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Mercredi des Quatre-Temps (1ère semaine de Carême)

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1960.


Sommaire

  Textes de la Messe  
  Office  
  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum  
  Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique  

Textes de la Messe

Feria Quarta Quatuor Temporum Quadragesimæ
Mercredi des Quatre-Temps de Carême
II Classis
2 ème Classe
Statio ad S. Mariam maiorem
Station à Ste Marie-Majeure
Ant. ad Introitum. Ps. 24, 6, 3.et 22.Introït
Reminíscere miseratiónum tuárum, Dómine, et misericórdiæ tuæ, quæ a sǽculo sunt : ne umquam dominéntur nobis inimíci nostri : líbera nos, Deus Israël, ex ómnibus angústiis nostris.Souvenez-vous de vos bontés, Seigneur, et de votre miséricorde qui datent des siècles passés. Que nos ennemis ne triomphent jamais de nous. Dieu d’Israël, délivrez-nous de toutes nos tribulations.
Ps. ib., 1-2.
Ad te, Dómine, levávi ánimam meam : Deus meus, in te confído, non erubéscam.Vers vous, Seigneur, j’ai élevé mon âme ; mon Dieu, je mets ma confiance en vous, que je n’aie pas à rougir.
V/.Glória Patri.
Post Kýrie, eléison, dicitur :Après le Kýrie, eléison, on dit :
Orémus. Flectámus génua.Prions. Fléchissons les genoux.
V/. Leváte. V/. Levez-vous.
Oratio.Prière
Preces nostras, quǽsumus, Dómine, cleménter exáudi : et contra cuncta nobis adversántia, déxteram tuæ maiestátis exténde. Per Dóminum nostrum.Nous vous en supplions, Seigneur, daignez, dans votre clémence, exaucer nos prières, et étendre la droite de votre majesté pour nous préserver de tout ce qui nous est contraire.
Léctio libri Exodi.Lecture du livre de l’Exode.
Exodi 24, 12-18.
In diébus illis : Dixit Dóminus ad Móysen : Ascénde ad me in montem, et esto ibi : dabóque tibi tábulas lapídeas, et legem ac mandáta quæ scripsi : ut dóceas fílios Israël. Surrexérunt Moyses et Iosue miníster eius : ascendénsque Moyses in montem Dei, senióribus ait : Exspectáte hic, donec revertámur ad vos. Habétis Aaron et Hur vobíscum : si quid natum luent quæstiónis, referétis ad eos. Cumque ascendísset Moyses, opéruit nubes montem, et habitávit glória Dómini super Sínai, tegens illum nube sex diébus : séptimo autem die vocávit eum de médio calíginis. Erat autem spécies glóriæ Dómini, quasi ignis ardens super vérticem montis ; in conspéctu filiórum Israël. Ingressúsque Móyses médium nébulæ, ascéndit in montem : et luit ibi quadragínta diébus et quadragínta nóctibus.En ces jours-là, le Seigneur dit à Moïse : "Monte vers moi sur la montagne, et restes-y ; je te donnerai les tables de pierre, la loi et les préceptes que j’ai écrits pour leur instruction." Moïse se leva, avec Josué, son serviteur, et Moïse monta vers la montagne de Dieu. Il dit aux anciens : Attendez-nous ici, jusqu’à ce que nous revenions auprès de vous. Voici Aaron et Hur seront avec vous ; si quelqu’un a un différend, qu’il s’adresse à eux." Moïse monta vers la montagne, et la nuée couvrit la montagne ; la gloire du Seigneur reposa sur la montagne de Sinaï, et la nuée la couvrit pendant six jours. Le septième jour, le Seigneur appela Moïse du milieu de la nuée. L’aspect de la gloire du Seigneur était, aux yeux des enfants d’Israël, comme un feu dévorant sur le sommet de la montagne. Moïse entra au milieu de la nuée, et monta à la montagne ; et Moïse demeura sur la montagne quarante jours et quarante nuits.
Graduale. Ps. 24, 17-18.Graduel
Tribulatiónes cordis mei dilatátæ sunt : de necessitátibus meis éripe me, Dómine.Les tribulations de mon cœur se sont multipliées : tirez-moi de mes angoisses.
V/. Vide humilitátem meam, et labórem meum : et dimítte ómnia peccáta mea.Voyez mon humiliation et ma peine et remettez-moi tous mes péchés.
Hic dicitur V/. Dóminus vobíscum, sine Flectámus génua.Ici on dit V/. Le Seigneur soit avec vous, sans Fléchissons les genoux.
Oratio.Prière
Devotiónem pópuli tui, quǽsumus, Dómine, benígnus inténde : ut, qui per abstinéntiam macerántur in córpore, per fructum boni óperis reficiántur in mente. Per Dóminum.Regardez, dans votre bienveillance, nous vous en supplions, Seigneur, la dévotion de votre peuple afin que le fruit des bonnes œuvres fortifie et renouvelle selon l’esprit ceux qui mortifient leur corps au moyen de l’abstinence.
Léctio libri Regum.Lecture du livre des Rois.
3 Reg. 19, 3-8.
In diébus illis : Venit Elías in Bersabée Iuda, et dimísit ibi púerum suum, et perréxit in desértum, viam uníus diéi. Cumque venísset, et sedéret subter unam iuníperum, petívit ánimæ suæ, ut morerétur, et ait : Súfficit mihi, Dómine, tolle ánimam meam : neque enim mélior sum quam patres mei. Proiecítque se, et obdormívit in umbra iuníperi : et ecce, Angelus Dómini tétigit eum, et dixit illi : Surge et cómede. Respéxit, et ecce ad caput suum subcinerícius panis, et vas aquæ : comédit ergo et bibit, et rursum obdormívit. Reversúsque est Angelus Dómini secundo, et tétigit eum, dixítque illi : Surge, cómede : grandis enim tibi restat via. Qui cum surrexísset, comédit et bibit, et ambulávit in fortitúdine cibi illíus quadragínta diébus et quadragínta nóctibus, usque ad montem Det Horeb.En ces jours-là, Elie, étant arrivé à Bersabée, qui appartient à Juda, y laissa son serviteur. Pour lui, il alla dans le désert l’espace d’une journée de marche ; arrivé là, il s’assit sous un genêt et demanda pour lui la mort, en disant : "C’est assez ! Maintenant, Seigneur, prends ma vie, car je ne suis pas meilleur que mes pères !" Il se coucha et s’endormit sous le genêt. Et voici qu’un ange le toucha et lui dit : "Lève-toi, mange." Il regarda, et voici qu’il y avait à son chevet un gâteau cuit sur des pierres chauffées et une cruche d’eau. Après avoir mangé et bu, il se recoucha. L’ange du Seigneur vint une seconde fois, le toucha et dit : "Lève-toi, mange, car le chemin est trop long pour toi." Il se leva, mangea et but, et, avec la force que lui donna cette nourriture, il marcha quarante jours et quarante nuits jusqu’à la montagne de Dieu, à Horeb.
Tractus. Ps. 24, 17, 18 et 1-4.Trait.
De necessitátibus meis éripe me, Dómine : vide humilitátem meam et labórem meum : et dimítte ómnia peccáta mea.Tirez-moi de mes angoisses, Seigneur, voyez mon humiliation et ma peine et remettez-moi tous mes péchés.
V/. Ad te, Dómine, levávi ánimam meam : Deus meus, in te confído, non erubéscam : neque irrídeant me inimíci mei.Vers vous, Seigneur, j’ai élevé mon âme ; mon Dieu, je mets ma confiance en vous, que je n’aie pas à rougir ; et que mes ennemis ne se moquent pas de moi.
V/. Etenim univérsi, qui te exspéctant, non confundéntur : confundántur omnes faciéntes vana.Car tous ceux qui vous attendent ne seront pas confondus. Qu’ils soient confondus tous ceux qui commettent l’iniquité sans raison.
+ Sequéntia sancti Evangélii secundum Matthǽum.Lecture du Saint Evangile selon saint Mathieu.
Matth. 12, 38-50.
In illo témpore : Respondérunt Iesu quidam de scribis et pharis.is, dicéntes : Magíster, vólumus a te signum vidére. Qui respóndens, ait illis : Generátio mala et adúltera signum quærit : et signum non dábitur ei, nisi signum Ionæ Prophétæ. Sicut enim fuit Ionas in ventre ceti tribus diébus et tribus nóctibus : sic erit Fílius hóminis in corde terræ tribus diébus et tribus nóctibus. Viri Ninivítæ surgent in iudício cum generatióne ista, et condemnábunt eam : quia pæniténtiam egérunt in prædicatióne Ionæ. Et ecce plus quam Ionas hic. Regína Austri surget in iudício cum generatióne ista, et condemnábit eam : quia venit a fínibus terræ audire sapiéntiam Salomónis. Et ecce plus quam Sálomon hic. Cum autem immúndus spíritus exíerit ab hómine, ámbulat per loca árida, quærens réquiem, et non invénit. Tunc dicit : Revértar in domum meam, unde exívi. Et véniens invénit eam vacántem, scopis mundátam, et ornátam. Tunc vadit, et assúmit septem álios spíritus secum nequióres se, et intrántes hábitant ibi : et fiunt novíssima hóminis illíus pe-ióra prióribus. Sic erit et generatióni huic péssimæ. Adhuc eo loquénte ad turbas, ecce, Mater eius et fratres stabant foris, quæréntes loqui ei. Dixit autem ei quidam : Ecce, mater tua et fratres tui foris stant, quæréntes te. At ipse respóndens dicénti sibi, ait : Quæ est mater mea, et qui sunt fratres mei ? Et exténdens manum in discípulos suos, dixit : Ecce mater mea et fratres mei. Quicúmque enim fécerit voluntátem Patris mei, qui in cælis est : ipse meus frater et soror et mater est.En ce temps-là : quelques-uns des scribes et des Pharisiens prirent la parole et dirent : "Maître, nous voudrions voir un signe de vous." Il leur répondit : "Une génération mauvaise et adultère réclame un signe : il ne lui sera donné d’autre signe que le signe du prophète Jonas. Car de même que Jonas fut trois jours et trois nuits dans le ventre du poisson, ainsi le Fils de l’homme sera dans le sein de la terre trois jours et trois nuits. Les hommes de Ninive se dresseront, au (jour du) jugement, avec cette génération et la feront condamner, car ils ont fait pénitence à la prédication de Jonas, et il y a ici plus que Jonas. La reine du Midi se lèvera au (jour du) jugement, avec cette génération et la fera condamner, car elle est venue des extrémités de la terre pour entendre la sagesse de Salomon, et il y a ici plus que Salomon. Lorsque l’esprit impur est sorti d’un homme, il va par des lieux arides, cherchant du repos, et il n’en trouve point. Alors il dit : "Je retournerai dans ma maison, d’où je suis sorti." Et revenu, il la trouve libre, nettoyée et ornée. Alors il s’en va prendre avec lui sept autres esprits plus mauvais que lui, et, étant entrés, ils y fixent leur demeure, et le dernier état de cet homme devient pire que le premier. Ainsi en sera-t-il pour cette génération mauvaise." Comme il parlait encore aux foules, voici que sa mère et ses frères se tenaient dehors, cherchant à lui parler. Quelqu’un lui dit : "Voici votre mère et vos frères qui se tiennent dehors, et ils cherchent à vous parler." Il répondit à l’homme qui lui disait cela : "Qui est ma mère et qui sont mes frères ?" Et étendant la main vers ses disciples, il dit : "Voici ma mère et mes frères. Car quiconque fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux, celui-là est pour moi frère, sœur et mère."
Ant. ad Offertorium. Ps. 118, 47 et 48.Offertoire
Meditábor in mandátis tuis, quæ diléxi valde : et levábo manus meas ad mandáta tua, quæ diléxi.Je méditerai sur vos commandements, car je les aime, et je lèverai mes mains vers vos commandements que j’aime.
Secreta.Secrète
Hóstias tibi, Dómine, placatiónis offérimus : ut et delícta nostra miserátus absólvas, et nutántia corda tu dírigas. Per Dóminum.Nous vous présentons, Seigneur, des hosties de propitiation afin que dans votre miséricorde, vous nous pardonniez nos fautes et que vous dirigiez nos cœurs chancelants.
Præfatio de Quadragesima. Préface du Carême .
Ant. ad Communionem. Ps. 5, 2-4.Communion
Intéllege clamórem meum : inténde voci oratiónis meæ, Rex meus et Deus meus : quóniam ad te orábo, Dómine.Comprenez mon cri. Soyez attentifs à la voix de ma prière, mon roi et mon Dieu, car c’est vous que je prierai, Seigneur.
Postcommunio.Postcommunion
Tui, Dómine, perceptióne sacraménti, et a nostris mundémur occúltis, et ab hóstium liberémur insídiis. Per Dóminum.Seigneur, que par la réception de votre sacrement, nous soyons purifiés de nos péchés cachés et délivrés des embûches que nous tendent nos ennemis.
Super populum : Orémus. Humiliáte cápita vestra Deo.Sur le peuple : Prions. Humiliez vos têtes devant Dieu.
Oratio.Prière
Mentes nostras, quǽsumus, Dómine, lúmine tuæ claritátis illústra : ut vidére póssimus, quæ agénda sunt ; et, quæ recta sunt, agere valeámus. Per Dóminum nostrum.Eclairez nos âmes par la clarté de votre lumière, nous vous en supplions, Seigneur, afin que nous puissions voir ce que nous devons faire et que nous ayons la force d’accomplir ce qui est juste.

Office

A MATINES

Hymne : Ex more docti mýstico (matines du Carême)

Lectio i1ère leçon
Léctio sancti Evangélii secúndum Matthǽum.Lecture du saint Evangile selon saint Matthieu
Cap. 12, 38-50
In illo témpore : Respondérunt Iesu quidam de scribis et pharisæis, dicéntes : Magíster, vólumus a te signum vidére. Et réliqua.En ce temps-là, quelques-uns des scribes et des pharisiens prirent la parole et dirent à Jésus : « Maître, nous voulons voir un signe de vous. ». Et le reste. [1]
Homilía sancti Ambrósii EpíscopiHomélie de saint Ambroise, évêque
Liber 7 in Lucæ cap. 11
Iudæórum plebe damnáta, Ecclésiæ mystérium evidénter exprímitur, quæ in Ninivítis per pœniténtiam, et in regína Austri per stúdium percipiéndæ sapiéntiæ, de totíus orbis fínibus congregátur, ut pacífici Salomónis verba cognóscat. Regína plane, cuius regnum est indivísum, de divérsis et distántibus pópulis in unum corpus assúrgens.Le peuple juif une fois condamné, le mystère de l’Église s’exprime ici avec évidence : que ce soit par la pénitence dans la personne des Ninivites, ou par le désir de trouver la sagesse, dans celle de la Reine du Midi, elle se rassemble de toutes les régions du monde pour entendre les paroles de Salomon, le Pacifique. Reine, elle l’est assurément ; en son royaume, nulle division ; formée de peuples divers et distants dans l’espace, elle se dresse dans la stature d’un corps unique.
R/. Scíndite corda vestra, et non vestiménta vestra : et convertímini ad Dóminum Deum vestrum : * Quia benígnus et miséricors est.R/. Déchirez vos cœurs [2] et non vos vêtements, et convertissez-vous au Seigneur votre Dieu ; * Parce qu’il est bon et miséricordieux.
V/. Derelínquat ímpius viam suam, et vir iníquus cogitatiónes suas, et revertátur ad Dóminum, et miserébitur eius.V/. Que l’impie [3] abandonne sa voie, et l’homme inique ses pensées, et qu’il retourne au Seigneur, et il aura pitié de lui.
R/. Quia benígnus et miséricors est.R/. Parce qu’il est bon et miséricordieux.
Lectio ii2e leçon
Itaque sacraméntum illud magnum est de Christo et Ecclésia. Sed tamen hoc maius est, quia illud in figúra ante præcéssit, nunc autem plenum in veritáte mystérium est. Illic enim Sálomon typus, hic autem Christus in suo córpore est. Ex duóbus ígitur constat Ecclésia : ut aut peccáre nésciat, aut peccáre désinat. Pœniténtia enim delíctum ábolet, sapiéntia cavet.Aussi « ce mystère-là est grand par rapport au Christ et à l’Église » (Ep 5, 32), mais celui-ci est plus grand encore. L’autre a précédé, à titre de figure, mais à présent, le mystère s’accomplit en toute réalité ; là, Salomon n’est que le type, ici, le Christ est présent dans son corps. L’Église offre donc un double aspect, selon qu’on ignore le péché, ou que l’on cesse de pécher, car la pénitence détruit le péché, mais la sagesse, elle, veut l’éviter.
R/. Frange esuriénti panem tuum, et egénos vagósque induc in domum tuam : * Tunc erúmpet quasi mane lumen tuum, et anteíbit fáciem tuam iustítia tua.R/. Romps ton pain [4] pour celui qui a faim, et fais entrer dans ta maison les indigents et ceux qui errent : * Alors ta lumière éclatera comme le matin et ta justice marchera devant ta face.
V/. Cum víderis nudum, óperi eum, et carnem tuam ne despéxeris.V/. Lorsque tu verras quelqu’un nu, couvre le, et ne méprise point ta chair.
R/. Tunc erúmpet quasi mane lumen tuum, et anteíbit fáciem tuam iustítia tua.R/. Alors ta lumière éclatera comme le matin et ta justice marchera devant ta face.
Lectio iii3e leçon
Céterum Ionæ signum, ut typus Domínicæ passiónis, ita étiam grávium, quæ Iudǽi commíserint, testificátio peccatórum est. Simul advértere licet et maiestátis oráculum, et pietátis indícium. Namque Ninivitárum exémplo et denuntiátur supplícium, et remédium demonstrátur. Unde étiam Iudǽi debent non desperáre indulgéntiam, si velint ágere pœniténtiam.Par ailleurs, si le signe de Jonas figure la Passion du Seigneur, il atteste aussi la gravité des péchés commis par des Juifs. L’on peut y voir à la fois la proclamation de la majesté et le signe de la miséricorde. En effet, l’exemple des Ninivites annonce le châtiment, mais en même temps, il montre le remède. Dès lors, les Juifs non plus ne doivent pas désespérer du pardon, pourvu qu’ils consentent à faire pénitence.
R/. Abscóndite eleemósynam in sinu páuperum, et ipsa orábit pro vobis ad Dóminum : * Quia sicut aqua exstínguit ignem, ita eleemósyna exstínguit peccátum.R/. Cache l’aumône [5] dans le sein du pauvre, et elle-même priera pour toi le Seigneur, * Car comme l’eau éteint le feu, l’aumône éteint le péché.
V/. Date eleemósynam, et ecce ómnia munda sunt vobis.V/. Faites [6] l’aumône, et tout sera pur pour vous.
* Quia sicut aqua exstínguit ignem, ita eleemósyna exstínguit peccátum. Glória Patri. * Quia sicut aqua exstínguit ignem, ita eleemósyna exstínguit peccátum.* Car comme l’eau éteint le feu, l’aumône éteint le péché. Gloire au Père. * Car comme l’eau éteint le feu, l’aumône éteint le péché.

A LAUDES

Hymne : O sol salútis, íntimis (laudes du Carême)

Ad Bened. Ant. Generátio * hæc prava et pervérsa signum quærit : et signum non dábitur ei, nisi signum Ionæ prophétæ. Ant. au Bénédictus Cette génération * dépravée et perverse demande un signe : et il ne lui sera pas donné de signe, sinon celui de Jonas.

Benedictus

AUX VÊPRES

Hymne : Audi, benígne Cónditor (vêpres du Carême)

Ad Magnificat Ant. Sicut fuit Ionas * in ventre ceti tribus diébus et tribus nóctibus, ita erit Fílius hóminis in corde terræ. Ant. au Magnificat De même que Jonas a été * trois jours et trois nuits dans le ventre du poisson, de même le Fils de l’Homme sera dans le sein de la terre.

Magnificat

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

Au jeûne quadragésimal vient se joindre aujourd’hui celui des Quatre-Temps. Vendredi et Samedi, nous aurons pareillement un double motif de pratiquer la pénitence. C’est la saison du printemps qu’il s’agit de consacrer à Dieu, lui en offrant les prémices dans le jeune et la prière ; c’est l’ordination des Prêtres et des Ministres sacrés sur laquelle il faut appeler les bénédictions d’en haut. Ayons donc un souverain respect pour ces trois jours.

Jusqu’au XIe siècle, le jeûne des Quatre-Temps du Printemps fut attaché à la première semaine de mars, et ceux de l’Été à la seconde semaine de juin. Un décret de saint Grégoire VII les fixa aux époques où nous les célébrons aujourd’hui : les Quatre-Temps du Printemps à la première semaine de Carême, et ceux de l’Été à la semaine de la Pentecôte.

La Station est aujourd’hui dans la Basilique de Sainte-Marie-Majeure. Honorons la Mère de Dieu, refuge des pécheurs, et prions-la d’offrir elle-même à notre juge l’humble tribut de nos satisfactions.

LEÇONS.

L’Église, qui, dans les Mercredis des Quatre-Temps, nous offre toujours deux lectures de la sainte Écriture, à la place de l’Épître de la Messe, réunit aujourd’hui les deux grands types du Carême dans l’Ancien Testament, Moïse et Elie, afin de relever dans nos pensées la dignité du jeûne quadragésimal, auquel Jésus-Christ lui-même est venu donner un caractère plus sacré encore, en réalisant dans sa personne ce que la Loi et les Prophètes n’avaient accompli qu’en figure.

Moïse et Elie jeûnent quarante jours et quarante nuits, parce qu’ils vont s’approcher de Dieu. Il faut que l’homme s’épure, qu’il se dégage du poids du corps, s’il veut se mettre en rapport avec celui qui est l’Esprit. Néanmoins, la vision de Dieu dont furent favorisés ces deux saints hommes fut très imparfaite : ils sentirent que le Seigneur était près d’eux, mais ils ne virent pas sa gloire. Depuis, le Seigneur s’est manifesté dans la chair, et l’homme l’a vu, il l’a entendu, il l’a touché de ses mains [7]. Nous ne sommes pas du nombre de ces heureux mortels qui conversèrent avec le Verbe de vie ; mais, dans la divine Eucharistie, il fait plus que de se laisser voir : il entre en nous, il devient notre substance. Le plus humble fidèle dans l’Église possède Dieu plus pleinement que Moise sur le Sinaï, et Elie sur Horeb. Ne soyons donc pas étonnés si l’Église, pour nous préparer à cette faveur, dans la fête de Pâques, veut que nous traversions auparavant une épreuve de quarante jours, mais beaucoup moins rigoureuse que celle qui fut pour Moise et Elie la condition de la grâce que Jéhovah daigna leur faire.

ÉVANGILE.

Le Sauveur dénonce à Israël les châtiments qui l’attendent pour son aveuglement volontaire et pour la dureté de son cœur. Israël veut des prodiges pour croire ; il en est entouré, et il ne les voit pas. Tels sont les hommes de nos jours. Pour reconnaître le christianisme comme divin, il leur faudrait des preuves ; et cependant l’histoire est ouverte devant eux. Les événements présents rendent aussi leur témoignage ; mais rien ne les réveille. Ils s’en tiennent à leurs systèmes toujours déçus, et ils n’arriveront à comprendre que l’Église catholique est le fondement de la société, qu’au jour où la société qu’ils ont isolée eux-mêmes de l’Église s’écroulera dans l’abîme creusé par leurs mains. « Génération perverse et adultère », dit le Seigneur, contre laquelle s’élèveront les peuples infidèles qui n’ont point connu les institutions chrétiennes, et qui les eussent peut-être aimées et conservées. Craignons le sort des Juifs, auxquels le siège de Jérusalem, sa ruine même, ne purent ouvrir les yeux, et qui restent encore fidèles aux illusions de leur orgueil après un esclavage de dix-huit siècles. Au milieu des périls de la société, que les enfants de l’Église comprennent aussi leur responsabilité. Qu’ils se demandent pourquoi les sages du monde, les politiques de ce monde, ont cessé de compter avec eux ? Pourquoi, aujourd’hui encore, ces hommes ont tant de peine à apercevoir quelque part l’élément catholique ? C’est que les catholiques avaient délaissé l’Église et ses saintes pratiques. Chaque jour, une solitude plus grande se faisait remarquer dans nos Églises, les sacrements n’étaient plus fréquentés, le Carême n’était plus qu’un mot sur le calendrier.

Revenons non seulement à la foi de nos pères, mais à l’observation des lois chrétiennes : c’est alors que le Seigneur aura pitié de son peuple infidèle, à cause des justes qui seront dans son sein. L’apostolat de l’exemple produira ses fruits ; et si un faible faisceau de fidèles fut pour les peuples de l’empire romain ce levain dont parle le Sauveur, qui fait fermenter toute la pâte [8] : au milieu d’une société qui conserve encore plus d’éléments catholiques qu’elle ne le pense, notre zèle à confesser et à pratiquer les devoirs de la milice chrétienne ne demeurera point sans résultat.

L’Église grecque nous fournira aujourd’hui ces pieuses stances sur le jeûne, que nous empruntons à son Triodion.

Feria II Hebbdomadae IIae Jejuniorum.

Le jeûne aidé de la prière est une armure admirable ; c’est lui qui fit de Moïse un législateur, et d’Elie un zélateur, au milieu des sacrifices. Observons-le avec fermeté, ô fidèles ; crions au Sauveur : Nous avons péché contre toi seul, aie pitié de nous.

Jeûnons d’un jeûne spirituel, rompons les filets du tortueux serpent ; éloignons-nous de la perversité du mauvais exemple ; remettons à nos frères ce qu’ils nous doivent, afin que nos propres péchés nous soient remis ; c’est ainsi que nous pourrons dire : Seigneur, notre prière s’élève vers toi comme l’encens.

Agneau de Dieu, seul bon, source de miséricorde, qui par ton divin pouvoir ôtes les péchés du monde, je suis agité des tempêtes du péché, sauve-moi, et conduis-moi dans les sentiers de la pénitence.

Le vrai jeûne, c’est la fuite du péché, la rupture des affections perverses, la charité envers Dieu, le zèle de la prière, les larmes de la componction, le soin des pauvres, comme le Christ ordonne dans les Écritures.

Bienfaisant médecin de nos âmes, guéris la mienne blessée du glaive du péché, mise en lambeaux par mes nombreux crimes ; applique-moi le remède de tes sages commandements, Sauveur plein de clémence !

Le temps du jeûne convient à la componction : livrons-nous aux pleurs, gémissons, tendons nos mains vers l’unique Rédempteur, afin qu’il sauve nos âmes.

Qu’il me soit donné d’éteindre tous mes mauvais penchants, de concevoir ton amour, ô Christ ! De m’enrichir de tes dons divins, bon Jésus ! De me livrer à ton service.

Vois, mon âme, sois attentive, de peur que, tout en jeûnant, tu ne remplaces l’intempérance par les injures, les inimitiés, les rixes contre le prochain, et que tu ne te sépares de Dieu par ta négligence.

O mon Christ ! Comment soutiendrai-je ta colère, quand tu viendras pour juger ? Que répondrai-je, ô Christ ! Moi qui n’ai pas accompli tes préceptes ? Pardonne-moi avant ma sortie de ce monde.

Arrache mon âme, Seigneur, à la tyrannie des passions, afin que, rendu à la liberté, j’accomplisse ta volonté avec joie, et que je glorifie ta puissance dans les siècles.

Déteste, ô mon âme, l’intempérance d’Ésaü, imite les vertus de Jacob, remplace Bélial par l’abstinence, amasse un trésor divin et loue Dieu à jamais.

Accorde-nous, ô Christ miséricordieux ! de traverser sans aucune tempête la mer tranquille du jeûne, afin que nous arrivions au port de la Résurrection pour célébrer à jamais ta gloire.

Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

Collecte à Saint-Pierre « ad Vincula ».
Station à Sainte-Marie-Majeure.

Parler de Quatre-Temps en Carême semble vraiment chose superflue, puisque les trois jours de cette semaine, consacrés au jeûne IV Temporum rentrent simplement dans la série de la sainte quarantaine et ne s’en distinguent aucunement. Les sources romaines antiques nous parlent en effet du jeûne du IVe, du VIIe et du Xe mois, et le Liber Pontificalis dit du pape Callixte : Hic construit ieiunium die sabbati ter in anno fieri [9], sans rien dire des trois jeûnes des Tempora de mars.

Le Carême était un jeûne à part, et n’entrait pas dans le cycle III Temporum, à moins que la première semaine de ces Quatre-Temps n’eût coïncidé avec la Quinquagésime, ou que la fixation actuelle du jeûne à la sixième semaine avant Pâques ne date d’une époque où le jeûne pascal commençait seulement trois semaines avant la grande solennité. Pour conclure nous dirons : ou que le jeûne de ces Tempora en Carême est une addition privée de signification spéciale, ou qu’il faut leur trouver une place, hors du jeûne pascal.

Les ordinations mense martio ne sont pas, elles non plus, primitives ; la première fois qu’il en est question, c’est dans une lettre du pape Gélase Ier aux évêques de Lucanie [10], tandis que du temps de Léon Ier, elles étaient permises durant la vigile dominicale, ou au matin du dimanche [11].

Quoi qu’il en soit, à Rome, le rite veut qu’à la IVe férie précédant la cérémonie sacrée, les scrutins des candidats au sacerdoce se fassent dans la basilique Libérienne, où se tient pour cette raison la station, comme pour les mettre sous le patronage de celle que Proclus de Constantinople saluait en ces termes : O templum, in quo Deus sacerdos factus est !

La basilique Libérienne, au sommet de l’Esquilin, fut établie à l’origine par le pape Libère dans un édifice civil, qui avait pris son nom de Sicinnius ; de là vient qu’Ammien Marcellin l’appela simplement : Basilica Sicinini. Au temps de Damase, elle fut occupée par les schismatiques du parti d’Ursicin. Sixte III la fit restaurer et décorer de mosaïques représentant la vie de la Vierge ; peut-être est-ce aussi de son temps que date l’érection de l’oratoire de la Crèche, minuscule reproduction romaine du sanctuaire de la Nativité à Bethléem. Sous l’autel-majeur sont les corps de saint Mathias et de saint Epaphras, disciple de saint Paul à Colosses.

L’introït est triste, au delà de toute expression, mais plein de confiance, et l’art du compositeur grégorien a su exprimer étonnamment cet état d’âme dans la mélodie de l’antiphonaire. Le texte est emprunté au psaume 24 : « Souvenez-vous, Seigneur, de vos miséricordes, et de votre éternelle compassion. Ah ! que nos ennemis ne prévalent jamais. Dieu d’Israël, délivrez-nous de toute angoisse. »

Après la prière litanique, le diacre invite l’assemblée à se prosterner à terre : flectamus genua ; puis, après une courte prière que chacun fait pour son compte, le même lévite avertit qu’on doit se lever : levate, afin que le prêtre puisse résumer dans la collecte — telle est la véritable signification de ce mot — les vœux de chacun pour les présenter à Dieu. Voici le texte de la collecte de ce jour : « Accueillez avec bonté, Seigneur, nos prières, et étendez votre droite puissante contre tous nos adversaires. »

Le jeûne de la sainte quarantaine, et la catéchèse aux aspirants au Baptême, évoquent le souvenir de l’Horeb (Ex., XXIV, 12-18), quand Moïse demeura quarante jours dans le jeûne et les colloques avec Yahweh sur les cimes granitiques du Sinaï, afin de recevoir les tables de la Loi.

Solitude, prière, jeûne, nuée, feu, éclairs, devaient purifier dans la pénitence et l’humilité l’âme du grand conducteur des Israélites, et inspirer à celui-ci une grande crainte de Dieu et une très haute idée de la transcendance et de la sainteté de Yahweh. Et pourtant, sur le, Sinaï, ce fut seulement un ange qui remplit l’office d’envoyé de Dieu. Quelle sainteté ne requiert donc pas de nous le ministère de l’autel sacré, où est contenue non plus l’ombre, mais la réalité même des mystères préfigurés dans l’Ancienne Loi ?

Le répons-graduel est tiré du psaume 24, comme l’introït : « Les angoisses de mon cœur se sont accrues ; délivrez-moi de mes peines, Seigneur. Voyez le peu que je suis et ma tribulation, et pardonnez-moi mes fautes. »

Après cela vient la seconde collecte, qui ne fait qu’un avec la lecture précédente et avec le graduel, dont elle est comme la conclusion : « Regardez favorablement, ô Dieu, la piété de votre peuple, afin que l’âme se fortifie, portant un fruit abondant de bonnes œuvres, tandis que le corps s’exténue par le jeûne. »

Dans l’hymne nocturne du Carême [12], nous chantons, à propos du jeûne sacré : « Lex et Prophetae primitus Hoc praetulerunt... »

Après Moïse et la Loi, vient Élie, le prophète par excellence. Élie, en un moment d’indicible angoisse, sent tout le découragement de l’isolement et des persécutions de Jézabel ; mais, fortifié par le pain subcinericius du jeûne et par la grâce, il soutient la fatigue d’une quarantaine tout entière, qu’il passe sur la sainte montagne où auparavant avait été promulguée la Loi (III Reg., XIX, 3-8). Cette nourriture miraculeuse qui réconforte le prophète, préfigurait le pain eucharistique, véritable azyme de mortification, qui fait germer, comme le dit l’Écriture, des pensées virginales et élève l’âme sur la cime du Calvaire.

Le trait est tiré du même psaume 24, comme cela est de règle dans les messes les plus anciennes, où un seul psaume fournit tous les chants, tant antiphonaires que responsoriaux.

Il faut remarquer qu’en ce jour, le trait, séparé du répons-graduel, est à sa vraie place, c’est-à-dire après la seconde lecture : « Délivrez-moi, ô Seigneur, de mes angoisses ; voyez ma misère et mes peines, et pardonnez-moi toutes mes fautes. Seigneur, j’élève mon âme vers vous ; mon Dieu, en vous je me confie ; ah ! Que je ne sois pas déshonoré, et que mes ennemis ne se réjouissent pas à mon sujet. Non, ils ne seront pas confondus, ceux qui espèrent en vous ; au contraire, tous ceux qui, bien en vain, se révoltent, seront couverts de honte. »

En ce jour où la station est dans la principale basilique mariale de Rome, le saint Évangile (Matth., XII, 38-50), en une allusion très délicate et très profonde relativement à Notre-Dame, met en relief sa sainteté et l’intime union qui joint le cœur de la Mère à celui de son divin Fils. Celui-ci était occupé à enseigner les foules, quand on l’avertit qu’au dehors sa Mère et ses cousins le cherchent. Jésus profite de la circonstance pour insinuer que les vertus intérieures et la soumission absolue au bon plaisir divin, nous unissent beaucoup mieux à Dieu que les simples liens d’une parenté charnelle.

L’offertoire est tiré du psaume 118 : « Je méditerai vos commandements dont je me délecte souverainement. Je me mettrai à exécuter vos préceptes, où je trouve un si grand réconfort. »

La secrète sur l’oblation est la même qu’au Ve dimanche après l’Épiphanie.

L’antienne pour la communion est empruntée au psaume 5 : « Écoutez mon cri, prêtez l’oreille à la voix de ma douleur, mon Roi et mon Dieu, car c’est vous que je supplie, ô Seigneur. »

Voici la belle collecte eucharistique : « Que la participation à votre Sacrement, Seigneur, serve à nous purifier des fautes les plus intimes et à nous délivrer des embûches de l’ennemi. »

La collecte sur le peuple insiste à nouveau sur la nécessité de la lumière divine pour découvrir toute la malice qui se cache dans les replis de notre conscience : « Que le rayon de votre splendeur illumine nos âmes, afin que nous puissions connaître ce qui doit se faire, et que nous ayons la force d’exécuter ce qui est juste. »

C’est le propre de toute époque frivole et incrédule, comme la nôtre, de manifester une certaine curiosité d’expérience religieuse, comme on l’appelle ; mais celle-ci, à cause des mauvaises dispositions de l’âme, si elle peut atteindre le cœur, n’arrive jamais à le ramener sincèrement à Dieu. De telles générations incrédules, qui, à la façon d’Hérode, durant la Passion de Jésus, cherchent le sensible, l’émotion, — aujourd’hui sont revenus à la mode le spiritisme, la théosophie, etc., —le miracle, comme pour assouvir le prurit morbide de leur curiosité religieuse, se trompent entièrement. Dieu se cache aux curieux et aux investigations orgueilleuses du savant qui prétend vouloir scruter les empreintes divines sur le terrain de la création ; il dissimule sa gloire sous le voile de l’humilité, dans l’anéantissement de la Croix et du tombeau. Voilà le signe préfiguré par le prophète Jonas, qui seul est accordé, comme l’atteste aujourd’hui le saint Évangile, à une génération souriante de scepticisme et d’incrédulité.

Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique

QUATRE-TEMPS DE CARÊME

Les Quatre-Temps de Carême sont les plus récents dans les quatre séries de Quatre-Temps et n’ont pas la même importance que les trois autres. En effet, tout le Carême » est consacré au renouvellement intérieur. Les trois jours, mercredi, vendredi et samedi, sont au service de la préparation quadragésimale : ce sont des jours de pénitence dans un temps de pénitence. Le mercredi est le jour consacré à Marie, dans la semaine des Quatre-Temps, c’est le jour de l’esprit intérieur et du recueillement. Le vendredi est un jour de pénitence. Le samedi (autrefois, c’était la nuit du samedi au dimanche) est la fête d’action de grâces et de renouvellement de l’alliance.

MERCREDI DES QUATRE-TEMPS

STATION A SAINTE-MARIE MAJEURE

Morse et Elie jeûnent.

1. Prédicateurs de carême. — Nous voyons devant nous, aujourd’hui, quatre prédicateurs de carême ; le Christ, la Sainte Vierge, Moïse et Élie. Ils nous disent comment nous devons observer le Carême. Dimanche dernier, nous avons vu comment le Christ jeûna pendant quarante jours et fut ensuite tenté par le diable. Le jeûne et la tentation sont en étroite relation. Le jeûne fut la préparation au combat contre le prince de ce monde. Aujourd’hui, le Seigneur nous parle de l’entrée du diable dans la demeure de l’âme. Le Christ nous enseigne l’importance du jeûne dans le combat contre le démon, dans le combat contre notre nature inférieure. « Par le jeûne corporel, tu réprimes les vices, » dit la Préface du Carême. Il faut sans cesse répéter que c’est là le travail principal du carême. Tous les autres exercices seront sans valeur si nous ne triomphons pas du diable. Marie, qui est le coryphée dans le sacrifice d’aujourd’hui, nous prêche la soumission à la volonté de Dieu. L’Évangile nous présente Marie dans une situation subordonnée. Le Christ laisse de côté sa Mère ; son regard embrasse ses disciples, il les appelle sa mère et ses frères, s’ils « accomplissent la volonté de son Père céleste. » C’est Marie qui nous précède, à l’Offertoire, et qui chante ces paroles : « Je veux méditer sur tes commandements, je les aime extrêmement. » — Moïse nous apprend à utiliser le jeûne de quarante jours comme un temps d’union avec Dieu et de prière. La prière et le jeûne se complètent mutuellement. Si nous voulons nous entretenir avec Dieu, il faut imposer silence à la chair, au monde, à la nature. Le Christ ne nous dit-il pas : « Cette espèce (de mauvais Esprits) ne peut être chassée que par la prière et le jeûne » — Élie jeûne dans son voyage à travers le désert et, fortifié par la nourriture céleste, il marche, pendant quarante jours, jusqu’au mont Horeb, la montagne de Dieu. — Ainsi, chacun des quatre prédicateurs de Carême nous fait voir ce temps de grâces sous un aspect différent : le jeûne dans le combat contre le diable, le jeûne dans l’accomplissement des commandements, le jeûne et la prière, le jeûne sur le rude chemin de la vie.

Considérons encore que la messe d’aujourd’hui est le point de jonction qui relie les trois premiers dimanches de Carême. Le premier dimanche, nous voyons le Christ jeûner pendant quarante jours ; aujourd’hui, on nous raconte la même chose de Moïse et d’Élie. Le dimanche suivant, nous voyons le Christ, Moïse et Élie réunis au moment de la Transfiguration. La liturgie veut nous dire par là : la Loi, les Prophètes et l’Évangile nous enseignent cette grande vérité : La voie qui mène à la Transfiguration (à la fête de Pâques) passe par les quarante jours de jeûne.

2. L’église de station : Sainte-Marie Majeure. — Le mercredi des quatre semaines de Quatre-Temps, l’office de station se célèbre, depuis l’antiquité, dans la plus grande église romaine de Marie. Cette basilique est du IVe siècle, elle fut reconstruite sous le pape Sixte III (431-440) et, à l’occasion de la définition du concile d’Éphèse qui proclamait la véritable maternité divine de Marie, elle fut dédiée à la Sainte Vierge. Il est probable que, dans la seconde moitié du IVe siècle, la solennité des Quatre-Temps fut réorganisée et qu’on choisit dès lors, pour l’office de station, les trois plus grandes églises romaines (Sainte-Marie Majeure, les Saints-Apôtres, Saint-Pierre). Nous nous rendons donc aujourd’hui dans la plus grande et la plus vénérable église mariale du monde. On ne peut pas nier qu’il y ait une relation entre la messe et l’église de station, dans l’apparition de Marie dans l’Évangile. Elle se présente comme le type de l’Église. L’Église, en tant que mère de ceux qui font la volonté du Père céleste, est aussi la mère du Christ.

3. Le thème des catéchumènes. — L’avant-messe doit donner aux catéchumènes eux-mêmes un pressentiment de la voie qu’il leur faudra suivre. S’ils peuvent déjà voir, dans la montée de Moïse et d’Élie sur la montagne sainte après quarante jours de jeûne, une image de leur baptême, l’Évangile parle, d’une manière toute spéciale, de leur élection. Le peuple élu des Juifs est rejeté. Par contre, les païens sont appelés. Ce n’est plus la descendance charnelle qui est décisive, mais l’esprit intérieur de l’homme : « celui qui fait la volonté de mon Père. » C’est là la résolution des catéchumènes : ils veulent faire la volonté du Père. Ils veulent briser avec ce qu’ils ont aimé jusqu’ici, ils veulent vivre une nouvelle vie. C’est ainsi qu’ils trouvent le Christ, deviennent ses frères et ses sœurs et sont, en lui, frères et sœurs entre eux. Ils entrent ainsi dans la famille divine, dans laquelle se trouvent les trésors de la grâce et du salut. « Les habitants de Ninive (les païens) se lèveront au jugement contre cette génération (contre le peuple élu d’Israël) et la condamneront. » Les païens, les catéchumènes sont donc le peuple élu, le peuple de la grâce, les héritiers de la bénédiction. Mais l’allusion au sort du peuple d’Israël est, en même temps, pour les catéchumènes, un sérieux avertissement. Ils doivent se rendre dignes de leur vocation par une fidélité complète.

4. Le thème de la Passion. — Les deux antiennes du lever et du coucher du soleil nous parlent de Jonas. « De même que Jonas a été trois jours et trois nuits dans le ventre du poisson, de même le Fils de l’Homme sera dans le sein de la terre » (Ant. Magnificat). « Le signe de Jonas est la figure de la mort du Christ » (Saint Ambroise dans le bréviaire d’aujourd’hui). Nous chantons de nouveau un des beaux répons : « Romps ton pain à ceux qui ont faim,
Les indigents et les abandonnés, conduis-les dans ta maison.
Alors la lumière se lèvera comme l’éclat du matin.
Et ta justice marchera devant ta face.
Quand tu verras un homme nu,
Revêts-le
Et ne méprise pas ta chair. »

5. Psaume 5. — Le fidèle se rend le matin à l’église. — De l’auteur de ce psaume nous ne savons rien. Cependant la situation du cantique est claire pour nous. Nous l’attribuons à un homme (prêtre ou lévite) qui, de grand matin, monte au temple pour le sacrifice et la prière. En s’y rendant, il récite cette prière du matin. Cette situation peut très bien s’appliquer à la vie de prière du chrétien et nous pouvons intituler ce cantique : « Le fidèle se rend le matin à l’église. » Le psaume contient plusieurs pensées qui conviennent parfaitement à une prière du commencement du jour. Le psaume nous paraît divisé en cinq strophes, qui, même extérieurement, sont construites de la même manière. Seulement la première strophe est un peu plus longue et semble vouloir donner le mouvement.

Seigneur, prête l’oreille à mes paroles et entends mes soupirs.
Sois attentif à mes supplications, mon Roi et mon Dieu.
Dès le matin je crie vers toi,
Écoute mes cris, Seigneur ;
Dès le matin je me tiens devant toi et j’attends.

Tu n’es pas un Dieu qui prenne plaisir au mal,
Aucun méchant ne peut habiter avec toi,
les insensés ne subsistent pas devant tes yeux.
Tu hais tous les artisans d’iniquité,
tu fais périr les menteurs.
Les hommes de sang et de fraude sont en horreur devant toi, Seigneur.

Pour moi, je me réjouis de ta grande miséricorde,
J’ai droit d’entrer dans ta maison,
de me prosterner avec crainte dans ton sanctuaire ;
Seigneur, conduis-moi dans ta justice,
et aplanis la voie sous mes pas.

Il n’y a point de vérité dans leur bouche,
leur cœur est plein de malice,
leur gosier est un sépulcre ouvert,
Ils font leur langue caressante ;
Châtie-les, ô Dieu,
Qu’ils soient renversés dans leurs intrigues ;
à cause de leur grande méchanceté, rejette-les de toi,
car ils sont en révolte contre toi, Seigneur.

Mais que se réjouissent tous ceux qui se confient en toi ;
qu’ils soient dans une perpétuelle allégresse, tu les protèges.
Ils se glorifient en toi, ceux qui aiment ton nom,
car tu bénis le juste.
Et semblable à un bouclier, Seigneur,
ta grâce nous couvre.

[1] Il leur répondit : « Cette génération méchante et adultère demande un signe, et il ne lui sera donné d’autre signe que le signe du prophète Jonas. Car de même que Jonas fut trois jours et trois nuits dans le ventre d’un grand poisson, ainsi le Fils de l’homme sera trois jours et trois nuits dans le cœur de la terre. Les hommes de Ninive se lèveront au jour du jugement contre cette génération, et la condamneront, parce qu’ils ont fait pénitence à la prédication de Jonas ; et voici qu’il y a ici plus que Jonas. La reine du Midi se lèvera au jour du jugement contre cette génération, et la condamnera ; car elle est venue des extrémités de la terre pour entendre la sagesse de Salomon ; et voici qu’il y a ici plus que Salomon. Lorsque l’esprit impur est sorti d’un homme, il erre dans des lieux arides, cherchant du repos, et il n’en trouve point. Alors il dit : Je retournerai dans ma maison, d’où je suis sorti. Et, y revenant, il la trouve vide, balayée et ornée. Alors il va, et prend avec lui sept autres esprits plus méchants que lui, et entrant dans la maison, ils y habitent, et le dernier état de cet homme devient pire que le premier. C’est ce qui arrivera à cette génération très mauvaise. » Comme il parlait encore aux foules, voici que sa mère et ses frères, se tenant dehors, cherchaient à lui parler. Quelqu’un lui dit : « Voici que votre mère et vos frères sont dehors, et vous cherchent. » Mais il répondit à celui qui lui avait dit cela : « Qui est ma mère, et qui sont mes frères ? » Et étendant sa main sur ses disciples, il dit : « Voici Ma mère et mes frères. Car quiconque fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux, celui-là est mon frère, et ma sœur, et ma mère. »

[2] Joël 2, 13

[3] Is 55, 7

[4] Is 58, 7

[5] Eccli 29, 15 – 3, 33

[6] Luc 11, 41

[7] I Johan. I, 1.

[8] Évangile du VIe Dimanche après l’Épiphanie.

[9] Ed. Duchesne, I, 141.

[10] P. L., LIX, col. 47.

[11] Ep. ad Diosc., P. L., LIV, col. 626.

[12] Hymne : Ex more docti mýstico (matines du Carême) .