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17ème Dimanche après la Pentecôte

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Tu aimeras ton prochain comme toi-même

Sommaire

  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum  
  Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique  
  Office  
  Textes de la Messe  
  Dominica Decima septima post Pentecosten  
  17ème Dimanche après la Pentecôte  

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

L’Évangile qu’on lit aujourd’hui à la Messe du dix-septième Dimanche, lui a fait donner le nom de Dimanche de l’amour de Dieu, depuis que l’Évangile de l’hydropique et des conviés aux noces a été transféré huit jours plus tôt. Plus anciennement encore et primitivement, on y lisait un autre passage du livre sacré qui ne se retrouve plus dans la série des Dimanches après la Pentecôte ; c’était le récit de la difficulté proposée par les Sadducéens à l’Homme-Dieu contre la résurrection des morts, et la réponse du Seigneur [1].

A LA MESSE.

Les décisions de Dieu sont toujours équitables, soit que, dans sa justice, il confonde les orgueilleux, soit que, dans sa miséricorde, il exalte les humbles. Nous avons vu cet arbitre souverain à l’œuvre, il y a huit jours, dans la distribution des places réservées pour les saints au banquet de l’union divine. Rappelons-nous les prétentions et le sort différents des invités aux noces sacrées, en chantant l’Introït de ce jour, et ne nous réclamons que de la miséricorde.

L’obstacle le plus odieux que rencontre l’amour divin sur la terre est la jalousie de Satan qui cherche à remplacer dans nos âmes, par une usurpation monstrueuse, le grand Dieu pour qui elles sont faites. Unissons-nous à l’Église pour implorer, dans la Collecte, l’assistance surnaturelle qui nous est nécessaire afin d’éviter le contact impur du hideux serpent.

ÉPÎTRE.

L’Église reprend avec saint Paul, dans la lettre aux Éphésiens, l’exposition des grandeurs de ses enfants ; elle les supplie, aujourd’hui, de répondre dignement à leur vocation sublime.

Cette vocation, cet appel de Dieu, nous les connaissons en effet ; c’est l’appel du genre humain aux noces sacrées, la vocation pour nos âmes à régner dans les cieux sur le trône du Verbe, devenu leur Époux et leur Chef [2]. Jadis plus rapproché de l’Épître qu’on vient de lire, l’Évangile précédent trouvait en elle son brillant commentaire, et lui-même expliquait parfaitement le terme de l’Apôtre. « Lorsque vous serez appelé aux noces, disait le Seigneur, quum VOCATUS fueris, prenez la dernière place » ; — « en toute humilité, dit l’Apôtre, montrez-vous dignes de l’appel que vous avez entendu : digne ambuletis vocatione qua VOCATI estis. »

Quelle est donc maintenant la condition dont l’accomplissement doit nous montrer dignes de l’honneur suprême qui nous est fait par le Verbe éternel ? L’humilité, la mansuétude et la patience sont les moyens recommandés pour arriver au but. Mais le but lui-même, c’est l’unité de ce corps immense que le Verbe fait sien dans la célébration des noces mystiques ; la condition qu’exige l’Homme-Dieu de ceux qu’il appelle à devenir, en participation de l’Église son Épouse, os de ses os, chair de sa chair [3], est de maintenir entre eux une telle harmonie, qu’elle fasse de tous véritablement un même esprit et un seul corps, dans le lien de la paix.

« Lien splendide ! s’écrie saint Jean Chrysostome ; lien merveilleux qui nous réunit tous mutuellement, et, tous rassemblés, nous unit à Dieu [4] ! » Sa puissance est celle de l’Esprit-Saint lui-même, toute de sainteté et d’amour ; car c’est l’Esprit qui forme ses nœuds immatériels et divins, l’Esprit faisant l’office, au sein de la multitude baptisée, de ce souffle vital qui, dans le corps humain, anime à la fois et rallie tous les membres. Par lui jeunes gens et vieillards, pauvres et riches, hommes et femmes, distincts de race et de caractère, ne sont plus qu’un seul tout comme en fusion dans l’immense embrasement dont brûle sans fin l’éternelle Trinité. Mais pour que l’incendie de l’amour infini puisse s’emparer ainsi de l’humanité régénérée, il faut qu’elle soit purgée des rivalités, des rancunes, des dissensions qui montreraient qu’elle est encore charnelle [5], et peu accessible dès lors à la divine flamme comme à l’union qu’elle produit. De même en effet , selon la belle comparaison de saint Jean Chrysostome [6], de même que le feu, quand il trouve les diverses variétés de bois qu’on offre à son action préparés par une dessiccation suffisante, ne fait de tous qu’un seul bûcher, mais ne peut, s’ils sont encore humides, ni prendre sur eux isolément, ni les unir ensemble : ainsi en est-il dans l’ordre du salut ; l’humidité malsaine des passions ne laisse point prise à l’Esprit sanctificateur, et L’union, condition et but de l’amour, est dès lors impossible.

Lions-nous donc à nos frères par cette chaîne bienheureuse de la charité, qui n’immobilise que nos petites passions et dilate nos âmes au contraire, en permettant à l’Esprit de les conduire sûrement à la réalisation de l’unique espoir de notre commune vocation, qui est de nous unir à Dieu dans l’amour. Sans doute, même entre les saints ici-bas, la charité reste une vertu laborieuse, parce que, chez les meilleurs eux-mêmes, la grâce arrive rarement à restaurer sans défectuosité aucune l’équilibre des facultés rompu par le péché d’origine ; il en résulte que l’infirmité, les excès ou les fuites de la pauvre nature se font sentir, non seulement à l’humilité du juste, mais encore quelquefois, il ne l’ignore pas, à la patience bienveillante de ceux qui l’entourent. Dieu le permet pour accroître ainsi le mérite de tous, et raviver en nous le désir du ciel. Là seulement en effet, nous retrouverons facile autant que pleine harmonie avec nos semblables, par la pacification complète de nous-mêmes sous l’empire absolu du Dieu trois fois saint devenu tout en tous [7]. Dans cette patrie fortunée, Dieu même séchera les pleurs de ses élus sur leurs misères, en renouvelant leur être à sa source infinie [8]. Le Fils éternel, ayant en chacun de ses membres mystiques aboli l’empire des puissances ennemies et vaincu la mort [9], apparaîtra, dans la plénitude du mystère de son incarnation, comme la tête véritable de l’humanité, sanctifiée, restaurée et développée en lui [10] ; il tressaillira de voir arrivées à la mesure qui leur convenait, grâce aux soins de l’Esprit sanctificateur, les diverses parties de ce corps merveilleux [11] qu’il voulut s’agréger par le lien de l’amour, pour célébrer à jamais, dans le concert du Verbe et de la création, la gloire de la Trinité souveraine. Combien alors seront dépassées les harmonies de la terre d’exil ! Combien l’accord des chœurs les plus parfaits de ce monde paraîtra discordant, auprès de cet ensemble, de cette harmonie, de cet accord éternel ! Préparons-nous pour le céleste concert ; prenons soin d’ajuster nos voix, en disposant dès maintenant nos cœurs à cette plénitude de l’amour, qui n’est point d’ici-bas, mais que nous devons mériter par nos efforts et le support patient des défauts de nos frères et des nôtres.

On dirait que l’Église, dans l’extase où la plongent les notes de ce concert admirable qui s’échappent prématurément du ciel aujourd’hui par la bouche de Paul, se voit déjà transportée au delà du temps, pour y mêler en liberté ses inspirations au chant de l’Époux. Car elle ajoute, en manière de conclusion, au texte de l’Épître, une expression de louange qui ne fait point partie de l’Écriture, et qui forme comme la doxologie des accents inspirés du grand Apôtre. Nous connaissons désormais les dons sans prix faits par l’Homme-Dieu à la terre [12] ; grâce aux prodiges de puissance et d’amour opérés par le Verbe divin et l’Esprit sanctificateur, l’âme du juste est véritablement un ciel. Chantons, au Graduel, la félicité du peuple chrétien choisi par Dieu pour son héritage.

ÉVANGILE.

L’Homme-Dieu laissa la tentation approcher de sa personne sacrée au désert [13], et ne dédaigna point de subir les attaques que la ruse haineuse du démon lui suggère depuis le commencement pour perdre les hommes ; Jésus voulait apprendre aux siens la manière dont ils devaient repousser les assauts de l’esprit du mal. Aujourd’hui notre Chef adoré, qui veut être le modèle de ses membres en toutes leurs épreuves [14], nous apparaît aux prises, non plus avec la perfidie de Satan, mais avec l’hypocrisie de ses pires ennemis, les Pharisiens. Ils cherchent à le perdre en le surprenant dans ses paroles [15], ainsi que le feront jusqu’à la fin des temps, contre son Église, les représentants du monde ennemi qu’il a condamné [16].

Mais de même que son Époux divin, l’Église, assistée par lui pour continuer son œuvre sur la terre au milieu des mêmes tentations et des mêmes embûches, trouvera dans sa fidélité aussi simple qu’inébranlable à la loi de Dieu et à la vérité le secret de toutes les victoires. Les hérétiques, suppôts de Satan, les princes du monde, rongeant le frein imposé par le christianisme à leur ambition et à leurs convoitises, tenteront vainement de circonvenir la dépositaire des oracles divins par leurs propositions ou leurs questions captieuses. Mise en demeure de parler, elle parlera toujours ; qu’est-elle, en effet, comme Épouse de ce Verbe divin qui est la parole éternelle du Père ? Que peut-elle être, qu’une voix pour l’annoncer aux hommes ou le chanter dans les cieux ? Mais aussi, non seulement sa parole, revêtant la force et la pénétration de Dieu même, ne sera jamais sujette à surprise ; comme un glaive à deux tranchants, presque toujours elle ira plus loin que n’eussent voulu les questionneurs hypocrites de l’Église, en confondant leurs sophismes et en mettant à nu les intentions criminelles de leurs cœurs [17]. De leur tentative sacrilège il ne restera pour eux que la honte, avec le dépit d’avoir amené la glorification de la vérité sous un nouveau jour et accru la lumière pour les enfants soumis de la Mère commune.

Ainsi advint-il aux Pharisiens de notre Évangile. Ils voulaient voir, dit l’Homélie du jour, si le Sauveur, qui se proclamait Dieu, n’ajouterait point à cause de cela quelque chose au commandement de l’amour divin, afin de pouvoir ensuite le condamner comme ayant tenté de corrompre la lettre du plus grand des préceptes de la loi [18]. Mais l’Homme-Dieu déjoue leurs pensées ; il rappelle à ceux qui l’interrogent sur le grand commandement le texte même du décalogue, et continuant la citation, il montre qu’il n’ignore point le mobile secret qui les pousse, en leur rappelant aussi le second commandement, semblable au premier, le commandement de l’amour du prochain qui condamne leurs homicides menées. Ils sont ainsi convaincus de n’aimer ni le prochain, ni Dieu même, puisque le premier commandement ne peut être observé sans le second qui en découle et le complète.

Cependant le Seigneur achève de les confondre et les contraint à reconnaître eux-mêmes implicitement la divinité du Messie. Interrogés à leur tour, ils avouent que le Christ doit descendre de David ; mais, s’il est son fils, comment David l’appelle-t-il son Seigneur aussi bien qu’il le fait pour Dieu même, dans le psaume CIX où il chante les grandeurs du Messie ? La seule explication possible est que le Messie, qui devait dans le temps et comme homme sortir de David, était Dieu et Fils de Dieu dès avant tous les temps, selon la parole du même psaume : Je vous ai engendré de mon sein avant l’aurore [19]. Cette réponse qui les eût condamnés, les Pharisiens ne la donnèrent pas ; mais leur silence était un aveu, en attendant que la vengeance du Père contre ces vils ennemis de son Christ accomplît la prophétie, et fît d’eux l’escabeau de ses pieds dans le sang et la honte, au jour terrible des justices de Jéhovah sur la ville déicide.

Nous, chrétiens, pour la plus grande honte de l’enfer qui suscita contre le Fils de Dieu les embûches de la synagogue expirante, sachons tirer de ces efforts de la haine une instruction qui profite à l’amour. Les Juifs, en rejetant Jésus-Christ, manquèrent à la fois aux deux préceptes qui constituent la charité et résument toute la loi ; si nous aimons Jésus-Christ au contraire, pour la même raison toute la loi se trouve accomplie.

Splendeur de la gloire éternelle [20], un par nature avec le Père et l’Esprit-Saint, il est le Dieu que nous prescrit d’aimer le premier commandement ; et le second, d’autre part, ne trouve qu’en lui d’application possible. Car non seulement il est homme aussi véritablement qu’il est Dieu ; mais encore il est l’homme par excellence [21] : l’homme parfait, sur le type duquel et pour qui ont été formés tous les autres [22] ; leur modèle et leur frère à tous [23] ; le chef en même temps qui les régit comme roi [24], qui les offre à Dieu comme pontife [25] ; la tête qui communique à tous les membres de l’humanité beauté et vie, mouvement et lumière ; le rédempteur de cette humanité tombée, et doublement dès lors la source de tout droit, la dernière et la plus haute raison, sinon l’objet direct, de tout amour légitime ici-bas. Rien ne compte qu’en lui devant Dieu. Dieu n’aime les hommes, dit saint Augustin [26], que parce qu’ils sont les membres de son Fils ou qu’ils peuvent le devenir ; c’est son Fils qu’il aime en eux tous : il aime ainsi d’un même amour, quoique non également, et son Verbe, et la chair de son Verbe, et les membres de son Verbe fait chair. Or la charité, c’est l’amour tel qu’il est en Dieu, communiqué par l’Esprit-Saint aux créatures. Ce que nous devons donc aimer par la charité en nous et dans autrui, c’est le Verbe divin comme étant dans les autres et en nous-mêmes, ou pour qu’il y soit, d’après une autre expression de l’évêque d’Hippone [27].

Mais par suite, en dehors des damnés bannis pour jamais du corps de l’Homme-Dieu, gardons-nous d’exclure personne de l’amour. Qui peut se vanter d’avoir la charité du Christ, s’il n’embrasse pas son unité, dit encore saint Augustin [28] ? Qui peut l’aimer, sans aimer avec lui l’Église qui est son corps, sans aimer tous ses membres ? Ce que l’on fait à l’un des plus petits comme aux plus dignes, en bien comme en mal, c’est à lui qu’on le fait, déclare-t-il [29]. Aimons donc le prochain comme nous-mêmes à cause du Christ qui est en chacun de nous, et qui donne à tous union et croissance dans la charité [30].

Le même Apôtre qui disait : La fin de la loi, c’est la charité [31], a dit aussi : La fin de la loi, c’est le Christ [32] ; et nous voyons maintenant l’harmonie de ces deux propositions. Nous comprenons également la connexité de la parole de notre Évangile : Dans ces deux commandements sont renfermés toute la loi et les prophètes, et de cette autre parole du Seigneur : Scrutez les Écritures, car elles rendent témoignage de moi [33]. La plénitude de la loi qui règle les mœurs est dans la charité [34], dont le Christ est le but ; comme l’objet des Écritures révélées n’est autre encore que l’Homme-Dieu résumant dans son adorable unité, pour les siens, la morale et le dogme. Il est leur foi et leur amour, « la fin de toutes nos résolutions, dit saint Augustin ; car tous nos efforts ne tendent qu’à nous parfaire en lui, et c’est là notre perfection, d’arriver jusqu’à lui ; parvenu donc à lui, ne cherche pas au delà : il est ta fin [35]. » Et le saint docteur nous donne, arrivés à ce point, la meilleure formule de l’union divine : « Adhérons à lui seul, jouissons de lui seul, soyons tous un en lui : haereamus uni, fruamur uno, permaneamus unum [36]. »

La belle Antienne de l’Offertoire de ce jour, séparée des Versets qui l’accompagnaient autrefois, ne laisse plus deviner la raison pour laquelle cette place lui fut assignée dès les temps les plus reculés. Nous donnons ici ces Versets à la suite de l’Antienne conservée. Le dernier se termine par la nouvelle de l’arrivée du prince des armées célestes au secours du peuple de Dieu. C’est l’explication désirée, quand on sait, d’autre part, que ce Dimanche ouvre la semaine de la fête du grand Archange sur l’Antiphonaire publié par le Bienheureux Tommasi d’après les manuscrits les plus anciens, et que le Dimanche suivant s’y trouve désigné sous le nom de premier Dimanche après la Saint-Michel (post Sancti Angeli).

J’ai prié mon Dieu, moi Daniel, disant : Seigneur, exaucez les prières de votre serviteur : faites briller votre face sur votre sanctuaire, * et regardez miséricordieusement ce peuple * sur lequel votre Nom a été invoqué, ô Dieu !
V/. I. Comme je parlais encore et priais, et disais mes péchés et les fautes d’Israël mon peuple.
* Sur lequel. V/. II. J’entendis une voix qui me disait : Daniel, comprends les paroles que je t’adresse, parce que je suis envoyé vers toi, et voici que Michel même est arrivé à mon secours.
* Et regardez miséricordieusement.

Délivrance pour le passé et sécurité pour l’avenir, tels sont les effets qui dépendent du grand Sacrifice. Demandons-les, dans la Secrète, avec l’Église.

Le moment des Mystères est celui où l’âme chrétienne présente au Seigneur, dans l’enthousiasme de l’amour, ses promesses et ses vœux. Qu’elle se livre sans réserve au Dieu caché qui la comble ; mais néanmoins qu’elle n’oublie pas, dans la si juste expansion de son cœur, que celui qui se dérobe ainsi miséricordieusement sous les voiles eucharistiques est le Très-Haut, terrible aux rois, et châtiant les parjures.

C’est la sainteté même de Dieu qui vient, au divin Sacrement, guérir nos vices et fortifier nos pas dans la route de l’éternité. Offrons nos âmes à son action salutaire par la prière de la Postcommunion.

Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

« Secunda post natale sancti Cypriani. »
Die dominico, (statio) ad sanctos Cosmae et Damiano ante natale eorum.

Voici le dimanche qui, selon l’ordre du Missel, précède le grand jeûne d’automne, appelé par les anciens le jeûne du VIIe mois. Les saints Pères avaient coutume d’en donner avis au peuple, accompagnant cet avis d’une exhortation à la pénitence et à l’aumône. L’insistance avec laquelle ils reviennent sur cette dernière idée est remarquable : le jeûne chrétien ne vise point à un but hygiénique ou économique, à l’avantage de la bourse, mais il se propose au contraire la correction des vices et la pratique de la charité, les pauvres profitant de ce que l’abstinence soustrait au corps. A l’origine il semble que ce jeûne, d’institution toute romaine, ait voulu donner une orientation et un caractère chrétiens aux antiques fêtes champêtres des païens à l’occasion des vendanges.

C’est pourquoi la solennité demeura en honneur, avec ses processions parcourant les voies de la cité et des faubourgs ; mais la messe, de caractère éminemment festif, fut précédée du jeûne, comme pour faire goûter à Dieu le premier les fruits nouveaux, prémices de la saison d’automne.

Ordinairement, les dimanches précédant le jeûne des IV Temps, — ou plutôt des III Temps, comme disaient les anciens, puisque le jeûne de printemps est compris dans le Carême, — saint Léon le Grand annonçait ce jeûne au peuple en une splendide homélie. Parmi les œuvres du saint Docteur, on en a conservé neuf sur le jeûne des Temps ; maïs toutes traitent en général de l’abstinence et de l’aumône, sans qu’aucune s’inspire de la lecture de l’Évangile dominical. Généralement, la formule finale par laquelle il intime le jeûne est celle-ci : Quarta igitur et sexto, feria ieiunemus ; sabbato vero apud beatum Petrum Apostolum vigilias celebremus [37]. Le jeûne du samedi n’est pas explicitement énoncé, car, selon le rit romain, il était considéré comme la continuation de celui du vendredi ; et au début, il était si absolu qu’il ne se terminait qu’à l’aurore du dimanche, après la célébration, à Saint-Pierre, de la messe de vigile.

Dans le Codex de Würzbourg on annonce aujourd’hui une station au Titre des Anargyres sur la Voie Sacrée, en préparation à leur dies natalis. Il faut remarquer toutefois que cette synaxe avait un caractère éminemment mobile, puisqu’elle était fixée au dimanche précédant le 27 septembre, jour où Rome célébrait précisément la fête des Martyrs Corne et Damien.

Aujourd’hui l’introït est tiré du psaume 118, qui, à cause de son verset initial : Beati immaculati in via, avait à Rome un certain caractère processionnel, si bien qu’on le chantait dans l’après-midi du Vendredi saint, durant le trajet du cortège stationnal se rendant du Latran à la Basilique Sessorienne. « Vous êtes juste, ô Seigneur, et droit est votre jugement. Avec votre serviteur pourtant, qui se confie à votre bonté et vous supplie de ne pas entrer en jugement avec lui selon votre écrasante sainteté, agissez selon votre miséricorde, laquelle, dans la vie présente, est au-dessus de toutes vos œuvres. »

Dieu agit avec nous selon nos préférences. Si nous exerçons durement nos droits sur le prochain, si nous ne voulons pas lui pardonner les offenses qu’il nous a faites, si nous ne pratiquons pas la charité envers les malheureux, nous pousserons Dieu à employer, au jugement dernier, la même mesure de sévérité dont nous aurons usé, durant notre vie, à son égard et envers nos frères, membres de son Corps mystique. Si au contraire, nous défiant de la justice de notre cause, nous voulons faire appel à sa miséricorde, exerçons-la d’abord, cette miséricorde ; c’est précisément à cela que nous invite l’Apôtre, quand, au nom du Seigneur, il nous enseigne à devenir imitateurs de Dieu, comme des fils aimants. L’empereur Maurice de Constantinople, qui, malgré toutes les exhortations et les remontrances de saint Grégoire le Grand, avait promulgué plusieurs lois attentatoires à la liberté de l’Église, et avait abandonné l’Italie aux Barbares, s’écria, dit-on, avec le Psalmiste : Iustus es, Domine, et rectum iudicium tuum [38], quand l’envahisseur du trône impérial, Phocas, fit égorger ses fils sous ses yeux.

La collecte de ce jour est d’une exquise beauté, et définit fort bien ce prurit de curiosité spirite qui infecte la société contemporaine. Il semble à beaucoup que le spiritisme représente une réaction contre la matérialisme, et ils ne voient pas, illusionnés qu’ils sont, que le démon, pour tromper les âmes et leur nuire, se transfigure en ange de lumière céleste et cache ses funestes mensonges sous une enveloppe de vérité. Or l’Église définit en deux mots la nature de ce fatal mouvement spirite et théosophique qui rencontre actuellement tant d’adeptes : contagion diabolique. Et c’est là un terrible jugement du Seigneur. Qui ne veut pas s’humilier devant la sagesse même de Dieu qui se révèle par l’intermédiaire de l’Église, colonne et soutien de l’éternelle vérité, celui-là mérite d’être humilié par les mensonges du démon et d’en être victime.

Le passage de l’épître aux Éphésiens (4, 1-6) nous suggère énergiquement aujourd’hui le concept de l’unité de la famille chrétienne, unité fondée sur l’identité de l’Esprit qui vivifie tous les membres du corps mystique de Jésus-Christ. Un est le Seigneur, une la foi, un le baptême... et un aussi l’évêque. Ainsi autrefois, dans le cirque, les Romains en tumulte répondirent-ils à l’hérétique empereur Constance quand celui-ci leur proposa de garder en paix tant le pape légitime que l’antipape Félix II, qu’il avait auparavant fait opposer à Libère, confesseur invincible de la foi de Nicée.

Le graduel est commun au mercredi des grands scrutins du Carême et il est emprunté au psaume 32. Coïncidence fortuite ou choix habile, il continue pour ainsi dire l’idée dont le déroulement s’est commencé dans la lecture de l’Apôtre, puisqu’il appelle bienheureux le peuple chrétien dont le Seigneur est le Très-Haut, et que Dieu considère comme son héritage de prédilection au milieu de la grande apostasie du monde. Celui-ci place sa béatitude dans la fortune, dans la puissance et dans l’or, tandis que le fidèle, au contraire, veut Dieu pour son unique richesse. Tout le reste, comme le disait une grande reine convertie au catholicisme, ne me suffit ni ne me sert.

La voûte des cieux, toute parsemée d’astres resplendissant comme des diamants, est là pour attester la puissance de la parole de Dieu, et comme pour assurer l’âme que le bras sur lequel elle s’appuie ne lui fera pas défaut par lassitude.

Le verset alléluiatique appartient au psaume 101 et sert de prélude à presque toutes les prières solennelles de l’Église : « Seigneur, exaucez ma prière, et que mon cri arrive jusqu’à vous. » Avant de commencer l’oraison, la liturgie nous apprend à adresser à Dieu cette invocation, parce que la meilleure préparation à la prière est un esprit humble et confiant. Or, dans le verset en question, la confiance est exprimée par cette demande si simple et si digne d’un fils : Seigneur, exaucez ma prière ; quant à l’humilité, plutôt qu’indiquée, elle est comme sous-entendue en ce qui suit : que le cri qui m’est arraché par le besoin que j’ai de Vous, par l’extrême misère où je me trouve, arrive jusqu’à votre oreille, quoique émis en cette vallée profonde, en cet abîme d’abjection où j’ai glissé ; Seigneur, vous qui dédaignez la parole des superbes, vous vous abaissez jusqu’à accueillir les vœux des humbles.

La lecture évangélique de saint Matthieu (22, 34-46) traite du précepte suprême de la Loi, que Jésus place dans l’amour de Dieu et du prochain. Il faut remarquer que le Sauveur avait été interrogé relativement au précepte principal du code judaïque. S’il désigne ici Dieu et le prochain comme les deux termes de l’amour, en réalité pourtant l’amour est unique, puisqu’on doit aimer le prochain d’une charité surnaturelle, pour l’amour de Dieu, en tant qu’il est quelque chose de Dieu et qu’il lui appartient. La soi-disant philanthropie qui veut déchristianiser la charité chrétienne, ne s’élève aucunement à cet ordre surnaturel. Elle est, en outre, une vaine tentative, parce que, faisant abstraction de Dieu, fin dernière de la charité chrétienne, elle ne propose pas à l’homme de motif d’aimer son semblable jusqu’au sacrifice et, par conséquent, plus que soi-même. Non seulement elle n’en dorme pas de motif, mais la charité laïque elle-même n’a pas les énergies suffisantes pour atteindre le but qu’elle se propose. De fait, la nature humaine est généralement égoïste ; en outre, parmi nos semblables, il en est beaucoup qui, par leurs qualités physiques ou morales ne se recommandent point à notre amour. Comment faire pour nourrir dans notre cœur une si grande affection pour ce peu recommandable prochain ? C’est précisément le problème que proposait Pétrone dans le magnifique roman de Sienkievicz. Ici le laïcisme ne peut donner aucune réponse ; bien plus, il est, pratiquement, en complète faillite. Nous le voyons tous les jours avec tous ses comités de bienfaisance, qui recueillent parfois des sommes considérables pour les pauvres, sans qu’on puisse jamais savoir où va en réalité tout cet argent.

Combien différent est au contraire le spectacle qu’offre au monde l’Église catholique, le Pontificat Romain, ce Siège que d’un mot très heureux Ignace le Théophore appela jadis le Président de la Charité. Il n’est pas de douleur humaine, physique ou morale, à laquelle l’Église catholique, au moyen de ses membres de choix, des corporations religieuses surtout, n’apporte un soulagement, qu’elle n’adoucisse, qu’elle ne dissipe le mieux possible. Il y a des ordres réguliers qui, par un vœu spécial, s’engagent à se constituer prisonniers pour délivrer les esclaves, à servir les lépreux des Indes, les pestiférés, tous les rebuts de la société humaine. De telles œuvres accomplies sans cesse, et sur une vaste échelle, par des milliers et des milliers de personnes de toute condition et de tout sexe, dépassent évidemment les forces humaines et, il faut en convenir, démontrent que la source de cette charité catholique est vraiment divine. Voilà de quelle manière l’Église accomplit, avec une sainteté héroïque, jusqu’au sacrifice, le double précepte de la dilection envers Dieu et le prochain. Envers Dieu elle s’affirme surtout par la divine liturgie ; envers le prochain par les œuvres que nous venons de signaler.

Le verset pour l’offrande des dons par le peuple est tiré de Daniel (9, 17-18) et reflète l’état d’âme des Romains durant le haut moyen âge, alors que la Ville éternelle était continuellement exposée aux assauts des Lombards. « Moi, Daniel, me trouvant captif à Babylone après la destruction du temple, — les Lombards avaient détruit des centaines d’églises en Italie, passant au fil de l’épée évêques, prêtres et moines, — je priai Dieu et lui dis : Seigneur, recevez ma prière et voyez les ruines silencieuses de votre sanctuaire. Regardez avec bienveillance ce peuple sur lequel, à titre d’ineffaçable bénédiction, a été invoqué votre saint Nom, et ce que vous pourriez nous refuser en raison de nos démérites, accordez-le nous pour votre gloire elle-même, dont Israël est un parfait reflet. »

Dans la secrète, nous demandons à Dieu que l’offrande eucharistique, tout en expiant les fautes déjà commises, serve aussi à nous préserver dans l’avenir des chutes possibles. C’est là précisément la doctrine des saints Pères, résumée par le concile de Trente, sur l’efficacité du très saint Sacrement, quand ils enseignent que la Communion est l’antidote qui nous prémunit contre les chutes quotidiennes. Quotidie sume ut quotidie prosit.

Le verset pour la distribution des saints Mystères au peuple est emprunté au psaume 75. « Faites aussi des vœux au Seigneur notre Dieu et accomplissez-les. Que ceux qui l’entourent offrent des dons au Terrible. Il enlève l’esprit aux princes ; il est terrible pour tous les rois de la terre. »

Oui, Jésus dans l’Eucharistie est terrible pour les démons, qu’il enveloppe des flammes de sa sainteté et de sa justice. Il est terrible pour les impies, qui, à l’exemple de Judas, avec le morceau de pain de la dernière Cène absorbent Satan pour leur propre condamnation. Avec les pauvres, au contraire, lesquels, dans la simplicité de leur cœur, entourent son autel et lui offrent le Sacrifice d’un esprit purifié et fervent, Jésus-Eucharistie est suave et doux ; car, plein de condescendance et connaissant leur pauvreté, il leur met Lui-même entre les mains ce qu’ils lui offriront : « de tuis donis ac datis offerimus tibi hostiam puram ».

Dans la collecte d’action de grâces, nous demandons au Seigneur que, par le Sacrement—-le Missel l’appelle Sanctificatio, comme saint Ambroise Consecratio, parce que la transsubstantiation est l’effet d’une Sanctification — nous soit accordé un remède salutaire pour guérir nos plaies spirituelles, en sorte que, sains de corps et d’âme, nous soyons en mesure d’expérimenter toute l’efficacité du pain de vie éternelle, remède pour l’immortalité.

La liturgie l’appelle le remède de l’éternité, parce que l’Eucharistie est une anticipation, une garantie, un gage, de ce bien immense que Dieu nous réserve dans le ciel, et qui apportera remède et fin à tous les maux qui s’entrecroisent sur le sentier de notre exil.

Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique

Assieds-toi à ma droite.

L’Église nous communique au cours de cette semaine trois grandes vérités du christianisme ; ce sont les trois grandes pensées liturgiques suivantes : le Christ, l’Église, l’Amour :
- 1. Le Christ est le Fils de Dieu, qui règne désormais glorieux à la droite du Père jusqu’à son retour triomphant.
- 2. L’Église est le corps -mystique du Christ, une unité puissante ; nous sommes membres de ce corps. C’est sur cette vérité que la liturgie édifie sa vie d’union.
- 3. L’Amour, le plus grand commandement. La pensée du dimanche est l’unité du christianisme. Cette unité, nous devons la faire nôtre et écarter le grand destructeur de l’unité, le péché.

1. La messe (Justus es). – La messe d’aujourd’hui nous montre clairement que la liturgie, par le choix de ses lectures, spécialement dans l’Évangile, n’a pas en vue avant tout l’enseignement, mais plutôt la présentation et l’éclaircissement du mystère. Quiconque a essayé de pénétrer le sens de l’Évangile du jour s’est trouvé, dans la seconde partie, en présence de difficultés. Pour les âmes simples en particulier, le passage en question est bien difficile à comprendre. L’Évangile nous apparaît dans une tout autre lumière si nous le considérons comme le voile du mystère. Alors ce passage difficile est précisément l’essentiel. C’est l’image de la Majestas Domini, du Seigneur assis, avec tout l’éclat de sa majesté, à la droite du Père ; dans la vallée de larmes de l’exil. L’Église aspire ardemment à cette image ; elle brille tout à coup au Saint-Sacrifice de la messe. Cette image s’adapte parfaitement au temps d’automne de l’année liturgique, où nous attendons, parmi les obscurités de la vie terrestre, le retour du Seigneur. Esquissons maintenant les différentes parties de la messe : la pensée de l’Église n’est plus aussi sombre que dimanche dernier, elle est résignée ; les épreuves de l’exil sont l’exercice d’un droit légitime de la justice divine, et l’Église implore la pitié (Intr.). Sa préoccupation est de nous voir « accomplir avec un cœur pur », « selon la loi de Dieu » et « sans fautes, notre pèlerinage terrestre », et éviter la « contagion diabolique du péché » (Or.). (Remarquez les expressions : via, ambulant, sectari, ambuletis – la vie est un pèlerinage).

Maintenant se présente de nouveau à nous l’Apôtre des nations chargé de « ses chaînes » ; il nous conjure (l’Église par sa voix) d’avoir une conduite digne de notre vocation chrétienne en marchant dans la voie de la douceur (mansuetudo), de la patience et de la charité, préoccupés avant tout de maintenir le lien de l’unité et de la paix » (Épître). Voilà l’Église parvenue à ce commandement principal qu’elle nous recommande sans cesse dans sa liturgie, la charité ; et pour l’imprimer profondément dans nos âmes, elle déploie sous le regard de notre esprit cette puissante unité avec ses sept aspects :
- 1. L’unité du corps de l’Église,
- 2. animé par le Saint-Esprit ;
- 3. la fin commune de tous les chrétiens, le ciel ;
- 4. l’unique Seigneur, Jésus-Christ ;
- 5. la foi commune à tous ;
- 6. notre incorporation commune au Christ par les mêmes sacrements (Baptême, Eucharistie) ;
- 7. par-dessus tout, le même Père commun qui est au ciel. Quel puissant motif de l’unité intérieure dans l’âme et de l’unité extérieure avec les hommes par l’amour du prochain ! Tout chrétien doit reproduire en sa personne un exemplaire de cette unité ; que ce soit la tâche de notre vie.

Cela réalisé, nous sommes, nous chrétiens, un « peuple bienheureux, élu de Dieu, fort » (Grad.), un peuple dont la force est la Trinité divine. De cette vision de l’Église de la terre, une dans le Christ, il n’y a qu’un pas pour atteindre la Jérusalem céleste ; aussi l’Alléluia est-il un « maranatha », le cri d’un ardent désir de la patrie lancé vers le Christ (dès lors tout le psaume 101 sera l’expression de la nostalgie de l’âme exilée).

Dans l’Évangile, le Maître parle lui-même du grand commandement de l’amour de Dieu et du prochain. Mais voici le point culminant : le psaume 109, que la liturgie nous fait si souvent réciter, est interprété ici par les lèvres divines ; il fait allusion à Jésus, le Fils de Dieu, infini, éternel, consubstantiel au Père ; mais le psaume est l’image liturgique du Christ qui domine en couleurs éclatantes l’abside des vieilles basiliques. C’est l’idée liturgique qui se dégage de l’Évangile : au milieu des persécutions et de la nuit des âmes, l’Église et l’âme lèvent un regard d’ardent désir vers le Christ glorieux qui est assis à la droite du Père, jusqu’à ce qu’il ait fait de leurs ennemis vaincus l’escabeau de ses pieds. Au Saint-Sacrifice le Christ glorieux est près de nous ; aussi l’image nous accompagne-t-elle à l’Offertoire : nous contemplons le visage glorieux du Christ et nous le prions de s’incliner sur le sanctuaire et sur le peuple ; nous appelons son second avènement, mais aussi sa venue actuelle au Saint-Sacrifice, qui est une anticipation de la parousie (l’offertoire est une ardente prière « parousiale » de la primitive Église). La Communion, elle aussi, voit le Christ glorieux triomphant, à son retour, de tous ses ennemis (le psaume tout entier convient parfaitement bien ici). La Secrète et la Postcommunion implorent la destruction du péché. Une oreille délicate discerne donc à travers toute notre messe une pensée unique : le retour du Christ Roi : Introït : Le Juge équitable et miséricordieux ; Oraison : Le suivre ; Graduel : le Roi créateur ; Alleluia : Prière de parousie ; Évangile : A la droite du Père ; Offertoire : Fais resplendir ta face ; Communion : Le Seigneur terrible !

2. Le psaume 109. – Pour mieux comprendre l’Évangile, nous voulons envisager de plus près le célèbre Psaume :

1. LE ROI :
Le Seigneur (le Père) a dit à mon Seigneur (le Fils) : « Assieds-toi à ma droite,
Pendant que je coucherai tes ennemis comme escabeau sous tes pieds.
Le sceptre de ta puissance, le Seigneur l’enverra de Sion (et il dit) :
Règne en maître au milieu de tes ennemis, à toi la victoire.
Au jour de ta puissance, tu attires (tout) dans ta sainte lumière ;
C’est moi qui t’ai engendré de mon sein, avant que se lève l’étoile du matin. »

II. LE SOUVERAIN, PRÊTRE ET LE JUGE.
Il l’a juré, le Seigneur, et il ne s’en repentira pas :
« Tu es Prêtre à jamais à la manière de Melchisédech.
Le Seigneur, à ta droite, brise les rois au jour de sa colère ;
Il exerce son jugement parmi les peuples et il entasse les cadavres,
Brise les crânes sur toute l’étendue de la terre.
Au torrent il boit sur son chemin ; après quoi, fièrement il relève la tête.

Le morceau est un psaume directement messianique, le Seigneur l’a lui-même interprété comme une prophétie le concernant. Il peint en images d’une magnifique couleur la victoire et le triomphe du Messie. Il se divise en deux strophes : la première montre le Rédempteur partageant la royauté de son Père. A la manière orientale, l’associé au trône prend place à la droite du souverain. Il exercera sa royauté dans le temps par la victoire sur les ennemis de Dieu ; au jour de la parousie, il apparaîtra dans l’éclat de sa majesté. Le fondement de cette royauté est également indiqué : c’est que le Messie a été engendré de toute éternité de l’essence même de Dieu. Dans la seconde strophe, le Messie apparaît comme Prêtre, et comme prêtre d’un sacrifice non sanglant, à la manière de Melchisédech, et il le demeure, même si une partie de l’humanité dédaigne le labeur sacerdotal du Messie. Pour terminer il est encore présenté comme Juge. Comme un vainqueur de l’antiquité, il réglera ses comptes avec ses ennemis au grand jour de la colère et du jugement. Le réalisme de l’image est puissant : il entasse cadavres sur cadavres, brise le crâne des ennemis. Bien que le psaume présente, dans le texte original et dans la traduction, plusieurs passages obscurs, il demeure très clair pour notre prière ; nous tenons notre regard fixé tour à tour sur le Messie, Roi, Prêtre et Juge.

Nous devrions méditer très souvent ce psaume et recevoir son action vivifiante ; il a une telle valeur ! Le spectacle que le psalmiste ne fait que pressentir, nous le voyons à la lumière du soleil : Nous voyons Jésus en Roi qu’il est ; combien différente est la réalisation : il ne réduit pas ses ennemis par la force à être l’escabeau de ses pieds ; sa grâce les contraint à tomber à genoux. Un saint Paul en sait quelque chose. Son sceptre, qu’il étend de Sion, est la croix ; il règne vraiment au milieu de ses ennemis. Et maintenant le psaume soulève un peu pour nous le voile de l’éternité : Nous voyons le Roi dans la splendeur de ses saints ; quel magnifique cortège ! Pourrai-je un jour être là moi aussi ? – Et maintenant je le contemple comme Pontife éternel, sur l’autel de la croix (à la fois comme prêtre et agneau du sacrifice), – puis je vois ce sacrifice renouvelé chaque jour sur l’autel, j’y tiens sa place. Je suis une étoile de son soleil, égaiement un prêtre selon l’ordre de Melchisédech. Je le vois encore sous un autre aspect, comme Juge, comme Vainqueur. L’histoire de l’Église a été vraiment un jugement du monde rendu par le Messie. Plus d’un Julien a dû finir par avouer : Galiléen, tu as vaincu ! Et pourtant ce n’est là qu’un pâle reflet du dernier « dies irae » – puisse-t-il ne pas m’être redoutable ! – Nous devons réciter ce psaume avec un profond sentiment d’hommage, de respect et d’adoration.

Office

Leçons des Matines avant 1960

Au troisième nocturne.

Lecture du saint Évangile selon saint Matthieu.
En ce temps-là : Les pharisiens s’approchèrent de Jésus, et l’un d’eux, docteur de la loi, lui demanda pour le tenter : Maître, quel est le plus grand commandement de la loi ? Et le reste.

Homélie de saint Jean Chrysostome.

Septième leçon. Les sadducéens acculés au silence, les pharisiens reviennent à la charge. Ils auraient dû pourtant se tenir tranquilles. Les voici qui continuent la lutte des premiers et poussent en avant le docteur de la loi. Ils n’ont nullement l’intention de s’instruire, mais ils s’affairent à tendre un piège. Ils demandent : « Quel est le premier commandement ? » Comme le premier commandement était celui-ci : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu », ils proposent la question dans l’espoir que Jésus leur donnera prise en corrigeant ce commandement pour démontrer qu’il est Dieu. Que fait donc le Christ ? Il veut démasquer le motif de leur conduite : ils n’ont aucune charité, ils se rongent d’envie, ils sont captifs de la jalousie. Alors il dit : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu. C’est là le premier, le grand commandement et le second lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. »

Huitième leçon. Pourquoi « il lui est semblable » ? Parce que l’un introduit à l’autre qui en reçoit sa structure à son tour. « En effet, tous ceux qui font le mal haïssent la lumière et ne viennent pas à la lumière ». Et encore : « L’insensé a dit en son cœur : Non, plus de Dieu ! ». Et quelle est la conséquence ? « Corrompues et abominables leurs actions ! ». Et encore : « La racine de tous les maux, c’est l’amour de l’argent, et certains pour s’y être laissé prendre, se sont égarés loin de la foi », et « Celui qui m’aime gardera mes commandements », ses commandements et leur chef de file : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu et ton prochain comme toi-même. »

Neuvième leçon. Pourtant si aimer Dieu, c’est aimer le prochain, (« Si tu m’aimes, Pierre, dit-il, conduis mes brebis ») et si aimer le prochain réalise l’observance des commandements, il dit à bon droit : « De ceux-ci dépendent toute la Loi et les Prophètes. » Certes, il agit ici aussi comme il l’avait fait précédemment. Interrogé alors sur la modalité de la résurrection, il a enseigné aussi la résurrection, les initiant à plus qu’ils n’en demandaient. Ici encore, interrogé sur le premier commandement, il exprime aussi le second qui ne s’en écarte guère, puisque le second lui est semblable, leur insinuant qu’à l’origine de leur question, il y avait de la haine, car « la charité n’est pas jalouse ».

Ant. du Benedictus à Laudes Maître, * quel est le plus grand commandement de la loi ? Jésus lui dit : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, alléluia.

Ant. du Magnificat aux 2èmes Vêpres Que vous semble du Christ ? De qui est-il fils ? Ils lui répondirent de David. Jésus leur dit : Comment donc David 1’appelle-t-il en esprit son Seigneur, en disant : Le Seigneur a dit à mon Seigneur : Assieds-toi à ma droite.

Textes de la Messe

Dominica Decima septima post Pentecosten

17ème Dimanche après la Pentecôte

II Classis
2ème Classe
Ant. ad Introitum. Ps. 118, 137 et 124.Introït
Iustus es, Dómine, et rectum iudicium tuum : fac cum servo tuo secúndum misericórdiam tuam.Vous êtes juste, Seigneur, et pleins de rectitude sont vos jugements : agissez avec votre serviteur selon votre miséricorde.
Ps. ibid., 1.
Beáti immaculáti in via : qui ámbulant in lege Dómini.Bienheureux ceux qui sont sans tache dans leurs voies, qui marchent selon la loi du Seigneur.
V/.Glória Patri.
Oratio.Collecte
Da, quǽsumus, Dómine, pópulo tuo diabólica vitáre contágia : et te solum Deum pura mente sectári. Per Dóminum.Seigneur, nous vous en prions, donnez à votre peuple la grâce d’éviter l’influence du diable, afin qu’avec un cœur pur, il soit attaché à vous seul, qui êtes son Dieu.
Léctio Epístolæ beáti Pauli Apóstoli ad Ephésios.Lecture de l’Épître de saint Paul Apôtre aux Éphésiens.
Ephes. 4, 1-6.
Fratres : Obsecro vos ego vinctus in Dómino, ut digne ambulétis vocatióne, qua vocáti estis, cum omni humilitáte et mansuetúdine, cum patiéntia, supportántes ínvicem in caritáte, sollíciti serváre unitátem spíritus in vínculo pacis. Unum corpus et unus spíritus, sicut vocáti estis in una spe vocatiónis vestræ. Unus Dóminus, una fides, unum baptísma. Unus Deus et Pater ómnium, qui est super omnes et per ómnia et in ómnibus nobis. Qui est benedíctus in sǽcula sæculórum. Amen.Mes frères, je vous conjure, moi prisonnier dans le Seigneur, de marcher d’une manière digne de la vocation à laquelle vous avez été appelés : en toute humilité et douceur, avec patience, vous supportant les uns les autres avec charité, vous efforçant de conserver l’unité de l’esprit dans le lien de la paix. Il y a un seul corps et un seul esprit, comme vous avez été appelés à une seule espérance par votre vocation. Il y a un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême. Il y a un seul Dieu et Père de tous, qui est au-dessus de tous, qui agit par tous, et qui réside en nous tous. Il est béni dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
Graduale. Ps. 32, 12 et 6.Graduel
Beáta gens, cuius est Dóminus Deus eórum : pópulus, quem elégit Dóminus in hereditátem sibi.Bienheureux le peuple dont le Seigneur est le Dieu, le peuple que le Seigneur a choisi pour son héritage.
V/. Verbo Dómini cæli firmáti sunt : et spíritu oris eius omnis virtus eórum.Les cieux ont été faits par le verbe du Seigneur et toute leur beauté vient du souffle de sa bouche.
Allelúia, allelúia. V/.Ps. 101, 2.Alléluia, alleluia.
Dómine, exáudi oratiónem meam, et clamor meus ad te pervéniat. Allelúia.Seigneur, écoutez ma prière et que mes cris parviennent jusqu’à vous. Alléluia.
+ Sequéntia sancti Evangélii secúndum Matthǽum.Lecture du Saint Evangile selon saint Mathieu.
Matth. 22, 34-46.
In illo témpore : Accessérunt ad Iesum pharisǽi : et interrogávit eum unus ex eis legis doctor, tentans eum : Magíster, quod est mandátum magnum in lege ? Ait illi Iesus : Díliges Dóminum, Deum tuum, ex toto corde tuo et in tota ánima tua et in tota mente tua. Hoc est máximum et primum mandátum. Secúndum autem símile est huic : Díliges próximum tuum sicut teípsum. In his duóbus mandátis univérsa lex pendet et prophétæ. Congregátis autem pharisǽis, interrogávit eos Iesus, dicens : Quid vobis vidétur de Christo ? cuius fílius est ? Dicunt ei : David. Ait illis : Quómodo ergo David in spíritu vocat eum Dóminum, dicens : Dixit Dóminus Dómino meo, sede a dextris meis, donec ponam inimícos tuos scabéllum pedum tuórum ? Si ergo David vocat eum Dóminum, quómodo fílius eius est ? Et nemo poterat ei respóndere verbum : neque ausus fuit quisquam ex illa die eum ámplius interrogáre.En ce temps-là, les pharisiens s’approchèrent de Jésus, et l’un d’eux, docteur de la loi, lui demanda pour le tenter : Maître, quel est le plus grand commandement de la loi ? Jésus lui dit : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, et de toute ton âme, et de tout ton esprit. C’est là le plus grand et le premier commandement. Mais le second lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Dans ces deux commandements sont renfermés la loi et les prophètes. Les pharisiens étant rassemblés, Jésus les interrogea, en disant : Que vous semble du Christ ? De qui est-il fils ? Ils lui répondirent de David. Il leur dit : Comment donc David l’appelle-t-il en esprit son Seigneur, en disant : Le Seigneur a dit à mon Seigneur : Assieds-toi à ma droite, jusqu’à ce que j’aie fait de tes ennemis l’escabeau de tes pieds ? Si donc David l’appelle son Seigneur, comment est-il son fils ? Et personne ne pouvait rien lui répondre, et, depuis ce jour, nul n’osa plus lui proposer des questions.
CredoCredo
Ant. ad Offertorium. Dan. 9, 17, 18 et 19.Offertoire
Orávi Deum meum ego Dániel, dicens : Exáudi, Dómine, preces servi tui : illúmina fáciem tuam super sanctuárium tuum : et propítius inténde pópulum istum, super quem invocátum est nomen tuum, Deus.J’ai prié mon Dieu, moi Daniel, disant : Exaucez, Seigneur, les prières de votre serviteur, montrez sur votre sanctuaire la lumière de votre face et regardez favorablement ce peuple sur lequel votre nom a été invoqué, ô Dieu.
Secreta.Secrète
Maiestátem tuam, Dómine, supplíciter deprecámur : ut hæc sancta, quæ gérimus, et a prætéritis nos delictis éxuant et futúris. Per Dóminum.Nous adressons d’humbles supplications à votre Majesté, Seigneur, pour que ces saints mystères que nous célébrons, nous délivrent des fautes passées et nous préservent des futures.
Præfatio de sanctissima Trinitate ; non vero in feriis, quando adhibetur Missa huius dominicæ, sed tunc dicitur præfatio communis. Préface de la Sainte Trinité  ; mais les jours de Féries, où l’on reprend la Messe de ce Dimanche, on dit la Préface Commune .
Ant. ad Communionem. Ps. 75, 12-13.Communion
Vovéte et réddite Dómino, Deo vestro, omnes, qui in circúitu eius affértis múnera : terríbili, et ei qui aufert spíritum príncipum : terríbili apud omnes reges terræ.Exprimez tous vos vœux au Seigneur votre Dieu et rendez-lui hommage, vous tous qui apportez vos dons dans l’enceinte de son temple ; faites des vœux à ce Dieu puissant qui écrase l’orgueil des princes, à ce Dieu terrible qui se montre terrible parmi les rois de la terre.
Postcommunio.Postcommunion
Sanctificatiónibus tuis, omnípotens Deus, et vítia nostra curéntur, et remédia nobis ætérna provéniant. Per Dóminum.Qu’au moyen de vos saints mystères, Dieu tout-puissant, nos vices soient guéris, et des remèdes donnés à nos âmes en vue de l’éternité.

[1] Matth. XXII, 23-33.

[2] Eph. II, 5.

[3] Eph. V, 3o.

[4] Chrys. in Ep. ad Eph. Hom. IX, 3.

[5] I Cor. III, 3.

[6] Chrys. ubi supra.

[7] Cor. XV, 28.

[8] Apoc. XXI, 4-5.

[9] I Cor. XV, 24-28.

[10] Eph. I, 10.

[11] Ibid. IV, 13-16.

[12] Eph. IV, 8.

[13] Matth. IV, 1-11.

[14] Heb. II, 17-18 ; IV, 15.

[15] Matth. XXII, 15.

[16] Jean. XVI, 8-11.

[17] Heb. IV, 12.

[18] Chrys. Hom. LXXII in Matth.

[19] Psalm. CIX, 3.

[20] Heb. I, 3.

[21] Jean. XIX, 5.

[22] Rom. VIII, 29.

[23] Heb. II, 17.

[24] Jean. XVIII, 37.

[25] Heb. X, 14.

[26] Aug. in Joh. Tract, CX.

[27] Serm. CCLV, in dieb. pasch.

[28] Epist. LXI.

[29] Matth. XXV, 40, 45.

[30] Eph. IV, 15-16.

[31] I Tim. 1, 5.

[32] Rom. X, 4.

[33] Jean. V, 39.

[34] Rom. XIII, 10.

[35] Aug. Enarr. in Ps. LVI.

[36] De Trinit. IV, I. 1.

[37] P. L., LIV, col. 460. « Jeûnons aux IVe et VIe féries ; et samedi prochain célébrons les saintes veilles près du tombeau du bienheureux apôtre Pierre. »

[38] Ps.118, 137.