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Mardi de la 3ème semaine de Carême

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1960.


Sommaire

  Textes de la Messe  
  Office  
  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum  
  Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique  

La Station est au très ancien sanctuaire de Sainte Pudentienne érigé sur l’emplacement de la maison de son aïeul le sénateur Pudens, dont nous parle S. Paul dans ses épîtres. Sainte Pudentienne y demeura avec sa sœur Sainte Praxède, S. Pierre y reçut l’hospitalité et les premiers chrétiens s’y réunissaient souvent. Cette maison paraît avoir été au IIe siècle la résidence des pontifes romains. Au IVe siècle elle était une des 25 paroisses de Rome. Il convenait d’y lire l’Évangile où S. Pierre interroge le Seigneur au sujet de l’usage du pouvoir des clefs.

Textes de la Messe

Feria Tertia
Mardi de la 3ème semaine de Carême
III Classis
3 ème Classe
Statio ad S. Pudentianam
Station à Ste Pudentienne
Ant. ad Introitum. Ps. 16, 6 et 8.Introït
Ego clamávi, quóniam exaudísti me, Deus : inclína aurem tuam, et exáudi verba mea : custódi me, Dómine, ut pupíllam óculi : sub umbra alárum tuárum prótege me.J’ai crié, mon Dieu, parce que vous m’avez exaucé ; inclinez vers moi votre oreille et exaucez mes paroles. Gardez-moi, Seigneur, comme la prunelle de l’œil, protégez-moi à l’ombre de vos ailes.
Ps. ib., 1.
Exáudi, Dómine, iustítiam meam : inténde deprecatiónem meam.Exaucez, Seigneur, ma justice ; soyez attentif à ma supplication.
V/.Glória Patri.
Oratio.Collecte
Exáudi nos, omnípotens et miséricors Deus : et continéntiæ salutáris propítius nobis dona concéde. Per Dóminum nostrum.Exaucez-nous, Dieu tout-puissant et miséricordieux, et accordez-nous, dans votre bonté, le don d’une continence salutaire. Par N.-S.
Léctio libri Regum.Lecture du livre des Rois.
4 Reg. 4, 1-7.
In diébus illis : Múlier quædam clamábat ad Eliséum Prophétam, dicens : Servus tuus vir meus mórtuus est, et tu nosti, quia servus tuus fuit timens Dóminum : et ecce, créditor venit, ut tollat duos fílios meos ad serviéndum sibi. Cui dixit Eliséus : Quid vis, ut fáciam tibi ? Dic mihi, quid habes in domo tua ? At illa respóndit : Non hábeo ancílla tua quidquam in domo mea, nisi parum ólei, quo ungar. Cui ait : Vade, pete mútuo ab ómnibus vicínis tuis vasa vácua non pauca. Et ingrédere, et claude óstium tuum, cum intrínsecus fúeris tu et fílii tui : et mitte inde in ómnia vasa hæc : et cum plena fúerint, tolles. Ivit itaque múlier, et clausit óstium super se et super fílios suos : illi offerébant vasa, et illa infundébat. Cumque plena fuíssent vasa, dixit ad fílium suum : Affer mihi adhuc vas. Et ille respóndit : Non hábeo. Stetítque óleum. Venit autem illa, et indicávit hómini Dei. Et ille : Vade, inquit, vende oleum, et redde creditóri tuo : tu autem et fílii tui vívite de réliquo.En ces jours-là, une femme cria vers le prophète Elisée, en disant : Mon mari, votre serviteur est mort, et vous savez que votre serviteur craignait le Seigneur ; et maintenant son créancier vient pour prendre mes deux fils, et en faire ses esclaves. Elisée lui dit : Que voulez-vous que je fasse ? Dites-moi, qu’avez-vous dans votre maison ? Elle répondit : Votre servante n’a dans sa maison qu’un peu d’huile pour s’en oindre. Elisée lui dit : Allez emprunter de vos voisins un grand nombre de vases vides ; puis rentrez chez vous et fermez la porte sur vous. Et vous tenant au dedans, vous et vos fils, versez de l’huile dans tous ces vases, et quand Ils seront pleins, vous les enlèverez. Cette femme alla donc ; elle ferma la porte sur elle et sur ses enfants ; ses enfants lui présentaient les vases, et elle y versait de l’huile. Et lorsque les vases furent remplis, elle dit à son fils : Apportez-moi encore un vase. Il lui répondit : Je n’en ai plus. Et l’huile s’arrêta. Cette femme alla rendre compte de tout à l’homme de Dieu, qui lui dit : Allez, vendez cette huile, payez votre créancier et vous et vos fils, vivez du reste.
Graduale. Ps. 18,13-14.Graduel
Ab occúltis meis munda me, Dómine : et ab aliénis parce servo tuo.Purifiez-moi des fautes qui sont cachées en moi, Seigneur, et préservez votre serviteur de la corruption des étrangers.
V/. Si mei non fúerint domináti, tunc immaculátus ero : et emundábor a delícto máximo.S’ils ne dominent point, alors je serai sans tache, et purifié d’un très grand péché.
+ Sequéntia sancti Evangélii secundum Matthǽum.Lecture du Saint Evangile selon saint Mathieu.
Matth, 18, 15-22.
In illo témpore : Dixit Iesus discípulis suis : Si peccáverit in te frater tuus, vade, et córripe eum inter te et ipsum solum. Si te audíerit, lucrátus eris fratrem tuum. Si autem te non audíerit, ádhibe tecum adhuc unum vel duos, ut in ore duórum vel trium téstium stet omne verbum. Quod si non audíerit eos : dic ecclésiæ. Si autem ecclésiam non audíerit : sit tibi sicut éthnicus et publicánus. Amen, dico vobis, quæcúmque alligavéritis super terram, erunt ligáta et in cælo : et quæcúmque solvéritis super terram, erunt solúta et in cælo. Iterum dico vobis, quia si duo ex vobis consénserint super terram, de omni re quamcúmque petíerint, fiet illis a Patre meo, qui in cælis est. Ubi enim sunt duo vel tres congregáti in nómine meo, ibi sum in médio eórum. Tunc accédens Petrus ad eum, dixit : Dómine, quóties peccábit in me frater meus, et dimíttam ei ? usque sépties ? Dicit illi Iesus : Non dico tibi usque sépties, sed usque septuágies sépties.En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples : Si ton frère a péché contre toi, va, et reprends-le entre toi et lui seul. S’il t’écoute, tu auras gagné ton frère. Mais, s’il ne t’écoute pas, prends encore avec toi une ou deux personnes, afin que toute l’affaire soit réglée par l’autorité de deux ou trois témoins. S’il ne les écoute pas, dis-le à l’Église ; et s’il n’écoute pas l’Église, qu’il soit pour toi comme un païen et un publicain. En vérité, je vous le dis, tout ce que vous lierez sur la terre sera lié aussi dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié aussi dans le ciel. Je vous dis encore que si deux d’entre vous s’accordent sur la terre, quelque chose qu’ils demandent, ils l’obtiendront de mon Père qui est dans les cieux. Car là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux. Alors Pierre, s’approchant de lui, dit : Seigneur, combien de fois pardonnerai-je à mon frère, lorsqu’il aura péché contre mot ? Sera-ce jusqu’à sept fois ? Jésus lui dit : Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois.
Ant. ad Offertorium. Ps. 117, 16 et 17.Offertoire
Déxtera Dómini fecit virtútem, déxtera Dómini exaltávit me : non móriar, sed vivam, et narrábo ópera Dómini.La droite du Seigneur a fait éclater sa puissance, la droite du Seigneur m’a exalté Je ne mourrai point, mais je vivrai, et je raconterai les œuvres du Seigneur.
Secreta.Secrète
Per hæc véniat, quǽsumus, Dómine, sacraménta nostræ redemptiónis efféctus : qui nos et ab humánis rétrahat semper excéssibus, et ad salutária dona perdúcat. Per Dóminum.Nous vous en supplions, Seigneur, appliquez-nous au moyen de ce sacrement le fruit de notre rédemption ; que sa vertu nous retire toujours des excès auxquels la nature humaine est exposée et nous conduise au don du salut. Par Notre-Seigneur.
Præfatio de Quadragesima. Préface du Carême .
Ant. ad Communionem. Ps. 14, 1-2.Communion
Dómine, quis habitábit in tabernáculo tuo ? aut quis requiéscet in monte sancto tuo ? Qui ingréditur sine mácula, et operátur iustítiam.Seigneur qui habitera dans votre tabernacle ? ou qui reposera sur votre montagne sainte ? Celui qui vit sans tache, et qui pratique la justice.
Postcommunio.Postcommunion
Sacris, Dómine, mystériis expiáti : et véniam, quǽsumus, consequámur et grátiam. Per Dóminum.Purifiés par ces sacrés mystères, nous vous supplions, Seigneur, de nous accorder le pardon et la grâce. Par Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Super populum : Orémus. Humiliáte cápita vestra Deo.Sur le peuple : Prions. Humiliez vos têtes devant Dieu.
Oratio.Prière
Tua nos, Dómine, protectióne defénde : et ab omni semper iniquitáte custódi. Per Dóminum.En nous protégeant défendez-nous, Seigneur, et gardez-nous sans cesse de toute iniquité. Par Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Office

A MATINES

Ex more docti mýstico (matines du Carême)

Lectio i1ère leçon
Léctio sancti Evangélii secúndum Matthǽum.Lecture du saint Évangile selon saint Matthieu.
Cap. 18, 15-22
In illo témpore : Dixit Iesus discípulis suis : Si peccáverit in te frater tuus, vade, et córripe eum inter te et ipsum solum. Et réliqua.En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples : « Si ton frère a péché contre toi, va, et reprends-le entre toi et lui seul. Et le reste. [1]
Homilía sancti Augustíni EpíscopiHomélie de saint Augustin, évêque
Sermo 16 de verbis Dómini, tom. 10, post initium
Quare illum córripis ? Quia tu doles, quod peccáverit in te ? Absit. Si amóre tui id facis, nihil facis : si amóre illíus facis, óptime facis. Dénique in ipsis verbis atténde, cuius amóre id fácere débeas, utrum tui, an illíus. Si te audíerit, inquit, lucrátus es fratrem tuum. Ergo propter illum fac, ut lucréris illum. Sic faciéndo lucráris : nisi fecísses, períerat. Quid est ergo, quod pleríque hómines ista peccáta contémnunt, et dicunt : Quid magnum feci ? In hóminem peccávi. Noli comtémnere : in hóminem peccásti.Pourquoi le reprends-tu ? Dans l’amertume de te sentir offensé ? Non, je l’espère ! Si tu agis ainsi par amour-propre, ton action est nulle ! Si tu agis par amour de l’autre, rien de mieux ! Pour savoir sous l’empire de quel amour tu dois agir, l’amour envers toi ou envers lui, prête donc bien attention aux paroles elles-mêmes. « S’il t’écoute, est-il dit, tu as gagné ton frère. » Donc, agis pour lui, dans l’intention de le gagner. En agissant de la sorte, tu le gagnes. Si tu ne l’eus fait, c’était sa perte. Comment est-il possible que la plupart des hommes ne prennent pas au sérieux de tels péchés ? Ils disent : « Qu’ai-je fait de grave ? J’ai péché contre un homme. » Prends cela au sérieux : c’est contre un homme que tu as péché.
R/. Nuntiavérunt Iacob dicéntes : Ioseph fílius tuus vivit, et ipse dominátur in tota terra Ægýpti : quo audíto revíxit spíritus eius, et dixit : * Súfficit mihi, vadam et vidébo eum ántequam móriar.R/. Ils portèrent [2] le message à Jacob, disant : Joseph votre fils vit encore, et c’est lui qui commande dans toute la terre d’Egypte ; ce qu’ayant entendu il reprit connaissance, et il dit : * Il me suffit, j’irai, et je le verrai avant que je meure.
V/. Cumque audísset Iacob quod fílius eius víveret, quasi de gravi somno evígilans, ait.V/. Jacob apprenant que son fils était en vie, s’éveilla comme d’un profond sommeil et dit.
R/. Súfficit mihi, vadam et vidébo eum ántequam móriar.R/. Il me suffit, j’irai, et je le verrai avant que je meure.
Lectio ii2e leçon
Vis nosse, quia in hóminem peccándo perísti ? Si te ille, in quem peccásti, corripúerit inter te et ipsum solum, et audíeris illum, lucrátus est te. Quid est, Lucrátus est te ; nisi quia períeras, si non lucrarétur te ? Nam si non períeras, quómodo te lucrátus est ? Nemo ergo contémnat, quando peccat in fratrem. Ait enim quodam loco Apóstolus : Sic autem peccántes in fratres, et percutiéntes consciéntiam eórum infírmam, in Christum peccátis : ídeo quia membra Christi omnes facti sumus. Quómodo non peccas in Christum, qui peccas in membrum Christi ?Veux-tu le savoir ? Pécher contre un homme, c’est aller à ta perte. Si celui contre qui tu as péché te reprend, seul à seul, et que tu l’écoutes, il t’a gagné. Qu’est-ce à dire : « Il t’a gagné » ? Ceci : s’il ne te gagnait, tu étais perdu. D’ailleurs si tu n’étais pas perdu, comment a-t-il pu te gagner ? Que nul donc ne le prenne à la légère, si c’est contre son frère qu’il pèche. A un certain endroit, l’Apôtre le dit : « En péchant ainsi contre vos frères, en blessant leur conscience qui est faible, c’est contre le Christ que vous péchez. » [3] Oui, certes, car tous nous sommes devenus membres du Christ. Toi qui pèches contre un membre du Christ, comment ne pèches-tu pas contre le Christ ?
R/. Ioseph dum intráret in terram Ægýpti, linguam quam non nóverat, audívit : manus eius in labóribus serviérunt : * Et lingua eius inter príncipes loquebátur sapiéntiam.R/. Joseph [4], quand il entra dans la terre d’Egypte, entendit une langue qu’il ne connaissait pas ; ses mains furent asservies au travail : * Et il parlait avec sagesse devant les princes.
V/. Humiliavérunt in compédibus pedes eius : ferrum petránsiit ánimam eius, donec veníret verbum eius.V/. On humilia [5] ses pieds dans des entraves, un fer transperça son âme, jusqu’à ce que s’accomplit sa parole.
R/. Et lingua eius inter príncipes loquebátur sapiéntiam.R/. Et il parlait avec sagesse devant les princes.
Lectio iii3e leçon
Nemo ergo dicat, quia non peccávi in Deum, sed peccávi in fratrem : in hóminem peccávi, leve, vel nullum peccátum est. Forte inde dicis : Leve est, quia cito curátur. Peccásti in fratrem : fac satis, et sanatus es. Cito fecísti mortíferam rem, sed remédium cito invenísti. Quis nostrum speret regnum cælórum, fratres mei, quando dicit Evangélium : Qui díxerit fratri suo, Fátue : reus erit gehénnæ ignis ? Magnus terror : sed vide ibi remédium. Si obtúleris munus tuum ad altáre, et ibi recordátus fúeris, quia frater tuus habet áliquid advérsum te, relínque ibi munus tuum ante altáre. Non iráscitur Deus, quia differs impónere munus tuum : te quærit Deus magis, quam munus tuum.Que personne donc ne dise : « Je n’ai pas péché contre Dieu, mais j’ai péché contre mon frère, j’ai péché contre un homme, il n’y a là que peccadille, voire même rien du tout ! » Sans doute parles-tu ainsi : « Il n’y a là que peccadille », parce que la guérison peut en être immédiate. Tu as péché contre ton frère ? Fais satisfaction et tu es guéri ! En un instant, tu l’as posé, cet acte porteur de mort. Mais en un instant, tu en as trouvé le remède. Mes frères, lequel d’entre nous oserait espérer le Royaume des Cieux, lorsque l’Évangile affirme : « Celui qui dit à son frère : mécréant sera passible de la géhenne de feu » [6] ? Terrifiante perspective ! Mais, regarde, voici le remède. « Si donc tu présentes ton offrande à l’autel, et que là, tu te rappelles que ton frère a quelque chose contre toi, laisse ton offrande, là, devant l’autel » [7] Dieu ne s’irrite pas si tu diffères de présenter ton offrande : c’est toi que cherche Dieu plutôt que ton offrande.
R/. Meménto mei, dum bene tibi fúerit : * Ut súggeras Pharaóni, ut edúcat me de isto cárcere : * Quia furtim sublátus sum, et hic ínnocens in lacum missus sum.R/. Souviens-toi [8] de moi quand bien t’arrivera : * Et suggère à Pharaon de me tirer de cette prison ; * Car j’ai été enlevé par fraude ; et innocent j’ai été jeté ici dans la fosse.
V/. Tres enim adhuc dies sunt, post quos recordábitur Phárao ministérii tui, et restítuet te in gradum prístinum : tunc meménto mei.V/. Trois jours encore et après Pharaon se souviendra de ton ministère, et te rétablira dans ton ancienne charge ; alors souviens-toi de moi.
* Quia furtim sublátus sum, et hic ínnocens in lacum missus sum. Glória Patri. * Quia furtim sublátus sum, et hic ínnocens in lacum missus sum.* Car j’ai été enlevé par fraude ; et innocent j’ai été jeté ici dans la fosse. Gloire au Père. * Car j’ai été enlevé par fraude ; et innocent j’ai été jeté ici dans la fosse.

A LAUDES

O sol salútis, íntimis (laudes du Carême)

Ad Bened. Ant. Si duo ex vobis * consénserint super terram : de omni re quamcúmque petíerint, fiet illis a Patre meo, dicit Dóminus. Ant. au Bénédictus Quand deux d’entre vous * sont d’accord sur la terre : quel que soit l’objet de leur prière, cela leur sera accordé par mon Père, dit le Seigneur.

Benedictus

AUX VÊPRES

Audi, benígne Cónditor (vêpres du Carême)

Ad Magnificat Ant. Ubi duo vel tres * congregáti fúerint in nómine meo, in médio eórum sum, dicit Dóminus. Ant. au Magnificat Quand deux ou trois * sont rassemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux, dit le Seigneur.

Magnificat

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

La Station est dans l’Église de sainte Pudentienne, petite-fille du sénateur Pudens. Cette vierge illustra Rome chrétienne au IIe siècle par sa piété, sa charité et son zèle à ensevelir les corps des Martyrs. Son église est bâtie sur l’emplacement de la maison qu’elle habitait avec son père et sa sœur sainte Praxède, maison qui avait été, sous son aïeul, honorée de la présence de saint Pierre.

LEÇON.

Le mystère de cette lecture est facile à saisir. Le créancier de l’homme est Satan, à qui nos péchés ont donné sur nous d’immenses droits. Le seul moyen de nous acquitter est l’huile, c’est-à-dire la miséricorde, dont l’huile est le symbole par sa douceur. « Heureux ceux qui sont miséricordieux : car ils obtiendront eux-mêmes miséricorde [9] » En ces jours de salut, préparons donc notre réconciliation par notre empressement à soulager nos frères, joignant l’aumône au jeûne, et pratiquant les œuvres de miséricorde. Par ce moyen, nous déchirons le cœur de Dieu ; et nous remettant lui-même notre dette, il enlèvera à Satan le titre qu’il s’apprêtait à faire valoir contre nous. Profitons de l’exemple de cette femme de l’Écriture : c’est loin des regards des hommes qu’elle remplit ses vases de l’huile mystérieuse ; fermons aussi notre porte pour faire le bien ; et « que notre main gauche ignore ce qu’aura fait notre main droite [10] ». Observons encore ceci : l’huile ne s’arrête que lorsqu’il n’y a plus de vases à remplir. Ainsi notre miséricorde envers le prochain doit être proportionnée à nos moyens d’action. Dieu les connaît, et il ne veut pas que nous restions en deçà de ce que nous pouvons faire. Soyons donc larges en ce saint temps, et prenons la résolution de l’être toujours. Quand les ressources matérielles nous manqueront, soyons encore miséricordieux par nos désirs, par nos instances auprès des hommes, par nos prières auprès de Dieu.

ÉVANGILE.

La miséricorde que le Seigneur veut voir en nous ne consiste pas seulement à répandre l’aumône corporelle et spirituelle dans le sein des malheureux ; elle embrasse encore le pardon et l’oubli des injures. C’est ici que Dieu nous attend pour éprouver la sincérité de notre conversion. « La mesure dont vous aurez usé envers les autres, dit-il, sera celle dont on usera envers vous [11]. »

Si nous pardonnons du fond du cœur à nos ennemis, le Père céleste nous pardonnera sans restriction à nous-mêmes. En ces jours de réconciliation, efforçons-nous de gagner nos frères, comme dit le Seigneur ; et pour cela, pardonnons, quand bien même il le faudrait faire septante fois sept fois. Nos rixes d’un jour sur le chemin de l’éternité ne doivent pas nous faire manquer le terme du voyage. Remettons donc les torts et les injures, et imitons la conduite de Dieu lui-même à notre égard.

Remarquons encore dans notre Évangile ces paroles qui sont le fondement de notre espérance, et qui doivent retentir jusqu’au fond de nos cœurs reconnaissants : Tout ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel. Quel nombre immense de pécheurs vont faire l’expérience de cette heureuse promesse ! Ils confesseront leurs péchés, ils offriront à Dieu l’hommage d’un cœur contrit et humilié ; et au moment où le prêtre les déliera sur la terre, la main de Dieu au ciel les dégagera des liens qui les tenaient enchaînés pour les supplices éternels.

Enfin, n’oublions pas non plus cette autre parole qui est liée à la précédente : Si quelqu’un n’écoute pas l’Église, qu’il vous soit comme un païen et un publicain. Qu’est-ce donc que cette Église dont il est parlé ici ? Des hommes auxquels Jésus-Christ a dit : Qui vous écoute m’écoute ; qui vous méprise me méprise ; des hommes par la bouche desquels la vérité, qui seule peut sauver, arrive à l’oreille du Chrétien ; des hommes qui seuls sur la terre peuvent réconcilier le pécheur avec Dieu, lui fermer l’enfer et lui ouvrir le ciel. Devons-nous donc nous étonner après cela que le Sauveur, qui les a voulus pour ses intermédiaires entre lui et les hommes, menace de regarder comme un païen, comme un homme sans baptême, celui qui ne reconnaît pas leur autorité ? En dehors de leur enseignement, point de vérité révélée ; en dehors des Sacrements qu’ils administrent, point de salut ; en dehors de la soumission aux lois spirituelles qu’ils imposent, point d’espérance en Jésus-Christ.

Demandons à la Liturgie grecque quelques accents de pénitence, pour les offrira Dieu aujourd’hui. Elle nous présente cette Hymne de saint André de Crète :

In V Feria V Hebdomadae.

Le Prophète ayant appris votre futur avènement, Seigneur : que vous deviez naître d’une Vierge et vous montrer au monde, fut saisi de crainte, et il dit : J’ai entendu le bruit de votre arrivée, et je me suis effrayé. Gloire soit à votre puissance, Seigneur !

Juste Juge, ne méprisez pas l’ouvrage de vos mains ; ne dédaignez pas votre œuvre. Quoique j’aie moi seul péché, vous, ô Dieu clément, supérieur à tous les hommes dans votre humanité, vous avez encore le pouvoir de remettre les péchés, étant le Seigneur de tous.

La fin s’approche, ô mon âme ! Elle est tout près, et tu ne t’inquiètes pas ? Tu ne te prépares pas ? Le temps presse, lève-toi : le juge est à la porte. La vie passe comme un songe, se flétrit comme une fleur : pourquoi donc nos vaines agitations ?

Rentre en toi-même, ô mon âme ! Repasse tes œuvres, remets-les devant tes veux, verse d’abondantes larmes. Raconte au Christ tes actions et tes pensées, et deviens juste.

O Sauveur ! Il n’est point dans la vie de l’homme de péchés, d’actions mauvaises que je n’aie commises, dans la pensée du moins et dans l’intention ; personne n’a été plus coupable que moi dans l’affection au mal, dans les jugements de l’esprit et dans les œuvres.

C’est pourquoi j’ai encouru la damnation ; c’est pourquoi, malheureux, je suis tombé avec justice, et ma conscience est pour moi un juge plus terrible que tout ce que renferme le monde. O juge ! O rédempteur ! Tu me connais ; pardonne, délivre et sauve ton serviteur.

Le temps de ma vie est court, plein de fatigues et d’ennuis ; reçois en moi un vrai pénitent ; rappelle près de toi celui qui te reconnaît. Que je ne sois point la possession et la proie de l’étranger ; tu es mon Sauveur, aie pitié de moi.

Je suis encore trop parleur, trop audacieux dans la témérité de mon cœur ; ne me condamne pas avec le Pharisien, toi qui seul es miséricordieux ; donne-moi l’humilité du Publicain. Juste juge, place-moi avec lui.

J’ai été ma propre idole ; j’ai corrompu mon âme par le péché ; reçois en moi un vrai pénitent ; rappelle près de toi celui qui te reconnaît ; que je ne sois point la possession et la proie de l’étranger : tu es encore mon Sauveur, aie pitié de moi.

Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

Collecte aux Saints-Serge-et-Bacchus.
Station à la Basilique Pudentienne.

L’église du rendez-vous doit son origine aux Byzantins, qui élevèrent à Rome au moins cinq temples en l’honneur des martyrs Serge et Bacchus. L’un d’eux se trouvait dans la région des Monti, le Canelicum, ayant auprès un monastère, où, précisément aujourd’hui, se rassemblait le peuple romain pour la procession stationnale à la basilique de Pudens. La domus Pudentiana ou le titulus sancti Pudentis fut l’un des plus anciens titres urbains, et rien jusqu’à présent ne dément l’antique tradition ecclésiastique qui veut qu’elle ait été sanctifiée par le séjour de Pierre dans la maison du sénateur Pudens. Les souvenirs du pape saint Pie Ier, de son frère Hermas l’auteur apocalyptique du Pastor, de Priscille, de Pudentienne, de Praxède, de Justin le Philosophe, d’Hippolyte le Docteur, se groupent tous sur le Viminal, et se rattachent à l’histoire de la maison de Pudens, en sorte qu’il semble qu’elle ait vraiment été au IIe siècle la résidence pontificale.

La sainte liturgie s’est fait l’écho de cette tradition locale, et la lecture évangélique de ce jour, avec l’histoire de Pierre interrogeant le Seigneur relativement à l’usage du pouvoir des clefs, a été précisément choisie pour évoquer le souvenir de l’Apôtre qui fut l’hôte de Pudens en cette maison.

L’introït est tiré du psaume 16, où est exprimée avec tant de beauté l’espérance que le Seigneur gardera sous les ailes de son patronage tous ceux qui mettent leur confiance en lui. Ce verset du psaume est à mettre en regard de la mosaïque absidale de la basilique Pudentienne, où l’on voit le Sauveur étendant la main pour protéger le titre apostolique et l’antique résidence des papes du second siècle. Il tient un volume ouvert sur lequel on lit : Dominus conservator Ecclesiæ Pudentianæ, pour indiquer la protection spéciale réservée à cette basilique, qui, autrefois, était comme l’expression visible et le trophée de l’apostolat et de la primauté romaine de saint Pierre.

La collecte insiste dans la demande des fruits du jeûne, qui sont précisément ceux qu’exprimé la préface quadragésimale : corporali ieiunio vitia comprimas, mentem elevas, virtutem largiris et præmia...

La lecture du IVe Livre des Rois (IV, 1-7) où il est question de l’huile multipliée par Élisée en faveur d’une pauvre veuve à laquelle le créancier allait prendre ses fils pour les traîner en esclavage, fait peut-être allusion à Pierre, dont la présence dans la maison de Pudens fut cause d’abondance et de prospérité.

Le graduel provient du psaume 18 : « Purifiez-moi, ô Seigneur, des fautes occultes, et tenez loin de moi ceux qui vous sont étrangers ; s’ils n’obtiennent pas d’empire sur moi, alors je serai pur et indemne de toute faute grave. » II s’agit des Gentils idolâtres, avec qui le psalmiste ne veut rien avoir de commun, de peur qu’ils ne le contaminent légalement. La compagnie des méchants constitue trop facilement un péril pour les bons.

La lecture évangélique (Matth., XVIII, 15-22) établit trois liens puissants qui conservent à l’Église son unité mystique dans l’amour de Dieu et dans la charité du prochain. Ce sont : le sacrement de Pénitence, pour la rémission des péchés ; le pardon fraternel des offenses réciproques que nous pouvons nous faire les uns aux autres ; la solidarité de tous les membres du corps mystique de Jésus dans un unique esprit. Le chrétien n’agit jamais solitairement. En vertu de la communion des Saints, il vit, souffre, prie et agit dans l’Église et avec l’Église, ce qui revient à dire : avec Jésus.

L’antienne ad offerendum est la même qu’au IIIe dimanche après l’Épiphanie ; mais en ce jour elle entend signifier tout un chant de triomphe en l’honneur de la domus Pudentiana, dont le conservator est le Rédempteur lui-même.

La collecte sur les oblations veut nous obtenir les fruits de la .rédemption, afin que, les passions vicieuses étant refrénées, rien ne mette obstacle à l’opération de la grâce eucharistique.

L’antienne pour la communion est tirée du psaume 14 : « Seigneur, qui habitera sous votre tente ? ou qui reposera sur votre montagne sainte ? Celui qui marche sans faute et opère la justice... » Quelle pureté en effet, ne faut-il pas pour entrer au paradis, où ne peut pénétrer une tache de péché, ou un défaut si petit soit-il !

La collecte eucharistique est comme la conséquence de la pensée exprimée dans le verset précédent : « Purifiés que nous sommes, Seigneur, par l’oblation sacrée, faites qu’avec le pardon nous méritions aussi votre grâce. »

La formule de la bénédiction finale sur le peuple est gracieuse : « Prenez-nous sous votre protection. Seigneur, et gardez-nous de tout péché. » Tous les autres maux, en effet, ou bien ne sont qu’apparents, ou bien sont réparables, ou de courte durée. Seul le péché sépare l’âme d’avec Dieu, et doit être terriblement redouté.

Répétons encore une fois le souhait du pape Sirice, inscrit sur la mosaïque de la basilique Pudentienne ; — la dédicace à la sainte homonyme est postérieure — Dominus conservator Ecclesiæ Pudentianæ. La charité et l’hospitalité n’ont jamais appauvri personne, et un malheureux, accueilli dans une maison pour l’amour de Dieu, y attire les bénédictions de la divine Providence.

Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique

STATION A SAINTE PUDENTIENNE

Le Christ en nous — le miracle de l’huile.

L’Église, dont la veuve est la figure, verse dans notre cœur l’huile de la doctrine et de la grâce, afin que nous soyons délivrés de notre créancier (le diable).

Les deux antiennes du commencement et de la fin du jour chantent la bénédiction de la vie de communauté : « Quand deux d’entre vous sont d’accord sur la terre, quel que soit l’objet de leur prière, cela leur sera accordé par mon Père des cieux », dit le Seigneur (Ant. Bened.). « Quand deux ou trois sont rassemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux », dit le Seigneur (Ant. Magn.).

Il est caractéristique de voir que, parmi les nombreux enseignements de l’Évangile d’aujourd’hui, l’Église choisit précisément, pour ses deux chants directeurs, ceux qui ont trait à la communauté. L’Église aime la communauté.

1. Station. — A Sainte-Pudentienne. On lit dans le martyrologe du 19 mai : « A Rome, la sainte vierge Pudentienne ; elle eut à subir de nombreuses épreuves ; elle avait donné une sépulture honorable à un grand nombre de saints martyrs ; elle avait, par amour du Christ, distribué tous ses biens aux pauvres ; aussi elle monta de la terre au ciel. » L’église, dans laquelle nous nous rendons aujourd’hui, est une des plus anciennes églises titulaires ; elle doit remonter jusqu’au IIIe siècle. A la fin du IVe siècle, on érigea une basilique dont les éléments architecturaux subsistent encore. La mosaïque qui se trouve au fond de l’abside est de cette époque (sous le pape Innocent I, 401-417) ; c’est la plus belle et la plus artistique des antiques mosaïques chrétiennes qu’on puisse encore trouver à Rome. Au milieu, le Sauveur glorifié est assis sur un trône royal orné ; dans la main gauche, il tient un livre ouvert sur lequel on peut lire ces paroles : Dominus conservator Ecclesiæ Pudentianæ. A sa droite et à sa gauche, on voit le collège des douze Apôtres, avec saint Pierre et saint Paul à leur tête. Derrière les Apôtres assis, se tient debout, de chaque côté, une femme, la tête recouverte d’un long voile ; ces deux femmes tiennent, à la main droite, une guirlande qu’elles présentent au Sauveur. Ce sont les deux saintes vierges Pudentienne et Praxède, dont le culte fut, de bonne heure, rattaché à l’église titulaire. Au-dessus, à l’arcade, derrière le Christ, s’élève une grande croix, accompagnée des symboles des quatre évangélistes. L’arrière-plan représente une ville. Au-dessous de l’image du Sauveur, se trouvait celle de l’Agneau de Dieu. Au-dessus de cet Agneau, planait la colombe du Saint-Esprit, le bec orné de rayons qui tombaient sur la tête de l’Agneau. C’est devant ce magnifique tableau que, pendant des siècles, les chrétiens de Rome célébrèrent l’office de station d’aujourd’hui. — Le formulaire de la messe a été fortement influencé par les pensées de la station. L’église qui, précédemment, portait le nom de « titulus Pastoris », passait pour la première résidence de saint Pierre, d’où l’Évangile du pouvoir de lier et de délier accordé aux Apôtres et de l’élection de saint Pierre. La sainte de station, sainte Pudentienne, perdit de bonne heure ses parents et mena une vie de prière et de charité. D’après la légende, le pape saint Pie Ier célébra pendant longtemps le Saint-Sacrifice dans sa maison et Pudentienne subvint à tous ses besoins. Élisée, qui demeure chez la veuve, est l’image du pape qui, par le Saint-Sacrifice, multiplie, dans les « vases » des âmes chrétiennes, l’huile de la grâce.

2. La messe (Ego clamavi). — La messe de Carême s’adresse aux pénitents et aux fidèles et est d’un caractère surtout didactique. Comme des orphelins qui cherchent secours, nous entrons dans le sanctuaire (Intr.). Tout le psaume 16 nous montre le chemin du Carême à la joie pascale.

La leçon nous enseigne, dans l’image du récit de l’Ancien Testament, l’abondance du fleuve qui découle de la Croix du Christ ; nous n’avons qu’à le recueillir. Dans le miracle de l’huile, l’Église veut nous représenter la bénédiction de notre travail de Carême. La veuve est l’Église. Devenue veuve depuis le départ de l’Époux, elle est persécutée sur la terre ; ses enfants sont tombés dans la captivité où les retient le créancier ; maintenant, pendant le Carême, elle implore pour eux le secours contre le créancier (le diable). Le Christ nous aide. La provision d’huile est notre travail de Carême, Ce travail nous apporte mérite et récompense (Préface de Carême : « Par le jeûne corporel, tu réprimes les vices, tu confères vertu et récompense »).

Le Graduel est un écho de la leçon : « Puissé-je être purifié de mes dettes secrètes et étrangères ! ».

L’Évangile nous donne quatre véritables enseignements de Carême : la correction fraternelle, le pouvoir de lier et de délier de l’Église, les bienfaits de la communauté et, enfin, le pardon des injures.

L’Offertoire est un écho de l’Évangile : « Je bénis la main victorieuse et miséricordieuse de Dieu. « C’est, en même temps, un thème pascal. Les fidèles demeurés dans l’église songent avec reconnaissance à la victoire de leur conversion. Le psaume 117 est un psaume de Résurrection.

A la Communion, nous voyons déjà la montagne de Pâques, la tente de Pâques ; le Carême est une procession vers cette montagne.

3. Enseignements de Carême tirés de l’Évangile : a) La correction fraternelle. C’est là un précepte du Seigneur qui est bien peu observé. Ou bien nous ne pratiquons pas du tout la correction fraternelle, ou bien nous nous y prenons mal. Derrière le dos du prochain, nous nous entendons à merveille à dauber sur ses défauts, mais nous sommes le plus souvent trop lâches pour les lui faire remarquer à lui-même. D’autres fois, nous irritons le prochain en lui jetant inconsidérément ses défauts à la face. Ce serait, pourtant, un acte de charité de lui signaler aimablement ses défauts. La règle de Saint-Augustin dit : Si ton frère avait une blessure cachée, mais mortelle, et qu’il ne voudrait pas montrer au médecin par peur du bistouri, ne serait-ce pas un service d’ami de signaler ce fait ? Assurément, il faut beaucoup de tact et de douceur pour faire supporter la pilule amère de la correction. Mais soyons prêts à avaler cette pilule si quelqu’un nous révèle nos défauts ; nous apprendrons à mieux nous connaître.

b) Le pouvoir de lier et de délier. « Ceux à qui vous remettrez les péchés... » Quel joyeux message pour nous tous qui passons le Carême comme pénitents ! Remercions Dieu d’avoir donné ce pouvoir à son Église. Le plus grand des maux est le péché. En quels termes saisissants, David, dans le psaume 31, décrit les tourments de la conscience ! « Tant que je n’avouais pas mon péché, mes os se consumaient dans mon gémissement chaque jour ; car, jour et nuit, ta main s’appesantissait sur moi, je me retournais dans ma douleur et l’épine s’enfonçait davantage. » De cette terrible souffrance de l’âme on se délivre par une bonne confession. Qui n’a pas déjà éprouvé ce bonheur ? Utilisons le pouvoir des clefs de l’Église pour le salut de notre âme.

c) Bienfaits de la communauté. Le péché divise, le Christ unit. C’est pourquoi le Seigneur aime la communauté. Il a fondé l’Église, la « communauté des saints ». Dans notre Évangile, le Seigneur parle de la vie de communauté. A la « communauté » réunie en son nom, il promet sa propre présence. Il est donc présent dans toute union et association chrétiennes : mariage, amitié ; il demeure surtout dans la communauté paroissiale. C’est là que le Christ donne aux amis de la liturgie de nombreuses consolations et de nombreux encouragements. Que ne fera-t-il pas quand la communauté est rassemblée pour la plus parfaite prière commune, la messe, quand elle prie et sacrifie en commun ! Là, le Christ vit parmi nous, non seulement dans l’Eucharistie, mais encore comme chef du corps mystique. Développons donc en nous cet esprit de communauté dont le Christ parle ici. Ayons conscience des trésors de force qui se trouvent dans la vie de, communauté.

d) Le pardon des injures. Une condition préalable pour le succès de notre travail de pénitence, c’est le pardon des injures. Ce pardon doit être inépuisable comme la mer : septante fois sept fois, c’est-à-dire toujours. Ne gardons pas de rancune, pardonnons complètement. Le Christ a ancré cette condition dans le Notre-Père : « Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons. »

La leçon, elle aussi, nous donne des pensées de Carême. Le miracle de l’huile opère réellement en nous. La veuve, la Sainte Église, verse l’huile dans notre cœur : ce sont les enseignements et les grâces de Carême. L’huile est le symbole du Christ, l’Oint. L’Église verse le Christ lui-même dans nos âmes. Saint Augustin dit : « Réjouissons-nous et rendons grâces de ce que nous sommes devenus non seulement des chrétiens, mais le Christ lui-même. » C’est là l’objet essentiel du Carême : pouvoir dire : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi. » A la messe, l’Église verse en nous son divin Époux par la foi et le sacrement : c’est l’accomplissement du miracle de l’huile.

4. Psaume 14. — Le citoyen de Dieu. — C’est un chant simple, mais beau, que David composa pour le transfert de l’arche d’alliance à Sion. Ordre des idées.
- 1. Question : Qui est le vrai serviteur de Dieu ? (v. 1).
- 2. Réponse :
— a) générale : celui qui est sans tache et juste ;
— b) particulière : qualités négatives : la langue, l’action, pas d’acception de personne, fuite du parjure, de l’usure, de la corruption, 3-4.
- 3. Conclusion : Louange ; 5 b.

Seigneur, qui habitera dans ta tente ?
Qui demeurera sur ta montagne sainte ?
Celui qui marche dans l’innocence
et fait ce qui est juste,
Celui qui dit la vérité dans son cœur,
et ne calomnie pas avec la langue ;
Celui qui ne fait point de mal à son frère
et ne jette point l’opprobre sur son prochain ;
Celui qui n’a que du mépris pour le réprouvé,
mais honore ceux qui craignent le Seigneur ;
Celui qui fait un serment à son prochain sans le tromper,
qui ne prête pas son argent à usure
et n’accepte pas de présent contre l’innocent.
Celui qui agit ainsi ne chancellera jamais.

[1] S’il t’écoute, tu auras gagné ton frère. Mais, s’il ne t’écoute pas, prends encore avec toi une ou deux personnes, afin que toute l’affaire soit réglée par l’autorité de deux ou trois témoins. S’il ne les écoute pas, dis-le à l’Église ; et s’il n’écoute pas l’Église, qu’il soit pour toi comme un païen et un publicain. En vérité, je vous le dis, tout ce que vous lierez sur la terre sera lié aussi dans le Ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié aussi dans le Ciel. Je vous dis encore que si deux d’entre vous s’accordent sur la terre, quelque chose qu’ils demandent, ils l’obtiendront de mon Père qui est dans les Cieux. Car là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux. » Alors Pierre, s’approchant de lui, dit : « Seigneur, combien de fois pardonnerai-je à mon frère, lorsqu’il aura péché contre moi ? Sera-ce jusqu’à sept fois ? » Jésus lui dit : « Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois. »

[2] Gen 45, 26

[3] 1 Cor 8, 12

[4] Ps 80, 6

[5] Ps 104, 18

[6] Matt 5, 22

[7] Matt 5, 23

[8] Gen 40, 14

[9] Matth. V, 7.

[10] Matth. VI, 3.

[11] Luc. VI, 38.