Textes de la Messe |
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Dom Guéranger, l’Année Liturgique |
Odile (née vers 662 à Obernai), décédée vers 720 à Hohenbourg était la fille du duc d’Alsace Adalric (connu aussi sous le nom tudesque d’Ethic ou Etichon) et de Berswinde, nièce de saint Léger. Vers 700, Odile devient abbesse du monastère de Hohenbourg (mont Sainte-Odile, Vosges) fondé par son père. Elle fut canonisée au XIe siècle par le pape saint Léon IX, et proclamée « patronne de l’Alsace » par le pape Pie XII en 1946.
La vie de sainte Odile, nous est connue grâce à un texte anonyme écrit peu avant 950. Son père, le duc d’Alsace Adalric, aurait préféré avoir un garçon, d’autant plus qu’Odile était née aveugle. C’en était trop pour le duc, qui décida de faire mourir cette enfant qui déshonorait sa famille. Mais Bereswinde, la femme d’Adalric, confia Odile à une nourrice qui l’éleva pendant douze ans, avant de l’envoyer au monastère de Balme (aujourd’hui Baume-les-Dames, situé entre Besançon et Montbéliard).
L’enfant n’était pas encore baptisée. Or saint Erhard, un moine irlandais et évêque d’Ardagh (Comté de Longford), itinérant en Bavière, eut une vision dans laquelle Dieu lui ordonnait de se rendre à Baume-les-Dames afin de procéder à ce baptême. Ce qu’il fit quelques jours plus tard et, au moment où l’huile sainte touchait les yeux d’Odile, celle-ci retrouva la vue.
Le miracle fit grand bruit, mais ne calmait toujours pas Adalric. Loin de se réjouir, lorsqu’Odile revint le voir accompagnée de son frère Hugues, il se mit dans une telle fureur qu’il tua ce dernier. Plus tard, il se repentit et donna à Odile son château de Hohenbourg, qu’elle transforma en monastère. Le château étant construit sur une montagne, beaucoup de fidèles, notamment les malades, pouvaient difficilement y accéder. Odile fit construire pour eux un second établissement appelé Niedermünster, autrement dit le monastère d’en bas. On situe la date de la mort d’Odile vers l’an 720.
Le site d’Hohenbourg est plus connu sous le nom de mont Sainte-Odile, qui reçoit chaque année des dizaines de milliers de visiteurs. Odile est la sainte patronne de l’Alsace. Sa fête était célébrée autrefois le 13 décembre, mais on a préféré la séparer de sainte Lucie, fêtée le même jour, d’autant que toutes deux étaient invoquées par les fidèles pour guérir les maladies oculaires.
Dans le Diocèse de Strasbourg | |
Ant. ad Introitum. Ps. 12, 1. | Introït |
Usquequo, Dómine, obliviscéris me in finem ? Usquequo avértis fáciem tuam a me ? | Jusqu’à quand, Seigneur, m’oublierez-vous ? Jusqu’à quand détournerez-vous de moi votre visage ? |
Ps. ibid. 4. | |
Illúmina óculos meos ne umquam obdórmiam in morte : nequándo dicat inimícus meus : Præválui advérsus eum. | Faites luire à mes yeux votre lumière, de peur que je ne m’endorme dans la mort, et que mon ennemi ne dise : j’ai triomphé de lui. |
V/. Glória Patri. | |
Oratio. | Collecte |
Deus, lux vera, qui beátam Odíliam Vírginem tuam a nativitáte cæcam mirabíliter illuminásti : da nobis, quǽsumus ; ut illíus exémplo et intercessióne óculos a vanitáte sǽculi averténtes, te solum Deum fácie ad fáciem in cælésti glória contemplári mereámur. Per Dóminum. | Dieu, vraie lumière, vous avez éclairé merveilleusement la bienheureuse Odile, votre vierge, qui était aveugle de naissance ; accordez, nous vous en supplions, que, grâce à son exemple et à sa prière, nous détournions nos yeux des vanités du monde pour mériter de vous contempler, vous le seul Dieu, face à face dans la gloire céleste. |
Et fit Commemoratio Feriæ. | Et on fait mémoire de la Férie. |
Léctio Epístolæ beáti Pauli Apóstoli ad Corínthios. | Lecture de l’Épître de saint Paul Apôtre aux Corinthiens. |
1. Cor. 7, 25-34. | |
Fratres : De virgínibus præcéptum Dómini non hábeo : consílium autem do, tamquam misericórdiam consecútus a Dómino, ut sim fidélis. Exístimo ergo hoc bonum esse propter instántem necessitátem, quóniam bonum est hómini sic esse. Alligátus es uxóri ? noli qu.rere solutiónem. Solútus es ab uxóre ? noli qu.rere uxorem. Si autem acceperis uxorem, non peccásti. Et si núpserit virgo, non peccavit : tribulatiónem tamen carnis habébunt huiúsmodi. Ego autem vobis parco. Hoc ítaque dico, fratres : Tempus breve est : réliquum est, ut, et qui habent uxóres, tamquam non habéntes sint ; et qui flent, tamquam non flentes ; et qui gaudent, tamquam non gaudéntes ; et qui emunt, tamquam non possidéntes ; et qui utúntur hoc mundo, tamquam non utántur ; prǽterit enim figúra huius mundi. Volo autem vos sine sollicitúdine esse. Qui sine uxóre est, sollícitus est, quæ Dómini sunt, quómodo pláceat Deo. Qui autem cum uxóre est, sollícitus est, quæ sunt mundi, quómodo pláceat uxóri, et divísus est. Et múlier innúpta et virgo cógitat, quæ Dómini sunt, ut sit sancta córpore et spíritu : in Christo Iesu, Dómino nostro. | Mes frères : Pour ce qui est des vierges, je n’ai pas de commandement du Seigneur ; mais je donne un conseil, comme ayant obtenu la miséricorde du Seigneur, afin d’être fidèle. J’estime donc qu’il est bon, à cause de la nécessité du temps présent, qu’il est bon, dis-je, pour l’homme d’être ainsi. Es-tu lié à une femme ? Ne cherche pas à te délier. N’es-tu point lié à une femme ? Ne cherche pas de femme. Si pourtant tu prends une femme, tu ne pèches pas ; et si une vierge se marie, elle ne pèche pas. Mais ces personnes éprouveront les tribulations de la chair ; et je voudrais vous les épargner. Voici donc, frères, ce que je dis : Le temps est court ; ce qui reste a faire, c’est que ceux qui ont des femmes soient comme n’en ayant pas ; et ceux qui pleurent, comme ne pleurant pas ; et ceux qui se réjouissent, comme ne se réjouissant pas ; et ceux qui achètent, comme ne possédant pas ; et ceux qui usent de ce monde, comme n’en usant pas ; car la figure de ce monde passe. Or Je voudrais que vous fussiez sans inquiétude. Celui qui n’est pas marié s’inquiète des choses du Seigneur, des moyens de plaire à Dieu. Mais celui qui est marié s’inquiète des choses du monde, des moyens de plaire à sa femme ; et il se trouve partagé. De même la femme qui n’est pas mariée et la vierge pensent aux choses du Seigneur, afin d’être saintes de corps et d’esprit, en Jésus-Christ Notre-Seigneur. |
Graduale. Ps. 44, 12. | Graduel |
Concupívit rex decórem tuum, quóniam ipse est Dóminus Deus tuus. | Le roi se sent épris de ta beauté, parce qu’il est le Seigneur, ton Dieu. |
V/. Ibid. 11 Audi, fília, et vide, et inclína aurem tuam. | V/. Écoute, ma fille ; vois et prête l’oreille. |
Allelúia, allelúia. V/. Hæc est Virgo sápiens, et una de número prudéntum. Allelúia. | Allelúia, allelúia. V/. C’est ici la vierge sage et l’une des vierges prudentes. Alléluia. |
+ Sequéntia sancti Evangélii secúndum Matthǽum. | Lecture du Saint Evangile selon saint Mathieu. |
Matth. 25, 1-13. | |
In illo témpore : Dixit Iesus discípulis suis parábolam hanc : Simile erit regnum cælórum decem virgínibus : quæ, accipiéntes lámpades suas, exiérunt óbviam sponso et sponsæ. Quinque autem ex eis erant fátuæ, et quinque prudéntes : sed quinque fátuæ, accéptis lampádibus, non sumpsérunt óleum secum : prudéntes vero accepérunt óleum in vasis suis cum lampádibus. Horam autem faciénte sponso, dormitavérunt omnes et dormiérunt. Média autem nocte clamor factus est : Ecce, sponsus venit, exíte óbviam ei. Tunc surrexérunt omnes vírgines illae, et ornavérunt lámpades suas. Fátuæ autem sapiéntibus dixérunt : Date nobis de óleo vestro : quia lámpades nostræ exstinguúntur. Respondérunt prudéntes, dicéntes : Ne forte non suffíciat nobis et vobis, ite pótius ad vendéntes, et émite vobis. Dum autem irent émere, venit sponsus : et quæ parátæ erant, intravérunt cum eo ad núptias, et clausa est iánua. Novíssime vero véniunt et réliquæ vírgines, dicéntes : Dómine, Dómine, áperi nobis. At ille respóndens, ait : Amen, dico vobis, néscio vos. Vigiláte ítaque, quia nescítis diem neque horam. | En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples cette parabole : Le royaume des cieux sera semblable à dix vierges qui, ayant pris leurs lampes, allèrent au-devant de l’époux et de l’épouse. Or, cinq d’entre elles étaient folles, et cinq étaient sages. Les cinq folles, ayant pris leur lampe, ne prirent pas d’huile avec elles ; mais les sages prirent de l’huile dans leurs vases avec leurs lampes. L’époux tardant à venir, elles s’assoupirent toutes, et s’endormirent. Mais, au milieu de la nuit, un cri se fit entendre : Voici l’époux qui vient ; allez au-devant de lui. Alors toutes ces vierges se levèrent, et préparèrent leurs lampes. Mais les folles dirent aux sages : Donnez-nous de votre huile, car nos lampes s’éteignent. Les sages leur répondirent : De peur qu’il n’y en ait pas assez pour nous et pour vous, allez plutôt chez ceux qui en vendent, et achetez-en pour vous. Mais pendant qu’elles allaient en acheter, l’époux vint, et celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui aux noces, et la porte fut fermée. Enfin les autres vierges viennent aussi, en disant : Seigneur, Seigneur, ouvrez-nous. Mais il leur répondit : En vérité, je vous le dis, je ne vous connais point. Veillez donc, parce que vous ne savez ni le jour ni l’heure. |
Credo | Credo |
Ant. ad Offertorium. Ps. 44, 15 et 16. | Offertoire |
Afferéntur Regi Vírgines post eam : próximæ eius afferéntur tibi in lætítia et exsultatióne : adducéntur in templum Regi Dómino. | Des vierges seront amenées au roi après vous ; vos compagnes seront présentées au milieu de la joie et de l’allégresse. On les conduira au temple du roi. |
Secreta | Secrète |
Bénedic, Dómine, dona hæc consecránda : ut, qui beatam Odíliam Vírginem tuam córporis et ánimæ lúmine illustrásti, nos quoque gratias tuæ luce perfúndas. Per Dóminum. | Bénissez, Seigneur, ces dons qui doivent être consacrés ; et vous, qui avez donné à la bienheureuse Odile la lumière de l’âme et du corps, inondez-nous à notre tour de la lumière de votre grâce. |
Et fit Commemoratio Feriæ. | Et on fait mémoire de la Férie. |
Ant. ad Communionem. Ps. 35, 10. | Communion |
Apud te est fons vitæ, et in lúmine tuo vidébimus lumen. | C’est vous la source de la vie, et dans votre lumière nous verrons la lumière. |
Postcommunio | Postcommunion |
Participatióne múneris sacri, Dómine, salútis pignus accépimus : præsta nobis, quǽsumus ; ut beáta Odília Vírgine tua pro nobis interveniénte, ad núptias Agni vocári mereámur. Per Dóminum. | Seigneur, en participant aux dons sacrés, nous avons reçu le gage du salut : Accordez-nous donc, nous vous prions, que, par l’intervention de la bienheureuse Odile, votre vierge, nous méritions d’être invités aux noces de l’Agneau. |
Et fit Commemoratio Feriæ. | Et on fait mémoire de la Férie. |
Dans le Diocèse de Nancy et de Toul | |
De S. Odilia Missa Vultum tuum, de Communi Virginum 4 loco, cum Evangelio Símile erit… decem Virginibus de Comm. 3 loco, cum orationibus ut infra. | Pour Ste Odile, Messe Vultum tuum, du Commun des Vierges 4, avec l’Evangile Símile erit… decem Virginibus du 3ème Commun et les oraisons ci-dessous : |
Oratio. | Collecte |
Deus, qui sanctæ Odíliæ in sacri baptísmatis susceptióne, non solum mentis, sed et córporis óculos illuminásti : da nobis illuminátos óculos cordis nostri ; ut in veritátis tuæ luce semper ambulémus. Per Dóminum. | Dieu, qui avez porté la lumière à sainte Odile lors de son baptême sacré non seulement dans son âme mais aussi dans les yeux de son corps : illuminez aussi les yeux de notre cœur, pour que nous marchions toujours à la lumière de votre vérité. |
Secreta | Secrète |
Benedic, Dómine, dona hæc super altáre tuum consecránda : ut qui beátam Odíliam, Vírginem tuam, córporis et ánimæ lúmine illustrásti, nos quoque grátiæ tuæ luce perfúndas. Per Dóminum. | Bénissez, Seigneur, ces dons qui doivent être consacrés sur votre autel ; et vous, qui avez donné à la bienheureuse Odile la lumière de l’âme et du corps, inondez-nous à notre tour de la lumière de votre grâce. |
Postcommunio | Postcommunion |
Participatióne múneris sacri, Dómine, salútis pignus accépimus : præsta nobis, quǽsumus ; ut, beáta Odilia, Vírgine tua, pro nobis interveniénte, a cunctis erróribus exúti, ad gáudia ætérna perveniámus. | Seigneur, en participant aux dons sacrés, nous avons reçu le gage du salut : Accordez-nous donc, nous vous prions, que, par l’intervention de la bienheureuse Odile, votre vierge, dépouillés de toutes les erreurs, nous parvenions aux joies éternelles. |
Dans le Diocèse de St Dié | |
Missa Dilexísti, de Communi Virginum 3 loco, præter orationes sequentes : | Messe Dilexísti, du Commun des Vierges 3, sauf les oraisons suivantes : |
Deus, qui sanctæ Odíliæ in sacri baptísmatis susceptióne, non solum mentis, sed et córporis óculos illuminásti : da nobis illuminátos óculos cordis nostri ; ut in veritátis tuæ luce semper ambulémus. Per Dóminum. | Dieu, qui avez porté la lumière à sainte Odile lors de son baptême sacré non seulement dans son âme mais aussi dans les yeux de son corps : illuminez aussi les yeux de notre cœur, pour que nous marchions toujours à la lumière de votre vérité. |
Secreta | Secrète |
Benedic, Dómine, dona hæc super altáre tuum consecránda : ut qui beátam Odíliam, Vírginem tuam, córporis et ánimæ lúmine illustrásti, nos quoque grátiæ tuæ luce perfúndas. Per Dóminum. | Bénissez, Seigneur, ces dons qui doivent être consacrés sur votre autel ; et vous, qui avez donné à la bienheureuse Odile la lumière de l’âme et du corps, inondez-nous à notre tour de la lumière de votre grâce. |
Postcommunio | Postcommunion |
Participatióne múneris sacri, Dómine, salútis pignus accépimus : præsta nobis, quǽsumus ; ut, beáta Odilia, Vírgine tua, pro nobis interveniénte, a cunctis erróribus exúti, ad gáudia ætérna perveniámus. | Seigneur, en participant aux dons sacrés, nous avons reçu le gage du salut : Accordez-nous donc, nous vous prions, que, par l’intervention de la bienheureuse Odile, votre vierge, dépouillés de toutes les erreurs, nous parvenions aux joies éternelles. |
Odile est la cinquième des Vierges sages qui nous conduiront, à la lueur de leurs lampes, au berceau de l’Agneau, leur Époux. Elle n’a pas donné son sang pour lui, comme Bibiane, Barbe, Eulalie et Lucie ; elle ne lui a offert que ses larmes et son amour ; mais la blancheur de sa couronne de lis se marie agréablement à la pourpre des roses qui ceignent le front de ses compagnes. Son nom est grand dans la France orientale : au delà du Rhin, sa mémoire est demeurée chère au peuple fidèle ; et mille ans écoulés sur son glorieux tombeau n’ont point attiédi la tendre vénération dont il est l’objet, ni diminué le nombre des pieux pèlerins qui, chaque année, se pressent sur les sommets de la sainte montagne où il repose. Le sang illustre de cette vierge est celui même de la race des Capétiens, celui de la famille impériale des Habsbourg ; tant de rois et d’empereurs sont les descendants du vaillant duc d’Alsace Adalric, ou Eutichon, père de la douce Odile.
Elle vint en ce monde privée de la lumière des yeux. Le père repoussa loin de lui cette enfant que la nature sembla n’avoir disgraciée que pour faire éclater plus merveilleusement en elle le pouvoir de la grâce divine. Un cloître reçut la petite exilée que l’on avait arrachée des bras de sa mère ; mais Dieu, qui voulait signaler en elle la vertu du divin sacrement de la régénération, permit que le baptême lui fût différé jusqu’à l’âge de treize ans. Le moment enfin arriva où Odile allait recevoir le sceau des enfants de Dieu. Mais, ô merveille ! la jeune fille obtint tout à coup la vue du corps, au sortir de la fontaine baptismale ; et ce don n’était qu’une faible image de la lumière que la foi avait à ce moment allumée dans son âme. Ce prodige rendit Odile à son père et au monde ; elle dut alors soutenir mille combats pour protéger sa virginité qu’elle avait vouée à l’Epoux céleste. Les grâces de sa personne et la puissance de son père attirèrent autour d’elle les plus illustres prétendants. Elle triompha ; et l’on vit Adalric lui-même élever, sur les rochers de Hohenbourg, le monastère où Odile devait servir le Seigneur, présider un nombreux essaim de vierges sacrées, et soulager toutes les misères humaines.
Après une longue vie consacrée tout entière à la prière, à la pénitence et aux œuvres de miséricorde, la vierge arriva au moment de cueillir la palme. C’était aujourd’hui même, treize Décembre, en la fête de la vierge Lucie. Les sœurs de Hohenbourg se pressaient autour de leur sainte Abbesse, avides de recueillir ses dernières paroles. Une extase l’avait enlevée au sentiment des choses d’ici-bas. Craignant qu’elle n’allât à son Époux céleste avant d’avoir reçu le divin Viatique qui doit nous introduire dans la possession de Celui qui est notre dernière fin, les filles crurent devoir enlever leur mère à ce sommeil mystique qui semblait la rendre insensible aux devoirs du moment. Odile revint à elle, et leur dit avec tendresse : « Chères mères et chères sœurs, pourquoi m’avez-vous troublée ? pourquoi imposer de nouveau à mon âme le poids du corps qu’elle avait quitté ? Par la faveur divine, j’étais en la compagnie de la vierge Lucie, et les délices dont je jouissais étaient si grandes que ni la langue ne les saurait raconter, ni l’oreille les entendre, ni l’œil humain les contempler. » On se hâta de donner à la compagne de Lucie le pain dévie et le breuvage sacré. Aussitôt qu’elle les eut reçus, elle s’envola vers sa céleste sœur ; et le treize Décembre réunit pour jamais la mémoire de l’Abbesse de Hohenbourg à celle de la Martyre de Syracuse.
L’Église de Strasbourg, dont Odile est une des premières gloires, lui consacre le récit suivant dans le Propre diocésain. En insérant ici cette Légende, nous faisons nos réserves sur ce qu’elle contient au sujet de la Règle qui fut suivie dans le monastère de Hohenbourg. Mabillon, qui revendique sainte Odile pour la Règle de saint Benoît, observe avec raison qu’il n’existait pas alors de Règle qui fût désignée sous le nom de Règle canoniale.
Odile, l’honneur et la protection de sa patrie, fut le premier enfant d’Adalric, duc d’Alsace, et de Bérésinde son épouse. Comme elle était venue au monde privée de la vue, son père la repoussa ; mais sa mère, dans un sentiment plus tendre, la confia secrètement à une nourrice. Elle fut ensuite élevée dans le monastère de Baume, non loin de Besançon. On lui enseigna dans cet asile les saintes lettres, et elle croissait en âge et en sagesse. Déjà elle était arrivée à l’âge adulte, quand elle fut baptisée par le bienheureux évêque Erhard ; et, à ce moment, elle recouvra miraculeusement la vue. Quelques années après, elle rentra dans la maison et dans les bonnes grâces de son père. Dans ce palais, on la vit mépriser tout ce que le monde recherche, cultiver l’amour de la pauvreté au milieu de l’opulence, garder la solitude d’une anachorète au sein même d’une cour bruyante. Elle repoussa avec constance les alliances qui lui furent offertes, et ce ne fut qu’après de longs et rudes combats qu’elle obtint enfin de son père la permission de se consacrer à Dieu avec d’autres vierges. Adalric fit bâtir à ses frais sur le sommet d’une haute montagne une église et un monastère auquel il attacha de riches domaines, et il y installa Odile pour le gouverner.
Cet asile de sainteté était à peine ouvert que l’on vit un grand nombre de vierges y affluer : la tradition en porte le nombre à cent trente. Elles vécurent d’abord en ce lieu sans aucune règle déterminée ; imiter Odile était toute leur loi. Plus tard, les sœurs délibérèrent sur le choix qu’elles avaient à faire entre la règle monastique et la règle canoniale ; la très sage Abbesse décida la question en faveur de cette dernière, étant mue à cette résolution par les conditions particulières du lieu. Indulgente envers toutes, Odile n’était dure qu’à l’égard d’elle-même. Du pain d’orge et de l’eau, avec quelques légumes, c’était toute la sustentation de sa vie. La contemplation des choses divines l’attirait continuellement ; elle, y consacrait la plus grande partie de la nuit ; le reste était donné au sommeil. Une peau d’ours lui servait de lit, une pierre d’oreiller.
Animée d’une tendresse maternelle envers les pauvres et les malades, elle construisit un second monastère et un vaste hospice vers le bas de la montagne, afin d’y ménager à leur misère un asile plus commode. Et non seulement elle établit en cet endroit une communauté de vierges sacrées qui devaient donner leurs soins à ces infortunés ; mais elle-même les visitait chaque jour, leur servait à manger et leur prodiguait ses consolations, pansant même, sans dégoût, de ses propres mains, les ulcères des lépreux. Enfin, pleine de mérites et d’années, et sentant sa mort approcher, elle convoqua ses religieuses dans la chapelle de saint Jean-Baptiste, et les exhorta à demeurer fidèles à leurs saints engagements, et à ne jamais abandonner la voie qui conduit au ciel. Enfin, avant reçu dans ce saint lieu le Viatique du corps et du sang de Jésus-Christ, elle sortit de cette vie, le jour des ides de décembre, et, selon le calcul le plus probable, en l’année sept cent vingt. Le corps de la vierge fut enseveli dans cette même chapelle ; et dès lors son tombeau commença d’être entouré de la plus grande vénération, et resplendit de l’éclat des miracles.
Les voies du Seigneur furent admirables sur vous, ô Odile, et il daigna montrer en votre personne toute la richesse des moyens de sa grâce. En vous privant de la vue du corps qu’il devait plus tard vous rendre, il accoutuma l’œil de votre âme à ne s’attacher qu’aux beautés divines ; et lorsque la lumière sensible vous fut donnée, déjà vous aviez fait choix de la meilleure part. La dureté d’un père vous refusa les innocentes douceurs de la famille ; mais vous étiez appelée à devenir la mère spirituelle de tant de nobles filles qui, à votre exemple, foulèrent aux pieds le monde et ses grandeurs. Votre vie fut humble, parce que vous aviez compris les abaissements de votre Époux céleste ; votre amour pour les pauvres et les infirmes vous rendit semblable à notre divin Libérateur, qui vient prendre sur lui toutes nos misères. Ne vous vit-on pas retracer les traits sous lesquels il va bientôt se montrer à nous, lorsqu’un pauvre lépreux repoussé de tous fut accueilli par vous avec une si touchante compassion ? On vous vit le serrer dans vos bras, porter avec le courage d’une mère la nourriture à sa bouche défigurée ; n’est-ce pas là ce que vient faire ici-bas notre Emmanuel, descendu pour guérir nos plaies dans ses fraternels embrassements, pour nous faire part de la nourriture divine qu’il nous prépare à Bethléhem ? Pendant qu’il recevait les caresses de votre charité, le lépreux tout à coup sentit disparaître l’affreuse maladie qui le séquestrait du reste des humains. A la place de cette horrible puanteur qu’il exhalait, une odeur délicieuse s’échappe de ses membres renouvelés : n’est-ce pas là encore ce que Jésus vient opérer à notre égard ? La lèpre du péché nous couvrait ; elle se dissout par la grâce qu’il nous apporte, et l’homme régénéré répand autour de lui la bonne odeur de Jésus-Christ.
Au sein des joies que vous partagez avec Lucie, souvenez-vous de nous, ô Odile ! Nous savons combien votre cœur est compatissant. Nous n’avons point oublié la puissance de ces larmes qui retirèrent votre père du lieu des expiations, et ouvrirent les portes de la patrie céleste à celui qui vous avait exilée de la famille terrestre. Maintenant vous n’avez plus de larmes à répandre ; vos yeux ouverts à la lumière du Ciel contemplent l’Époux dans sa gloire, et vous êtes plus puissante encore sur son cœur. Souvenez-vous de nous qui sommes pauvres et infirmes ; obtenez la guérison de nos maladies. L’Emmanuel qui vient à nous se présente comme le médecin de nos âmes. Il nous rassure en nous disant que sa « mission n’est pas pour ceux qui se portent bien, mais pour ceux qui sont malades. » Priez-le de nous affranchir de la lèpre du péché, et de nous rendre semblables à lui. O vous dont le sang illustre a coulé dans les veines de tant de rois et d’empereurs, jetez un regard sur la France, et protégez-la ; aidez-la à recouvrer avec l’antique foi sa grandeur première. Veillez sur les débris du Saint Empire romain ; l’hérésie a dispersé les membres de ce grand corps ; mais il revivra, si le Seigneur, fléchi par vos prières, daigne ramener dans la Germanie l’unité de croyance et la soumission à la sainte Église. Priez afin que ces merveilles s’opèrent à la gloire de votre Époux, et que les peuples, las enfin de l’erreur et de la division, s’unissent pour proclamer le règne de Dieu sur la terre.