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Samedi après les Cendres

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1960.


Sommaire

  Textes de la Messe  
  Office  
  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum  
  Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique  

Sauf le Trait, les chants de ce samedi sont identiques à ceux du vendredi après les cendres. En effet, autrefois cette seconde partie de la semaine de la Quinquagésime ne faisait pas encore partie du Carême : on ne s’y réunissait que le mercredi et le vendredi.

Textes de la Messe

Sabbato Post Cineres
Samedi après les Cendres
III Classis
3 ème Classe
Statio ad S. Tryphonem
Station à St Tryphon
Ant. ad Introitum. Ps. 29, 11.Introït
Audívit Dóminus, et misértus est mihi : Dóminus factus est adiútor meus.Le Seigneur a entendu et il a eu pitié de moi ; le Seigneur s’est fait mon protecteur.
Ps. ibid., 2.
Exaltábo te, Dómine, quóniam suscepísti me : nec delectásti inimícos meos super me.Je vous exalterai, Seigneur, parce que vous m’avez relevé et que vous n’avez pas réjoui mes ennemis à mon sujet.
V/.Glória Patri.
Oratio.Collecte
Adésto, Dómine, supplicatiónibus nostris : et concéde ; ut hoc sollémne ieiúnium, quod animábus corporibúsque curándis salúbriter institútum est, devóto servítio celebrémus. Per Dóminum.Ecoutez favorablement, Seigneur, nos supplications et accordez-nous de célébrer avec soumission et dévotion ce jeûne solennel qui a été salutairement institué pour la guérison de nos âmes et de nos corps.
Léctio Isaíæ Prophétæ.Lecture du Prophète Isaïe.
Is. 58, 9-14.
Hæc dicit Dóminus Deus : Si abstúleris de médio tui caténam, et desíeris exténdere dígitum, et loqui quod non prodest. Cum effúderis esuriénti ánimam tuam, et ánimam afflíctam repléveris, oriétur in ténebris lux tua, et ténebræ tuæ erunt sicut merídies. Et réquiem tibi dabit Dóminus semper, et implébit splendóribus ánimam tuam, et ossa tua liberábit, et eris quasi hortus irríguus, et sicut fons aquárum, cuius non defícient aquæ. Et ædificabúntur in te desérta sæculórum : fundaménta generatiónis et generatiónis suscitábis : et vocáberis ædificátor sépium, avértens sémitas in quiétem. Si avérteris a sábbato pedem tuum, fácere voluntátem tuam in die sancto meo, et vocáveris sábbatum delicátum, et sanctum Dómini gloriósum, et glorificáveris eum, dum non facis vias tuas, et non invénitur volúntas tua, ut loquáris sermónem : tunc delectáberis super Dómino : et sustóllam te super altitúdines terræ, et cibábo te hereditáte Iacob, patris tui. Os enim Dómini locútum est.Ainsi parle le Seigneur Dieu : Si tu bannis du milieu de toi le joug, le geste menaçant, les discours injurieux ; si tu donnes la nourriture à l’affamé, et si tu rassasies l’âme affligée ; Ta lumière se lèvera au sein de l’obscurité, et tes ténèbres brilleront comme le midi. Et le Seigneur te guidera perpétuellement, il rassasiera ton âme dans les lieux arides. Il donnera de la vigueur à tes os ; tu seras comme un jardin bien arrosé, comme une source d’eau vive, qui ne tarit jamais. Tes enfants rebâtiront tes ruines antiques ; tu relèveras des fondements posés aux anciens âges ; on t’appellera le réparateur des brèches, le restaurateur des chemins, pour rendre le pays habitable. Si tu t’abstiens de fouler aux pieds le sabbat, en t’occupant de tes affaires en mon saint jour, et que tu appelles le sabbat les délices, vénérable le saint jour du Seigneur, et que tu l’honores en ne poursuivant point tes voies, en ne te livrant pas à tes affaires et à de vains discours ; Alors tu trouveras tes délices dans le Seigneur, et je te transporterai comme en triomphe sur les hauteurs du pays, et je te ferai jouir de l’héritage de Jacob, ton père ; car la bouche de Seigneur a parlé.
Graduale. Ps. 26, 4.Graduel
Unam pétii a Dómino, hanc requíram, ut inhábitem in domo Dómini.Il est une chose que j’ai demandé au Seigneur, et je la rechercherai uniquement : c’est d’habiter dans la maison du Seigneur.
V/. Ut vídeam voluptátem Dómini, et prótegar a templo sancto eius.Pour contempler les délices et être protégé par son saint temple.
+ Sequéntia sancti Evangélii secundum Marcum.Lecture du Saint Evangile selon saint Marc.
Marc. 6, 47-56.
In illo témpore : Cum sero esset, erat navis in médio mari, et Iesus solus in terra. Et videns discípulos suos laborántes in remigándo (erat enim ventus contrárius eis), et circa quartam vigíliam noctis venit ad eos ámbulans supra mare : et volébat præteríre eos. At illi, ut vidérunt eum ambulántem supra mare, putavérunt phantásma esse, et exclamavérunt. Omnes enim vidérunt eum, et conturbáti sunt. Et statim locútus est cum eis, et dixit eis : Confídite, ego sum, nolíte timére. Et ascéndit ad illos in navim, et cessávit ventus. Et plus magis intra se stupébant : non enim intellexérunt de pánibus : erat enim cor eórum obcæcátum. Et cum transfretássent, venérunt in terram Genésareth, et applicuérunt. Cumque egréssi essent de navi, contínuo cognovérunt eum : et percurréntes univérsam regiónem illam, cœpérunt in grabátis eos, qui se male habébant, circumférre ubi audiébant eum esse. Et quocúmque introíbat, in vicos vel in villas aut civitátes, in platéis ponébant infírmos, et deprecabántur eum, ut vel fímbriam vestiménti eius tángerent : et quotquot tangébant eum, salvi fiébant.En ce temps-là, Le soir étant venu, la barque était au milieu de la mer, et Jésus seul à terre. Voyant ses disciples qui avaient beaucoup de peine à avancer, car le vent leur était contraire, vers la quatrième veille de la nuit, il vint vers eux en marchant sur la mer ; et il voulait les devancer. Mais eux, le voyant marcher sur la mer, crurent que c’était un fantôme et poussèrent des cris. Tous en effet le virent et ils furent troublés. Aussitôt il parla avec eux et leur dit : "Prenez confiance, c’est moi, ne craignez point." Et il monta auprès d’eux dans la barque, et le vent tomba. Ils étaient intérieurement au comble de la stupéfaction, car ils n’avaient pas compris pour les pains, et leur cœur était aveuglé. Ayant traversé, ils abordèrent à Génésareth et accostèrent. Quand ils furent sortis de la barque, (des gens) l’ayant aussitôt reconnu, parcoururent toute cette contrée, et l’on se mit à apporter les malades sur les grabats, partout où l’on apprenait qu’il était. Et partout où il entrait, bourgs, ou villes, ou fermes, on mettait les malades sur les places, et on le priait de leur laisser seulement toucher la houppe de son manteau ; et tous ceux qui pouvaient toucher étaient guéris.
Ant. ad Offertorium. Ps. 118, 154 et 125.Offertoire
Dómine, vivífica me secúndum elóquium tuum : ut sciam testimónia tua.Seigneur, rendez-moi la vie selon votre parole, afin que je connaisse vos témoignages.
Secreta.Secrète
Súscipe, Dómine, sacrifícium, cuius te voluísti dignánter immolatióne placári : præsta, quǽsumus ; ut, huius operatióne mundáti, beneplácitum tibi nostræ mentis offerámus afféctum. Per Dóminum.Recevez, Seigneur, ce sacrifice par l’immolation duquel vous avez voulu être dignement apaisé, et accordez-nous, s’il vous plaît, qu’étant purifiés par sa vertu, nous vous offrions en notre âme des sentiments qu vous plaisent.
Præfatio de Quadragesima. Préface du Carême .
Ant. ad Communionem. Ps. 2, 11-12.Communion
Servite Dómino in timóre, et exsultáte ei cum tremóre : apprehéndite disciplínam, ne pereátis de via iusta.Servez le Seigneur avec crainte, et réjouissez-vous en lui avec tremblement. Attachez-vous à la doctrine pour que vous ne périssiez pas hors de la voie droite.
Postcommunio.Postcommunion
Cæléstis vitæ múnere vegetáti, quǽsumus, Dómine : ut, quod est nobis in præsénti vita mystérium, fiat æternitátis auxílium. Per Dóminum nostrum.Nourris d’un don qui est le principe d’une vie céleste, nous vous demandons instamment, Seigneur, que ce qui est pour nous un mystère dans la vie présente, nous devienne un secours pour parvenir à celle de l’éternité.
Super populum : Orémus. Humiliáte cápita vestra Deo.Prions. Humiliez vos têtes devant Dieu.
Oratio.
Fidéles tui, Deus, per tua dona firméntur : ut éadem et percipiéndo requírant, et quæréndo sine fine percípiant. Per Dóminum.Que vos fidèles, ô Dieu, soient affermis par vos dons, afin qu’en les recevant, ils les recherchent encore, et qu’en les recherchant toujours plus, ils les reçoivent sans fin.

Office

Lectio i1ère leçon
Léctio sancti Evangélii secundum Marcum.Lecture du saint Évangile selon saint Marc
Cap. 6, 47-56
In illo témpore : Cum sero esset, erat navis in médio mari, et Iesus solus in terra. Et réliqua.En ce temps-là Lorsqu’il fut soir, la barque se trouvait au milieu de la mer, et Jésus seul à terre. Et le reste.
Homilía sancti Bedæ Venerábilis PresbýteriHomélie de saint Bédé le vénérable, Prêtre
Liber 2 cap. 28 in cap. 6 Marci tom. 4
Labor discipulórum in remigándo, et contrárius eis ventus, labóres sanctæ Ecclésiæ vários desígnat : quæ inter undas sǽculi adversántis, et immundórum flatus spirítuum, ad quiétem pátriæ cæléstis, quasi ad fidam líttoris statiónem, perveníre conátur. Ubi bene dícitur, quia navis erat in médio mari, et ipse solus in terra : quia nonnúmquam Ecclésia tantis Gentílium pressúris non solum afflícta, sed et fœdáta est, ut, si fíeri posset, Redémptor ipsíus eam prorsus deseruísse ad tempus viderétur.Le labeur des disciples qui ramaient, et le vent qui leur était contraire signifient les divers labeurs de la sainte Église qui, parmi les flots d’un monde hostile et le souffle d’esprits impurs, s’efforce de parvenir au repos de la patrie céleste comme à l’ancrage sûr du rivage. Il est donc bien de dire que la barque était au milieu de la mer alors que lui se trouvait seul, à terre ; car maintes fois l’Église a été non seulement affligée mais aussi souillée par tant d’attaques des païens qu’elle semblerait complètement abandonnée pour un temps par son Rédempteur lui-même, si c’était possible.
R/. Veni hódie ad fontem aquæ, et orávi Dóminum, dicens : * Dómine, Deus Abraham, tu prósperum fecísti desidérium meum.R/. Je suis venu aujourd’hui près de la source d’eau, et j’ai prié le Seigneur en disant : * Seigneur, Dieu d’Abraham, vous avez accompli mon désir.
V/. Igitur puélla, cui dixero, Da mihi aquam de hýdria tua, ut bibam : et illa díxerit, Bibe, dómine, et camélis tuis potum tríbuam : ipsa est, quam præparávit Dóminus fílio dómini mei.V/. La jeune fille donc à qui je dirai : Donne-moi de l’eau de ta cruche, pour que je boive, et qui me dira : Buvez, seigneur, et je puiserai de l’eau pour vos chameaux ; c’est celle-là que le Seigneur a préparée au fils de mon maître.
R/. Dómine, Deus Abraham, tu prósperum fecísti desidérium meum.R/. Seigneur, Dieu d’Abraham, vous avez accompli mon désir.
Lectio ii2e leçon
Unde est illa vox eius inter undas procéllasque tentatiónum irruéntium deprehénsæ, atque auxílium protectiónis illíus gemebúndo clamóre quæréntis : Ut quid, Dómine, recessísti longe, déspicis in opportunitátibus, in tribulatióne ? Quæ páriter vocem inimíci persequéntibus exponit, in sequéntibus Psalmi subíciens : Dixit enim in corde suo : Oblítus est Deus, avértit fáciem suam, ne vídeat usque in finem.C’est pourquoi la voix de celle qui est prise parmi les flots et les rafales des tentations houleuses, cherche secours et protection par ce cri angoissé : « Pourquoi Seigneur, restes-tu loin, te caches-tu aux temps de détresse ? » De même, elle rapporte le propos de l’ennemi harcelant, lorsqu’elle enchaîne la suite du psaume : « Il dit en son cœur : Dieu oublie, il se couvre la face pour ne pas voir jusqu’à la fin. »
R/. Factus est sermo Dómini ad Abram, dicens : * Noli timére, Abram : ego protéctor tuus sum, et merces tua magna nimis.R/. La parole du Seigneur se fit entendre à Abram, disant : * Ne crains pas, Abram, je suis ton protecteur et ta récompense grande à l’infini.
V/. Ego enim sum Dóminus Deus tuus, qui edúxi te de Ur Chaldæórum.V/. Je suis le Seigneur ton Dieu qui t’ai fait sortir d’Ur des Chaldéens.
R/. Noli timére, Abram : ego protéctor tuus sum, et merces tua magna nimis.R/. Ne crains pas, Abram, je suis ton protecteur et ta récompense grande à l’infini.
Lectio iii3e leçon
Verum ille non oblivíscitur oratiónem páuperum, neque avértit fáciem suam a sperántibus in se : quin pótius et certántes cum hostibus, ut vincant, ádiuvat, et victóres in ætérnum corónat. Unde hic quoque aperte dícitur, quia vidit eos laborántes in remigándo. Videt quippe Dóminus laborántes in mari, quamvis ipse pósitus in terra : quia etsi ad horam différre videátur auxílium tribulátis impéndere, nihilóminus eos, ne in tribulatiónibus defíciant, suæ respéctu pietátis corróborat : et aliquándo étiam manifésto adiutório, victis adversitátibus, quasi calcátis sedatísque flúctuum volumínibus líberat.Mais Dieu n’oublie pas le cri des malheureux ; il ne cache pas sa face à ceux qui espèrent en lui. Bien plus, il aide ceux qui sont aux prises avec l’ennemi pour qu’ils triomphent ; et les vainqueurs, il les couronne pour l’éternité. Aussi est-il dit bien à propos ici : « Il les voyait qui ramaient avec peine. » Oui, le Seigneur voit les siens peinant en mer, alors que lui cependant se trouve à terre. Car, même s’il semble différer un moment de venir en aide aux éprouvés, il les fortifie néanmoins par un regard de sa bonté de peur qu’ils ne défaillent dans les épreuves. Et parfois aussi, par un secours manifeste, il délivre des adversités qu’il dompte comme s’il marchait sur les tourbillons des vagues et les apaisait.
R/. Movens Abram tabernáculum suum, venit et habitávit iuxta convállem Mambre : * Ædificavítque ibi altáre Dómino.R/. Levant sa tente, Abram vint et habita près de la vallée de Mambré, * Et il bâtit là un autel au Seigneur.
V/. Dixit autem Dóminus ad eum : Leva óculos tuos, et vide : omnem terram, quam cónspicis tibi dabo, et sémini tuo in sempitérnum.V/. Or le Seigneur lui dit : Lève les yeux et vois ; tout le pays que tu aperçois, je te le donnerai, à toi et à ta postérité pour toujours.
* Ædificavítque ibi altáre Dómino. Glória Patri. * Ædificavítque ibi altáre Dómino.* Et il bâtit là un autel au Seigneur. Gloire au Père. * Et il bâtit là un autel au Seigneur.

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

La Station de ce jour est, selon qu’il est marqué au Missel, dans l’Église de Saint-Tryphon, Martyr ; mais cette Église ayant été détruite, il y a plusieurs siècles, la Station a lieu présentement dans celle de Saint-Augustin, bâtie tout près de remplacement où fut l’Église de Saint-Tryphon.

Le Samedi est un jour plein de mystères : c’est le jour du repos de Dieu ; c’est le symbole de la paix éternelle que nous goûterons au ciel après les labeurs de cette vie. L’Église aujourd’hui, en nous faisant lire ce passage d’Isaïe, veut nous apprendre à quelles conditions il nous sera donné de prendre part au Sabbat de l’éternité. Nous sommes à peine entrés dans la carrière de la pénitence que cette Mère tendre vient à nous, pleine de paroles consolatrices. Si nous remplissons de bonnes œuvres cette sainte Quarantaine durant laquelle sont suspendues les préoccupations du monde, la lumière de la grâce se lèvera du milieu même des ténèbres de notre âme. Cette âme trop longtemps obscurcie par le péché et par l’amour du monde et de nous-mêmes, deviendra éclatante comme les splendeurs du midi, la gloire du Christ ressuscité sera la nôtre ; et si nous sommes fidèles, la Pâque du temps nous introduira à la Pâque de l’éternité. Édifions donc ce qui en nous était désert, relevons les fondements, réparons les brèches ; retenons notre pied pour ne pas violer les saintes observances ; ne suivons plus nos voies, ne recherchons plus nos volontés, contrairement à celles du Seigneur ; et il nous donnera un repos qui n’aura pas de fin, et il remplira notre âme de ses propres splendeurs.

La barque de la sainte Église est lancée sur la mer ; la traversée durera quarante jours. Les disciples du Christ rament à l’encontre du vent, et déjà l’inquiétude s’empare d’eux ; ils craignent de ne pas arriver au port. Mais Jésus vient à eux sur les flots ; il monte avec eux dans la barque ; leur navigation sera désormais heureuse. Les anciens interprètes de la Liturgie nous expliquent ainsi l’intention de l’Église dans le choix de ce passage du saint Évangile pour aujourd’hui. Quarante jours de pénitence sont bien peu de chose pour toute une vie qui n’a pas appartenu à Dieu ; mais quarante jours de pénitence pèseraient à notre lâcheté, si le Sauveur lui-même ne venait les passer avec nous. Rassurons-nous : c’est lui-même. Durant cette période salutaire, il prie avec nous, il jeûne avec nous, il exerce avec nous les œuvres de la miséricorde. N’a-t-il pas inauguré lui-même la Quarantaine des expiations ? Considérons-le, et prenons courage. Si nous sentons encore de la faiblesse, approchons de lui, comme ces malades dont il vient de nous être parlé. Le contact de ses vêtements suffisait à rendre la santé à ceux qui l’avaient perdue ; allons à lui dans son Sacrement, et la vie divine dont le germe est déjà en nous se développera de plus en plus, et l’énergie qui commençait à faiblir en nos cœurs se relèvera toujours croissante.

Terminons cette journée du Samedi par un hommage à Marie, avocate des pécheurs ; et pour exprimer notre confiance envers elle, présentons-lui cette Prose naïve et touchante que l’on trouve dans des Missels allemands du XIVe siècle.

SÉQUENCE.
A vous, ô Vierge sacrée, nous offrirons des prières, sur l’autel de notre cœur.
Nos vœux sont une victime indigne d’être offerte à votre Fils ; il l’agréera présentée par vous.
A celui qui fut immolé pour les péchés, daignez offrir en sacrifice la prière des pécheurs.
Par vous le coupable retourne à Dieu ; par vous Dieu s’est rapproché du coupable ; en vous ils se sont réunis.
Ne repoussez pas les pécheurs ; sans eux vous n’eussiez point connu l’honneur d’être la Mère d’un tel Fils.
S’il n’y eût pas eu de pécheurs à racheter, la Mère d’un Rédempteur n’eût point été nécessaire.
Votre séance n’eût pas été près du trône du Père céleste, si vous n’eussiez enfanté un Fils qui partage les honneurs d’un tel Père.
O Vierge, ô Vierge élevée si haut à cause de nous, prenez nos vœux et portez-les devant le souverain Seigneur.
Amen.

Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

Collecte à Saint-Laurent-in-Lucina.
Station à Saint-Tryphon.

Saint-Laurent in Lucina s’élève sur la via Lata, sur le champ de Mars, et doit peut-être son origine à une matrone nommée Lucine, qui tient une grande place dans les actes de saint Marcel pape et de saint Sébastien, et qui, vraisemblablement, dut, au IVe siècle, laisser l’Église héritière de ses grandes richesses. Dans l’ordre hiérarchique, le titre de Lutine est, aujourd’hui encore, le premier des titres presbytéraux, et, dans la vaste basilique consacrée par le pape Célestin III en 1196, l’on conserve une grande partie du gril de fer sur lequel fut brûlé saint Laurent, et beaucoup de reliques d’anciens martyrs.

Le titre de Saint-Tryphon est d’origine médiévale ; il semble avoir été érigé et refait au Xe siècle par les fameux Crescenzi qui y avaient tout auprès leur château fort. Sous l’autel étaient conservés les corps des martyrs Tryphon, Respice et Nymphe, de qui l’on célèbre la commémoration (dies natalis) le 10 novembre. Mais, au temps de Clément VIII, l’édifice étant près de tomber en ruine, reliques et station furent transférées à l’église voisine de Saint-Augustin.

Au temps de saint Grégoire, tout en anticipant de quatre jours le jeûne quadragésimal, la semaine de quinquagésime n’avait, comme nous l’avons dit, que les deux traditionnelles synaxes des IVe et VIe féries ; c’est pourquoi l’antiphonaire ne désigne aujourd’hui aucun chant pour la messe, et l’on répète ceux d’hier.

La collecte est ainsi conçue : « Écoutez, ô Dieu, nos supplications, et faites que nous accomplissions dévotement ce jeûne solennel institué pour purifier les âmes et les corps. »

La lecture d’Isaïe (LVIII, 9-14) est la continuation du chapitre d’hier. Le sujet est le même. Si Israël veut mériter les grâces divines, qu’il brise la chaîne de ses péchés, qu’il s’efforce de pratiquer les œuvres de miséricorde et rende à Dieu non seulement un culte extérieur et rituel, mais intime et spirituel. Le sabbat auquel tient par-dessus tout le Seigneur, c’est que l’homme s’abstienne de pécher et de faire sa volonté propre. L’Église, en ces premiers jours du Carême, s’applique pardessus tout à nous insinuer cette élévation spirituelle de notre pénitence, qui n’a rien de commun avec l’observance pharisaïque, ni avec celle des musulmans.

La lecture évangélique (MARC., VI, 47-56) parle du Sauveur qui, après s’être montré aux apôtres tandis qu’il marchait à pied sec sur les eaux de la mer en furie, retourne avec eux dans les campagnes de Génésareth, où il rend la santé à tous ceux qui se pressaient autour de lui et rivalisaient pour toucher au moins ses vêtements.

Le choix de cette péricope est en relation avec les nombreux miracles que les fidèles obtenaient à la tombe du martyr titulaire de la basilique.

La prière sur les oblations est la suivante : « Accueillez, Seigneur, ce sacrifice, dont l’immolation vous apaise à notre endroit, et faites que, purifiés par sa vertu efficace, nous puissions vous présenter l’offrande qui vous est toujours agréable, de notre cœur. »

La collecte eucharistique, ou d’action de grâces, est ainsi conçue : « Réconfortés par le don céleste, nous vous prions, Seigneur, afin que, ce qui dans la vie présente est pour nous un mystère, soit aussi le moyen qui nous fasse parvenir à l’éternité. »

Le sabbat symbolise la paix de Dieu et le repos de l’âme après les tempêtes de la vie. Beaucoup voudraient arriver à ce sabbat, mais en réalité peu nombreux sont ceux qui y parviennent, parce qu’on ne veut pas se persuader que pour y atteindre, il faut d’abord passer par le vendredi in parasceve. Qui veut reposer avec Jésus dans la tombe de Joseph d’Arimathie doit avant tout monter au Calvaire, mourir sur la croix et, ayant expiré, être décloué et descendu du gibet.

Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique

STATION A SAINT TRYPHON (S. AUGUSTIN)

Récompense et consolations pour le Carême.

1. Récompense et consolations. — Aujourd’hui est une pause dans le travail du Carême. Les trois premiers jours, l’Église nous a décrit, à grands traits, notre tâche : jeûne, aumône, prière. Peut-être sommes-nous un peu découragés en raison du but élevé et de notre faiblesse. L’Église vient à notre secours. Elle nous montre la récompense, mais aussi la force efficace. La leçon (la continuation de celle d’hier) montre aux enfants de Dieu de vastes perspectives : « Ta lumière se lève dans les ténèbres », ton âme est « comme un jardin arrosé, comme une source d’eau dont l’eau ne s’en va pas », « tu es un constructeur du temple de Dieu, tu es élevé au-dessus des profondeurs de la terre et nourri de l’héritage de Jacob. » Que signifie cela ? La lumière en toi est la vie divine ; l’âme ressemble au paradis dans lequel croissent les fleurs des vertus et mûrissent les fruits des bonnes œuvres, où fleurit la vie intérieure. La troisième image est particulièrement profonde : « Tu poses des fondements pour les races à venir », tu travailles à la construction du royaume de Dieu. Chacun de nous est une pierre dans les murs de ce temple, mais mieux encore, chacun est, en même temps, une pierre d’attente sur laquelle s’appuiera une nouvelle construction. Pensons aux saints dont l’exemple continue l’action efficace à travers les siècles. Voulons-nous, nous aussi, être des constructeurs ? Notre travail de Carême peut être utile à un grand nombre. La dernière image nous conduit donc déjà dans le ciel. Nous autres chrétiens, nous sommes invincibles, nous n’avons rien à craindre, pourvu que nous évitions cette seule chose : le péché. Quand les Juifs entrèrent dans la terre promise, ils furent invincibles aussi longtemps qu’ils gardèrent la fidélité envers Dieu. Il en sera de même pour nous.

L’Évangile nous offre une grande consolation. L’image est saisissante. Les Apôtres rament. avec le vent contraire et ne peuvent avancer ; pendant ce temps, le Christ prie sur la montagne ; puis il vient, à la quatrième veille de la nuit, dans la barque ; la traversée devient alors facile jusqu’à la rive du lac. C’est l’image de notre vie. Nous ramons dans la barque de notre vie avec le vent contraire et, apparemment, nous n’avançons pas. Nous nous plaignons : je ne fais pas de progrès. C’est la vérité, l’enfant de Dieu navigue toujours contre le vent. La chair, le monde, Satan unissent leurs forces contre nous. Et cependant là-haut, sur la montagne céleste, quelqu’un prie pour nous : le Christ, notre médiateur auprès du Père. Cette prière du Christ sur la montagne est aussi la prière du Christ mystique, de l’Église. Cela n’est pas encore tout ; à la quatrième veille de la nuit, le Christ vient lui-même dans la barque de notre vie ; à la messe, il est vraiment là, il vient en personne ; avec son secours, tout est facile. Avec son secours, nous accomplirons la difficile traversée du Carême et nous débarquerons heureusement sur la rive de fête de Pâques.

2. La messe (Audivit) ne forme pas, à proprement parler, une unité complète. Les anciens missels n’indiquent pas de messe pour aujourd’hui, parce que la vigile du premier dimanche de Carême était célébrée pendant toute la nuit suivante et que, par suite, il n’y avait pas de messe le matin du samedi. La messe d’aujourd’hui n’a pas de chants propres (ils sont empruntés à la messe d’hier). Les lectures semblent provenir d’une antique messe de vigile (elles traitent de la nuit et de la vigile). De même, l’église de station a changé bien des fois. L’église de Saint-Tryphon, citée dans le missel, n’existe plus depuis le XVIIIe siècle ; son héritage a été recueilli par l’église de Saint-Augustin, qui se trouve dans le voisinage de l’église de station. On y transporta aussi les reliques de saint Tryphon martyr (v. 10 novembre). Dans la chapelle à gauche du chœur, reposent les reliques de sainte Monique, qui y furent amenées d’Ostie. C’est donc un temple vénérable. L’Évangile raconte à la fin que la foule pressait Jésus et qu’on touchait ses vêtements pour être guéri. On rapporte volontiers ce passage aux miracles accomplis par le contact des reliques des saints martyrs.

3. Prière des Heures. — Saint Bède le Vénérable donne une belle explication de notre Évangile : « La peine qu’ont les disciples à ramer et le vent contraire signifient les nombreuses peines de la Sainte Église ; au milieu de la tempête déchaînée, elle fait tous ses efforts pour arriver au repos de la céleste patrie dans un havre sûr. C’est pourquoi il est dit justement que le bateau se trouvait au milieu de la mer, mais qu’il (le Seigneur) était seul sur la terre ; car parfois l’Église est l’objet, de la part des incrédules, de telles tribulations, qui non seulement la saisissent, mais encore la souillent, que, s’il était possible, on pourrait croire que son Sauveur l’a entièrement abandonnée. C’est pourquoi, au milieu des vagues du monde hostile et des tentations de l’enfer qui l’assaillent, elle crie d’une voix suppliante : « Pourquoi, Seigneur, demeures-tu si loin, pourquoi caches-tu ta face dans le temps de détresse ? » (Ps. 9. Ici, l’Église nous indique comment nous devons réciter les psaumes de prières)... Cependant il n’oublie pas la prière des pauvres et ne détourne pas son visage de ceux qui espèrent en lui. Au contraire, il fortifie ceux qui combattent contre l’ennemi et il couronne les vainqueurs éternellement. C’est pourquoi il est écrit qu’il les vit, alors qu’ils faisaient effort avec leurs rames. Oui, le Seigneur voit ceux qui luttent sur la mer, bien qu’il soit lui-même sur le rivage. Quand bien même il semblerait retarder quelque temps son secours, il les fortifie cependant en considération de sa bonté, pour qu’ils ne se découragent pas dans leurs tribulations. »

4. La valeur du jeûne. — Le jeûne est-il véritablement quelque chose de si précieux ? Toutes les fois que je réfléchis à la valeur d’un exercice religieux, je considère la vie terrestre du Sauveur. Il est la norme de notre vie et il a vécu parmi les hommes afin de nous enseigner ce que doit être notre vie intérieure et extérieure. Le Christ a lui-même beaucoup jeûné et, dans son enseignement, il a donné une grande valeur au jeûne. Rappelons seulement son jeûne de quarante jours au début de son ministère public. (Au commencement du Carême, l’Église veut, une fois encore, graver ce souvenir profondément dans notre cœur ; notre jeûne doit donc se faire à l’imitation du Christ et en union avec lui).

Songeons à la réponse mystérieuse, mais significative, du Seigneur. Lorsque les disciples virent qu’ils ne pouvaient guérir l’enfant possédé et en demandèrent la raison : « Pourquoi ne pouvons-nous pas chasser le démon ? « Jésus leur répondit : « Cette espèce ne peut être chassée que par la prière et le jeûne » (Marc IX, 29) Cette parole du Seigneur m’a toujours beaucoup impressionné. La prière et le jeûne sont donc des moyens extraordinaires, disons même des moyens violents, qui réussissent quand les moyens ordinaires échouent, surtout contre l’enfer.

Songeons à une autre parole de Jésus. Quand les disciples de Jean firent au Seigneur ce reproche : « Pourquoi tes disciples ne jeûnent-ils pas ? » il répondit : « Les amis de l’Époux peuvent-ils jeûner tant que l’Époux est parmi eux ? Tant qu’ils ont l’Époux avec eux, ils ne peuvent pas jeûner. Des jours viendront, certes, où l’Époux leur sera enlevé. Alors, dans ces jours, ils jeûneront » (Luc V, 35). Cette parole aussi est très significative. La venue du Christ parmi les hommes était une fête de noces, le jeûne alors n’était pas de saison. Les jours qui suivent le départ de l’Époux, sont, d’après la volonté du Christ, des jours de jeûne. Ainsi donc le jeûne du vendredi, le jeûne de la Semaine Sainte est un jeûne voulu par le Christ.

Citons encore une troisième parole du Christ, qui éclaire le jeûne sous un autre aspect. Le Seigneur caractérise, un jour, le Baptiste et lui-même par ces mots : « Jean est venu, il ne mangeait pas et il ne buvait pas, et on disait : il est possédé. Le Fils de l’Homme vient, il boit et mange, et on dit : voici un viveur et un buveur. » C’est encore là une parole importante. Jean est un homme mortifié, un ascète, qui jeûne toute sa vie. Il n’en est pas de même du Christ ; sa manière de vivre ne vise pas exclusivement aux privations et à la mortification, mais à la jouissance ordonnée de la vie. Nous apprenons donc, encore, du Sauveur que le jeûne n’est qu’une exception et ne doit pas être la règle dans la vie chrétienne.

Pour compléter le tableau, rappelons encore le Sermon sur la Montagne, dans lequel Jésus parle des trois exercices importants de la piété : de la prière, du jeûne et de l’aumône. Il les recommande, mais il nous met en garde contre les déformations pharisaïques.

Si donc nous voulons tirer, des enseignements de Jésus, les points principaux concernant le jeûne, ce sont les suivants :
- 1. Le jeûne est un moyen particulièrement puissant contre les influences de l’enfer (d’où le jeûne du Carême) ;
- 2. Le jeûne doit être pratiqué en mémoire de la mort du Christ (vendredi, Semaine Sainte) ;
- 3. C’est une exception dans la vie chrétienne et non un exercice régulier ;
- 4. Cependant, en tant qu’exercice de piété, il mérite de prendre place à côté de la prière et de l’aumône.

Et maintenant, demandons-nous comment l’ancienne Église a pratiqué le jeûne. J’ai devant les yeux un écrit vénérable du premier siècle du christianisme : la Doctrine des douze Apôtres ou Didaché. Il y est question du jeûne : « Vous jeûnerez le mercredi et le vendredi », à la différence des Juifs qui « jeûnent le lundi et le jeudi ». On lit plus loin : « Avant le baptême, celui qui baptise et celui qui va être baptisé jeûnent, ainsi que quelques autres, s’ils le peuvent ; ordonne à celui qui va être baptisé de jeûner un ou deux jours avant. » Nous apprenons ainsi, d’une manière très précise, que, environ 90 ans après le Christ, le jeûne était pratiqué dans l’Église dans toute son extension. Remarquons que le jeûne n’était pas, comme pour nous, l’abstinence de viande ou un unique repas complet, mais qu’on l’entendait comme une abstinence complète de nourriture.

Je pourrais maintenant citer les Pères de l’Église. Il n’en est pas un seul qui n’ait recommandé fortement le jeûne. Dans le bréviaire, nous lisons, par exemple, un sermon de saint Basile (+379). Il parcourt toute l’histoire sainte et nous montre comment le jeûne a produit de grandes actions, alors que l’intempérance a causé de grands malheurs.

Si nous voulons enfin interroger les textes liturgiques au sujet du jeûne, nous ne pourrons trouver que des éloges. Mais l’éloge le plus beau et le plus concis est celui que contient la Préface du Carême. Ce ne sont que trois phrases, mais des phrases pleines de sens : « Par le jeûne corporel, tu réprimes les vices, tu élèves l’esprit ; tu confères la vertu et les récompenses. » Il y a dans ces paroles toute une philosophie du jeûne.