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Octave de la Fête-Dieu (avant 1955)

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Sommaire

  Textes de la Messe  
  Office  
  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum  
  Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique  

En 1955, le Décret de simplification des rubriques a supprimé l’Octave de la Fête-Dieu. Depuis, au bréviaire, l’Office est réduit à la lecture de l’Écriture occurrente (ancien premier nocturne des Matines), la psalmodie est celle du jour de la semaine et non plus celle du Jour de la Fête.

Avant 1955, le jour Octave, c’est-à-dire aujourd’hui, ne le cédait qu’à une fête de Ière classe ‘primaire’, c’est-à-dire la Nativité de St Jean-Baptiste (quand Pâques tombe un 18 avril), la fête des Sts Pierre et Paul (quand Pâques tombe un 23 avril) et les fêtes locales de la dédicace ou du titulaire de l’église et des patrons principaux du lieu. C’est dire l’importance qu’avait cette Octave dans l’année liturgique avant 1955.

Jusqu’en 1929, les vêpres du jour étaient celles de la Fête-Dieu, en 1929, elles furent remplacées par les 1ères Vêpres du Sacré-Cœur : jusqu’en 1929, la Fête du Sacré-Cœur était en effet une fête de Ière classe ‘secondaire’, la seule d’ailleurs, et la réforme de Pie XI concernant les règles liturgiques de la Fête du Sacré-Cœur en 1929 la mit au rang des plus grandes fêtes : ce qui explique le changement des Vêpres. Pie XI introduisit aussi des changements au 1er Nocturne du jour Octave (voir plus bas).

Nous donnons ici l’Office des Matines avec les deux lectures patristiques propres à chaque jour, et les commentaires habituels.

On trouvera une introduction à l’Octave au Vendredi, et les commentaires généraux sur le jour même de la Fête ici.

Textes de la Messe

Pendant tous les jours de l’Octave, sauf le Dimanche, la Messe est dite comme au jour de la Fête

Office

L’Office est celui de la Fête, sauf les lectures des Matines. Comme il a été dit plus haut, la réforme de Pie XI concernant les règles liturgiques de la Fête du Sacré-Cœur en 1929 introduisit des changements au 1er Nocturne de ce jour. Jusqu’en 1929, la Fête du Sacré-Cœur, bien que perpétuellement fixée au lendemain de l’Octave figurait au Sanctoral du Missel et non au Temporal à la suite de la Fête-Dieu. Les lectures de l’Écriture Sainte assignées au vendredi figuraient toujours à ce jour au bréviaire, bien qu’elles soient perpétuellement empêchées.

Or pendant tous les jours de l’Octave de la Fête-Dieu, on lisait le Livre des Rois au 1er nocturne, sauf justement au jour Octave, qui reprenait les lectures de St Paul de la Fête-Dieu : le jour Octave n’avait donc pas de lectures propres de l’Écriture Sainte. Pie XI décida donc de remplacer les lectures de St Paul, déjà lues une semaine plus tôt, par celles du vendredi, continuation de celles de l’Octave et ‘perdues’ à cause de l’occurrence perpétuelle de la Fête du Sacré-Cœur.

On peut regretter ce changement : en effet, les lectures du 2nd Nocturne, sont une catéchèse de St Cyrille de Jérusalem qui dit justement que ses auditeurs viennent d’entendre le texte de St Paul (« L’Épître du bienheureux Apôtre que nous venons d’entendre chanter »).

A MATINES

Invitatorium Invitatoire
Christum Regem adorémus dominántem Géntibus : * Qui se manducántibus dat spíritus pinguédinem. Adorons le Christ-Roi, dominateur des nations : * Qui donne à ceux qui le mangent l’abondance de son esprit.
Psaume 94 (Invitatoire)
Hymnus Hymne [1]
Sacris solémniis iuncta sint gáudia,
Et ex præcórdiis sonent præcónia ;
Recédant vétera, nova sint ómnia,
Corda, voces, et ópera.
Qu’à ces solennités sacrées se joignent nos joies,
que du fond des cœurs résonne les louanges ;
loin de nous la vétusté, que tout soit nouveau,
les cœurs, les voix et les œuvres.
Noctis recólitur cœna novíssima,
Qua Christus créditur agnum et ázyma
Dedísse frátribus, iuxta legítima
Priscis indúlta pátribus.
Nous célébrons la mémoire de la dernière cène,
de cette nuit où nous savons que le Christ
partagea aux frères l’agneau et les azymes,
selon les rites légaux donnée à leurs pères [2].
Post agnum týpicum, explétis épulis,
Corpus Domínicum datum discípulis,
Sic totum ómnibus, quod totum síngulis,
Eius fatémur mánibus.
Après l’agneau figuratif, le repas terminé,
le corps du Seigneur fut donné aux disciples
tout entier à tous, tout entier à chacun,
par ses mains : c’est notre foi.
Dedit fragílibus córporis férculum,
Dedit et trístibus sánguinis póculum,
Dicens : Accípite quod trado vásculum ;
Omnes ex eo bíbite.
Aux faibles, il donna son corps en aliment,
aux tristes, il donna son sang en boisson,
disant : Prenez la coupe que je livre ;
buvez-en tous.
Sic sacrifícium istud instítuit,
Cuius offícium commítti vóluit
Solis presbýteris, quibus sic cóngruit,
Ut sumant, et dent céteris.
C’est ainsi qu’il institua ce sacrifice
dont il a voulu que le ministère
fût confié aux seuls prêtres : à eux il appartient
de s’en nourrir et d’en donner aux autres.
Panis Angélicus fit panis hóminum ;
Dat panis cǽlicus figúris términum ;
O res mirábilis : mandúcat Dóminum
Pauper servus et húmilis.
Le pain des Anges devient le pain des hommes ;
le pain du ciel met fin aux figures ;
o prodige admirable : il mange son Seigneur,
le pauvre, l’esclave, le tout petit.
Te, trina Déitas únaque, póscimus ;
Sic nos tu vísita, sicut te cólimus :
Per tuas sémitas duc nos quo téndimus,
Ad lucem quam inhábitas.
Amen.
O Dieu unique et Trine, nous vous le demandons ;
visitez-nous en ce jour où nous vous honorons ;
et, par vos sentiers [3], conduisez-nous au but auquel nous tendons,
vers la lumière que vous habitez !
Amen.
In I NocturnoAu 1er Nocturne
Ant. 1 Fructum salutíferum * gustándum dedit Dóminus mortis suæ témpore.Ant. 1 C’est un fruit apportant le salut * que le Seigneur nous a donné à savourer au temps de sa mort [4].
Psaume 1
Ant. 2 A fructu fruménti * et vini multiplicáti fidéles in pace Christi requiéscunt.Ant. 2 Multipliés par l’abondance du froment * et du vin, les fidèles se reposent dans la paix du Christ [5].
Psaume 4
Ant. 3 Communióne cálicis, * quo Deus ipse súmitur, non vitulórum sánguine, congregávit nos Dóminus.Ant. 3 C’est par la communion au calice * où l’on se nourrit de Dieu lui-même et non par le sang des taureaux, que le Seigneur nous a rassemblés [6].
Psaume 15
V/. Panem cæli dedit eis, allelúia.V/. Il leur a donné le pain du ciel [7], alléluia.
R/. Panem Angelórum manducávit homo, allelúia.R/. L’homme a mangé le pain des Anges, alléluia.
Lectio i1ère leçon
De libro primo Regum.Du premier Livre des Rois.
Cap. 8, 4-6.
Congregáti ergo univérsi maióres natu Israël venérunt ad Samuélem in Rámatha dixerúntque ei : Ecce tu senuísti, et fílii tui non ámbulant in viis tuis : constítue nobis regem, ut iúdicet nos, sicut et univérsæ habent natiónes. Displícuit sermo in óculis Samuélis, eo quod dixíssent : Da nobis regem, ut iúdicent nos. Et orávit Sámuel ad Dóminum.Tous les anciens d’Israël, s’étant donc assemblés, vinrent vers Samuel à Ramatha, et lui dirent : Voilà que vous êtes devenu vieux, et vos fils ne marchent pas dans vos voies ; établissez sur nous un roi, afin qu’il nous juge, comme en ont toutes les nations. Ce discours déplut à Samuel, parce qu’ils avaient dit : Donnez-nous un roi, afin qu’il nous juge. Et Samuel adressa des prières au Seigneur.
R/. Immolábit hædum multitúdo filiórum Israël ad vésperam Paschæ : * Et edent carnes et ázymos panes.R/. La multitude des enfants d’Israël immolera un chevreau au soir delà Pâque [8] : * Et ils en mangeront les chairs avec des pains azymes.
V/. Pascha nostrum immolátus est Christus : ítaque epulémur in ázymis sinceritátis et veritátis.V/. Notre agneau pascal, le Christ, a été immolé : mangeons-le avec les azymes de la sincérité et de la vérité [9].
* Et edent carnes et ázymos panes. * Et ils en mangeront les chairs avec des pains azymes.
Lectio ii2e leçon
Cap. 8, 7-9.
Dixit autem Dóminus ad Samuélem : Audi vocem pópuli in ómnibus quæ loquúntur tibi : non enim te abiecérunt sed me, ne regnem super eos. Iuxta ómnia ópera sua, quæ fecérunt a die qua edúxi eos de Ægýpto usque ad diem hanc, sicut dereliquérunt me et serviérunt diis aliénis, sic fáciunt étiam tibi. Nunc ergo vocem eórum audi ; verúmtamen contestáre eos et prædic eis ius regis, qui regnatúrus est super eos.Mais le Seigneur dit à Samuel : Écoute la voix du peuple en tout ce qu’ils te disent ; car ce n’est pas toi qu’ils ont rejeté, mais moi, afin que je ne règne pas sur eux. Comme ils ont toujours agi depuis le jour où je les ai fait monter d’Égypte jusqu’à présent, me délaissant pour servir d’autres Dieux, ainsi ils agissent envers toi. Maintenant donc écoute leur voix ; cependant avertis-les, et dis-leur d’avance le droit du roi, qui doit régner sur eux.
R/. Comedétis carnes, et saturabímini pánibus : * Iste est panis, quem dedit vobis Dóminus ad vescéndum.R/. Vous mangerez de la chair, et vous serez rassasiés de pain [10] : * Voici le pain que le Seigneur vous a donné à manger.
V/. Non Móyses dedit vobis panem de cælo, sed Pater meus dat vobis panem de cælo verum.V/. Moïse ne vous a point donné le pain du ciel, mais c’est mon Père qui vous donne le vrai pain du ciel [11].
* Iste est panis, quem dedit vobis Dóminus ad vescéndum. * Voici le pain que le Seigneur vous a donné à manger.
Lectio iii3e leçon
Cap. 8, 10-14.
Dixit ítaque Sámuel ómnia verba Dómini ad pópulum, qui petíerat a se regem, et ait : Hoc erit ius regis, qui imperatúrus est vobis. Fílios vestros tollet et ponet in cúrribus suis, faciétque sibi équites et præcursóres quadrigárum suárum ; et constítuet sibi tribúnos et centuriónes et aratóres agrórum suórum et messóres ségetum et fabros armórum et cúrruum suórum ; filias quoque vestras fáciet sibi unguentárias et focárias et paníficas ; agros quoque vestros et víneas et olivéta óptima tollet et dabit servis suis.C’est pourquoi Samuel dit toutes ces paroles au peuple, qui lui avait demandé un roi, et il ajouta : Voici le droit du roi, qui doit vous gouverner : Il prendra vos enfants, les emploiera à ses chars, et s’en fera des cavaliers et des avant-coureurs de ses quadriges, et il les établira ses tribuns, ses centurions, les laboureurs de ses champs, les moissonneurs de ses grains, et les forgeurs de ses armes et de ses chariots. Et de vos filles aussi il fera ses parfumeuses, ses cuisinières et ses boulangères. Vos champs mêmes, vos vignes et vos plants d’oliviers les meilleurs, il les prendra et les donnera à ses serviteurs.
R/. Respéxit Elías ad caput suum subcinerícium panem : qui surgens comédit et bibit : * Et ambulávit in fortitúdine cibi illíus usque ad montem Dei.R/. Élie vit auprès de sa tête un pain cuit sous la cendre : se levant, il mangea et but [12] : * Et il marcha dans la force de cette nourriture jusqu’à la montagne de Dieu.
V/. Si quis manducáverit ex hoc pane, vivet in ætérnum.V/. Si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement [13].
* Et ambulávit in fortitúdine cibi illíus usque ad montem Dei. Glória Patri. * Et ambulávit in fortitúdine cibi illíus usque ad montem Dei.* Et il marcha dans la force de cette nourriture jusqu’à la montagne de Dieu. Gloire au Père. * Et il marcha dans la force de cette nourriture jusqu’à la montagne de Dieu.
Leçons du 1er Nocturne avant 1929 :
De Epístola prima beáti Pauli Apóstoli ad Corínthios.De la première Épître du bienheureux Paul, Apôtre, aux Corinthiens.
Cap. 11, 20-22.
Conveniéntibus vobis in unum, iam non est Domínicam cœnam manducáre. Unusquísque enim suam cœnam præsúmit ad manducándum. Et álius quidem ésurit, álius autem ébrius est. Numquid domos non habétis ad manducándum et bibéndum ? aut Ecclésiam Dei contémnitis, et confúnditis eos, qui non habent ? Quid dicam vobis ? Laudo vos ? In hoc non laudo.Lorsque vous vous réunissez, ce n’est plus manger la cène du Seigneur. Car chacun anticipe le temps de prendre son repas. Et ainsi l’un souffre de la faim et l’autre regorge. N’avez-vous pas des maisons pour y manger et boire ? Ou méprisez-vous l’Église de Dieu, et voulez-vous faire honte à ceux qui n’ont rien ? Que vous dirai-je ? Vous en louerai-je ? Non, je ne vous en loue point [14].
Cap. 11, 23-26.
Ego enim accépi a Dómino quod et trádidi vobis, quóniam Dóminus Iesus, in qua nocte tradebátur, accépit panem, et grátias agens fregit, et dixit : Accípite et manducáte : hoc est corpus meum, quod pro vobis tradétur : hoc fácite in meam commemoratiónem. Simíliter et cálicem, postquam cœnávit, dicens : Hic calix novum testaméntum est in meo sánguine : hoc fácite, quotiescúmque bibétis, in meam commemoratiónem. Quotiescúmque enim manducábitis panem hunc, et cálicem bibétis, mortem Dómini annuntiábitis, donec véniat.Car j’ai reçu moi-même du Seigneur ce que je vous ai aussi transmis : que le Seigneur Jésus la nuit où il était livré, prit du pain, et rendant grâces, le rompit et dit : Prenez et mangez ; ceci est mon corps qui sera livré pour vous : faites ceci en mémoire de moi. De même le calice après qu’il eût soupé, disant : Ce calice est le nouveau testament en mon sang ; faites ceci, toutes les fois que vous boirez, en mémoire de moi. Car toutes les fois que vous mangerez ce pain et boirez ce calice, vous annoncerez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne.
Cap. 11, 27-32.
Itaque quicúmque manducáverit panem hunc, vel bíberit cálicem Dómini indígne, reus erit córporis et sánguinis Dómini. Probet autem seípsum homo : et sic de pane illo edat, et de cálice bibat. Qui enim mandúcat et bibit indígne, iudícium sibi mandúcat et bibit, non diiúdicans corpus Dómini. Ideo inter vos multi infírmi et imbecílles, et dórmiunt multi. Quod, si nosmetípsos diiudicarémus, non útique iudicarémur. Dum iudicámur autem, a Dómino corrípimur, ut non cum hoc mundo damnémur.C’est pourquoi quiconque mangera ce pain ou boira le calice du Seigneur indignement sera coupable du corps et du sang du Seigneur. Que l’homme donc s’éprouve lui-même, et qu’il mange ainsi de ce pain et boive de ce calice. Car quiconque en mange et en boit indignement, mange et boit son jugement, ne discernant point le corps du Seigneur. C’est pour cela qu’il y a parmi vous beaucoup d’infirmes et de languissants, et que beaucoup s’endorment. Que si nous nous jugions nous-mêmes, nous ne serions certainement point jugés. Et lorsque nous sommes jugés, c’est par le Seigneur que nous sommes repris, afin que nous ne soyons pas condamnés avec ce monde.
In II NocturnoAu 2nd Nocturne
Ant. 4 Memor sit Dóminus * sacrifícii nostri : et holocáustum nostrum pingue fiat.Ant. 4 Que le Seigneur se souvienne * de notre sacrifice, et que notre holocauste lui soit agréable [15].
Psaume 19
Ant. 5 Parátur * nobis mensa Dómini advérsus omnes, qui tríbulant nos.Ant. 5 Elle est dressée * pour nous, la table du Seigneur, contre tous ceux qui nous persécutent [16].
Psaume 22
Ant. 6 In voce exsultatiónis * résonent epulántes in mensa Dómini.Ant. 6 Que des accents d’allégresse * retentissent parmi les convives, à la table du Seigneur [17].
Psaume 41
V/. Cibávit illos ex ádipe fruménti, allelúia.V/. Il les a nourris de la fleur du froment [18], alléluia.
R/. Et de petra, melle saturávit eos, allelúia.R/. Et pour les rassasier, il a fait sortir le miel de la pierre [19], alléluia.
Lectio iv4e leçon
Sermo sancti Cyrilli Epíscopi Ierosolymitáni.Sermon de saint Cyrille, Évêque de Jérusalem.
Catechesis mystagog. 4
Ipsa beáti Pauli doctrína abúnde suffícere vidétur, ut certam vobis de divínis mystériis fidem fáciat, quibus digni rédditi, concorpórei, ut ita dicam, et consanguínei Christi facti estis. Ipse enim modo clamábat, quod in nocte qua tradebátur Dóminus noster Iesus Christus, accípiens panem, et grátias agens fregit, et dedit discípulis suis, dicens : Accípite, et manducáte : hoc est corpus meum. Et accípiens cálicem, et grátias agens, dixit : Accípite, et bíbite : hic est sanguis meus. Cum ígitur ipse de pane pronuntiáverit ac díxerit : Hoc est corpus meum ; quis audébit deínceps ambígere ? Et cum idem ipse tam asseveránter díxerit : Hic est sanguis meus ; quis umquam dubitáverit, ut dicat non esse eius sánguinem ?La seule doctrine du bienheureux Paul me paraît suffire largement à vous donner une foi certaine en ces mystères sacrés dont vous avez été rendus dignes, et qui ont fait de vous des êtres ayant avec le Christ un même corps et un même sang, pour ainsi parler. L’Épître du bienheureux Apôtre que nous venons d’entendre chanter nous rappelle « que notre Seigneur Jésus-Christ, la nuit qu’il fut livré, prenant du pain et rendant grâces, le rompit et le distribua à ses disciples, disant : Prenez et mangez, ceci est mon corps » [20]. Prenant ensuite le calice et rendant grâces, il ajouta : Prenez et buvez, ceci est mon sang. Or, puisqu’en parlant du pain, il a dit nettement : Ceci est mon corps ; qui osera hésiter dans sa foi ? Et puisqu’il a dit d’une manière positive : Ceci est mon sang ; qui jamais en pourra douter et dire que ce n’est pas son sang ?
R/. Cœnántibus illis, accépit Iesus panem, et benedíxit, ac fregit, dedítque discípulis suis, et ait : * Accípite et comédite : hoc est corpus meum.R/. Pendant qu’ils soupaient, Jésus prit du pain, le bénit, le rompit, et le donna à ses disciples, disant [21] : * Prenez et mangez : ceci est mon corps.
V/. Dixérunt viri tabernáculi mei : Quis det de cárnibus eius, ut saturémur ?V/. Les hommes qui demeurent sous ma tente ont dit : Qui nous donnera de nous rassasier de sa chair [22] ?
* Accípite et comédite : hoc est corpus meum. * Prenez et mangez : ceci est mon corps.
Lectio v5e leçon
Aquam olim in vinum convértit in Cana Galilǽæ, quod habet quamdam cum sánguine propinquitátem : et eum parum dignum existimábimus, cui credámus quod vinum in sánguinem transmutárit ? Ad eas núptias, quibus córpora copulántur, vocátus, præter opiniónem ómnium hoc fecit miráculum : et non multo magis sic eum corpus et sánguinem suum fruénda nobis donásse persuásum fírmiter habébimus, ut ea cum omni certitúdine tamquam corpus ipsíus et sánguinem sumámus ? Nam in spécie panis dat nobis corpus, et in spécie vini dat nobis sánguinem : ut, cum súmpseris, gustes corpus et sánguinem Christi, factus eiúsdem córporis et sánguinis párticeps. Sic enim effícimur Christíferi, hoc est, Christum in corpóribus nostris feréntes, cum corpus eius et sánguinem in membra nostra recípimus : sic secúndum beátum Petrum, divínæ natúræ consórtes réddimur.Autrefois, à Cana de Galilée, il changea l’eau en vin (le vin n’est pas sans quelque ressemblance avec le sang), et nous estimerions peu digne de lui, de croire qu’il a changé le vin en son sang ? C’est invité, à des noces terrestres, qu’il a fait ce miracle qui étonna tous les convives. Et nous n’aurions pas une conviction beaucoup plus ferme qu’il a mis à notre disposition son corps et son sang, pour que nous les prenions avec une entière certitude, comme étant bien son corps et son sang ? Car sous l’espèce du pain il nous donne son corps, et sous l’espèce du vin il nous donne son sang ; de sorte que lorsque tu manges le corps, lorsque tu bois le sang du Christ, c’est réellement à son corps et à son sang que tu participes. C’est ainsi que nous devenons en effet christifères, c’est-à-dire porteurs du Christ en nos personnes, quand nous faisons passer dans nos membres son corps et son sang ; c’est ainsi d’après le bienheureux Pierre, « que nous devenons participants de la nature divine » [23].
R/. Accépit Iesus cálicem, postquam cœnávit, dicens : Hic calix novum testaméntum est in meo sánguine : * Hoc fácite in meam commemoratiónem.R/. Jésus prit le calice après avoir soupe, disant : Ce calice est la nouvelle alliance en mon sang [24] : * Faites ceci en mémoire de moi.
V/. Memória memor ero, et tabéscet in me ánima mea.V/. J’en conserverai toujours la mémoire, et mon âme sera comme défaillante d’amour à ce souvenir [25].
* Hoc fácite in meam commemoratiónem. * Faites ceci en mémoire de moi.
Lectio vi6e leçon
Olim cum Iudǽis Christus dísserens, Nisi manducavéritis, inquit, carnem meam, et bibéritis meum sánguinem, non habébitis vitam in vobis. Cum autem illi, quæ dicta fúerant, non spiritáliter accepíssent, offénsi abiérunt retro ; putábant enim quod eos ad manducándas carnes hortarétur. Erant et in véteri testaménto panes propositiónis ; verum illi cum fúerint véteris testaménti, finem iam accepérunt. In novo vero testaménto panis est cæléstis et calix salutáris, qui et ánimam et corpus sanctíficant. Quam ob rem non sic hæc atténdas velim, tamquam sint nudus et simplex panis, nudum et simplex vinum ; corpus enim sunt et sanguis Christi. Nam étiam si sensus illud tibi renúntiat, fides tamen te confírmet. Ne iúdices rem ex gustu : sed te citra ullam dubitatiónem fides certum reddat, quod sis dignus factus, qui córporis et sánguinis Christi párticeps fíeres.Autrefois, s’entretenant avec les Juifs, le Christ leur disait : « Si vous ne mangez pas ma chair, et ne buvez mon sang, vous n’aurez point la vie en vous » [26]. N’ayant pas compris spirituellement ces paroles, ils se retirèrent offensés, s’imaginant qu’il les exhortait à manger des morceaux de chair humaine. L’ancienne alliance elle-même, avait des pains de proposition : appartenant à l’ancienne alliance, ils ont disparu avec elle. Dans le nouveau Testament, nous avons un pain céleste et un calice de salut, qui sanctifient l’âme et le corps. Ces saintes choses étant le corps et le sang du Christ, de grâce, ne les regarde pas comme si elles étaient purement et simplement du pain, purement et simplement du vin. Quoi qu’en disent les sens, que ta foi se rassure. Ne juge pas d’après le goût ; mais que la foi, ne laissant subsister aucun doute, te rende absolument certain que tu as l’honneur de participer au corps et au sang du Christ.
R/. Ego sum panis vitæ ; patres vestri manducavérunt manna in desérto, et mórtui sunt [27] : * Hic est panis de cælo descéndens, ut, si quis ex ipso mandúcet, non moriátur.R/. Je suis le pain de vie ; vos pères ont mangé la manne dans le désert et sont morts : * C’est ici le pain qui descend du ciel, afin que celui qui le mange ne meure pas.
V/. Ego sum panis vivus, qui de cælo descéndi : si quis manducáverit ex hoc pane, vivet in ætérnum.V/. Je suis le pain vivant, qui suis descendu du ciel, si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement.
* Hic est panis de cælo descéndens, ut, si quis ex ipso mandúcet, non moriátur. Glória Patri. * Hic est panis de cælo descéndens, ut, si quis ex ipso mandúcet, non moriátur.* C’est ici le pain qui descend du ciel, afin que celui qui le mange ne meure pas. Gloire au Père. * C’est ici le pain qui descend du ciel, afin que celui qui le mange ne meure pas.
In III NocturnoAu 3ème Nocturne
Ant. 7 Introíbo * ad altáre Dei : sumam Christum, qui rénovat iuventútem meam.Ant. 7 Je viendrai * à l’autel de Dieu, je recevrai le Christ qui renouvelle ma jeunesse [28].
Psaume 42
Ant. 8 Cibávit nos Dóminus * ex ádipe fruménti : et de petra, melle saturávit nos.Ant. 8 Le Seigneur nous a nourris * de la fleur du froment, et pour nous rassasier il a fait sortir le miel de la pierre [29].
Psaume 80
Ant. 9 Ex altári tuo, * Dómine, Christum súmimus : in quem cor et caro nostra exsúltant.Ant. 9 A votre autel, * Seigneur, nous recevons le Christ, en qui exultent notre cœur et notre chair [30].
Psaume 83
V/. Edúcas panem de terra, allelúia [31].V/. Faites sortir le pain de la terre, alléluia.
R/. Et vinum lætíficet cor hóminis, allelúia.R/. Et que le vin réjouisse le cœur de l’homme, alléluia.
Lectio vii7e leçon
Léctio sancti Evangélii secundum Ioánnem.Lecture du saint Évangile selon saint Jean.
Cap. 6, 56-59.
In illo témpore : Dixit Iesus turbis Iudæórum : Caro mea vere est cibus, et sanguis meus vere est potus. Et réliqua.En ce temps-là : Jésus, dit aux Juifs : Ma chair est vraiment une nourriture, et mon sang est vraiment un breuvage. Et le reste.
Homilía sancti Cyrilli Epíscopi Alexandríni.Homélie de saint Cyrille, Évêque d’Alexandrie.
Liber 4 in Ioann., cap. 17
Qui mandúcat, inquit, carnem meam et bibit sánguinem meum, in me manet, et ego in illo. Sicut enim si quis liquefáctæ ceræ áliam ceram infúderit, álteram cum áltera per totum commísceat necésse est ; sic qui carnem et sánguinem Dómini récipit, cum ipso ita coniúngitur, ut Christus in ipso, et ipse in Christo inveniátur. Símili quodam modo apud Matthǽum compéries. Símile est, inquit, regnum cælórum ferménto, quod accéptum abscóndit múlier in farínæ satis tribus. Sicut parum, ut Paulus ait, ferménti totam massam ferméntat, sic párvula benedíctio totum hóminem in seípsam áttrahit, et sua grátia replet ; et hoc modo in nobis Christus manet, et nos in Christo.« Qui mange ma chair et boit mon sang, dit Jésus-Christ, demeure en moi et moi en lui » [32]. De même, en effet, que si l’on verse dans de la cire en fusion d’autre cire, il arrive nécessairement que l’une se mêle tout à fait avec l’autre ; ainsi celui qui reçoit la chair et le sang du Seigneur, s’unit si intimement à lui, que le Christ réside en lui, et qu’il est lui-même dans le Christ. On trouve une comparaison analogue dans saint Matthieu : « Le royaume du ciel, dit-il, est semblable au levain qu’une femme prend et mêle dans trois mesures de farine » [33]. Comme « un peu de levain, dit saint Paul, fait lever toute la pâte » [34], de même une petite eulogie [35] attire en elle l’homme tout entier et le remplit de sa grâce ; et de cette façon le Christ demeure en nous, et nous dans le Christ.
R/. Qui mandúcat meam carnem et bibit meum sánguinem, * In me manet, et ego in eo.R/. Celui qui mange ma chair et boit mon sang [36], * Demeure en moi et moi en lui.
V/. Non est ália nátio tam grandis, quæ hábeat deos appropinquántes sibi, sicut Deus noster adest nobis.V/. Il n’est point d’autre nation, si grande qu’elle soit, qui ait des dieux s’approchant d’elle, comme notre Dieu est présent pour nous [37].
* In me manet, et ego in eo. * Demeure en moi et moi en lui.
Lectio viii8e leçon
Nos vero, si vitam ætérnam cónsequi vólumus, si largitórem immortalitátis habére in nobis desiderámus, ad recipiéndam benedictiónem libénter concurrámus ; caveamúsque ne loco láquei damnósam religiónem diábolus nobis præténdat. Recte (inquit) dicis ; scriptum tamen esse non ignorámus, iudícium sibi comédere atque bíbere illum, qui de pane cómedit et de cálice bibit indígne. Ego ígitur probo meípsum, et indígnum invénio. Quando ígitur, quicúmque tu es qui ista dicis, dignus eris ? quando Christo teípsum ófferes ? Nam si peccándo indígnus es, et peccáre non désinis, (quis enim delícta intélligit ? secúndum Psalmístam) expers omníno eris vivíficæ huius sanctificatiónis.Si donc nous voulons atteindre à la vie éternelle, si nous désirons posséder en nous le dispensateur de l’immortalité, accourons avec ardeur pour recevoir la divine eulogie ; prenons garde que le diable, nous tendant un piège, ne nous arrête par une crainte préjudiciable à nos âmes. Ce que tu affirmes est juste, dira-t-on ; il est cependant écrit, nous ne l’ignorons pas, « qu’il mange et boit son jugement, celui qui mange de ce pain et boit de ce calice indignement » [38]. En conséquence, je m’éprouve moi-même, et je me trouve indigne. Toi qui parles ainsi, qui que tu sois, quand donc seras-tu digne ? Quand viendras-tu te présenter au Christ ? Car tu es indigne à cause de tes péchés, et si tu pèches toujours (qui, en effet, comprend ses fautes ? a dit le psalmiste [39]) tu seras à jamais privé de cette vivifiante sanctification.
R/. Misit me vivens Pater, et ego vivo propter Patrem : * Et qui mandúcat me, vivet propter me.R/. Mon Père qui vit m’a envoyé, et je vis par mon Père [40] : * Et celui qui me mange vivra aussi par moi.
V/. Cibávit illum Dóminus pane vitæ et intelléctus.V/. Le Seigneur l’a nourri du pain de vie et d’intelligence [41].
* Et qui mandúcat me, vivet propter me. Glória Patri. * Et qui mandúcat me, vivet propter me.* Et celui qui me mange vivra aussi par moi. Gloire au Père. * Et celui qui me mange vivra aussi par moi.
Lectio ix9e leçon
Quare pias, quæso, cogitatiónes suscípias, studióse sanctéque vivas, et benedictiónem partícipes : quæ (mihi crede) non mortem solum, verum étiam morbos omnes depéllit. Sedat enim, cum in nobis máneat Christus, sæviéntem membrórum nostrórum legem : pietátem corróborat, perturbatiónes ánimi exstínguit, ægrótos curat, collísos redíntegrat : et sicut pastor bonus, qui ánimam suam pro óvibus pósuit, ab omni nos érigit casu.Prends donc, je t’en conjure, de saintes pensées, applique-toi à mener une vie pure, et participe à la communion, laquelle, crois-moi, n’écarte pas seulement la mort, mais aussi les maladies. Car le Christ, lorsqu’il demeure en nous, comprime la tyrannie de nos membres révoltés, fortifie la piété, éteint dans l’âme les passions ; il guérit les malades, refait et ranime les cœurs brisés, et comme le bon pasteur qui a donné sa vie pour ses brebis, nous relève de toutes nos chutes.
Te Deum

A LAUDES.

Comme au jour de la Fête, ici.

AUX VÊPRES.

Avant 1929 : comme aux deuxièmes Vêpres de la Fête-Dieu, ici, sans commémoraison de la Fête du Sacré-Cœur.

Depuis 1929 : les premières Vêpres de la Fête du Sacré-Cœur.

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

La radieuse Octave consacrée au triomphe du divin Sacrement termine aujourd’hui son cours ; et, bien que nous ayons anticipé de trois jours entiers sur la fête elle-même, à peine avons-nous effleuré, dans ces pages, le sujet auguste proposé par l’Église à nos contemplations et à notre amour : tant est grande la richesse du sacré mémorial, ineffable résumé, sommaire divin des merveilles divines [42], dernier terme ici-bas d’un amour infini [43] !

Fiancée à l’humanité dès le sein du Père, la Sagesse éternelle est venue jusqu’à l’homme en cette prison obscure où la mort, fille du péché, l’avait fait son esclave [44] ; et l’embrassant étroitement dans l’acte du Sacrifice qui donne à Dieu gloire infinie, satisfaction entière, elle consomme avec lui son alliance au banquet dont la victime sacrée qu’elle immole est l’aliment [45]. D’elle à l’homme désormais la distance est comblée. Elle triomphe dans son amour ; et son désir est d’être maintenant pour qui l’a connue au saint banquet, la compagne dévouée de sa vie terrestre [46], en attendant le jour des célestes jouissances.

Ils sont rares ceux qui, comme le Bienheureux Henri Suso, comme saint Laurent Justinien, entendent pleinement l’ineffable mystère. Mais si le don céleste est multiple et divers dans son application, c’est néanmoins à la face du monde, en tête des foules, aux portes des villes et sur les places [47], que retentit l’appel pressant des saints Livres aux plus petits des enfants des hommes : « Dis à la Sagesse : Tu es ma sœur ; appelle-la ton amie [48] ; choisis-la pour épouse [49]. Ses voies sont belles et pures ; elle sera ta joie dans ses chastes amours [50]. Elle t’entourera comme une robe de gloire ; elle sera ta couronne d’honneur, et t’enserrera tout entier comme un sur rempart » [51].

O homme, ô fils d’Adam pétri du limon [52], qu’es-tu donc pour qu’on se souvienne de toi dans les palais des cieux [53] ? Désiré toi aussi des collines éternelles [54], qu’as-tu fait pour mériter ces grandeurs [55] ?

Ne crains pas cependant. « N’hésite point à ma faible parole », s’écrie saint Cyrille, le vengeur à Ephèse des noces divines dont l’Eucharistie est l’extension glorieuse : « n’aie point égard à ma chétive personne ; mais entends la grande voix, pèse l’autorité de ceux qui ont annoncé ces choses. Cène sont point des hommes de néant, des hérauts de carrefour, des messagers vulgaires, qui les ont publiées. Mais cette mission, le Roi des rois l’a confiée au plus illustre : Salomon, du haut de son trône, a révélé l’arcane ; revêtu de la pourpre, le front ceint du diadème, il a proclamé les éternels desseins de Celui qui établit et renverse les rois. A la dignité du héraut, connais l’autorité du message » [56].

Peuple chrétien, peuple de rois [57], qu’attendent aux cieux les diadèmes et les sièges de gloire [58], c’est à toi qu’il s’adresse. Connais aussi ta dignité. Écoutant le héraut, comprends d’où te vient ta grandeur ; sache en porter les sublimes conséquences.

« A vous donc, ô rois, dit Salomon, s’adresse mon discours. Princes et puissants, prêtez l’oreille : si vous aimez les sceptres et les trônes, connaissez la Sagesse, aimez-la d’amour pour régner à jamais [59]. Plus glorieuse qu’un royaume, plus riche que les trésors, plus belle que la beauté, je l’ai aimée plus que la vie, j’en ai fait ma lumière [60]. Ce qu’elle est, je vous le dirai ; je vous raconterai sa naissance. Je ne vous cacherai point les mystères divins ; mais remontant à sa première origine, je mettrai en pleine lumière ce que Dieu m’a donné d’en savoir, et ne dissimulerai point la vérité [61]. Sans feinte je l’ai apprise, sans envie j’en fais part [62]. Comprenez donc ; instruisez-vous à mon discours, et qu’il vous profite [63] ! »

Plût au ciel qu’il nous eût été donné de remplir dignement pareil programme [64], en ces jours où la Sagesse invite l’homme à sonder les excellences du Pain sacré qui fait les délices des rois ses convives [65] !

Au pied de la colonne de nuée où pour nous elle réside [66], l’Église, fondée par elle dans l’unité comme une ville puissante, rassemble aujourd’hui encore les tribus d’Israël [67], la nation sainte, le peuple racheté, la race d’élite de ses fils pontifes et rois [68], pour témoigner de leur foi, pour chanter leur amour, et célébrer la paix qui demeure par elle en ses murailles, l’abondance qui règne en ses tours [69]. C’étaient là ces jours d’exultation universelle autour de l’Hostie sainte, que l’Esprit découvrait dans le lointain des âges aux regards éblouis de Jésus fils de Sirach, et qui le faisaient s’écrier dans un pieux transport : « La Sagesse se louera a elle-même ; elle s’honorera en Dieu, et se glorifiera au milieu de son peuple. Elle ouvrira sa a bouche dans les assemblées du Très-Haut, et a triomphera devant ses armées. Les foules l’exalteront ; l’assemblée sainte admirera ses attraits ; la multitude des élus chantera ses louanges, et les bénis du Père l’adoreront dans l’amour » [70].

« Bienheureux l’homme », dit-il encore et toujours au futur, « qui demeurera près d’elle ! Heureux qui médite ses voies dans son cœur et comprend ses secrets, qui poursuit toutes ses traces et lui tend des embûches d’amour [71], qui plonge la vue dans sa demeure et l’entend du dehors ! Aux murs de son palais il fixera le pieu qui soutient la tente de son pèlerinage. Il établira ses fils sous son ombre. Elle-même en ses délices [72] sera pour lui le voile protecteur, et il reposera dans sa gloire » [73].

Maison de Dieu, maison du festin des rois [74], que parfument par ses soins le baume, la mvrrhe et l’encens des cieux [75], meilleur que mille autres est un seul jour dans vos parvis ! Mon âme détaille à leur pensée [76]. Inquiet jadis, solitaire sur un toit étranger [77], le passereau s’est trouvé une demeure ; pour ses petits la tourterelle ne craint plus désormais, dans le nid d’amour où ils reposent à l’ombre de vos autels [78]. Dans le secret de la nuée, loin des heurts de cette terre et des conflits humains, là, dès l’aurore, la Sagesse verse en eux sa lumière et ses voluptés saintes [79]. Là, chaque jour, s’organiseront les chœurs ; là, à toute heure, retentiront les psaumes et les chants d’allégresse, autour de l’Hostie salutaire [80], de l’Agneau immolé toujours debout [81], vrai Dieu vivant sur l’autel devenu son trône, vrai Dieu des dieux résidant en Sion » [82].

Elle ne sera donc plus veuve désormais cette terre qui a reçu l’ineffable secret des noces divines. Joie du matin [83], céleste ivresse où germent les vierges [84], rapides instants où la beauté qui dans la pleine lumière ravit les anges se donne sous le voile à nos âmes, vous laissez après vous mieux qu’un brillant souvenir. L’autel du Sacrifice, la maison du festin restent le trône toujours occupé, la demeure en ce monde de Celle à qui la compagnie de Dieu, dans les splendeurs des Saints, et l’amour du Seigneur de toutes choses [85] ne peuvent faire oublier les délices de son alliance avec les fils des hommes, et cet orbe des terres où dès le commencement se jouait son amour [86]. Sur ce trône d’honneur, elle reçoit les hommages des puissants de ce monde qui, tenant de ses mains leurs couronnes, lui demandent à genoux le conseil, l’équité, la prudence et la force [87] ; nuit et jour, elle entend la prière des petits au cœur simple qu’appelle sa voix bénie [88], qu’attirent ses charmes incomparables [89], et qui viennent près d’elle se former divinement à l’amour el remplir leurs trésors [90].

Gloire à l’Agneau dont l’immolation triomphante a fixé cette présence merveilleuse au Sacrement divin ! à lui vertu, divinité, sagesse, force, honneur, bénédiction dans les siècles [91] ! C’est par lui qu’est descendue jusqu’à nous la Sagesse éternelle ; par lui encore qu’elle demeure avec nous. A sa douce lumière [92], en terminant ce jour et cette Octave, contemplons d’un œil respectueux la nature de l’ineffable permanence qui nous garde ainsi dans son intégrité le Mystère de la foi, jusqu’au dernier jour du monde.

Combien il l’emporte sur l’agneau du peuple des figures, l’Agneau divin dont la vraie Pâque nous révéla le mystère ! Il n’en restera rien jusqu’au matin qui ne soit consumé [93], disait Moïse touchant la victime dont la chair, une fois l’année, nourrissait Israël en la nuit de la délivrance, « Pour moi », s’écrie aux nations représentées dans la personne du proconsul romain l’apôtre André, frère de Pierre, « j’offre chaque jour au Dieu Très-Haut, non la chair ou le sang des victimes gémissantes, mais l’Agneau sans tache immolé sur l’autel de la Croix ; et lorsque tout le peuple des fidèles a bu son sang, mangé sa chair, l’Agneau sacrifié reste plein de vie : vraiment sacrifié, mangé réellement, il demeure, dis-je, en son intégrité, sans tache et vivant » [94].

— « Comment cela peut-il se faire ? » objecte le Gentil. — Fais-toi disciple, et tu l’apprendras », dit André. Mais à ce moment, le représentant du vieux monde païen, qui poursuivait d’office le Crucifié dans ses membres, ne devait répondre que par la violence et le dédain au dogme sublime formant la base d’une religion présente. L’Apôtre allait sceller dans le sang son glorieux témoignage ; mais il laissait à l’Esprit qui les lui avait inspirées [95] le soin de garder ses paroles pour le jour du triomphe. Par tout le monde, ses collègues de la Cène, sacrifiant leur vie pour le Christ et sa doctrine, rendaient courageusement mets pour mets au Seigneur ; ainsi lui-même, selon le conseil du Sage, assis à la table du Prince, avait-il considéré diligemment ce qu’on servait devant lui, dans la pensée qu’il lui fallait préparer à son tour un festin semblable [96]. Nourri donc de la Croix du Seigneur au banquet de son corps, selon l’expression de saint Augustin [97], il paya noblement de retour.

Après lui, la force persévérante des martyrs, leur allégresse dans les tourments, allaient continuer de montrer la puissance du vin sacré, du pain mystérieux qui transporte et affermit ainsi le cœur de l’homme [98]. Et le temps viendrait où la démonstration du Mystère de la foi, si grandement exprimé dans la bouche de l’Apôtre, s’imposerait au monde, non sous l’effort du raisonnement ou l’habile enchaînement de savantes déductions, mais par l’impossible et toutefois indéniable transformation de ce monde ennemi sous l’irrésistible influence du ferment divin caché dans sa masse au soir de la Cène.

Du sud au septentrion, du levant au couchant, partout, en ce présent jour, les enfants de l’Église se renvoient, dans leurs chants, ces paroles qui ne sont que l’écho rhythmé de la voix de l’Apôtre, enfin maîtresse et dès longtemps victorieuse : « La chair du Christ est nourriture, et son sang est breuvage ; tout entier néanmoins il demeure sous chacune des espèces. Sans le briser, le rompre ou le diviser, celui qui le reçoit le reçoit tout entier. Qu’un seul ou mille le reçoivent, autant que tous a l’unique ; il se donne sans s’épuiser. Quand est rompue l’hostie mystérieuse, n’hésite point ; mais souviens-toi qu’autant réside sous le fragment, et sous la forme entière. La substance n’est nullement divisée, c’est le signe seul qui se brise ; mais ni l’état, ni l’étendue de ce qu’il recèle n’en est amoindri » [99].

L’Église en effet nous enseigne que sous chaque espèce et « sous chacune de ses parties est vraiment, réellement et substantiellement contenu le corps, le sang, l’âme et la divinité de notre Seigneur Jésus-Christ, et par suite le Christ tout entier » [100]. D’elles-mêmes, il est vrai, les paroles redoutables du Sacrifice, n’opérant que ce qu’elles signifient, appellent exclusivement et isolément sous la double espèce le corps et le sang du Seigneur ; mais le Christ ressuscita, vivant à jamais, demeure indivisible. « Le Christ sorti du tombeau ne meurt plus, dit l’Apôtre ; mourant pour le péché, il est mort une fois ; vivant maintenant, il vit pour Dieu » [101]. Partout donc où se trouve, en vertu de la consécration, le très saint corps ou le sang rédempteur, là même, par voie de conséquence naturelle et de nécessaire concomitance, réside en son entier l’humanité sainte unie au Verbe. Dans la crainte de ne pouvoir autrement exprimer un si profond mystère avec l’exactitude et la précision suffisantes, la Liturgie emprunte aujourd’hui les formules de l’École. Elle-même nous apprend que du pain au corps, du vin au sang, la conversion s’opère de substance à substance, sans que dans ce changement merveilleux, appelé très justement à cause de cela transsubstantiation par l’Église [102], soient intéressés, altérés ou détruits, les accidents ou modes des deux termes de la conversion. C’est ainsi que, privées de leur sujet ou support naturel, les espèces ou apparences du pain et du vin demeurent immédiatement soutenues par la vertu divine ; produisant et recevant les mêmes impressions qu’eût produites et reçues leur propre substance, elles sont le signe sacramentel qui, sans informer le corps du Christ ou lui prêter leurs qualités et dimensions, détermine sa présence et la maintient, tant que ces espèces ne sont pas essentiellement modifiées. De son côté, ainsi substitué à la seule substance du pain et du vin directement dans sa propre substance, le corps du Seigneur se trouve soustrait par la formule sacrée à ces lois mystérieuses de l’étendue, dont la science humaine est si loin d’avoir pu encore pénétrer les secrets ; tout entier sous l’espèce entière, et tout entier dans chaque partie sensible, il participe en cela des substances spirituelles : ainsi l’âme de l’homme est-elle entière dans tout son corps, entière de même en tous ses membres. Tel est donc le mystère de l’état sacramentel, que, présent à nous sous les dimensions de l’hostie, et non au-delà, par sa substance ainsi soustraite aux lois de l’étendue, le Christ demeure en lui-même tel qu’il est au ciel. « Le corps du Christ au Sacrement, dit saint Thomas, garde tous ses accidents par une suite nécessaire ; et ses parties demeurent ordonnées entre elles comme elles le sont dans la nature des choses, bien qu’elles ne soient point en rapport et ne puissent être comparées selon cet ordre avec l’espace extérieur » [103].

La notion du Sacrifice exigeait dans l’Eucharistie cette passive apparence de la victime, comme la condition du banquet où il se consomme déterminait la nature spéciale des éléments sacramentels choisis par le Christ Jésus. Mais loin de nous, en face de l’Hostie sainte, toute idée de pénible captivité, d’actuelle souffrance, de vertus laborieuses, pour l’hôte divin des espèces sacrées : sous cette mort extérieure abondent la vie, l’amour et la beauté triomphante de l’Agneau vainqueur du trépas, roi immortel des siècles.

Il réside sous la blanche hostie dans sa force et sa splendeur le plus beau des fils des hommes [104], avec les admirables proportions, l’agencement harmonieux de ces membres divins formés d’une chair virginale au sein de celle qui, la plus belle des filles d’Adam, fut aussi la plus pure. Vénérons dans un saint tremblement ces pieds arrosés des larmes de Madeleine repentante, essuyés de ses cheveux [105], embaumés de ses parfums par avance [106], ces pieds du Sauveur plus beaux encore que les pieds de ceux qui annoncent sa venue sur les montagnes [107] ; ils brillent maintenant comme l’airain dans la fournaise ardente [108]. Envoyons, au delà du voile, nos pieux baisers aux mains sans tache et consacrées du grand Pontife [109], qui travaillèrent le bois dans l’atelier de Joseph et semèrent en Israël bénédictions et prodiges ; elles sont là telles que les vit l’Épouse, brillantes comme l’or, faites au tour et pleines d’hyacinthes [110], avec ces enfoncements des cornes mystérieuses où sa force est cachée [111]. Qui nous donnera de percer le nuage où se cache à nos regards cette tête divine, admiration des Anges, cette face auguste, autrefois défigurée, souffletée, saturée d’opprobres en son amour [112], resplendissante aujourd’hui comme le soleil en sa puissance [113] ? Bouche du Christ, organe du Verbe, à la voix pareille au bruit des grandes eaux [114], au souffle puissant qui tue l’impie [115] ; lèvres de l’Époux semblables aux lis qui distillent la myrrhe la plus pure [116] ; et vous, divins yeux qui pleurâtes sur Lazare [117], et illuminez de vos rayons enflammés [118] l’assemblée des Saints : nulle force humaine ne saurait soulever le mystère qui vous dérobe aux impatientes aspirations de notre œil mortel. Mais, plus sûrement que sur le témoignage de nos propres yeux, ô Bien-Aimé, nous savons que vous êtes là derrière la muraille, regardant par les ouvertures, jetant la vue au travers des barreaux [119], et il suffit à nos adorations ; et la foi d’un tel mystère était la plus douce épreuve que vous pussiez imposer à notre amour.

Sang divin, prix du rachat, rentré pour jamais dans ces veines qui vous épanchèrent à torrents sur le monde, comme autrefois vous portez la vie dans ces membres glorieux, sous l’impulsion du Coeur sacré auquel demain nous rendrons un plus spécial hommage.

Ame très sainte du Sauveur, présente au Sacrement comme forme substantielle [120] de ce corps très parfait qui est par vous le vrai corps de l’Homme-Dieu vivant à jamais, vous renfermez dans vos profondeurs tous les trésors de la Sagesse éternelle [121]. Vous reçûtes pour mission de traduire dans une vie humaine, en un multiple et sensible langage, l’ineffable beauté de cette Sagesse du Père éprise des fils des hommes, et voulant, par une manifestation à leur portée, conquérir leur amour. Chaque parole, chacun des pas de Jésus, chaque mystère de sa vie publique ou cachée, révélait par degrés cette divine splendeur. Vraiment devant ces hommes qu’elle convoitait, la Sagesse comme la grâce en lui grandissait avec l’âge [122] : jusqu’à ce qu’enfin tous ces enseignements, exemples et mystères, merveilleuses traductions de ses charmes intimes, elle-même, pour les siècles à venir, les fixa immobiles au Sacrement divin, monument perpétuel où chaque âme trouve sa lumière, mémorial vivant où veille silencieusement pour nous son amour. « La chair, le sang du Christ, c’est le Verbe manifesté, dit saint Basile ; c’est la Sagesse rendue sensible par l’Incarnation et toute cette mystérieuse conversation dans la chair qui nous révèle la perfection morale, le beau naturel et divin. C’est là ce qui nourrit l’âme, et, dès maintenant, la prépare à la contemplation des divines réalités » [123].

Les solennelles assises, pendant lesquelles le divin Sacrement a reçu l’hommage empressé de nos adorations, se terminent, comme elles ont commencé, dans la pompe du triomphe. Après les Vêpres, qui sont les mêmes qu’au jour de la fête [124], le Diacre descend du trône où il l’avait placé le radieux ostensoir, et le dépose entre les mains du Prêtre. L’Hostie sainte franchit de nouveau le seuil du temple, entourée des mêmes rites majestueux, célébrée dans les mêmes chants d’allégresse, accueillie par les mêmes enthousiastes démonstrations de son peuple fidèle. De nouveau, elle voit la nature à ses pieds, assainit l’air sur son passage, en chasse au loin les puissances ennemies [125], bénit la campagne et la ville, et jette sur les moissons prêtes à mûrir ses rayons fécondants. Regagnant son temple, elle n’en sortira plus désormais que pour venir fortifier les mourants dans le grand voyage, ou se donner miséricordieusement aux infirmes qui ne peuvent venir d’eux mêmes trouver leur Dieu. En ce moment donc, elle bénit une dernière fois la foule prosternée, et rentre au sacré tabernacle.

Abîmés dans l’adoration, témoignons nos sentiments au Dieu caché sous les voiles du Sacrement, en redisant l’Hymne céleste, où la science du Docteur angélique se montre encore surpassée par l’humble et fervent amour qui déborde en chacune de ces strophes.

Mais la porte sainte du tabernacle une fois refermée sur le Dieu de l’Hostie, nos cœurs sauront n’y point délaisser l’auguste Mystère. Mieux compris par les grâces de lumière tombées sur nous dans cette Octave, il sera plus que jamais l’aimant de nos âmes divinisées au saint banquet, conquises par lui aux sublimes attraits de la Sagesse éternelle.

RHYTHMUS S. THOMAE.
Adoro te devote, latens Deitas,
Quæ sub his figuris vere latitas :
Tibi se cor meum totum subjicit,
Quia te contemplans totum deficit.
Je vous adore pieusement, ô Dieu caché,
qui sous ces espèces vous dérobez à nos regards :
mon cœur tout entier se soumet à vous,
et, dans la contemplation de votre présence, mon être tout entier s’anéantit.
Visus, tactus, gustus in te fallitur,
Sed auditu solo tuto creditur :
Credo quidquid dixit Dei Filius,
Nil hoc verbo veritatis verius.
La vue, le toucher, le goût sont ici en défaut,
et l’ouïe seule assure ma foi ;
je crois tout ce qu’a dit le Fils de Dieu :
rien de plus vrai que la parole de la vérité même.
In cruce latebat sola Deitas,
At hic latet simul et humanitas :
Ambo tamen credens atque confitens,
Peto quod petivit latro pœnitens.
Sur la croix, la divinité seule était cachée ;
ici c’est l’humanité même qui se rend invisible :
je crois et je confesse l’une et l’autre,
et je demande ce que demandait le larron pénitent.
Plagas, sicut Thomas, non intueor,
Deum tamen meum te confiteor :
Fac me tibi semper magis credere,
In te spem habere, te diligere.
Je ne vois pas vos plaies comme les vit Thomas ;
néanmoins je confesse que vous êtes mon Dieu :
faites que ma foi en vous aille toujours croissant,
qu’en vous j’espère, que toujours je vous aime.
O memoriale mortis Domini,
Panis vivus, vitam præstans homini :
Præsta meæ menti de te vivere,
Et te illi semper dulce sapere.
O mémorial de la mort du Seigneur,
pain vivant qui donne la vie à l’homme,
donnez à mon âme de vivre de vous,
et de goûter toujours votre ineffable douceur.
Pie Pelicane Jesu Domine,
Me immundum munda tuo sanguine :
Cujus una stilla salvum facere,
Totum quit ab omni mundum scelere.
Seigneur Jésus, pélican rempli de tendresse,
purifiez mes souillures par votre sang
dont une seule goutte
peut effacer les péchés du monde entier.
Jesu, quem velatum nunc adspicio,
Oro fiat illud quod tam sitio :
Ut te revelata cernens facie,
Visu sim beatus tuæ gloriæ.
Amen.
Jésus, que maintenant je ne vois qu’à travers un voile,
daignez étancher l’ardente soif de mon âme ;
faites qu’un jour contemplant à découvert votre visage,
je jouisse éternellement de la vue de votre gloire.
Amen.

Le pieux Ratpert, moine de Saint-Gall, l’ami de Notker et son émule dans la composition des chants sacrés, nous fournira, pour conclure l’Octave du Corpus Domini, cette expression touchante de la piété du IXe siècle envers le divin Sacrement.

AD EUCHARISTIAM SUMENDAM.
Laudes omnipotens, ferimus tibi, dona colentesO Tout-Puissant, nous te dédions nos louanges, honorant les dons
Corporis immensi, Sanguinis atque tui.de ton Corps sans égal et de ton Sang précieux.
Tangimus ecce tuam, Rector sanctissime, mensam :
Tu licet indignis propitiare tuis.
Guide très saint, sois propice aux tiens dans leur indignité :
nous approchons de la table sacrée.
Laudes, Omnipotens...On répète : O Tout-Puissant, etc.
Propitiare pius, peccata absolve benignus :
Prosit ut invictis appropiare sacris
Sois propice, ô très aimant ; très bon, remets les péchés :
qu’il nous soit ainsi profitable d’approcher des mystères triomphants
Corporis immensi...On répète : De ton Corps, etc.
Angelus æthereis sanctus descendat ab astris,
Purificans corpus, cor pariterque pius.
Qu’il descende vers nous des sommets des cieux
l’Ange de sainteté purifiant les corps et les coeurs.
Laudes, Omnipotens...On répète : O Tout-Puissant, etc.
Hæc medicina potens cœli nos ducat in arces,
Interea terris dans medicamen opis
Que ce remède puissant nous conduise aux célestes demeures,
en nous donnant guérison sur terre par le secours.
Corporis immensi...On répète : De ton Corps, etc.
Quod colimus fragiles, respice clemens,
Summeque pascentes protege Pastor oves.
Sauveur clément, dans nos hommages prends en pitié notre misère ;
Pasteur souverain, protège tes brebis au sacre pâturage.
Laudes, Omnipotens...On répète : O Tout-Puissant, etc.
Protege quas recreas, hostis ne proterat illas,
Consolidans dono nos sine fine tuo
Guéries par toi, protège-les, de peur que l’ennemi ne les terrasse encore ;
affermis-nous à jamais par le don
Corporis immensi...On répète : De ton Corps, etc.
Nam sumus indigni quos ornes munere tali :
Tu pietate tua, Rex, rege castra tua.
Indignes sommes-nous d’un si grand don, d’un tel honneur :
toi-même, ô Roi très doux, conduis-nous au combat.
Laudes, Omnipotens...On répète : O Tout-Puissant, etc.
Hoc, Pater omnipotens, cum Christo perfice clemens,
Spiritus atque potens, trinus et unus apex
Père tout-puissant, dans ta clémence, exauce-nous
avec ton Christ et l’Esprit aussi tout-puissant, dignité trine et une
Corporis immensi...On répète : De ton Corps, etc.

Terminons par ces belles prières de notre ancien Missel gallican.

COLLECTIO POST EUCHARISTIAM.
Sumpsisse ex sacris Altaribus Christi Domini ac Dei nostri Corpus et Sanguinem credentes, unitatem Beatæ Trinitatis oremus : ut semper nobis fide plenis, esurire detur ac sitire justitiam, sicque opus ejus confortati salutaris escæ gratia faciamus ; ut non judicio sed in remedio Sacramentum quod accepimus habeamus.Dans la foi qui nous a conduits aux autels sacrés, en possession du Corps et du Sang de Jésus-Christ notre Seigneur et Dieu, prions l’unité de la Trinité bienheureuse : que pleinement fidèles, il nous soit donné d’avoir toujours faim et soif de la justice et d’accomplir ainsi son œuvre dans la force et la grâce du mets du salut, pour que le Sacrement reçu par nous nous soit à remède et non à jugement.
COLLECTIO.
Adspice, Domine, qui et tuo vesci Corpore, et tuum Corpus effici vis tideles : fac nobis in remissionem peccatorum esse quod sumpsimus : atque ita se animæ nostræ divina alimonia per benedictionem tuam facta permisceat ; ut caro spiritui subdita, et in consensum pacificum subjugata, obtemperet, non repugnet per Spiritum Sanctum : qui in unitate Patris et Filii coæternus vivit et regnat in sæcula sæculorum. Amen.Regardez-nous, Seigneur, vous qui voulez que les fidèles se nourrissent de votre Corps et deviennent votre Corps ; faites que ce Sacrement soit pour nous la rémission des péchés ; que le divin aliment, fruit de votre bénédiction, se mêle de telle sorte à notre âme, que la chair soumise à l’esprit et subjuguée dans un paisible accord obéisse et ne résiste plus : par l’Esprit-Saint, qui dans l’unité du Père et du Fils et leur étant coéternel vit et règne dans les siècles des siècles. Amen.

Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

L’Octave reprenant la Messe de la Fête, le Bhx Schuster ne donne pas de commentaire propre. On trouvera ses commentaires sur la Messe ici

Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique

Nous sommes des porte-Christ.

Aujourd’hui est le dernier jour de l’Octave : ce jour est célébré dans l’Église avec une plus grande solennité.

1. La prière des Heures nous offre aujourd’hui un passage précieux des catéchèses mystagogiques de saint Cyrille, évêque de Jérusalem. « Autrefois le Seigneur changea à Cana l’eau en vin. Or, le vin a quelque ressemblance avec le sang. Et nous hésiterions à croire qu’il a pu changer le vin en son sang ! Invité à des noces dans lesquelles les corps s’unissent, il fit ce miracle auquel personne ne s’attendait, et nous ne serions pas fermement persuadés qu’il nous a donné son corps en nourriture, nous n’aurions pas la certitude complète que nous recevons son corps et son sang ! Car, sous l’espèce du pain, il nous donne son corps ; et sous l’espèce du vin, il nous donne son sang ; si bien que, dans la réception, tu goûtes le corps et le sang du Christ et tu participes à son corps et à son sang. Ainsi, en effet, nous devenons des porte-Christ, c’est-à-dire que nous portons le Christ dans nos corps en recevant son sang et son corps dans notre corps ; et nous devenons, comme dit saint Pierre, participants de la nature divine... Dans l’Ancien Testament, il y avait des pains de proposition. Mais ces pains n’étaient destinés qu’à l’Ancienne Alliance ; c’est pourquoi ils sont passés. Dans la Nouvelle Alliance, par contre, nous avons un pain du ciel et un calice du salut qui nourrissent aussi bien le corps que l’âme. C’est pourquoi ne considère pas ce pain et ce vin comme un pain purement et simplement naturel et comme un vin purement et simplement naturel. C’est, en effet, le corps et le sang du Christ. Car alors même que les sens t’annoncent que c’est du pain et du vin, la foi nous confirme que c’est le corps et le sang du Christ. Ne juge pas d’après le goût ; mais que la foi écarte tout doute et t’assure que tu as été jugé digne de participer au corps et au sang du Christ. »

2. Lecture d’Écriture (1 Rois, VIII, 1-22). — Lorsque Samuel fut devenu vieux, il établit ses fils juges sur Israël. Mais ceux-ci ne marchaient pas sur ses traces. Ils s’en détournaient pour le gain, recevaient des présents et violaient la justice. Aussi tous les anciens d’Israël se réunirent et vinrent trouver Samuel à Rama. Ils lui dirent : Voici que tu es devenu vieux et tes fils ne marchent pas sur tes traces. Établis donc, sur nous un roi pour nous juger... Et Samuel pria le Seigneur. Le Seigneur dit à Samuel : « Écoute la voix du peuple en tout ce qu’ils te disent. Ce n’est pas toi qu’ils ont rejeté ; c’est moi, pour que je ne règne pas sur eux. Comme ils ont toujours agi à mon égard depuis le jour où je les ai tirés d’Égypte jusqu’à ce jour, me délaissant pour servir d’autres dieux, ainsi ils agissent avec toi. Et maintenant écoute leur voix, mais mets-les en garde et expose-leur le droit du roi qui doit régner sur eux... » Le peuple ne voulut pas écouter les paroles de Samuel ; ils dirent : « Non ; mais il y aura un roi sur nous ».

[1] St Thomas d’Aquin.

[2] de l’ancienne alliance.

[3] Puisque les voies que vous avez choisies pour venir et fixer votre séjour au milieu de nous sont celles de l’amour, du sacrifice et de l’anéantissement, que nous n’en suivions pas d’autres pour arriver, sous votre conduite, au but auquel nous tendons, à la lumière que vous habitez. (L’abbé Pimont.)

[4] Ps. 1, 3.

[5] Ps. 4, 8.

[6] Heb. 9, 12.

[7] Ps. 77, 24.

[8] Ex. 12, 6.

[9] I Cor. 5, 7.

[10] Ex. 16, 12.

[11] Jn. 6, 32.

[12] III Reg. 19, 6.

[13] Jn. 6, 52.

[14] L’Eucharistie se célébrait donc encore à ce moment à la fin d’un repas ordinaire, comme Notre-Seigneur l’avait célébrée à la fin du repas pascal. Mais tandis que les premiers fidèles de Jérusalem pratiquaient à ce repas la communauté du menu et non pas seulement celle de la table, les Corinthiens apportaient chacun leurs provisions.

[15] Ps. 19, 4.

[16] Ps. 22, 5.

[17] Ps. 41, 5.

[18] Ps. 80, 17.

[19] De miel sauvage déposé par les abeilles dans le creux des rochers.

[20] I Cor. 11, 23.

[21] Matth. 26, 26.

[22] Job. 31, 31.

[23] 2 Petr. 1, 4.

[24] Luc. 22, 20.

[25] Lament. 3, 20.

[26] Jn. 6, 54.

[27] Jn. 6, 48.

[28] Ps. 42, 4.

[29] Ps. 80, 17.

[30] Ps. 83, 3.

[31] Ps. 103, 4.

[32] Jn. 6, 57.

[33] Matth. 13, 33.

[34] Gal. 5, 9.

[35] Eulogie, nom donné à l’hostie consacrée ; hostie que nos yeux voient petite, mais que nos cœurs savent être le Fils de Dieu.

[36] Jn. 6, 57.

[37] Deut. 4, 7.

[38] I Cor. 11, 29.

[39] Ps. 18, 13.

[40] Jn. 6, 58.

[41] Eccli. 15, 3.

[42] Psalm. CX, 4.

[43] Johan. XIII, 1.

[44] Heb. II, 14-15.

[45] Prov. IX, 2.

[46] Sap. VIII 9-18.

[47] Prov. I, 20-22 ; VIII 1-5.

[48] Ibid. VII, 4.

[49] Sap. VIII, 2.

[50] Prov. III, 13-18. Et, ex Melitone : Prov. V, 15-19 ; Eccli. IX, 9.

[51] Prov. IV, 5-9 ; Eccli. VI, 18-32.

[52] Gen. II, 7.

[53] Psalm. VIII, 5.

[54] Gen. XLIX, 26.

[55] Job. VII, 17.

[56] Hom. div. X, in myst. cœn.

[57] Matth. XXV, 34.

[58] Apoc. IV, 4 ; V, 9-10.

[59] Sap. VI, 2, 3, 10, 22.

[60] Ibid. VII, 8-10.

[61] Ibid. VI, 24 ; VII, 15.

[62] Ibid. 13.

[63] Ibid. VI, 25-27.

[64] Ibid. VII, 15.

[65] Gen. XLIX, 20. Cf. Ant. 3am Laud. in die Festi.

[66] Eccli. XXIV, 7.

[67] Psalm. CXXI. 3-4.

[68] I Petr. II, 9.

[69] Psalm. CXXI, 4-8.

[70] Eccli. XXIV, 1-4.

[71] Juxta grœc.

[72] Eccli. XV, 6.

[73] Ibid. XIV, 32-37.

[74] Psalm. XLI, 5.

[75] Eccli. XXIV, 20-21.

[76] Psalm. LXXXIII, 2, II.

[77] Psalm. CI, 8.

[78] Psalm. LXXXIII, 4.

[79] Psalm. XXX, 17, 20-21.

[80] Psalm. XXVI, 6.

[81] Apoc. v, 6.

[82] Psalm. LXXXIII, 8.

[83] Psalm. XXIX, 6.

[84] Zach. IX, 17.

[85] Sap. VIII 3 ; Psalm. CIX, 3.

[86] Prov. VIII 31.

[87] Ibid. 14-16.

[88] Ibid. IX, 4 ; Marc. X, 14.

[89] Eccli. XXIV, 26.

[90] Prov. VIII, 21.

[91] Apoc.

[92] Ibid. XXI, 23.

[93] Exod. XII, 10.

[94] Pass. S. Andr. ap. Lipom.

[95] Matth. X, 20.

[96] Prov. XXIII, 1-2, juxt. grœc.

[97] In Psalm. C.

[98] Psalm. CIII, 15.

[99] Sequ. diei Festi.

[100] Conc. Trid Sess. XIII, can. 1, 3.

[101] Rom. VI, 9-10.

[102] Conc. Trid. Sess. XIII, can. 3.

[103] IIIa P. LXXVI, art. 4 ; Sent. IV, dist., X, art. 2.

[104] Paulin, XLIV, 3.

[105] Luc. VII, 37.

[106] Merc. XIV, 8.

[107] Isai. LII, 7.

[108] Apoc. I, 15.

[109] Levit. XXI, 10.

[110] Cant. V, 14.

[111] Habac. III, 4.

[112] Jerem. Thren. III, 30.

[113] Apoc. I, 16.

[114] Ibid. 15.

[115] Isai. XI, 4.

[116] Cant. V, 13.

[117] Johan. XI, 35.

[118] Apoc. I, 14.

[119] Cant. II, 9.

[120] Concil. Vienn.

[121] Col. II. 3.

[122] Luc. II, 52.

[123] Epist. VIII.

[124] Avant que Léon XIII n’élève la fête du Sacré-Cœur au rang de fête de Ière classe en 1899.

[125] Eph. II, 2 ; VII, 12.