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Lundi de la 3ème semaine de Carême

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1960.


Sommaire

  Textes de la Messe  
  Office  
  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum  
  Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique  

La Station est à Saint-Marc, ancienne église paroissiale de Rome, construite au IVe siècle, par le Pape S. Marc en l’honneur de l’évangéliste son patron. Les dépouilles de ce Pape s’y trouvent avec les corps des SS. Martyrs Abdon et Sennen sous l’autel. On ne pouvait mieux choisir pour lire le récit du Syrien Naaman que ce sanctuaire au caractère nettement oriental, car S. Marc est le fondateur du siège patriarcal d’Alexandrie et Abdon et Sennen sont Perses. L’épisode de Naaman semble du reste faire allusion aux Égyptiens d’Alexandrie que Saint Marc guérit de la lèpre de l’infidélité par le baptême.

Textes de la Messe

Feria Secunda
Lundi de la 3ème semaine de Carême
III Classis
3 ème Classe
Statio ad S. Marcum
Station à St Marc
Ant. ad Introitum. Ps. 55, 5.Introït
In Deo laudábo verbum, in Dómino laudábo sermónem : in Deo sperábo, non timebo, quid fáciat mihi homo.Je louerai en Dieu la parole qu’il m’a donnée ; je louerai dans le Seigneur sa promesse. J’espérerai en Dieu ; je ne craindrai point ce que l’homme peut me faire.
Ps. ibid., 2.
Miserére mei, Deus, quóniam conculcávit me homo : tota die bellans tribulávit me.Ayez pitié de moi, ô Dieu, car l’homme m’a foulé aux pieds ; tout le jour en me faisant la guerre, il m’a tourmenté.
V/.Glória Patri.
Oratio.Collecte
Córdibus nostris, quǽsumus, Dómine, grátiam tuam benígnus infúnde : ut, sicut ab escis carnálibus abstinémus ; ita sensus quoque nostros a nóxiis retrahámus excéssibus. Per Dóminum.Nous vous supplions, Seigneur, de répandre en toute bonté votre grâce dans nos cœurs, afin que, de même que nous nous abstenons de manger des viandes, nous retirions aussi nos sens de tout excès nuisible. Par Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Léctio libri Regum.Lecture du livre des Rois.
4 Reg. 5, 1-15.
In diébus illis : Náaman, princeps milítiæ regis Sýriæ, erat vir magnus apud dóminum suum, et honorátus : per illum enim dedit Dóminus salútem Sýriæ : erat autem vir fortis et dives, sed leprósus. Porro de Sýria egressi fúerant latrúnculi, et captivam dúxerant de terra Isræl puéllam párvulam, quæ erat in obséquio uxoris Náaman, quæ ait ad dóminam suam : Utinam fuísset dóminus meus ad Prophétam, qui est in Samaría : profécto curásset eum a lepra, quam habet. Ingréssus est itaque Náaman ad dóminum suum, et nuntiávit ei, dicens : Sic et sic locúta est puélla de terra Israël. Dixítque ei rex Sýriæ : Vade, et mittam lítteras ad regem Israël. Qui cum proféctus esset, et tulísset secum decem talénta argénti, et sex mília áureos, et decemmutatória vestimentórum, détulit lítteras ad regem Israël in hæc verba : Cum accéperis epístolam hanc, scito, quod míserim ad te Náaman servum meum, ut cures eum a lepra sua. Cumque legísset rex Israël lítteras, scidit vestiménta sua, et ait : Numquid Deus ego sum, ut occídere possim et vivificáre, quia iste misit ad me, ut curem hóminem a lepra sua ? animadvértite et vidéte, quod occasiónes quærat advérsum me. Quod cum audísset Eliséus vir Dei, scidísse videlícet regem Israël vestiménta sua, misit ad eum, dicens : Quare scidísti vestiménta tua ? véniat ad me, et sciat esse prophétam in Israël. Venit ergo Náaman cum equis et cúrribus, et stetit ad óstium domus Eliséi : misítque ad eum Eliséus núntium, dicens : Vade, et laváre sépties in Iordáne, et recípiet sanitátem caro tua, atque mundáberis. Iratus Náaman recedébat, dicens : Putábam, quod egrederétur ad me, et stans invocáret nomen Dómini, Dei sui, et tángeret manu sua locum lepræ, et curáret me. Numquid non melióres sunt Abana et Pharphar, flúvii Damásci, ómnibus aquis Israël, ut laver in eis, et munder ? Cum ergo vertísset se, ci abíret indígnans, accessérunt ad eum servi sui, et locúti sunt ei : Pater, et si rem grandem dixísset tibi Prophéta, certe fácere debúeras : quanto magis quia nunc dixit tibi : Laváre, et mundáberis ? Descéndit, et lavit in Iordáne sépties, iuxta sermónem viri Dei, et restitúta est caro eius, sicut caro pueri párvuli, et mundátus est. Reversúsque ad virum Dei cum univérso comitátu suo, venit, et stetit coram eo, et ait : Vere scio, quod non sit álius Deus in univérsa terra, nisi tantum in Israël.En ces jours-là, Naaman, général de l’armée du roi de Syrie, était puissant et en grand honneur auprès de son maître, parce que le Seigneur avait sauvé par lui la Syrie. Il était vaillant et riche, mais lépreux. Or quelques voleurs, sortis de Syrie, avaient emmené captive une petite fille du pays d’Israël, qui fut depuis mise au service de la femme de Naaman. Et elle dit à sa maîtresse : Plût à Dieu que mon seigneur eût été trouver le prophète qui est à Samarie ! Il l’aurait sans doute guéri de sa lèpre. Naaman vint donc trouver son maître, et lui dit : Une jeune fille d’Israël a dit telle et telle chose. Le roi de Syrie lui répondit : Allez et j’écrirai au roi d’Israël. Il partit, prit avec lui dix talents d’argent, six mille écus d’or, et dix vêtements de rechange, et porta au roi d’Israël la lettre, qui était conçue en ces termes : Lorsque vous aurez reçu cette lettre, vous saurez que je vous ai envoyé Naaman, mon serviteur, afin que vous le guérissiez de sa lèpre. Lorsque le roi d’Israël eut lu cette lettre, il déchira ses vêtements, et dit : Suis-je un Dieu, pour pouvoir ôter et rendre la vie ? Pourquoi m’a-t-il envoyé un homme afin que je le guérisse de sa lèpre ? Remarquez et voyez qu’il cherche une occasion de dispute contre moi. Élisée, homme de Dieu, ayant appris que le roi d’Israël avait déchiré ses vêtements, lui envoya dire : Pourquoi avez-vous déchiré vos vêtements ? Que cet homme vienne à moi, et qu’il sache qu’il y a un prophète en Israël. Naaman vint donc avec ses chevaux et ses chars, et s’arrêta à la porte de la maison d’Élisée. Et Élisée lui envoya un messager pour lui dire : Allez vous laver sept fois dans le Jourdain, et votre chair se guérira, et vous serez purifié. Naaman se retirait irrité, en disant : Je croyais qu’il sortirait vers moi, et que, se tenant debout, il invoquerait le nom du Seigneur son Dieu, qu’il toucherait de sa main ma lèpre, et qu’il me guérirait. Les fleuves d’Abana, et de Pharphar, à Damas, ne sont-ils pas meilleurs que tous ceux d’Israël ? Ne puis-je pas m’y laver, et devenir pur ? Il s’était déjà retourné, et s’en allait tout indigné lorsque ses serviteurs s’approchèrent de lui, et lui dirent : Père, alors même que le prophète vous aurait ordonné une chose difficile, vous auriez dû néanmoins la faire, combien plus deviez-vous obéir, lorsqu’il vous a dit : Allez vous laver, et vous deviendrez pur. Il s’en alla donc, et se lava sept fois dans le Jourdain, selon l’ordre de l’homme de Dieu ; et sa chair devint comme la chair d’un petit enfant, et il fut guéri. Et il retourna avec toute sa suite vers l’homme de Dieu ; et il vint se présenter devant lui, et il dit : Je sais certainement qu’il n’y a pas d’autre Dieu dans toute la terre que celui qui est en Israël.
Graduale. Ps. 55, 9 et 2.Graduel
Deus, vitam meam annuntiávi tibi : posuísti lácrimas meas in conspéctu tuo.O Dieu, je vous ai exposé toute ma vie ; vous avez mis mes larmes devant vous.
V/. Miserére mei, Dómine, quóniam conculcávit me homo : tota die bellans tribulávit me.Ayez pitié de moi, ô Dieu, car l’homme m’a foulé aux pieds ; tout le jour en me faisant la guerre, il m’a tourmenté.
Tractus. Ps. 102, 10.Trait.
Dómine, non secúndum peccáta nostra, quæ fécimus nos : neque secúndum iniquitátes nostras retríbuas nobis.Seigneur, ne nous traitez pas selon nos péchés, et ne nous punissez pas selon nos iniquités.
V/.Ps. 78, 8-9. Dómine, ne memíneris iniquitátum nostrarum antiquarum : cito antícipent nos misericórdiæ tuæ, quia páuperes facti sumus nimis.Seigneur, ne vous souvenez plus de nos anciennes iniquités ; que vos miséricordes viennent en hâte au-devant de nous, car nous sommes réduits à la dernière misère.
(Hic genuflectitur) V/. Adiuva nos, Deus, salutáris noster : et propter glóriam nóminis tui, Dómine, libera nos : et propítius esto peccátis nostris, propter nomen tuum.On se met à genoux V/. Aidez-nous, ô Dieu notre Sauveur, et pour la gloire de votre nom, Seigneur, délivrez-nous et pardonnez-nous nos péchés, à cause de votre nom.
+ Sequéntia sancti Evangélii secundum Lucam.Lecture du Saint Evangile selon saint Luc.
Luc. 4, 23-30.
In illo témpore : Dixit Iesus pharisǽis : Utique dicétis mihi hanc similitúdinem : Médice, cura teípsum : quanta audívimus facta in Caphárnaum, fac et hic in pátria tua. Ait autem : Amen, dico vobis, quia nemo prophéta accéptus est in pátria sua. In veritáte dico vobis, multæ víduæ erant in diébus Elíæ in Israël, quando clausum est cælum annis tribus et ménsibus sex, cum facta esset fames magna in omni terra : et ad nullam illarum missus est Elías, nisi in Sarépta Sidóniæ ad mulíerem viduam. Et multi leprósi erant in Israël sub Eliséo Prophéta : et nemo eórum mundátus est nisi Náaman Syrus. Et repléti sunt omnes in synagóga ira, hæc audiéntes. Et surrexérunt, et eiecérunt illum extra civitátem : et duxérunt illum usque ad supercílium montis, super quem cívitas illórum erat ædificáta, ut præcipitárent eum. Ipse autem tránsiens per médium illórum, ibat. En ce temps-là, Jésus dit aux Pharisiens : Sans doute, vous m’appliquerez ce proverbe : Médecin, guéris-toi toi-même ; les grandes choses faites à Capharnaüm, dont nous avons entendu parler, faites-les également ici, dans votre pays. Et il ajouta : En vérité, je vous le dis, aucun prophète n’est bien reçu dans sa patrie. En vérité, je vous le dis, il y avait beaucoup de veuves en Israël au temps d’Élie, lorsque le ciel fut fermé pendant trois ans et six mois, et qu’il y eut une grande famine dans tout le pays ; et cependant Élie ne fut envoyé à aucune d’elles, mais à une femme veuve de Sarepta, dans le pays de Sidon. Il y avait aussi beaucoup de lépreux en Israël au temps du prophète Élisée ; et aucun d’eux ne fut guéri, si ce n’est Naaman, le Syrien. Ils furent tous remplis de colère, dans la synagogue, en entendant ces paroles. Et se levant, ils le chassèrent hors de la ville, et ils le menèrent jusqu’au sommet de la montagne sur laquelle leur ville était bâtie, pour le précipiter en bas. Mais lui, passant au milieu d’eux, s’en alla.
Ant. ad Offertorium. Ps. 54,2-3.Offertoire
Exáudi, Deus, oratiónem meam, et ne despéxeris deprecatiónem meam : inténde in me, et exáudi me.Exaucez, ô Dieu, ma prière, et ne méprisez pas ma supplication. Écoutez-moi, et exaucez-moi.
Secreta.Secrète
Munus, quod tibi, Dómine, nostræ servitútis offérimus, tu salutáre nobis pérfice sacraméntum. Per Dóminum nostrum.Les dons que nous vous offrons, Seigneur, comme un hommage de notre servitude, changez-les pour nous en ce sacrement qui donne le salut. Par Notre-Seigneur.
Præfatio de Quadragesima. Préface du Carême .
Ant. ad Communionem. Ps. 13, 7.Communion
Quis dabit ex Sion salutáre Israël ? cum avértent Dóminus captivitátem plebis suæ, exsultábit Iacob, et lætábitur Israël.Qui procurera de Sion le salut d’Israël ? Quand le Seigneur aura mis fin à la captivité de son peuple, Jacob sera dans l’allégresse, et Israël dans la joie.
Postcommunio.Postcommunion
Præsta, quǽsumus, omnípotens et miséricors Deus : ut, quod ore contíngimus, pura mente capiámus. Per Dóminum.Faites, nous vous en supplions, ô Dieu tout-puissant et miséricordieux, que nous conservions dans un cœur pur ce que notre bouche a touché. Par Notre-Seigneur.
Super populum : Orémus. Humiliáte cápita vestra Deo.Sur le peuple : Prions. Humiliez vos têtes devant Dieu.
Oratio.Prière
Subvéniat nobis, Dómine, misericórdia tua : ut ab imminéntibus peccatórum nostrórum perículis, te mereámur protegénte éripi, te liberánte salvári. Per Dóminum nostrum.Que votre miséricorde nous vienne en aide, Seigneur, en sorte que votre protection nous arrache aux périls imminents où nos péchés nous engagent ; et que votre intervention libératrice nous conduise au salut. Par N.-S.

Office

A MATINES

Ex more docti mýstico (matines du Carême)

Lectio i1ère leçon
Léctio sancti Evangélii secúndum Lucam.Lecture du saint Évangile selon saint Luc.
Cap. 4, 23-30
In illo témpore : Dixit Iesus pharisǽis : Utique dicétis mihi hanc similitúdinem : Médice, cura te ipsum : quanta audívimus facta in Caphárnaum, fac et hic in pátria tua. Et réliqua.En ce temps-là, Jésus dit aux pharisiens : « Sans doute, vous m’appliquerez ce proverbe : Médecin, guéris-toi toi-même ; les grandes choses faites à Capharnaüm, dont nous avons entendu parler, faites-les également ici, dans votre pays. ». Et le reste. [1]
Homilía sancti Ambrósii EpíscopiHomélie de saint Ambroise, évêque
Lib. 4 in cap. 4 Lucæ, post medium
Non medíocris invidia próditur, quæ cívicæ caritátis oblíta, in acérba ódia causas amóris infléctit. Simul hoc exémplo páriter et oráculo declarátur, quod frustra opem misericórdiæ cæléstis exspéctes, si aliénæ frúctibus virtútis invídeas. Aspernátor enim Dóminus invidórum est : et ab iis qui divína benefícia in áliis persequúntur, mirácula suæ potestátis avértit. Domínicæ quippe carnis actus, divinitátis exémplum est : et invisibília nobis eius, per ea quæ sunt visibília, demonstrántur.Ce n’est pas une animosité banale qui se fait jour ici ! Oublieuse de l’amour que l’on doit à des compatriotes, elle fait tourner en haine cruelle les motifs d’aimer. En même temps, exemple et parole enseignent que tu attendras vainement le secours de la miséricorde céleste, si tu te montres jaloux des fruits de la vertu des autres car le Seigneur méprise les envieux et il détourne les merveilles de sa puissance de ceux qui s’en prennent chez autrui aux bienfaits divins. En effet, la façon dont le Seigneur s’est comporté dans la chair est l’image de son action divine et sa nature invisible se manifeste à nous par ses dehors visibles.
R/. Tóllite hinc vobíscum múnera, et ite ad dóminum terræ : et cum invenéritis, adoráte eum super terram : * Deus autem meus fáciat eum vobis placábilem : et remíttat et hunc fratrem vestrum vobíscum, et eum quem tenet in vínculis.R/. Prenez avec vous [2] d’ici des présents, et allez au maître de ce pays, et lorsque vous serez auprès de lui, saluez-le en vous prosternant contre terre : *
V/. Súmite de óptimis terræ frugibus in vasis vestris, et deférte viro múnera.V/. Prenez des meilleurs fruits de ce pays-ci dans vos vases, et portez-les à cet homme en présent.
R/. Deus autem meus fáciat eum vobis placábilem : et remíttat et hunc fratrem vestrum vobíscum, et eum quem tenet in vínculis.R/. Que mon Dieu vous le rende favorable, afin qu’il renvoie avec vous celui-ci d’entre vos frères, et celui qu’il retient dans les liens.
Lectio ii2e leçon
Non otióse ítaque Salvátor excusat, quod nulla in pátria sua mirácula virtútis operátus sit : ne fortássis áliquis viliórem pátriæ nobis esse debére putáret afféctum. Neque enim cives póterat non amáre, qui amáret omnes : sed ipsi se caritáte pátriæ, dum ínvident, abdicárunt. In veritáte dico vobis : multæ víduæ fuérunt in diébus Elíæ. Non quia Elíæ dies fuérunt, sed in quibus Elías operátus est : aut quia Elías dies faciébat illis, qui in eius opéribus lucem vidébant grátiæ spiritális, et convertebántur ad Dóminum. Et ídeo aperiebátur cælum vidéntibus ætérna et divína mystéria : claudebátur, et fames erat, quando nulla erat cognoscéndæ divinitátis ubértas. Sed de hoc plénius díximus, cum de víduis scriberémus.Ce n’est donc pas sans raison que le Sauveur se disculpe de n’avoir pas accompli de miracles de sa puissance dans sa patrie ; ainsi nul ne sera tenté de croire que l’amour de la patrie doive compter pour peu de chose à nos yeux. Il ne pouvait pas ne point aimer ses concitoyens, lui qui aimait tous les hommes ; ce sont eux qui, par leur haine, se sont soustraits à cet amour qu’il portait à sa patrie. « En vérité, je vous le dis, il y avait beaucoup de veuves au temps d’Élie. » Non que ces jours appartenaient à Élie : c’était le temps où Élie accomplit ses oeuvres, ou encore : il faisait naître le jour pour ceux qui discernaient dans ses œuvres la lumière de la grâce spirituelle et se convertissaient au Seigneur. Et ainsi, le ciel s’ouvrait pour ceux qui voyaient les mystères divins et éternels ; il se fermait, et c’était la famine, quand venait à manquer l’abondance de la connaissance de Dieu. Mais nous avons traité de cela plus amplement dans notre écrit sur les veuves.
R/. Iste est frater vester mínimus, de quo dixerátis mihi ? Deus misereátur tibi, fili mi. * Festinavítque in domum, et plorávit : quia erumpébant lácrimæ, et non póterat se continére.R/. Celui-ci [3] est-il votre jeune frère dont vous m’avez parlé ? Dieu te soit miséricordieux, mon fils. * Il se retira précipitamment dans la maison et pleura : car des larmes s’échappaient de ses yeux, et il ne pouvait se contenir.
V/. Attóllens autem Ioseph óculos, vidit Béniamin stantem : et commóta sunt ómnia víscera eius super fratre suo.V/. Joseph, levant les yeux, vit Benjamin qui se tenait devant lui, et tout son cœur s’émut sur son frère.
R/. Festinavítque in domum, et plorávit : quia erumpébant lácrimæ, et non póterat se continére.R/. Il se retira précipitamment dans la maison et pleura : car des larmes s’échappaient de ses yeux, et il ne pouvait se contenir.
Lectio iii3e leçon
Et multi leprósi erant in Iudǽa tempóribus Eliséi prophétæ : et nemo eórum mundátus est, nisi Náaman Syrus. Evidénter hic sermo nos Dómini salutáris infórmat, et ad stúdium venerándæ divinitátis hortátur : quod nemo sanátus osténditur, et maculósi morbo córporis absolútus, nisi qui religióso offício stúduit sanitáti. Non enim dormiéntibus divína benefícia, sed observántibus deferúntur. Díximus in libro álio, in vídua illa, ad quam Elías diréctus est, typum Ecclésiæ præmíssum. Pópulus Ecclésiam congregávit, ut sequátur pópulus ille ex alienígenis congregátus. Pópulus ille ante leprósus, pópulus ille ante maculósus, priúsquam mýstico baptizarétur in flúmine : idem post sacraménta baptísmatis máculis córporis et mentis ablútus, iam non lepra, sed immaculáta virgo cœpit esse sine ruga.« Il y avait beaucoup de lépreux en Israël sous le prophète Élisée et aucun d’eux ne fut purifié, sinon Naaman, le Syrien. » Il est clair que cette parole du Seigneur notre Sauveur veut nous instruire et nous exhorter à rendre à Dieu un hommage empressé ; elle montre que nul n’est guéri et délivré de la maladie qui marque sa chair, s’il n’a recherché la santé avec un soin ardent et religieux. Car les bienfaits de Dieu ne vont pas au dormeur mais à qui sait veiller. Nous avons dit ailleurs que cette veuve vers laquelle Élie fut envoyé, préfigurait l’Église. Il convient que le peuple vienne après l’Église. Je veux parler de ce peuple rassemblé d’entre les étrangers, de ce peuple autrefois lépreux, de ce peuple autrefois couvert de taches impures, avant qu’il ne fût baptisé dans le fleuve mystique. Ce même peuple, aussitôt consommés les mystères du baptême, est purifié dans son corps et son âme. Il n’était que lèpre, voici qu’il devient une vierge sans tache ni ride.
R/. Dixit Ioseph úndecim frátribus suis : Ego sum Ioseph, quem vendidístis in Ægýptum : adhuc vivit pater noster sénior, de quo dixerátis mihi ? * Ite, addúcite eum ad me, ut possit vívere.R/. Joseph [4] dit à ses onze frères : Je suis Joseph votre frère, que vous avez vendu en Egypte ; vit-il encore notre père, ce vieillard dont vous m’avez parlé ? * Allez, amenez-le moi afin qu’il ait de quoi vivre.
V/. Biénnium enim est, quod cœpit esse fames in terra : et adhuc restant anni quinque, quibus nec arári póterit, nec meti.V/. Car il y a deux ans que la famine a commencé à être sur la terre, et il reste encore cinq ans pendant lesquels on ne pourra ni labourer, ni moissonner.
* Ite, addúcite eum ad me, ut possit vívere. Glória Patri. * Ite, addúcite eum ad me, ut possit vívere.* Allez, amenez-le moi afin qu’il ait de quoi vivre. Gloire au Père. * Allez, amenez-le moi afin qu’il ait de quoi vivre.

A LAUDES

O sol salútis, íntimis (laudes du Carême)

Ad Bened. Ant. Amen dico vobis, * quia nemo prophéta accéptus est in pátria sua. Ant. au Bénédictus En vérité, je vous le dis, * aucun prophète n’est reçu dans sa patrie.

Benedictus

AUX VÊPRES

Audi, benígne Cónditor (vêpres du Carême)

Ad Magnificat Ant. Iesus autem, tránsiens * per médium illórum, ibat. Ant. au Magnificat Jésus passa * au milieu d’eux et s’en alla.

Magnificat

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

La Station est dans l’Église de Saint-Marc, bâtie au IVe siècle en l’honneur de l’Évangéliste de ce nom, par le pape saint Marc, dont le corps y repose encore aujourd’hui.

LEÇON.

Hier, la sainte Église annonçait l’approche du Baptême pour nos Catéchumènes ; aujourd’hui, elle leur présente une histoire de l’Ancien Testament qui renferme un symbole de ce bain salutaire que leur a préparé la miséricorde divine. La lèpre de Naaman est la figure du péché ; cette hideuse maladie n’a pour l’officier syrien qu’un seul remède : il faut qu’il se baigne sept fois dans les eaux du Jourdain, et il sera guéri. Le Gentil, l’infidèle, l’enfant qui naît avec la tache originelle, tous peuvent devenir justes et saints, mais par l’eau seulement et par l’invocation de la glorieuse Trinité. Naaman trouve qu’un tel remède est trop vulgaire ; il doute, il hésite ; dans sa sagesse humaine, il voudrait un moyen plus digne de lui, un prodige sensible qui pût lui faire honneur autant qu’au Prophète. Au temps de la prédication apostolique, plus d’un Gentil raisonna de même ; mais ceux qui crurent avec simplicité à la vertu de l’eau sanctifiée par Jésus-Christ reçurent la régénération ; et la fontaine baptismale enfanta un nouveau peuple formé de tous les peuples qui sont sous le ciel. Naaman, figure de la gentilité, se résolut enfin à croire ; et sa foi fut récompensée par une guérison complète. Ses chairs putréfiées devinrent semblables à celles de l’enfant chez qui les sources de la vie n’ont point encore été altérées. Glorifions Dieu qui a donné cette vertu aux eaux, et qui, par sa grâce, produit dans les âmes dociles cette foi à laquelle il réserve une si précieuse récompense.

ÉVANGILE.

Nous venons d’entendre le Sauveur proclamer encore le mystère de la vocation des Gentils à la place des Juifs incrédules ; et notre Naaman est cité ici comme un exemple de cette miséricordieuse substitution. Jésus rappelle aussi la veuve de Sarepta, l’hôtesse d’Élie, dont nous avons lu l’histoire il y a quelques jours. Cette effrayante résolution du Seigneur de transporter sa lumière d’un peuple à l’autre irrite les pharisiens de Nazareth contre le Messie. Ils savent que Jésus, qui, à ce moment, n’était encore qu’au début de sa prédication, vient d’opérer de grandes merveilles dans Capharnaüm : ils voudraient le voir illustrer leur petite ville par quelques signes semblables ; mais Jésus sait qu’ils ne se convertiraient pas. Le connaissent-ils seulement ? Il a atteint au milieu d’eux l’âge de trente ans, « croissant toujours en âge et en sagesse devant Dieu et devant les hommes [5] » ; mais ces puissants du siècle ne faisaient guère attention à un pauvre ouvrier, au fils du charpentier. Savent-ils môme que, si Jésus a fait un long séjour à Nazareth, ce n’est cependant pas dans cette ville, mais à Bethléhem, qu’il est né ? Devant eux, dans la synagogue de Nazareth [6], il vient d’expliquer le prophète Isaïe avec une éloquence et une grâce merveilleuses ; il annonçait que le temps de la miséricorde était arrivé. Son discours, qui étonna et ravit l’assistance, a moins frappé les sages de la ville que le bruit des prodiges qu’il vient d’opérer dans un pays voisin. Ils veulent lui voir faire quelque miracle sous leurs yeux, comme un vain spectacle ; ils ne l’obtiendront pas. Qu’ils se rappellent le discours que Jésus a fait dans la synagogue, et surtout qu’ils tremblent en l’entendant annoncer le retour des Gentils. Mais le divin Prophète n’est point écouté dans sa propre ville ; et si sa puissance ne l’eût soustrait à la férocité de ses indignes compatriotes, le sang du Juste eût été répandu dès ce jour-là. C’est la triste gloire de l’ingrate Jérusalem, « que nul prophète ne doit périr, si ce n’est dans ses murs [7] ».

Offrons à Dieu, en cette journée, cette solennelle Supplication, empruntée à la Liturgie gothique :

PRECES.
Missale Gothicum. In Dominica III Quadragesimæ.
Rogamus te, Rex sæculorum, Deus sancte, jam miserere : peccavimus tibi.Roi des siècles, Dieu saint, nous avons péché contre vous ; nous vous en prions, ayez enfin pitié.
V/. Audi clamantes, Pater altissime, et quæ precamur, clemens attribue : exaudi nos, Domine. V/. Père très haut, écoutez nos cris ; dans votre bonté, octroyez nos demandes ; exaucez-nous, Seigneur.
R/. Jam miserere.R/. Ayez enfin pitié.
V/. Bone Redemptor, supplices quæsumus de toto corde flentes : requirimus, adsiste propitius. V/. Rédempteur plein de bonté, nous vous supplions, pleurant de tout notre cœur ; nous sommes devant vous, soyez propice ; assistez-nous.
R/. Jam miserere.R/. Ayez enfin pitié.
V/. Emitte manum , Deus omnipotens : et invocantes potenter protege ex alto, piissime. V/. Dieu tout-puissant, étendez votre main du haut du ciel : ô miséricordieux, dans votre puissance, protégez ceux qui vous invoquent.
R/. Jam miserere.R/. Ayez enfin pitié.
V/. Fertilitatem et pacem tribue : remove bella, et famem cohibe, Redemptor sanctissime. V/. Donnez la fertilité et la paix, écartez les guerres, repoussez la famine, ô Rédempteur très saint !
R/. Jam miserere.R/. Ayez enfin pitié.
V/. Induire lapsis : indulge perditis : dimitte noxia : ablue crimina : acclines tu libera. V/. Pardonnez à ceux qui sont tombés ; pardonnez à ceux qui se sont perdus ; remettez les fautes, lavez les crimes ; délivrez ceux qui sont devant vous prosternés.
R/. Jam miserere.R/. Ayez enfin pitié.
V/. Gemitus vide : fletus intellige : extende manum : peccantes redime. V/. Voyez les gémissements, considérez les pleurs, étendez la main, rachetez ceux qui ont péché.
R/. Jam miserere.R/. Ayez enfin pitié.
V/. Hanc nostram , Deus, hanc pacem suscipe : supplicum voces placatus suscipe : et parce, piissime. V/. Acceptez, ô Dieu ! cette réconciliation ; accueillez ces voix suppliantes, et pardonnez, vous plein de bonté.
R/. Rogamus te, Rex sæculorum, Deus sancte, jam miserere : peccavimus tibi.R/. Roi des siècles, Dieu saint, nous avons péché contre vous, nous vous en prions, ayez enfin pitié de nous.

Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

Collecte à Saint-Adrien.
Station à Saint-Marc.

La diaconie de Saint-Adrien s’élève sur le Forum, dans l’ancienne salle du Sénat et elle fut dédiée par le pape Honorius Ier à la mémoire de ce célèbre martyr de Nicomédie, qui, durant la période byzantine, eut des églises, des monastères et un culte très populaire à Rome même.

La basilique stationnale de Pallacine, dédiée par la suite à l’évangéliste Marc, fut érigée par le Pape du même nom, et est l’unique monument consacré dans Rome à la mémoire de ce dévot disciple de Paul et fidèle interprète de Pierre, qui, outre la part qu’il eut, avec les apôtres, dans la première évangélisation de la Ville éternelle, écrivit son évangile après la mort de ceux-ci à la prière des Romains.

Sous l’autel principal du titulus Marci repose le corps du fondateur, avec les reliques des martyrs Abdon et Sennen. Nous nous trouvons donc comme en un sanctuaire oriental au cœur de la ville, avec Marc d’une part, le grand fondateur du siège patriarcal d’Alexandrie — l’élément égyptien à Rome était important — et les Persans Abdon et Sennen de l’autre. La péricope scripturaire de ce jour tient précisément compte de ce caractère oriental des titulaires de la basilique, et nous fait lire pour cette raison l’histoire de Naaman le Syrien, qui, ayant laissé les bains voluptueux de Damas, guérit de la lèpre après s’être plongé dans le Jourdain. Ce passage s’adapte admirablement aux catéchumènes, qui, hier, en effet, ont commencé le cours d’instruction préparatoire au baptême. Pierre, observe Tertullien, a baptisé dans le Tibre, et, si les aspirants veulent guérir de la lèpre de l’infidélité et du péché originel, ils doivent s’humilier, abandonner les fleuves de Damas, c’est-à-dire les satisfactions de leur ancienne vie sensuelle, et se plonger dans les eaux limpides du saint Baptême.

L’introït est tiré du psaume 55. Le fidèle oppose à la gloire humaine, la gloire qui lui est réservée en Dieu ; sa parole ne disparaîtra jamais, et toutes les menaces des hommes ne pourront modifier le splendide programme de salut que le Seigneur a promulgué.

Dans la collecte, on revient avec insistance sur la qualité de notre jeûne, qui ne doit rien avoir de commun avec le Ramadan des fils de l’Islam ou avec celui d’Israël. Le jeûne chrétien consiste essentiellement à refréner les passions et à s’abstenir du péché.

Suit la lecture du livre IV des Rois (V, 1-15) avec la guérison de Naaman le Syrien, opérée par le prophète Élisée moyennant un septuple bain dans le Jourdain. L’étranger, couvert de lèpre, mais cependant orgueilleux au milieu de toute la misère de ses plaies, se considère presque offensé de ce que le Voyant d’Israël n’emploie pas à son égard des rites solennels et des moyens hors du commun ; bien plus, qu’il ne sorte même pas pour lui parler, mais qu’il lui ordonne simplement de se laver dans le Jourdain. Et pourtant il en est ainsi. Voulant vaincre le démon superbe, Dieu s’est complu à le faire par des moyens humbles, c’est-à-dire par l’œuvre des Sacrements et des Sacramentaux, afin d’humilier de plus en plus l’ennemi dans sa défaite. C’est pourquoi, si Naaman veut guérir, il doit d’abord déposer tout orgueil, se reconnaître impur, et aller pour cela se plonger dans le Jourdain, là précisément où, quelques siècles plus tard, Jean préludera à notre baptême chrétien par son baptême de pénitence.

Comme il est de règle, le répons provient du même psaume que l’introït : « O Dieu, mes jours vous sont connus ; devant vous j’ai recueilli mes larmes. Ayez pitié de moi que l’ennemi poursuit ; mes agresseurs me pressent tout le jour. »

Le passage évangélique qui suit est appelé par la lecture qui vient d’être faite au IVe Livre des Rois. Dans la synagogue de Nazareth, le Sauveur reprochera à ses concitoyens d’avoir imité l’incrédulité de leurs ancêtres du temps d’Élisée, eux qui obligèrent le prophète à opérer des prodiges seulement en faveur des étrangers. Exemple terrible, qui nous donne matière à réflexion. Les grâces divines, répandues parfois si abondamment sur certaines âmes privilégiées, trouvent en elles très peu de correspondance, si bien que, par la suite, s’y ajoute la paresse et le dégoût pour les choses les plus saintes. Ces sacrements, ces prédications, ces exercices de piété qui parfois touchent tant le cœur des pécheurs, n’ont plus aucune efficacité pour ces âmes religieuses attiédies, rendues comme apathiques par l’abondance des dons divins, à l’égal de ces malades qui ne digèrent plus la nourriture qu’ils prennent.

Le verset ad offerendum est tiré du psaume 54 : « Écoutez, ô Dieu, ma prière, ne rejetez pas de vous mon cri, mais tournez-vous vers moi et m’écoutez. » Dieu écoute toujours la prière d’un cœur humble et droit ; même quand l’indignité du suppliant rend inopportunes certaines grâces de spéciale importance qu’il ose demander, Dieu ne rend pas son oraison inutile, mais il lui accorde ce qui est plus essentiel, c’est-à-dire le retour à la grâce sanctifiante moyennant la conversion du cœur.

La prière de ce jour sur les oblations est fort belle : « Ce qui est pour nous un acte dû, de culte et de sacrifice, hommage de notre dévotion, vous, Seigneur, faites que cela devienne aussi sacrement de rédemption. »

L’antienne pour la communion est elle aussi comme un cri de victoire. Elle est tirée du psaume 13 : « Qui enverra de Sion le Sauveur à Israël ? Quand le Seigneur délivrera son peuple de la servitude, Jacob exultera et Israël tout entier fera fête. »

La collecte eucharistique répète, en d’autres termes, un concept qui revient souvent dans les formules correspondantes de la liturgie romaine : « Faites, Seigneur, que, en plus de la participation matérielle à votre sacrement, nous expérimentions aussi son efficacité au moyen de la foi et de la dévotion actuelle. »

La bénédiction finale sur le peuple s’exprime ainsi : « Que votre miséricorde, Seigneur, vienne à notre secours, afin que votre droite victorieuse nous fasse échapper aux fléaux imminents mérités par nos péchés » ; allusion à Rome, continuellement exposée aux sièges des Goths, des Visigoths, des Lombards, démantelée par les tremblements de terre, dépeuplée par la famine, décimée par la peste, durant les Ve, VIe et VIIe siècles.

Si Venise se glorifie des reliques de saint Marc, Rome peut, à plus juste titre, lui adresser le salut en usage dans la sérénissime république : Pax tibi, Marce, Evangelista meus. « Meus » en effet, à bon droit, puisque saint Marc et saint Luc exercèrent ensemble leur apostolat dans la Ville éternelle, à la suite des deux princes des apôtres Pierre et Paul ; ils y écrivirent leur évangile, et l’antiquité chrétienne se plaisait en particulier à donner à Marc le glorieux titre d’interprète de Pierre.

Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique

STATION A SAINT-MARC

Le médecin d’Israël.

Des païens (Naaman) cherchent le médecin d’Israël ; les Juifs cherchent à le faire mourir. Ainsi le thème du Baptême et celui de la Passion coïncident.

Les antiennes du lever et du coucher du soleil sont les suivantes : « En vérité, je vous le dis, aucun prophète n’est considéré dans son pays » (Ant. Bened.). « Jésus passa au milieu d’eux et s’en alla » (Ant. Magn.). L’Église veut que nous passions toute la journée avec Jésus, à Nazareth. Là, ses compatriotes le reçurent avec des sentiments hostiles et voulurent même le faire mourir. C’est un prélude de la mort sur la Croix.

1. La Station. — A Saint-Marc. Le saint de station est le pape saint Marc, qui gouvernait l’Église romaine en 336. La liturgie fait mémoire de lui le 7 octobre. Il ne régna que huit mois, sous l’empereur Constantin. Au sujet de son activité, on signale seulement qu’il bâtit deux églises ; il consacra notre église de station et celle de Sainte-Balbine. Dans l’église où nous nous rendons aujourd’hui, on honore aussi l’évangéliste du même nom, saint Marc.

Quand nous entrons dans l’église, nous remarquons immédiatement la grande mosaïque au fond de l’abside (de Grégoire IV, 827-844) : au milieu, se tient le Christ levant la main droite ; à sa gauche, le pape saint Marc, saint Agapit et sainte Agnès ; à sa droite, saint Felicissimus, l’évangéliste saint Marc et Grégoire IV (avec un nimbe carré, pour montrer qu’il était encore en vie) ; à l’arrière-plan, on voit les douze agneaux symboliques, qui viennent des deux villes de Jérusalem (Juifs) et de Bethléem (païens) et s’avancent vers l’Agneau de Dieu. Aujourd’hui, l’église est ornée de revêtements d’un marbre très beau et très rare, comme on en voit dans peu d’églises de Rome. Elle possède aussi de nombreuses reliques qui, à l’occasion de l’office de station qu’on célèbre aujourd’hui, sont exposées à la vénération des fidèles.

2. La messe (In Deo). — Ce qui donne de l’importance à ce jour, c’est que les fidèles sont invités au scrutin pour mercredi. L’invitation se fait en ces termes : « Très chers frères, vous savez que le jour du scrutin, dans lequel nos élus seront instruits de la doctrine divine, est imminent. C’est pourquoi, rassemblez-vous avec un soin pieux et venez mercredi, à la troisième heure, afin que nous puissions accomplir, dans un service sans faute et avec l’assistance de Dieu, le mystère par lequel le diable, avec ses pompes, sera anéanti et la porte du royaume du ciel sera ouverte. »

Les lectures de la messe concernent les catéchumènes. Ces catéchumènes ont été choisis dans le paganisme, comme Naaman, pour être purifiés dans l’eau du Jourdain (le Baptême). Naaman est le type de l’Église des Gentils. Quant à Israël, il rejette son Rédempteur hors de la ville et veut le faire mourir. Les chants annoncent les combats, les combats spirituels que les catéchumènes auront à supporter avant d’arriver à la victoire, mais aussi la douleur contrite des pénitents : « Tu as laissé mes larmes arriver jusqu’à ta face. » Pensons aussi aux combats de notre chef, le Christ. Pour nous, la communauté croyante en qui doit se renouveler la grâce du Baptême, nous avons aussi quelques enseignements à recevoir :
- 1. Les scrutins nous avertissent de nous éprouver nous-mêmes et d’examiner notre conscience, afin de renouveler le « mystère céleste « du Baptême.
- 2. Les chants sont l’expression de la détresse de notre âme ; notre pauvre âme a des ascensions et des chutes, elle est vite déprimée, mais elle ne doit pas perdre le courage et la confiance. C’est ce qu’exprime très bien le psaume d’introït (55) : « Avant le haut du jour (du jour de combat), je suis effrayé, mais je me confie en Dieu. » Le leitmotiv du jour doit être : « Entre les mains de Dieu, je remets mon sort, je ne crains rien » et « Dieu accepte avec bonté mes larmes » (Graduel).
- 3. Les lectures nous présentent un saisissant contraste : le païen vient de loin en Israël pour chercher la guérison ; le Christ, dans sa patrie, est rejeté par ses propres concitoyens. Le païen trouve la guérison chez le « médecin »d’Israël ; les habitants de Nazareth repoussent leur « médecin ». C’est un sérieux avertissement pour nous qui sommes les concitoyens du Seigneur.
- 4. Dans Naaman, nous admirons notre élection parmi un si grand nombre qui ne sont pas appelés.
- 5. La pensée principale de la messe est : l’humilité et l’obéissance procurent le salut (leçon), sans humilité pas de salut (Évangile). L’épreuve du puissant Syrien fut l’humiliation. Il ne fut même pas reçu par le Prophète ; il dut se baigner sept fois dans le Jourdain. Le Christ nous adresse, nous aussi, à l’Église et exige que nous courbions notre orgueil. Toutes les institutions de l’Église sont une école d’humilité (par ex. la confession). Le Christ lui-même a pris le premier le chemin de l’humiliation.
- 6. De nouveau, dans cette messe, apparaît le thème de la Passion : le Christ est rejeté par ses propres compatriotes.

3. La prière des Heures. — Saint Ambroise nous donne de l’Évangile une explication édifiante. Le saint docteur nous montre la laideur de l’envie chez les habitants de Nazareth : « Celui-là attend vainement le secours de la miséricorde divine, qui envie, chez les autres, les fruits de la vertu. Le Seigneur est l’adversaire des envieux et, de ceux qui combattent chez les autres les bienfaits de Dieu, il éloigne sa puissance miraculeuse. Ce que le Christ fait dans sa vie terrestre est un modèle de ce qu’il accomplit toujours comme Dieu. Et ce qu’il accomplit d’une manière invisible nous est montré par ses actes visibles. » Dans la veuve, vers laquelle est envoyé Élisée, nous pouvons voir une figure de l’Église des Gentils : « Ce peuple qui, auparavant, était lépreux, ce peuple qui était couvert de plaies avant d’avoir été plongé dans le fleuve mystique, ce peuple, après avoir été lavé par le sacrement de Baptême des taches extérieures et intérieures, n’est plus couvert de lèpre, mais a commencé à devenir une vierge sans souillure et sans ride. » (Ces paroles nous montrent nettement les relations de cette messe avec le Baptême).

4. Le psaume 13. — Plainte au sujet de l’impiété universelle. — Le psaume provient, sans doute, de l’époque de l’exil. C’est la protestation des opprimés contre la méchanceté des impies. Ordre des idées.
- I. Le psalmiste se plaint de la méchanceté des impies et en vient à songer à la corruption universelle des hommes (péché originel) 1-3 a :
- II.
— a) La corruption des impies est exposée dans 3 b ;
— b) mais ces versets n’appartiennent pas au psaume, ils ont été tirés de Rom. III, 13-16 et introduits dans le psaume.
- III. Dieu punira les méchants, 4-6.
- Strophe de conclusion : Prière pour demander la délivrance de l’exil.

L’insensé dit dans son cœur :
« Il n’y a pas de Dieu. ».
Ils sont corrompus, ils commettent des actions abominables ;
Il n’en est aucun qui fasse le bien, aucun.
Le Seigneur regarde du haut du ciel vers les hommes,
il regarde pour voir s’il y en a un de sage, un craignant Dieu.
Mais tous sont égarés, tous ensemble sont pervertis,
il n’en est aucun qui fasse le bien, aucun.
Leur gosier est un sépulcre ouvert,
ils se servent de leur langue pour tromper,
un venin d’aspic est sous leurs lèvres.
Leur bouche est pleine de malédiction et d’amertume ;
ils ont les pieds agiles pour répandre le sang.
L’affliction et le malheur sont dans leurs voies,
ils ne connaissent pas le chemin de la paix ;
la crainte du Seigneur n’est pas devant leurs yeux.
Ne réfléchiront-ils pas ceux qui commettent l’iniquité,
qui dévorent mon peuple comme un morceau de pain ?
Ils n’invoquent pas Dieu.
mais alors ils trembleront d’épouvante
quand le Seigneur se placera à côté des hommes pieux.
Anéanti sera leur projet contre les pauvres,
car le Seigneur est leur espérance.
Ah ! que vienne de Sion le secours pour Israël !
Quand le Seigneur ramènera les captifs de son peuple,
Jacob sera dans la joie, Israël dans l’allégresse.

[1] Et il ajouta : « En vérité, je vous le dis, aucun prophète n’est bien reçu dans sa patrie. En vérité, je vous le dis, il y avait beaucoup de veuves en Israël au temps d’Élie, lorsque le ciel fut fermé pendant trois ans et six mois, et qu’il y eut une grande famine dans tout le pays ; et cependant, Élie ne fut envoyé à aucune d’elles, mais à une femme veuve de Sarepta, dans le pays de Sidon. Il y avait aussi beaucoup de lépreux en Israël au temps du prophète Élisée ; et aucun d’eux ne fut guéri, si ce n’est Naaman, le Syrien. » Ils furent tous remplis de colère, dans la synagogue, en entendant ces paroles. Et se levant, ils le chassèrent hors de la ville, et ils le menèrent jusqu’au sommet de la montagne sur laquelle leur ville était bâtie, pour le précipiter en bas. Mais lui, passant au milieu d’eux, s’en alla.

[2] Gen 43, 11

[3] Gen 43, 29

[4] Gen 45, 3

[5] Luc. II, 52.

[6] Ibid. IV, 16-22.

[7] Luc. XIII, 38.