Accueil - Histoire - Les livres liturgiques

I - Introduction - Les Sacramentaires

Version imprimable de cet article Version imprimable Partager


Notes du cours "De libris Liturgicis" de Dom Cassian Folsom au P.I.L. St Anselme année 93, abondées par des éléments tirés de la bibliographie courante.

Ces pages sont un résumé de :

FOLSOM R.P. Cassian , Libri liturgici, PIL, 1993 ( notes du cours )

VOGEL Cyrille, Introduction aux sources de l’histoire du culte chrétien au Moyen-Âge, coll. “Biblioteca degli studi medievali” n.1, Spoleto, Centro italiano di studi sull’alto medioevo, 31981, pp.407.

PALAZZO Eric, Histoire des livres liturgiques, le Moyen-Age : des origines au XIIIè siècle, Paris, Beauchesne, 1993, pp.254.

Avec les ajouts venant d’autres études.

BIBLIOGRAPHIE

cours

JOHNSON M., Bibliographia liturgica, B.E.L., subsidia 63, CLV, Roma, 1992.

NOCENT A., “I libri liturgici” in Anàmnesis 2, Marietti, Casale Monferrato, 1978, pp. 131-183.

PALAZZO E., cf. supra.

SCICOLONE I., “Libri liturgici” in Nuovo dizionario di liturgia, E.P., Roma, 1984, pp. 653-665.

VOGEL C., cf. supra.

supplementaire

ANDRIEU Mgr, Les Ordines Romani du Moyen-Age, I-V, Spicilegium Sacrum Lovaniense 11, 23, 24, 28, 29 ), Louvain, 1931-1961.

CHAVASSE Antoine, Le Sacramentaire Gélasien ( Vaticanus Reginensis 316 ), Sacramentaire presbytéral en usage dans les titres romains au VIIè siècle, « Bibliothèque de théologie » IV-1, Paris, Desclée, 1958, pp. 817 ; ( surtout les §§ 1 et 2 de la conclusion : la carrière romaine des vieux Sacramentaires composés à Rome, pp. 679-686, et la carrière gauloise des vieux Sacramentaires composés à Rome, pp. 687-692. ).

CHAVASSE Antoine, Les plus anciens types du Lectionnaire et de l’Antiphonaire romains de la messe, in Revue bénédictine, LXII, 1952, pp. 3-94.

DESHUSSES Dom J., Introductio, in Liber sacramentorum Gellonensis, cura A. Dumas editus, CC/SL, CLIX A, Turnholti, Brepols, 1981, pp. vii-xxxvi.

GY Pierre-Marie, Collectaire, rituel, processional, in La Liturgie dans l’Histoire, coll. « Liturgie », Paris, Cerf-Saint Paul, 1991, pp. 91-126.

MARTIMORT A.-G., Les “Ordines”, les ordinaires et les cérémoniaux, Typologie des sources du Moyen-Age occidental, Fasc. 56, Turnhout, Brepols, 1991, pp. 123.

MARTIMORT A.-G., Les lectures liturgiques et leurs livres, Typologie des sources du Moyen-Age occidental, Fasc. , Turnhout, Brepols, 1992, pp. .

MORIN G., Le plus ancien comes ou Lectionnaire de l’Eglise romaine, in Revue Bénédictine, XXVII, 1910, pp. 41-74.

MORIN G., Liturgie et basiliques de Rome au milieu du VIIè siècle d’après les listes d’évangiles de Würzburg, in Revue Bénédictine, XXVIII, 1911, pp. 296-330.

RIGHETTI Mario, Storia liturgica, t. I, Introduzione generale, 2ª edizione, Milano, Àncora, 1950, pp. 585.

INTRODUCTION GENERALE

Les livres liturgiques sont le squelette de la liturgie, par eux, c’est le cœur même de la liturgie qui s’exprime ; en soi, ils ne sont pas la liturgie mais ils la contiennent.

Aujourd’hui, nous sous-évaluons les livres liturgiques, nous parlons trop, or la célébration joue d’abord au niveau intuitif, puis seulement au niveau intellectuel. Les livres liturgiques nous libèrent du lieu et du temps pour nous faire partager la vie liturgique des anciens.

Première étape : durant le VIIè et dès la fin du VIè siècle, la liturgie romaine ( i.e. entendue au sens de liturgie élaborée et en usage dans la ville de Rome. ) s’étend en pays francs. Elle s’assimile dans des proportions variables et aboutit à un type de cérémonial romano-franc : c’est la liturgie qui nous est donnée par les plus anciens manuscrits liturgiques.

Deuxième étape : cette liturgie hybride se diffuse rapidement dans tout l’occident et s’implante à Rome jusqu’à la fin du XIè siècle où elle est codifiée et refondue.

Troisième étape : le recueil officiel de la papauté se transplante avec celle-ci en France où il entre en conflit avec le Pontifical de Guillaume Durand. De cette période sort le futur Pontifical Romain et le Missel de la Curie. On peut dire de la liturgie romaine : Romana est sed etiam nostra .

Livres liturgiques actuels : 7 :
- Missale,
- Breviarium,
- Graduale,
- Antiphonale,
- Martyrologium,
- Pontificale,
- Rituale
- ...plus des excerpta.

Au MA, il faut compter une cinquantaine de types différents :

a) le MA ne connaît pas l’uniformité liturgique,

b) il ignore le principe de la répartition actuelle des livres liturgiques.

Définition du livre liturgique :
- au sens strict : livre qui sert pour une célébration liturgique et écrit pour elle
- au sens large : livre qui contient un texte pour une célébration, qu’il ait été utilisé ou non

Répartition des documents liturgiques :

- a) livres liturgiques proprement dits,
- b) œuvres des écrivains qui traitent des choses relatives au culte,
- c) documentation monumentale.
- 

IMPROVISATION CREATRICE : DES ORIGINES A SAINT GREGOIRE

les quatre premiers siècles

Il n’existe pas de formulaire définitif et uniforme. La Traditio apostolica : vers 215, c’est un exemple de formulaire, chaque évêque demeure libre d’improviser comme il l’entend. Cela n’exclut pas la rédaction de formules euchologiques pouvant servir de canevas.

structure fixe + improvisation
Eléments de l’improvisation :
  • textes bibliques,
  • symbolum fidei,
  • doxologies et acclamations diverses...

“ Episcopus autem gratias agat secundum quod prædiximus. Nullo modo necessarium est ut proferat eadem verba quæ prædiximus, quasi studens ex memoria, gratias agens Deo ; sed secundum suam potestatem unusquisque oret. Si quidem aliquis habet potestatem orandi cum sufficentia et oratione solemni, bonum est. Si autem aliquis, dum orat, profert orationem in mensura, ne impediatis eum, tantum oret quod sanum est in orthodoxia.” ( Traditio Apostolica. IX )

La Traditio Apostolica est unique dans la sphère occidentale, mais elle n’est qu’un type de rituel de tendance plutôt conservatrice :

le renouveau liturgique à la fin du IVème siecle

L’activité créatrice en matière liturgique semble prendre son essor à partir de 375, liée au phénomène encore inexplicable de la diversification des rites.

Différenciation rituelle à partir d’un schéma préconstantinien ? [1] Passage du grec au latin pour la liturgie romaine ? Le processus est accompli en 380 sous Damase. En Occident, toute messe est dotée d’un formulaire propre, d’où une prolifération des textes liturgiques. Les origines du mouvement créateur sont à rechercher en Afrique du nord.

L’Afrique

Apparition de textes nouveaux douteux pour la doctrine et le style, réaction des Conciles ( Hippone, 393, c. 25 ; Carthage, 397 ; Carthage, 407, c. 12 ) et de saint Augustin ( De Baptismo, VI, 25 ; De catechizandis rudibus, IX, 13 ) [2] . les formules euchologiques requièrent l’approbation officielle, une collection est rendue obligatoire : preces, præfationes, commendationes, impositiones manuum. Ut preces quæ probatæ fuerint in concilio sive præfationes, sive commendationes seu impositiones, ab omnibus celebrentur, nec aliæ omnino contra fidem præferantur, sed quæcumque a prudentibus fuerint collectæ dicantur.  [3]

Il existe donc en Afrique à la fin du IVè siècle des recueils de libelli missarum, voire même un Sacramentaire.

La Gaule

Les pays francs prennent la relève pour l’exceptionnelle richesse de la production liturgique. Avant 460, un prêtre de Marseille, Musée, rédige un Sacramentaire, de même Sidoine Apollinaire ( saint Grégoire de Tours nous le cite en exemple pour sa faculté d’improvisation ) et d’autres, mais il n’en reste rien.

L’Espagne

La majeure partie des formulaires du Liber mozarabicus sacramentorum et du Liber Ordinum semble remonter aux années 400-450. Aux VI-VIIè siècles, on assiste à une révision de la liturgie. A la fin du VIIè siècle, ce sont trois évêques de Tolède qui ‘recensent’ l’ancienne liturgie nationale.

L’Italie hors Rome

Paulin de Nole ( † 431 ) compose un Sacramentaire, il existe de nombreux livres liturgiques à Ravenne ( cf. le rotulus ). Ambroise n’a rédigé que des hymnes et des antiennes, nous n’avons pas de pièce milanaise antérieure au VIIè siècle.

Rome

Entre Hippolyte ( † 235 ) et Gélase ( 492-496 ), c’est le vide. Gélase est réputé au VIIè siècle pour avoir écrit un Sacramentaire.

De l’Antiquité liturgique, nous pouvons retenir :
- libre composition sur une structure établie,
- grande créativité à partir de la fin IVè s.
- cette créativité pose des problèmes ( doctrine + style )
- rien ou presque ne nous est parvenu.

“ Au lieu d’improviser au moment même de la célébration les prières dont le texte n’était pas fixé à l’avance une fois pour toute, on les composa à tête reposée, et le texte, mis par écrit, était lu par le célébrant au cours de l’action liturgique.

Ces textes écrits à l’avance ne disparaissaient pas aussitôt. Ils pouvaient être serrés dans une bibliothèque et y constituer une réserve où, éventuellement, on pouvait revenir puiser. La chose s’est certainement produite au Latran. ...Le scrinium du Latran tenait donc en réserve des matériaux liturgiques qui n’ont pas laissé indifférents les hommes du VIè siècle...” [4]

“L’apparition des livres liturgiques ne peut se comprendre sans un regard sur la mutation culturelle que représente, en Occident, l’émergence du livre en général. Le passage du volumen, le rouleau, au codex, le livre tel que nous le connaissons, est en effet un des phénomènes culturels majeurs du Ier millénaire et a exercé une inflence considérable sur les conditions de l’oralité, notamment en matière de liturgie.” [5]

les libelli missarum

Les Sacramentaires furent précédés et préparés par les libelli missarum , cahiers ou livrets renfermant les formulaires d’une ou plusieurs messes ( diverses oraisons, préface, formule introductoire au Hanc igitur ), à l’exclusion du canon missæ toujours invariable.

Ils sont de deux classes :

a) avant l’apparition du Sacramentaire : c’est alors un maillon intermédiaire entre la période d’improvisation libre et le Liber sacramentorum . Ces recueils pré-sacramentaires ne sont pas conservés dans la tradition paléographique.

b) pendant la période où les Sacramentaires sont en usage : il a alors existé des libelli missarum sous forme de livrets renfermants des messes votives, ou à l’usage des itinérants... :

La collection des LIBELLI MISSARUM DE VÉRONE ( dite ‘Sacramentaire Léonien’ )

Le Sacramentarium Veronense est une série de libelli missarum de la première classe qui a survécu.

L’appellation de ‘Sacramentaire léonien’ est une erreur depuis l’édition de 1735, on y trouve des éléments de saint Léon ( 440-461 ), de Gélase I ( 492-496 ) et de Vigilius ( 537-555 ). Témoin unique découvert en 1713 : manuscrit de Vérone, 600-625, Veronensis, compilé hors de Rome.

Collection privée de libelli missarum authentiques venant des archives pontificales du Latran après avoir été adaptées à la liturgie des tituli. On y trouve des ajouts étrangers.

Ce n’est pas un livre liturgique, mais une compilation personnelle suivant l’année civile. On peut établir deux étapes pour cette compilation : le recueil est composé sous Jean III ( 561-574 ) à partir de deux collections datant des Vè et VIè s. La réunion de ces deux collections aurait été effectuée vers 554-555 sous Vigile ( 537-555 ) [6].

Conclusions tirées des différentes hypothèses :

- ce n’est pas un Sacramentaire officiel mais une collection privée de libelli missarum en provenance du Latran dans leur première forme, certains ayant été aménagés pour l’usage des tituli.
- la masse des libelli appartient aux Vè et VIè siècles.
- l’incohérence de la compilation vient du désir du compilateur de conserver l’ordre dans lequel il les a trouvés.
- le compilateur a travaillé hors de Rome.
- on y trouve les origines les plus lointaines du formulaire euchologique latin :


- le Veronensis est élaboré à une époque où l’on désire collecter tous les documents relatifs aux papes.

Chronologie selon trois méthodes :

terminus
a quo : 400
ad quem : 560

Ad diversa :
- les trois premiers mois sont manquants ( d’où l’absence du Carême et de Pâque ).
- Présence des Quatre-Temps

EPOQUE ROMANO-FRANQUE ET ROMANO-GERMANIQUE : DE GREGOIRE I A GREGOIRE VII

introduction

Caractéristiques de la période

- systématisation faite à Rome de la liturgie de la cité apostolique, i.e. liturgie romaine proprement dite.
- migration de cette liturgie vers les pays francs, d’abord grâce aux pélerins puis au pouvoir royal après 754.
- romanisation voulue de la liturgie gallicane au nord des Alpes sous Pépin III et Charlemagne.
- hybridation de la liturgie romaine par amalgame avec les anciens rituels autochtones.
- anarchie liturgique causée par cette hybridation.
- retour de la liturgie romano-franque à Rome à partir de 962 (renovatio imperii )
- implantation définitive de la liturgie romano-franque à Rome à cause de la décadence locale.

Spécificité du document liturgique manuscrit

Trois analyses sont nécessaires :
- recherche des coordonnées chronologiques et géographiques du manuscrit tel qu’il nous est conservé et description des rites qu’il contient.
- recherche du type liturgique dont le codex est le témoin.
- reconstitution, à partir des couches primitives attestées par la tradition paléographique, de l’ancêtre commun et non plus seulement de l’archétype d’une famille donnée..

Jusqu’à une époque récente, les historiens de la liturgie considéraient que les types de Sacramentaires s’étaient succédés dans le temps, alors qu’en fait ils se sont nourris les uns des autres et sont apparus à peu près en même temps dans des cadres de célébrations distincts ( papal, presbytéral ) [7]. Un livre plus récent n’a pas forcément évincé un exemplaire plus archaïque. L’évolution se fait par infiltration ou contamination lente, au hasard des transcriptions.

les sacramentaires

Nature du Sacramentaire

Le Sacramentaire est le livre du célébrant, prêtre ou évêque, et de lui seul, mais pour toutes ses fonctions cultuelles.

On y trouve les formulaires euchologiques nécessaires au cérémonial eucharistiques, à l’administration des sacrements et aux divers actes liturgiques, n’y figurent ni lectures, ni chants, ni indications de cérémonies ( sauf de manière très concise ).

Terminologie

Termes latins :
- Liber ou Volumen sacramentorum
- Sacramentorium
- Sacramentarium (remplace le précédent au VIIIè s.)
- Liber missalis ou Missalis

Définition d’un livre mixte :
un livre mixte est un livre qui comprend des éléments romains ( soit papaux, soit presbytéraux, soit les deux ) et des éléments gallicans.

“Au lieu d’aller chercher dans les productions du passé de simples matériaux que l’on incorporait à des formulaires nouveaux, mais changeants, on en vint, somme toute assez rapidement, à faire rentrer ces matériaux dans des formulaires fixés une fois pour toute... Avec le VIè siècle finissant, on voit apparaître des compilations liturgiques qui tendent à fixer l’ensemble du contenu de chaque formulaire ainsi que l’ensemble des formulaires...L’ère des Sacramentaires proprement dits est ouverte.” [8]

“Il faut souligner que l’apparition du livre liturgique marque une codification grandissante des usages entre le Vè et le VIè s., et qu’elle fait partie d’une série de « mises par écrit » au cours des mêmes siècles, dans bien d’autres domaines que la liturgie.” [9]

le sacramentaire dit “pre-gelasien”

On pense que l’un des premiers Sacramentaires romains fut organisé à la fin du VIè siècle.Aucun manuscrit ne nous l’a conservé, mais il a laissé des traces nombreuses et importantes dans ses successeurs. Il se rapprocherait des parties les plus archaïques du Gélasien ( d’où son nom ) et serait presbytéral : c’est d’abord dans les tituli que fut ressentie la nécessité d’utiliser des livres organisés.

le sacramentaire dit ‘gelasien ancien’

Caractéristiques

Il est conservé dans un manuscrit unique romain, Vaticanus Reginensis lat 316, mutilé et dont la dernière partie se trouve à Paris, B.N. cod. lat. 7193.

Titre latin : Liber sacramentorum romanæ æclesiæ ordinis anni circuli . Il fut publié par Tomasi en 1680 et appelé Gélasien par Muratori en 1784. Il fut transcrit vers 750 au monastère féminin de Chelles, c’est une recension franque d’un manuscrit romain.

L’index de Saint-Thierry contient un fragment d’une capitulatio ayant appartenu à un Gélasien proche du Reginensis.

Les caractéristiques propres du Gélasien ancien resteront celles de toute la famille gélasienne :
- la division en trois livres, et, en particulier, la dissociation du Temporal et du Sanctoral.
- la présence de deux oraisons avant la secrète ( super sindonem ? )

Contenu

Liber primus : Temporal avec divers rituels ( baptême, pénitence, ordinations, dédicace )

Liber secondus : Sanctoral et Avent

Liber tertius : orationes et preces cum canone per dominicis diebus, bénédictions diverses et rituel du mariage.

C’est un livre mixte à deux titres :
- au fond romain est venu s’ajouter un fond franc,
- le fond romain primitif est composite : époques différentes, origine papale ou presbytérale...

Eléments d’origine franque :

- rituels :


- cérémonies du jeudi saint et du samedi saint
- bénédictions ...
- formulaires de l’Avent
- litanies majeures

Origine

L’ancêtre serait un Sacramentaire romain, c’est-à-dire provenant de Rome.
- Si c’est un Sacramentaire presbytéral, c’est le premier Sacramentaire romain et il existe à Rome deux liturgies différentes au même moment,
- Si ce n’est pas un Sacramentaire romain mais gallican, alors le Grégorien est le premier Sacramentaire romain.

Date

L’attribution à Gélase ( 492-496) est insoutenable. Terminus a quo : 628
- Gél 149 est extraite d’une des lettres de S. Grégoire ( † 604 )
- le Canon contient des éléments rajoutés par S. Grégoire.
- la fête de l’exaltation de la S. Croix n’est pas antérieure à 628, événement historique.

Terminus ad quem : 715 [10]
- ne contient pas les messes des jeudis de carême introduites par Grégoire II ( 715-731 )

Aire d’extension

Il a été utilisé à Rome durant tout le VIIè et la première partie du VIIIè siècle, sous Grégoire II, il est utilisé parallélement au Grégorien. Le livre est passé en Gaule et y est largement utilisé au moins jusqu’en 750 ( date du Reginensis ), il y est apporté avant 715, probablement fin VIIè. Il a été un instrument de romanisation bien avant Pépin.

Le Reginensis 316 est un excellent témoin du culte hybride romano-franc élaboré en Neustrie.
- conclusion :

- débarrassé des éléments francs, le Gélasien nous renseigne sur la liturgie de Rome courant VIIè - début VIIIè.
- en tant que livre hybride romano-franc, il nous renseigne sur le cérémonial franc de la fin du VIIè au milieu du VIIIè siècle.

le gelasien du VIIIème siecle ou gelasien franc

Les historiens de la liturgie ont longtemps confondu les Gélasiens anciens et les Gélasiens du VIIIè s. dits francs. Seule la critique moderne a pu les distinguer.

On dénombre une douzaine de témoins, tous d’origine franque, reflétant à des degrés divers l’archétype perdu aujourd’hui [11].

Les nombreux manuscrits n’appartenant ni à la famille gélasienne ni à la famille grégorienne postulent l’existence d’un archétype unique, perdu pour nous, appelé Gélasien du VIIIè ou Gélasien franc.

Caractéristiques

- les attaches monastiques des Gélasiens du VIIIè siècle sont certaines

- l’origine franque de l’archétype ne fait pas de doute (fêtes gallicanes)

- des pratiques spécifiquement gauloises sont attestées en grand nombre dans les Gélasiens du VIIIè siècle

- tous les manuscrits qui nous sont parvenus sont continentaux, le meilleur est le Gellonensis , voir aussi l’Engolismensis.

L’origine serait un monastère bénédictin des Gaules : Volvic en Auvergne ou plus probablement Flavigny en Bourgogne [12]. Il a surtout rayonné sur l’est des Gaules puis en Allemagne.

Contenu

Œuvre syncrétiste à prédominance romaine

Gélasien du type Reginensis
Grégorien II du type Paduensis
Sacramentaires gallicans ╠► Gélasien du VIIIè siècle
coutumier monastique
libelli de type léonien

La disposition est du Grégorien ( liste unique ) mais les messes sont ordonnées selon le Gélasien ( 6 éléments ). On remarque une prédilection pour les rituels du Gélasien ancien.

Date et durée

Probablement rédigé sous Pépin et même pendant le séjour en Gaule d’Etienne II ( 754-760 ). Sa diffusion rapide laisse penser que ce n’est pas une entreprise privée, il mériterait le surnom de ‘Sacramentaire de Pépin le bref’. Mais il ne fut pas accompagné d’une politique d’unification liturgique suffisament forte, contrairement à ce qui se passera sous Charles Ier.

Selon Deshusses, on réunit en un seul recueil le Gélasien et le Grégorien II Paduense déjà connu en Gaule, puis on égalisa le tout en éliminant les textes semblables ou en réduisant un trop grand nombre de pièces différentes pour un seul formulaire [13].

Il fut détrôné par l’arrivée de l’Hadrianum, mais commenca à être éliminé seulement après que celui-ci soit supplémenté : le supplément de l’Hadrianum étant en partie réalisé avec le Gélasien franc.

Le Sacramentaire de Gellone

Le manuscrit [14] date de 790-800, réalisé en France septentrionale. Il est l’unique représentant de la recension primitive du Gélasien du VIIIè s.

Il semblerait avoir été copié pour la cathédrale de Cambrai pour Hildoard ( 790-816) qui participa au mouvement d’unification liturgique. Au début de IXè s. il se retrouve à Gellone ( St Guilhem le désert ). Son état de conservation montre qu’il fut peu utilisé.

Il est organisé en deux parties :

- le Sacramentaire proprement dit dont le plan est calqué sur le ou Grégorien
- une série de complément correspondant aux livres 2 et 3 du Gélasien Ancien

Les autres Gélasiens francs

Les autres Gélasiens du VIIIè s. dérivent, semble-t-il, d’une révision systématique du Gellonensis :

En Gaule
Engolismensis fin VIIIè ou début IXè s.
Angoulême
Sacramentaire de Phillipps dernières années du VIIIè s.
Est de la Gaule et région de Trèves
En Alémanie
Sangallensis vers 790-800 ou mieux 813-817
Nord Italie, Coire et St Gall
Rheinau
En Italie
Monza
...

- 

les sacramentaires dits ‘gregoriens’

La première édition su Sacramentaire Grégorien date de 1571 ( Pamelius ). La tradition donne saint Grégoire comme auteur, mais sans évidence spécifique.

Tous les différents types de Grégorien ont comme titre :

Incipit liber sacramentorum de circulo anni expositus a s. Gregorio papa romano editus.

Origine et caractéristiques

L’Eglise latérane développe ses livres propres : on a donc un livre pour la liturgie pontificale. Les fêtes présentes nous donnent une date précise d’après le Liber pontificalis : Honorius I ( 625-638 ). Le texte fut augmenté avec de nouvelles liturgies stationnelles et de nouvelles fêtes.

Les Sacramentaires Grégoriens se distinguent de la famille gélasienne par les caractéristiques suivantes :
- ils ignorent la division en trois livres, et en particulier la séparation Temporal-Sanctoral :le Temporal et le Sanctoral sont fondus en une seule suite s’entrelaçant selon une disposition particulière.
- il n’y a que trois oraisons par formulaire :oratio, super oblata, ad complendum,
parfois reste une super populum
- les préfaces sont réduites en nombre
- la station est indiquées pour tous les messes ( liturgie pontificale )

Divisions

Il y a deux types de Grégoriens :

- papal : Sacramentaire de saint Jean de Latran

- presbytéral : adaptation pour les tituli surtout saint Pierre vers 650

Sur les 35 Grégoriens qui nous sont parvenus, 4 sont importants :

Hadrianumpropredu Latran
fin VIIIè siècle
Hadrianum cum supplementodébut IXè siècle
Paduense papal modifié
670-680
Tridentinumsous Serge Ier
687-701

Le Paduense et le Tridentinum nous montrent le Sacramentaire dans son état du VIIè siècle. L’Hadrianum nous le montre dans son développement supérieur.

Le Grégorien de type I

L’Hadrianum

Charlemagne demande un Sacramentaire romain pur pour unifier la liturgie : en 783, il demande au pape, par l’intermédiaire de Paul Diacre ce Sacramentaire qui lui est envoyé en 785 grâce à Jean de Ravennes par Hadrien accompagné de la lettre suivante : De sacramentario vero a sancto disposito prædecessore nostro deifluo Gregorio papa : immixtum vobis emitteremus iampridem Paulus Grammaticus a nobis eum (=id) pro vobis petente secundum sanctæ nostræ Ecclesiæ tradicionem, per sanctum Ioannem monachum atque abbatem civitatis Ravennantium Vestræ regali emisimus Excellentiæ. [15]

Il servit alors de modèle à de nombreuses copies caractériées par la mention : ex authentico libro bibliothecæ cubiculi scriptum.

La copie principale utilisée par nos éditions est le manuscrit d’Hildoard, copié en 812 sur l’ordre d’Hildoard, évêque de Cambrai.

L’Hadrianum semblait aux yeux des spécialistes de la cour manquer de nombreux éléments ( dimanches post Pentecosten : n’auraient-ils pas compris l’utilité des oraisons quotidiennes ?, nombre très réduit des préfaces...) [16] , d’où la nécessité d’un supplément, d’autant plus que le latin de l’Hadrianum semblait déficient pour les latinistes d’Aix.

La correspondance montre que Charlemagne s’est plaint de ces manques, l’embarras du Pape se conçoit aisément si l’on considère l’absence d’unification liturgique qui caractérise Rome à cette époque où aucun Sacramentaire, d’aucune autorité, n’est imposé à la pratique liturgique : Hadrien envoit un livre ‘authentique’ mais qui, de collection ancienne, devait devenir un livre officiel pour l’Empire.

Le manuscrit : par la présence de la fête de saint Urbain établie par Grégoire III, il est datable vers 735. Il est donc en retard de 50 ans sur la situation romaine sous Hadrien.

L’Hadrianum cum supplemento

Le règne de l’Hadrianum fut bref : deux décennies : le supplément aurait été recueilli et composé entre 810 et 815 sous Charlemagne et Louis le Pieux par saint Benoît d’Aniane ( †821 ) [17] qui corrige le latin de l’Hadrianum et ajoute des éléments qui semblent utiles pour les usages gallicans. La plupart de ces ajouts viennent du Gélasien Ancien, du Grégorien de type II et du Gélasien franc ( qui ainsi prend sa révanche sur le Grégorien ) [18].

La préface hucusque indique les intentions de l’auteur :
- distinguer le pur Grégorien des ajouts, on dispose donc pour cela d’un exemplaire antérieur à l’Hadrianum,
- corriger les erreurs grammaticales,
- remplir les lacunes de l’Hadrianum ( dimanches...),
- ajouter les éléments nécessaires à l’usage gallican,
- compléter le sanctoral en le gallicanisant. Cette préface disparaît à partir de 850 quand le supplément sera incorporé à l’intérieur-même de l’Hadrianum.

Le Grégorien de type II : le Paduense

Il serait un prototype romain pour l’usage de la basilique saint Pierre vers 650, ce n’est donc pas un Sacramentaire papal, il omet de nombreux textes pontificaux ( baptême, ordinations...) et il ajoute des formulaires nécessaires pour un lieu de pélérinage tirés du Gélasien.

Il date d’avant 683 ( fête de saint Georges au Vélabre, ajoutée en 683, présente dans l’Hadrianum et le Tridentinum, absente du Padouense ) mais il fut copié en Gaule sous Lothaire ( 840-845 ), il est unique. Les formulaires des Jeudis de Carême furent ajoutés hors de Rome.

Le Grégorien pré-hadrianique : le Tridentinum

Il aurait été confectionné vers 685 sur la base du Grégorien primitif et serait parvenu en Gaule à la fin du VIIIè s. ou au début du IXè s., parallèlement à l’Hadrianum . Il reflète l’état de celui-ci avant Serge Ier ( 687-701 ).

Le seul exemplaire connu du préhadrien est le Tridentinum, copié dans un monastère tyrolien dépendant de l’archevêché de Salzbourg vers 825. L’archevêque était Arnon, ami d’Alcuin et de saint Benoît d’Aniane. Il fut utilisé à Tours, début IXè s., par Alcuin pour la confection de son Sacramentaire dit ‘Missel d’Alcuin’ à l’usage de l’abbaye Saint-Martin.

- 

les gregoriens mixtes ou gelasianises

A partir de la seconde moitié du IXè s., on assiste à la fusion de l’Hadrianum et de son Supplément, ce qui entraîne des réaménagements.

Aux Xè et XIè siècles, il y a encore des adaptations de Sacramentaires que l’on appelle Grégoriens mixtes ou encore Grégoriens gélasianisés : les Grégoriens sont enrichis par des pièces du Gélasien franc qui n’étaient pas rentrées dans le Supplément.

La ‘gélasianisation’ est telle que l’on en arrive à ‘créer’ un véritable Gélasien sur la base de l’Hadrianum supplémenté [19].

Le principal témoin des Sacramentaires mixtes est le Sacramentaire de Fulda, vers 975.

Hadrianum cum supplemento
╠► Gregorianum mixtum
Gelasianum VIIIi sæculi

A la fin du Xè siècles, les Grégoriens mixtes sont apportés à Rome par la renovatio Imperii des Othons, ils deviennent la norme liturgique.

La décadence liturgique est telle qu’en 998, le pape Grégoire V demande à l’abbaye de Reichnau une copie du Sacramentaire tous les ans car à Rome, il n’y a plus de scriptoria...cette règle demeure en vigueur encore un siècle après.

vers le missel

Le missel de la Curie du XIIIè s. appartient à la famille des Grégoriens mixtes. Ce missel sera répandu partout par les franciscains.

L’époque des Sacramentaires est considérées comme close début XIIè s., c’est alors l’époque du Missale plenarium :

Sacramentarium
Lectionnarium ╠► Missale plenarium  [20]
Antiphonale

Le missel plénier est une conséquence d’une nouvelle manière de voir la messe : celle-ci cesse d’être une actio où célébrant, ministres, chantres et peuple collaborent et ont un rôle actif à remplir. Le célébrant prêtre, désormais seul agent du processus eucharistique, sera doté d’un livre nouveau.

Conclusion : le Missel de 1570 est fondé sur les Grégoriens mixtes. Le fond Sacramentaire du Missale Romanum a donc l’hérédité suivante :

Hadrianum cum Supplemento (+ Gelasianum VIIIi sæculi)

Gregorianum mixtum

Missale secundum consuetudinem Curiæ

Missale Romanum 1570

Missale Romanum 1970

[1] Cf. textes in AUGÉ, o.c.

[2] Cf. textes in AUGÉ, o.c.

[3] MANSI 3, 1163.

[4] CHAVASSE, Le sacramentaire gélasien..., p.680.

[5] PALAZZO, o.c., p. 61.

[6] Cf. PALAZZO, o.c., p. 64.

[7] Cf. PALAZZO, o.c., p. 66, n.1.

[8] CHAVASSE, o.c., p. 681-682.

[9] PALAZZO, o.c., p. 61.

[10] Palazzo donne comme terminus ad quem 701 car le gélasien ne contient pas le Sanctus introduit à Rome par serge Ier ( 687-701 ), cf. PALAZZO, o.c., p. 58 ; mais d’autres indiquent déjà le Sanctus présent en 530...

[11] Cf. PALAZZO, o.c., p. 69-70.

[12] Malgré l’absence de preuves certaines, on a longtemps attribué sa paternité à saint Chrodegang, évêque de Mets de 742 à 766 et grand admiratuer de la liturgie romaine, cf. PALAZZO, o.c., p. 71, n.1.

[13] “La structure du gélasien du VIIIè s. révèle un travail méticuleux et très réfléchi de la part des moines liturgistes.”, cf. PALAZZO, ibid.

[14] DESHUSSES Dom J., Introductio, in Liber sacramentorum Gellonensis, cura A. Dumas editus, CC/SL, CLIX A, Turnholti, Brepols, 1981, pp. vii-xxxvi.

[15] “En ce qui concerne le sacramentaire mis en ordre par notre prédécesseur le pape Grégoire ( il faut remarquer ceci ) : étant donné que depuis un certain temps déjà, Paul le Grammairien nous a prié de vous envoyer un exemplaire, pur de tout mélange et conforme à la tradition de notre sainte Eglise, nous le transmettons à Votre Excellence royale par l’intermédiaire du moine Jean, abbé de Ravenne.”

[16] l’Hadrianum n’est pas LE sacramentaire de l’époque d’Hadrien, mais un résumé d’un Grégorien, mais non pas DU Grégorien dont le Paduense serait un témoin plus authentique.

[17] La théorie commune avant l’édition de Deshusses donnait Alcuin d’York comme auteur de ce supplément.

[18] D’autres sources encore : les messes votives d’Alcuin, des pièces wisigothiques ( §§ 1400-1414 du rituel des défunts )..., cf. PALAZZO, o.c., p. 76.

[19] Cf. PALAZZO, o.c., p. 78.

[20] Cf. plus bas.