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3ème dimanche de Carême

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1960.


L’assemblée liturgique se fait en ce jour à Saint-Laurent-hors-les-murs qui est l’une des cinq basiliques patriarcales de Rome. Dans cette église se trouvent les corps des deux diacres Laurent et Etienne. L’oraison du premier (10 août) nous fait demander d’éteindre en nous l’ardeur des vices comme ce Saint surmonta les flammes de ses tourments ; et celle du second (26 décembre) nous engage à aimer nos ennemis comme ce Saint qui pria pour ses persécuteurs. Ce sont ces deux vertus : chasteté et charité, que pratiqua surtout le patriarche Joseph, dont l’Église nous donne l’histoire dans le Bréviaire cette semaine. Joseph résista en effet aux sollicitations mauvaises de la femme de Putiphar et il aima ses frères jusqu’à leur rendre le bien pour le mal.

Sommaire

  Textes de la Messe  
  Office  
  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum  
  Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique  

Textes de la Messe

Dominica Tertia in Quadragesima
3ème Dimanche de Carême
I Classis
1ère Classe
Statio ad S. Laurentium extra muros
Station à St Laurent hors les murs
Ant. ad Introitum. Ps. 24, 15-16.Introït
Oculi mei semper ad Dóminum, quia ipse evéllet de láqueo pedes meos : réspice in me, et miserére mei, quóniam únicus et pauper sum ego.Mes yeux sont constamment tournés vers le Seigneur ; car c’est lui qui retirera mes pieds du filet : regardez-moi et ayez pitié de moi ; car je suis délaissé et pauvre.
Ps. ibid., 1-2.
Ad te, Dómine, levávi ánimam meam : Deus meus, in te confído, non erubéscam.Vers vous, Seigneur, j’ai élevé mon âme : mon Dieu, je mets ma confiance en vous ; que je n’aie pas à rougir.
V/.Glória Patri.
Oratio.Collecte
Quǽsumus, omnípotens Deus, vota humílium réspice : atque, ad defensiónem nostram, déxteram tuæ maiestátis exténde. Per Dóminum nostrum.Nous vous en prions, Dieu tout-puissant, ayez égard aux vœux de nos cœurs humiliés, et pour nous défendre, étendez le bras de votre majesté. Par Notre-Seigneur.
Léctio Epístolæ beáti Páuli Apóstoli ad Ephésios.Lecture de l’Épître de Saint Paul Apôtre aux Éphésiens.
Ephes. 5, 1-9.
Fratres : Estóte imitatóres Dei, sicut fílii caríssimi : et ambuláte in dilectióne, sicut et Christus diléxit nos, et trádidit semetípsum pro nobis oblatiónem, et hóstiam Deo in odórem suavitátis. Fornicátio autem et omnis immundítia aut avarítia nec nominétur in vobis, sicut decet sanctos : aut turpitúdo aut stultilóquium aut scurrílitas, quæ ad rem non pértinet : sed magis gratiárum áctio. Hoc enim scitóte intelligéntes, quod omnis fornicátor aut immúndus aut avárus, quod est idolórum sérvitus, non habet hereditátem in regno Christi et Dei. Nemo vos sedúcat inánibus verbis : propter hæc enim venit ira Dei in fílios diffidéntiæ. Nolíte ergo éffici partícipes eórum. Erátis enim aliquándo ténebræ : nunc autem lux in Dómino. Ut fílii lucis ambuláte : fructus enim lucis est in omni bonitáte et iustítia et veritáte.Mes frères : Soyez donc les imitateurs de Dieu comme des enfants bien-aimés, et marchez dans l’amour, comme le Christ, qui nous a aussi aimés, et qui s’est livré lui-même pour nous à Dieu, comme une oblation et un sacrifice d’agréable odeur. Que la fornication, et toute impureté, ou l’avarice ne soient pas même nommés parmi vous, comme il convient à des saints ; non plus que ce qui est déshonnête, les propos insensés, les paroles bouffonnes, toutes choses qui sont malséantes ; qu’on entende plutôt des actions de grâces. Car, sachez-le bien, aucun fornicateur, aucun impudique, aucun avare, ce qui est une idolâtrie, n’a d’héritage dans le royaume du Christ et de Dieu. Que personne ne vous séduise par de vains discours ; car c’est à cause de ces choses que la colère de Dieu vient sur les hommes rebelles. N’ayez donc aucune part avec eux. Car vous étiez autrefois ténèbres ; mais maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur. Marchez comme des enfants de lumière ; car le fruit de la lumière consiste en toute sorte de bonté, de justice et de vérité.
Graduale. Ps. 9, 20 et 4.Graduel
Exsúrge, Dómine, non præváleat homo : iudicéntur gentes in conspéctu tuo.Levez-vous, Seigneur ; que l’homme ne triomphe pas ; que les nations soient jugées devant votre face.
V/. In converténdo inimícum meum retrórsum, infirmabúntur, et períbunt a facie tua.Parce que vous avez fait retourner mon ennemi en arrière, ils vont être épuisés, et ils périront devant votre face.
Tractus. Ps. 122, 1-3.Trait.
Ad te levávi óculos meos, qui hábitas in cælis.J’ai levé les yeux vers vous, qui habitez dans les cieux.
V/. Ecce, sicut óculi servórum in mánibus dominórum suórum.Comme les yeux des serviteurs sont fixés sur les mains de leurs maîtres.
V/. Et sicut óculi ancíllæ in mánibus dóminæ suæ : ita óculi nostri ad Dóminum, Deum nostrum, donec misereátur nostri.Et comme les yeux de la servante sont fixés sur les mains de sa maîtresse, ainsi nos yeux sont tournés vers le Seigneur, notre Dieu, jusqu’à ce qu’il ait pitié de nous.
V/. Miserére nobis, Dómine, miserére nobis.Ayez pitié de nous, Seigneur, ayez pitié de nous.
+ Sequéntia sancti Evangélii secundum Lucam.Lecture du Saint Evangile selon saint Luc.
Luc. 11, 14-28.
In illo témpore : Erat Iesus eíciens dæmónium, et illud erat mutum. Et cum eiecísset dæmónium, locútus est mutus, et admirátæ sunt turbæ. Quidam autem ex eis dixérunt : In Beélzebub, príncipe dæmoniórum, éicit dæmónia. Et alii tentántes, signum de cælo quærébant ab eo. Ipse autem ut vidit cogitatiónes eórum, dixit eis : Omne regnum in seípsum divísum desolábitur, et domus supra domum cadet. Si autem et sátanas in seípsum divísus est, quómodo stabit regnum eius ? quia dícitis, in Beélzebub me eícere dæmónia. Si autem ego in Beélzebub eício dæmónia : fílii vestri in quo eíciunt ? Ideo ipsi iúdices vestri erunt. Porro si in dígito Dei eício dæmónia : profécto pervénit in vos regnum Dei. Cum fortis armátus custódit átrium suum, in pace sunt ea, quæ póssidet. Si autem fórtior eo supervéniens vícerit eum, univérsa arma eius áuferet, in quibus confidébat, et spólia eius distríbuet. Qui non est mecum, contra me est : et qui non cólligit mecum, dispérgit. Cum immúndus spíritus exíerit de hómine, ámbulat per loca inaquósa, quærens réquiem : et non invéniens, dicit : Revértar in domum meam, unde exivi. Et cum vénerit, invénit eam scopis mundátam, et ornátam. Tunc vadit, et assúmit septem alios spíritus secum nequióres se, et ingréssi hábitant ibi. Et fiunt novíssima hóminis illíus peióra prióribus. Factum est autem, cum hæc díceret : extóllens vocem quædam múlier de turba, dixit illi : Beátus venter, qui te portávit, et úbera, quæ suxísti. At ille dixit : Quinímmo beáti, qui áudiunt verbum Dei, et custódiunt illud.En ce temps-là, Jésus chassait un démon, et ce démon était muet. Et lorsqu’il eut chassé le démon, le muet parla, et les foules furent dans l’admiration. Mais quelques-uns d’entre eux dirent : C’est par Béelzébub, prince des démons, qu’il chasse les démons. Et d’autres, pour le tenter, lui demandaient un signe qui vînt du ciel. Mais lui, ayant vu leurs pensées, leur dit : Tout royaume divisé contre lui-même sera dévasté, et la maison tombera sur la maison. Si donc Satan est aussi divisé contre lui-même, comment son règne subsistera-t-il ? Car vous dites que c’est par Béelzébub que je chasse les démons. Or si c’est par Béelzébub que je chasse les démons, par qui vos fils les chassent-ils ? C’est pourquoi ils seront eux-mêmes vos juges. Mais si c’est par le doigt de Dieu que je chasse les démons, assurément le royaume de Dieu est arrivé jusqu’à vous. Lorsque l’homme fort, armé, garde sa maison, ce qu’il possède est en paix. Mais si un plus fort que lui survient et triomphe de lui, il emportera toutes ses armes, dans lesquelles il se confiait, et il distribuera ses dépouilles. Celui qui n’est point avec moi est contre moi, et celui qui ne recueille pas avec moi dissipe. Lorsque l’esprit impur est sorti d’un homme, il va par des lieux arides, cherchant du repos ; et n’en trouvant pas, il dit : Je retournerai dans ma maison, d’où je suis sorti. Et quand il arrive, il la trouve balayée et ornée. Alors il s’en va, et prend avec lui sept autres esprits, plus méchants que lui, et entrant dans cette maison, ils y habitent. Et le dernier état de cet homme devient pire que le premier. Or il arriva, tandis qu’il disait ces choses, qu’une femme, élevant la voix du milieu de la foule, lui dit : Heureux le sein qui vous a porté et les mamelles qui vous ont allaité. Mais il dit : Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la gardent.
Credo
Ant. ad Offertorium. Ps. 18, 9, 10, 11 et 12.Offertoire
Iustítiæ Dómini rectæ, lætificántes corda, et iudícia eius dulci ora super mel et favum : nam et servus tuus custódit ea. Les justices du Seigneur sont droites, elles réjouissent les cœurs et ses jugements sont plus doux que le miel, et qu’un rayon plein de miel ; aussi votre serviteur les observe.
Secreta.Secrète
Hæc hóstia, Dómine, quǽsumus, emúndet nostra delícta : et, ad sacrifícium celebrándum, subditórum tibi córpora mentésque sanctíficet. Per Dóminum.Nous vous en supplions, Seigneur, que cette hostie nous délivre de nos fautes et qu’elle sanctifie les corps et les âmes de vos serviteurs pour la célébration de ce sacrifice. Par Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Præfatio de Quadragesima. Préface du Carême .
Ant. ad Communionem. Ps. 83, 4-5.Communion
Passer invénit sibi domum, et turtur nidum, ubi repónat pullos suos : altária tua, Dómine virtútum, Rex meus, et Deus meus : beáti, qui hábitant in domo tua, in sǽculum sǽculi laudábunt te.Le passereau se trouve une maison, et la tourterelle un nid pour y placer ses petits ; que je trouve vos autels, Seigneur des armées, mon roi et mon Dieu. Heureux ceux qui habitent dans votre maison ; ils vous loueront dans les siècles des siècles.
Postcommunio.Postcommunion
A cunctis nos, quǽsumus, Dómine, reátibus et perículis propitiátus absólve : quos tanti mystérii tríbuis esse partícipes. Per Dóminum.Nous vous supplions, Seigneur, de nous délivrer miséricordieusement de toute faute et de tout danger, nous que vous avez faits participants à un si grand mystère. Par Notre-Seigneur.

Office

AUX PREMIÈRES VÊPRES.

Capitulum Ephes. 5, 1-2. Capitule
Fratres : Estóte imitatóres Dei, sicut fílii caríssimi : et ambuláte in dilectióne, sicut et Christus diléxit nos, et trádidit semetípsum pro nobis oblatiónem et hóstiam Deo in odórem suavitátis.Mes frères : Soyez donc les imitateurs de Dieu comme des enfants bien-aimés : et marchez dans l’amour, comme le Christ, qui nous a aussi aimés, et qui s’est livré lui-même pour nous à Dieu, comme une oblation et un sacrifice d’agréable odeur.
Hymnus Hymne
Audi, benígne Cónditor,
Nostras preces cum flétibus,
In hoc sacro ieiúnio
Fusas quadragenário.
Écoutez, Créateur bienveillant,
nos prières accompagnées de larmes,
répandues au milieu des jeûnes
de cette sainte Quarantaine.
Scrutátor alme córdium,
Infírma tu scis vírium :
Ad te revérsis éxhibe
Remissiónis grátiam.
Vous qui scrutez le fond des cœurs,
vous connaissez notre faiblesse :
nous revenons à vous ;
donnez-nous la grâce du pardon.
Multum quidem peccávimus,
Sed parce confiténtibus :
Ad nóminis laudem tui
Confer medélam lánguidis.
Nous avons beaucoup péché ;
pardonnez-nous à cause de notre aveu :
pour la gloire de votre Nom,
apportez le remède à nos langueurs.
Concéde nostrum cónteri
Corpus per abstinéntiam ;
Culpæ ut relínquant pábulum
Ieiúna corda críminum.
Faites que la résistance de notre corps
soit abattue par l’abstinence,
et que notre cœur soumis à un jeûne
spirituel ne se repaisse plus du péché.
Præsta, beáta Trínitas,
Concéde, simplex Unitas ;
Ut fructuósa sint tuis
Ieiuniórum múnera.
Amen.
Exaucez-nous, Trinité bienheureuse,
accordez-nous, Unité simple,
que soit profitable à vos fidèles
le bienfait du jeûne.
Amen.
V/. Angelis suis Deus mandávit de te. V/. Dieu a ordonné à ses Anges.
R/. Ut custódiant te in ómnibus viis tuis. R/. De te garder dans toutes ses voies.
Ad Magnificat Ant. Dixit autem pater * ad servos suos : Cito proférte stolam primam, et indúite illum, et date ánulum in manu eius, et calceaménta in pédibus eius. Ant. au Magnificat Mais le père dit * à ses serviteurs : Apportez vite sa robe de fête, et habillez-le, mettez un anneau à sa main et des chaussures à ses pieds.
Magnificat

A MATINES avant 1960

Invitatorium Invitatoire
Non sit vobis vanum mane súrgere ante lucem : * Quia promísit Dóminus corónam vigilántibus.Ne pensez- pas que ce soit vain de vous lever le matin avant le jour : * Car le Seigneur a promis la couronne à ceux qui veillent.
Hymnus Hymne
Ex more docti mýstico
Servémus hoc ieiúnium,
Deno diérum círculo
Ducto quater notíssimo.
Instruits par une tradition mystérieuse,
gardons avec soin ce jeûne
célèbre qui parcourt le cercle
de quarante journées.
Lex et prophétæ prímitus
Hoc prætulérunt, póstmodum
Christus sacrávit, ómnium
Rex atque factor témporum.
La Loi, d’avance, et les Prophètes
en ont jadis montré le sens ;
le Christ enfin l’a consacré,
lui, des temps le Maître et le Roi.
Utámur ergo párcius
Verbis, cibis et pótibus,
Somno, iocis, et árctius
Perstémus in custódia.
Servons-nous plus discrètement
du parler, du manger, du boire,
du sommeil, des jeux, et restons
en éveil contre le péché.
Vitémus autem nóxia,
Quæ súbruunt mentes vagas :
Nullúmque demus cállidi
Hostis locum tyránnidi.
Apprenons à parer les coups
qui guettent l’homme inattentif ;
ne donnons pas prise à la ruse
de notre mortel ennemi.
Flectámus iram víndicem,
Plorémus ante Iúdicem,
Clamémus ore súpplici,
Dicámus omnes cérnui :
Apaisons par notre regret
la juste colère du Juge,
prions comme des suppliants,
disons avec humilité :
Nostris malis offéndimus
Tuam, Deus, cleméntiam :
Effúnde nobis désuper,
Remíssor, indulgéntiam.
Seigneur, nous avons insulté
votre bonté par nos offenses ;
du ciel faites venir sur nous
votre indulgence et vos pardons.
Meménto quod sumus tui,
Licet cadúci, plásmatis :
Ne des honórem nóminis
Tui, precámur, álteri.
Souvenez-vous de vos travaux.
Car, tombés nous restons votre œuvre.
Veuillez ne pas céder à l’Autre
la gloire due à votre Nom.
Laxa malum, quod fécimus,
Auge bonum, quod póscimus :
Placére quo tandem tibi
Possímus hic, et pérpetim.
Ôtez le mal que nous faisons,
aidez au bien que nous voulons,
pour que nous plaisions à vos yeux
aujourd’hui et dans tous les temps.
Præsta, beáta Trínitas,
Concéde, simplex Unitas,
Ut fructuósa sint tuis
Ieiuniórum múnera.
Amen.
Exaucez-nous, Trinité bienheureuse,
accordez-nous, Unité simple,
que soit profitable à vos fidèles
le bienfait du jeûne.
Amen.
In I Nocturno
1er Nocturne
Lectio i1ère leçon
De libro GénesisDu Livre de la Genèse
Cap. 37, 2-10
Ioseph, cum sédecim esset annórum, pascébat gregem cum frátribus suis adhuc puer : et erat cum fíliis Balæ et Zelphæ uxórum patris sui, accusavítque fratres suos apud patrem crímine péssimo. Israël autem diligébat Ioseph super omnes fílios suos, eo quod in senectúte genuísset eum : fecítque ei túnicam polymítam. Vidéntes autem fratres eius quod a patre plus cunctis fíliis amarétur, óderant eum, nec póterant ei quidquam pacífice loqui. Accídit quoque, ut visum sómnium reférret frátribus suis : quæ causa maióris ódii seminárium fuit. Dixítque ad eos : Audíte sómnium meum quod vidi : Putábam nos ligáre manípulos in agro : et quasi consúrgere manípulum meum, et stare, vestrósque manípulos circumstántes adoráre manípulum meum. Respondérunt fratres eius : Numquid rex noster eris ? Aut subiciémur ditióni tuæ ? Hæc ergo causa somniórum atque sermónum, invídiæ et ódii fómitem ministrávit. Aliud quoque vidit sómnium, quod narrans frátribus, ait : Vidi per sómnium, quasi solem, et lunam, et stellas úndecim adoráre me. Quod cum patri suo et frátribus rettulísset, increpávit eum pater suus, et dixit : Quid sibi vult hoc sómnium quod vidísti ? num ego, et mater tua, et fratres tui adorábimus te super terram ?Joseph, âgé de seize ans, et n’étant encore qu’un enfant, conduisait le troupeau de son père avec ses frères, et il était avec les enfants de Bala et de Zelpha, femmes de son père. Il accusa alors ses frères, devant son père, d’un crime énorme. Israël aimait Joseph plus que tous ses autres enfants, parce qu’il l’avait eu étant déjà vieux ; et il lui avait faire une robe de plusieurs couleurs. Ses frères, voyant donc que leur père l’aimait plus que tous ses autres enfants, le haïssaient et ne pouvaient lui parler avec douceur. Il arriva aussi que Joseph rapporta à ses frères un songe qu’il avait eu, qui fut encore la semence d’une plus grande haine. Car il leur dit : « Ecoutez le songe que j’ai eu. Il me semblait que je liais des gerbes dans la campagne, que ma gerbe se leva et se tient debout, et que les vôtres, entourant la mienne, l’adoraient. » Ses frères lui répondirent : « Est-ce que tu seras notre roi, et serons-nous soumis à ta puissance ? » Ces songes et ses entretiens allumèrent donc encore davantage l’envie et la haine qu’ils avaient contre lui. Il eut encore un autre songe, qu’il raconta à ses frères, en leur disant : « J’ai vu en songe que le soleil et la lune, et onze étoiles m’adoraient. » Lorsqu’il eut rapporté ce songe à son père et à ses frères, son père lui en fit réprimande, et il lui dit : « Que voudrait dire ce songe que tu as eu ? Est-ce que ta mère, tes frères et moi nous t’adorerons sur la terre ? »
R/. Vidéntes Ioseph a longe, loquebántur mútuo fratres, dicéntes : Ecce somniátor venit : * Veníte, occidámus eum, et videámus si prosint illi sómnia sua.R/. Voyant [1] Joseph de loin, ses frères se disaient mutuellement : Voici le songeur qui vient. * Venez, tuons-le, et on verra ce que lui servent ses songes.
V/. Cumque vidíssent Ioseph fratres sui, quod a patre cunctis frátribus plus amarétur, óderant eum, nec póterant ei quidquam pacífice loqui, unde et dicébant.V/. Les frères [2] de Joseph, voyant qu’il était plus aimé par son père que tous ses autres frères, le haïssaient et ne pouvaient rien lui dire avec douceur, c’est pourquoi ils disaient entre eux.
R/. Veníte, occidámus eum, et videámus si prosint illi sómnia sua.R/. Venez, tuons-le, et on verra ce que lui servent ses songes.
Lectio ii Cap. 37, 11-202e leçon
Invidébant ei ígitur fratres sui : pater vero rem tácitus considerábat. Cumque fratres illíus in pascéndis grégibus patris moraréntur in Sichem, dixit ad eum Israël : Fratres tui pascunt oves in Síchimis : veni, mittam te ad eos. Quo respondénte : Præsto sum ; ait ei : Vade, et vide, si cuncta próspera sint erga fratres tuos, et pécora : et renúntia mihi, quid agátur. Missus de Valle Hebron, venit in Sichem : invenítque eum vir errántem in agro, et interrogávit quid quǽreret. At ille respóndit : Fratres meos quæro, índica mihi, ubi pascant greges. Dixitque ei vir : Recessérunt de loco isto : audívi autem eos dicéntes : Eámus in Dóthain. Perréxit ergo Ioseph post fratres suos, et invénit eos in Dóthain. Qui cum vidíssent eum procul, ántequam accéderet ad eos, cogitavérunt illum occídere : et mútuo loquebántur : Ecce somniátor venit : veníte, occidámus eum, et mittámus in cistérnam véterem, dicemúsque : Fera péssima devorávit eum : et tunc apparébit quid illi prosint sómnia sua.Ainsi ses frères étaient transportés d’envie contre lui ; mais son père considérait tout cela en silence. Il arriva alors que les frères de Joseph s’arrêtèrent à Sichem, où ils faisaient paître les troupeaux de leur père. Et Israël dit à Joseph : « Tes frères font paître nos brebis dans le pays de Sichem ; viens, et je t’enverrai vers eux. » « Je suis tout prêt, lui dit Joseph. » Jacob ajouta : « Va, et vois si tes frères se portent bien et si les troupeaux sont en bon état, et tu me rapporteras ce qui se passe. » Ayant donc été envoyé de la vallée d’Hébron, il vint à Sichem ; et un homme, l’ayant trouvé errant dans la campagne, lui demanda ce qu’il cherchait. Il lui répondit : « Je cherche mes frères ; je vous prie de me dire où ils font paître leurs troupeaux. » Cet homme lui répondit : « Ils se sont retirés de ce lieu, et j’ai entendu qu’ils se disaient : Allons vers Dothaïn. » Joseph alla donc après ses frères, et il les trouva à Dothaïn. Lorsqu’ils l’eurent aperçu de loin, avant qu’il se fût approché d’eux, ils résolurent de le tuer ; et ils se disaient l’un à l’autre : « Voici notre songeur qui vient. Allons, tuons-le et jetons-le dans une vieille citerne ; nous dirons qu’une bête sauvage l’a dévoré, et après cela on verra à quoi ses songes lui auront servi. »
R/. Dixit Iudas frátribus suis : Ecce Ismaëlítæ tránseunt ; veníte, venumdétur, et manus nostræ non polluántur : * Caro enim et frater noster est.R/. Juda [3] dit à ses frères : Voilà des Ismaélites qui passent, venez, et qu’il leur soit vendu, et que nos mains ne soient pas souillées : * Car il est notre chair et notre frère.
V/. Quid enim prodest, si occidérimus fratrem nostrum, et celavérimus sánguinem ipsíus ? mélius est ut venumdétur.V/. Que nous servira si nous tuons notre frère et nous cachons son sang ? Il vaut vieux qu’il soit vendu.
R/. Caro enim et frater noster est.R/. Car il est notre chair et notre frère.
Lectio iii Cap. 37, 21-283e leçon
Audiens autem hoc Ruben, nitebátur liberáre eum de mánibus eórum, et dicébat : Non interficiátis ánimam eius, nec effundatis sánguinem : sed proícite eum in cistérnam hanc, quæ est in solitúdine, manúsque vestras serváte innóxias. Hoc autem dicébat, volens erípere eum de mánibus eórum, et réddere patri suo. Conféstim ígitur ut pervénit ad fratres suos, nudavérunt eum túnica talári et polymíta : miserúntque eum in cistérnam véterem, quæ non habébat aquam. Et sedéntes ut coméderent panem, vidérunt Ismaëlítas viatóres veníre de Gálaad, et camélos eórum portántes arómata, et resínam, et stacten in Ægýptum. Dixit ergo Iudas frátribus suis : Quid nobis prodest, si occidérimus fratrem nostrum, et celavérimus sánguinem ipsíus ? Mélius est ut venumdétur Ismaëlítis, et manus nostræ non polluántur : frater enim et caro nostra est. Acquievérunt fratres sermónibus illíus. Et prætereúntibus Madianítis negotiatóribus, extrahéntes eum de cistérna, vendidérunt eum Ismaëlítis vigínti argénteis : qui duxérunt eum in Ægýptum.Ruben, les ayant entendus parler ainsi, tâchait de le tirer d’entre leurs mains, et il leur disait : « Ne le tuez point et ne répandez point son sang, mais jetez-le dans cette citerne qui est au désert, et conservez vos mains pures. » Il disait cela dans le dessein de le tirer de leurs mains et de le rendre à son père. Aussitôt donc que Joseph fut arrivé près de ses frères, ils lui ôtèrent sa robe de plusieurs couleurs, qui le couvrait jusqu’en bas ; et ils le jetèrent dans cette vieille citerne, qui était sans eau. S’étant ensuite assis pour manger, ils virent des Ismaëlites qui passaient, et qui, venant de Galaad, portaient sur leurs chameaux des parfums, de la résine et de la myrrhe, et s’en allaient en Egypte. Judas dit alors à ses frères : Que nous servira si nous tuons notre frère et nous cahcons son sang ? Il vaut mieux qu’il soit vendu aux Ismaélites, et que nos mains ne soient pas souillées ; car il est notre frère et notre chair. Ses frères acquiescèrent à ses discours. Et des marchands Madianites passant, ils le retirèrent de la citerne et le vendirent vingt pièces d’argent aux Ismaélites qui le menèrent en Egypte.
R/. Extrahéntes Ioseph de lacu, vendidérunt Ismaëlítæ vigínti argénteis : * Reversúsque Ruben ad púteum, cum non invenísset eum, scidit vestiménta sua cum fletu, et dixit : * Puer non compáret, et ego quo ibo ?R/. Retirant [4] Joseph de la citerne, ils le vendirent vingt pièces d’argent aux Ismaélites : * Ruben étant revenu à la citerne, comme il ne le trouva pas, il déchira ses vêtements en pleurant et dit : * L’enfant ne paraît pas, et moi, où irai-je ?
V/. At illi, intíncta túnica Ioseph in sánguine hædi, misérunt qui ferret eam ad patrem, et díceret : Vide, si túnica fílii tui sit, an non.V/. Mais eux trempèrent la tunique de Joseph dans le sang d’un chevreau, et ils envoyèrent des gens pour la porter à leur père, et pour lui dire : Vois si c’est la tunique de ton fils ou non.
* Reversúsque Ruben ad púteum, cum non invenísset eum, scidit vestiménta sua cum fletu, et dixit : Glória Patri. * Puer non compáret, et ego quo ibo ?* Ruben étant revenu à la citerne, comme il ne le trouva pas, il déchira ses vêtements en pleurant et dit : Gloire au Père. * L’enfant ne paraît pas, et moi, où irai-je ?
In II Nocturno
2e Nocturne
Lectio iv4e leçon
Ex libro sancti Ambrósii Epíscopi de sancto IosephLivre de l’évêque saint Ambroise sur le Patriarche Joseph
Cap. 1
Sanctórum vita céteris norma vivéndi est. Ideóque digéstam plénius accépimus sériem Scripturárum ; ut dum Abraham, Isaac, et Iacob, ceterósque iustos legéndo cognóscimus, velut quemdam nobis innocéntiæ trámitem, virtúte eórum reserátum imitántibus vestígiis persequámur. De quibus mihi cum frequens tractátus fúerit, hódie sancti Ioseph história occúrrit : in quo cum plúrima fúerint génera virtútum, præcípue tamen insigne effulsit castimoniæ. Iustum est ígitur, ut cum in Abraham didicéritis ímpigram fídei devotiónem, in Isaac sínceræ mentis puritátem, in Iacob singulárem ánimi laborúmque patiéntiam : ex illa generalitáte virtútum in ipsas spécies disciplinárum intendatis animum.C’est pour les autres une règle de conduite que la vie des saints. Aussi l’Ecriture nous en offre-t-elle une série ample et ordonnée. Cette lecture nous fait connaître Abraham, Isaac, Jacob et d’autres justes. Leur vie, tel un sentier d’innocence, frayé par leur vertu, s’ouvre aux pas de notre imitation. J’ai eu souvent déjà l’occasion d’en parler. Aujourd’hui se présente l’histoire du saint patriarche Joseph. De nombreuses vertus le signalent à notre admiration, mais c’est la chasteté qui brille en lui d’un éclat sans pareil. Ainsi donc, nous avons reçu d’Abraham l’enseignement d’une inlassable dévotion de foi, d’Isaac, celui d’une parfaite pureté de cœur, de Jacob, celui d’une remarquable fermeté d’âme et de patience dans les épreuves. Il convient de passer de la considération de ces types généraux de vertus à des enseignements plus particuliers.
R/. Videns Iacob vestiménta Ioseph, scidit vestiménta sua cum fletu, et dixit : * Fera péssima devorávit fílium meum Ioseph.R/. Jacob [5], voyant les vêtements de Joseph, déchira ses vêtements en pleurant et dit : * Une bête cruelle a dévoré mon fils Joseph.
V/. Tulérunt autem fratres eius túnicam illíus, mitténtes ad patrem : quam cum cognovísset pater, ait.V/. Ses frères prirent donc sa tunique, l’envoyant à son père qui lorsqu’il l’eut reconnu, s’écria.
R/. Fera péssima devorávit fílium meum Ioseph.R/. Une bête cruelle a dévoré mon fils Joseph.
Lectio v5e leçon
Sit ígitur nobis propósitus sanctus Ioseph tamquam speculum castitátis. In eius enim móribus, in eius áctibus lucet pudicítia, et quidam splendet castimóniæ comes, nitor gratiæ. Unde étiam a paréntibus plus quam ceteri fílii diligebátur. Sed ea res invídiæ fuit : quod siléntio prætereúndum non fuit : hinc enim arguméntum totius históriæ procéssit : simul ut cognoscámus, perféctum virum non movéri ulciscéndi dolóris invídia, nec malórum repéndere vicem. Unde et David ait : Si réddidi retribuéntibus mihi malaQue le saint patriarche Joseph nous apparaisse donc comme un miroir de chasteté. En sa conduite et en ses actes brille la pudeur et se répand l’éclat de ce charme inséparable de la chasteté. C’est pour cela même que ses parents l’aimaient plus que leurs autres fils. Or, de cette préférence naquit la haine. C’est un fait à ne pas oublier, car il commande tout l’enchaînement de l’histoire ; de plus, nous apprenons par là que l’homme parfait ne se laisse pas ébranler par la violence d’une douleur à venger et ne rend pas le mal pour le mal. Aussi David a-t-il dit : « Si j’ai rendu le mal à qui me le faisait [que je tombe devant mes ennemis]. » [6]
R/. Ioseph dum intráret in terram Ægýpti, linguam quam non nóverat, audívit : manus eius in labóribus serviérunt : * Et lingua eius inter príncipes loquebátur sapiéntiam.R/. Joseph [7], quand il entra dans la terre d’Egypte, entendit une langue qu’il ne connaissait pas ; ses mains furent asservies au travail : * Et il parlait avec sagesse devant les princes.
V/. Humiliavérunt in compédibus pedes eius : ferrum petránsiit ánimam eius, donec veníret verbum eius.V/. On humilia [8] ses pieds dans des entraves, un fer transperça son âme, jusqu’à ce que s’accomplit sa parole.
R/. Et lingua eius inter príncipes loquebátur sapiéntiam.R/. Et il parlait avec sagesse devant les princes.
Lectio vi6e leçon
Quid autem esset, quod præférri Ioseph mererétur céteris, si aut lædéntes læsísset, aut diligéntes dilexísset ? Hoc enim pleríque fáciunt. Sed illud mirábile, si díligas inimícum tuum : quod Salvátor docet. Iure ergo mirándus, qui hoc fecit ante Evangélium, ut læsus párceret, appetítus ignósceret, venditus non reférret iniúriam, sed grátiam pro contumelia sólveret : quod post Evangélium omnes didícimus, et serváre non póssumus. Discámus ergo et Sanctórum invídiam, ut imitémur patiéntiam : et cognoscamus, illos non natúræ præstantióris fuisse, sed observantióris : nec vítia nescísse, sed emendásse. Quod si invídia étiam Sanctos adússit, quanto magis cavéndum est, ne inflammet peccatóres ?En effet, pourquoi Joseph aurait-il mérité qu’on le préfère aux autres, s’il avait voulu faire du tort à qui lui en faisait, et aimer seulement qui l’aimait ? Cela, la plupart le font. Mais voici ce qui est admirable, c’est d’aimer son ennemi, comme le Sauveur l’enseigne. Il mérite à bon droit qu’on l’admire, celui qui a fait cela avant l’Evangile. Offensé, il ne tient pas rigueur ; attaqué, il pardonne ; vendu, il ne compte pas le dommage, mais au contraire, il paie en bienfait le prix de l’outrage. Cela, l’Evangile nous l’a appris à tous, et nous ne savons pas l’observer. Même les saints ont éprouvé la haine, apprenons-le pour imiter leur patience et sachons qu’ils n’étaient pas d’une nature supérieure à la nôtre, mais d’une plus généreuse fidélité au devoir. Ils n’ont pas ignoré le vice, mais ils ont su le vaincre. Si donc la brûlure de la haine a touché même les saints, combien plus ne faut-il pas craindre qu’elle n’atteigne les pécheurs ?
R/. Meménto mei, dum bene tibi fúerit : * Ut súggeras Pharaóni, ut edúcat me de isto cárcere : * Quia furtim sublátus sum, et hic ínnocens in lacum missus sum.R/. Souviens-toi [9] de moi quand bien t’arrivera : * Et suggère à Pharaon de me tirer de cette prison ; * Car j’ai été enlevé par fraude ; et innocent j’ai été jeté ici dans la fosse.
V/. Tres enim adhuc dies sunt, post quos recordábitur Phárao ministérii tui, et restítuet te in gradum prístinum : tunc meménto mei.V/. Trois jours encore et après Pharaon se souviendra de ton ministère, et te rétablira dans ton ancienne charge ; alors souviens-toi de moi.
* Quia furtim sublátus sum, et hic ínnocens in lacum missus sum. Glória Patri. * Quia furtim sublátus sum, et hic ínnocens in lacum missus sum.* Car j’ai été enlevé par fraude ; et innocent j’ai été jeté ici dans la fosse. Gloire au Père. * Car j’ai été enlevé par fraude ; et innocent j’ai été jeté ici dans la fosse.
In III Nocturno
3e Nocturne
Lectio vii7e leçon
Léctio sancti Evangélii secúndum Lucam.Lecture du saint évangile selon saint Luc.
Cap. 11, 14-28
In illo témpore : Erat Iesus eíciens dæmónium, et illud erat mutum. Et cum eiecísset dæmónium, locútus est mutus, et admirátæ sunt turbæ. Et réliqua. En ce temps-là, Jésus chassait un démon, et ce démon était muet. Et lorsqu’il eut chassé le démon, le muet parla, et les foules furent dans l’admiration. Et le reste. [10]
De Homilía sancti Bedæ Venerábilis PresbyteriHomélie de saint Bède le Vénérable, prêtre
Lib. 4 cap. 48 in cap. 11 Lucæ
Dæmoníacus iste apud Matthǽum non solum mutus, sed et cæcus fuísse narrátur : curatúsque dícitur a Dómino, ita ut loquerétur, et vidéret. Tria ergo signa simul in uno hómine perpetráta sunt : cæcus videt, mutus lóquitur, posséssus a dǽmone liberátur. Quod et tunc quidem carnáliter factum est, sed et quotídie complétur in conversióne credéntium : ut, expúlso primum dǽmone, fídei lumen aspíciant ; deínde ad laudes Dei tacéntia prius ora laxéntur. Quidam autem ex eis dixérunt : in Beélzebub príncipe dæmoniórum éicit dæmónia. Non hæc áliqui de turba, sed pharisǽi calumniabántur, et scribæ, sicut álii Evangelístæ testántur.Dans Matthieu on raconte que ce démoniaque est non seulement muet mais aveugle aussi. Il fut guéri par le Seigneur, nous dit-on, si bien qu’il pouvait parler et voir. Trois miracles sont accomplis simultanément dans un seul homme : l’aveugle voit ; le muet parle ; le possédé est délivré du démon. Mais ce qui fut fait alors dans la chair, s’accomplit chaque jour dans la conversion des croyants. Une fois le démon expulsé, ils perçoivent la lumière de la foi, ensuite la bouche, jadis muette, s’ouvre pour louer Dieu. « Mais il s’en trouva pour dire : C’est par Béelzéboub, le chef des démons, qu’il chasse les démons. » Ceux qui dénigraient ainsi, n’étaient pas des personnes dans la foule, mais des scribes et des pharisiens comme l’attestent d’autres évangélistes.
R/. Mérito hæc pátimur, quia peccávimus in fratrem nostrum, vidéntes angústias ánimæ eius, dum deprecarétur nos, et non audívimus : * Idcírco venit super nos tribulátio.R/. C’est justement [11] que nous souffrons tout ceci, parce que nous avons péché contre notre frère, voyant l’angoisse de son âme, quand il nous priait et nous ne l’avons pas écouté : * C’est pour cela qu’est venu sur nous cette tribulation.
V/. Dixit Ruben frátribus suis : Numquid non dixi vobis, Nolíte peccáre in púerum ; et non audístis me ?V/. Ruben dit à ses frères : Ne vous ai-je pas dit : ne péchez pas contre cet enfant ? Et vous ne m’avez pas écouté.
R/. Idcírco venit super nos tribulátio.R/. C’est pour cela qu’est venu sur nous cette tribulation.
Lectio viii8e leçon
Turbis quippe, quæ minus erúditæ videbántur, Dómini semper facta mirántibus ; illi contra, vel negáre hæc, vel quæ negáre nequíverant, sinístra interpretatióne pervértere laborábant : quasi non hæc divinitátis, sed immúndi spíritus ópera fuíssent. Et álii tentántes, signum de cælo quærébant ab eo. Vel in morem Elíæ ignem de sublimi veníre cupiébant ; vel in similitúdinem Samuelis témpore æstivo mugire tonítrua, coruscáre fúlgura, imbres rúere : quasi non possent et illa calumniári, et dícere, ex occúltis et variis áëris passiónibus accidísse. At tu, qui calumniáris ea, quæ óculis vides, manu tenes, utilitáte sentis ; quid féceris de iis, quæ de cælo venerint ? Utique respondebis, et magos in Ægýpto multa signa fecísse de cælo.Car les foules, bien que manifestement moins instruites, s’émerveillaient toujours des faits et gestes da Seigneur ; tandis que ceux-ci les niaient, ou bien, s’ils ne trouvaient rien à nier, ils s’efforçaient de les dénaturer par une interprétation malveillante ; comme s’ils eussent été l’œuvre, non de la divinité, mais de l’esprit impur. « D’autres, pour le mettre à l’épreuve, lui demandaient un signe venant du ciel. » [12] Ils désiraient, par exemple, qu’à la manière d’Elie, il fasse venir le feu du ciel, ou bien, semblable à Samuel, qu’il fasse, par un beau temps d’été, gronder le tonnerre, briller les éclairs, et tomber l’averse à torrents ; comme s’ils ne pouvaient dénigrer cela aussi et affirmer l’effet dû aux causes occultes et aux diverses perturbations atmosphériques, mais toi qui ergotes sur ce que tu vois de tes yeux, ce que tu tiens en mains, ce que tu perçois à l’usage, que ferais-tu de ce qui viendrait du ciel ? Sans doute répondras-tu que les mages en Egypte faisaient aussi beaucoup de signes dans le ciel.
R/. Dixit Ruben frátribus suis : Numquid non dixi vobis, Nolíte peccáre in púerum, et non audístis me ? * En, sanguis eius exquíritur.R/. Ruben [13] dit à ses frères : Nous vous ai-je pas dit : ne péchez pas contre cet enfant ? et vous ne m’avez pas écouté : * Voilà que son sang est redemandé.
V/. Mérito hæc pátimur, quia peccávimus in fratrem nostrum, vidéntes angústias ánimæ eius, dum deprecarétur nos, et non audívimus.V/. C’est justement que nous soufrons tout ceci, parce que nous avons péché contre notre frère voyant l’angoisse de son âme, quand il nous priait et nous ne l’avons pas écouté.
R/. En, sanguis eius exquíritur.R/. Voilà que son sang est redemandé.
Lectio ix9e leçon
Ipse autem ut vidit cogitatiónes eórum, dixit eis : Omne regnum in seípsum divisum desolábitur, et domus supra domum cadet. Non ad dicta, sed ad cogitáta respóndit : ut vel sic compelleréntur credere poténtiæ eius, qui cordis vidébat occúlta. Si autem omne regnum in seípsum divisum desolátur ; ergo Patris et Fílii et Spíritus Sancti regnum non est divisum ; quod sine ulla contradictióne, non áliquo impúlsu desolándum, sed ætérna est stabilitáte mansúrum. Si autem sátanas in seípsum divisus est : quómodo stabit regnum ipsíus, quia dícitis, in Beélzebub eicere me dæmónia ? Hoc dicens, ex ipsórum confessióne volébat intelligi, quod in eum non credéndo, in regno diaboli esse elegíssent, quod útique advérsum se divisum stare non posset.« Mais lui, sachant leur pensée leur dit : Tout royaume divisé contre lui-même va à sa ruine, et maison sur maison s’écroule. » Il répond aux pensées, non aux paroles ; ainsi seraient-ils forcés, sans doute, d’admettre la puissance de celui qui voyait les secrets du cœur. Mais si tout royaume divisé contre lui-même va à sa ruine, alors le royaume du Père et du Fils et de l’Esprit-Saint n’est pas divisé ; car, sans conteste, il ne sera ruiné par aucun assaut, mais il doit subsister éternellement. « Si donc Satan est divisé contre lui-même, comment son royaume tiendra-t-il, puisque vous dites que c’est par Béelzéboub que moi, je chasse les démons ? » En disant ceci il voulait leur faire comprendre, par leur propre aveu, qu’en refusant de croire en lui, ils ont opté pour le royaume du diable, qui ne peut évidemment pas tenir divisé contre lui-même.
R/. Lamentabátur Iacob de duóbus fíliis suis : Heu me, dolens sum de Ioseph pérdito, et tristis nimis de Béniamin ducto pro alimóniis : * Precor cæléstem Regem, ut me doléntem nímium fáciat eos cérnere.R/. Jacob se lamentais ainsi sur la perte de ses deux fils : Malheureux que je suis, la perte de Joseph me plonge dans la douleur, et ma tristesse est profonde de voir Benjamin emmené pour obtenir des vivres : * Je prie le Roi des cieux d’avoir pitié de mon extrême affliction, et de me les faire revoir.
V/. Prostérnens se Iacob veheménter cum lácrimis pronus in terram, et adórans ait.V/. Jacob se prosterna contre terre avec beaucoup de larmes et adora disant.
* Precor cæléstem Regem, ut me doléntem nímium fáciat eos cérnere. Glória Patri. * Precor cæléstem Regem, ut me doléntem nímium fáciat eos cérnere.* Je prie le Roi des cieux d’avoir pitié de mon extrême affliction, et de me les faire revoir. Gloire au Père. * Je prie le Roi des cieux d’avoir pitié de mon extrême affliction, et de me les faire revoir.

A LAUDES.

Capitulum Ephes. 5, 1-2. Capitule
Fratres : Estóte imitatóres Dei, sicut fílii caríssimi : et ambuláte in dilectióne, sicut et Christus diléxit nos, et trádidit semetípsum pro nobis oblatiónem et hóstiam Deo in odórem suavitátis.Mes frères : Soyez donc les imitateurs de Dieu comme des enfants bien-aimés : et marchez dans l’amour, comme le Christ, qui nous a aussi aimés, et qui s’est livré lui-même pour nous à Dieu, comme une oblation et un sacrifice d’agréable odeur.
Hymnus Hymne
O sol salútis, íntimis,
Iesu, refúlge méntibus,
Dum, nocte pulsa, grátior
Orbi dies renáscitur.
O Jésus, soleil de salut,
resplendissez au plus intime de notre âme,
à cette heure où la nuit ayant disparu,
le jour renaît pour réjouir l’univers.
Dans tempus acceptábile,
Da lacrimárum rívulis
Laváre cordis víctimam,
Quam læta adúrat cáritas.
Dans ce temps riche de bienfaits
donnez-nous des ruisseaux de larmes ;
pour purifier la victime spirituelle,
qu’embrasera une joyeuse charité.
Quo fonte manávit nefas,
Fluent perénnes lácrimæ,
Si virga pœniténtiæ
Cordis rigórem cónterat.
La source d’où jaillirent nos fautes
répandra des larmes sans fin,
si la verge de la pénitence,
brise la dureté de nos cœurs.
Dies venit, dies tua,
In qua reflórent ómnia :
Lætémur et nos, in viam
Tua redúcti déxtera.
Le jour se lève, votre jour,
dans lequel tout va refleurir ;
réjouissons-nous, nous aussi,
ramenés par votre main sur la bonne voie.
Te prona mundi máchina,
Clemens, adóret, Trínitas,
Et nos novi per grátiam
Novum canámus cánticum.
Amen.
Que prosterné devant Vous, l’édifice
du monde vous adore, clémente Trinité,
et renouvelés par la grâce,
nous vous chanterons un cantique nouveau.
Amen.
V/. Angelis suis Deus mandávit de te. V/. Dieu a ordonné à ses Anges.
R/. Ut custódiant te in ómnibus viis tuis. R/. De te garder dans toutes ses voies.
Ad Bened. Ant. Cum fortis armátus * custódit átrium suum, in pace sunt ómnia quæ póssidet. Ant. au Bénédictus Quand l’homme fort en armes, * garde sa maison, tous ses biens sont en sûreté.
Benedictus

AUX DEUXIÈMES VÊPRES.

Capitulum Ephes. 5, 1-2. Capitule
Fratres : Estóte imitatóres Dei, sicut fílii caríssimi : et ambuláte in dilectióne, sicut et Christus diléxit nos, et trádidit semetípsum pro nobis oblatiónem et hóstiam Deo in odórem suavitátis.Mes frères : Soyez donc les imitateurs de Dieu comme des enfants bien-aimés : et marchez dans l’amour, comme le Christ, qui nous a aussi aimés, et qui s’est livré lui-même pour nous à Dieu, comme une oblation et un sacrifice d’agréable odeur.
Hymnus Hymne
Audi, benígne Cónditor,
Nostras preces cum flétibus,
In hoc sacro ieiúnio
Fusas quadragenário.
Écoutez, Créateur bienveillant,
nos prières accompagnées de larmes,
répandues au milieu des jeûnes
de cette sainte Quarantaine.
Scrutátor alme córdium,
Infírma tu scis vírium :
Ad te revérsis éxhibe
Remissiónis grátiam.
Vous qui scrutez le fond des cœurs,
vous connaissez notre faiblesse :
nous revenons à vous ;
donnez-nous la grâce du pardon.
Multum quidem peccávimus,
Sed parce confiténtibus :
Ad nóminis laudem tui
Confer medélam lánguidis.
Nous avons beaucoup péché ;
pardonnez-nous à cause de notre aveu :
pour la gloire de votre Nom,
apportez le remède à nos langueurs.
Concéde nostrum cónteri
Corpus per abstinéntiam ;
Culpæ ut relínquant pábulum
Ieiúna corda críminum.
Faites que la résistance de notre corps
soit abattue par l’abstinence,
et que notre cœur soumis à un jeûne
spirituel ne se repaisse plus du péché.
Præsta, beáta Trínitas,
Concéde, simplex Unitas ;
Ut fructuósa sint tuis
Ieiuniórum múnera.
Amen.
Exaucez-nous, Trinité bienheureuse,
accordez-nous, Unité simple,
que soit profitable à vos fidèles
le bienfait du jeûne.
Amen.
V/. Angelis suis Deus mandávit de te. V/. Dieu a ordonné à ses Anges.
R/. Ut custódiant te in ómnibus viis tuis. R/. De te garder dans toutes ses voies.
Ad Magnificat Ant. Extóllens vocem * quædam múlier de turba, dixit : Beátus venter qui te portávit, et úbera quæ suxísti. At Iesus ait illi : Quinímmo beáti, qui áudiunt verbum Dei, et custódiunt illud. Ant. au Magnificat Élevant la voix, * une femme dans la foule dit : Heureuses les entrailles qui vous ont porté et le sein qui vous a nourri. Mais Jésus lui dit : Heureux plutôt ceux qui entendent la parole de Dieu et qui la gardent.
Magnificat

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

La sainte Église, qui, au premier Dimanche de Carême, nous a proposé la tentation de Jésus-Christ au désert pour sujet de nos méditations, afin de nous éclairer sur la nature de nos propres tentations, et sur la manière dont nous en devons triompher, nous fait lire aujourd’hui un passage de l’Évangile de saint Luc, dont la doctrine est destinée à compléter notre instruction sur la puissance et les manœuvres de nos ennemis invisibles. Durant le Carême, le chrétien doit réparer le passé et assurer l’avenir ; il ne pourrait se rendre compte du premier, ni défendre efficacement le second, s’il n’avait des idées saines sur la nature des périls auxquels il a succombé, et sur ceux qui le menacent encore. Les anciens liturgistes ont donc reconnu un trait de la sagesse maternelle de l’Église dans le discernement avec lequel elle propose aujourd’hui à ses enfants cette lecture, qui est comme le centre des enseignements de la journée.

Nous serions assurément les plus aveugles et les plus malheureux des hommes, si, environnés comme nous le sommes d’ennemis acharnés à notre perte et très supérieurs à nous en force et en adresse, nous en étions venus à ne pas songer souvent à leur existence, peut-être même à n’y réfléchir jamais. Tel est cependant l’état dans lequel vivent un nombre immense de chrétiens de nos jours : tant « les vérités sont diminuées parmi les enfants des hommes [14] ». Cet état d’insouciance et d’oubli sur un objet que les saintes Écritures nous rappellent à chaque page, est tellement répandu, qu’il n’est pas rare de rencontrer des personnes aux yeux desquelles l’action continue des démons autour de nous n’est rien autre chose qu’une croyance gothique et populaire qui n’appartient point aux dogmes de la religion. Tout ce qu’en racontent l’histoire de l’Église et la vie des Saints est pour eux comme s’il n’existait pas. Pour eux, Satan semble n’être qu’une pure abstraction sous laquelle on aurait personnifié le mal.

S’agit-il d’expliquer le péché en eux-mêmes ou dans les autres ? Ils vous parlent du penchant que nous avons au mal, du mauvais usage de notre liberté ; et ils ne veulent pas voir que l’enseignement chrétien nous révèle en outre dans nos prévarications l’intervention d’un agent malfaisant, dont la puissance est égale à la haine qu’il nous porte. Cependant, ils savent, ils croient sincèrement que Satan a conversé avec nos premiers parents et les a entraînés dans le mal, en se montrant à eux sous la forme d’un serpent. Ils croient que ce même Satan a osé tenter le Fils de Dieu incarné, qu’il l’a enlevé par les airs jusque sur le sommet du temple, et de là sur une haute montagne. Ils lisent aussi dans l’Évangile et ils croient qu’un des malheureux possédés qui furent délivrés par le Sauveur était assiégé d’une légion entière d’esprits infernaux, que l’on vit, sur la permission qu’ils en reçurent, fondre sur un troupeau de porcs et le précipiter dans le lac de Génésareth. Ces faits et mille autres sont l’objet de leur foi ; et avec cela tout ce qu’ils entendent dire de l’existence des démons, de leurs opérations, de leur adresse à séduire les âmes, leur semble fabuleux. Sont-ils chrétiens, ou ont-ils perdu le sens ? On ne saurait répondre, surtout lorsqu’on les voit se livrer de nos jours à des consultations sacrilèges du démon, à l’aide de moyens renouvelés des siècles du paganisme, sans qu’ils paraissent se rappeler, ni même savoir qu’ils commettent un crime que Dieu, dans l’ancienne loi, punissait de mort, et que la législation de tous les peuples chrétiens, durant un grand nombre de siècles, a frappé du dernier supplice.

Mais s’il est une époque de l’année où les fidèles doivent méditer ce que la foi et l’expérience nous apprennent sur l’existence et les opérations des esprits de ténèbres, c’est assurément ce temps où nous sommes, durant lequel nous avons tant à réfléchir sur les causes de nos péchés, sur les dangers de notre âme, sur les moyens de la prémunir contre de nouvelles chutes et de nouvelles attaques. Écoutons donc le saint Évangile. Il nous apprend d’abord que le démon s’était emparé d’un homme, et que l’effet de cette possession avait été de rendre cet homme muet. Jésus délivre ce malheureux, et l’usage de la parole revient aussitôt que l’ennemi a été chassé. Ainsi, la possession du démon non seulement est un monument de l’impénétrable justice de Dieu ; mais elle peut produire des effets physiques sur ceux qui en sont l’objet. L’expulsion du malin esprit rend l’usage de la langue à celui qui gémissait sous ses liens. Nous n’insistons pas ici sur la grossière malice des ennemis du Sauveur, qui veulent attribuer son pouvoir sur les démons à l’intervention de quelque prince de la milice infernale ; nous voulons seulement constater le pouvoir des esprits de ténèbres sur les corps, et confondre par le texte sacré le rationalisme de certains chrétiens. Qu’ils apprennent donc à connaître la puissance de nos adversaires, et qu’ils évitent de leur donner prise sur eux, par l’orgueil de la raison.

Depuis la promulgation de l’Évangile, le pouvoir de Satan sur les corps s’est trouvé restreint par la vertu de la Croix, dans les pays chrétiens ; mais il reprend une nouvelle extension, si la foi et les œuvres de la piété chrétienne diminuent. De là toutes ces horreurs diaboliques qui, sous divers noms plus ou moins scientifiques, se commettent d’abord dans l’ombre, sont ensuite acceptées dans une certaine mesure par les gens honnêtes, et pousseraient au renversement de la société, si Dieu et son Église n’y mettaient enfin une digue. Chrétiens de nos jours, souvenez-vous que vous avez renoncé à Satan, et prenez garde qu’une ignorance coupable ne vous entraîne dans l’apostasie. Ce n’est pas à un être de raison que vous avez renoncé sur les fonts baptismaux : c’est à un être réel, formidable, et dont Jésus-Christ nous dit qu’il a été homicide dès le commencement [15].

Mais si nous devons redouter l’affreux pouvoir qu’il peut exercer sur les corps, et éviter tout contact avec lui dans les pratiques auxquelles il préside, et qui sont le culte auquel il aspire, nous devons aussi craindre son influence sur nos âmes. Voyez quelle lutte la grâce divine a dû engager pour l’arracher de votre âme. En ces jours, l’Église nous offre tous ses moyens pour triompher de lui : le jeûne uni à la prière et à l’aumône. Vous arriverez à la paix ; et votre cœur, vos sens purifiés, redeviendront le temple de Dieu. Mais n’allez pas croire que vous ayez anéanti votre ennemi. Il est irrité ; la pénitence l’a expulsé honteusement de son domaine, et il a juré de tout tenter pour y rentrer. Craignez donc la rechute dans le péché mortel ; et pour fortifier en vous cette crainte salutaire, méditez la suite des paroles de notre Évangile.

Le Sauveur nous y apprend que cet esprit immonde, chassé d’une âme, s’en va errant dans les lieux arides et déserts. C’est là qu’il dévore son humiliation, et qu’il sent davantage les tortures de cet enfer qu’il porte partout avec lui, et dont il voudrait se distraire, s’il le pouvait, par le meurtre des âmes que Jésus-Christ a rachetées. L’Ancien Testament nous montre déjà les démons vaincus, réduits à fuir dans des solitudes éloignées : c’est ainsi que le saint Archange Raphaël relégua dans les déserts de l’Égypte supérieure l’esprit infernal qui avait fait périr les sept maris de Sara [16]. Mais l’ennemi de l’homme ne se résigne pas à rester ainsi toujours éloigné de la proie qu’il convoite. La haine le pousse, comme au commencement du monde, et il se dit : « Il faut que je retourne à ma maison d’où je suis sorti ». Mais il ne viendra pas seul ; il veut triompher, et pour cela il amènera, s’il le faut, avec lui sept autres démons plus pervers encore. Quel choc se prépare pour la pauvre âme, si elle n’est pas vigilante, fortifiée ; si la paix que Dieu lui a rendue n’a pas été une paix armée ! L’ennemi sonde les abords de la place ; dans sa perspicacité, il examine les changements qui se sont opérés pendant son absence. Qu’aperçoit-il dans cette âme où il avait naguère ses habitudes et son séjour ? Notre Seigneur nous le dit : le démon la trouve sans défense, toute disposée à le recevoir encore ; point d’armes dirigées contre lui. Il semble que l’âme attendait cette nouvelle visite. C’est alors que, pour être plus sûr de sa conquête, l’ennemi va chercher ses renforts. L’assaut est donné ; rien ne résiste ; et bientôt, au lieu d’un hôte infernal, la pauvre âme en recèle une troupe ; « et, ajoute le Sauveur, le dernier état de cet homme devient pire que le premier ».

Comprenons l’avertissement que nous donne la sainte Église, en nous faisant lire aujourd’hui ce terrible passage de l’Évangile. De toutes parts, des retours à Dieu se ménagent ; la réconciliation va s’opérer dans des millions de consciences ; le Seigneur va pardonner sans mesure ; mais tous persévéreront-ils ? Lorsque le Carême reviendra dans un an convoquer les chrétiens à la pénitence, tous ceux qui, dans ces jours, vont se sentir arrachés à la puissance de Satan, auront-ils maintenu leurs âmes franches et libres de son joug ? Une triste expérience ne permet pas à l’Église de l’espérer. Beaucoup retomberont, et peu de temps après leur délivrance, dans les liens du péché. Oh ! S’ils étaient saisis par la justice de Dieu en cet état ! Cependant, tel sera le sort de plusieurs, d’un grand nombre peut-être. Craignons donc la rechute ; et pour assurer notre persévérance, sans laquelle il nous eût peu servi de rentrer pour quelques jours seulement dans la grâce de Dieu, veillons désormais, prions, défendons les abords de notre âme, résignons-nous au combat ; et l’ennemi, déconcerté de notre contenance, ira porter ailleurs sa honte et ses fureurs.

Le troisième Dimanche de Carême est appelé Oculi, du premier mot de l’Introït de la Messe.

Dans l’Église primitive, on le nommait le Dimanche des scrutins, parce que c’était en ce jour que l’on commençait l’examen des Catéchumènes qui devaient être admis au Baptême dans la nuit de Pâques. Tous les fidèles étaient invités à se présenter à l’église pour rendre témoignage de la vie et des mœurs de ces aspirants à la milice chrétienne. A Rome, ces examens, auxquels on donnait le nom de Scrutins, avaient lieu en sept séances, à raison du grand nombre des aspirants au Baptême ; mais le principal Scrutin était celui du Mercredi de la quatrième semaine. Nous en parlerons plus loin.

Le Sacramentaire Romain de saint Gélase nous donne la forme de la convocation des fidèles pour ces assemblées ; elle est conçue en ces termes : « Frères très chers, vous savez que le jour du Scrutin dans lequel nos élus doivent recevoir l’instruction divine est proche ; vous voudrez donc bien vous réunir avec zèle tel jour de cette semaine, à l’heure de Sexte, afin que nous soyons en mesure, avec l’aide de Dieu, d’accomplir sans erreur le mystère céleste qui ouvre la porte du royaume des cieux, et anéantit le diable avec toutes ses pompes. » Cette invitation se répétait, s’il était besoin, chacun des Dimanches suivants. Dans celui que nous célébrons aujourd’hui, le Scrutin ayant déjà procuré l’admission d’un certain nombre de candidats, on plaçait leurs noms dans les diptyques de l’autel, ainsi que ceux de leurs parrains et marraines, et on les récitait au Canon de la Messe.

La Station avait lieu et se tient encore dans la Basilique de Saint-Laurent-hors-les-murs. On voulait, en réveillant le souvenir du plus célèbre des Martyrs de Rome, rappeler aux Catéchumènes quels sacrifices la foi dans laquelle ils allaient s’enrôler pourrait exiger d’eux. Ce Dimanche est célèbre, dans l’Église grecque, par la solennelle adoration de la Croix qui précède la semaine appelée Mésonestime, c’est à-dire milieu des jeûnes.

A LA MESSE.

Le Catéchumène admis à la grâce du Baptême, le Pénitent qui espère sa prochaine réconciliation, expriment dans l’Introït l’ardeur de leurs désirs. Ils confessent leur misère avec humilité ; mais ils sont remplis d’espérance en Celui qui bientôt brisera leurs liens.

Au moment de livrer une lutte aussi terrible à l’ennemi des hommes, l’Église, dans la Collecte, demande d’être assistée du secours de la droite de Dieu.

ÉPÎTRE.

L’Apôtre, s’adressant aux fidèles d’Éphèse, leur rappelle qu’ils étaient autrefois ténèbres, et qu’ils sont devenus lumière dans le Seigneur. Quelle joie pour nos Catéchumènes d’apprendre que le même sort leur est réservé ! Jusqu’à présent, ils ont vécu dans la dépravation païenne, et maintenant ils possèdent les arrhes de la sainteté par leur admission au Baptême. Asservis naguère à ces faux dieux dont le culte était l’aliment du vice, ils entendent aujourd’hui l’Église exhorter ses enfants à imiter la sainteté du Dieu des chrétiens ; et la grâce qui les rendra capables d’aspirer à reproduire en eux les perfections divines est sur le point de leur être communiquée. Mais il leur faudra combattre pour se maintenir à cette élévation ; et deux ennemis surtout chercheront à se relever : l’impureté et l’avarice. Le premier de ces vices, l’Apôtre ne veut même pas qu’il soit nommé désormais ; le second, il le flétrit en le comparant au culte des idoles, auquel les élus vont renoncer. Tels sont les enseignements que l’Église prodigue à ses futurs enfants ; mais nous qui avons été sanctifiés dès notre entrée en ce monde, sommes-nous demeurés fidèles à notre Baptême ? Nous avons été lumière ; pourquoi sommes-nous ténèbres aujourd’hui ? Que sont devenus les traits de la ressemblance divine qui avait été imprimée en nous ? Hâtons-nous de les faire revivre, en renonçant à Satan et à ses idoles ; et faisons en sorte que la pénitence nous rétablisse dans cet état de lumière dont le fruit consiste en toute sorte de bonté, de justice et de vérité.

Le Graduel exprime les sentiments de l’âme environnée d’ennemis et implorant le secours du Seigneur qui s’apprête à les renverser.

Le Trait est formé du Psaume CXXIIe, cantique de confiance et d’humilité. L’aveu sincère de notre misère fait toujours descendre sur nous la miséricorde de Dieu.

ÉVANGILE.

Le démon dont Jésus délivra le possédé de notre Évangile rendait cet homme muet ; et la sortie de l’esprit de ténèbres affranchit la langue du malheureux qu’il tyrannisait. Ce fait nous donne une image du pécheur captif de son redoutable vainqueur, et réduit par lui au mutisme. Si ce pécheur parlait pour confesser ses fautes, pour demander grâce, il serait délivré. Que de démons muets, répandus de toutes parts, empêchent les hommes de faire cet aveu salutaire qui les sauverait ! Cependant, la sainte Quarantaine avance dans son cours, les jours de grâce s’écoulent ; profitons du temps favorable ; et si nous sommes dans l’amitié de Dieu, prions instamment pour les pécheurs, afin qu’ils parlent, qu’ils s’accusent et qu’ils soient pardonnes.

Écoutons aussi dans une religieuse terreur ce que nous apprend le Sauveur sur nos ennemis invisibles. Avec leur puissance, leur adresse, leurs moyens de nuire, qui pourrait subsister devant eux, si Dieu ne nous soutenait pas, s’il n’avait pas député ses Anges pour veiller sur nous et pour combattre avec nous ? Par le péché cependant, nous nous étions livrés à ces impurs et odieux esprits ; nous avions préféré leur empire tyrannique au joug si suave et si léger de notre compatissant Rédempteur. Maintenant nous sommes affranchis, ou nous allons bientôt l’être ; remercions notre libérateur ; mais prenons garde de ne plus retomber au pouvoir de ces hôtes infernaux. Le Sauveur nous avertit du péril qui nous menace. Ils reviendront, ils essaieront de forcer la demeure de notre âme sanctifiée par l’Agneau de la Pâque. Si nous sommes vigilants, si nous sommes fidèles, ils se retireront pleins de confusion ; mais si nous étions tièdes et lâches, si nous perdions de vue le prix de la grâce et les obligations qui nous enchaînent à celui qui nous a sauvés, notre perte serait certaine ; et, selon la terrible parole de Jésus-Christ, « le second état deviendrait pire que le premier ».

Voulons-nous éviter un si grand malheur ? Méditons cette autre parole du Sauveur dans notre Évangile : « Qui n’est pas avec moi est contre moi ». Ce qui fait que l’on retombe dans les liens du démon, que l’on oublie tout ce que l’on doit au divin libérateur, c’est qu’on ne prend pas franchement parti pour Jésus-Christ en présence des occasions où le devoir exige que le chrétien se prononce avec fermeté. On ménage, on dissimule, on temporise : cependant l’énergie de l’âme s’affaiblit ; Dieu ne donne plus qu’avec mesure ses grâces d’abord si abondantes ; et la rechute devient imminente. Marchons donc d’un pas ferme et assuré, et souvenons-nous que le soldat de Jésus-Christ doit toujours se faire honneur de son divin Chef.

L’Offertoire célèbre la douceur des consolations que l’âme enlevée au pouvoir de Satan goûte à suivre les volontés du divin Pasteur.

Dans la Secrète, l’Église exprime la confiance que lui inspire le Sacrifice qui va s’offrir, et dont la vertu purifiante sur le Calvaire a effacé les péchés des hommes.

Empruntant encore les paroles de David, l’Église exprime dans l’Antienne de la Communion le bonheur de l’âme unie à Dieu dans le sacrement d’amour. C’est le sort auquel seront appelés bientôt les heureux Catéchumènes dont l’admission au Baptême vient d’être prononcée ; ce sera aussi celui des Pénitents qui auront lavé dans leurs larmes les souillures de leur vie passée.

L’Église, dans la Postcommunion, supplie le Seigneur, au nom des Mystères auxquels les fidèles ont participé, de vouloir bien absoudre les pécheurs, et les délivrer des périls éternels qu’ils ont eu le malheur d’encourir.

Le Bréviaire Mozarabe nous fournit cette belle prière, au commencement de la troisième semaine de Carême.

CAPITULA.

Brev. Gothicum. In Dominica III Quadragesimae.

Déjà quatorze jours sur cette carrière qui forme la dîme de l’année, sont écoulés ; nous levons nos yeux vers vous, Seigneur, qui habitez les cieux. Répandez votre miséricorde sur les misérables : appliquez le remède aux blessés ; rendez-nous sereine cette voie où nous sommes entrés ; dirigez notre cœur dans le sentier de vos préceptes. Faites-nous trouver le chemin de la lumière. Éclairez-nous et embrasez-nous de votre amour. Donnez le repos après le travail, l’habitation tranquille après les fatigues, afin que, nous étant rendus agréables à vos yeux par l’observance de ces saints jours, nous méritions d’être participants de votre gloire.

Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

Station à Saint-Laurent.

La basilique de Saint-Laurent doit ses premières origines à Constantin, mais, comme elle était trop petite, Pelage II lui ajouta une grande salle supérieure qui fut dédiée à la sainte Vierge. Ce fut la raison qui amena Léon IV à y établir la station le jour octave de l’Assomption. A ce caractère marial de l’édifice, fait aujourd’hui allusion la lecture évangélique, avec l’éloge de la Mère de Dieu, qui donna bien, de son propre sang, l’humanité au Christ du Seigneur, mais qui se nourrit spirituellement à son tour de sa parole et en vécut. Les autres parties de la messe se rapportent au martyr titulaire de la basilique Tiburtine.

L’introït est emprunté au psaume 24 : « Mes yeux sont tournés vers le Seigneur, car c’est lui qui dégage mes pieds des lacets, alors que je suis pauvre, seul et sans aide. » Voici Laurent, le staurophore de l’Église romaine, qui, environné d’ennemis, et placé sur le gril embrasé, supplie, obtient et triomphe.

La collecte a un caractère général. On y implore un regard de Dieu, afin que, voyant notre misère, il étende son bras pour nous défendre.

Selon les actes de saint Laurent, tandis que l’intrépide lévite était enveloppé de la lumière rouge du bûcher, une autre lumière supérieure éclairait son âme. C’est pourquoi, après qu’il eut accompli de grands travaux de transformation dans la primitive basilique du martyr (au niveau du cimetière de Cyriaque), baignée désormais de la lumière qui émanait de la salle supérieure contiguë, Pelage III s’inspira de cette pensée pour composer un gracieux distique qu’on lit encore aujourd’hui autour de la mosaïque du grand arc triomphal.

Martyrium olim flammis Levita subisti
Iure tuis templis lux beneranda redit.

C’est à dessein qu’aujourd’hui, dans la lecture de saint Paul aux Éphésiens (V, 1-9), il est parlé de la lumière et de ses fruits, qui nous sont d’abord décrits sous leur aspect négatif, comme s’abstenir des instincts sensuels, des paroles inconvenantes, du culte de l’argent ; puis, sous leur aspect positif, in omni bonitate, iustitia et veritate.

La bonté et la justice sont pour la volonté, et la vérité pour l’intelligence. Les deux premières vertus se complètent, afin que l’une sans l’autre n’excède pas ; la vérité resplendit aux yeux de l’âme, afin que le jugement qui précède l’action soit conforme au bon plaisir divin. C’est justement dans cette conformité que consiste la vérité.

Le répons est tiré du psaume 9, et invoque l’aide de Dieu pour que, malgré l’apparent moment de triomphe remporté par le tyran sur le martyr, la victoire finale soit à Dieu. Bien plus, Laurent prédit déjà la gloire de ce jour, et voit les ennemis qui reculent, perdent toute force et disparaissent quand Dieu se montre. Dans son Peri-Stephanon, Prudence a admirablement exprimé ces sentiments de saint Laurent sur son gril, quand il lui fait apercevoir, en une vision lointaine, Constantin accordant la paix à l’Église, et édifiant aux martyrs de la foi des basiliques somptueuses.

Le trait, conclusion primitive de la seconde lecture qui précédait l’évangile, est le chant 122 du psautier de David. On y décrit les sentiments de l’âme qui, étreinte de toutes parts par les tribulations d’ici-bas, lève ses regards vers le ciel ; et, comme l’esclave et la servante sont attentifs au moindre signe des maîtres, ainsi ne perd-elle jamais de vue le Seigneur.

Le passage évangélique de ce jour (Luc., XI, 14-28) ne pouvait être plus approprié à la circonstance. Avant la venue de Jésus, le démon opprimait cruellement le monde, et ses citadelles étaient l’idolâtrie et la sensualité. Le Messie est arrivé, et il a affranchi l’humanité de ce joug honteux, au moyen de la Rédemption par la Croix. La maison, ou l’atrium symbolique, dont parle aujourd’hui l’Évangile, fait allusion au monde, et en particulier à Rome païenne, qui était la ville forte du royaume de Satan, et dont le Seigneur triompha au moyen de ses martyrs. Dès l’antiquité, saint Laurent fut salué comme le porte-étendard de cette phalange — et c’est aussi comme tel qu’il est représenté sur les anciennes mosaïques, avec la croix en main ; mourant, il salua déjà le monogramme du Christ reproduit ad Saxa rubra sur le labarum triomphal, et prédit la conversion du premier César chrétien.

Une femme du peuple prend prétexte des paroles de Jésus pour louer sa Mère bénie ; Jésus ne le lui défend point, mais, de préférence au privilège tout gratuit d’avoir été la Mère de Dieu selon la chair, privilège sur lequel il n’était pas opportun que ce peuple charnel insistât trop, il relève le mérite et la grandeur d’une âme qui accueille spirituellement et garde dans son cœur le Verbe divin.

L’antienne de l’offertoire chante avec le psalmiste (ps. 18) les louanges de ce Verbe divin, règle éternelle de sainteté qui réjouit les cœurs et ne les opprime pas, puisque la grâce plie aussi la volonté à obéir, tout en la laissant libre pour agir. La parole de Dieu est douce comme le miel parfumé qui coule du rayon.

La secrète est celle du IIIe dimanche après l’Épiphanie.

L’antienne durant la communion est empruntée au psaume 83 : « Le passereau se trouve une maison, et la tourterelle un nid pour ses petits. Ma demeure est près de vos autels, ô mon Dieu. Bienheureux ceux qui habitent dans votre maison et vous louent sans cesse. » Ce sont là en particulier, les sentiments d’une âme religieuse qui habite sous le même toit que Jésus au saint Sacrement, et qui, nuit et jour, rivalise, par les cantiques de la sainte liturgie, avec les séraphins du ciel, pour louer la majesté de Dieu.

Voici la petite collecte d’action de grâces : « Seigneur, faites que ceux que vous avez rendus participants d’un si grand Mystère, soient aussi absous par vous de toute faute. » En effet, selon l’enseignement du concile de Trente, la sainte Communion n’est pas seulement l’antidote contre la rechute dans le péché, mais le bain salutaire, le bain de feu, où l’âme se purifie des taches contractées dans les faiblesses de chaque jour.

L’Église célèbre ses solennelles stations dans les sanctuaires des martyrs, pour affirmer que nous sommes les héritiers de leur patrimoine spirituel. Leur sang a cimenté l’édifice chrétien primitif, et nous maintenant, fils des martyrs, nous leur succédons dans la profession d’une foi identique.

Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique

LA TROISIÈME SEMAINE DE CARÊME

Nous entrons dans la seconde partie du Carême. Après les jours de préparation, pendant lesquels l’Église nous a expliqué les exercices de Carême et leur esprit, nous sommes entrés à l’école de combat du Christ. Mais il s’agissait de la défensive, nous devions nous défendre contre les attaques du prince de ce monde. Avec les armes de l’abstinence, nous devions nous frayer un chemin jusqu’à la montagne de la Transfiguration. Pendant les deux semaines, le thème de la Passion a traversé ces textes liturgiques. Pendant la première semaine, c’était en figure : le Christ, Moïse et Elie s’avancent vers la Transfiguration par quarante jours de jeûne (c’était la figure de la Passion et de la Résurrection du Seigneur). Maintenant, commence la seconde partie du Carême. Le Christ passe de la défensive à l’offensive. A ce sujet, l’Évangile du « fort » qui est vaincu par le « plus fort » est typique. La liturgie s’occupe désormais davantage des catéchumènes. Les trois messes antiques de cette semaine (lundi, mercredi et vendredi) sont principalement consacrées aux catéchumènes. Le Christ combat en eux. Les autres messes (mardi, jeudi et samedi) ont beaucoup de ressemblance, dans leur forme et leur contenu, avec celles de la seconde semaine. Si nous voulons caractériser l’image du Christ pendant la semaine qui va commencer, nous pouvons dire brièvement : le médecin et le Sauveur de notre âme est devant nous. C’est ce que nous voyons surtout le lundi (le médecin d’Israël), le jeudi (les saints médecins, Cosme et Damien) le vendredi et le samedi (Jésus et les pécheurs).

Pensées principales de la semaine qui commence. — Dimanche : les catéchumènes sont les « illuminés » ; le Christ triomphe, en eux, du diable. — Lundi : le lépreux, Naaman le Syrien, est une belle image des catéchumènes ; par contraste, les Juifs veulent tuer le Seigneur. — Mercredi : les catéchumènes reçoivent la Loi (les commandements). — Vendredi : Deux symboles du baptême : Moïse fait jaillir de l’eau en frappant le rocher, le Christ promet à la Samaritaine de l’eau vive. — Mardi : la messe est copiée sur la messe de mardi dernier : le Christ docteur. — Jeudi : messe du « guérisseur » en l’honneur des saints médecins, Cosme et Damien. — Samedi : messe des pénitents ; une double image : Suzanne innocente et la femme adultère repentante.

TROISIÈME DIMANCHE DE CARÊME

STATION A SAINT LAURENT

Le fort est vaincu par le plus fort.

Le dimanche présente une construction dont l’unité est visible : le Christ veut faire de nous des hommes de lumière, il triomphe du diable en nous, dans le Baptême et dans l’Eucharistie. Assurément la messe se rapporte, d’une manière plus directe, aux catéchumènes, mais on peut aussi en appliquer les textes, dans tout leur sens, aux fidèles.

1. Dans l’antiquité. — Transportons-nous à Rome dans le passé, environ 1500 ans en arrière. Nous voyons une procession traverser la ville sainte. Devant, marchent les catéchumènes et les pénitents en vêtements de poils de chèvre ; puis, viennent les fidèles, suivis du clergé qui entoure le Pape. Ils se rendent dans la célèbre basilique de Saint-Laurent hors les murs. Ce héros parmi les martyrs doit être un modèle dans le combat contre le démon, le « fort » qu’il faut vaincre. Tous sont rassemblés autour du tombeau de saint Laurent. Avec quel ardent désir ont-ils dû entrer aujourd’hui dans la maison de Dieu ! Les regards dirigés vers le sanctuaire (l’autel est le Christ), ils se sentent à l’abri des « filets » du Mauvais (Intr., le psaume 24, le fervent psaume d’Avent).

L’Église maternelle soutient les « demandes de ceux qui supplient humblement » et prie pour leur défense (Oraison).

Maintenant, notre Mère l’Église élève sa voix. Il y a là des hommes avancés en âge, qui, au prix de grands efforts, sont arrivés à la foi ; de tendres jeunes filles, qui, pour l’amour du Christ, ont refusé un riche mariage ; des jeunes gens déshérités par leurs parents, parce qu’ils se sont faits chrétiens. Tous, ils ont supporté des combats intérieurs et extérieurs ; cependant, la victoire n’est pas encore remportée. Aujourd’hui doit se livrer la bataille décisive : il faut que le Christ règne comme « Roi et Dieu ». Et l’Église prend la parole ; elle songe d’abord au passé : « Quel était votre idéal ? » Hélas ! Vous n’aviez de goût que pour l’avarice, la Passion, la jouissance. Vous étiez dans de profondes ténèbres. Mais voici que s’est levé au-dessus de vous un autre idéal : le Christ, le divin Soleil. Il s’est accompli en vous un grand changement, vous êtes passés de la nuit à la clarté du jour. Il faudra désormais marcher comme des enfants de lumière, comme des étoiles. Soyez donc des hommes de lumière, des étoiles dans un ciel obscur — c’est désormais votre vocation.

L’Église continue par la voix du diacre : Le « fort », le prince de ce monde, était jusqu’ici votre roi. Tant que vous lui étiez soumis, il restait tranquille. Maintenant que vous l’avez détrôné, il fait du bruit et soulève une tempête : vos proches, votre entourage, l’enfer, tout se déchaîne contre vous. Il faut que le nouveau Maître, le « plus fort », occupe le trône de votre âme. La victoire du Christ doit se réaliser en vous. Puis, encore, un grave avertissement : De grands sacrifices vous attendent. Il faut renoncer à tout : au monde, à l’honneur, aux biens, aux jouissances. Pourrez-vous persévérer ? Malheur à vous si vous faites défection : « car ceux qui ont été une fois éclairés, qui ont goûté le don céleste, qui ont reçu le Saint-Esprit... et qui pourtant sont tombés, on ne peut plus les renouveler une seconde fois en les amenant à la pénitence » (Hébr. VI, 4).

L’évêque vient de faire entendre sa parole qui a eu de longs échos dans l’âme des « illuminés ». Maintenant on les congédie. Les fidèles restent et célèbrent le Saint-Sacrifice.

Aujourd’hui, au Canon, on prie aussi pour les parrains des futurs baptisés. Mais les fidèles eux-mêmes peuvent s’appliquer les avertissements donnés aux catéchumènes. Eux aussi combattent pour la couronne. N’y a-t-il pas dans leur âme des coins sombres ? Le « fort » est-il vraiment détrôné ? Le Christ règne-t-il complètement dans leur cœur ? Tout danger d’apostasie est-il écarté ? Qu’arriverait-il si le bourreau venait frapper à leur porte ? Cependant, dans tous ces combats, il y a un vainqueur : le Christ en eux, le Christ au Saint-Sacrifice, le Christ qui, par amour pour eux, s’est livré à la mort. C’est pourquoi, à la procession de l’Offrande, ils déposent, sur l’autel de leur volonté, les commandements de Dieu qu’ils promettent de « garder ». Dans le sacrifice, le Christ met sur eux le sceau de sa victoire, il en fait des hommes de lumière. Il va rentrer dans son royaume ; il est le Roi de leurs cœurs, il est « leur Roi et leur Seigneur » (Comm.). Ainsi la messe les a conduits à travers le combat de Carême jusqu’à la victoire pascale.

2. Les scrutins. — Aujourd’hui, au point culminant du combat de Carême, les futurs baptisés, et nous avec eux, se rassemblent de nouveau, comme au début du temps de pénitence (Septuagésime), auprès du patron des catéchumènes, du grand combattant, du grand vainqueur, saint Laurent ; c’est là, dans son église, qu’on aimait, par l’exorcisme, chasser les mauvais Esprits. C’est à cette action que se rapportent tous les textes de l’avant-messe. Saint Laurent qui, dans son martyre, a si héroïquement triomphé du diable, va être notre patron et notre protecteur dans la seconde partie du combat de Carême. En ce dimanche, les catéchumènes font un pas de plus vers l’Église : on l’appelle le dimanche des scrutins. C’est à partir d’aujourd’hui qu’on commençait l’examen des candidats au baptême. Les fidèles étaient invités à venir témoigner au sujet de leur conduite. Il y avait sept de ces scrutins qui avaient lieu, d’ordinaire, le mercredi et le samedi. Le plus important était celui du mercredi de la quatrième semaine de Carême.

3. Lecture d’Écriture. — L’Église nous présente aujourd’hui le Patriarche Joseph. Elle nous met ainsi sous les yeux une des figures les plus attachantes de l’Ancien Testament. Il y a un charme tout particulier dans l’histoire de Joseph. Environné d’une atmosphère d’innocence, chéri de son vieux père, orné d’un vêtement d’honneur, il se présente à nous dans toute la beauté de la jeunesse. Mais, de très bonne heure, il goûte, à l’école de la vie, l’amertume et la souffrance. A l’âge de 16 ans, il est vendu par ses frères. A peine a-t-il commencé à retrouver un peu de bonheur dans la maison de son maître, Putiphar, que son héroïque chasteté le fait jeter en prison. Mais, enfin, il s’élève des ténèbres de la prison jusqu’aux plus grands honneurs dans le royaume d’Égypte. L’esclave devient prince et ministre puissant de Pharaon, et le fils que l’on croit mort va être le sauveur de ses frères ennemis. Toute une couronne de vertus orne le front de ce jeune homme. Comme il sait se réconcilier avec ses frères ! Il est indomptable dans l’épreuve et modéré dans le bonheur. On voit, dans toute sa vie, l’action de la divine Providence qui prend, souvent, des voies merveilleuses. Bien souvent, ce qui nous semble un malheur est notre plus grand avantage. Joseph est une figure du Christ souffrant, nous l’avons déjà vu dans la messe de la Passion de vendredi dernier, dont nous pourrions extraire la lecture d’Écriture d’aujourd’hui.

Saint Ambroise nous donne, au bréviaire d’aujourd’hui, de très édifiantes considérations sur le Patriarche Joseph ; nous y voyons aussi quelle estime on avait, dans l’ancienne Église, pour les Patriarches. Il commence ainsi : « La vie des saints est une règle de vie pour les autres. C’est pourquoi nous avons reçu toute une série d’Écritures abondamment traitées, afin que, lorsque la lecture nous fait connaître Abraham, Isaac, Jacob et tous les autres justes (de l’Ancien Testament), nous puissions suivre leurs traces sur le chemin qu’ils nous ont pour ainsi dire ouvert... Aujourd’hui se présente à nous l’histoire du saint Patriarche Joseph ; en lui, ont brillé plusieurs espèces de vertus, mais ce qui brilla d’une clarté particulière, ce fut sa chasteté. Chaque Patriarche peut nous enseigner une vertu différente. Dans Abraham, nous admirons la foi active ; dans Isaac, la pureté d’un esprit sincère ; dans Jacob, la patience et la force dans la souffrance. Le saint Patriarche Joseph peut nous être proposé comme un miroir de chasteté. Dans ses mœurs, dans ses actions, brillent la pudeur et comme un éclat d’amabilité qui accompagne la pudeur. C’est pourquoi ses parents l’aimaient plus que leurs autres enfants. Mais cela détermina l’envie des autres ; Néanmoins, il exerça, d’une manière héroïque, l’amour des ennemis envers ses frères. Ce qui le rend admirable, c’est qu’il exerça cet amour des ennemis avant l’Évangile. » Telles sont les considérations de saint Ambroise. Nous devrons, pendant toute cette semaine, consacrer nos pensées et nos sentiments au Patriarche Joseph. C’est ce que nous enseigne l’Église qui, dans les Matines, consacre treize répons à Joseph. Dans ces répons, nous voyons passer devant nos yeux toute la vie, si riche en événements, de ce Patriarche.

4. Office des Heures. Le bréviaire s’occupe, nuit et jour, de l’Évangile. Le docteur de l’Église, saint Bède le Vénérable, donne, dans les leçons du troisième nocturne, une explication de cet Évangile : « Trois miracles furent accomplis dans le possédé guéri : le muet parle, l’aveugle voit, le possédé est délivré du démon. Ces trois miracles se renouvellent tous les jours dans la conversion des fidèles ; d’abord, le démon est chassé ; puis, ils voient la lumière de la foi et ouvrent la bouche pour louer Dieu. » (Dans ces paroles, saint Bède explique le sens liturgique profond de la péricope). La liturgie désire qu’à toutes les Heures du jour nous nous occupions d’une pensée de l’Évangile. Aux Laudes, alors que le voile d’une demi-obscurité est encore répandu sur la nature, que le monde est encore « assis à l’ombre de la mort », l’Église chante que le « fort » (le diable) possède encore tranquillement ce qu’il a. Mais au Benedictus, elle annonce déjà qu’avec le « lever du soleil sur les hauteurs », sa domination va prendre fin. « Quand le fort garde sa cour, en armes, il possède tout ce qu’il a, en paix. » A Prime, nous chantons le miracle accompli sur le possédé ; à Tierce, l’Heure du Saint-Esprit, nous chantons la parole du Seigneur : « Si c’est par le doigt de Dieu que je chasse les démons, le royaume de Dieu est véritablement arrivé. » Les Pères entendent volontiers par le doigt de Dieu le Saint-Esprit (c’est pourquoi on chante dans l’hymne du Saint-Esprit : digitus paternae dexterae). A Sexte, nous méditons sur une parole du Christ : « Celui qui ne ramasse pas avec moi dissipe ; celui qui n’est pas avec moi est contre moi. » A None, à l’heure où le jour s’incline, nous chantons le déplorable retour du diable. Quand, à Vêpres, nous chantons le Magnificat, le cantique d’action de grâces de la Mère de Dieu, nous ajoutons comme antienne la louange de cette femme à la Bienheureuse Vierge « qui a porté le Christ et l’a allaité ». Mais, en même temps, nous entendons de la bouche du Seigneur comment nous pouvons participer à cette béatitude : « Heureux ceux qui entendent la parole de Dieu et la gardent ! »

[1] Gen 37,18

[2] Gen 37, 4

[3] Gen 37, 26

[4] Gen 37, 28

[5] 37, 33

[6] Ps 7, 5

[7] Ps 80, 6

[8] Ps 104, 18

[9] Gen 40, 14

[10] Mais quelques-uns d’entre eux dirent : « C’est par Béelzébub, prince des démons, qu’il chasse les démons. » Et d’autres, pour le tenter, lui demandaient un signe qui vînt du Ciel. Mais lui, ayant vu leurs pensées, leur dit : « Tout royaume divisé contre lui-même sera dévasté, et la maison tombera sur la maison. Si donc Satan est aussi divisé contre lui-même, comment son règne subsistera-t-il ? Car vous dites que c’est par Béelzébub que je chasse les démons. Or si c’est par Béelzébub que je chasse les démons, par qui vos fils les chassent-ils ? C’est pourquoi ils seront eux-mêmes vos juges. Mais si c’est par le doigt de Dieu que je chasse les démons, assurément le royaume de Dieu est arrivé jusqu’à vous. Lorsque l’homme fort, armé, garde sa maison, ce qu’il possède est en paix. Mais si un plus fort que lui survient et triomphe de lui, il emportera toutes ses armes, dans lesquelles il se confiait, et il distribuera ses dépouilles. Celui qui n’est point avec moi est contre moi, et celui qui ne recueille pas avec moi dissipe. Lorsque l’esprit impur est sorti d’un homme, il va par des lieux arides, cherchant du repos ; et n’en trouvant pas, il dit : Je retournerai dans ma maison, d’où je suis sorti. Et quand il arrive, il la trouve balayée et ornée. Alors il s’en va, et prend avec lui sept autres esprits, plus méchants que lui, et, entrant dans cette maison, ils y habitent. Et le dernier état de cet homme devient pire que le premier. » Or il arriva, tandis qu’il disait ces choses, qu’une femme, élevant la voix du milieu de la foule, lui dit : « Heureux le sein qui vous a porté, et les mamelles qui vous ont allaité. » Mais il dit : « Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la gardent. »

[11] Gen 42, 21

[12] Luc 11, 6

[13] Gen 42, 22

[14] Psalm. XI, 2.

[15] Johan. VIII, 44.

[16] Tob. VIII, 3.