Accueil - Missel - Temporal - Temps Per Annum après la Pentecôte

22ème Dimanche après la Pentecôte

Version imprimable de cet article Version imprimable Partager


Sommaire

  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum  
  Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique  
  Office  
  Textes de la Messe  
  Dominica Vigesima secunda post Pentecosten  
  22ème Dimanche après la Pentecôte  

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

D’après Honorius d’Autun, la Messe du jour se rapporte au temps de l’Antéchrist [1]. L’Église jette ses yeux dans l’avenir sur le règne de cet homme de péché [2], et comme déjà sous le coup de la persécution redoutable des derniers jours, elle emprunte l’Introït au psaume CXXIX.

Si, concurremment avec le sens prophétique que revêtent aujourd’hui les paroles de ce psaume, nous en voulons une application présente et toujours pratique, étant donnée notre misère, rappelons-nous l’Évangile de la semaine précédente, qui était autrefois celui du présent Dimanche. Chacun de nous se reconnaîtra dans la personne du débiteur insolvable qui n’a d’espoir qu’en la bonté de son maître ; et nous nous écrierons, dans la confusion de notre âme humiliée : Si vous considérez les iniquités, Seigneur, qui subsistera devant vous [3] ?

Nous venons de ranimer notre confiance, en chantant que la miséricorde est en Dieu. C’est lui-même qui donne leur pieux accent aux prières de son Église, parce qu’il veut l’exaucer. Mais nous ne serons écoutés avec elle qu’à la condition de prier comme elle selon la foi, c’est-à-dire conformément aux enseignements de l’Évangile. Prier selon la foi, c’est donc aujourd’hui remettre à nos compagnons leurs dettes envers nous, si nous demandons à être absous nous-mêmes par le Maître commun [4].

ÉPÎTRE.

Saint Paul, au nom de l’Église, attire de nouveau notre attention sur l’approche de la fin. Mais ce dernier des jours, qu’il nommait Dimanche le jour mauvais, est appelé aujourd’hui par deux fois, dans le court passage de l’Épître aux Philippiens qu’on vient d’entendre, le jour du Christ Jésus. La lettre aux Philippiens est toute à la confiance, l’allégresse y déborde ; et cependant elle nous montre la persécution sévissant sur l’Église, et l’ennemi mettant à profit la tempête pour exciter les passions mauvaises au sein même du troupeau du Christ. L’Apôtre est enchaîné ; la jalousie et la trahison des faux frères ajoutent à ses maux [5].

Mais la joie domine sur la souffrance en son cœur, parce qu’il est arrivé à cette plénitude de l’amour où la douleur alimente mieux que toutes délices la divine charité. Pour lui, Jésus-Christ est sa vie, et la mort est un gain [6] : entre la mort qui répondrait au plus intime désir de son cœur en le rendant au Christ [7], et la vie qui multiplie ses mérites et le fruit de ses œuvres [8], il ne sait que choisir. Que peuvent, en effet, sur lui les considérations personnelles ? Sa joie présente, sa joie future, est que le Christ soit connu et glorifié, peu lui importe en quelle manière [9]. Son attente ne sera point confondue, puisque la vie et la mort n’aboutiront qu’à glorifier le Christ en sa chair [10].

De là, dans l’âme de Paul, cette indifférence sublime qui est le sommet de la vie chrétienne, et n’a rien de commun, on le voit, avec l’engourdissement fatal où les faux mystiques prétendirent, au XVIIe siècle, enfermer l’amour. Quelle tendresse prodigue à ses frères le converti de Damas, à cette hauteur où il est parvenu dans le chemin de la perfection ! Dieu m’est témoin, dit-il, combien je vous aime et désire tous dans les entrailles de Jésus-Christ ! L’aspiration qui le remplit et l’absorbe [11], est que le Dieu qui a commencé en eux l’œuvre bonne par excellence, cette œuvre de la perfection du chrétien arrivée à sa consommation dans l’Apôtre, la poursuive et l’achève en tous pour le jour où le Christ apparaîtra dans sa gloire [12]. Il prie pour que la charité, cette robe nuptiale des bénis du Père qu’il a fiancés à l’unique Époux [13], les entoure d’un éclat non pareil au grand jour des noces éternelles [14].

Or le moyen que la charité se développe en eux sûrement, c’est qu’elle y grandisse dans l’intelligence et la science du salut, c’est-à-dire dans la foi. C’est la foi, en effet, qui forme la base de toute justice surnaturelle. Une foi diminuée ne peut, dès lors, porter qu’une charité restreinte. Combien donc ils se trompent, ces hommes pour qui le souci de la vérité révélée ne va pas de pair avec celui de l’amour ! Leur christianisme se résume à ne croire que le moins possible, à prêcher l’inopportunité de nouvelles définitions, à rétrécir savamment et sans fin l’horizon surnaturel par égard pour l’erreur. La charité, disent-ils, est la reine des vertus ; elle leur inspire de ménager même le mensonge ; reconnaître à l’erreur les mêmes droits qu’à la vérité, est pour eux le dernier mot de la civilisation chrétienne établie sur l’amour. Et ils perdent de vue que le premier objet de la charité étant Dieu, qui est la vérité substantielle, n’a pas de pire ennemi que le mensonge ; et ils oublient qu’on ne fait point acte d’amour, en plaçant sur le même pied l’objet aimé et son ennemi mortel.

Ce n’est point ainsi que l’entendaient les Apôtres : pour faire germer la charité dans le monde, ils y semaient la vérité. Tout rayon nouveau dans l’âme de leurs disciples profitait à l’amour ; et ces disciples, devenus lumière eux-mêmes au saint baptême [15], n’avaient rien tant à cœur que de ne pactiser point avec les ténèbres. Renier la vérité était, dans ces temps, le plus grand des crimes ; s’exposer par mégarde à diminuer quoi que ce fût de ses droits, était la souveraine imprudence [16].

Le christianisme avait trouvé l’erreur maîtresse du monde ; devant la nuit qui retenait la race humaine immobilisée dans la mort [17], il ne connut point d’autre procédé de salut que de faire briller la lumière ; il n’eut point d’autre politique que de proclamer la puissance de la seule vérité pour sauver l’homme, et d’affirmer ses droits exclusifs à régner sur le monde. Ce fut le triomphe de l’Évangile, après trois siècles de lutte acharnée et violente du côté des ténèbres, qui se prétendaient souveraines et voulaient rester telles, de lutte sereine et radieuse du côté des chrétiens, dont le sang versé ne faisait qu’augmenter l’allégresse en affermissant sur la terre le règne simultané de l’amour et de la vérité.

Aujourd’hui que par la connivence des baptisés l’erreur reprend ses prétendus droits, la charité d’un grand nombre a diminué du même coup [18] ; la nuit s’étend de nouveau sur un monde agonisant et glacé. La ligne de conduite des fils de lumière [19] reste la même qu’aux premiers jours. Sans terreur et sans trouble, fiers de souffrir pour Jésus-Christ, comme leurs devanciers et comme les Apôtres [20] ils gardent chèrement la parole de vie [21] ; car ils savent que, tant qu’il restera pour le monde une lueur d’espérance, elle sera dans la vérité [22]. Ne se préoccupant que de marcher d’une manière digne de l’Évangile [23], ils poursuivent, dans la simplicité des enfants de Dieu, leur carrière au milieu d’une génération mauvaise et perverse, comme font les astres au firmament dans la nuit [24]. « Les astres brillent dans la nuit, dit saint Jean Chrysostome, ils éclatent dans les ténèbres ; bien loin de perdre à l’obscurité qui les entoure, ils en apparaissent plus brillants : ainsi en sera-t-il de toi-même, si tu demeures juste au milieu des pervers ; ta lumière en ressortira davantage [25]. » — « Comme les étoiles, dit de même saint Augustin, poursuivent leur course dans les sentiers tracés par Dieu, sans se lasser de projeter leur lumière au sein des ténèbres, sans se troubler des maux qui arrivent sur la terre : ainsi doivent faire les saints, dont la conversation est vraiment au ciel [26], ne se préoccupant pas plus que les astres eux-mêmes de ce qui se dit ou se fait contre eux [27]. »

Le Graduel chante la douce et puissante unité maintenue jusqu’à la fin dans l’Église par la charité, à l’accroissement de laquelle nous exhorte l’Épître, et que l’ancien Évangile de ce Dimanche recommandait comme l’unique moyen de salut pour le jour du jugement [28].

ÉVANGILE.

Il faut bien que la diminution des vérités [29] doive être le danger tout spécial des derniers temps, puisque l’Église, en ces semaines qui ont pour objet de représenter les derniers jours du monde, nous ramène saris cesse à la prudence de l’entendement comme à la grande vertu qui doit alors garder ses fils. Dimanche, elle leur remettait comme arme défensive le bouclier de la foi, comme arme offensive la parole de Dieu [30] ; huit jours plus tôt, c’était la circonspection de l’intelligence qui leur était recommandée [31], pour conserver, dans les jours mauvais, leur sainteté fondée sur la vérité [32] leur richesse consistant dans la science [33]. Aujourd’hui, dans l’Épître, c’était encore l’intelligence et la science qui leur étaient proposées, comme pouvant seules accroître leur amour et parfaire l’œuvre de leur sanctification pour le jour du Christ. L’Évangile vient conclure opportunément ces leçons de l’Apôtre parle récit d’un fait tiré de l’histoire du Sauveur, et leur donner l’autorité qu’apporte avec soi tout exemple emprunté à la vie du divin modèle de l’Église. Jésus-Christ, en effet, s’y montre à nous comme l’exemple des siens dans les embûches tendues à leur bonne foi par les complots des méchants.

C’était le dernier jour des enseignements publics de l’Homme-Dieu, presque à la veille de sa sortie de ce monde [34]. Ses ennemis, tant de fois déjoués dans leurs ruses, essayèrent un suprême effort. Les Pharisiens, qui ne reconnaissaient point la domination de César et son droit au tribut, s’unirent à leurs adversaires, les partisans d’Hérode et de Rome, pour poser à Jésus la question insidieuse : Est-il permis ou non de payer le tribut à César ? Si la réponse du Sauveur était négative, il encourait la colère du prince ; s’il se prononçait pour l’affirmative, il perdait tout crédit dans l’esprit du peuple. Avec sa divine prudence, Jésus déconcerta leurs menées. Les deux partis, si étrangement alliés par la passion, se refusèrent à comprendre l’oracle qui pouvait les unir dans la vérité, et retournèrent bientôt sans doute à leurs querelles. Mais la coalition formée contre le juste était rompue ; l’effort de l’erreur, comme toujours, avait tourné contre elle ; et la parole qu’elle avait suscitée, passant des lèvres de l’Époux à celles de l’Épouse, ne devait plus cesser de retentir en ce monde, où elle forme la base du droit social au sein des nations.

Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu, redisaient les Apôtres ; et s’ils proclamaient bien haut qu’il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes [35] ils ajoutaient : « Que toute âme soit soumise aux puissances supérieures ; car il n’y a point de puissance qui ne procède de Dieu, et celles qui existent, c’est Dieu qui les a établies. Celui donc qui résiste à la puissance, résiste à l’ordre établi de Dieu, et s’attire la damnation. Demeurez donc soumis, parce qu’il est nécessaire, soumis non seulement par le sentiment de la crainte, mais aussi parle devoir de la conscience. C’est pour la même raison que vous payez des tributs aux princes, parce qu’ils sont les ministres de Dieu [36]. »

La volonté de Dieu [37], telle est donc la source comme la vraie grandeur de toute autorité parmi les hommes. L’homme, par lui-même, n’a aucun droit de commander à son semblable. Le nombre ne change rien à cette impuissance des hommes sur ma conscience, puisque, nombreux ou non, je suis l’égal de chacun d’eux par nature, et qu’additionner les droits sur moi de chacun, c’est additionner le néant. Mais Dieu, voulant que les hommes vécussent en société, a voulu par là même qu’il y eût à leur tête un pouvoir chargé de ramener les volontés multiples à l’unité du but social. Il laisse aux événements conduits par sa providence, aux hommes eux-mêmes à l’origine des sociétés, une grande latitude pour déterminer la forme sous laquelle devra s’exercer le pouvoir civil et son mode de transmission. Mais, une fois régulièrement investis, les dépositaires souverains du pouvoir ne relèvent que de Dieu dans la sphère de leurs attributions légitimes, parce que c’est de lui seul que leur vient la puissance, non de leurs peuples qui, n’ayant point cette puissance en eux-mêmes, ne pourraient la donner. Tant qu’ils observent les conditions du pacte social, ou ne tournent pas à la ruine de la société le pouvoir reçu pour son bien, leur droit à l’obéissance est celui de Dieu même : soit qu’ils prélèvent les tributs nécessaires à leur gouvernement ; soit que les lois portées par eux viennent restreindre, dans le commerce ordinaire de la vie, la liberté laissée par le droit naturel, ou que leurs ordres envoient le soldat à une mort certaine pour la défense de la patrie. Dans tous ces cas, c’est Dieu même qui commande par eux et veut être obéi : dès ce monde, il met le glaive en leurs mains pour la punition des rebelles [38] ; il châtiera lui-même dans l’autre éternellement ceux qui ne se seront pas amendés.

Combien grande n’est donc pas cette dignité de la loi humaine, qui fait du législateur le vicaire même de Dieu, en même temps qu’elle épargne au sujet l’humiliation de l’abaissement devant un autre homme ! Mais, pour que la loi oblige et soit vraiment loi, il est clair qu’elle doit avant tout se conformer aux prescriptions et aux défenses de l’Être souverain dont la volonté seule peut lui donner son caractère auguste, en la faisant entrer dans le domaine de la conscience. C’est pour cela qu’il ne peut y avoir de loi contre Dieu, contre son Christ ou son Église. Dès lors que Dieu n’est plus avec l’homme qui commande, la puissance de celui-ci n’est que force brutale. Le prince ou l’assemblée qui prétend réglementer les mœurs d’un pays à l’encontre de Dieu, n’a donc droit qu’à la révolte et au mépris de tous les gens de cœur ; donner le nom sacré de loi à ces tyranniques élucubrations, est une profanation indigne d’un chrétien comme de tout homme libre.

L’Antienne de l’Offertoire et ses anciens Versets se réfèrent, comme l’Introït, au temps de la dernière persécution. La prière d’Esther au moment de paraître devant Assuérus, pour combattre Aman figure de l’Antéchrist, en fournit les paroles. Esther est l’image de l’Église ; et nous ne pouvons indiquer mieux les sentiments dans lesquels il convient de chanter l’Offertoire du jour, qu’en traduisant ici l’en-tête consacré par l’Esprit-Saint lui-même, dans l’Écriture, à cette prière sublime. « La reine Esther eut recours au Seigneur, épouvantée du péril imminent. Déposant ses habits royaux, elle prit des vêtements propres aux pleurs ; sur sa tête, les parfums variés furent remplacés par la cendre et l’ordure ; son corps s’humilia dans les jeûnes ; tous les lieux, auparavant témoins de sa joie, furent remplis de ses cheveux qu’elle arrachait dans sa douleur. Et elle priait le Seigneur Dieu d’Israël, disant : « Mon Seigneur, « qui êtes seul notre roi, assistez-moi solitaire [39] »

OFFERTOIRE.

R/. Souvenez-vous de moi, Seigneur, qui dominez toute puissance, et mettez en ma bouche le discours convenable, afin que mes paroles soient agréées du prince.
V/. Souvenez-vous que je me suis présentée devant vous.
V/. Tournez son cœur à la haine de nos ennemis et de leurs complices ; et délivrez-nous par votre puissante main, ô vous qui êtes notre Dieu à jamais.
V/. Roi d’Israël, écoutez-nous, ô vous qui conduisez Joseph comme une brebis.
R/. Souvenez-vous de moi, Seigneur…

La plus sûre garantie contre l’adversité est l’absence du péché dans les âmes, le péché excitant la colère de Dieu et appelant sa vengeance. Disons avec l’Église, dans la Secrète :

L’Antienne de la Communion nous donne à remarquer, pour nous porter à les imiter, la persévérance et l’instance des supplications de la sainte Église.

En célébrant la mémoire du Sauveur selon sa recommandation, dans les Mystères, nous ne devons point perdre de vue que ces Mystères sacrés sont aussi le refuge de notre misère. Ce serait présomption ou folie que de ne point songer a les utiliser par la prière en ce sens, comme fait l’Église dans la Postcommunion.

Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

« VII post nat. sancti Cypriani. »

L’introït est mélancolique, mais plein de confiance ; plus nous sommes misérables, plus splendide sera la gloire de la divine miséricorde qui nous relèvera d’une telle bassesse. Plus grande est la misère humaine, plus le Cœur de Dieu se sent porté à la compassion ; aussi la multitude de nos péchés, loin de nous décourager, doit-elle au contraire nous inspirer une confiance encore plus tendre et plus énergique en l’infinie bonté divine.

L’antienne d’introït est tirée du psaume 129 : « Si vous, ô Seigneur, regardez nos démérites, qui, Seigneur, pourra soutenir votre jugement ? Traitez-nous au contraire selon votre habituelle miséricorde. ». Comme l’observe fort bien saint Grégoire le Grand commentant Job, l’homme peut présumer de sa propre justice quand il se replie sur lui-même et abaisse sou regard pour se concentrer dans son égoïsme. C’est là un état qui prélude à la réprobation. Au contraire, à peine élève-t-il vers Dieu son regard et médite-t-il la sainteté divine, ses droits souverains sur les créatures et l’inscrutabilité de ses jugements, alors, à la lumière du Saint-Esprit, il sent toute l’ignominie de sa propre laideur, et ce qui, auparavant, était pour l’âme un objet de vaine gloire, devient ensuite le sujet d’anxiété et de peine, alors que l’âme voit ses bonnes œuvres elles-mêmes souillées de mille défauts. Cette lumière divine, qui abaisse l’âme et l’établit sur la base solide de l’humilité, est une grâce fort désirable, car elle est la source première de la sainte crainte de Dieu, principe de toute sagesse.

Dans la collecte, nous appelons le Seigneur notre salut et notre force ; notre salut, parce qu’au moment de la lutte, son doux nom, le Cœur de son Verbe incarné, la divine Eucharistie, sont un asile très sûr pour l.’âme qui s’y cache ; notre force, parce que, au moyen des Sacrements et de la grâce, il est la source de toutes les énergies spirituelles dont nous avons besoin en cette vie de combat et d’épreuve.

On prie donc le Seigneur, premier auteur de notre piété, — la piété, en effet, au sens déjà expliqué, est l’un des sept dons du Saint-Esprit, — d’accueillir les pieuses prières de son Église. Voici de nouveau la prière sociale et collective. On appelle pieuses les prières de la famille chrétienne, non seulement parce qu’inspirées par ce même Spiritus pietatis qui s’est répandu sur elle, mais aussi parce qu’elles ont pour objet la gloire de Dieu et le bonum divinum en quoi consiste précisément notre piété. L’effet de ces pieuses prières, informées par les intimes motions du Saint-Esprit, en tant qu’il est Esprit de piété, est que Dieu qui, par la grâce du Paraclet, a daigné nous inspirer ce que nous devons demander, les accueille aussi, non comme purement nôtres, mais comme venant du Saint-Esprit, lequel prie en nous gemitibus inenarrabilibus, et daigne les exaucer.

Aujourd’hui commence la lecture de l’épître aux Philippiens, qui continuera dimanche prochain. Dans le passage lu en ce jour (1, 6-11) saint Paul leur atteste son affection, il les assure que, bien qu’enchaîné à Rome pour la défense de l’Évangile, il les a néanmoins toujours présents à la mémoire et il veut qu’ils participent à la joie qui inondait alors son âme. Parmi les lettres de l’Apôtre, c’est celle aux habitants de Philippes qui révèle le mieux le cœur tendre et aimant de saint Paul, qui considérait ces fidèles comme la portion choisie de son champ d’apostolat. Dans les autres épîtres, l’Apôtre donne des avis, enseigne et ordonne ; celle aux Philippiens, au contraire, est toute intime, et il y épanche sur ses chers disciples la surabondance des affections de son noble cœur, lequel se sentait alors plus heureux que jamais, parce que la prison et les chaînes le rapprochaient davantage du Christ.

Le répons-graduel, tiré du psaume 132, chante les avantages et la joie de la communion des saints, grâce à l’unité de l’Église. Parfum de grâce, de sainteté, et splendeurs de gloire descendent de Jésus, notre Chef mystique, et enveloppent tous ses membres, à la façon de cette symbolique onction que reçut Aaron, au jour de sa consécration pontificale, alors que le baume répandu sur sa tête descendit sur sa barbe, sur l’éphod et jusqu’aux franges de ses vêtements sacrés.

Le verset alléluiatique est emprunté au psaume 113. Qui sont ceux qui mettent leur confiance non en eux-mêmes, non dans les trompeuses promesses humaines, mais dans le Seigneur ? Ce sont précisément les sages, ceux qui connaissent le néant des choses créées et la suprême bonté de Dieu. Ce sont les âmes pénétrées d’un intime sentiment de la souveraine transcendance de Dieu : Voilà la crainte de Dieu, fruit de la présence du Saint-Esprit dans l’âme du juste. Ces âmes ne sont certainement pas frustrées dans leur attente, puisque la mesure selon laquelle Dieu se donne aux âmes est celle de leur foi en Lui.

La lecture évangélique (Matth., XXII, 15-21) rapporte les embûches tendues à Jésus à propos du tribut à payer à Tibère. Les honteuses intentions des Pharisiens et des Hérodiens ne méritaient aucune réponse de Jésus ; pourtant le Sauveur, évitant dans sa divine sagesse le piège que lui tendaient ses adversaires, harmonise la piété et la prudence, et, sans tomber dans le guet-apens, il élève la question politique en une région entièrement spirituelle, attribuant une valeur générale à cette maxime : il faut rendre à l’homme ce qui lui appartient, mais on doit donner avant tout à Dieu ce qui est à Lui seul. Il voulait dire : il n’y a point d’antithèse entre le devoir social de patrie et le devoir pieux de religion. Donnez donc à la patrie le tribut, l’activité, l’obéissance qu’elle exige légitimement ; mais à travers la somme de tous ces devoirs sociaux imposés par Dieu et accomplis selon sa volonté, souvenez-vous que l’homme appartient d’abord à Dieu, et que, par suite, ses œuvres, ses intentions, les battements de son cœur, doivent être tous pour Lui.

Le verset de l’offertoire est emprunté au livre d’Esther (14, 12 et 13), comme l’introït du dimanche précédent, mais probablement est-il aujourd’hui hors de sa place primitive. Avant de commencer l’Action sacrée, l’Église fait siennes les paroles de la reine Esther, et demande l’esprit de grâce et de prière, pour que sa supplication puisse s’élever jusqu’au trône du Monarque et être agréée de Lui.

En effet, pour que notre prière puisse plaire au Seigneur et être efficace, il faut qu’elle soit informée par la grâce divine, et que le Père éternel, à travers notre supplication, reconnaisse les gémissements du Paraclet qui prie en nous d’une manière ineffable et accomplit, au nom de Jésus et en notre faveur, la fonction d’avocat.

Dans la collecte avant le canon, nous faisons appel à la divine miséricorde, afin que l’oblation sacrée du Corps et du Sang du Christ nous délivre des fautes commises et soit notre salut contre tous les périls. C’est là une pensée sur laquelle, fort utilement, pourront insister les prédicateurs et les confesseurs. Beaucoup s’approchent certainement du Sacrement de pénitence, mais après qu’ils ont obtenu l’absolution sacramentelle, ils ne pensent point à l’expiation de leurs fautes et à l’obligation où ils sont de faire de dignes fruits de pénitence. Plusieurs, en outre, s’effraient rien qu’à entendre parler de pénitence. La pénitence est dure, quand on doit la faire tout seul ; faite, au contraire, en compagnie de Jésus, alors qu’il prend sur Lui la part la plus lourde, elle devient facile et douce.

Or le divin sacrifice vient précisément à notre secours. En lui, le fruit satisfactoire de la Passion de Jésus nous obtient, comme l’enseigne le saint Concile de Trente, le pardon de nos fautes, même les plus graves.

Il serait donc fort utile aux âmes de faire célébrer pour leurs péchés le divin Sacrifice, de fonder des legs de messes, etc., ob remedium animae. Ainsi faisait-on au moyen âge.

L’antienne pour la Communion est tirée du psaume 16, et autrefois elle était commune au vendredi après le IIIe dimanche de Carême, avant qu’on assignât à celui-ci le verset évangélique du colloque de Jésus avec la Samaritaine. « O Dieu, vous m’avez secouru dès que je vous ai invoqué. Abaissez vers moi votre oreille et exaucez mon cri. »

L’humilité a la force d’attirer Dieu du sommet de sa majesté jusqu’à l’abîme de notre néant. Quelquefois les auteurs ascétiques demandent si la vertu d’humilité peut exister en Dieu. Ils répondent au moyen d’une distinction. La vertu d’humilité appartient formellement à la créature pour ce qui regarde la sujétion due à son Créateur. Toutefois, comme de l’humilité fait aussi partie cette facilité, cette propension, que nous devons avoir à nous approcher des petits et à leur prêter secours, ainsi, en ce sens, l’humilité resplendit premièrement en Dieu, qui, dans l’Incarnation, est descendu du ciel en terre et a caché sa gloire sous des apparences serviles, afin de secourir l’humanité prévaricatrice. D’autre part, Dieu qui ne dédaigne pas d’abaisser son oreille aux prières .de l’homme pécheur, et qui, pour ainsi dire, a mis sa sainte grâce, ses sacrements, la divine Eucharistie, à la disposition et au service de l’homme, ne révèle-t-il pas sinon l’humilité, parce que celle-ci ne peut se trouver formellement dans la Souveraine Divinité, du moins un immense amour pour cette chère vertu ?

Dans la collecte d’action de grâces, nous rappelons aujourd’hui l’ordre formel de Jésus de renouveler l’offrande du divin Sacrifice en mémoire de sa Passion. Que ce que nous venons donc d’accomplir tout à l’heure par sa volonté, ne nous soit pas imputé comme une présomption coupable, mais devienne le soutien de notre faiblesse. Il n’a pas suffi à Jésus de s’immoler une fois seulement pour nous sur la Croix. Il a voulu nous en communiquer sans cesse les mérites, et c’est pourquoi il a disposé que cette première immolation sanglante fût, pour ainsi dire, perpétuée, au moyen du non sanglant sacrifice Eucharistique.

Dieu se révèle aux cœurs simples et droits ; ceux qui le cherchent au contraire dans un esprit de duplicité demeurent comme éblouis par sa splendeur, sans rien pouvoir comprendre de ses secrets.

Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique

Rendez à Dieu ce qui est à Dieu.

Tour à tour, l’Église porte ses regards sur le « jour du Christ » qui vient et nous supplie d’envisager la vie terrestre à la lumière de la parousie (du second avènement) du Seigneur. Pensée principale de cette messe : la meilleure préparation au jour du jugement (Ép.) est le parfait accomplissement du devoir d’état (« Rendez à César ce qui est à César ; rendez à Dieu ce qui est à Dieu »). « Nous devons nous présenter purs et irréprochables au jour du Christ, abondamment pourvus des fruits d’une vie juste. » — A cet effet, l’avant-messe (était-ce le dessein primitif ? Question qu’il est inutile de chercher à résoudre) nous présente, en une belle gradation, l’ensemble de nos devoirs envers notre entourage : sentiment de paternelle sollicitude envers les inférieurs (à l’exemple de saint Paul, Ép.), attitude de charité fraternelle envers les égaux (Grad.), témoignage de l’obéissance due envers les supérieurs et don complet de l’âme à Dieu (Év.).

Les antiennes directrices du jour nous font pénétrer en plein récit évangélique : « Maître, nous savons que tu es véridique et que tu enseignes le chemin de Dieu dans la vérité, Alléluia » (Ant. de Bened.). Dans l’Évangile, les Pharisiens avaient prononcé ces paroles avec une intention feinte ; mais nous, nous y mettons l’affirmation de notre foi dans le Sauveur, notre Maître ! Ceci nous montre une fois de plus comment la liturgie sait tirer parti des paroles de l’Écriture. « Rendez donc à César ce qui est à César ; rendez à Dieu ce qui est à Dieu, Alléluia » (Ant. de Magnif.). Cette parole pleine de majesté, nous voulons la redire également pendant la semaine comme oraison jaculatoire.

1. La Messe (Si iniquitates). — Nous entrons aujourd’hui dans le sanctuaire, pénétrés des graves sentiments de la pénitence, et l’âme tremblante ; c’est une anticipation du jugement. Chargés de nos péchés, nous jetons vers le Seigneur, de la profondeur de notre exil terrestre, un appel au pardon (Intr.). Nous apprenons à réciter le psaume 129 qui renferme des sentiments si puissants, comme l’expression de notre repentir et du désir de la parousie.

L’Oraison, pleine d’une ardente confiance, n’exprime pas une demande déterminée, mais apparaît comme l’enveloppe d’or dans laquelle nous déposons nos prières du jour et de la semaine : fidèle accomplissement de la vocation et accroissement en perfection pour le jour de la consommation.

Dans l’Épître (l’Épître aux Philippiens est la plus charmante et la plus personnelle des lettres de saint Paul), le grand Apôtre parle à sa communauté favorite ; les versets de cette lettre respirent un profond amour, voire la tendresse, Le principal souci de l’Apôtre est que l’œuvre de bien soit accomplie jusqu’au jour (du retour) du Christ ; nous devons ressembler à des arbres chargés de fruits, croître dans la charité ! Disons-nous bien que c’est à nous que l’Église, la mère tendrement attentionnée, adresse ces paroles.

Dans le combat contre le monde et l’enfer, le chrétien trouve une profonde consolation dans la compagnie des saints : le Graduel chante cet idéal : je vois une assemblée réunie pour la messe du dimanche, je vois une heureuse famille, je vois une communauté de religieux. (Ayons l’esprit de communauté).

L’Évangile est celui du tribut ; il n’ya guère des cènes qui montrent aussi bien que celle-ci le Sauveur devant ses ennemis dans sa majesté divine. Que veut nous dire le Christ par les paroles pleines de majesté qu’il emploie pour parler du tribut ? » « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. » C’est la même leçon que dans l’Épître : Chrétiens, remplissez sur terre vos devoirs. Ces devoirs se présentent sous un double aspect : à l’égard des hommes et à l’égard de Dieu ; ce sont les deux tables de la loi. De même que le précepte de la charité embrasse l’amour de Dieu et l’amour du prochain, amours qui ne s’opposent pas, mais se complètent, de même ces deux devoirs se complètent l’un l’autre. Dieu se cache derrière nos supérieurs, il sanctionne leurs ordres.

Les deux lectures sont donc remplies d’une même pensée : Dans l’attente du jour du Christ, menez une vie active et conforme au devoir.

A l’Offertoire, la reine Esther demande la grâce d’adresser au roi les paroles qui conviennent : nous demandons la grâce d’adresser au Christ, notre Roi, les paroles qui conviennent : notre mère l’Église nous les enseigne dans la liturgie !

La Secrète implore, conformément au caractère grave de la messe, le pardon des péchés et la protection contre tous les maux.

L’antienne de la communion est, elle aussi, un cri de détresse pénétrant ; l’Eucharistie est une anticipation du jugement : maintenant il vient en ami, alors il viendra en juge.

La Sainte Messe est un souvenir du Seigneur (Postc.). — Il y a donc deux pensées qui circulent à travers la messe, l’une plutôt négative : nos péchés nous remplissent de crainte en face du jugement ; l’autre positive : nous voulons mener une vie chrétienne droite en prévision du jugement.

2. L’Évangile. — Méditons l’Évangile. C’était dans les derniers jours de la vie mortelle de Jésus ; le Sauveur se trouvait au Temple ; les Juifs se pressaient autour de lui, lui posaient des questions pour l’embarrasser, pour trouver un motif de l’accuser. La question la plus insidieuse et la plus perfide est celle que rapporte l’Évangile d’aujourd’hui. Tout d’abord ils le flattent : Maître, nous savons que tu dis et enseignes la vérité ; nous savons aussi que tu ne fais acception de personne ; tu ne tiens aucun compte de la force ni de l’influence. Dis-nous donc ce que tu en penses : Nous est-il permis à nous, Juifs, de payer le tribut à l’empereur païen ?

Nous nous demandons où est la perfidie de cette question. Il nous faut connaître la situation politique du peuple juif au temps du Christ. Le peuple juif était placé primitivement sous la souveraineté de Dieu ; plus tard, il se choisit un roi ; toutefois, ce roi était souverain, lui aussi, par la grâce de Dieu. Mais il ne consentit jamais à se soumettre à la domination d’un roi ou d’un empereur païen. Les Juifs considéraient cela comme une offense à Dieu lui-même. Mais maintenant, à l’époque du Christ, l’empereur romain régnait en maître sur la Palestine ; les Juifs ne payaient qu’en gémissant impôt et tribut au maître étranger. D’autre part, quelle idée les Juifs se faisaient-ils du Messie ? Ils attendaient un roi puissant qui les délivrerait du joug de la domination étrangère et ferait d’eux un peuple puissant. Maintenant nous comprenons la perfidie de la question. Les Pharisiens veulent dire : Tu te dis le Messie ; peux-tu approuver que nous, le peuple de Dieu, peuple libre, nous payions tribut au païen ? D’autre part, les Romains étaient sans cesse sur leurs gardes : ils savaient que les Juifs ne supportaient leur joug qu’en grinçant des dents. Aussi réprimaient-ils dans le sang toute tentative de révolte.

La question des Pharisiens était un glaive à deux tranchants. Si Jésus disait : Oui, vous devez payer le tribut, alors il se jouait du peuple. S’il disait au contraire : Non, vous n’avez pas à le payer, le Messie vous en affranchit, ce serait la réponse qu’ils attendaient, ils l’accuseraient aussitôt auprès de Pilate, et Jésus serait infailliblement mis à mort comme coupable de haute trahison. Le plan était habilement conçu ; c’était l’attaque la plus insidieuse contre Jésus.

Maintenant admirons le Maître dans son calme et sa supériorité divine. Les flatteries de ses ennemis ne font aucune impression sur lui ; il pénètre leur hypocrisie et leur malice. Il prononce un mot énergique dont la profondeur ne peut être épuisée. Il se fait montrer une pièce à l’effigie de César, une pièce de monnaie courante. Il n’a sur lui aucun argent ; c’est pourquoi il se fait présenter un denier. Le denier est la monnaie d’argent romaine. Sur la pièce, il y avait l’effigie de l’empereur Tibère, entourée de la devise latine. Il dit : Regardez l’effigie ; de qui est-elle ? Ils répondent : de César ! De la sorte ils ont résolu leur propre question. C’est de César que vous avez reçu la pièce. Effigie et devise témoignent que l’empereur est vraiment maître ici. Quiconque accepte la monnaie de l’empereur doit aussi payer son tribut à l’empereur. Le Christ dit donc brièvement : « Rendez à César ce qui est à César » ; et il ajoute : « Mais rendez aussi à Dieu ce qui est à Dieu. » Que veut dire par-là Jésus ? Nous, les hommes, nous devons rendre à l’autorité constituée ce qui lui appartient, c’est-à-dire lui obéir dans le domaine de ses attributions ; aujourd’hui, c’est l’empereur ; demain, ce sera le président. La dénomination importe peu. Toutefois, n’oubliez pas que vous devez rendre aussi à Dieu ce qui lui appartient dans le domaine de ses attributions. Cette réponse, qui, dans sa profondeur et sa simplicité, est inattaquable, mit les adversaires en fuite.

Dans cette courte parole du Christ, il y a beaucoup de pensées qui se cachent. Le Maître dit d’abord : l’homme est enfant de deux mondes, l’un terrestre, visible, et l’autre surnaturel, invisible ; il doit remplir ses devoirs dans ces deux mondes. Comme enfant de Dieu et citoyen du royaume de Dieu, il a des devoirs envers son souverain Maître. Alors on pourrait croire que le chrétien n’a pas à s’occuper du monde, qu’il est dégagé de tous les devoirs temporels. Non ; précisément parce que nous sommes citoyens de Dieu, nous devons aussi remplir nos devoirs envers nos supérieurs temporels. Nous faisons partie d’une famille, d’une société, d’une nation ; par conséquent, Dieu nous impose aussi des devoirs envers parents et supérieurs temporels : Ces deux catégories de devoirs ne sont pas en opposition. Le chrétien doit donc être le meilleur citoyen, le meilleur sujet dans la famille, à la fabrique, dans le commerce. Et cette obéissance à l’autorité temporelle n’est pas un service des hommes, mais un véritable service de Dieu. Le chrétien dit : Tu es le représentant de Dieu ; Dieu t’a donné la puissance, la couronne, et, pour cette raison, et uniquement pour cette raison, je te respecte ou plutôt je respecte en toi la souveraine puissance de Dieu, mais seulement dans la mesure où tu représentes cette puissance. Donnes-tu un ordre contraire à la volonté de Dieu ? Alors tu n’es plus son représentant ; alors j’obéis à Dieu.

Cela, le Sauveur n’a pas négligé de l’ajouter, bien qu’on ne lui ait pas posé de question à ce sujet : Vous devez être de bons citoyens de l’État ; mais vous devez encore davantage être de bons citoyens du royaume de Dieu. « Rendez à Dieu ce qui est à Dieu ! » Mais qu’est-ce qui est à Dieu ? Tout ce que vous avez et tout ce que vous êtes, tout cela est de Dieu et pour Dieu ; ne gardez rien pour vous. Corps et âme, intelligence et volonté, cœur et esprit lui appartiennent ; donnez-les lui donc. Nous sommes là en présence du grand commandement du royaume de Dieu : Que ta volonté soit faite sur la terre, comme au ciel !

Office

Leçons des Matines avant 1960

Au troisième nocturne.

Lecture du saint Évangile selon saint Matthieu.
En ce temps-là : les pharisiens, s’étant retirés, tinrent conseil sur le moyen de surprendre Jésus dans ses paroles. Et le reste.

Homélie de saint Hilaire, évêque.

Septième leçon. Souvent les pharisiens s’agitent et ne peuvent tirer des faits passés l’occasion d’incriminer Jésus. Car aucun défaut ne pouvait se glisser ni dans ses actes ni dans ses paroles. Mais dans leur malice, ils s’efforcent de découvrir la moindre faille pour l’accuser. Or Jésus appelait tout le monde à passer des vices du siècle et des superstitions religieuses humaines à l’espérance du Royaume des Cieux. Les pharisiens, par conséquent, tendent un piège subtil dans la façon de formuler leur question : ou bien violer le pouvoir séculier, ou bien admettre évidemment l’obligation de payer le tribut à César.

Huitième leçon. Connaissant le secret de leurs pensées, (car Dieu observe ce qui est caché au plus intime des hommes) Jésus se fait apporter un denier, et il s’informe de qui sont l’inscription et l’effigie. Les pharisiens répondent : « De César. » Il leur dit : « A César il faut rendre ce qui est à César, et à Dieu, ce qui est à Dieu. » Réponse vraiment admirable, et solution parfaite que cette parole céleste ! Le Seigneur équilibre si bien tout entre le mépris du siècle et l’injure blessante pour César, qu’il décharge les âmes consacrées à Dieu de tous les soucis et embarras humains en décrétant qu’il faut rendre à César ce qui lui appartient. Car s’il ne reste rien de lui chez nous nous ne serons pas obligés de lui rendre ce qui lui appartient.

Neuvième leçon. Si au contraire, nous couvons son bien, si nous recourons à son pouvoir, nous nous astreignons aussi comme des mercenaires, à gérer un patrimoine étranger, et il n’y a point à se plaindre d’injustice : il faut rendre à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui lui revient : notre corps, notre âme, notre volonté. C’est de lui en effet que nous les tenons au départ et dans leur accroissement ; il est donc juste qu’ils retournent entièrement à celui dont ils reconnaissent tirer tout ensemble l’origine et le progrès.

Ant. du Benedictus à Laudes Maître, nous savons que vous êtes véridique, et que vous enseignez la voie de Dieu dans la vérité, Alléluia.

Ant. du Magnificat aux 2èmes Vêpres Rendez donc à César ce qui est à César ; rendez à Dieu ce qui est à Dieu, Alléluia.

Textes de la Messe

Dominica Vigesima secunda post Pentecosten

22ème Dimanche après la Pentecôte

II Classis
2ème Classe
Ant. ad Introitum. Ps. 129, 3-4.Introït
Si iniquitátes observáveris, Dómine : Dómine, quis sustinébit ? quia apud te propitiátio est, Deus Israël.Si vous demandez un compte rigoureux des iniquités, Seigneur ; Seigneur, qui pourra soutenir votre jugement ? Mais vous aimez à pardonner, ô Dieu d’Israël.
Ps. ibid., 1-2.
De profúndis clamávi ad te, Dómine : Dómine, exáudi vocem meam.Des profondeurs de ma misère, j’ai crié vers vous, Seigneur ; Seigneur, exaucez ma voix.
V/.Glória Patri.
Oratio.Collecte
Deus, refúgium nostrum et virtus : adésto piis Ecclésiæ tuæ précibus, auctor ipse pietátis, et præsta ; ut, quod fidéliter pétimus, efficáciter consequámur. Per Dóminum.O Dieu, notre refuge et notre force, écoutez favorablement les pieuses supplications de votre Église, vous l’auteur même de toute pitié, et faites que nous obtenions sûrement ce que nous demandons avec foi.
Léctio Epístolæ beáti Pauli Apóstoli ad Philippénses.Lecture de l’Épître de saint Paul Apôtre aux Philippiens.
Philipp, 1, 6-11.
Fratres : Confídimus in Dómino Iesu, quia, qui cœpit in vobis opus bonum, perfíciet usque in diem Christi Iesu. Sicut est mihi iustum hoc sentíre pro ómnibus vobis : eo quod hábeam vos in corde, et in vínculis meis, etin defensióne, et confirmatióne Evangélii, sócios gáudii mei omnes vos esse. Testis enim mihi est Deus, quómodo cúpiam omnes vos in viscéribus Iesu Christi. Et hoc oro, ut cáritas vestra magis ac magis abúndet in sciéntia et in omni sensu : ut probétis potióra, ut sitis sincéri et sine offénsa in diem Christi, repléti fructu iustítiæ per Iesum Christum, in glóriam et laudem Dei.Mes frères, j’ai confiance que celui qui a commencé en vous cette bonne œuvre la perfectionnera jusqu’au jour du Christ Jésus. Et il est juste que j’aie ce sentiment de vous tous, parce que je vous ai dans mon cœur, vous qui,soit dans mes liens, soit dans la défense et l’affermissement de l’évangile, participez tous à ma joie. Car Dieu m’est témoin combien je vous chéris tous dans les entrailles de Jésus-Christ. Et ce que je demande, c’est que votre charité abonde de plus en plus en connaissance et en toute intelligence, pour apprécier ce qui est meilleur, afin que vous soyez purs et irrépréhensibles pour le jour du Christ, étant remplis du fruit de justice par Jésus-Christ, pour la gloire et la louange de Dieu.
Graduale. Ps. 132, 1-2.Graduel
Ecce, quam bonum et quam iucúndum, habitáre fratres in unum !Qu’il est bon, qu’il est doux pour des frères de vivre unis ensemble.
V/. Sicut unguéntum in cápite, quod descéndit in barbam, barbam Aaron.Comme le parfum répandu sur la tête d’Aaron, qui descendit sur sa barbe et sur son visage.
Allelúia, allelúia. V/.Ps. 113, 11.Alléluia, alleluia.
Qui timent Dóminum sperent in eo : adiútor et protéctor eórum est. Allelúia.Que ceux qui craignent le Seigneur mettent en lui leur espérance, il est leur soutien et leur protecteur.
+ Sequéntia sancti Evangélii secundum Matthǽum.Lecture du Saint Evangile selon saint Mathieu.
Matth. 22, 15-21.
In illo témpore : Abeúntes pharisǽi consílium iniérunt, ut cáperent Iesum in sermóne. Et mittunt ei discípulos suos cum Herodiánis, dicéntes : Magíster, scimus, quia verax es et viam Dei in veritáte doces, et non est tibi cura de áliquo : non enim réspicis persónam hóminum : dic ergo nobis, quid tibi vidétur, licet censum dare Cǽsari, an non ? Cógnita autem Iesus nequítia eórum, ait : Quid me tentátis, hypócritæ ? Osténdite mihi numísma census. At illi obtulérunt ei denárium. Et ait illis Iesus : Cuius est imágo hæc et superscríptio ? Dicunt ei : Cǽsaris. Tunc ait illis : Réddite ergo, quæ sunt Cǽsaris, Cǽsari ; et, quæ sunt Dei, Deo.En ce temps-là, les pharisiens, s’étant retirés, tinrent conseil sur le moyen de surprendre Jésus dans ses paroles. Et ils lui envoyèrent leurs disciples avec les hérodiens, qui lui dirent : Maître, nous savons que vous êtes véridique, et que vous enseignez la voie de Dieu dans la vérité, sans vous inquiéter de personne, car vous ne regardez pas la condition des hommes. Dites-nous ce qu’il vous en semble : Est-il permis de payer le tribut à César ou non ? Mais Jésus, connaissant leur malice, dit : Pourquoi me tentez-vous, hypocrites ? Montrez-moi la monnaie du tribut. Et ils lui présentèrent un denier. Et Jésus leur dit : De qui est cette image et cette inscription ? Ils lui dirent : De César. Alors il leur dit : Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu.
CredoCredo
Ant. ad Offertorium. Esth. 14, 12 et 13.Offertoire
Recordáre mei, Dómine, omni potentátui dóminans : et da sermónem rectum in os meum, ut pláceant verba mea in conspéctu príncipis.Souvenez vous de moi, Seigneur, vous qui dominez toute puissance terrestre, et mettez sur mes lèvres un langage plein de droiture, en sorte que mes paroles, prononcées en présence de celui qui est le principe de toutes choses lui soient agréables.
Secreta.Secrète
Da, miséricors Deus : ut hæc salutáris oblátio et a própriis nos reátibus indesinénter expédiat, et ab ómnibus tueátur advérsis. Per Dóminum.Faites, ô Dieu de miséricorde, que cette oblation salutaire nous délivre sans cesse de nos propres fautes et nous protège contre toute adversité.
Præfatio de sanctissima Trinitate ; non vero in feriis, quando adhibetur Missa huius dominicæ, sed tunc dicitur præfatio communis. Préface de la Sainte Trinité  ; mais les jours de Féries, où l’on reprend la Messe de ce Dimanche, on dit la Préface Commune .
Ant. ad Communionem. Ps. 16, 6.Communion
Ego clamávi, quóniam exaudísti me, Deus : inclína aurem tuam et exáudi verba mea.J’ai crié vers vous, ô Dieu, parce que vous m’avez exaucé ; inclinez votre oreille vers moi et écoutez mes paroles.
Postcommunio.Postcommunion
Súmpsimus, Dómine, sacri dona mystérii, humíliter deprecántes : ut, quæ in tui commemoratiónem nos fácere præcepísti, in nostræ profíciant infirmitátis auxílium : Qui vivis et regnas.Nous avons reçu, Seigneur, les dons propres à ces saints mystères en vous demandant humblement de faire servir de secours à notre faiblesse le sacrifice que vous nous avez prescrit d’offrir en mémoire de vous.

[1] Hon Aug. Gemm. an. IV, 93.

[2] II Thess. II, 3.

[3] Rup. De div. Off. XII, 22.

[4] Bern. Aug. De Offic. Miss V.

[5] Philip, I, 15, 17.

[6] Philip. I, 21.

[7] Ibid. 23.

[8] Ibid. 22.

[9] Ibid. 18.

[10] Ibid. 20.

[11] Ibid. 24-27.

[12] Col. III, 4.

[13] Rom. VIII, 28 ; II Cor. XI, 2.

[14] Durand. Rat. VI, 139.

[15] Eph. V, 8.

[16] Ibid. 15, 17.

[17] Matth. IV, 16.

[18] Ibid. XXIV, 12.

[19] Eph. V, 8.

[20] Philip. I, 28-3o.

[21] Ibid. II, 16

[22] Jean. VIII, 32.

[23] Philip. 1, 27.

[24] Ibid. II, 15.

[25] Chrys. in Phil. Hom. VIII, 4.

[26] Philip, III, 20.

[27] Aug. Enarr. in Ps. XCIII, 5-6.

[28] Cf. Dimanche précédent.

[29] Psalm. XI, 2.

[30] Ep. du XXIe Dim. ap. la Pent.

[31] Ep. du XXe Dim.

[32] Ep. du XIXe Dim.

[33] Ep. du XVIIIe Dim.

[34] Mardi saint.

[35] Act. V, 29.

[36] Rom. XIII, 1-2, 5-6.

[37] I Petr. II, 15.

[38] Rom. XIII, 4.

[39] Esth. XIV, 1-3.