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La Messe de Luther - Mgr Lefebvre (1975)

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Mgr Lefebvre
Mgr Lefebvre (1976)

Mesdames, Messieurs,

Je parlerai ce soir de la Messe Évangélique de Luther et des ressemblances surprenantes du nouveau Rite de la Messe avec les innovations rituelles de Luther.

Pourquoi ces considérations ? Parce que l’idée d’oecuménisme qui a présidé à la Réforme liturgique, aux dires du Président de la commission lui-même nous y invite, parce que s’il était prouvé que cette filiation du nouveau Rite existe réellement, le problème théologique, c’est-à-dire le problème de la foi ne peut pas ne pas être posé selon l’adage bien connu « Lex orandi, lex credendi ».

Les objectifs de Luther dans sa réforme liturgique

Or les documents historiques de la Réforme liturgique de Luther sont très instructifs pour éclairer la Réforme actuelle.

Pour bien comprendre quels furent les objectifs de Luther dans ces Réformes liturgiques, nous devons rappeler brièvement la doctrine de l’Église concernant le Sacerdoce et le Saint Sacrifice de la Messe.

La doctrine du Concile de Trente

Le Concile de Trente dans sa XXIIème Session nous enseigne que Notre-Seigneur Jésus-Christ ne voulant pas mettre fin à son sacerdoce, à sa mort, institua à la dernière Cène un Sacrifice visible destiné à appliquer la vertu salutaire de sa Rédemption aux péchés que nous commettons chaque jour. A cette fin il établit ses Apôtres Prêtres du nouveau testament, eux et leurs successeurs, instituant le Sacrement de l’Ordre qui marque d’un caractère sacré et indélébile ces prêtres de la Nouvelle Alliance.

Ce sacrifice visible s’accomplit sur nos autels par une action sacrificielle par laquelle Notre-Seigneur réellement présent sous les espèces du pain et du vin s’offre comme victime à son Père. Et c’est par la manducation de cette victime que nous communions à la chair et au sang de Notre-Seigneur nous offrant nous aussi en union avec Lui.

Ainsi donc l’Église nous enseigne que :

- Le sacerdoce des prêtres est essentiellement différent de celui des fidèles, qui n’ont pas de sacerdoce, mais font partie d’une Église qui requiert absolument un sacerdoce.

- A ce sacerdoce convient profondément le célibat et une distinction externe d’avec les fidèles soit l’habit sacerdotal.

- L’acte essentiel du culte accompli par ce sacerdoce est le Saint Sacrifice de la Messe, différent du sacrifice de la Croix uniquement par le fait que celui-ci est sanglant et l’autre non sanglant.

- Il s’accomplit par un acte sacrificiel réalisé par les paroles de la Consécration et non par un simple récit, mémorial de la Passion ou de la Cène.

- C’est par cet acte sublime et mystérieux que s’appliquent les bienfaits de la Rédemption à chacune de nos âmes et aux âmes du Purgatoire. Et cela est exprimé admirablement dans l’offertoire.

La Présence Réelle de la victime est donc nécessaire et elle s’opère par le changement de la substance du pain et du vin à la substance du corps et du sang de Notre-Seigneur. On doit donc adorer l’Eucharistie et avoir pour elle un immense respect : d’où la tradition de réserver aux prêtres le soin de l’Eucharistie.

La Messe du prêtre seul, à laquelle seul il communie est donc un acte public, sacrifice de la même valeur que tout sacrifice de la Messe et souverainement utile au prêtre et à toutes les âmes. La Messe privée est ainsi très recommandée et souhaitée par l’Église.

Ce sont ces principes qui sont à l’origine des prières, des chants, des rites qui ont fait de la Messe latine un véritable joyau dont la pierre précieuse est le Canon. On ne peut lire sans émotion ce qu’en dit le Concile de Trente : « Comme il convient de traiter saintement les choses saintes et que ce Sacrifice est la plus sainte de toutes, pour qu’il fut offert et reçu dignement et respectueusement, l’Église catholique a institué depuis nombre de siècles, le saint Canon, si pur de toute erreur qu’il n’est rien en lui qui ne respire une sainteté et une piété extérieure et qui n’élève vers Dieu les esprits de ceux qui offrent. Il est en effet composé des paroles mêmes du Seigneur, des traditions des Apôtres et de pieuses instructions des Saints Pontifes ». (Session XXII, chap. 4)

La réforme de Luther

Voyons maintenant comment Luther a accompli sa Réforme, c’est-à-dire sa Messe évangélique comme il l’appelle lui-même et dans quel esprit. Nous ferons pour cela appel à un ouvrage de Léon Cristiani datant de 1910 et donc non suspect d’être influencé par les réformes actuelles. Cet ouvrage est intitulé « Du Luthéranisme au Protestantisme ». Il nous intéresse par les citations qu’il nous rapporte de Luther ou de ses disciples au sujet de la Réforme liturgique.

Cette étude est très instructive, car Luther n’hésite pas à manifester l’esprit libéral qui ranime. « Avant tout, écrit-il, je supplie amicalement... tous ceux qui voudront examiner ou suivre la présente ordonnance du service divin, de n’y pas voir une loi contraignante et de ne captiver aucune conscience par là. Que chacun l’adopte quand, où et comme il lui plaira. Ainsi le veut la liberté chrétienne » (p. 314).

« Le culte s’adressait à Dieu comme un hommage, il s’adressera désormais à l’homme pour le consoler et l’éclairer. Le sacrifice occupait la première place, le sermon va le supplanter. » (p. 312).

Que pense Luther du sacerdoce ? - Dans son ouvrage sur la Messe privée, il cherche à démontrer que le sacerdoce catholique est une invention du diable. Pour cela il invoque ce principe désormais fondamental : « Ce qui n’est pas dans l’Écriture est une addition de Satan ». Or l’Écriture ne connaît pas le sacerdoce visible. Elle ne connaît qu’un prêtre, qu’un Pontife, un seul, le Christ. Avec le Christ nous sommes tous prêtres. Le sacerdoce est à la fois unique et universel. Quelle folie de vouloir l’accaparer pour quelques-uns... Toute distinction hiérarchique entre les chrétiens est cligne de l’Antéchrist... Malheur donc aux prétendus prêtres. » (p. 269).

En 1520, il écrit son « Manifeste à la Noblesse chrétienne d’Allemagne » dans lequel il s’attaque aux « Romanistes » et demande un Concile libre.

« La première muraille élevée par les Romanistes » est la distinction des clercs et des laïcs. « On a découvert, dit-il, que le Pape, les évêques, les prêtres, les moines, composent l’état ecclésiastique, tandis que les princes, les seigneurs, les artisans, les paysans, forment l’état séculier. C’est une pure invention et un mensonge. Tous les chrétiens sont en vérité de l’état ecclésiastique, il n’y a entre eux aucune différence que celle de la fonction... Si le Pape ou un évêque donne l’onction, fait des tonsures, ordonne, consacre, s’habille autrement que les laïcs, il peut faire des trompeurs ou des idoles ointes, mais il ne peut faire un chrétien, ni un ecclésiastique... tout ce qui sort du baptême peut se vanter d’être consacré prêtre, évêque et Pape, bien qu’il ne convienne pas à tous d’exercer cette fonction » (p. 148-149).

De cette doctrine Luther tire les conséquences contre l’habit ecclésiastique et contre le célibat. Lui-même et ses disciples donnent l’exemple, ils abandonnent le célibat et se marient.

Que de faits découlant des réformes de Vatican II ressemblent aux conclusions de Luther : l’abandon de l’habit religieux et ecclésiastique, les nombreux mariages agréés par le Saint-Siège, soit l’absence de tout caractère distinctif entre le prêtre et le laïc. Cet égalitarisme se manifestera dans l’attribution de fonctions liturgiques jusqu’ici réservées aux prêtres.

La suppression des Ordres mineurs et du sous-diaconat, le diaconat marié, contribuent à la conception purement administrative du prêtre et à la négation du caractère sacerdotal ; l’ordination est orientée vers le service de la communauté et non plus vers le sacrifice, qui seul justifie la conception catholique du sacerdoce.

Les prêtres ouvriers, syndicalistes, ou cherchant un emploi rémunéré par l’État, contribuent aussi à faire disparaître toute distinction. Ils vont plus loin que Luther.

La deuxième erreur doctrinale grave de Luther sera la suite de la première et fondée sur son principe premier : c’est la foi ou la confiance qui sauve et non les œuvres et c’est la négation de l’acte sacrificiel qu’est essentiellement la Messe catholique.

Pour Luther, la Messe peut être un sacrifice de louange c’est-à-dire un acte de louange, d’action de grâces, mais certainement pas un sacrifice expiatoire renouvelant et appliquant le sacrifice de la Croix.

Parlant des perversions du culte dans les couvents il disait : « L’élément principal de leur culte, la Messe, dépasse toute impiété et toute abomination, ils en font un sacrifice et une bonne œuvre. N’y eut-il pas d’autre motif de quitter le froc, de sortir du couvent, de rompre les vœux, celui-là suffirait amplement. » (p. 258).

La Messe est une « synaxe », une communion. L’Eucharistie a été soumise à une triple et lamentable captivité : on a retranché aux laïcs l’usage du Calice, on a imposé comme un dogme l’opinion inventée par les thomistes de la transsubstantiation, on a fait de la Messe un sacrifice.

Luther touche ici à un point capital. Il n’hésite pas cependant. « C’est donc une erreur évidente et impie, écrit-il, d’offrir ou d’appliquer la Messe pour des péchés, des satisfactions, pour les défunts... La Messe est offerte par Dieu à l’homme et non par l’homme à Dieu... »

Quant à l’Eucharistie comme elle doit avant tout exciter la foi, elle devrait être célébrée en langue vulgaire, afin que tous puissent bien comprendre la grandeur de la promesse qui leur est rappelée, (p. 176).

Luther tirera les conséquences de cette hérésie en supprimant l’offertoire qui exprime clairement le but propitiatoire et expiatoire du sacrifice. Il supprimera la plus grande partie du Canon, gardera les textes essentiels mais comme récit de la Cène. Afin d’être plus près de ce qui s’est accompli à la Cène, il ajoutera dans la formule de consécration du pain « quod pro vobis tradetur », il supprimera les mots « mysterium fidei » et les paroles « pro multis ». Il considérera comme paroles essentielles du récit celles qui précèdent la consécration du pain et du vin et les phrases qui suivent.

Il estime que la Messe est en premier lieu la Liturgie de la Parole, en second lieu une communion.

On ne peut qu’être stupéfait de constater que la nouvelle Réforme a appliqué les mêmes modifications et qu’en vérité les textes modernes mis entre les mains des fidèles ne parlent plus de sacrifice mais de la Liturgie de la Parole, du récit de la Cène et du partage du pain ou de l’Eucharistie.

L’article VII de l’instruction qui introduit le nouveau rite était significatif d’une mentalité déjà protestante. La correction intervenue ensuite n’est nullement satisfaisante.

La suppression de la pierre d’autel, l’introduction de la table revêtue d’une seule nappe, le prêtre tourné vers le peuple, l’hostie demeurant toujours sur la patène et non sur le corporal, l’autorisation du pain ordinaire, de vases faits de diverses matières même les moins nobles, et bien d’autres détails contribuent à inculquer aux assistants les notions protestantes opposées essentiellement et gravement à la doctrine catholique.

Rien n’est plus nécessaire à la survie de l’Église catholique que le Saint Sacrifice de la Messe ; le mettre dans l’ombre équivaut à ébranler les fondements de l’Église. Toute la vie chrétienne, religieuse, sacerdotale est fondée sur la Croix, sur le Saint Sacrifice de la Croix renouvelé sur l’autel.

Luther en conclut à la négation de la transsubstantiation et de la présence réelle, telle qu’elle est enseignée par l’Église catholique.

Pour lui le pain demeure. En conséquence comme le dit son disciple Mélanchton, qui s’élève avec force contre l’adoration du Saint Sacrement, « Le Christ a institué l’Eucharistie comme un souvenir de sa Passion. C’est une idolâtrie que de l’adorer. » (p. 262).

D’où la communion dans la main et sous les deux espèces, en effet niant la présence du corps et du sang de Notre-Seigneur sous chacune des deux espèces, il est normal que l’Eucharistie soit considérée comme incomplète sous une seule espèce.

On peut mesurer là encore l’étrange similitude de la Réforme actuelle avec celle de Luther : toutes les nouvelles autorisations concernant l’usage de l’Eucharistie vont dans le sens d’un moindre respect, de l’oubli, de l’adoration : communion dans la main et distribution par des laïcs, même par des femmes, la réduction dès génuflexions qui ont amené leur disparition de la part de nombreux prêtres, l’usage du pain ordinaire de vases ordinaires, toutes ces Réformes contribuent à la négation de la présence réelle telle qu’elle est enseignée dans l’Église catholique.

On ne peut s’empêcher de conclure que les principes étant intimement liés à la pratique selon l’adage « lex orandi lex credendi », le fait d’imiter dans la liturgie de la Messe la Réforme de Luther conduit infailliblement à adopter peu à peu les idées mêmes de Luther. L’expérience des six dernières années, depuis la publication du nouvel Ordo, le prouve amplement. Les conséquences de cette manière d’agir soit disant œcuménique sont catastrophiques, dans le domaine de la foi d’abord, et surtout dans la corruption du sacerdoce et la raréfaction des vocations, dans l’unité des catholiques divisés dans tous les milieux sur cette question qui les touche de si près, dans les relations avec les protestants et les orthodoxes.

La conception des protestants sur ce sujet vital et essentiel de l’Église Sacerdoce-Sacrifice-Eucharistie est totalement opposée à celle de l’Église catholique. Ce n’est pas pour rien qu’il y a eu le Concile de Trente et tous les documents du Magistère s’y rapportant depuis quatre siècles.

Il est psychologiquement, pastoralement, théologiquement impossible pour les catholiques d’abandonner une Liturgie qui est vraiment l’expression et le soutien de leur foi pour adopter de nouveaux rites qui ont été conçus par des hérétiques sans mettre leur foi dans le plus grand péril. On ne peut imiter les protestants indéfiniment sans le devenir.

Que de fidèles, que de jeunes prêtres, que d’évêques ont perdu la foi depuis l’adoption de ces réformes. On ne peut contrecarrer la nature et la foi sans qu’elles se vengent.

L’application de la réforme de Luther

Il vous sera profitable de relire le récit des premières Messes évangéliques et ses conséquences pour vous convaincre de cette étrange parenté entre les deux Réformes.

« Dans la nuit du 24 au 25 décembre 1521, la foule envahit l’Église paroissiale... La « Messe évangélique » allait commencer, Karlstadt monte en chaire, il prêche sur l’Eucharistie, il présente la communion sous les deux espèces comme obligatoire, la confession préalable comme inutile. La foi seule suffit. Karlstadt se présente à l’autel en habit séculier, récite le Confiteor, commence la Messe comme à l’ordinaire jusqu’à l’Évangile. L’Offertoire, l’Élévation, bref, tout ce qui rappelle l’idée de sacrifice est supprimé. Après la consécration vient la communion. Parmi les assistants beaucoup ne se sont point confessés, beaucoup ont bu et mangé et même pris de l’eau de vie. Ils s’approchent comme les autres. Karlstadt distribue les hosties et présente le calice. Les communiants prennent le pain consacré à la main et boivent à leur guise. L’une des hosties s’échappe et tombe sur le vêtement d’un assistant, un prêtre la relève. Une autre tombe à terre, Karlstadt dit aux laïcs de la ramasser et comme ils s’y refusent par un geste de respect ou de superstition, il se contente de dire « qu’elle reste où elle est pourvu qu’on ne marche pas dessus ».

Le même jour un prêtre des environs donnait la communion sous les deux espèces à une cinquantaine de personnes dont cinq seulement s’étaient confessées. Le reste avait reçu l’absolution en masse et comme pénitence on leur avait simplement recommandé de ne pas retomber dans le péché.

Le lendemain Karlstadt célébrait ses fiançailles avec Anna de Mochau. Plusieurs prêtres imitèrent cet exemple et se marièrent.

Pendant ce temps, Zwilling, échappé de son couvent, prêchait à Eilenbourg. Il avait quitté l’habit monastique, portait la barbe. Vêtu en laïc il tonnait contre la Messe privée. Au Nouvel an, il distribue la communion sous les deux espèces. Les hosties étaient distribuées de la main à la main. Plusieurs en mirent dans leurs poches et les emportèrent. Une femme en consommant l’hostie en fit tomber quelques fragments par terre. Personne n’y prit garde. Les fidèles prenaient eux-mêmes le calice et buvaient de bonnes rasades.

Le 29 février 1522, il se mariait avec Catherine Falki. Il y eut alors une véritable contagion de mariages de prêtres et de moines. Les monastères commençaient à se vider. Les moines restés au couvent rasèrent les autels à l’exception d’un seul, brûlèrent les images des Saints, même l’huile des infirmes.

La plus grande anarchie régnait parmi les prêtres. Chacun disait maintenant la Messe à sa guise. Le conseil débordé résolut de fixer une liturgie nouvelle destinée à rétablir l’ordre en consacrant les réformes.

On y réglait la façon de dire la Messe. L’Introït, le Gloria, l’Épître, l’Évangile, le Sanctus étaient conservés, suivait une prédication. L’Offertoire et le Canon étaient supprimés. Le Prêtre réciterait simplement l’institution de la Cène, dirait à haute voix et en allemand les Paroles de la Consécration, et donnerait la communion sous les deux espèces. Le chant de l’Agnus Dei de la communion et du Benedicamus Dominus terminait le service. » (pp. 281-85).

Luther s’inquiète de créer de nouveaux cantiques. Il cherche des poètes et il en trouve non sans peine. Les fêtes des saints disparaissent. Luther ménage les transitions. Il conserve le plus possible de cérémonies anciennes. Il se borne à en changer le sens. La Messe garde en grande partie son appareil extérieur. Le peuple retrouve dans les églises le même décor, les mêmes rites, avec des retouches faites pour lui plaire, car désormais on s’adresse à lui beaucoup plus qu’auparavant. Il a davantage conscience de compter pour quelque chose dans le culte. Il y prend une part plus active par le chant et la prière à haute voix. Peu à peu le latin fait place définitivement à l’allemand.

La consécration sera chantée en allemand. Elle est conçue en ces termes : « Notre-Seigneur dans la nuit qu’il fut trahi prit du pain, rendit grâces, le rompit et le présenta à ces disciples en disant : Prenez et mangez, ceci est mon corps qui est donné pour vous. Faites ceci toutes les fois que vous le ferez, en mémoire de moi. De la même manière il prit aussi le calice après le souper et dit : Prenez et buvez en tous ceci est le calice, un nouveau testament, dans mon sang qui est versé pour vous et pour la rémission des péchés. Faites ceci, toutes les fois que vous boirez ce calice, en mémoire de moi. » (p. 317).

Ainsi se trouvent ajoutés les paroles « quod pro vobis tradetur » « qui est donné pour vous » et supprimées « Mysterium fidei » et « pro multis » dans la consécration du vin.

La liturgie réformée, protestantisée depuis le concile

Ces récits concernant la Messe évangélique n’expriment-ils pas les sentiments que nous avons de la liturgie réformée depuis le Concile ?

Tous ces changements dans le nouveau rite sont vraiment périlleux, parce que peu à peu, surtout pour les jeunes prêtres, qui n’ont plus l’idée du Sacrifice, de la Présence Réelle, de la Transsubstantiation et pour lesquels tout cela ne signifie plus rien, ces jeunes prêtres perdent l’intention de faire ce que fait l’Église et ne disent plus de Messes valides.

Certes, les prêtres âgés, quand ils célèbrent selon le nouveau rite, ont encore la foi de toujours. Ils ont dit la Messe avec l’ancien rite durant tant d’années, ils en gardent les mêmes intentions, on peut croire que leur Messe est valide. Mais, dans la mesure où ces intentions s’en vont, disparaissent, dans cette mesure, les Messes ne seront plus valides.

Ils ont voulu se rapprocher des protestants, mais ce sont les catholiques qui sont devenus protestants, et non les protestants qui sont devenus catholiques. Cela est évident.

Lorsque cinq Cardinaux et quinze évêques sont allés au « Concile des jeunes » à Taizé, comment ces jeunes peuvent-ils savoir ce qu’est le catholicisme, ce qu’est le protestantisme ? Certains ont pris la Communion chez les protestants, d’autres chez les catholiques.

Quand le Cardinal Willbrands est allé à Genève, au Conseil œcuménique des Églises, il a déclaré : « Nous devons réhabiliter Luther ». Il l’a dit comme envoyé du Saint Siège !

Voyez la Confession. Qu’est devenu le Sacrement de la Pénitence avec cette absolution collective ? Est-ce une manière pastorale que de dire aux fidèles : « Nous vous avons donné l’absolution collective, vous pouvez communier, et quand vous aurez l’occasion, si vous avez des péchés graves, vous irez vous confesser au cours des six mois prochains ou d’une année... » Qui peut dire que cette manière de faire est pastorale ? Quelle idée peut-on se faire du péché grave ?

Le sacrement de Confirmation est aussi dans une situation identique. Maintenant une formule courante est la suivante : « Je te signe de la Croix et reçois l’Esprit Saint ». Ils doivent préciser qu’elle est la grâce spéciale du Sacrement par lequel se donne l’Esprit Saint. Si on ne dit pas cette parole : « Ego te confirmo in nomine Patris... » il n’y a pas le Sacrement ! Je l’ai dit aussi aux Cardinaux, parce qu’ils m’ont déclaré : « Vous donnez la Confirmation où vous n’avez pas le droit de le faire ! » - « Je le fais parce que les fidèles ont peur que leurs enfants n’aient pas la grâce de la Confirmation, parce qu’ils ont un doute sur la validité du Sacrement qui est donné maintenant dans les églises. Alors pour avoir au moins cette sécurité d’avoir vraiment la grâce, on me demande de donner la Confirmation. Je le fais parce qu’il me semble que je ne puis refuser à ceux qui me demandent la Confirmation valide, même si ce n’est pas licite. Parce que nous sommes en un temps dans lequel le droit divin naturel et surnaturel passe avant le droit positif ecclésiastique lorsque celui-ci s’y oppose au lieu d’en être le canal.

Nous sommes dans une crise extraordinaire. Nous ne pouvons suivre ces réformes. Où sont les bons fruits de ces réformes ? Je me le demande vraiment ! La réforme liturgique, la réforme des séminaires, la réforme des congrégations religieuses. Tous ces chapitres généraux ! Où ont-ils mis ces pauvres congrégations maintenant ? Tout s’en va... ! Il n’y a plus de novices, il n’y a plus de vocations... !

Le Cardinal-Archevêque de Cincinatti l’a reconnu également au Synode des Évêques à Rome : « Dans nos pays - il représentait tous les pays anglophones - il n’y a plus de vocations parce qu’ils ne savent plus ce qu’est le prêtre ».

Demeurer dans la tradition

Nous devons donc demeurer dans la Tradition. Seule la Tradition nous donne vraiment la grâce, nous donne vraiment la continuité dans l’Église. Si nous abandonnons la Tradition, nous contribuons à la démolition de l’Église.

Je l’ai dit aussi à ces Cardinaux : « Ne voyez-vous pas dans le Concile que le Schéma sur la liberté religieuse est un Schéma contradictoire ? Il est dit dans la première partie du Schéma : « Rien n’est changé dans la Tradition » et à l’intérieur de ce Schéma, tout est contraire à la Tradition. C’est contraire à ce qu’ont dit Grégoire XVI, Pie IX et Léon XIII. »

Alors il faut choisir ! Ou nous sommes d’accord avec la liberté religieuse du Concile et donc, nous sommes contraires à ce qu’ont dit ces Papes, ou bien nous sommes d’accord avec ces Papes et alors nous ne sommes plus d’accord avec ce qui est dit dans le Schéma sur la liberté religieuse. C’est impossible d’être d’accord avec les deux. Et j’ai ajouté : « Je prends la Tradition, je suis pour la Tradition et non pour ces nouveautés qui sont le libéralisme. Rien d’autre que le libéralisme qui fut condamné par tous les Pontifes durant un siècle et demi. Ce libéralisme est entré dans l’Église à travers le Concile : la liberté, l’égalité et la fraternité ».

La liberté : la liberté religieuse ; la fraternité : l’œcuménisme ; l’égalité : la collégialité. Et cela ce sont les trois principes du libéralisme, qui est venu des philosophes du XVIIème siècle, et a abouti à la Révolution française.

Ce sont ces idées qui sont entrées dans le Concile par des paroles équivoques. Et maintenant, nous allons à la ruine, la ruine de l’Église, parce que ces idées sont absolument contre la nature et contre la foi. Il n’y a pas d’égalité entre nous, il n’y a pas de véritable égalité. Le Pape Léon XIII l’a si bien dit, clairement, dans son encyclique sur la liberté.

Puis la fraternité ! S’il n’y a pas un père, où irions-nous trouver la fraternité ? S’il n’y a pas de Père, il n’y a pas Dieu, comment sommes-nous frères ? Comment peut-on être frères sans père commun ? Impossible ! Doit-on embrasser tous les ennemis de l’Église : les communistes, les bouddhistes et tous ceux qui sont contre l’Église ? Les maçons ?

Et ce décret qui date d’une semaine qui dit que maintenant il n’y a plus d’excommunication pour un catholique qui entre dans la franc-maçonnerie. Elle qui a détruit le Portugal ! qui était au Chili avec Allende ! Et maintenant au Sud-Vietnam : Il faut détruire les États catholiques. L’Autriche durant la Première Guerre mondiale, la Hongrie, la Pologne... Les franc-maçons veulent la destruction des pays catholiques ! Qu’en sera-t-il dans un an de l’Espagne, de l’Italie, etc... ? Pourquoi l’Église ouvre-t-elle les bras à tous ces gens qui sont les ennemis de l’Église ?

Ah ! Combien nous devons prier, prier ; nous assistons à un assaut du démon contre l’Église comme on n’en a jamais vu. Nous devons prier Notre Dame, la Bienheureuse Vierge Marie, de venir à notre aide, parce que vraiment nous ne savons pas ce que sera demain. Il est impossible que Dieu accepte tous ces blasphèmes, sacrilèges, qui sont faits à Sa Gloire, à Sa Majesté ! Songeons aux lois sur l’avortement, que nous voyons dans tant de pays, au divorce en Italie, toute cette ruine de la loi morale, ruine de la vérité. Il est difficile de croire que tout cela peut se faire sans qu’un jour Dieu parle ! et punisse le monde de terribles châtiments.

C’est pourquoi, nous devons demander à Dieu la miséricorde pour nous et pour nos frères ; mais nous devons lutter, combattre. Combattre pour maintenir la Tradition et ne pas avoir peur. Maintenir, par dessus tout, le rite de notre Sainte Messe, parce qu’elle est le fondement de l’Église et de la civilisation chrétienne. S’il n’y avait plus une vraie Messe dans l’Église, l’Église disparaîtrait.

Nous devons donc conserver ce rite, ce Sacrifice. Toutes nos églises ont été construites pour cette Messe, non pour une autre Messe ; pour le Sacrifice de la Messe, non pour une Cène, pour un Repas, pour un Mémorial, pour une Communion, non ! pour le Sacrifice de Notre-Seigneur Jésus-Christ qui continue sur nos autels ! C’est pour cela que nos pères ont construit ces belles églises, non pour une Cène, non pour un Mémorial, non !

Je compte sur vos prières pour mes séminaristes, pour faire de mes séminaristes de vrais prêtres, qui ont la foi et qui pourront ainsi donner les vrais sacrements et le vrai Sacrifice de la Messe. Merci.

Marcel Lefebvre