, moi je ne t’oublierai pas, dit le Seigneur tout-puissant.
Graduale. Ps. 9, 14 et 1-2.Graduel
Tibi, Dómine, derelíctus est pauper : pupíllo tu eris adiútor.C’est à vous, Seigneur, qu’a été laissé le soin du pauvre, vous serez le protecteur de l’orphelin.
V/. Ut quid, Dómine, recessísti longe, déspicis in opportunitátibus, in tribulatióne ? dum supérbit ímpius, incénditur pauper.Pourquoi, Seigneur, vous êtes-vous retiré au loin, et dédaignez-vous de me regarder au temps du besoin et de l’affliction ? Tandis que l’impie s’enorgueillit, le pauvre est consumé.
+ Sequéntia sancti Evangélii secundum Joánnem.Lecture du Saint Evangile selon saint Jean.
Ioann. 8, 12-20.
In illo témpore : Locútus est Iesus turbis Iudæórum, dicens : Ego sum lux mundi : qui séquitur me, non ámbulat in ténebris, sed habébit lumen vitæ. Dixérunt ergo ei pharisǽi : Tu de te ipso testimónium pérhibes : testimónium tuum non est verum. Respóndit Iesus et dixit eis : Et si ego testimónium perhíbeo de meípso, verum est testimónium meum : quia scio, unde veni et quo vado : vos autem nescítis, unde vénio aut quo vado. Vos secúndum carnem iudicátis : ego non iúdico quemquam : et si iúdico ego, iudícium meum verum est, quia solus non sum : sed ego et, qui misit me, Pater. Et in lege vestra scriptum est, quia duórum hóminum testimónium verum est. Ego sum, qui testimónium perhíbeo de meípso : et testimónium pérhibet de me, qui misit me, Pater. Dicébant ergo ei : Ubi est Pater tuus ? Respóndit Iesus : Neque me scitis neque Patrem meum : si me sciretis, fórsitan et Patrem meum scirétis. Hæc verba locútus est Iesus in gazophylácio, docens in templo : et nemo apprehéndit eum, quia necdum vénerat hora eius.En ce temps-là, Jésus parla à la foule des Juifs disant : Je suis la lumière du monde ; celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais Il aura la lumière de la vie. Les pharisiens lui dirent donc : Vous vous rendez témoignage à vous-même ; votre témoignage n’est pas vrai. Jésus leur répondit : Quoique je me rende témoignage à moi-même, mon témoignage est vrai car je sais d’où je viens, et où je vais ; mais vous, vous ne savez pas d’où je viens, ni où je vais. Vous jugez selon la chair ; moi je ne juge personne ; et si je juge, mon jugement est vrai car je ne suis pas seul ; mais je suis avec le Père qui m’a envoyé. Il est écrit dans votre loi que le témoignage de deux hommes est vrai. Or je me rends témoignage à moi-même ; et le Père, qui m’a envoyé, me rend aussi témoignage. Ils lui disaient donc : Où est votre Père ? Jésus leur répondit : Vous ne connaissez ni moi, ni mon Père ; et si vous me connaissiez, vous connaîtriez aussi mon Père. Jésus dit ces choses, enseignant dans le temple, au lieu où était le trésor ; et personne ne l’arrêta, parce que son heure n’était pas encore venue.
Ant. ad Offertorium. Ps. 17, 3.Offertoire
Factus est Dóminus firmaméntum meum, et refúgium meum, et liberátor meus : et sperábo in eum.Le Seigneur est devenu mon ferme appui, mon refuge et mon libérateur ; et j’espérerai en lui.
Secreta.Secrète
Oblatiónibus nostris, quǽsumus, Dómine, placáre suscéptis : et ad te nostras etiam rebélles compélle propítius voluntátes. Per Dóminum.En agréant nos offrandes, que votre justice soit apaisée, nous vous en supplions, Seigneur, et dans votre bonté, ramenez à vous nos volontés rebelles. Par Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Præfatio de Quadragesima. Préface du Carême .
Ant. ad Communionem. Ps. 22, 1-2.Communion
Dóminus regit me, et nihil mihi déerit : in loco páscuæ ibi me collocávit : super aquam refectiónis educávit me.C’est le Seigneur qui me conduit, et rien ne pourra me manquer : Il m’a établi dans un lieu de pâturages : Il m’a amené près d’une eau fortifiante.
Postcommunio.Postcommunion
Tua nos, quǽsumus, Dómine, sancta puríficent : et operatióne sua tibi plácitos esse perfíciant. Per Dóminum.Que vos mystères saints nous purifient, nous vous en supplions, Seigneur, et qu’opérant en nos âmes, ils les rendent dignes de vous plaire. Par Notre-Seigneur.
Super populum : Orémus. Humiliáte cápita vestra Deo.Sur le peuple : Prions. Humiliez vos têtes devant Dieu.
Oratio.Prière
Deus, qui sperántibus in te miseréri pótius éligis quam irasci : da nobis digne flere mala, quæ fécimus ; ut tuæ consolatiónis grátiam inveníre mereámur. Per Dóminum.O Dieu, qui préférez avoir pitié de ceux qui espèrent en vous, plutôt que de vous irriter ; donnez-nous de pleurer comme il convient le mal que nous avons commis, en sorte que nous méritions la grâce d’être consolés par vous. Par Notre-Seigneur.
Expleta Missa, ante Vesperas, cooperiuntur Cruces et Imagines per ecclesiam ; quæ coopertæ manent, Cruces quidem usque ad expletam per Celebrantem Crucis adorationem in Feria VI Parasceves, Imagines vero usque ad intonatum Hymnum Angelicum in Sabbato sancto.Après la Messe, avant les Vêpres, on couvre dans toute l’église les Croix et les Images ; Elles demeurent couvertes, les Croix jusqu’à la fin de l’adoration de la Croix par le Célébrant le Vendredi Saint, les Images jusqu’à l’intonation de l’hymne angélique le Samedi Saint.

Office

A MATINES

Invitatorium Invitatoire
Non sit vobis vanum mane súrgere ante lucem : * Quia promísit Dóminus corónam vigilántibus.Ne pensez- pas que ce soit vain de vous lever le matin avant le jour : * Car le Seigneur a promis la couronne à ceux qui veillent.

Ex more docti mýstico (matines du Carême)

Lectio i1ère leçon
Léctio sancti Evangélii secúndum Ioánnem.Lecture du Saint Évangile selon saint Jean.
Cap. 9, 1-38
In illo témpore : Locútus est Iesus turbis Iudæórum, dicens : Ego sum lux mundi : qui séquitur me, non ámbulat in ténebris, sed habébit lumen vitæ. Et réliqua.En ce temps-là : Jésus parla à la foule des Juifs, disant : C’est moi qui suis la lumière du monde : qui me suit ne marche pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie. Et le reste.
Homilía sancti Augustíni EpíscopiHomélie de saint Augustin, Évêque.
Tract. 34 in Ioánnem, post initium
Quod ait Dóminus : Ego sum lux mundi : clarum puto esse eis, qui habent óculos, unde huius lucis partícipes fiant : qui autem non habent óculos, nisi in sola carne, mirántur quod dictum est a Dómino Iesu Christo : Ego sum lux mundi. Et forte non desit qui dicat apud semetípsum : Numquid forte Dóminus Christus est sol iste, qui ortu et occásu péragit diem ? Non enim defuérunt hærétici, qui ista sensérunt. Manichǽi solem istum óculis cárneis visíbilem, expósitum et públicum non tantum homínibus, sed étiam pecóribus ad vidéndum, Christum Dóminum esse putavérunt.Ces paroles du Seigneur : « Je suis la lumière du monde », me semblent claires pour ceux qui ont les yeux à l’aide desquels on devient participant de cette lumière ; mais ceux qui n’ont d’autres yeux que ceux du corps s’étonnent que notre Seigneur Jésus-Christ ait dit : « Je suis la lumière du monde. » Peut-être même en est-il qui se disent intérieurement : Le Seigneur Jésus serait-il peut-être ce soleil qui fixe la durée du jour par l’alternative de son lever et de son coucher ? Il n’a pas manqué d’hérétiques pour soulever cette opinion. Les Manichéens ont cru que ce soleil visible aux yeux corporels, exposé à nos regards, et dont la lumière non seulement brille indifféremment pour tous les hommes, mais éclaire même les animaux, était le Christ, le Seigneur.
R/. Spléndida facta est fácies Móysi, dum respíceret in eum Dóminus : * Vidéntes senióres claritátem vultus eius, admirántes timuérunt valde.R/. La face de Moïse était devenue rayonnante de lumière, depuis que le Seigneur l’avait regardé : * Les anciens d’Israël voyant la face de Moïse rayonnante, l’admirèrent et furent saisis de crainte.
V/. Cumque descendísset de monte Sínai, portábat duas tábulas testimonii, ignorans quod cornúta esset fácies eius ex consórtio sermónis Dei.V/. Et lorsque [1] Moïse descendit de la montagne de Sinaï, il tenait les deux tables du témoignage, et il ignorait que sa face était rayonnante de lumière depuis l’entretien du Seigneur avec lui.
R/. Vidéntes senióres claritátem vultus eius, admirántes timuérunt valde.R/. Les anciens d’Israël voyant la face de Moïse rayonnante, l’admirèrent et furent saisis de crainte.
Lectio ii2e leçon
Sed cathólicæ Ecclésiæ recta fides ímprobat tale comméntum, et diabólicam doctrínam esse cognóscit : nec solum agnóscit credéndo, sed in quibus potest convíncit étiam disputándo. Improbémus ítaque huiúsmodi errórem, quem sancta ab inítio anathematizávit Ecclésia. Non arbitrémur Dóminum Iesum Christum hunc esse solem, quem vidémus oríri ab Oriénte, occídere in Occidénte : cuius cúrsui nox succédit, cuius rádii nube obumbrántur : qui certa de loco in locum motióne cómmigrat. Non est hoc Dóminus Christus. Non est Dóminus Christus sol factus, sed per quem sol factus est. Omnia enim per ipsum facta sunt, et sine ipso factum est nihil.Mais la foi droite de l’Église catholique condamne une telle fiction, et la reconnaît pour une doctrine diabolique : non seulement elle proclame avec assurance que c’est une erreur, mais elle cherche à en convaincre ceux qu’elle peut, par ses raisonnements. Condamnons donc nous-mêmes cette erreur que la Sainte Église a frappée, dès le commencement, de ses anathèmes. Gardons-nous de penser que le Seigneur Jésus-Christ soit ce soleil que nous voyons se lever à l’orient et se coucher à l’occident, à la course duquel succède la nuit, dont les rayons sont obscurcis par les nuages, et qui, par sa révolution déterminée, passe d’un lieu dans un autre. Non, ce n’est pas là le Christ, le Seigneur. Le Christ n’est point ce soleil qui a été fait, mais il est celui par qui le soleil a été fait ; car « par lui toutes choses ont été faites, et rien n’a été fait sans lui. [2] »
R/. Ecce mitto Angelum meum, qui præcédat te, et custódiat semper : * Observa et audi vocem meam, et inimícus ero inimícis tuis, et affligéntes te afflígam : et præcédet te Angelus meus.R/. Voici [3] que j’enverrai mon Ange, afin qu’il te précède et te garde toujours : * Observe et écoute ma voix, et je serai un ennemi pour ton ennemi, et j’affligerai ceux qui t’affligeront, et mon Ange te précédera.
V/. Israël, si me audíeris, non erit in te deus recens, neque adorábis deum aliénum : ego enim Dóminus.V/. Israël [4], si tu m’écoutes, il n’y aura pas au milieu de toi de dieu nouveau, et tu n’adoreras pas de dieu étranger, car c’est moi qui suis le Seigneur.
R/. Observa et audi vocem meam, et inimícus ero inimícis tuis, et affligéntes te afflígam : et præcédet te Angelus meus.R/. Observe et écoute ma voix, et je serai un ennemi pour ton ennemi, et j’affligerai ceux qui t’affligeront, et mon Ange te précédera.
Lectio iii3e leçon
Est ergo lux, quæ fecit hanc lucem. Hanc amémus, hanc intellégere cupiámus, ipsam sitiámus, ut ad ipsam duce ipsa aliquándo veniámus : et in illa ita vivámus, ut numquam omníno moriámur. Ista enim lux est, de qua prophetía olim præmíssa ita in Psalmo cécinit : Quóniam apud te est fons vitæ, et in lúmine tuo vidébimus lumen. Advértite quid de tali luce antíquus sanctórum hóminum Dei sermo præmíserit. Hómines, inquit, et iuménta salvos fácies, Dómine : sicut multiplicáta est misericórdia tua, Deus.Il est donc la lumière qui a fait la lumière que nous voyons. Aimons cette divine lumière, désirons-en l’intelligence, ayons soif de cette lumière, afin que nous puissions sous sa conduite arriver un jour jusqu’à elle, et que nous vivions en elle de manière à ne jamais mourir complètement. C’est en parlant de cette lumière, qu’autrefois et longtemps avant qu’elle paraisse, le Prophète a chanté dans un Psaume : « En vous est une source de vie, et dans votre lumière, nous verrons la lumière. [5] » Remarquez ce que proclame à l’avance au sujet de cette lumière l’antique parole d’un des plus saints serviteurs de Dieu : « Vous sauverez, Seigneur, les hommes et les animaux, puisque vous avez, ô Dieu, multiplié votre miséricorde [6]. »
R/. Atténdite, pópule meus, legem meam : * Inclináte aurem vestram in verba oris mei.R/. Appliquez-vous [7] à la loi, ô mon peuple,. * Inclinez votre oreille aux paroles de ma bouche
V/. Apériam in parábolis os meum : loquar propositiónes ab inítio sǽculi.V/. J’ouvrirai ma bouche en paraboles, je dirai des choses cachées dès le commencement [8]
* Inclináte aurem vestram in verba oris mei. Glória Patri. * Inclináte aurem vestram in verba oris mei.* Inclinez votre oreille aux paroles de ma bouche Gloire au Père. * Inclinez votre oreille aux paroles de ma bouche

A LAUDES

O sol salútis, íntimis (laudes du Carême)

Ad Bened. Ant. Qui séquitur me, * non ámbulat in ténebris : sed habébit lumen vitæ, dicit Dóminus. Ant. au Bénédictus Celui qui me suit, * ne marche pas dans les ténèbres : mais il aura la lumière de la vie, dit le Seigneur.

Benedictus

Post Nonam explicit tempus Quadragesimæ, et incipit tempus Passionis. Après None se termine le temps du Carême et commence le temps de la Passion.

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

Ce jour est célèbre dans l’antiquité sous le nom de Samedi Sitientes, à cause du premier mot de l’Introït de la Messe, dans lequel l’Église, empruntant les paroles d’Isaïe, invite les aspirants au Baptême à venir se désaltérer à la fontaine du salut. A Rome, la Station fut d’abord à la Basilique de Saint-Laurent-hors-les-Murs ; mais l’éloignement rendant cette Église incommode pour la réunion des fidèles, on a désigné de bonne heure pour la remplacer l’Église de Saint-Nicolas in carcere, qui est dans l’intérieur de la ville.

LEÇON.

Que ce langage devait être doux au cœur de nos Catéchumènes ! Jamais la tendresse du Père céleste s’est-elle exprimée d’une manière plus touchante que dans ces paroles qu’il nous transmet par son Prophète ? Il donne à son Fils incarné, à son Christ, la terre entière, non pour la juger et la condamner, comme elle le mérite, mais pour la sauver [9]. Ce divin envoyé convoque tous ceux qui gémissent dans les fers, qui languissent dans les ténèbres ; il les appelle à la liberté, à la lumière. Leur faim sera apaisée, leur soif désaltérée ; naguère haletants sous les rayons d’un soleil brûlant, ils trouveront la plus délicieuse fraîcheur au bord des eaux purifiantes vers lesquelles le miséricordieux pasteur les conduit lui-même. Ils viennent de loin, de tous les points du ciel ; cette fontaine inépuisable est le rendez-vous du genre humain. La Gentilité s’appelle désormais Sion, et le Seigneur aime les portes de cette nouvelle « Sion plus qu’il n’aima les tentes de Jacob [10] ». Non, il ne l’avait point oubliée, durant ces siècles où elle servait les idoles ; la tendresse du Seigneur est égale à celle d’une mère ; et si le cœur de la mère était jamais fermé pour son fils, le Seigneur déclare que le sien restera toujours ouvert pour Sion. Livrez-vous donc à une confiance sans bornes, vous, chrétiens, qui dès l’entrée de cette vie fûtes admis dans l’Église par le Baptême, et qui depuis avez eu le malheur de servir un autre maître que celui qui vous avait adoptés. Si, en ce moment où, prévenus de la grâce divine, soutenus par les saintes pratiques du Carême et par les suffrages de l’Église qui prie pour vous sans cesse, vous préparez votre retour au Seigneur, quelque inquiétude se glisse dans votre âme, relisez ces paroles du grand Dieu. Vous le voyez : c’est à son propre Fils qu’il vous a donnés ; c’est lui qu’il a chargé de vous sauver, de vous guérir, de vous consoler. Vous êtes dans les liens du péché ? Jésus est assez fort pour les rompre. Vous êtes dans les ténèbres du monde ? Il est la lumière devant laquelle les ombres les plus épaisses s’évanouissent sans retour. Vous avez faim ? Il est le Pain de vie. Vous avez soif ? Il est la source des eaux vives. Vous êtes brûlés, défigurés par les ardeurs de la convoitise ? Plongez-vous dans la fontaine qui rafraîchit et purifie : non plus, il est vrai, cette première fontaine qui vous donna la vie que vous avez si tristement perdue ; mais cette autre source jaillissante, le divin sacrement de la réconciliation, d’où vos âmes sortiront pures et renouvelées.

ÉVANGILE.

Quel contraste entre le langage de Dieu qui invite les hommes à recevoir son Fils comme un libérateur, et la dureté de cœur avec laquelle les Juifs accueillent ce céleste envoyé. Jésus s’est dit le Fils de Dieu, et, en preuve de cette divine origine, il n’a cessé, durant trois années, d’opérer les prodiges les plus éclatants. Beaucoup de Juifs ont cru en lui, parce qu’ils ont pensé que Dieu ne pourrait autoriser l’erreur par des miracles ; et la doctrine de Jésus a été acceptée par eux comme venant du ciel. Les Pharisiens ont la haine de la lumière, l’amour des ténèbres ; leur orgueil ne veut pas s’abaisser devant l’évidence des faits. Tantôt ils nient la vérité des prodiges de Jésus, tantôt ils prétendent les expliquer par une intervention diabolique ; d’autres fois, ils voudraient par leurs questions captieuses amener un prétexte de traduire le Juste comme un blasphémateur ou un violateur de la loi. Aujourd’hui, ils ont l’audace d’objecter à Jésus qu’en se déclarant l’envoyé de Dieu, il se rend témoignage à lui-même. Le Sauveur, qui voit la perversité de leur cœur, daigne encore répondre à leur impie sarcasme ; mais il évite de leur donner une entière explication. On sent que la lumière s’éloigne peu à peu de Jérusalem, et qu’elle se prépare à visiter d’autres régions. Terrible abandon de l’âme qui a abusé de la vérité, qui l’a repoussée par un instinct de haine ! C’est le péché contre le Saint-Esprit, « qui ne sera pardonné, dit Jésus-Christ, ni en ce monde, ni en l’autre [11]. » Heureux celui qui aime la vérité, quoiqu’elle combatte ses penchants et trouble ses idées ! car il rend hommage à la sagesse de Dieu ; et si la vérité ne le gouverne pas encore en tout, du moins elle ne l’a pas abandonné. Mais plus heureux est celui qui, s’étant rendu tout entier à la vérité, s’est mis à la suite de Jésus-Christ, comme son humble disciple ! « Celui-là, nous dit le Sauveur, ne marche point dans les ténèbres ; mais il possède la lumière de vie. » Hâtons-nous donc de nous placer dans cet heureux sentier frayé par celui qui est notre lumière et notre vie. Attachés à ses pas, nous avons gravi l’âpre montagne de la Quarantaine, et nous y avons été témoins des rigueurs de son jeûne ; désormais, en ces jours consacrés à sa Passion, il nous convie à le suivre sur une autre montagne, sur le Calvaire, où nous allons contempler ses douleurs et sa mort. Soyons fidèles au rendez-vous, et nous obtiendrons « la lumière de vie ».

Terminons ces quatre premières semaines du Carême, en offrant à Marie, Mère de miséricorde, en ce jour du Samedi, cette gracieuse Prose de nos anciens Missels Romains-Français.

SÉQUENCE.
Ave Maria,
Gratia plena.
Salut, Marie, pleine de grâce !
Dominus tecum,
Virgo serena.
Le Seigneur est avec vous ô Vierge sereine !
Benedicta tu
In mulieribus,
Quæ peperisti
Pacem hominibus,
Et Angelis gloriam
Vous êtes bénie entre les femmes ; vous avez enfanté celui qui donne la paix aux hommes, et aux Anges la gloire.
Et benedictus
Fructus ventris tui,
Qui cohæredes
Ut essemus sui,
Nos fecit per gratiam.
Et béni est le fruit de vus entrailles, qui par sa grâce nous a faits ses cohéritiers.
Per hoc autem Ave,
Mundo tam suave,
Contra carnis jura,
Genuisti prolem,
Novum Stella solem,
Nova genitura.
Par cet Ave, si doux à la terre, vous avez enfanté contre les lois de la nature ; étoile, vous avez produit un nouveau soleil par un prodige nouveau.
Tu parvi et magni,
Leonis et Agni,
Salvatoris Christi
Templum exstitisti ;
Sed virgo intacta.
Toujours vierge sans tache, vous avez été le temple de celui qui a réuni la petitesse et la grandeur, le Lion et l’Agneau, le Christ sauveur.
Tu Solis et Roris,
Panis et Pastoris,
Virginum regina,
Rosa sine spina,
Genitrix es facta.
Reine des vierges, rose sans épines, vous êtes devenue la Mère de celui qui est Soleil et Rosée, Pain et Pasteur.
Tu civitas Regis justitiæ,
Tu mater es misericordiæ,
De lacu fæcis et miseriæ
Theophilum reformans gratiæ.
Vous êtes la cité du Roi de justice, la mère de miséricorde ; vous rendez Théophile à la vie de la grâce, en le tirant du bourbier de sa misère.
Te collaudat cœlestis curia,
Tu mater es Regis et filia,
Per te reis donatur venia,
Per te justis confertur gratia.
La cour céleste chante vos louanges ; vous êtes la mère et la fille du Roi ; par vous le coupable obtient le pardon ; par vous la grâce descend sur le juste.
Ergo maris Stella,
Verbi Dei cella,
Et solis aurora,
Étoile de la mer, demeure du Verbe divin, aurore du Soleil ;
Paradisi porta,
Per quam lux est orta,
Natum tuum ora,
Porte du Paradis d’où la lumière se lève, suppliez votre Fils,
Ut nos solvat a peccatis.
Et in regno claritatis,
Quo lux lucet sedula,
Collocet per sæcula.
Amen.
Qu’il nous délivre du péché, et qu’il nous place pour toujours au royaume de la splendeur, où la lumière luit à jamais. Amen.

Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

(Station à Saint-Laurent)
Collecte à Saint-Ange « in Piscibus ».
Station à Saint-Nicolas « in Carcere ».

Depuis le temps de Gélase Ier, ce jour était destiné à Rome aux ordinations. Toutefois comme celles-ci comportaient le grand jeûne avec la Pannuchis près du tombeau de saint Pierre et qu’il était de règle de ne les célébrer qu’à l’aube du dimanche, il est probable qu’à l’origine ce samedi fut aliturgique, comme toujours à Rome avant la veillée dominicale. La station à Saint-Laurent, signalée par les anciens sacramentaires, valait donc seulement pour les années où le Pape n’avait à ordonner aucun prêtre ou diacre titulaire, puisque, en tout cas, l’initiation des ministres sacrés ne pouvait se faire que près de la tombe apostolique du Vatican.

La synaxe à l’Agro Verano — quand elle pouvait se célébrer — semble avoir été en relation avec la préparation des catéchumènes au baptême. Après les scrutins accomplis à Saint-Paul, il fallait conduire aussi ces virginales recrues de l’Église à la tombe de Laurent, le glorieux staurophore du Siège apostolique. Elles y retourneront après leur initiation, le mercredi de Pâques, mais il convient de solliciter d’ores et déjà son patronage.

Dans le bas moyen âge, la discipline du catéchuménat ayant disparu, et la procession à l’Agro Verano étant devenue difficile durant les jours si incertains du pluvieux mois de mars, on substitua à la basilique de Saint-Laurent l’église de Saint-Nicolas in Carcere, qui était parmi les plus populaires de la Ville, surtout après que les Pierleoni eurent érigé tout auprès leur château.

D’une soixantaine, au moins, de chapelles et d’églises dédiées autrefois au thaumaturge de Myre, celle du Forum Olitorium fut la plus célèbre, parce qu’elle était aussi une diaconie. Elle s’élève sur les ruines du temple de la Piété érigé en 604 par le consul Acilius Glabrio, et s’appelle in Carcere, parce que, au temps de Pline, et jusqu’au VIIIe siècle au moins, existait là une prison publique, confondue à tort avec le Tullianum du mont Capitolin. Sous l’autel majeur, on vénère une partie des corps des martyrs de la voie de Porto, Faustin et Viatrice. L’église fut consacrée à nouveau par Honorius II, le 2 mai 1128.

La basilique où se rassemblent aujourd’hui les fidèles fut dédiée à l’origine à l’apôtre saint Paul, mais, ensuite, prévalut le nom de Saint-Ange, avec l’addition in Piscina ou in Piscibus, à cause du marché aux poissons qui s’y tint presque jusqu’à nos jours. Son origine est certainement antérieure au VIIIe siècle, puisque l’on sait que Théodore, oncle d’Hadrien Ier, la réédifia depuis les fondations. On y conserve beaucoup de saintes reliques, entre autres les corps des martyrs de Tibur, fils de sainte Symphorose.

La messe s’inspire des pieux sentiments que devaient éprouver dans leur cœur les catéchumènes, à mesure qu’approchait le jour du saint Baptême. L’évangile traite à nouveau de la lumière intérieure de la Bonne Nouvelle, thème qui semble désormais devenu conventionnel près du sépulcre du martyr, qui, par les flammes de son bûcher, dissipa de Rome les ténèbres de l’idolâtrie.

L’introït est tirée d’Isaïe (LV) : « O vous qui êtes altérés, vous en qui les biens terrestres, les plaisirs de la vie, n’ont fait qu’attiser davantage, au lieu de l’éteindre, la soif de bonheur qui brûle votre cœur, accourez aux eaux de la grâce divine, qui peut seule satisfaire vos désirs. Que votre misère ne vous arrête pas ; venez, puisez sans frais et désaltérez-vous joyeusement aux sources pures de la grâce, qui ne serait plus telle si elle était donnée en échange des œuvres de la justice humaine par le Dieu infiniment miséricordieux et généreux. » Puis vient le psaume 77 qui est un hymne d’action de grâces pour les bienfaits dont Dieu combla les anciens patriarches.

Nous prions le Seigneur, dans la collecte, de nous accorder le fruit spirituel que se propose notre dévotion ; car le jeûne nous sera alors vraiment profitable, si toute notre existence chrétienne est une vivante expression de la sainteté divine.

Dans la première lecture, Isaïe (XLIX, 8-15) annonce avec une précision minutieuse la mission évangélique qui appelle les âmes à la liberté de l’esprit, les illumine par les splendeurs du dogme émanant de l’inaccessible lumière de la vérité divine, les désaltère par les eaux fraîches des sacrements. L’idolâtrie, les rites et les cérémonies légales étaient autant de lacs qui liaient le corps et entravaient l’esprit ; le culte intime du cœur les a remplacés. Il est bien vrai que le monde, par ses aberrations, ne méritait pas la miséricorde de Dieu ; mais une mère — et Dieu aujourd’hui se compare à la plus tendre des mères — trouve toujours dans son cœur une source inépuisable d’affection, pour aimer ses fils même dans leurs égarements.

Le répons est tiré du psaume 9. C’est un pauvre qui parle, opprimé par la domination du superbe, sans que personne vienne à son secours. Il se compare à un orphelin, parce que, de fait, il n’a pas de père ici-bas, et il invoque l’aide du Père céleste. Qui est ce pauvre, cet orphelin, sinon Jésus-Christ, qui, à l’approche de sa passion, ressent une vive horreur des souffrances que lui prépare la Synagogue, et se recommande au Père, afin que celui-ci le secoure au jour de la revanche, à l’aurore de la résurrection ?

Dans les lectionnaires romains du IXe siècle, il y avait une seconde lecture d’Isaïe : Omnes sitientes venite ad aquas, appelée par l’introït et qui sollicitait les catéchumènes à accourir à la piscine baptismale. Puis l’on continue la lecture du quatrième évangile commencée le jour des grands scrutins à Saint-Paul. Aujourd’hui il est question de l’illumination intérieure de l’âme au moyen de la foi ; et parce que les pharisiens ne veulent pas accueillir le témoignage de Jésus dans sa propre cause, celui-ci en appelle à l’autorité du Père qui l’a envoyé. Cette discussion a lieu dans la salle des offrandes, dite, en grec, gazophylacium pour indiquer peut-être que la bienfaisance et la compassion envers les pauvres nous mettent sur la voie pour trouver Jésus. Bienheureux vraiment celui qui trouve Jésus, car il trouve un trésor. C’est pourquoi un saint disait : « Mon Jésus, qui veut quelque chose en dehors de vous ne sait pas ce qu’il veut ! »

Le verset ad offerendum est tiré du psaume 17 : « Le Seigneur est devenu ma force, mon salut et mon libérateur. C’est pourquoi en Lui je me confierai. » Il est devenu ma force, parce que sa grâce m’aguerrit contre les assauts de mes adversaires spirituels ; mon salut, parce qu’en Lui je trouve toujours un repos contre le heurt des ennemis, lesquels, à m’entendre seulement invoquer le nom de Jésus, s’enfuient épouvantés ; mon libérateur, parce que le Seigneur ne permet que je sois tenté par le démon que pour me donner le mérite et la gloire du triomphe.

Dans la prière d’introduction à l’anaphore, nous demandons au Seigneur d’accueillir notre oblation et d’apaiser son courroux — voici le fruit propitiatoire du sacrifice ; et, parce que le plus grand obstacle à la grâce divine peut être mis par notre mauvaise volonté, nous supplions Dieu, par l’efficacité de son pouvoir, de changer ces tendances perverses et rebelles en autant de dispositions favorables pour agir selon la motion de l’Esprit Saint.

Le verset pour la communion est pris au psaume 22, qui est une suave idylle de l’âme, que le Pasteur éternel paît dans des champs fleuris, au bord des eaux : « Le Seigneur est mon guide ; que peut-il me manquer ? Il me conduit dans les pâturages fertiles, — l’Église catholique, les saints sacrements, la grâce intérieure, qui nourrit toujours la foi de l’âme croyante, — et Il me mène aux eaux rafraîchissantes, là où cesse la soif et la convoitise des joies humaines, pour ne plus goûter rien d’autre que les choses éternelles. »

Nous supplions Dieu, dans la collecte eucharistique, que son sacrement nous purifie — c’est le fruit satisfactoire de la messe — et que, par son efficacité, il nous orne de vertus pour mériter les divines complaisances. L’école de sainteté la plus accréditée est assurément la communion. Elle commence par nous rendre Dieu propice, par nous purifier, par nous obtenir le don des vertus nécessaires, et enfin, par les liens d’un très suave amour, unitif et transformant, elle nous attache à notre Dieu, en sorte que, nous nourrissant de Lui, de Lui aussi nous vivons. C’est alors que la sainte communion opère en nous la plénitude de ses effets.

Dans sa bénédiction finale avant de congédier le peuple, le prêtre prie ainsi : « O Dieu qui, plutôt que de vous irriter, préférez user de miséricorde envers ceux qui se confient en vous, faites-nous la grâce de pleurer convenablement les péchés commis afin de mériter ensuite votre consolation. » En cette vie en effet, les larmes des pénitents éteignent non seulement les flammes de l’enfer, mais aussi le feu de la juste colère de Dieu. Si, au dire de Jésus, la maison terrestre du Père divin n’est pas une maison de négoce, le paradis l’est moins encore. La grâce ne s’achète pas, mais Dieu, dans sa magnificence, la donne généreusement à tous. Donc, pour devenir saint, il suffit de correspondre fidèlement à la vocation divine qui nous a été manifestée dans le saint Baptême, accourant joyeusement, bibite cum Laetitia, aux sources de la grâce qui jaillissent de l’Eucharistie. Dans la messe de ce jour, le divin Sauveur insiste sur son invitation.

Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique

STATION À SAINT-NICOLAS IN CARCERE

Vous qui avez soif, venez boire.

Le grand jour du baptême approche. La messe d’aujourd’hui est comme un dernier appel aux catéchumènes.

Ils comprennent de plus en plus ce que le Christ est pour eux. Il est pour eux le Soleil qui apporte la chaleur et la vie ; il est la source d’eau vive qui calme leur soif ; il est le Bon Pasteur, l’hôte généreux, tendre comme la meilleure des mères. Pour nous aussi, le Christ est tout cela dans l’Eucharistie.

Nous chantons les antiennes suivantes au lever et au coucher du soleil : « Celui qui me suit ne marche pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie, dit le Seigneur. » (Ant. Bened.). « C’est moi qui donne témoignage de moi-même, et mon Père qui m’a envoyé donne aussi témoignage de moi » (Ant. Magn.). Au lever du soleil, la parole concernant la lumière divine convient très bien.

1. La messe (Sitientes) : Nous nous rendons, avec les catéchumènes des siècles anciens, dans l’Église de Saint-Laurent hors les murs (ce n’est que dans le haut Moyen Age, par conséquent à une époque où le catéchuménat avait depuis longtemps disparu, que la station fut modifiée et que l’office fut célébré à Saint-Nicolas in carcere). L’église de station (celle du patron des catéchumènes) montre déjà l’importance du jour pour les catéchumènes. Aujourd’hui encore a lieu un scrutin. En outre, la magnifique avant-messe est une dernière invitation au baptême, adressée aux catéchumènes. Les catéchumènes et les fidèles trouvent aujourd’hui dans la messe : nourriture, lumière et eau.

C’est précisément dans la messe d’aujourd’hui que la relation intime entre le Baptême et l’Eucharistie nous apparaît dans toute sa clarté. Ce que le Baptême a commencé, l’Eucharistie le continue ; le Baptême crée la vie divine, l’Eucharistie l’entretient et la nourrit. Dans les deux sacrements, l’Église est notre Mère ; dans le premier, en nous enfantant ; dans le second, en nous nourrissant. Ces considérations nous donnent de nouvelles lumières sur notre vie de Carême et elles s’adressent aussi bien aux fidèles qu’aux catéchumènes. Ce que le Baptême a fondé, l’Eucharistie doit le développer. Les catéchumènes grandissent dans le sein de l’Église et les fidèles reçoivent d’elle leur nourriture.

C’est avec ces pensées que nous nous rendons à la messe. L’Introït est comme une invitation : « Venez, vous qui avez soif, venez à la source d’eau, buvez avec joie. » Le Christ répète sans cesse cette invitation à l’âme de l’homme altéré de bonheur ; le Christ et sa doctrine apaisent la soif : « mon peuple, écoute ma voix... »

Dans la leçon, l’aimable image du Bon Pasteur se présente encore aux yeux des catéchumènes. Le Bon Pasteur les invite et les laisse jeter un regard dans son Cœur aimant : « Au temps de la grâce je t’ai exaucé », il les délivre des chaînes du péché, il les appelle des ténèbres à la lumière, il les conduit à la source d’eau et les y abreuve. L’image s’agrandit : nous voyons les païens, comme un troupeau dispersé, se hâter vers le Bon Pasteur ; le Seigneur console son peuple. Cette pensée remplit l’Église d’une telle joie qu’elle invite le ciel et la terre à pousser des cris d’allégresse. L’amour du Christ pour nous est plus grand que l’amour des mères, « car il nous a inscrits dans ses mains » (telle est la continuation du passage) par ses plaies à la Croix.

Le Graduel et l’Offertoire sont l’écho des lectures. Le Graduel se rapporte surtout aux catéchumènes et l’Offertoire, plutôt aux fidèles.

A l’Évangile, le Seigneur parle lui-même : « Je suis la lumière du monde, » Il est aussi notre lumière ; si nous voulons suivre ses traces, nous serons d’autres soleils, Quant aux Juifs qui marchent dans les ténèbres, ils ne le connaissent ni lui ni son Père, « Personne ne mit la main sur lui, car son heure n’était pas encore arrivée » (thème pascal), Quel bel accent n’a pas l’antienne de la communion, le cantique eucharistique : « Le seigneur est mon Pasteur... ! »

3. L’image du Sauveur. — Il est une chose remarquable, Dans la conception moderne du Carême, on s’occupe continuellement du péché et de la pénitence. Dans l’ancienne conception, on aimait à peindre sous les couleurs les plus vives l’image du Sauveur.

La première semaine nous montrait le Christ combattant, le Christ mortifié qui nous conduit à la transfiguration ; la seconde semaine nous montrait le serviteur de Dieu qui s’abaisse et se fait obéissant jusqu’à la mort. Dans la troisième semaine, l’image devient plus intime : nous avons devant nous le médecin et le Sauveur de l’âme. Pendant la quatrième semaine, nous voyons le Christ sous un double aspect : d’abord, dans ses souffrances morales ; puis, comme celui qui nous apporte le salut. Dans ce dernier sens, les images se succèdent avec une grande variété. Nous voyons le Seigneur comme un nouveau Moïse intercédant pour nous (lundi), comme l’illuminateur (mardi), comme le thaumaturge qui ressuscite les morts (jeudi et vendredi) ; aujourd’hui, il y a jusqu’à cinq images : le pasteur, l’hôte, la mère, la lumière, l’eau.

Méditons ces images et cherchons, en nous, l’image correspondante. Si le Christ est notre bon Pasteur qui prend soin de nous et va à la recherche de ses brebis, soyons, de notre côté, ses brebis fidèles qui se laisseront conduire, nourrir et retrouver. S’il est notre hôte généreux, soyons ses invités reconnaissants qui se trouveront à l’aise dans sa maison. S’il est pour nous comme une mère attentive et tendre, soyons ses enfants obéissants. S’il nous apporte la lumière, ouvrons-lui toutes grandes les portes de notre âme et laissons-nous éclairer par lui. S’il est une source d’eau dans le désert de la vie, buvons à longs traits aux sources du Sauveur.

4. Le psaume du Bon Pasteur (psaume 22) est une des perles du psautier.

Le Seigneur est mon pasteur ; je ne manquerai de rien,
il m’a placé dans de verts pâturages.
Il me conduit près des sources rafraîchissantes,
il y restaure mon âme.
Il me conduit dans de droits sentiers
à cause de son nom.

Même quand je marche dans les sombres vallées de la mort,
je ne crains aucun mal car tu es avec moi,
ta houlette et ton bâton me rassurent.
Tu as dressé devant moi une table
pour la confusion de mes ennemis.
Tu as oint ma tête d’huile,
et ma coupe, comme elle est débordante !
Que ta faveur m’accompagne,
tous les jours de ma vie !
J’habiterai dans la maison du Seigneur
pour de longs jours.

Ce psaume, d’après son titre, doit être attribué au chantre royal David. Il est divisé en deux strophes qui se distinguent par le changement de personnes. La première strophe est une méditation, elle parle de Dieu à la troisième personne ; la seconde est une prière, elle parle à Dieu. Le psaume décrit, en deux images charmantes, la bonté et la Providence de Dieu ; sous l’image du Bon Pasteur et sous celle de l’hôte généreux. Peut-être David songe-t-il à sa jeunesse, pendant laquelle il a goûté aux joies et aux souffrances de la vie de berger.

1. Examinons le psaume en partant du sens littéral pour arriver au sens complet et chrétien. Dans la première strophe, il est question d’un pasteur bon et dévoué, qui fournit à ses brebis tout ce dont elles ont besoin : il leur fournit quatre choses :
- a) le pâturage,
- b) la direction,
- c) la protection,
- et d) l’amour.

Tout cela peut s’appliquer à Dieu immédiatement. Dieu est le Bon Pasteur et nous sommes ses brebis. Pour nous, chrétiens, l’image est encore plus plastique : le Christ est notre Bon Pasteur et nous sommes ses brebis. Le Seigneur a eu une prédilection pour cette image dont il s’est servi maintes fois. Nous pouvons donc lui faire l’application du psaume.

a) En premier lieu, le Bon Pasteur offre à ses brebis un bon pâturage. Un bon pâturage comprend la nourriture et la boisson (on insiste sur la boisson dans l’Orient altéré). Le Christ, le Bon Pasteur, nous conduit, nous aussi, dans les bons pâturages ; il nous donne la nourriture et la boisson au sens spirituel. Ce sont les biens du royaume de Dieu : la foi qui satisfait les aspirations de notre âme, la grâce et la filiation divine. Mais comment ne pas songer à la nourriture de nos âmes, à la Sainte Eucharistie que nous présente le Seigneur ? Le pain du ciel est « notre bon pâturage », c’est l’« eau rafraîchissante » qui « restaure notre âme ».

b) Le Pasteur offre aussi à son troupeau une bonne direction. En Orient, le berger marche devant son troupeau et celui-ci le suit. C’est ce que le Christ dit expressément de lui-même dans sa parabole : « Quand le gardien de la porte a laissé sortir les brebis, le pasteur marche devant et les brebis le suivent... » (Jean X, 4). C’est ainsi que le Sauveur nous guide à travers la vie. Il marche devant nous, portant sa Croix, et nous marchons sur ses traces dans une sainte communauté d’amour et de souffrances.

c) Sa route ne passe pas seulement à travers des prairies ensoleillées, elle nous fait passer aussi par les « sombres vallées de la mort », par la nuit de l’âme où nous connaissons les heures de Gethsémani, les tentations, les amertumes. C’est alors que nous avons besoin de sa protection. Dans de tels moments, il n’y a pas de plus grande consolation que cette certitude confiante : « Tu es près de moi. » (Le philosophe Kant disait de ce verset : aucun des livres que j’ai lus ne m’a donné autant de consolation que cette parole de la Bible).

d) Le Bon Pasteur nous accorde encore un autre bienfait : il fait notre éducation d’enfants de Dieu et d’héritiers du ciel. Il emploie pour cela deux moyens : l’un est son bâton pastoral ; l’autre, sa verge de châtiment. Il nous éduque par la joie et par la peine.

2. Dans la seconde strophe, la scène change ; nous voyons un hôte oriental. L’hospitalité, comme on sait, était très cultivée en Palestine et l’hôte reçu était comblé d’honneurs. Ainsi le Christ se plaint d’un Pharisien qui ne l’a pas reçu avec les honneurs convenables : « Je suis venu dans ta maison et tu ne m’as pas donné d’eau pour mes pieds... tu ne m’as pas donné de baiser... tu n’as pas oint ma tête... » (Luc VII, 44 sq.). Dans notre psaume, le bon hôte rend à son invité un quintuple honneur : il dresse devant lui une table richement servie, il oint sa tête d’huile, il lui présente une coupe de vin, il conclut avec lui un engagement d’amitié durable, il va même jusqu’à lui offrir une demeure permanente. Il est inutile de faire l’application de cette parabole au Christ et à l’âme et d’en examiner les détails. Par notre entrée dans le royaume de Dieu, nous sommes devenus les hôtes du Christ et notre bon hôte nous sert la « table du Seigneur », nous présente le « calice du salut » ; dans le Baptême et la Confirmation, il oint notre tête d’huile. Nous sommes ses amis et il nous est permis de demeurer avec lui.

[1] Ex 34, 29

[2] Jn. 1, 3.

[3] Ex 23, 20

[4] Ps 80, 9

[5] Ps. 35, 10.

[6] « Dieu conserve, nourrit, comble de biens, non seulement les hommes, c’est-à-dire ceux qui se servent de la raison, mais même les animaux ; c’est-à-dire ceux qui, à l’instar des bêtes, se laissent conduire par leurs sens et leurs appétits. La miséricorde de Dieu qui supporte et attend ceux qui l’offensent et le blasphèment est vraiment admirable. » (Bx Bellarmin).

[7] Ps 77, 1

[8] « Ces choses cachées sont les mystères de l’Evangile, la connaissance des vérités du salut, qui n’ont été révélées que depuis la venue de Jésus-Christ, comme dit Saint Paul. »(Abbé Glaire)

[9] Johan. III, 17.

[10] Psalm. LXXXVI, 2.

[11] Matth. XII, 31.