Accueil - Etudes - Divers

Commentaires liturgiques du Dimanche des Rameaux

Version imprimable de cet article Version imprimable Partager


Sommaire

  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum  
  Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique  

Ces commentaires concernent la célébration des Rameaux avant la réforme de Pie XII.

On trouvera les textes liturgiques de la cérémonie ici.

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

Dès le matin de cette journée, Jésus laissant à Béthanie Marie sa mère, les deux sœurs Marthe et Marie-Madeleine avec Lazare, se dirige vers Jérusalem, dans la compagnie de ses disciples. La mère des douleurs frémit en voyant son fils se rapprocher ainsi de ses ennemis, qui ne songent qu’à répandre son sang ; cependant ce n’est pas la mort que Jésus va chercher aujourd’hui à Jérusalem : c’est le triomphe. Il faut que le Messie, avant d’être attaché à la croix, ait été proclamé Roi dans Jérusalem par le peuple ; qu’en face des aigles romaines, sous les yeux des Pontifes et des Pharisiens muets de rage et de stupeur, la voix des enfants, se mêlant aux acclamations de la cite, fasse retentir la louange au Fils de David.

Le prophète Zacharie avait prédit cette ovation préparée de toute éternité pour le Fils de l’homme, à la veille de ses humiliations : « Tressaille d’allégresse, fille de Sion, avait-il dit ; livre-toi aux transports de la joie, fille de Jérusalem : voici ton Roi qui vient vers toi ; il est le Juste et le Sauveur. Il est pauvre, et il s’avance monté sur l’ânesse et sur le petit de l’ânesse [1]. » Jésus, voyant que l’heure de l’accomplissement de cet oracle était venue, détache deux de ses disciples, et leur ordonne de lui amener une ânesse et un ânon qu’ils trouveront à quelque distance. Le Sauveur était déjà arrivé à Bethphagé, sur le mont des Oliviers. Les deux disciples s’empressent de remplir la commission de leur maître ; et bientôt l’ânesse et l’ânon sont amenés aux pieds du Sauveur.

Les saints Pères nous ont donné la clef du mystère de ces deux animaux. L’ânesse figure le peuple juif qui, dès longtemps, avait été placé sous le joug de la Loi ; « l’ânon sur lequel, dit l’Évangile, aucun homme n’était encore monté [2] », représente la gentilité, que nul n’avait domptée jusqu’alors. Le sort de ces deux peuples se décidera d’ici à quelques jours. Pour avoir repoussé le Messie, le peuple juif sera délaissé ; en sa place Dieu adoptera les nations qui, de sauvages qu’elles étaient, deviendront dociles et fidèles.

Les disciples étendent leurs vêtements sur l’ânon ; alors Jésus, pour accomplir la figure prophétique, monte sur cet animal [3], et se prépare à faire ainsi son entrée dans la ville. En même temps le bruit se répand dans Jérusalem que Jésus approche. Par un mouvement de l’Esprit divin, la multitude de Juifs qui s’était réunie de toutes parts dans la cité sainte pour y célébrer la fête de Pâques, sort à sa rencontre, portant des palmes et faisant retentir l’air d’acclamations. Le cortège qui accompagnait Jésus depuis Béthanie se confond avec cette foule que l’enthousiasme transporte ; les uns étendent leurs vêtements sur la terre qu’il doit fouler, d’autres jettent des branches de palmier sur son passage. Le cri d’Hosannah retentit ; et la grande nouvelle dans la cite, c’est que Jésus, fils de David, vient d’y faire son entrée comme Roi.

C’est ainsi que Dieu, dans sa puissance sur les cœurs, ménagea un triomphe à son Fils au sein même de cette ville qui devait, si peu de temps après, demandera grands cris le sang de ce divin Messie. Cette journée fut un moment de gloire pour Jésus, et la sainte Église, comme nous l’allons voir tout à l’heure, veut que nous renouvelions chaque année la mémoire de ce triomphe de l’Homme-Dieu. Dans les temps de la naissance de l’Emmanuel, nous vîmes les Mages arriver du fond de l’Orient, cherchant et demandant à Jérusalem le Roi des Juifs, afin de lui rendre leurs hommages et de lui offrir leurs présents ; aujourd’hui c’est Jérusalem elle-même qui se levé comme un seul homme pour aller au-devant de lui. Ces deux faits se rapportent au même but ; ils sont une reconnaissance de la royauté de Jésus-Christ : le premier de la part des Gentils, le second de la part des Juifs. Il fallait que le Fils de Dieu, avant de souffrir sa Passion, eût recueilli l’un et l’autre hommage. L’inscription que bientôt Pilate placera au-dessus de la tête du Rédempteur : Jésus de Nazareth, Roi des Juifs, exprimera l’indispensable caractère du Messie. En vain les ennemis de Jésus feront tous leurs efforts pour faire changer les termes de cet écriteau : ils n’y réussiront pas. « Ce que j’ai écrit est écrit », répondra le gouverneur romain, dont la main païenne et lâche a déclaré, sans le savoir, l’accomplissement des Prophéties. Israël aujourd’hui proclame Jésus son Roi ; Israël bientôt sera dispersé, en punition de sa révolte contre le fils de David ; mais Jésus, qu’il a proclamé, demeure Roi à jamais. Ainsi s’accomplissait à la lettre l’oracle de l’Ange parlant à Marie, et lui annonçant les grandeurs du fils qui devait naître d’elle : « Le Seigneur lui donnera le trône de David son aïeul, et il régnera sur la maison de Jacob à jamais [4] ». Jésus commence aujourd’hui son règne sur la terre ; et si le premier Israël ne doit pas tardera se soustraire à son sceptre, un nouvel Israël, issu de la portion fidèle de l’ancien, va s’élever, formé de tous les peuples de la terre, et offrir au Christ un empire plus vaste que jamais conquérant ne l’a ambitionné.

Tel est, au milieu du deuil de la Semaine des douleurs, le glorieux mystère de ce jour. La sainte Église veut que nos cœurs se soulagent par un moment d’allégresse, et que Jésus aujourd’hui soit salué par nous comme notre Roi. Elle a donc dispose le service divin de cette journée de manière à exprimer à la fois la joie et la tristesse : la joie, en s’unissant aux acclamations dont retentit la cité de David ; la tristesse, en reprenant bientôt le cours de ses gémissements sur les douleurs de son Époux divin. Toute la fonction est partagée comme en trois actes distincts, dont nous allons successivement expliquer les mystères et les intentions.

La bénédiction des Palmes, ou des Rameaux, comme nous disons en France, est le premier rite qui s’accomplit sous nos yeux ; et l’on peut juger de son importance par la solennité que l’Église y déploie. On dirait d’abord que le Sacrifice va s’offrir [5], sans autre intention que de célébrer l’anniversaire de rentrée de Jésus à Jérusalem. Introït, Collecte, Épître, Graduel, Évangile, Préface même, se succèdent comme pour préparer l’immolation de l’Agneau sans tache ; mais après le Trisagion : Sanctus ! Sanctus ! Sanctus ! L’Église suspend ces solennelles formules, et son ministre procède à la sanctification de ces mystiques rameaux qui sont devant lui. Les prières employées à leur bénédiction sont éloquentes et remplies d’enseignements. Ces branches d’arbres, objet de la première partie de la fonction, reçoivent par ces oraisons, accompagnées de l’encens et de l’aspersion de l’eau sainte, une vertu qui les élève à l’ordre surnaturel, et les rend propres à aider à la sanctification de nos âmes, et à la protection de nos corps et de dos demeures. Les fidèles doivent tenir respectueusement ces rameaux dans leurs mains durant la procession, et à la Messe durant le chant de la Passion, et les placer avec honneur dans leurs maisons, comme un signe de leur foi, et une espérance dans le secours divin.

Il n’est pas besoin d’expliquer au lecteur que les palmes et les branches d’olivier, qui reçoivent en ce moment la bénédiction de l’Église, sont portées en mémoire de celles dont le peuple de Jérusalem honora la marche triomphale du Sauveur ; mais il est à propos de dire quelques mots sur l’antiquité de cette coutume. Elle commença de bonne heure en Orient, et probablement, dès la paix de l’Église, à Jérusalem. Déjà au IVe siècle, saint Cyrille, Évêque de cette ville, atteste que le palmier qui avait fourni ses branches au peuple qui vint au-devant du Christ, existait encore dans la vallée de Cédron [6] ; rien n’était plus naturel que d’en tirer occasion pour instituer une commémoration anniversaire de ce grand événement. Au siècle suivant, on voit cette cérémonie établie, non plus seulement dans les Églises de l’Orient, mais jusque dans les monastères dont les solitudes de l’Égypte et de la Syrie étaient peuplées. A l’entrée du Carême, beaucoup de saints moines obtenaient de leur abbé la permission de s’enfoncer dans le désert, afin d’y passer ce temps dans une profonde retraite ; mais ils devaient rentrer au monastère pour le Dimanche des Palmes, comme nous l’apprenons de la Vie de saint Euthymius, écrite par son disciple Cyrille [7]. En Occident, ce rite ne s’établit pas aussi promptement ; la première trace que l’on en trouve est dans le Sacramentaire de saint Grégoire : ce qui donne la fin du VIe siècle, ou le commencement du vue. A mesure que la foi pénétrait dans le Nord, il n’était même plus possible de solenniser cette cérémonie dans toute son intégrité, le palmier et l’olivier ne croissant pas dans nos climats. On fut obligé de les remplacer par des branches d’autres arbres ; mais l’Église ne permet pas de rien changer aux oraisons prescrites pour la bénédiction de ces humbles rameaux, parce que les mystères qui sont exposés dans ces belles prières sont fondés sur l’olivier et la palme du récit évangélique, figurés par nos branches de buis ou de laurier.

Le second rite de cette journée est la Procession célèbre qui fait suite à la bénédiction solennelle des Rameaux. Elle a pour objet de représenter la marche du Sauveur vers Jérusalem et son entrée dans cette ville ; et c’est afin que rien ne manque à l’imitation du fait raconté dans le saint Évangile., que les rameaux qui viennent d’être bénits sont portés par tous ceux qui prennent part à cette Procession. Chez les Juifs, tenir en main des branches d’arbres était un signe d’allégresse ; et la loi divine sanctionnait pour eux cet usage. Dieu avait dit au livre du Lévitique, en établissant la fête des Tabernacles : « Le premier jour de la fête, vous tiendrez dans vos mains des fruits pris sur les plus beaux arbres ; vous porterez des rameaux de palmier, des branches avec leur feuillage, vous en détacherez des saules du torrent, et vous vous livrerez à la joie, en présence du Seigneur votre Dieu [8]. » C’est donc dans l’intention de témoigner leur enthousiasme pour l’arrivée de Jésus dans leurs murs que les habitants de Jérusalem, et jusqu’aux enfants, eurent recours à cette joyeuse démonstration. Nous aussi allons au-devant de notre Roi, et chantons Hosannah à ce vainqueur de la mort, à ce libérateur de son peuple.

Au moyen âge, en beaucoup d’églises, on portait avec pompe, à cette Procession, le livre des saints Évangiles qui représentait Jésus-Christ dont il contient les paroles. A un lieu marqué et préparé pour une station, la Procession s’arrêtait : le diacre ouvrait alors le livre sacré, et chantait le passage où l’entrée de Jésus dans Jérusalem est racontée. On découvrait ensuite la croix, qui jusqu’alors était demeurée voilée ; tout le clergé venait solennellement lui rendre ses adorations, et chacun déposait à ses pieds un fragment du rameau qu’il tenait à la main. La Procession repartait ensuite précédée de la croix, qui demeurait alors sans voile, jusqu’à ce que le cortège fût rentré à l’église.

En Angleterre et en Normandie, dès le XIe siècle, on pratiquait un rite qui représentait plus vivement encore la scène qui eut lieu, en ce jour, à Jérusalem. La sainte Eucharistie était portée en triomphe à la Procession. L’hérésie de Bérenger contre la présence réelle de Jésus-Christ dans l’Eucharistie venait d’éclater à cette époque ; et ce triomphe de l’Hostie sacrée était un prélude lointain à l’institution de la Fête et de la Procession du très saint Sacrement.

Un usage touchant avait lieu aussi à Jérusalem, dans la Procession des Palmes, toujours dans la même intention de renouveler la scène évangélique qui se rapporte à ce jour. Toute la communauté des Franciscains qui veille à la garde des saints lieux se rendait dès le matin à Bethphagé. Là, le Père Gardien de Terre Sainte, en habits pontificaux, montait sur un ânon qu’on avait couvert de vêtements ; et accompagné des religieux et des catholiques de Jérusalem, tous portant des palmes, il faisait son entrée dans la ville et descendait à la porte de l’Église du Saint-Sépulcre, où la Messe était célébrée avec la plus grande solennité. Depuis deux siècles environ, les autorités turques de Jérusalem ont interdit cette belle cérémonie, qui remontait aux temps du royaume latin de Jérusalem.

Nous avons réuni ici, selon notre usage, les différents faits qui peuvent servir à élever la pensée des fidèles aux divers mystères de la Liturgie ; ces manifestations de la foi les aideront à comprendre que, dans la Procession des Palmes, l’Église veut qu’ils honorent Jésus-Christ comme présent au triomphe qu’elle lui décerne aujourd’hui. Cherchons donc par l’amour « cet humble et doux Sauveur qui vient visiter la fille de Sion », comme parle le Prophète. Il est là au milieu de nous ; c’est à lui que s’adresse l’hommage de nos palmes ; joignons-y celui de nos cœurs. Il se présente pour être notre Roi ; accueillons-le, et disons à notre tour : Hosannah au fils de David !

La fin de la Procession est marquée par une cérémonie empreinte du plus haut et du plus profond symbolisme. Au moment de rentrer dans l’église, le pieux cortège en trouve les portes fermées. La marche triomphale est arrêtée ; mais les chants d’allégresse ne sont pas suspendus. Une hymne spéciale au Christ-Roi retentit dans les airs avec son joyeux refrain, jusqu’à ce qu’enfin le sous-diacre ayant frappé la porte avec le bâton de la croix, cette porte s’ouvre, et la foule, précédée du clergé, rentre dans l’église en célébrant celui qui seul est la Résurrection et la Vie.

Cette scène mystérieuse a pour but de retracer l’entrée du Sauveur dans une autre Jérusalem, dont celle de la terre n’était que la figure. Cette Jérusalem est la patrie céleste dont Jésus nous a procuré l’entrée. Le péché du premier homme en avait fermé les portes ; mais Jésus, le Roi de gloire, les a rouvertes par la vertu de sa Croix, a laquelle elles n’ont pu résister. Continuons donc de suivre les pas du fils de David ; car il est aussi le Fils de Dieu, et il nous convie à venir prendre part à son royaume. C’est ainsi que la sainte Église, dans la Procession des Palmes, qui n’est d’abord que la commémoration de l’événement accompli en ce jour, élève notre pensée jusqu’au glorieux mystère de l’Ascension, par lequel se termine au ciel la mission du Fils de Dieu sur la terre. Mais, hélas ! Les jours qui séparent l’un de l’autre ces deux triomphes du Rédempteur ne sont pas tous des jours d’allégresse, et la Procession ne sera pas plutôt terminée, que la sainte Église, qui a soulevé un moment le poids de ses tristesses, n’aura plus à faire entendre que des gémissements.

La troisième partie de la fonction de ce jour est l’offrande du saint Sacrifice. Tous les chants qui l’accompagnent sont empreints de désolation ; et pour mettre le comble au deuil qui signale désormais le reste de cette journée, le récit de la Passion du Rédempteur va être lu par avance dans l’assemblée des fidèles. Depuis cinq à six siècles. L’Église a adopté un récitatif particulier pour cette narration du saint Évangile, qui devient ainsi un véritable drame. On entend d’abord l’historien qui raconte les faits sur un mode grave et pathétique ; les paroles de Jésus ont un accent noble et doux, qui contraste d’une manière saisissante avec le ton élevé des autres interlocuteurs, et avec les clameurs de la populace juive. Durant le chant de la Passion, tous les assistants doivent tenir leur rameau à la main, afin de protester par cet emblème de triomphe contre les humiliations dont le Rédempteur est l’objet de la part de ses ennemis. C’est au moment où, dans son amour pour nous, il se laisse fouler sous les pieds des pécheurs, que nous devons le proclamer plus haut notre Dieu et notre souverain Roi.

Tels sont les rites généraux de cette grande journée ; nous insérerons dans le cours des prières et des lectures sacrées, selon notre coutume, les détails qui seront nécessaires pour en compléter l’intelligence.

Ce Dimanche, outre son nom liturgique et populaire de Dimanche des Rameaux, ou des Palmes, est appelé aussi Dimanche d’Hosannah, à cause du cri de triomphe dont les Juifs saluèrent l’arrivée de Jésus. Nos pères l’ont nommé longtemps Dimanche de Pâque fleurie, parce que la Pâque, qui n’est plus qu’à huit jours d’intervalle, est aujourd’hui comme en floraison, et que les fidèles peuvent remplir dès maintenant le devoir de la communion annuelle. C est en souvenir de cette appellation, que les Espagnols ayant découvert, le Dimanche des Rameaux de l’an 1513, la vaste contrée qui avoisine le Mexique, lui donnèrent le nom de Floride. On trouve ce Dimanche appelé aussi Capitilavium, c’est-à-dire lave-tête, parce que, dans les siècles de la moyenne antiquité, où l’on renvoyait au Samedi-Saint le baptême des enfants nés dans les mois précédents, et qui pouvaient attendre cette époque sans danger, les parents lavaient aujourd’hui la tête de ces enfants, afin que le samedi suivant on pût avec décence y faire l’onction du Saint-Chrême. A une époque plus reculée, ce Dimanche, dans certaines Églises, était nommé la Pâque des Compétents. On appelait Compétents les catéchumènes admis au baptême. Ils se rassemblaient en ce jour à l’église, et on leur faisait une explication particulière du Symbole qu’ils avaient reçu au scrutin précédent. Dans l’Église gothique d’Espagne, on ne le donnait mère qu’aujourd’hui. Enfin, chez les Grecs, ce Dimanche est désigné sous le nom de Baïphore, c’est-à-dire Porte-Palmes.

LA BÉNÉDICTION DES RAMEAUX.

La fonction commence par le chant de l’Hosannah, dans cette Antienne qui sert comme d’Introït : Hosannah au fils de David ! Béni celui qui vient au nom du Seigneur. O roi d’Israël ! Hosannah au plus haut des cieux !

Le Prêtre prend ensuite la parole, et recueillant les vœux de toute l’assemblée, il demande à Dieu, pour son peuple, la grâce d’arriver, après ce monde passager, au terme heureux que la mort et la résurrection de Jésus-Christ nous ont préparé : « O Dieu que nous devons aimer pour être justes, multipliez en nous les dons de votre grâce ineffable : par la mort de votre Fils, vous nous avez donné droit d’espérer ce qui est l’objet de notre foi ; faites-nous arriver, par sa résurrection, au terme vers lequel nous aspirons. Par Jésus-Christ notre Seigneur, qui, étant Dieu, vit et règne avec vous, en l’unité du Saint-Esprit, dans tous les siècles des siècles. Amen. »

Après cette Oraison, le sous-diacre lit un passage du livre des Nombres, dans lequel on voit le peuple de Dieu sortant de l’Égypte, et venant camper à Élim, à l’ombre de soixante-dix palmiers, et auprès de douze fontaines. C’est là qu’il reçoit avis de la part de Moïse que la manne ne tardera pas à descendre du ciel pour le nourrir, et que dès le jour suivant, au matin, il en pourra apaiser sa faim. Toutes ces figures s’accomplissent dans le peuple chrétien. Par une sincère conversion, les fidèles ont rompu avec l’Égypte qui représente le monde. Les voici qui empruntent au palmier ses branches pour faire honneur à Jésus leur Roi. Les fontaines figurent le baptême qui sera confère bientôt à nos catéchumènes ; elles sont au nombre de douze, parce que les douze articles du Symbole ont été annoncés au monde par les douze Apôtres Enfin, le jour de Pâques, au matin, Jésus, Pain de vie, Manne céleste, sortira du tombeau et manifestera sa gloire.

Après cette lecture, le chœur chante l’un des dRépons suivants, qui rappellent.

Le diacre monte ensuite à l’Ambon, et lit le récit de saint Matthieu sur l’entrée triomphante de Jésus-Christ dans Jérusalem. Les palmes du Nouveau Testament s’unissent à celles de l’Ancien pour glorifier l’Homme-Dieu, qui est le nœud de l’un et de l’autre.

Le moment approche où les palmes mystérieuses vont recevoir la bénédiction de l’Église. Le Prêtre invoque d’abord les souvenirs de Noé, à qui la branche d’olivier annonça la fin du déluge, et de Moïse, dont le peuple, à sa sortie d’Égypte, vint camper à l’ombre de soixante-dix palmiers ; ensuite, empruntant le mode solennel de la Préface, il adjure tous les êtres de confesser en ce moment le grand nom du Fils de Dieu, auquel va être rendu un si éclatant hommage. L’assistance répond par l’acclamation au Dieu trois fois Saint, et crie, à sa gloire : Hosannah au plus haut des cieux.

Les Oraisons qui suivent expliquent le mystère des rameaux, et attirent sur ceux que l’on présente à la bénédiction du Prêtre, et sur les fidèles qui les porteront et les conserveront avec foi, les faveurs célestes.

Le Prêtre consomme la sanctification des rameaux, en les arrosant de l’eau sainte et en les parfumant avec l’encens qu’il vient de bénir. Puis il conclut ce rite imposant par l’Oraison suivante :

Après cette Oraison, le Prêtre procède à la distribution des rameaux ; et pendant qu’elle dure, le chœur rappelle, dans les deux Antiennes suivantes, l’enthousiasme des enfants hébreux portant des palmes, et chantant Hosannah au fils de David.

LA PROCESSION DES RAMEAUX.

Le Prêtre ayant béni l’encens qui, selon l’usage de l’Église, doit toujours purifier et parfumer la voie que parcourt une Procession, le Diacre se tourne vers le peuple et donne le signal du départ, en disant : Mettons-nous en marche dans la paix. Le Chœur répond : Au nom du Christ. Amen.

La Procession commence à défiler, chacun tenant en main son rameau. Le Chœur chante les Antiennes qui suivent, à l’honneur de Jésus, Roi d’Israël :

La Procession a achevé son cours, et se dispose à rentrer dans l’église. Elle en trouve les portes fermées. Nous avons expliqué plus haut le sens de ce mystère. Tout à coup des voix retentissent dans l’intérieur du temple : elles saluent le Roi-Christ et Rédempteur. Ces voix représentent celles des saints Anges, qui, au plus haut des cieux, célébrèrent l’arrivée de Jésus dans l’éternelle Jérusalem. Au dehors de l’église, le Chœur répète ces accents de triomphe ; mais ces voix sont celles de la terre, qui ne célèbrent encore que l’entrée du fils de David dans la Jérusalem terrestre. Un dialogue chanté s’établit entre les deux chœurs, à travers les portes du temple qui demeurent toujours fermées, jusqu’au moment où la Croix victorieuse, faisant violence à ces portes qui figurent celles du ciel, ouvre à l’Église militante un passage pour se réunir à l’Église triomphante. L’Hymne qui se chante ainsi à deux chœurs fut composée par Théodulphe, Évêque d’Orléans, lorsqu’il était prisonnier à Angers, par ordre de Louis le Débonnaire. L’Église romaine, en adoptant les six premières strophes de ce petit poème pour servir en celte rencontre, l’a rendu célèbre dans le monde entier.

Les chantres qui sont au dedans de l’église font entendre, comme on vient de le dire, la première strophe ; au dehors, le chœur chante le refrain. Quand le dernier refrain a cessé de retentir, le Sous-Diacre frappe la porte avec le bâton de la croix, et elle s’ouvre aussitôt. En plusieurs lieux, c’est le célébrant lui-même qui accomplit cet acte mystérieux, en prononçant les paroles du Psaume XXIII, par lequel David célèbre l’entrée du Rédempteur dans le ciel, au moment de sa glorieuse Ascension. La Procession rentre dans l’église, en chantant le Répons Ingrediénte.

A LA MESSE.

A Rome, la Station est dans la Basilique de Latran. Une si auguste fonction ne demandait pas moins que l’Église Mère et Maîtresse de toutes les autres. De nos jours, cependant, la Fonction papale a lieu à Saint-Pierre ; mais cette dérogation est sans préjudice des droits de l’Archibasilique qui, dans l’antiquité, avait en ce jour l’honneur delà présence du Souverain Pontife, et a conservé les indulgences accordées à ceux qui la visitent aujourd’hui.

La Messe de ce Dimanche ne retient plus aucune trace de la joie qui éclatait dans la cérémonie des Palmes. L’Introït est extrait du Psaume XXI, dans lequel David exprime les angoisses du Christ sur la croix.

Dans la Collecte, l’Église demande pour nous la grâce d’imiter la patience et l’humilité du Sauveur. C’est pour l’homme pécheur que Jésus-Christ souffre et qu’il s’abaisse ; il est juste que l’homme profite de l’exemple, et opère son salut par les moyens que lui révèle la conduite de son Rédempteur.

ÉPÎTRE.

La sainte Église nous prescrit de fléchir le genou à l’endroit de cette Épître où l’Apôtre dit que tout doit s’abaisser quand le nom de Jésus est prononcé. Nous venons d’accomplir ce commandement. Comprenons que, s’il est une époque dans l’année où le Fils de Dieu ait droit à nos plus profondes adorations, c’est surtout en cette Semaine, où sa divine majesté est violée, où nous le voyons foulé sous les pieds des pécheurs. Sans doute nos cœurs doivent être animés de tendresse et de compassion à la vue des douleurs qu’il endure pour nous ; mais nous devons ressentir avec non moins de vivacité les outrages et les indignités dont il est abreuvé, lui qui est l’égal du Père, et Dieu comme lui. Rendons-lui par nos abaissements, autant du moins qu’il est en nous, la gloire dont il se prive pour réparer notre orgueil et nos révoltes, et unissons-nous aux saints Anges qui, témoins de tout ce que lui a fait accepter son amour pour l’homme, s’anéantissent plus profondément encore, en voyant l’ignominie à laquelle il est réduit.

Dans le Graduel, l’Église se sert des paroles du Roi-Prophète qui prédit les grandeurs futures de la victime du Calvaire, mais qui, en même temps, confesse que l’affreuse sécurité avec laquelle les Juifs devaient commettre le déicide avait ébranlé son âme tout entière.

Le Trait est formé d’une partie considérable du Psaume XXI, dont Jésus-Christ répéta les premières paroles sur la Croix, et qui est autant une histoire de la Passion du Sauveur qu’une prophétie : tant les paroles en sont claires et évidentes.

Il est temps d’écouter le récit de la Passion de notre Sauveur ; mais afin de montrer au ciel et à la terre que nous ne sommes pas scandalisés, comme le furent les disciples, par le spectacle de son apparente faiblesse et du triomphe de ses ennemis, tenons en mains [9] les rameaux avec lesquels tout à l’heure nous l’avons proclamé notre Roi.

L’Église lit, à quatre jours différents de cette Semaine, la narration des quatre Évangiles. Elle commence aujourd’hui parcelle de saint Matthieu, qui le premier a écrit son récit sur la vie et la mort du Rédempteur. En signe de tristesse, les Acolytes ne viennent pas à l’ambon avec leurs cierges, et le livre n’est pas encensé. Sans saluer le peuple fidèle par le souhait ordinaire, le Diacre qui remplit le rôle de l’historien commence immédiatement son lamentable récit.

(Après la mort de Notre-Seigneur) l’historien fait une pause dans sa lecture, pour honorer par un acte solennel de deuil la mort du Sauveur des hommes. Toute l’assistance se met à genoux, et demeure quelque temps dans le silence. En beaucoup de lieux, on se prosterne et on baise humblement la terre. Le Diacre reprend ensuite son récit.

Afin que la Messe de ce jour ne soit pas privée d’un rite essentiel, qui consiste dans la lecture solennelle de l’Évangile, le Diacre réserve une dernière partie du récit lugubre qu’il a fait entendre, et s’approchant de l’autel, il vient y faire bénir l’encens par le Prêtre et recevoir la bénédiction. Il se rend ensuite à l’Ambon ; mais les Acolytes ne l’accompagnent pas avec leurs flambeaux. Après avoir encensé le livre, il termine la narration évangélique.

L’Offertoire est une nouvelle prophétie de David. Elle annonce l’abandon où le Messie se verra réduit au milieu de ses angoisses, et la férocité de ses ennemis qui dans sa faim lui présenteront le fiel, et dans sa soif l’abreuveront de vinaigre. Ainsi a été traité celui qui s’apprête à nous donner son corps pour nourriture et son sang pour breuvage.

La Secrète demande à Dieu pour ses serviteurs le double fruit de la Passion du Christ : la grâce dans le temps et la gloire pour l’éternité.

Dans l’Antienne de la Communion, l’Église, qui vient d’aspirer la vie du Christ dans le calice du salut, rappelle cet autre calice que le Christ a dû boire pour nous mériter le breuvage de l’immortalité.

La sainte Église conclut les demandes du Sacrifice qu’elle vient d’offrir, en implorant la rémission des péchés pour tous ses enfants, et l’accomplissement du désir qu’ils ont d’avoir part à la résurrection glorieuse de l’Homme-Dieu.

Achevons cette journée du Rédempteur à Jérusalem, en repassant dans notre mémoire les autres faits qui la signalèrent. Saint Luc nous apprend que ce fut pendant sa marche triomphale vers celle ville que Jésus, près d’y entrer, pleura sur elle, et exprima sa douleur par ces lugubres paroles : « Oh ! Si tu connaissais, aujourd’hui surtout, ce qui pourrait te donner la paix ! Mais tout cela est maintenant caché à tes yeux. Il viendra des jours où tes ennemis t’environneront, te renverseront par terre, et ne laisseront pas en toi pierre sur pierre, parce que tu n’as pas connu le temps de ta visite [10]. »

Il y a peu de jours, le saint Évangile nous montrait Jésus pleurant sur le tombeau de Lazare ; aujourd’hui nous le voyons répandre de nouvelles larmes sur Jérusalem. A Béthanie, il pleurait en songeant à la mort du corps, suite et châtiment du péché ; mais cette mort n’est pas sans remède. Jésus est « la résurrection et la vie ; et celui qui croit en lui ne demeurera pas dans la mort toujours [11] ». Mais l’état de l’infidèle Jérusalem figure la mort de l’âme, et cette mort est sans résurrection, si l’âme ne revient pas à temps vers l’auteur de la vie. Voilà pourquoi les larmes que Jésus répand aujourd’hui sont si amères. Au milieu des acclamations qui accueillent son entrée dans la cité de David, son cœur est triste ; car il sait que beaucoup « ne connaîtront pas le temps de leur visite ». Consolons le cœur de notre Rédempteur, et soyons-lui une Jérusalem fidèle.

Le divin récit nous apprend que Jésus, aussitôt après son entrée dans la ville, se rendit au Temple, et qu’il en chassa les vendeurs [12]. C’était la seconde fois qu’il accomplissait cet acte d’autorité dans la maison de son Père, et nul n’osa lui résister. Les princes des prêtres et les Pharisiens murmurèrent, ils se plaignirent à lui du tumulte qu’avait causé son entrée ; mais leur audace était déconcertée. C’est ainsi que, dans la suite des siècles, quand il plaît à Dieu de glorifier, à certaines époques, son Fils et l’Église de son Fils, les ennemis de l’un et de l’autre protestent dans la rage de leur cœur ; le char triomphal n’en poursuit pas moins sa marche. Mais sitôt que Dieu, dans sa haute sagesse, a résolu de faire succéder des jours de persécution et d’épreuves à ces heures de gloire, ces lâches ennemis se retrouvent, et, plus irrités que jamais, ils ne se donnent point de repos qu’ils n’aient entraîné une partie de ce peuple, qui criait Hosannah au fils de David, à demander qu’on le lui livre et qu’il soit crucifie. Mais Jésus et son Église n’en ont pas moins régné ; et si leur règne visible semble interrompu, c’est pour reparaître plus tard, jusqu’à ce que, après une succession de gloire et d’ignominies, la royauté de l’Époux et de l’Épouse soit proclamée éternelle sur les ruines du monde « qui n’aura pas connu le temps de sa visite ».

Nous apprenons de saint Matthieu [13] que le Sauveur alla terminer cette journée à Béthanie. Sa présence dut suspendre les maternelles inquiétudes de Marie et rassurer la pieuse famille de Lazare. Mais dans Jérusalem nul ne se présenta pour offrir l’hospitalité à Jésus ; du moins l’Évangile ne fait aucune mention à ce sujet. Les âmes pieuses qui ont médité la vie de notre Seigneur ont appuyé sur cette considération : Jésus honoré le matin d’un triomphe solennel, et réduit, le soir, à aller chercher la nourriture et le repos hors de la ville qui l’avait accueilli avec tant d’acclamations. Dans les monastères de Carmélites de la réforme de sainte Thérèse, il existe un usage touchant qui a pour but d’offrir au Sauveur une réparation pour l’abandon dont il fut l’objet de la part des habitants de Jérusalem. On dresse une table au milieu du réfectoire, et on y sert un repas, après le dîner de la communauté, ce repas offert au Sauveur du monde est distribué aux pauvres qui sont ses membres. Nous terminerons cette journée en insérant ici quelques strophes d’une Hymne de la Liturgie Grecque, en ce Dimanche des Palmes. Elle a pour auteur le célèbre hymnographe Côme de Jérusalem.

In Dominica Palmarum.

Le Dieu qui est assis sur les Chérubins, au plus haut des cieux, et qui abaisse ses regards sur ce qu’il y a de plus humble, vient aujourd’hui dans la gloire et la puissance ; tout est rempli de sa divine grandeur. Paix sur Israël, et salut pour les gentils !

Les âmes des justes s’écrièrent dans l’allégresse : Une nouvelle alliance se prépare aujourd’hui pour le monde ; les peuples vont être renouvelés par l’aspersion du sang divin.

Le peuple et les disciples fléchissent les genoux avec joie, et portant des palmes chantent : Hosannah au fils de David : vous êtes digne de toute louange, Seigneur, Dieu de nos pères ; vous êtes béni.

La multitude au cœur simple, l’enfance naïve vous ont célébré comme il convient à un Dieu, vous, roi d’Israël et souverain des Anges : Vous êtes digne de toute louange, Seigneur, Dieu de nos pères ; vous êtes béni.

Ton roi s’est présenté, ô Sion ! Le Christ monte sur le petit de l’ânesse. Il vient délier le joug de l’erreur grossière qui poussait l’homme à adorer les idoles ; il vient arrêter le cours des passions aveugles qui règnent sur toutes les nations ; tous chanteront maintenant : Œuvres du Seigneur, bénissez-le, et exaltez son nom dans tous les siècles.

Livre-toi à la joie, ô Sion ! Le Christ ton Dieu règne à jamais. Il est doux, et il vient pour sauver, comme il est écrit de lui ; il est le juste, notre rédempteur qui s’avance monté sur le petit de l’ânesse. Il brisera l’audace de ceux qui ne veulent pas chanter en ce jour ; Œuvres du Seigneur, bénissez-le, et exaltez son nom dans tous les siècles.

L’inique et obstiné Sanhédrin, qui usurpait le Temple sacré, est chassé aujourd’hui ; il avait fait de la maison de prière, de la maison de Dieu, une caverne de voleurs, et refusait son amour au Rédempteur à qui nous chantons : Œuvres du Seigneur, bénissez-le, et exaltez son nom dans tous les siècles.

Le Seigneur Dieu parait devant nous ; faites-lui fête solennelle ; accourez pleins de joie ; chantons le Christ, et portant des palmes, crions à sa louange : Béni celui qui vient au nom de Dieu, notre Sauveur !

Peuple, pourquoi as-tu frémi contre les Écritures ? Prêtres, pourquoi méditez-vous de vains projets ? Pourquoi dites-vous : Quel est celui devant qui les enfants portant des palmes s’écrient : Béni celui qui vient au nom de Dieu, notre Sauveur ?

Hommes sans frein, pourquoi semez-vous le scandale sur la voie ? Vos pieds sont rapides pour répandre le sang du Seigneur ; mais il ressuscitera pour sauver tous ceux qui crieront : Béni celui qui vient au nom de Dieu notre Sauveur !

Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

Station au Latran à la basilique du Sauveur.
(Station à Saint-Pierre, collecte à Sainte-Marie « in Turri »)

Il était de règle, au moyen âge, que les grandes cérémonies de la semaine pascale, comme les anciens appelaient ce solennel septénaire que nous allons commencer, se célébrassent auprès de la résidence pontificale, dans le palais des Laterani. C’est pourquoi aussi la procession des rameaux et la messe stationnale se célèbrent aujourd’hui dans la vénérable basilique du Sauveur, trophée permanent des victoires du Pontificat romain sur l’idolâtrie, sur les hérésies et sur toutes les puissances infernales qui, depuis plus de dix-neuf siècles, conspirent contre l’Église et sont toujours repoussées et vaincues. Non praevalebunt adversus eam, a dit Jésus, et le ciel et la terre passeront avant que vienne à manquer une syllabe sortie des lèvres du Sauveur.

Dans le bas moyen âge, la station de ce jour, suivant le bon plaisir du Pape, se célébrait parfois au Vatican, et alors la bénédiction des palmes se faisait dans l’église de Sainte-Marie in Turri qui s’élevait dans l’atrium de la basilique.

La bénédiction des rameaux nous conserve l’ancien type des synaxes aliturgiques, c’est-à-dire des réunions tenues pour la récitation de l’office divin, l’instruction des fidèles, etc., sans l’offrande du saint Sacrifice. Ce type de synaxes provient des coutumes juives dans les synagogues de la Diaspora, et entra dans le rituel chrétien dès l’âge apostolique.

La procession avec les branches d’olivier provient du rite hiérosolymitain, tel que nous le décrit la pèlerine Éthérie vers la fin du Ve siècle [14]. En Occident, à l’origine, on tenait les rameaux en main durant la lecture de l’évangile ; dans les Gaules, on commença par donner une bénédiction spéciale, non point aux rameaux, mais à ceux qui rendaient cet hommage à la parole évangélique. La procession avant la messe s’y ajouta et vint conférer une pompe et une importance spéciale aux rameaux, lesquels finirent par être, à leur tour, sanctifiés par la bénédiction sacerdotale.

Bénédiction des Palmes.
Collecte à Saint-Sylvestre au Latran.

Selon les Ordines Romani du XIVe siècle, les palmes étaient d’abord bénites par le cardinal de Saint-Laurent, puis transportées, par le ministère des clercs, à l’intérieur du Patriarchium, en l’oratoire de Saint-Sylvestre, où les acolytes de la basilique Vaticane avaient mission d’en faire la distribution au peuple. Quant à la distribution des palmes au clergé, elle était accomplie par le Pontife en personne, dans la salle du triclinium de Léon IV, d’où partait aujourd’hui la procession qui se dirigeait vers l’église stationnale du Sauveur.

Quand le Pape était arrivé sous le portique, il s’asseyait au trône, et tandis que les portes de l’église demeuraient encore fermées, le primicier des chantres et le prieur de la basilique, à la tête de leur personnel de service, entonnaient l’hymne Gloria, laus, etc. prescrite encore aujourd’hui dans le missel. Enfin s’ouvraient les portes, et le cortège faisait son entrée triomphale dans la basilique du Sauveur, pour commencer par la messe le grand drame de la Rédemption des hommes. Le Pape prenait les vêtements sacrés dans le secretarium, mais, pour indiquer la tristesse funèbre qui remplit toute la liturgie de cette semaine, les basilicarii omettaient en ce jour de tendre sur la tête du Pontife la mappula traditionnelle, ou baldaquin, qui était l’un des signes du respect et de la vénération chez les anciens.

La « collecte » pour la bénédiction des palmes commence par l’introït : « Salut, ô fils de David ; béni soit Celui qui vient au nom du Seigneur ; ô Roi d’Israël, salut, vivat ! » Voilà le salut messianique que le Christ, acclamé aujourd’hui par les Gentils, par les enfants, par le bas peuple et par les simples, attendit en vain de la Synagogue. La conséquence en est que Jésus répudie le Sanhédrin obstiné, et se tourne au contraire vers les nations des Gentils, qui l’accueillent comme leur Dieu et leur Rédempteur. La miséricorde du Seigneur est pourtant infinie et Israël lui-même peut espérer le salut, à la condition toutefois qu’il se dirige lui aussi au-devant du Christ, chantant avec le psalmiste et avec les enfants : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. »

Nous devons professer une grande dévotion pour cet acte de foi messianique, tant désiré par Jésus-Christ. L’Église le renouvelle au moment le plus solennel du sacrifice, quand Jésus est sur le point de descendre, à l’appel du prêtre, sur nos autels, à l’état de victime.

Voici la collecte de bénédiction sur l’assemblée : « O Dieu, qu’il est juste d’aimer par-dessus tout, multipliez sur nous les dons de votre grâce, et, tandis que par les mérites de la mort de votre Fils, vous nous faites espérer cette éternité glorieuse qui forme précisément l’objet de notre foi, accordez-nous, à cause de votre résurrection, d’arriver là où nous tendons. » La forme est vraiment solennelle, et le concept est clair et précis : la mort de Jésus est la cause méritoire de notre salut, mais sa résurrection en est la cause exemplaire ; car Jésus glorieux répand dans son corps et dans ses membres mystiques cette sainteté et cette béatitude qui inondent le Chef au jour de son solennel triomphe sur la mort et sur le péché.

Le passage de l’Exode qui suit (XV, 27 et XVI, 1-7) avec le récit de la révolte des Israélites contre Moïse, n’a vraiment pas grand’chose à voir avec le mystère de ce dimanche ; les liturgistes gallicans du moyen âge le choisirent cependant à cause des sources d’eau et des soixante-dix palmiers à l’ombre desquels campa le peuple du Seigneur.

Les Israélites, tirés de la servitude d’Égypte d’une façon si prodigieuse, murmurent néanmoins contre le Seigneur et regrettent les oignons et les viandes de l’Égypte. Ils préludaient à ce que leurs descendants devaient faire un jour contre le véritable Moïse, le vrai libérateur de l’esclavage de l’enfer, qui serait maudit et tué au moment même où, pour les racheter, il donnerait sa vie pour eux.

Les deux répons de rechange qui suivent n’ont aucune relation avec la cérémonie de la bénédiction des palmes, et ont été assignés ici seulement pour combler les lacunes et séparer les deux lectures scripturaires. Comme l’on voit, toute l’ordonnance de la fonction de ce jour est un peu factice, malgré son aspect archaïque ; il s’agit d’éléments d’origine et d’inspiration très diverses, qui furent fondus ensemble tant bien que mal, sans une réelle unité de concept.

Le premier répons est emprunté à saint Jean (XI, 47-53) et a trait à l’assemblée tenue dans la maison de Caïphe. A ceux qui lui faisaient observer que Jésus attirait à lui les foules et exposait le Sanhédrin au péril de voir tôt ou tard les Romains, très jaloux, étouffer ces mouvements d’insurrection nationale, Caïphe répondit qu’il était préférable d’envoyer un seul homme, c’est-à-dire Jésus, à la mort, pour sauver tous les autres. L’écrivain sacré fait remarquer avec insistance que les paroles du rusé pontife ont une portée bien supérieure à ses intentions, et que, en raison de ses fonctions, elles furent mises sur ses lèvres par le Saint-Esprit.

Le second répons est une pièce de rechange ; il a été emprunté au 1er Nocturne du Jeudi saint. Il est tiré de l’évangile selon saint Matthieu (XXVI, 39-41) et nous montre Jésus qui, dans son agonie au jardin des Oliviers, supplie le Père, se conforme à sa sainte volonté et exhorte ses disciples assoupis à chercher dans l’oraison un abri contre la tentation et l’épreuve qui va commencer. Il ne suffit pas que les dispositions habituelles de la volonté soient droites ; la nature mortelle est fragile, et, sans l’aide de la grâce, elle défaille en présence du bien à faire. Il faut donc prier et ne jamais se lasser d’implorer ce secours si nécessaire. Les saints, et en particulier saint Alphonse, résumaient en ces termes l’enseignement chrétien relativement à la nécessité de la prière : « Qui prie se sauve, et qui ne prie pas se damne. »

La lecture de saint Matthieu faite en ce jour, racontant l’entrée solennelle de Jésus dans la Cité sainte (XXI, 1-9) était déjà désignée par la liturgie de Jérusalem dès la seconde moitié du IVe siècle. Selon la prophétie de Zacharie, le Rédempteur entre dans la Cité sainte assis sur l’ânon, pour symboliser le caractère doux et bénin de sa première apparition messianique. Il ne veut pas effrayer par les éclairs et la foudre, mais il désire ardemment amener tous les hommes à son Cœur par la douceur de ses attraits. L’ânesse et l’ânon qui, selon le saint Évangile, se trouvaient liés aux murs du village voisin du mont des Oliviers, d’où ils furent détachés par les apôtres et conduits à Jésus, représentent le peuple Gentil exilé de la patrie d’Abraham, déshérité du patrimoine d’Israël, abêti sous la hart de l’idolâtrie. Aux apôtres est confiée la mission de le dégager de ses erreurs et de le ramener au Sauveur.

Selon l’usage de la liturgie romaine, quand il s’agit de prières d’une importance spéciale, la collecte suivante vient préluder à l’anaphore consécratoire des rameaux. Elle est donc parallèle à la secreta qui précède la préface de la messe : « Accroissez, ô Dieu, la foi de ceux qui espèrent en vous, et exaucez avec clémence les prières de ceux qui vous supplient. Que votre miséricorde descende avec abondance sur nous ; et que soient également bénits ces rejets de palmier et d’olivier ; et de même que pour préfigurer l’Église, vous concédâtes une race nombreuse à Noé sorti de l’arche, et à Moïse sorti de l’Égypte avec les fils d’Israël, que nous aussi, portant dans nos mains des palmes et des rameaux d’olivier, nous puissions, au moyen d’une vie sainte, aller à la rencontre du Christ, et que, par ses mérites, nous soyons dignes d’entrer dans la joie éternelle. Lui qui, Dieu avec vous et dans l’unité du Saint-Esprit, vit et règne dans tous les siècles. Amen. »

Cette prière, d’un goût si exquis et d’une piété si profonde, explique très bien le symbolisme de la procession qui va s’accomplir, et détermine la raison pour laquelle on a lu la péricope de l’Exode où il est question des soixante-dix palmiers. La palme se donne au vainqueur, et celui qui sort indemne de l’Égypte peut bien mériter la gloire du triomphe.

Après quoi vient l’anaphore, qui, selon sa signification primitive, est aujourd’hui un véritable chant eucharistique, un hymne de louange et d’action de grâces à Dieu pour son infinie sainteté et la délicatesse de sa miséricorde envers les hommes : « Il est vraiment convenable et juste, droit et profitable, que toujours et partout nous vous rendions grâces, ô Seigneur saint, Père tout-puissant, Dieu éternel ; vous qui êtes glorifié dans la multitude de vos saints, et à qui toutes les créatures obéissent. En effet, c’est vous seul qu’elles reconnaissent pour leur auteur et leur Dieu, en sorte que non seulement toute chose créée proclame votre louange, mais vos saints vous bénissent d’une manière spéciale, quand ils confessent librement le grand nom de votre Fils unique devant les rois et les puissants de ce monde. Les Anges et les Archanges l’assistent, avec les Trônes et les Dominations, qui, avec toutes les milices de l’armée céleste, chantent sans cesse un hymne à votre gloire, disant : Saint, saint, saint est le Seigneur des armées. Votre gloire remplit le ciel et la terre. Salut, vivat jusqu’aux étoiles. Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. Salut, vivat ! »

Après cela vient une série de collectes de saveur assez antique et d’inspiration très élevée, où il semble que l’Église veuille épancher tout son amour envers le Rédempteur, tout près de s’immoler pour elle. Ces différentes prières constituaient primitivement une série de collectes de rechange ; aujourd’hui, au contraire, la cérémonie est devenue très prolixe puisque toutes ces diverses formules de bénédiction, préface, collecte, etc. qui, au début, se substituaient l’une à l’autre, ou plutôt, s’excluaient l’une l’autre, font partie intégrante, dans le missel actuel, de la cérémonie de la bénédiction des palmes. Il en est sorti une fonction pieuse, à la vérité, mais peut-être sans proportion ni harmonie, ce qui révèle sa tardive introduction dans la liturgie romaine.

La première collecte se rapporte exclusivement aux rameaux d’olivier, sans aucune allusion aux palmes, qui, au moyen âge, étaient devenues extrêmement rares en Europe.

Dieu se plaît à humilier l’orgueil de Satan en l’empêchant de nuire aux chrétiens grâce aux sacramentaux, lesquels consistent le plus souvent en petits objets de dévotion bénits par le prêtre et conservés avec foi par les fidèles. A cette espèce de sacramentaux appartiennent précisément les rameaux.

Dans la troisième prière est expliqué tout le symbolisme de la cérémonie de ce jour. De même que les foules, avec des palmes, allèrent à la rencontre du triomphateur de la mort et de l’enfer, ainsi aujourd’hui Dieu nous donne par anticipation la palme, pour nous stimuler à lutter courageusement, afin d’obtenir, au seuil de l’éternité, une autre palme, non plus sujette à se flétrir et à se dessécher, mais à jamais fraîche et verdoyante.

Dans la quatrième collecte on ne parle plus de palmiers, mais de l’olivier sont rapprochés d’autres arbres, puisque, dans les pays du Nord, où se développa principalement le rite de ce jour, ni le palmier ni l’olivier ne poussent, à cause du froid : « Seigneur, qui avez voulu que la colombe apportât à la terre l’annonce de la paix au moyen d’un rameau d’olivier, sanctifiez par votre bénédiction ces branches d’olivier et d’autres arbres, afin qu’elles servent au salut de tout votre peuple. Par le Christ, etc. ». Le rite extérieur est vain, si à la bouche qui prie ne s’unit le cœur qui adore : « Nous vous en prions, Seigneur, bénissez ces rameaux de palmier et d’olivier, et faites que ce que le peuple exécute aujourd’hui en votre honneur d’une manière sensible, il l’accomplisse aussi intérieurement avec une ardente dévotion, remportant la victoire sur l’ennemi spirituel, et se vouant avec le plus grand élan aux œuvres de miséricorde. Par notre Seigneur. »

Ici le prêtre asperge les rameaux avec l’eau sainte et les encense.

Durant la distribution des palmes ou de rameaux d’olivier bénits, le chœur des chantres exécute les antiennes suivantes, tirées de l’évangile récité auparavant : « Les enfants hébreux allèrent au-devant du Seigneur avec des branches d’olivier, et ils disaient : « Salut, jusqu’aux étoiles ! » Aujourd’hui les enfants font les honneurs de la fête, parce que Dieu se complaît dans les âmes simples et innocentes, et c’est à elles qu’il révèle ses secrets. « Les enfants hébreux étendaient leurs vêtements le long de la route, et criaient : « Salut au Fils de David ; béni soit Celui qui vient au nom du Seigneur. »

Après la distribution des rameaux bénits, on récite la collecte suivante, avant de commencer la procession : « O Dieu éternel et tout-puissant qui avez décrété que notre Seigneur Jésus-Christ s’assiérait sur le petit d’une ânesse, et qui avez, vous-même, inspiré à la foule du peuple d’étendre sur la route des vêtements et des branches d’arbres, et de chanter Salut en son honneur ; ah ! faites que nous imitions leur innocence, afin que nous méritions d’en obtenir aussi le prix. Par le même notre Seigneur. »

La procession a lieu alors ; et bien qu’aujourd’hui elle ait une signification spéciale et veuille rappeler l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem, elle est néanmoins un vestige de l’antique procession stationnale et dominicale, qui au moyen âge, dans les abbayes bénédictines en particulier, précédait régulièrement la messe.

Durant le parcours, le chœur des chantres exécute les antiennes.

Après cela vient l’hymne Gloria, laus, etc., avec la cérémonie par laquelle le sous-diacre frappe aux portes du temple pour les faire ouvrir au cortège. Quant au rite, Rome ne connut que fort tard cette cérémonie ; quant au symbole, les deux chœurs qui se répondent, au dedans et au dehors du temple, figureraient la louange divine que font alterner l’Église triomphante et l’Église militante.

A la Messe.
Station à Saint-Jean de Latran.

Après la procession commence la messe ; celle-ci a toutefois un caractère tout différent de celui de la bénédiction des palmes, et elle est en relation plus intime avec la liturgie des jours précédents. En effet, tandis que les prières et les antiennes rapportées plus haut acclament le Rédempteur comme triomphateur de la mort et du péché, la messe stationnale, d’inspiration entièrement romaine, considère plutôt ses intimes sentiments de profond anéantissement, d’humiliation et de douleur, en tant que victime d’expiation pour les péchés du monde.

La sainte liturgie de ces jours-ci ne sépare point le souvenir de la passion du Sauveur de celui des triomphes de sa résurrection — et c’est la raison du titre antique de Hebdomada paschalis donné jadis à cette semaine et des mentions fréquentes de la sainte résurrection qui se présentent dans la messe et l’Office divin, tant aujourd’hui que le vendredi saint. En effet, si le Pascha nostrum immolatus Christus [15], commence le soir du jeudi saint et se poursuit dans la parascève, il a toutefois son véritable accomplissement au matin de la résurrection, alors que Celui qui était mortuus propter delicta nostra, resurrexit propter iustificationem nostram [16]. Pour les anciens, le Paschale Sacramentum comprenait ce triple mystère, en sorte que, même le vendredi saint, en présence du Bois adorable de la Croix, ils annonçaient déjà les gloires du Sauveur ressuscité : Crucem Tuam adoramus... et sanctam resurrectionem tuam laudamus et glorificamus.

L’introït est tiré de ce psaume 21 que Jésus-Christ entonna sur la Croix, et qui dépeint si admirablement ses souffrances, les ignominies qu’il endura, les battements de son Cœur et ses espérances pour son heureuse et prochaine résurrection : « Seigneur, n’éloignez pas de moi votre secours ; soyez attentif à ma défense. Sauvez-moi des dents du lion et délivrez ma faiblesse de la corne des licornes. »

La collecte est d’une délicatesse de composition qui révèle l’âge d’or de la liturgie romaine : « O Dieu tout-puissant et éternel, qui, pour donner au genre humain un exemple d’humilité à imiter, avez disposé que notre Sauveur s’incarnerait et subirait le supplice de la Croix, accordez-nous de recevoir avec fruit l’enseignement de sa patience, afin d’avoir part à sa résurrection. »

Cela explique toute la signification du rite sacré qui devra s’accomplir durant cette semaine. Jésus crucifié est comme un livre, dans lequel l’âme lit tout ce que Dieu désire d’elle pour la rendre sainte. La phrase de la collecte : patientiæ ipsius habere documenta perd beaucoup de son énergie quand elle est traduite en langue vulgaire. Elle signifie que nous devons réaliser dans notre vie ces leçons de souffrance et d’expiation que Jésus nous donne du haut de la chaire qu’est sa Croix. Puis vient l’espérance de la résurrection, que l’Église ne veut jamais séparer des souffrances du Golgotha.

La lecture est tirée de la lettre aux Philippiens (II, 5-11) où saint Paul nous décrit le Christ qui, pour notre amour, voile la gloire de sa consubstantialité avec le Père, prend les livrées du serviteur et obéit à Dieu jusqu’à la mort la plus cruelle et la plus infamante. Jusqu’ici c’est l’expiation mais voici immédiatement le triomphe et le commencement de l’empire messianique. Par le feu de sa divinité, Dieu réchauffe ces membres glacés que Jésus lui avait offerts sur la Croix. Il répand en eux sa propre vie, et, au nom du Sauveur tracé par Pilate sur l’écriteau placé par dérision sur la branche verticale de la croix, il attribue tant de gloire et tant de puissance, que ce nom devient à jamais le caractère et le sceau de tous les prédestinés à la gloire du Ciel.

Le répons-graduel est emprunté au psaume 72 et prélude déjà au triomphe de dimanche prochain : « Il s’en est fallu de peu que je chancelle, puisque j’étais ému à la vue des méchants, indigné de la torpeur mortelle où gisaient, abattus, les pécheurs. Toi pourtant, ô mon Père, tu m’as pris par la main, tu m’as conduit selon ton vouloir, et tu m’as accueilli en triomphe. » Le zèle de Jésus voyant la ruine de tant et tant d’âmes, brûla d’une sainte ardeur durant sa passion ; Il affronta, intrépide, les ennemis de l’humanité, les démons et leurs alliés, c’est-à-dire les impies. Il était même sur le point de succomber sous leurs coups, car sur la Croix, en raison de la violence des tourments, son âme bénie fut séparée du corps, lequel subit jusqu’à l’humiliation du sépulcre. Mais en tout cela, la main du Tout-Puissant a toujours guidé son Fils unique, elle l’a conduit sur le sentier de la vie, et l’a couronné dans la gloire triomphale de sa résurrection et de son ascension au Ciel.

Le trait, ou psaume in directum, est le 21e, dans lequel sont d’abord décrits l’agonie déchirante du Christ et ses sentiments d’humilité, de désolation intérieure et de confiant abandon en Dieu ; puis on y exalte le triomphe de la rédemption messianique, et l’on annonce la nouvelle génération, c’est-à-dire l’Église, à laquelle sera adressé le message évangélique.

La lecture de l’Évangile selon saint Matthieu contient tout le récit de la passion du Seigneur (XXVI-XXVII), depuis la dernière Cène avec les apôtres jusqu’à l’apposition des sceaux à son sépulcre. Le choix de cette lecture évangélique est fort ancien pour Rome, puisqu’il nous est attesté par les Ordines du IXe siècle.

Le souvenir des peines supportées pour notre amour par Jésus-Christ doit se conserver toujours plus vif dans notre cœur, y produisant ces sentiments d’amour et de gratitude qu’il causait en saint Paul quand il écrivait : « Le Christ m’a aimé et s’est donné Lui-même pour moi ; je vis, mais ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi. Moi je vis dans sa foi. »

Le crucifix doit nous enseigner par-dessus tout trois choses : D’abord, combien grand a été l’amour que toute l’auguste Trinité nous a porté, jusqu’à sacrifier pour nous Jésus, le Fils unique de Dieu ; en second lieu, quelle horrible chose est le péché, qui n’a pu être expié que par la mort très atroce du Sauveur ; troisièmement, combien vaut notre âme, qui n’a pu être rachetée à un prix moindre que le sang de Jésus. Saint Paul concluait ainsi sa méditation sur la passion de Jésus : Empti enim estis pretio magno ; glorificate et portate Deum in corpore vestro [17].

L’antienne pour l’offertoire est prise au psaume 68, qui prélude aussi à la passion du Sauveur : « Venant au milieu des hommes, mon cœur n’a attendu d’eux qu’ignominies et ingratitude. J’ai guetté quelqu’un qui prît part à ma peine, mais en vain. Je cherchai un consolateur, mais n’en trouvai aucun. Ils me donnèrent du fiel pour nourriture, et, dans l’ardeur de ma soif, ils m’abreuvèrent de vinaigre. »

Jésus répéta ces mêmes accents de désolation à sainte Gertrude et à sainte Marguerite-Marie, manifestant son vif désir que les âmes qui lui sont particulièrement consacrées, comme les prêtres et les personnes religieuses, prennent part à ses sentiments, réparent, expient avec lui et le consolent par leur amour.

La prière sur les oblations, de même que celle après la communion, sont empruntées au dimanche dans l’octave de Noël. Elles sont de caractère général.

L’antienne pour la communion a été prise dans saint Matthieu (XXVI, 42) : « Père, s’il ne peut se faire que je ne boive pas ce calice, que ta volonté s’accomplisse. » Quand, durant le chant de ces paroles, les fidèles s’approchaient pour boire réellement au calice soutenu par le diacre le sang du Christ, ils comprenaient parfaitement que le fait de communier nous rend solidaires de la Passion.

En effet, ce n’est pas seulement Jésus-Christ, qui, à la messe, renouvelle mystérieusement son sacrifice, mais c’est nous aussi qui, grâce surtout à la sainte communion, nous unissons à lui comme les membres au Chef, pour nous humilier, pour nous immoler, pour nous offrir avec Lui, pour mourir dans sa mort afin d’avoir part à sa vie.

Ce calice de la Passion ne peut s’éloigner de nous ; il est nécessaire que nous le buvions, si nous voulons vivre et accomplir la volonté de Dieu.

Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique

Nous entrons maintenant dans le saint des saints de l’année liturgique. Comme l’Église nous a préparés progressivement avant de nous laisser entrer ! N’avons-nous pas, depuis la Septuagésime, remarqué un crescendo perpétuel ? Chaque semaine nous a fait monter et nous a rapprochés. L’Église, sans doute, nous a parlé souvent de la Croix et de la Résurrection du Seigneur, mais elle le faisait toujours sous le voile des signes et des symboles, comme si elle craignait d’exposer ce qu’elle a de plus cher aux regards profanes. Aujourd’hui, enfin, elle soulève le voile et nous pouvons contempler le saint des saints. Bien plus, nous prenons part au plus sublime mystère de l’histoire du salut.

Nous commençons la grande et sainte semaine. Nous pensons à la Croix et à la Résurrection qui sont inséparables. L’œuvre rédemptrice du Christ ne se termine pas à sa mort, mais se prolonge dans la victoire de sa Résurrection. Nous n’avons donc pas le droit de séparer la Passion du Christ de sa Résurrection. La liturgie ne veut pas seulement être une lamentation sur la mort du Christ et une compassion pour ses souffrances. Ce serait une conception médiévale et moderne de ce temps. Non, dans toute cette semaine nous entendons des accents de victoire et de joie. Nous voyons, dans la Passion du Christ, une transition qui nous mène à la gloire de la Résurrection. Nous ne comprendrions pas l’ancienne liturgie si nous ne soulignions pas précisément cette pensée. Il n’est pas de jour, pendant toute cette semaine, où nous n’entendions, d’une manière distincte et claire, des thèmes de Pâques et des chants de victoire. Songeons seulement au dimanche des Rameaux avec les hommages royaux rendus au Seigneur, au Jeudi Saint avec la messe solennelle de la Cène et la bénédiction des Saintes-Huiles, au Vendredi Saint avec l’élévation de la Croix comme signe de victoire, au Samedi Saint qui est le commencement de la solennité pascale.

Extérieurement, quatre jours ressortent particulièrement dans cette semaine : le dimanche des Rameaux et les trois derniers jours. Les trois autres jours, le lundi, le mardi et le mercredi, ne se distinguent guère des jours précédents du temps de la Passion. Le dimanche des Rameaux est la porte d’entrée monumentale qui nous introduit dans les saints mystères de Pâques.

LE DIMANCHE DES RAMEAUX.

STATION A SAINT-JEAN DE LATRAN

Le Roi conduit les siens au combat et à la victoire.

La fête du jour. — Le sens de ce jour n’est pas seulement la commémoration de l’entrée de Jésus à Jérusalem. Le sens est plutôt celui-ci : nous voulons accompagner solennellement le Seigneur dans sa Passion. Mais nous ne pouvons le faire que si nous sommes d’abord consacrés comme combattants et martyrs. C’est ce que signifie la cérémonie des Rameaux. Nous ne l’entendrons et nous ne la célébrerons comme il faut que si nous nous représentons vivement que le Christ est au milieu de nous, que nous sommes ses disciples et que nous lui préparons un triomphe. Nous accompagnons le Seigneur du Mont des Oliviers dans la ville sainte où il va souffrir. C’est donc un drame sacré dans lequel nous ne sommes pas seulement spectateurs, mais acteurs. Considérons les personnages et les lieux. Le drame a trois actes qui se passent en trois lieux différents : le premier acte se passe au Mont des Oliviers (c’est la bénédiction des palmes dans l’église de rassemblement) ; le second se passe sur le chemin qui mène du Mont des Oliviers aux portes de la ville de Jérusalem (c’est la procession des Rameaux) ; le troisième se déroule dans la ville sainte elle-même (c’est la messe dans l’église de station). Les personnages sont : le Christ, les disciples, les enfants. Nous devons nous représenter le Christ comme présent et le voir soit dans le symbole de la croix qui marche devant nous, soit dans la personne du prêtre ; autrefois, même, on introduisait dans la procession un âne traînant un petit char dans lequel se trouvait une statue du Christ ; on appelait cet âne l’âne des Rameaux. Les disciples, ce sont tous les fidèles. Aujourd’hui, les enfants jouent un rôle important ; ils représentent les enfants Juifs qui criaient : hosannah. Maintenant, prenons réellement part au drame sacré.

1er Acte : La bénédiction des Rameaux. — Nous nous rassemblons aujourd’hui dans une église plus petite ; elle représente le Mont des Oliviers. C’est là que, de fait ; la bénédiction des rameaux a lieu ; ces rameaux ne sont pas apportés par les fidèles individuellement, ils sont rassemblés sur une table près de l’autel. La bénédiction des rameaux se fait sous la forme d’une messe qui n’a pas de consécration ni de communion. La consécration est remplacée par la bénédiction même des rameaux ; et la communion, par la distribution de ces rameaux. La cérémonie commence quand le prêtre fait son entrée, nous le saluons comme le Christ, qu’il représente, par le chant des disciples : « Hosannah au Fils de David. Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ; ô Roi d’Israël, hosannah dans les hauteurs ». C’est l’Introït.

Vient, immédiatement après, l’Oraison. Cette oraison envisage les grands événements de la semaine, la mort et la résurrection du Seigneur, et demande la grâce sur la terre et la gloire dans le ciel. On dirait que l’entrée solennelle du prêtre qui s’avance vers l’autel nous fait songer à notre entrée un jour au ciel. Cette pensée nous sera, d’ailleurs, présentée une seconde fois, aujourd’hui, dans la procession des rameaux devant la porte de l’église.

Suit la Leçon. Celle-ci nous conduit dans le désert où les Juifs, au sortir de l’Égypte, campèrent dans une oasis de douze sources et de soixante-douze palmiers. Nous les entendons murmurer contre Moïse et regretter les marmites de viande d’Égypte. Mais nous entendons aussi Dieu leur promettre la manne qui doit les nourrir chaque jour dans le désert. « Demain, vous verrez la gloire de Dieu » (par ces paroles, l’Église indique la fête de Pâques qui approche).

Après la leçon, nous chantons un répons. L’âme pieuse quitte le désert aux soixante-dix palmiers et se rend sur le Mont des Oliviers. Elle voit le Seigneur en agonie au jardin des Oliviers ; elle voit les princes des prêtres se réunir et décider sa mort. Puis, on chante l’Évangile.

L’Évangile nous raconte l’entrée solennelle du Christ à Jérusalem, au milieu des acclamations du peuple.

Ensuite, se fait la bénédiction solennelle des rameaux. Dans les oraisons de bénédiction, on explique le sens des branches de palmier et d’olivier. Elles symbolisent le martyre du Christ, mais aussi celui des chrétiens. Le Seigneur va maintenant librement à la mort et nous le suivons en portant une palme à la main. Le prêtre chante alors une préface avec les invocations habituelles. C’est une antique préface des martyrs « qui confessent le grand nom du Fils unique devant les rois et les puissances de ce siècle ». Le Sanctus est chanté et suivi de six Oraisons de bénédiction qui expliquent le sens des rameaux. L’Église rappelle le souvenir de la colombe de l’arche qui apporta le rameau d’olivier comme signe de paix. Elle demande que les rameaux soient une bénédiction pour tous les fidèles. « Que, dans les maisons où ils seront placés, les habitants reçoivent ta bénédiction ; que ta main chasse toute puissance ennemie et protège les tiens ». « Les rameaux, est-il dit plus loin, annoncent la victoire du Seigneur sur le prince de la mort ; les rameaux nous promettent l’effusion des dons du Saint-Esprit ». Quand la bénédiction des rameaux est achevée, les prêtres doivent les distribuer au peuple. L’Église prévoit une distribution solennelle. C’est notre promotion annuelle à la dignité de chevaliers et de martyrs. En recevant les rameaux, nous nous déclarons martyrs et nous sommes désormais capables de suivre le Roi des martyrs, Jésus-Christ, dans sa Passion. Pendant la distribution, nous sentons que nous sommes déjà « les enfants des Hébreux » qui allèrent au-devant du Seigneur, portant des palmes dans leurs mains.

L’Église n’entend pas accomplir une vaine cérémonie en nous mettant une palme dans la main, pas plus qu’au jour de la Chandeleur quand elle nous remet un cierge. A la Chandeleur, nous nous sommes engagés à être des hommes de lumière ; aujourd’hui, nous promettons d’être des martyrs et des confesseurs de la foi. Comprenons-nous bien ce que cela veut dire : être martyr du Christ ? Être martyr, cela signifie rendre témoignage au Christ dans nos œuvres et dans notre vie, par la parole et la profession de foi, devrait-il nous en coûter la perte de nos biens, la perte de notre vie... Quand nous suspendons le rameau bénit dans notre chambre, souvenons-nous, toute l’année, que nous sommes voués au martyre.

Encore une remarque. Quelle différence y a-t-il entre l’histoire de la Passion et la célébration de la Semaine Sainte ? Autrefois, le Seigneur a souffert seul ; aujourd’hui, il veut conduire ses membres, c’est-à-dire nous, les chrétiens, par la croix à la résurrection. La palme que nous portons à la main signifie : Nous allons, avec le Christ et le Christ en nous, à la Passion et à la Résurrection.

2e Acte : La procession des Rameaux. — C’est seulement comme chevaliers du Christ, comme martyrs, que nous sommes dignes de suivre le Seigneur, le Roi des martyrs, dans son combat héroïque. Le deuxième acte est donc lui aussi une action importante. Nous accompagnons au combat le vainqueur de la mort et de l’enfer, tel est le sens de la procession. Nous devons y prendre part avec une profonde émotion. Figurons-nous que nous vivons au temps des martyrs, que l’un des nôtres vient d’être condamné à mort pour la foi et que nous l’accompagnons au lieu de son supplice. Avec quel respect nous suivrions ses pas !

La procession se met en marche, précédée de la croix. Les beaux chants nous rappellent sans cesse que c’est comme disciples du Seigneur que nous accompagnons, dans son entrée dans la ville, « le vainqueur de la mort et de l’enfer ».

Aujourd’hui, malheureusement, la procession des Rameaux n’est qu’esquissée. Au Moyen Age, c’était une manifestation magnifique, un hommage solennel à Jésus, le Roi du royaume de Dieu. On sortait en ville, portant à la main les palmes, signe de victoire. Jésus était représenté symboliquement soit par la croix, soit par l’Évangile, soit par une statue portée sur un âne. Quelle signification profonde ! Les chrétiens s’avancent avec le Christ ; c’est une procession de vainqueurs et de héros. Aujourd’hui, encore, on devrait ressusciter cette procession. Il faudrait le demander aux curés. Surtout qu’on laisse les enfants prendre part à la procession et aux chants. Toutes les fois qu’on chante l’hosannah, les assistants devraient agiter joyeusement leurs palmes.

Le cortège arrive à la porte de l’église paroissiale ; les chantres pénètrent dans l’église et on ferme la porte derrière eux. Le clergé et toute la communauté se rassemblent devant la porte fermée. Alors, le chœur entonne, à l’intérieur de l’église, une hymne de louange au Christ-Roi, et le peuple, qui est au dehors, répète toujours le même refrain. Cette hymne merveilleuse est l’œuvre de l’évêque Théodulphe d’Orléans ; il la composa vers l’an 800, alors qu’il était en prison ; c’est un magnifique hommage au Christ-Roi. Quand le chant est fini, le sous-diacre frappe trois fois à la porte avec le pied de la croix ; la porte s’ouvre et la communauté entre dans l’église. Cette cérémonie élargit le symbolisme de la procession ; c’est toute l’humanité qui arrive au but éternel, au ciel. Depuis le péché originel, les portes du paradis étaient fermées. Mais Jésus est venu sur la terre et, avec sa Croix, il a frappé à la porte du ciel. La porte s’est ouverte et l’entrée au ciel a commencé ; elle ne s’achèvera qu’au dernier jour. Ainsi, la procession terrestre devient une procession céleste.

Examinons l’émouvant hommage rendu au Christ-Roi devant la porte de l’Église. Le portail de l’Église rappelait aux chrétiens romains les antiques arcs de triomphe construits pour les vainqueurs. Le portail doit être, aujourd’hui, un arc de triomphe pour le Christ victorieux. On pourrait, aujourd’hui, parer ce portail de rameaux. On devrait rendre à cet hommage au Christ son caractère populaire. Il faudrait que toute la paroisse soit rassemblée sur la grande place de l’église et tout le monde, les enfants comme les grandes personnes, devraient chanter : Il Gloire, louange et honneur soient à toi, Christ-Roi et Rédempteur, à qui la troupe des enfants chanta un pieux hosannah ».

3e Acte : La Messe. — L’église de station, Saint-Jean de Latran, représente la ville de Jérusalem. Ainsi donc le Christ entre dans la ville sainte et nous, ses disciples, nous le suivons : « Quand le Seigneur entra dans la ville sainte, les enfants des Hébreux annoncèrent la résurrection de la vie » (Antienne au moment de l’entrée dans l’église). Or pourquoi le Christ a-t-il fait son entrée ? Pour se faire couronner roi ? Non ; pour souffrir. Aussi le ton de la liturgie change soudain, la messe nous place au milieu de la Passion ; toutes les parties de la messe sont d’une profonde tristesse ; l’Église nous montre l’image douloureuse du Sauveur souffrant ; les chants sont des lamentations que fait entendre le Christ ; dans son délaissement complet, il crie vers son Père. Trois hommes récitent le prologue du drame de la Croix : le Roi-prophète, David (Introït, Trait, Offertoire), le docteur des nations et le prédicateur de la Croix, saint Paul (Épître), et, enfin, l’Apôtre et évangéliste saint Matthieu (Passion).

a) David. Le prophète royal entonne le célèbre psaume messianique, le psaume 21. De l’avis unanime des Pères de l’Église et même de la Synagogue, ce psaume est directement messianique, c’est-à-dire qu’il traite au sens littéral de la Passion du Christ. Nous le concevons comme une vision de David dans laquelle lui est montrée la scène du crucifiement. Ce psaume nous est d’autant plus cher que le Seigneur, sur la Croix, en a récité un verset, peut-être même le psaume entier. Ce psaume représente le paroxysme de la Passion : le délaissement du Seigneur sur la Croix. En récitant ce psaume, nous nous transporterons en esprit sur le Golgotha et nous nous laisserons pénétrer par l’image douloureuse. Assurément, nous ne pourrons pas appliquer chaque mot et chaque image à une scène particulière de la Passion. Le psalmiste essaie de décrire l’effroyable délaissement du Crucifié ; il cherche des expressions et des images qui lui permettront de donner une idée approximative de la terrible réalité. Dans la première partie, nous voyons une hésitation dans les sentiments : d’un côté, l’attachement à Dieu, l’abandon à sa volonté, la confiance, l’obéissance envers le Père ; d’un autre côté, le délaissement, la désolation. Dans la seconde partie, nous voyons défiler devant nos yeux divers aspects de la Passion. Le psalmiste aime à représenter les ennemis du Messie sous la figure de bêtes dévorantes. Nous entendons aussi des prophéties littérales : « Ils ont percé mes mains et mes pieds, ils se sont partagé mes vêtements. » « Ma langue est desséchée comme un tesson. » La fin du psaume amène un changement complet de sentiments : Le calice a été vidé jusqu’à la lie et, maintenant, au milieu des ténèbres, brille déjà un rayon de la gloire de la Résurrection. Le Christ fait entendre un chant d’action de grâces pour la rédemption du monde.

b) Saint Paul. Le second témoignage est apporté par le grand prédicateur de la Croix, saint Paul. Dans son Épître à sa chère Église de Philippes, il esquisse à grands traits l’image du Crucifié. Ce passage est peut-être ce qui a été dit de plus magnifique sur Jésus. Le verset principal : « Le Christ a été obéissant jusqu’à la mort et à la mort de la Croix, c’est pourquoi Dieu l’a exalté... » constituera l’antienne des trois derniers jours de la Semaine Sainte et résumera toute la Passion.

c) Saint Matthieu. Le troisième héraut est saint Matthieu dans son histoire de la Passion. C’est Précisément saint Matthieu qui nous décrit le Seigneur dans tout ce qu’il a d’humain, dans son délaissement, tel que le Prophète l’avait prédit.

Dans de nombreuses églises, la Passion est chantée solennellement par trois prêtres (ou diacres). Le premier représente l’évangéliste ; le second, le Christ ; et le troisième, les autres personnages, pendant que le chœur représente le peuple. Pendant l’Évangile, les chantres et le peuple doivent tenir les rameaux à la main. C’est une affirmation de fidélité envers le Christ, le Roi souffrant.

Cependant, même dans cette messe, le thème pascal ne fait pas entièrement défaut.

A l’Épître, notre regard s’élève, par-delà le Vendredi Saint, jusqu’à la gloire pascale du Christ.

A l’Offertoire et à la Communion, l’Église fait un rapprochement significatif entre le pain et le vin du sacrifice et la Passion du Christ. Quand la communauté apporte à l’autel le pain et le vin, la Schola chante cette antienne : « Ils m’ont donné du fiel pour nourriture et ils m’ont abreuvé de vinaigre ».

Et quand la communauté, au moment de la communion, reçoit la sainte Eucharistie, l’Église répète cette antienne : « Mon Père, si ce calice ne peut passer sans que je le boive, que ta volonté soit faite » (Com.). (Nous voyons ici que les chants ne se comprennent bien qu’en union avec la procession correspondante). La liturgie d’aujourd’hui a commencé au Mont des Oliviers, elle s’achève au Mont des Oliviers.

Si nous jetons un dernier regard sur la solennité du dimanche des Rameaux, nous verrons que l’Église nous fait gravir trois degrés. Nous préparons un triomphe au Christ, notre Roi vainqueur ; nous ne le laissons pas aller seul au combat, nous sommes nous-mêmes promus combattants et, à la messe, nous allons à la mort avec le Christ. Mais tout ne se termine pas à la mort. L’Église nous montre un but plus élevé ; si nous l’avons accompagné fidèlement dans la vie et dans la lutte, si « nous avons porté devant les rois son nom sublime » (Préface), nous entrerons avec lui dans le royaume du ciel pour régner éternellement avec lui. C’est aussi le sens symbolique de la procession des Rameaux.

[1] Zachar. IX 9.

[2] Marc. XI, 2.

[3] Ibid. XI, 7.

[4] Luc. I, 32.

[5] Dom Guéranger commente bien sûr ici la cérémonie traditionnelle des Rameaux avant sa réformation sous Pie XII.

[6] Cateches. X.

[7] Act. SS. XX Januarii.

[8] Levit. XXIII, 40.

[9] Depuis la réformation de Pie XII, on ne tient plus en mains les Rameaux pendant le récit de la Passion.

[10] Luc. XIX, 41-44.

[11] Johan. XI, 2.

[12] Matth. XXI, 12.

[13] Matth. XXI, 17.

[14] Cf. pour information : Éthérie, Journal de voyage, Sources Chrétiennes 21, Cerf 1971.

[15] Le Christ, notre Pâque, a été immolé : I Cor. 5, 7.

[16] Le Christ est mort pour nos péchés, il est ressuscité pour notre justification : Cf. Rom. 4, 25.

[17] Vous avez été achetés à grand prix. Glorifiez et portez Dieu dans votre corps : I Cor. 6, 20.