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Mercredi des Cendres

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1960.


Sommaire

  Bénédiction des Cendres  
  Textes de la Messe  
  Office  
  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum  
  Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique  

Bénédiction des Cendres

Feria Quarta Cinerum
Mercredi des Cendres
I Classis
1ère Classe
Statio ad S. Sabinam
Station à Ste-Sabine
Ante Missam benedicuntur cineres facti de ramis olivarum sive aliarum arborum, præcedenti anno benedictis, hoc modo :Avant la messe, on bénit les cendres des rameaux d’olivier ou d’autres bois bénis l’année précédente, de cette façon :
In Choro, dicta Nona, Sacerdos indutus Pluviali violaceo, vel sine Casula, cum ministris similiter indutis, procedit ad benedicendurn cineres in vase aliquo super altari positos. Et primo cantatur a choro sequens Antiphona :Au chœur, après None, le prêtre, révêtu de la chape violette, ou sans chasuble, avec les ministres revêtus de la même façon, s’avance pour bénir les cendres posées dans un récipient sur l’autel. Et d’abord, le Chœur chante :
Antiphona. Ps. 68, 17.
Exáudi nos, Dómine, quóniam benígna est misericórdia tua : secúndum multitúdinem miseratiónum tuárum réspice nos, Dómine.Exaucez-nous, Seigneur, car votre miséricorde est toute suave ; selon l’abondance de vos bontés regardez-nous, Seigneur.
Ps. ibid., 2.
Salvum me fac, Deus : quóniam intravérunt aquæ usque ad ánimam meam.Sauvez-moi, ô Dieu, car les eaux sont entrées jusqu’à mon âme.
V/.Glória Patri. Repetitur Exáudi nos.
Deinde Sacerdos in cornu Epistolæ, non vertens se ad populum, manibus iunctis (quod servatur etiam in orationibus omnium benedictionum quoad manus iunctas) dicit :Ensuite, le prêtre, du côté de l’Epître, sans se tourner vers le peuple, les mains jointes dit :
V/. Dóminus vobíscum.Le Seigneur soit avec vous.
R/. Et cum spíritu tuo.Et avec votre esprit.
Orémus. OratioPrions.
Omnípotens sempitérne Deus, parce pæniténtibus, propitiáre supplicántibus : et míttere dignéris sanctum Angelum tuum de cælis, qui bene+ dícat et sanctíficet hos cíneres, ut sint remédium salúbre ómnibus nomen sanctum tuum humilíter implorántibus, ac semetípsos pro consciéntia delictórum suórum accusántibus, ante conspéctum divínæ cleméntiæ tuæ facínora sua deplorántibus, vel sereníssimam pietátem tuam supplíciter obnixéque flagitántibus : et præsta per invocatiónem sanctíssimi nóminis tui ; ut, quicúmque per eos aspérsi fúerint, pro redemptióne peccatórum suórum, córporis sanitátem et ánimæ tutélam percípiant. Per Christum, Dóminum nostrum. V/. Amen.Dieu tout-puissant et éternel, pardonnez à ceux qui font pénitence, montrez-vous propice à ceux qui vous supplient ; et daignez envoyer du ciel votre saint Ange afin qu’il bénisse et sanctifie ces cendres, en sorte qu’elles soient un remède salutaire pour tous ceux qui implorent humblement votre saint nom et qui, parce qu’ils ont conscience de leurs fautes, s’accusent eux-mêmes, déplorant en présence de votre divine clémence leurs actes coupables ou sollicitant avec insistance et supplications votre très douce miséricorde. Faites qu’en raison de l’invocation de votre très saint nom, tous ceux sur qui ces cendres auront été répandues pour la rémission de leurs péchés, reçoivent la santé du corps et obtiennent pour leur âme votre protection.
Orémus. OratioPrions.
Deus, qui non mortem, sed pæniténtiam desíderas peccatórum : fragilitátem condiciónis humánæ benigníssime réspice ; et hos cíneres, quos, causa proferéndæ humilitátis atque promeréndæ véniæ, capítibus nostris impóni decérnimus, bene + dícere pro tua pietáte dignáre : ut, qui nos cínerem esse, et ob pravitátis nostræ deméritum in púlverem reversúros cognóscimus ; peccatórum ómnium véniam, et prǽmia pæniténtibus repromíssa, misericórditer cónsequi mereámur. Per Christum, Dóminum nostrum. V/. Amen.O Dieu, qui ne voulez pas la mort des pécheurs mais leur pénitence, considérez avec la plus grande bonté la fragilité de la nature humaine ; et daignez, selon votre miséricorde, bénir ces cendres que nous avons résolu de déposer sur nos têtes comme une marque d’humiliation et pour obtenir le pardon, afin que, reconnaissant que nous ne sommes que poussière, à cause de nos iniquités, nous méritions d’obtenir de votre miséricorde la rémission de tous nos péchés et les récompenses promises à ceux qui auront fait pénitence.
Orémus. OratioPrions.
Deus, qui humiliatióne flécteris, et satisfactióne placáris : aurem tuæ pietátis inclína précibus nostris ; et capítibus servórum tuórum, horum cínerum aspersióne contáctis, effúnde propítius grátiam tuæ benedictiónis : ut eos et spíritu compunctiónis répleas et, quæ iuste postuláverint, efficáciter tríbuas ; et concéssa perpétuo stabilíta et intácta manére decérnas. Per Christum, Dóminum nostrum. V/. Amen.O Dieu, qui vous laissez fléchir par l’humiliation et apaiser par la réparation, inclinez favorablement votre oreille à nos prières, et répandez la grâce de votre bénédiction sur vos serviteurs dont les têtes auront été touchées par l’aspersion de ces cendres, en sorte que vous les remplissiez de l’esprit de componction, et que vous leur accordiez l’effet de ce q’ils auront justement demandé et qu’ils conservent perpétuellement stable et intact ce qu’ils ont reçu de votre main.
Orémus. OratioPrions.
Omnípotens sempitérne Deus, qui Ninivítis, in cínere et cilício pæniténtibus, indulgéntiæ tuæ remédia præstitísti : concéde propítius ; ut sic eos imitémur hábitu, quaténus véniæ prosequámur obténtu. Per Dóminum.Dieu tout-puissant et éternel, qui avez en votre indulgence porté remède aux maux des Ninivites faisant pénitence sous la cendre et le cilice ; accordez-nous avec bonté de les imiter de telle manière en leur conversion, que nous parvenions à obtenir votre pardon.
Postea Celebrans, imposito incenso in thuribulo, ter aspergit cineres aqua benedícta, dicendo Antiphonam Aspérges, sine cantu et sine Psalmo, et ter adolet incenso.Ensuite, le célébrant, après avoir imposé l’encens dans l’encensoir, asperge trois fois d’eau bénite les cendres, en disant l’antienne Asperges, sans chant ni psaume, et les encense trois fois.
Deinde dignior Sacerdos ex Clero accedens ad Altare, imponit cineres Celebranti non genuflexo. Si vero non adsit alius Sacerdos, ipsemet Celebrans, genibus flexis coram Altari, sibi ipsi cineres imponit in capite, nihil dicens, et cantatur statim a choro :Ensuite, le plus digne des prêtres du clergé monte à l’autel, impose les cendres au célébrant debout. S’il n’y a pas d’autre prêtre, le célébrant lui-même, à genoux devant l’autel, s’impose lui-même les cendres sur la tête, sans rine dire, et aussitôt, le chœur chante :
Antiphona. Iœl. 2, 13.Antienne.
Immutémur hábitu, in cínere et cilício : ieiunémus, et plorémus ante Dóminum : quia multum miséricors est dimíttere peccáta nostra Deus noster.Changeons de vêtements, couvrons-nous de cendre et du cilice, jeûnons et pleurons devant le Seigneur ; car notre Dieu tout miséricordieux est prêt à nous remettre nos péchés.
Alia Antiph. Ibid., 17.Antienne.
Inter vestíbulum et altáre plorábunt sacerdótes minístri Dómini, et dicent : Parce, Dómine, parce pópulo tuo : et ne claudas ora canéntium te, Dómine.Que les prêtres et les ministres du Seigneur pleurent entre le vestibule et l’autel et qu’il disent : Epargnez, Seigneur, épargnez votre peuple et ne fermez pas la bouche de ceux qui chantent vos louanges, ô Seigneur.
Sequitur Responsorium :On enchaîne le répons
Responsorium. Esther 13 ; Iœl. 2.Répons.
Emendémus in mélius, quæ ignoránter peccávimus : ne, subito præoccupáti die mortis, quærámus spátium pæniténtiæ, et inveníre non póssimus. Atténde, Dómine, et miserére : quia peccávimus tibi.Supprimons par nos progrès dans le bien les fautes dont nous nous sommes rendus coupables par ignorance, de crainte que surpris soudainement le jour de la mort, nous ne cherchions le temps de faire pénitence et ne puissions le trouver. Prêtez attention, Seigneur, et ayez pitié, parce que nous avons péché contre vous.
V/. Ps. 78, 9.Adiuva nos, Deus, salutáris noster : et propter honórem nóminis tui, Dómine, líbera nos. Atténde, Dómine.Aidez-nous, ô Dieu, notre sauveur, et pour l’honneur de votre nom, délivrez-nous, Seigneur.
V/.Glória Patri. Atténde, Dómine.Gloire au Père. Prêtez attention, Seigneur.
Sacerdos vero, dum cantantur Antiphonæ et Responsorium, detecto capite, primo imponit cineres digniori Sacerdoti, a quo ipse accepit, deinde Ministris paratis, genibus flexis coram Altari, dicens :Pendant qu’on chante les antiennes et le répons, le prêtre, la tête découverte, impose d’abord les cendres au plus digne des prêtres, qui les lui avait imposées, ensuite aux ministres parés, à genoux devant l’autel, en disant :
Genesis 3, 19. Memento, homo, quia pulvis es, et in púlverem revertéris.Souviens-toi, ô homme, que tu es poussière et que tu retourneras en poussière.
Postea veniunt alii, primo Clerus per ordinem, deinde populus : et genibus flexis ante Altare, singulatim recipiunt cinerem a Sacerdote, ut dictum est de Ministris. Completa cinerum impositione, Sacerdos dicit :Ensuite viennent les autres : d’avord le clergé par ordre, ensuite le peuple, et à genoux devant l’autel, ils reçoivent chacun les cendres du prêtres, comme on l’a dit des ministres. Une fois terminée l’imposition des cendres, le prêtre dit :
V/. Dóminus vobíscum.Le Seigneur soit avec vous.
R/. Et cum spíritu tuo.Et avec votre esprit.
Orémus. OratioPrions.
Concéde nobis, Dómine, præsídia milítiæ christiánæ sanctis inchoáre ieiúniis : ut, contra spiritáles nequítias pugnatúri, continéntiæ muniámur auxíliis. Per Christum, Dóminum nostrum. Accordez-nous, Seigneur, d’entrer par de saints jeûnes dans les rangs de la milice chrétienne, de sorte qu’ayant à lutter contre les esprits mauvais, nous soyons munis des secours que procure l’abstinence.
Deinde dicitur Missa.

Textes de la Messe

Ad MissamMesse
Ant. ad Introitum. Sap, 11, 24, 25 et 27.Introït
Miseréris ómnium, Dómine, et nihil odísti eórum quæ fecísti, dissímulans peccáta hóminum propter pæniténtiam et parcens illis : quia tu es Dóminus, Deus noster.Vous avez pitié de tous, Seigneur, et vous ne haïssez rien de tout ce que vous avez fait, et vous dissimulez les péchés des hommes à cause du repentir et vous leur pardonnez, car vous êtes le Seigneur notre Dieu.
Ps. 56, 2.
Miserére mei, Deus, miserére mei : quóniam in te confídit ánima mea.Ayez pitié de moi, ô Dieu, ayez pitié de moi, car mon âme a confiance en vous.
V/.Glória Patri.
Oratio.Collecte
Præsta, Dómine, fidélibus tuis : ut ieiuniórum veneránda sollémnia, et cóngrua pietáte suscípiant, et secúra devotióne percúrrant. Per Dóminum.Accordez, Seigneur, à vos fidèles, d’entreprendre avec la piété convenable, la pratique de ces jeûnes vénérables et solennels et d’en parcourir la carrière avec une dévotion que rien ne puisse troubler.
Léctio Ioélis Prophétæ.Lecture du prophète Joël.
Iœl. 2, 12-19.
Hæc dicit Dóminus : Convertímini ad me in toto corde vestro, in ieiúnio, et in fletu, et in planctu. Et scíndite corda vestra, et non vestiménta vestra, et convertímini ad Dóminum, Deum vestrum : quia benígnus et miséricors est, pátiens, et multæ misericórdiæ, et præstábilis super malítia. Quis scit, si convertátur, et ignóscat, et relínquat post se benedictiónem, sacrifícium et libámen Dómino, Deo vestro ? Cánite tuba in Sion, sanctificáte ieiúnium, vocáte cœtum, congregáte pópulum, sanctificáte ecclésiam, coadunáte senes, congregáte parvulos et sugéntes úbera : egrediátur sponsus de cubíli suo, et sponsa de thálamo suo. Inter vestíbulum et altare plorábunt sacerdótes minístri Dómini, et dicent : Parce, Dómine, parce pópulo tuo : et ne des hereditátem tuam in oppróbrium, ut dominéntur eis natiónes. Quare dicunt in pópulis : Ubi est Deus eórum ? Zelátus est Dóminus terram suam, et pepércit pópulo suo. Et respóndit Dóminus, et dixit populo suo : Ecce, ego mittam vobis fruméntum et vinum et óleum, et replebímini eis : et non dabo vos ultra oppróbrium in géntibus : dicit Dóminus omnípotens.Voici ce que dit le Seigneur : revenez à moi de tout votre coeur, avec des jeûnes avec des larmes et des lamentations. Déchirez vos coeurs, et non vos vêtements, et revenez au Seigneur, votre Dieu ; car il est miséricordieux et compatissant, lent à la colère et riche en bonté, et il s’afflige du mal qu’il envoie. Qui sait s’il ne reviendra pas et ne se repentira pas, et s’il ne laissera pas après lui une bénédiction, l’offrande et la libation pour le Seigneur, notre Dieu ? Sonnez de la trompette en Sion, publiez un jeûne, convoquez une assemblée. Assemblez le peuple, publiez une sainte réunion, rassemblez les vieillards, réunissez les enfants et les nourrissons à la mamelle. Que le nouvel époux quitte sa chambre, et l’épouse son pavillon. Qu’entre le portique et l’autel, les prêtres, ministres du Seigneur, pleurent, et qu’ils disent : "Seigneur, épargnez votre peuple, et ne livrez pas votre héritage à l’opprobre, pour être l’objet des moqueries des nations. Pourquoi dirait-on parmi les peuples Où est leur Dieu ?" Le Seigneur a été ému de jalousie pour son pays, et il a eu pitié de son peuple. Le Seigneur a répondu et dit à son peuple : Voici que je vais vous envoyer le blé, le vin nouveau et l’huile, et vous en serez rassasiés et je ne ferai plus de vous un sujet d’opprobre parmi les nations. C’est ce que dit le Seigneur tout-puissant.
Graduale. Ps. 56, 2 et 4.Graduel
Miserére mei, Deus, miserére mei : quóniam in te confídit ánima mea.Ayez pitié de moi, ô Dieu, ayez pitié de moi, car mon âme a confiance en vous.
V/. Misit de cælo, et liberávit me, dedit in oppróbrium conculcántes me.Il a envoyé du ciel son secours et il m’a délivré ; il a couvert d’opprobre ceux qui me foulaient aux pieds.
Sequens Tractus dicitur in Missis de Feria II, IV et VI usque ad Feriam IV Maioris Hebdomadæ inclusive, præterquam Feria IV Quatuor Temporum.Le Trait suivant est dit aux messes des lundis, mercredis et vendredis jusqu’au mercredi de la Semaine Sainte inclu sauf au mercredi des Quatre-Temps
Tractus. Ps. 102, 10.
Dómine, non secúndum peccáta nostra, quæ fécimus nos : neque secúndum iniquitátes nostras retríbuas nobis.Seigneur, ne nous traitez pas selon nos péchés, et ne nous punissez pas selon nos iniquités.
V/.Ps. 78, 8-9. Dómine, ne memíneris iniquitátum nostrarum antiquarum : cito antícipent nos misericórdiæ tuæ, quia páuperes facti sumus nimis.Seigneur, ne vous souvenez plus de nos anciennes iniquités ; que vos miséricordes viennent en hâte au-devant de nous, car nous sommes réduits à la dernière misère.
(Hic genuflectitur) V/. Adiuva nos, Deus, salutáris noster : et propter glóriam nóminis tui, Dómine, libera nos : et propítius esto peccátis nostris, propter nomen tuum.Aidez-nous, ô Dieu notre Sauveur, et pour la gloire de votre nom, Seigneur, délivrez-nous et pardonnez-nous nos péchés, à cause de votre nom.
+ Sequéntia sancti Evangélii secundum Matthǽum.Lecture du Saint Evangile selon saint Mathieu.
Matth. 6, 16-21.
In illo témpore : Dixit Iesus discípulis suis : Cum ieiunátis, nolíte fíeri, sicut hypócritæ, tristes. Extérminant enim fácies suas, ut appáreant homínibus ieiunántes. Amen, dico vobis, quia recepérunt mercédem suam. Tu autem, cum ieiúnas, unge caput tuum, et fáciem tuam lava, ne videáris homínibus ieiúnans, sed Patri tuo, qui est in abscóndito : et Pater tuus, qui videt in abscóndito, reddet tibi. Nolíte thesaurizáre vobis thesáuros in terra : ubi ærúgo et tínea demólitur : et ubi fures effódiunt et furántur. Thesaurizáte autem vobis thesáuros in cælo : ubi neque ærúgo neque tínea demólitur ; et ubi fures non effódiunt nec furántur. Ubi enim est thesáurus tuus, ibi est et cor tuum.En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples : lorsque vous jeûnez, ne prenez pas un air sombre, comme les hypocrites, qui exténuent leur visage, pour faire paraître aux hommes qu’ils jeûnent ; en vérité, je vous le dis, ils ont reçu leur récompense. Pour toi, quand tu jeûnes, parfume ta tête et lave ton visage, afin qu’il ne paraisse pas aux hommes que tu jeûnes, mais à ton Père qui est présent dans le secret ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra. Ne vous amassez pas des trésors sur la terre, où les voleurs percent les murs et dérobent. Mais amassez-vous des trésors dans le ciel, où ni la teigne ni les vers ne consument, et où les voleurs ne percent pas les murs ni ne dérobent. Car là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur.
Ant. ad Offertorium. Ps. 29,2-3.Offertoire
Exaltábo te, Dómine, quóniam suscepísti me, nec delectásti inimícos meos super me : Dómine, clamávi ad te, et sanásti me.Je vous exalterai, Seigneur, parce que vous m’avez relevé et que vous n’avez pas réjoui mes ennemis à mon sujet. Seigneur, j’ai crié vers vous et vous m’avez guéri.
Secreta.Secrète
Fac nos, quǽsumus, Dómine, his munéribus offeréndis conveniénter aptári : quibus ipsíus venerábilis sacraménti celebrámus exórdium. Per Dóminum.Nous vous en supplions, Seigneur, faites que nous soyons préparés comme il convient à vous offrir ces dons avec lesquels nous célébrons l’institution de ce vénérable sacrement.
Præfatio de Quadragesima ; quæ dicitur usque ad Sábbatum ante Dominicam Passionis inclusive, iuxta Rubricas.. Préface du Carême jusqu’au samedi avant le dimanche de la Passion inclus, selon les rubriques.
Ant. ad Communionem. Ps. 1, 2 et 3.Communion
Qui meditábitur in lege Dómini die ac nocte, dabit fructum suum in témpore suo.Celui qui médite jour et nuit la loi du Seigneur donnera du fruit en son temps.
Postcommunio.Postcommunion
Percépta nobis, Dómine, prǽbeant sacraménta subsídium : ut tibi grata sint nostra ieiúnia, et nobis profíciant ad medélam. Per Dóminum nostrum.Que les sacrements que nous avons reçus nous donnent, Seigneur, le secours, afin que nos jeûnes vous soient agréables, et servent à notre guérison.
Deinde Sacerdos absolute dicit : Orémus. Et Diaconus (si in officio Diaconatus serviat) versus ad populum, iunctis manibus, dicit : Humiliáte cápita vestra Deo.Alioquin ipse Sacerdos, stans in eodem loco ante librum, et non vertens se ad populum.Ensuite le prêtre dit : Prions.Et le diacre (s’il accomplit son office) tourné vers le peuple, les mains jointes, dit : Humiliez vos têtes devant Dieu. Autrement, c’est le prêtre lui-même, debout au même endroit devant le livre et sans se tourner vers le peuple qui le dit.
Oratio.
Inclinántes se, Dómine, maiestáti tuæ, propitiátus inténde : ut, qui divíno múnere sunt refécti, cæléstibus semper nutriántur auxíliis. Per Dóminum.Jetez un regard favorable, ô Seigneur, sur ceux qui s’inclinent devant votre majesté, afin que ceux qui ont été nourris de vos dons divins soient toujours soutenus par les secours célestes.

Office

Lectio i1ère leçon
Léctio sancti Evangélii secundum Matthǽum.Lecture du saint Évangile selon saint Matthieu
Cap. 6, 16-21
In illo témpore : Dixit Iesus discípulis suis : cum ieiunátis, nolíte fíeri sicut hypócritæ, tristes. Et réliqua.En ce temps-là Jésus dit à ses disciples : Lorsque vous jeûnez, ne vous montrez pas tristes comme les hypocrites. Et le reste.
Homilía sancti Augustíni EpiscopiHomélie de saint Augustin, Évêque.
Liber 2 de Sermóne Dómini in monte, cap. 12 tom. 4
Maniféstum est, his præcéptis omnem nostram intentiónem in interióra gáudia dírigi : ne foris quæréntes mercédem, huic sǽculo conformémur, et amittámus promissiónem tanto solidióris atque firmióris, quanto interióris beatitúdinis, qua nos elégit Deus confórmes fíeri imáginis Fílii sui. In hoc autem capítulo máxime adverténdum est, non in solo rerum corporeárum nitóre atque pompa, sed étiam in ipsis sórdibus luctuósis esse posse iactántiam ; et eo periculosiórem, quo sub nómine servitútis Dei décipit.Il est manifeste que ces préceptes tendent à diriger toute notre intention vers les joies intérieures de peur qu’en cherchant au dehors notre récompense, nous ne prenions modèle sur le monde présent et ne perdions la promesse d’un bonheur d’autant plus solide et plus ferme qu’il est plus intérieur. Par cette promesse, « Dieu nous a prédestinés à être conformes à l’image de son Fils » (Rm 8, 29). Mais en ce chapitre de l’évangile, il faut surtout remarquer que ce n’est pas seulement dans l’éclat et le luxe des choses corporelles mais jusque dans le négligé d’une tenue de deuil qu’il peut y avoir jactance et avec d’autant plus de danger qu’elle trompe sous l’étiquette du service de Dieu.
R/. Veni hódie ad fontem aquæ, et orávi Dóminum, dicens : * Dómine, Deus Abraham, tu prósperum fecísti desidérium meum.R/. Je suis venu aujourd’hui près de la source d’eau, et j’ai prié le Seigneur en disant : * Seigneur, Dieu d’Abraham, vous avez accompli mon désir.
V/. Igitur puélla, cui dixero, Da mihi aquam de hýdria tua, ut bibam : et illa díxerit, Bibe, dómine, et camélis tuis potum tríbuam : ipsa est, quam præparávit Dóminus fílio dómini mei.V/. La jeune fille donc à qui je dirai : Donne-moi de l’eau de ta cruche, pour que je boive, et qui me dira : Buvez, seigneur, et je puiserai de l’eau pour vos chameaux ; c’est celle-là que le Seigneur a préparée au fils de mon maître.
R/. Dómine, Deus Abraham, tu prósperum fecísti desidérium meum.R/. Seigneur, Dieu d’Abraham, vous avez accompli mon désir.
Lectio ii2e leçon
Qui ergo immoderáto cultu córporis atque vestítu, vel ceterárum rerum nitóre præfúlget, fácile convíncitur rebus ipsis, pompárum sǽculi esse sectátor, nec quemquam fallit dolósa imágine sanctitátis. Qui autem in professióne christianitátis, inusitáto squalóre ac sórdibus inténtos in se óculos hóminum facit, cum id voluntáte fáciat, non necessitáte patiátur : ex céteris eius opéribus potest cónici, utrum hoc contémptu supérflui cultus, an ambitióne aliqua fáciat : quia et sub ovína pelle cavéndos lupos Dóminus præcépit : Sed ex frúctibus, inquit, eórum cognoscétis eos.Celui-là donc qui éblouit par un culte immodéré du corps et du vêtement et par le clinquant d’autres objets est du fait même facilement convaincu d’être un adepte des pompes du siècle. Personne ne se laissera prendre à ses simagrées de sainteté. Que dire de celui qui dans sa profession de christianisme attire sur lui les regards des hommes par une malpropreté hors de mise et cela volontairement sans y être réduit par la nécessité ? L’ensemble de sa conduite prouvera s’il agit de la sorte par mépris d’un luxe superflu ou par une certaine ostentation. Le Seigneur en effet nous recommande de nous garder des loups qui viennent à nous déguisés en brebis. « Vous les reconnaîtrez à leurs fruits » [1], dit-il.
R/. Factus est sermo Dómini ad Abram, dicens : * Noli timére, Abram : ego protéctor tuus sum, et merces tua magna nimis.R/. La parole du Seigneur se fit entendre à Abram, disant : * Ne crains pas, Abram, je suis ton protecteur et ta récompense grande à l’infini.
V/. Ego enim sum Dóminus Deus tuus, qui edúxi te de Ur Chaldæórum.V/. Je suis le Seigneur ton Dieu qui t’ai fait sortir d’Ur des Chaldéens.
R/. Noli timére, Abram : ego protéctor tuus sum, et merces tua magna nimis.R/. Ne crains pas, Abram, je suis ton protecteur et ta récompense grande à l’infini.
Lectio iii3e leçon
Cum enim cœperint aliquibus tentatiónibus ea ipsa scílicet illis súbtrahi, vel negári, quæ isto velámine vel consecúti sunt, vel cónsequi cúpiunt : tunc necésse est ut appáreat, utrum lupus in ovína pelle sit, an ovis in sua. Non tamen proptérea ornátu supérfluo debet aspéctus hóminum mulcére Christiánus, quia illum parcum hábitum ac necessárium étiam simulatóres sǽpius usúrpant, ut incáutos decípiant : quia et illæ oves non debent pelles suas depónere, si aliquándo eis lupi se cóntegant.Lorsque, par suite de quelques épreuves, ils commenceront à se voir dépouillés et privés des avantages que, sous couvert d’austérité, ils avaient obtenus ou désiraient obtenir, alors apparaîtra nécessairement s’il y avait un loup dans la peau de la brebis ou une brebis dans la sienne ! Mais il ne faut pas pour cela qu’un chrétien cherche à flatter les regards des hommes par les ornements superflus, sous prétexte que les hypocrites aussi usurpent trop souvent cet extérieur austère et contraint afin de tromper les naïfs, car les brebis ne doivent pas se dépouiller de leur peau si parfois les loups s’en revêtent.
R/. Movens Abram tabernáculum suum, venit et habitávit iuxta convállem Mambre : * Ædificavítque ibi altáre Dómino.R/. Levant sa tente, Abram vint et habita près de la vallée de Mambré, * Et il bâtit là un autel au Seigneur.
V/. Dixit autem Dóminus ad eum : Leva óculos tuos, et vide : omnem terram, quam cónspicis tibi dabo, et sémini tuo in sempitérnum.V/. Or le Seigneur lui dit : Lève les yeux et vois ; tout le pays que tu aperçois, je te le donnerai, à toi et à ta postérité pour toujours.
* Ædificavítque ibi altáre Dómino. Glória Patri. * Ædificavítque ibi altáre Dómino.* Et il bâtit là un autel au Seigneur. Gloire au Père. * Et il bâtit là un autel au Seigneur.

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

Hier le monde s’agitait dans ses plaisirs, les enfants de la promesse eux-mêmes se livraient à des joies innocentes ; dès ce matin, la trompette sacrée dont parle le Prophète a retenti [2]. Elle annonce l’ouverture solennelle du jeûne quadragésimal, le temps des expiations, l’approche toujours plus imminente des grands anniversaires de notre salut. Levons-nous donc, chrétiens, et préparons-nous à combattre les combats du Seigneur.

Mais, dans cette lutte de l’esprit contre la chair, il nous faut être armés, et voici que la sainte Église nous convoque dans ses temples, pour nous dresser aux exercices de la milice spirituelle. Déjà saint Paul nous a fait connaître en détail toutes les parties de notre défense : « Que la vérité, nous a-t-il dit, soit votre ceinture, la justice votre cuirasse, la docilité à l’Évangile votre chaussure, la foi votre bouclier, l’espérance du salut le casque qui protégera votre tête [3] ». Le Prince des Apôtres vient lui-même, qui nous dit : « Le Christ a souffert dans sa chair ; armez-vous de cette pensée [4] ». Ces enseignements apostoliques, l’Église aujourd’hui nous les rappelle ; mais elle en ajoute un autre non moins éloquent, en nous forçant à remonter jusqu’au jour de la prévarication, qui a rendu nécessaires les combats auxquels nous allons nous livrer, les expiations par lesquelles il nous faut passer.

Deux sortes d’ennemis sont déchaînés contre nous : les passions dans notre cœur, les démons au dehors ; l’orgueil a fait tout ce désordre. L’homme a refusé d’obéir à Dieu ; toutefois, Dieu l’a épargné, mais à la dure condition de subir la mort. Il a dit : « Homme, tu n’es que poussière, et tu rentreras dans la poussière [5] ». Oh ! Pourquoi avons-nous oublié cet avertissement ? À lui seul il eût suffi pour nous prémunir contre nous-mêmes ; pénétrés de notre néant, nous n’eussions jamais osé enfreindre la loi de Dieu. Si maintenant nous voulons persévérer dans le bien, où la grâce du Seigneur nous a rétablis, humilions-nous ; acceptons la sentence, et ne considérons plus la vie que comme un chemin plus ou moins court qui aboutit au tombeau. A ce point de vue, tout se renouvelle, tout s’éclaire. L’immense bonté de Dieu qui a daigné attacher son amour à des êtres dévoués à la mort, nous apparaît plus admirable encore ; notre insolence et notre ingratitude envers celui que nous avons bravé, durant ces quelques instants de notre existence, nous semble de plus en plus digne de regrets, et la réparation qu’il nous est possible de faire, et que Dieu daigne accepter, plus légitime et plus salutaire.

Tel est le motif qui porta la sainte Église, lorsqu’elle jugea à propos, il y a plus de mille ans, d’anticiper de quatre jours le jeûne quadragésimal, à ouvrir cette sainte carrière en marquant avec la cendre le front coupable de ses enfants, et en redisant à chacun les terribles paroles du Seigneur qui nous dévouent à la mort. Mais l’usage de la cendre, comme symbole d’humiliation et de pénitence, est bien antérieur à cette institution, et nous le trouvons déjà pratiqué dans l’ancienne alliance. Job lui-même, au sein de la gentilité, couvrait de cendres sa chair frappée par la main de Dieu, et implorait ainsi miséricorde, il y a quatre mille ans [6]. Plus tard, le Roi-Prophète, dans l’ardente contrition de son cœur, mêlait la cendre au pain amer qu’il mangeait [7] ; les exemples analogues abondent dans les Livres historiques et dans les Prophètes de l’Ancien Testament. C’est que l’on sentait dès lors le rapport qui existe entre cette poussière d’un être matériel que la flamme a visité, et l’homme pécheur dont le corps doit être réduit en poussière sous le feu de la justice divine. Pour sauver du moins l’âme des traits brûlants de la vengeance céleste, le pécheur courait à la cendre, et reconnaissant sa triste fraternité avec elle, il se sentait plus à couvert de la colère de celui qui résiste aux superbes et veut bien pardonner aux humbles.

Dans l’origine, l’usage liturgique de la cendre, au Mercredi de la Quinquagésime, ne paraît pas avoir été appliqué à tous les fidèles, mais seulement à ceux qui avaient commis quelqu’un de ces crimes pour lesquels l’Église infligeait la pénitence publique. Avant la Messe de ce jour, les coupables se présentaient à l’église où tout le peuple était rassemblé. Les prêtres recevaient l’aveu de leurs péchés, puis ils les couvraient de cilices et répandaient la cendre sur leurs têtes.

Après cette cérémonie, le clergé et le peuple se prosternaient contre terre, et on récitait à haute voix les sept psaumes pénitentiaux. La procession avait lieu ensuite, à laquelle les pénitents marchaient nu-pieds. Au retour, ils étaient solennellement chassés de l’église par l’Évêque, qui leur disait : « Voici que nous vous chassons de l’enceinte de l’Église, à cause de vos péchés et de vos crimes, comme Adam, le premier homme, fut chassé du Paradis, à cause de sa transgression ». Le clergé chantait ensuite plusieurs Répons tirés de la Genèse, dans lesquels étaient rappelées les paroles du Seigneur condamnant l’homme aux sueurs et au travail, sur cette terre désormais maudite. On fermait ensuite les portes de l’église, et les pénitents n’en devaient plus franchir le seuil que pour venir recevoir solennellement l’absolution, le Jeudi-Saint.

Après le XIe siècle, la pénitence publique commença à tomber en désuétude ; mais l’usage d’imposer les cendres à tous les fidèles, en ce jour, devint de plus en plus général, et il a pris place parmi les cérémonies essentielles de la Liturgie romaine. Autrefois, on s’approchait nu-pieds pour recevoir cet avertissement solennel du néant de l’homme, et, encore au XIIe siècle, le Pape lui-même, se rendant de l’Église de Sainte-Anastasie à celle de Sainte-Sabine où est la Station, faisait tout ce trajet sans chaussure, ainsi que les Cardinaux qui l’accompagnaient. L’Église s’est relâchée de cette rigueur extérieure ; mais elle n’en compte pas moins sur les sentiments qu’un rite aussi imposant doit produire en nous.

BÉNÉDICTION DES CENDRES

Ainsi que nous venons de le dire, la Station, à Rome, est aujourd’hui à Sainte-Sabine, sur le Mont-Aventin. C’est sous les auspices de cette sainte Martyre que s’ouvre la pénitence quadragésimale.

La fonction sacrée commence par la bénédiction des cendres que l’Église va imposer sur nos fronts. Ces cendres sont faites des rameaux qui ont été bénis l’année précédente, au Dimanche qui précède la Pâque. La bénédiction qu’elles reçoivent dans ce nouvel état a pour but de les rendre plus dignes du mystère de contrition et d’humilité qu’elles sont appelées à signifier.

Le chœur chante d’abord l’Antienne, qui implore la divine miséricorde.

Le Prêtre, à l’autel, ayant près de lui les cendres mystérieuses, prononce les Oraisons par lesquelles il demande à Dieu d’en faire pour nous un moyen de sanctification.

Après ces Oraisons, le Prêtre asperge les cendres avec l’eau bénite, puis il les parfume avec l’encens. Ces rites étant accomplis, il reçoit lui-même de ces cendres sur la tête par la main du prêtre le plus qualifié dans le clergé qui dessert l’église. Celui-ci les reçoit à son tour du célébrant qui, après les avoir imposées aux ministres de l’autel et au reste du clergé, les distribue au peuple.

Lorsque le Prêtre s’approchera pour vous marquer du sceau de la pénitence, acceptez avec soumission l’arrêt de mort que Dieu lui-même prononcera sur vous : « Homme, souviens-toi que tu es poussière, et que tu rentreras dans la poussière ».

Humiliez-vous, et rappelez-vous que c’est pour avoir voulu être comme des dieux, préférant notre volonté à celle du souverain Maître, que nous avons été condamnés à mourir. Songeons à cette longue suite de péchés que nous avons ajoutés à celui d’Adam, et admirons la clémence de Dieu qui se contentera d’une seule mort pour tant de révoltes.

Pendant la distribution des cendres, le chœur chante deux Antiennes et un Répons.

La distribution des cendres étant terminée, le Prêtre conclut par l’Oraison suivante : « Accordez-nous, Seigneur, d’entrer par de saints jeûnes dans les rangs de la milice chrétienne, de sorte qu’ayant à lutter contre les esprits mauvais, nous soyons munis des secours que procure l’abstinence. »

A LA MESSE

Rassurée par l’acte d’humilité qu’elle vient d’accomplir, l’âme chrétienne se laisse aller à la confiance envers le Dieu de miséricorde. Elle ose lui rappeler son amour pour les hommes qu’il a créés, et la longanimité avec laquelle il a daigné attendre leur retour à lui. Ces sentiments sont le sujet de l’Introït, dont les paroles sont empruntées au livre de la Sagesse.

Dans la Collecte, l’Église demande pour ses enfants que la salutaire pratique du jeûne soit par eux accueillie avec empressement, et qu’ils y persévèrent pour le bien de leurs âmes.

ÉPITRE.

Ce magnifique passage du Prophète nous révèle l’importance que le Seigneur attache à l’expiation par le jeûne. Quand l’homme contrit de ses péchés afflige sa chair, Dieu se laisse fléchir. L’exemple de Ninive l’a prouvé ; et si le Seigneur pardonna à une ville infidèle, par cela seul que ses habitants imploraient sa pitié sous les livrées de la pénitence, que ne fera-t-il pas en faveur de son peuple, qui sait joindre à l’immolation du corps le sacrifice du cœur ? Entrons donc avec courage dans la voie de la pénitence ; et si l’affaiblissement des sentiments de la foi et de la crainte de Dieu semble faire tomber autour de nous des pratiques qui sont aussi anciennes que le christianisme, et sur lesquelles il est pour ainsi dire fondé, gardons-nous d’abonder dans Je sens d’un relâchement qui a porté un terrible préjudice à l’ensemble des mœurs chrétiennes. Songeons surtout à nos engagements personnels avec la justice divine qui ne nous remettra nos fautes et les peines qu’elles méritent, qu’autant que nous nous montrerons empressés à lui offrir la satisfaction à laquelle elle a droit. Nous venons de l’entendre : notre corps que nous flatterions n’est que cendre et poussière, et notre âme, que nous serions si souvent portés à lui sacrifier, a des droits à réclamer contre lui.

L’Église, dans le Graduel, continue d’épancher les sentiments de sa confiance envers le Dieu de toute bonté ; elle se flatte que ses enfants seront fidèles aux moyens qu’elle leur propose pour le désarmer.

Le Trait est cette belle prière de David, que l’Église répète trois fois par semaine, dans le cours du Carême, et qu’elle emploie pour désarmer la colère de Dieu dans les temps de calamités.

ÉVANGILE.

Notre Seigneur ne veut pas que nous recevions l’annonce du jeûne expiatoire comme une nouvelle triste et affligeante. Le chrétien qui comprend combien il est dangereux pour lui d’être en retard avec la justice de Dieu, voit arriver le temps du Carême avec joie et consolation. Il sait à l’avance que s’il est fidèle aux prescriptions de l’Église, il allégera le fardeau qui pèse sur lui. Ces satisfactions, si adoucies aujourd’hui par l’indulgence de l’Église, étant offertes à Dieu avec celles du Rédempteur lui-même, et fécondées par cette communauté qui réunit en un faisceau de propitiation les saintes œuvres de tous les membres de l’Église militante, purifieront nos âmes et les rendront dignes de participer aux joies si pures de la Pâque. Ne soyons donc pas tristes de ce que nous jeûnons ; soyons-le seulement d’avoir, par le péché, rendu notre jeûne nécessaire. Le Sauveur nous donne un second conseil que l’Église nous répétera souvent dans tout le cours de la sainte Quarantaine : celui de joindre l’aumône aux privations du corps. Il nous engage à thésauriser, mais pour le ciel. Nous avons besoin d’intercesseurs : cherchons-les parmi les pauvres.

Dans l’Offertoire, l’Église chante notre délivrance. Elle se réjouit de voir déjà guéries les plaies de nos âmes ; car elle compte sur notre persévérance.

L’Église commence aujourd’hui l’usage de la Préface quadragésimale.

Les paroles que l’Église fait entendre dans l’Antienne de la Communion sont un conseil important qu’elle nous donne. Durant cette longue carrière, nous aurons besoin de soutenir notre courage ; méditons la loi du Seigneur et ses mystères. Si nous goûtons la Parole de Dieu que l’Église nous proposera chaque jour, la lumière et l’amour iront toujours croissant en nos cœurs, et lorsque le Sauveur sortira des ombres du sépulcre, ses clartés se réfléchiront sur nous.

Tous les jours du Carême, excepté les Dimanches, avant de congédier l’assemblée des fidèles , le Prêtre prononce sur eux une Oraison particulière, qui est toujours précédée de cet avertissement solennel : Humiliate capita vestra Deo. Humiliez vos têtes devant Dieu.

Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

Depuis le temps de saint Grégoire, ce jour inaugure à Rome la sainte quarantaine, et il est aussi appelé in capite ieiunii ; au IVe siècle, il marquait le commencement de la pénitence canonique que les pénitents publics devaient accomplir, afin d’être absous le jeudi saint. Selon les rituels du VIIe siècle, le matin de ce jour, les pénitents se présentaient aux prêtres députés à ce ministère dans les différents titres et dans les basiliques patriarcales ; ils leur confessaient leurs fautes, et si celles-ci avaient été graves et publiques, ils recevaient des mains du pénitencier un vêtement de cilice rugueux couvert de cendre, avec l’ordre de se retirer dans l’un des monastères, — une centaine environ s’élevaient alors dans la Ville éternelle, — afin d’accomplir la pénitence de cette quarantaine qui leur était imposée. Voilà l’origine des quarantaines qu’on retrouve dans les anciennes formules de concessions d’indulgences.

Pour le rite de la bénédiction des cendres, le missel actuel conserve encore une dernière trace de la cérémonie de l’imposition de la pénitence canonique aux pénitents publics. A l’origine, le concept de la sainteté transcendante de l’état sacerdotal était si élevé et si vif, que les ministres sacrés n’étaient pas admis dans cette humiliante catégorie. Ce fut vers le XIe siècle que, dans la cérémonie de ce jour, la discipline de la pénitence publique ayant cessé, aux pénitents d’autrefois se substituèrent indistinctement le Pape, les membres du clergé et le peuple romain, qui commencèrent dès lors à marcher pieds nus, et la tête couverte de cendre, jusqu’à la basilique de Sainte-Sabine.

Au IXe siècle, l’imposition des cendres était encore un rite pénitentiel formant un tout à lui seul, sans aucune relation avec la station eucharistique. Vers la septième heure, — c’est-à-dire quand le Romain s’apprêtait à terminer sa journée civile de travail, pour aller prendre son bain aux thermes et se disposer ensuite à la coena, qui constituait le principal repas de tout le jour, — le peuple, ayant à sa tête le Pape et le clergé, se rassemblait d’abord dans le titre d’Anastasie, dans l’étroite vallée comprise entre le Palatin et l’Aventin, et, de là, au chant plaintif de la litanie, il se dirigeait processionnellement vers la basilique de Sabine. Quand on y était arrivé, l’introït étant omis puisqu’il avait déjà été exécuté dans le temple de la « collecte », on célébrait le sacrifice eucharistique ; après la dernière prière de bénédiction, à l’invitation du diacre : ite, missa est, les fidèles rentraient chez eux et rompaient le jeûne.

Au XIIe siècle, ce rite apparaît beaucoup plus développé dans l’Ordo Romanus du chanoine Benoît. Le Pontife imposait d’abord les cendres dans le titre d’Anastasie, puis, en habits de pénitence et nu-pieds, le cortège gravissait les pentes douces de l’Aventin, jusqu’à la basilique de Sabine, où se célébrait la messe. Avant la communion, un sous-diacre régionnaire avertissait le peuple : « Crastina die veniente, statio erit in ecclesia Sancti Georgii Martyris ad velum aureum » [8], et tous répondaient : Deo gratias.

Si le Pape était retenu par des occupations urgentes dans l’episcopium du Latran, un acolyte, après la messe, trempait un peu de coton dans l’huile parfumée des lampes qui brûlaient devant l’autel de l’église stationnale, et, se rendant au patriarchium, il se faisait introduire en présence du Pontife : Iube, domne, benedicere, lui disait respectueusement le clerc. Ayant obtenu la bénédiction, il présentait le coton en ajoutant : « hodie fuit statio ad Sanctam Sabinam, quae salutat te » [9]. Le Pape baisait alors avec révérence ce flocon de coton, et le remettait au cubiculaire, pour que, après sa mort, on le mît dans son coussin funèbre. Ainsi avait-on coutume de faire toutes les fois que le Pontife n’intervenait pas à la station.

Collecte ou assemblée à Sainte-Anastasie.

Telle est précisément la signification de cette collecta, qui, dans les anciens Ordines Romani, est indiquée régulièrement pour chaque jour du Carême.

Le psaume d’introït est le 68e, avec l’antienne : « Écoutez-nous, Seigneur, car votre miséricorde est bienveillante ; regardez-nous selon la grandeur de votre bonté. »

Les prières viennent ensuite (Voir les textes de la bénédiction des cendres plus haut)

Ces prières ne se trouvent pas dans les anciens sacramentaires romains, aussi convient-il de penser qu’elles ont pénétré plus tard dans le missel romain au moyen des liturgies franques.

Selon une tradition médiévale, les cendres proviennent des rameaux d’olivier bénits l’année précédente. Le prêtre, après avoir récité sur elles ces prières, les asperge d’eau bénite et les encense ; puis il les impose sur la tête des fidèles en disant : « Souviens-toi, ô mortel, que tu es poussière et que tu retourneras en poussière. » Durant l’imposition des cendres, la « schola » des chantres exécute les antiennes et les répons, tirés de l’office nocturne du Carême.

Quand l’imposition des cendres est accomplie, le prêtre récite la prière de conclusion.

Dans les Ordines Romani du bas moyen âge, il est prescrit que, après l’imposition générale des cendres sur la tête du clergé et des fidèles, l’on monte en procession et nu-pieds la colline de l’Aventin jusqu’à la basilique de Sainte-Sabine, sous le portique de laquelle était alors un petit cimetière. Ces tombes, en un tel lieu, éveillaient tout de suite la pensée de la mort, et c’est pourquoi la schola chantait le répons funèbre : Immutemur habitu... ne subito preoccupati die mortis... conservé encore aujourd’hui dans le missel. Le cortège faisait alors un arrêt de brève durée, pour permettre au Pape de réciter une collecte d’absolution sur ces sépulcres ; puis il faisait son entrée dans la vaste basilique de l’Aventin, au chant du répons : Petre, amas me ? avec le verset : Simon Ioannis..., en l’honneur du Prince des Apôtres. Cette mémoire de saint Pierre, à ce moment de la cérémonie, est étrange ; à moins que ce ne soit un usage papal provenant de la basilique Vaticane et répété chaque fois que, traversant le portique où étaient les sépulcres, on y entrait processionnellement ; peut-être a-t-il été suggéré par le fait que, au XIIIe siècle, la résidence pontificale était à Sainte-Sabine, et, pour cette raison, cette basilique était considérée comme le siège habituel du successeur de saint Pierre.

Station au titre de Sabine.

Il fut fondé ou reconstruit sous Célestin Ier par un certain Pierre, prêtre illyrien, mais une femme appelée Sabine dut y contribuer elle aussi, en sorte que la basilique reçut son nom, avant même que l’on y transportât, de l’area Vindiciani, les restes de la martyre homonyme, Sabine.

Grégoire le Grand y intima sa fameuse litanie Septiformis de pénitence, et, au moyen âge, l’habitation qui y est annexée servit plusieurs fois de demeure au Pontife. Le pape Silvère y habitait quand il fut exilé de Rome par Bélisaire ; Honorius III (Savelli) la munit de murailles et de tours qui subsistent en partie aujourd’hui encore ; et à la mort d’Honorius IV, les cardinaux s’y réunirent pour le conclave qui dura une année environ.

Après ce temps, le prestige de la résidence pontificale sur l’Aventin décrut peu à peu, et l’ancien palais fortifié devint finalement l’asile paisible des Frères Prêcheurs, qui, maintenant encore, montrent avec vénération aux visiteurs les cellules jadis sanctifiées par la résidence de saint Dominique et de saint Pie V.

Sous l’autel majeur, avec les ossements de sainte Sabine et de sainte Sérapie, l’on conserve les corps des martyrs de Ficulea sur la voie Nomentane : Alexandre, Eventius et Théodule.

L’introït de la messe est tiré du chapitre XI de la Sagesse (vers. 24-27), où il est attesté qu’aucun pécheur, quelque impie qu’il soit, n’est jamais exclu de la miséricorde divine, qui regarde non le péché, œuvre de l’homme, mais la créature, œuvre et chef-d’œuvre de Dieu : « Vous, Seigneur, vous avez pitié de tous, et vous n’avez de haine contre rien de ce que vous avez créé ; en raison de la pénitence, vous dissimulez la vue des péchés des hommes, et vous les épargnez, parce que vous, Seigneur, vous êtes notre Dieu. »

La prière veut consacrer les prémices du jeûne de ce jour : « Faites que vos fidèles entreprennent ce cours solennel de pénitence avec la piété convenable, et que, pleins de confiance, ils le mènent à bonne fin. »

On y ajoute [10] deux autres collectes assez anciennes, et d’une profonde signification théologique, spécialement la seconde, qui touche au mystère si obscur de la prédestination. La première implore l’intercession des saints : « Défendez-nous, Seigneur, de tout péril de l’âme et du corps ; et, par les prières de la bienheureuse et glorieuse Marie, mère de Dieu, vierge sans tache, du bienheureux Joseph, des bienheureux apôtres Pierre et Paul, du bienheureux N. et de tous les saints, accordez-nous dans votre bonté le salut et la paix ; afin que, toute hostilité ou erreur étant écartée, l’Église puisse vaquer à votre service, dans la paix et dans la liberté. »

La seconde collecte, qui est pour les besoins particuliers des chrétiens, se trouve souvent sous le nom de saint Augustin dans les manuscrits : « O Dieu éternel et tout-puissant, qui avez l’empire sur les vivants et sur les morts, et qui faites miséricorde à tous ceux que vous connaissez déjà comme devant être vos élus à cause des mérites de leur foi et de leurs œuvres ; nous vous supplions par une humble prière, afin qu’à ceux pour qui nous avons l’intention d’intervenir par nos supplications, soit que la vie présente les retienne encore dans leurs corps, soit que, ayant déposé cette enveloppe mortelle, l’éternité les ait déjà accueillis, vous accordiez le pardon des péchés, par l’intercession de vos saints et dans la suavité de votre miséricorde. Par Jésus-Christ, etc. »

Le fruit de ce premier jour de jeûne est l’esprit d’intime contrition et de sincère retour à Dieu, les signes de pénitence extérieure étant inutiles, quand le cœur ne s’éloigne pas du péché. C’est précisément ce que nous enseigne Joël dans la lecture (II, 12-19). En signe de deuil et de douleur, les Hébreux avaient coutume de déchirer leurs vêtements, de s’arracher les cheveux, de se couvrir la tête de poussière, mais c’est bien autre chose que cherche le Seigneur, quand il envoie ses fléaux sur les peuples. Il entend alors les inviter à réformer leur vie, en leur arrachant violemment ces biens naturels, dont ils abusaient pour s’endurcir toujours davantage dans l’impiété.

Le répons-graduel est tiré du psaume 56 : « Ayez pitié de moi, Seigneur, ayez pitié de moi, car mon âme met en vous toute son espérance. Dieu envoya son secours du ciel et me délivra, remplissant de confusion mes persécuteurs. »

En règle générale, les messes quotidiennes n’avaient pas de trait ; celui qui est aujourd’hui assigné par le missel, et qui sera répété en Carême trois fois par semaine, est de structure plus récente et irrégulière, puisqu’il consiste en fragments d’hémistiches de différents psaumes. Il semble avoir été introduit dans la liturgie par le pape Hadrien Ier, qui ordonna de le réciter à la demande de Charlemagne [11]. Ps. 102 : « Seigneur, ne nous rémunérez pas selon les péchés que nous avons commis, et selon nos iniquités. » Ps. 78 : « Seigneur, ne vous souvenez pas des iniquités que nous avons commises, mais que votre miséricorde se hâte de nous aider, car nous sommes réduits à une grande misère. » Ici tous se prosternent : « O Dieu, notre salut, venez à notre secours, et, pour la gloire de votre Nom, délivrez-nous ; pour l’honneur de votre Nom, soyez indulgent pour nos fautes. »

La lecture évangélique vient ensuite (MATTH., VI, 16-21) ; le Sauveur y donne lui-même les règles pour jeûner avec fruit. L’humble sincérité du cœur, la sainte joie de l’esprit, la fuite de la vaine ostentation, voilà les conditions de la pénitence chrétienne. Jésus recommande en outre de recueillir des richesses, non pas celles qui peuvent nous être ravies par les voleurs, mais celles de la vie éternelle. En effet, se fatiguer jour et nuit, vivre péniblement pour amasser de l’argent, être toujours à craindre que les malfaiteurs nous le dérobent, être tourmentés par le chagrin d’avoir un jour à abandonner nos biens sur le seuil de l’éternité, tout cela n’est-il pas un travail ingrat, vanitas et afflictio spiritus comme dit l’Ecclésiaste ?

L’offertoire est tiré du psaume 29 : « Je vous célèbre, ô Dieu, qui m’avez délivré du péril, et qui n’avez pas voulu que mes ennemis fussent transportés de joie par ma ruine ; je vous ai invoqué, et vous m’avez sauvé. »

Dans la prière sur les oblations, nous supplions le Seigneur de nous accorder les dispositions convenables, afin que nous lui offrions ce sacrifice solennel qui inaugure les prémices du saint temps pascal. Dans l’ancienne terminologie liturgique, en effet, Pâques commençait précisément le jeudi saint par la Coena Domini ; de là vient que le sacrifice de ce premier jour du Carême est considéré, en une phrase fort élégante, comme le rite inaugural ou le prélude du cycle pascal : ipsius venerabilis sacramenti celebramus exordium.

A la Secrète, on ajoute les collectes suivantes [12] :

Pour demander l’intercession des saints :
« Écoutez notre prière, ô Dieu notre Sauveur, et, par l’efficacité de ce sacrifice, protégez-nous de tout péril de l’âme et du corps, et donnez-nous la grâce dans la vie présente et la gloire dans la vie future. »
Pour les vivants et les défunts :
« O Dieu à qui seul est connu le nombre de ceux qui devront être admis à la félicité éternelle ; faites, par l’intercession de vos saints, que les noms de ceux que nous avons résolu de vous recommander, comme aussi les noms de tous vos fidèles, soient écrits sans en être jamais effacés, dans le bienheureux livre des prédestinés. »

Cette dernière prière, qui pénétra dans le missel romain au moyen des liturgies franques, conserve un souvenir précieux de l’oratio post nomina, c’est-à-dire de la prière sacerdotale qui terminait, dans les Gaules et en certaines régions d’Italie, la lecture des diptyques avant que ne commençât le canon. On sait, en effet, qu’autrefois, les noms des offrants, des évêques, des personnages insignes avec lesquels chaque Église entretenait une pieuse union de prières, étaient inscrits sur les diptyques, que le diacre récitait à haute voix après l’offertoire, en sorte que le canon eucharistique n’en souffrait aucune interruption.

L’usage romain actuel, quoiqu’il représente une innovation, date toutefois de l’époque d’Innocent Ier, qui, écrivant à ce sujet à l’évêque Decentius de Gubbio, en soutient la légitimité dans un sens rigoureusement exclusiviste. Pourtant, quoique le Pontife proteste contre l’innovation liturgique supposée de l’Église de Gubbio, il est permis de soupçonner que ce fut Rome au contraire qui a changé ses diptyques de place.

Le verset pour le psaume de la Communion appartient au gracieux chant qui sert comme de préface à tout le psautier : « Celui qui, jour et nuit, médite la loi du Seigneur, portera du fruit en son temps. » (Ps. I, 3.)

Le psalmiste dit « en son temps » car, durant le Carême, l’on sème les jeûnes et les pénitences, mais le temps de récolter les fruits de la voie purgative est la sainte fête de Pâques, qui précisément nous initie aux mystères de la voie unitive.

La série des antiennes ad Communionem durant les messes fériales du Carême, est tirée du psautier dans l’ordre même des Psaumes, et constitue un cycle spécial. Les exceptions sont très rares, et représentent des additions postérieures. Dom Cagin, après avoir étudié soigneusement la question, a conclu que les deux messes des IVe et VIe féries de quinquagésime, avec les antiennes ad Communionem, tirées respectivement des psaumes I et 2, appartiennent vraiment au cycle grégorien primitif des messes quadragésimales.

Dans la préface, nous implorons aujourd’hui du Seigneur que le divin Sacrement nous protège, que nos jeûnes soient acceptés par Dieu, et servent aussi à nous guérir de nos vices.

On ajoute deux autres post-communion [13] ; la première, pour demander l’intercession des saints :
« Que l’offrande du divin Sacrifice nous protège et nous purifie, et que, par les mérites de la bienheureuse Vierge Marie, Mère de Dieu, du bienheureux Joseph, des bienheureux apôtres Pierre et Paul, du bienheureux N. et de tous les saints, elle nous purifie de toute tache et nous défende contre toute adversité. »
Pour les vivants et les défunts :
« Nous vous supplions, ô Dieu tout-puissant et miséricordieux, de nous purifier de nos fautes par le Sacrement que nous venons de recevoir. Faites que, par les prières de vos saints, la participation à vos Mystères ne nous soit pas imputée comme une faute, mais nous obtienne le pardon ; qu’elle nous purifie de toute souillure, qu’elle donne la vigueur à ceux qui sont faibles, qu’elle soit notre défense contre tous les périls de la vie présente, qu’elle remette les fautes des fidèles vivants et défunts. Par notre Seigneur. »

Il y avait un rite très ancien, appartenant à toutes les liturgies, même orientales, c’était celui de réciter, avant de renvoyer l’assemblée, des formules spéciales de bénédiction sur les catéchumènes, sur les pénitents, sur les fidèles, sur les vierges, etc., à la fin de toute synaxe. Souvent, à Jérusalem par exemple, à ces invocations était jointe l’imposition des mains par l’évêque ; si bien que, au dire de saint Augustin, les trois termes de bénédiction, oratio super hominem et imposition des mains du prêtre, devinrent synonymes. Dans les sacramentaires romains, cette collecte finale a pour titre : Ad complendum, et l’invitation précédente du diacre : Humiliate capita vestra Deo rappelle encore sa première signification euchologique.

Dans la liturgie romaine, ces formules de congé ad complendum se sont conservées seulement aux féries du Carême, à cause de leur caractère solennel et épiscopal. Lors des synaxes privées, et toutes les fois qu’il n’y avait pas station, une unique formule pouvait suffire : le prêtre la savait par cœur et la récitait chaque jour ; les copistes s’en tinrent là volontiers. C’est précisément la même raison qui fait que nous avons perdu, aux matines et à l’offertoire, les différentes missae ou prières, par lesquelles on congédiait autrefois les pénitents, les catéchumènes, les possédés, etc.

Nous avons déjà dit ailleurs combien le peuple tenait à ces bénédictions ; à ce point que, le pape Vigile ayant été arraché de l’autel de Sainte-Cécile tandis qu’il célébrait le dies natalis de la martyre dans sa basilique transtévérine, le peuple se souleva, exigeant que la barque qui devait conduire le prisonnier à Ostie pour le mener ensuite en exil à Constantinople, ne partît pas avant que Vigile ait récité la collecte ad complendum, laissant ainsi sa bénédiction aux Romains.

Le rite de la bénédiction qu’on donne maintenant au peuple après la formule de renvoi, représente une stratification postérieure. Elle dérive de ce fait que, quand le Pape retournait de l’autel au secretarium, les évêques, le clergé, les moines, etc. se prosternaient devant lui à son passage, lui demandant tous la bénédiction ; et lui, traçant le signe de la croix, leur répondait : Dominus nos benedicat.

La formule euchologique ad complendum d’aujourd’hui est très significative : « Regardez avec bienveillance, Seigneur, le peuple qui est prosterné devant votre majesté ; et, après avoir daigné le ranimer par le divin Sacrement, fortifiez-le sans cesse par la protection céleste. »

Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique

RASSEMBLEMENT A SAINTE-ANASTASIE
STATION A SAINTE-SABINE

Souviens-toi, ô homme, que tu es poussière.

Le jour des Cendres. La cérémonie liturgique se déroule en deux églises ; dans l’église de rassemblement, on bénit et on impose les cendres ; dans l’église de station, on célèbre la messe.

1. La bénédiction des Cendres. — La cérémonie à laquelle nous participons aujourd’hui n’est qu’un reste de l’action solennelle que l’évêque accomplissait autrefois avec les pénitents publics. Quiconque avait commis des fautes graves et publiques, devait, au début du Carême, accepter la pénitence publique ; ce fut l’usage ecclésiastique, du IVe au XIIe siècle. La pénitence publique consistait surtout dans l’exclusion de la participation à l’Eucharistie ; en outre, on accomplissait des œuvres de satisfaction ; prières, mortifications, aumônes. Avant de les exclure de la communauté ecclésiastique, on revêtait solennellement les pénitents de l’habit de pénitence et on leur couvrait la tête de cendre ; puis, l’évêque les conduisait hors de l’église, devant la porte. Cette « expulsion des pénitents « était une cérémonie saisissante qui constituait, pour les fidèles eux-mêmes, une prédication sérieuse. Plus tard, l’Église adoucit sa discipline pénitentielle ; désormais, la pénitence s’accomplit en secret. Cependant, depuis le Moyen Age, tous les fidèles acceptaient volontairement l’habit de pénitent et se faisaient imposer les cendres. Des rois et des empereurs, par exemple Charlemagne, allaient pieds nus, avec les autres fidèles, chercher les cendres bénites et entraient ainsi solennellement dans le temps de Carême.

A Rome, la bénédiction des cendres se faisait dans la basilique de Sainte-Anastasie. C’est dans cette église, située au centre, que l’on conservait les anciennes croix de station qui servaient aux processions. A l’entrée du clergé, on chantait un Introït qui indique l’esprit de la bénédiction des pénitents : sans doute, nous devons faire jaillir de notre âme les pensées et les sentiments les plus profonds de pénitence ; cependant, ces vagues de pénitence s’apaisent dans ces paroles de l’antienne : « car bienveillant est ton cœur éternel... » Viennent ensuite les quatre oraisons de bénédiction. Elles ont deux particularités : elles sont de plus en plus courtes et, dans chacune, s’atténue la sévérité de la pénitence. La première oraison est d’une belle construction ; elle se compose de trois parties et la partie médiane est divisée en quatre membres. Elle dit brièvement : que la cendre bénite soit, pour la communauté pénitente, un moyen de salut efficace, un sacramental pour le corps et l’âme. La seconde oraison s’étend sur le symbolisme de la cendre (la cendre symbolise notre nature pécheresse et périssable). La troisième oraison montre plus d’assurance ; elle implore d’abondantes bénédictions par le moyen de la croix de cendre. La quatrième oraison nous donne comme modèles les Ninivites pénitents.

Le prêtre distribue ensuite les cendres aux fidèles et, par là même, les bénit pour le temps de Carême qui commence. La cendre provient des rameaux bénits du dimanche des Rameaux de l’année précédente. « Souviens-toi, ô homme, que tu es poussière et que tu retourneras en poussière. » Rappelons-nous que ces paroles furent prononcées pour la première fois au paradis terrestre et adressées à nos premiers parents — ce fut le premier et triste mercredi des cendres de l’humanité. Pendant la distribution des cendres, le chœur chante des chants pénétrés des graves sentiments de pénitence. Le prêtre chante, ensuite, une magnifique oraison (l’antique collecte) ; on sait que cette oraison était récitée dans l’église de rassemblement (collecta) ; d’où son nom. L’Église rassemble ses enfants en compagnies de combat ; chaque paroisse est une escouade ; tous s’en vont, en ordre, occuper leur poste (statio) et « combattre contre les Esprits du mal » ; les armes défensives sont « les exercices de l’abstinence ».

2. La messe (Misereris). — Notre escouade se rend aujourd’hui à la station de Sainte-Sabine. C’est près de son tombeau et sous sa protection que nous commençons le combat du Carême. Sainte Sabine fut une martyre (v. 29 août). Convertie par sa servante, elle confessa courageusement sa foi et versa son sang pour elle. Elle est aujourd’hui notre modèle et notre alliée dans le combat. La messe est tout à fait conforme à nos sentiments. L’impression générale est exprimée dans l’Introït : la confiance dans la miséricorde de Dieu (la pénitence chrétienne est toujours pénétrée de confiance). L’oraison demande que les fidèles célèbrent convenablement « les vénérables solennités du jeûne » et les continuent avec persévérance. Nous demandons donc deux choses : un bon commencement et la persévérance. La leçon est saisissante ; c’est une scène de pénitence tirée de l’Ancien Testament. On insiste sur deux points : la pénitence intérieure et la pénitence commune : « Convertissez-vous à moi de tout votre cœur. » Tous les états doivent prendre part à la pénitence : les enfants, les jeunes gens, les gens mariés, les prêtres ; ce ne doit pas être une pénitence individuelle, mais une pénitence commune. Pour finir, nous jetons un regard sur Pâques.

Pour la première fois, nous chantons le Trait de Carême, qui nous accompagnera pendant tout ce saint temps. L’Évangile est un extrait de la prédication de pénitence du Christ. Le Christ parle du jeûne secret et découvre, par là, la plus grande plaie de l’âme, la recherche de soi-même qui trouve le moyen de s’introduire même dans le jeûne et la pénitence. Si l’on compare les deux lectures, on pourrait presque y découvrir un contraste : ici, le jeûne de la communauté ; là, le jeune en dehors de la communauté. Telle n’est pas cependant l’intention de l’Église ; ce qu’elle veut, c’est montrer et faire éviter les dangers qui résultent de la communauté. L’Évangile élève nos esprits des trésors terrestres aux trésors célestes. Le Carême est précisément le temps qui convient pour amasser ces trésors, par la prière, le jeûne, l’aumône, la pénitence.

La seule pièce de cette messe que nous avons quelque peine à accorder avec nos sentiments est l’antienne de l’Offertoire. C’est un chant pascal, un chant de victoire (Ps. 29). C’était sans doute l’action de grâces des fidèles : alors que les pénitents devaient quitter la maison de Dieu, les fidèles, qui étaient restés exempts de la souillure du péché, pouvaient rester et assister maintenant au Saint-Sacrifice. A la Communion, nous commençons le premier psaume ; nous continuerons la série des psaumes pendant tout le Carême. L’antienne recommande « la méditation de la Loi, jour et nuit » ; elle nous annonce aussi le fruit « en temps opportun » c’est-à-dire à Pâques. L’oraison sur le peuple (oratio super populum), que nous réciterons désormais tous les jours, est un héritage liturgique vénérable.

3. Le jeûne qui plait à Dieu. — Telle est à peu près la pensée unique de ce jour :
- a) motifs du jeûne (Leçon),
- b) l’âme du jeûne (Évangile),
- c) valeur du jeûne (Préface).

Le motif le plus profond du jeûne est le péché, c’est pourquoi, aussi, il n’a de valeur que s’il est uni à l’aversion du péché. Le sens de tout le temps de Carême et de la cérémonie de pénitence d’aujourd’hui est la réforme de la vie. Le jeûne ne vaut pas par lui-même, ce n’est qu’un moyen d’arriver à la piété. L’âme du jeûne est l’humilité ; il est sans valeur et même coupable s’il est au service de l’amour-propre (Évangile). En termes d’une beauté inimitable, la préface expose l’importance du jeûne : « Par le jeûne corporel, tu réprimes les péchés, tu élèves l’esprit, tu confères la vertu et la récompense. » Le jeûne nous délivre des forces inférieures de l’âme et du corps et, par suite, il renforce l’homme spirituel et affermit surtout la volonté. Or la volonté est, pour l’œuvre de notre salut, le facteur humain décisif.

4. Psaume I — Les deux voies. — Le pape Saint Grégoire 1er réorganisa les chants de communion pour les féries de Carême. Il choisit pour cela les 26 premiers psaumes qu’il fit succéder dans l’ordre. On les chantait alors en entier. C’est une indication qui nous montre que, pendant le Carême, nous devons consacrer une attention particulière à ces psaumes. Nos lecteurs pourraient prendre aussi cette résolution de Carême : apprendre à mieux comprendre et à mieux réciter les psaumes.

Le premier psaume est l’introduction du psautier. Saint Jérôme l’appelle praefatio Spiritus Sancti, la préface du Saint-Esprit. Ce psaume, en effet, exprime les pensées principales qui parcourent la plupart des psaumes : heureux ceux qui craignent Dieu, malheur aux impies. Nous y trouvons aussi une pensée qu’aimait beaucoup l’Église primitive : la doctrine des deux voies, la voie de la vie et la voie de la mort. Notre psaume est facile à comprendre, édifiant et instructif ; il coule comme un frais ruisseau des bois.

Heureux l’homme
qui ne marche pas dans le conseil des impies,
qui ne se tient pas dans la voie des pécheurs,
qui ne s’assied pas dans la compagnie des moqueurs,
mais qui, plutôt, a son plaisir dans la loi du Seigneur
et qui la médite jour et nuit.
Il est comme un arbre planté près d’un cours d’eau,
qui porte ses fruits en temps opportun.
Son feuillage ne se flétrit pas et tout ce qu’il fait lui réussit.
Il n’en est pas ainsi des impies, il n’en est pas ainsi,
ils sont comme une paille que la tempête chasse de la terre.
C’est pourquoi les impies ne subsisteront pas au jugement,
ni les pécheurs dans l’assemblée des justes.
Car le Seigneur connaît la voie des justes,
mais le sentier des impies mène à la ruine.

Plan du psaume.
I. L’homme craignant Dieu v. 1-3.
1. Aspect négatif : triple gradation du péché, v. 1.
marcher — péché
se tenir — habitude
s’asseoir — vice.
2. Aspect positif : la fidélité à la Loi v. 2.
3. Image : l’arbre fécond, v. 3.
II. L’impie.
1. Image : la paille sur l’aire (ou le feuillage desséché), v. 4.
2. le jugement, v. 5.
3. Sentence finale, v. 6.

[1] Mt 7, 20

[2] Voir l’Épître de la Messe.

[3] Eph. VI, 16.

[4] I Petr. IV, 1.

[5] Gen. III, 19.

[6] Job. XVI, 16.

[7] Psalm. CI, 10.

[8] « Demain, la station sera en l’église de Saint-Georges Martyr au voile d’or ».

[9] « Aujourd’hui, la station s’est déroulée à Sainte-Sabine, qui te salue ».

[10] Avant 1962.

[11] Cf. Ord. Rom. I, P. L., LXXVIII, col. 949.

[12] Avant 1962.

[13] Avant 1962.