Accueil - Missel - Sanctoral

17/01 St Antoine, abbé

Version imprimable de cet article Version imprimable Partager


Sommaire

  Textes de la Messe  
  Office  
  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum  
  Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique  

Déposition vers 354. Culte attesté en Orient dès le Ve siècle. Il se diffuse en Angleterre et en Europe de l’Ouest à partir du IXe siècle. Accueilli à Rome d’abord dans les abbayes (comme St Paul ermite et St Maur), il n’entre au calendrier des basiliques qu’au XIIe siècle.

Textes de la Messe

die 17 ianuarii
le 17 janvier
SANCTI ANTONII
SAINT ANTOINE
Abbatis
Abbé
III classis (ante CR 1960 : duplex)
IIIème classe (avant 1960 : double)
Ant. ad Introitum. Ps. 36, 30-31.Introït
Os iusti meditábitur sapiéntiam, et lingua eius loquétur iudícium : lex Dei eius in corde ipsíus.La bouche du juste méditera la sagesse et sa langue proférera l’équité ; la loi de son Dieu est dans son cœur.
Ps. Ibid., 1.
Noli æmulári in malignántibus : neque zeláveris faciéntes iniquitátem.Ne porte pas envie au méchant et ne sois pas jaloux de ceux qui commettent l’iniquité.
V/. Glória Patri.
OratioCollecte
Intercéssio nos, quǽsumus, Dómine, beáti Antónii Abbátis comméndet : ut, quod nostris méritis non valémus, eius patrocínio assequámur. Per Dóminum nostrum.Que l’intercession du bienheureux Abbé Antoine, nous recommande, s’il vous plaît, auprès de vous, Seigneur, afin que nous obtenions, par son patronage, ce que nous ne pouvons attendre de nos mérites.
Léctio libri Sapientiæ.Lecture du livre de la Sagesse.
Eccli. 45, 1-6.
Diléctus Deo et homínibus, cuius memória in benedictióne est. Símilem illum fecit in glória sanctórum, et magnificávit eum in timóre inimicórum, et in verbis suis monstra placávit. Gloríficávit illum in conspéctu regum, et iussit illi coram pópulo suo, et osténdit illi glóriam suam. In fide et lenitáte ipsíus sanctum fecit illum, et elégit eum ; ex omni carne. Audívit enim eum et vocem ipsíus, et indúxit illum in nubem. Et dedit illi coram præcépta, et legem vitæ et disciplínæ.Il a été aimé de Dieu et des hommes ; sa mémoire est en bénédiction. Le Seigneur lui a donné une gloire égale à celle des saints ; il l’a rendu grand et redoutable à ses ennemis, et il a fait cesser les prodiges par ses paroles. Il l’a glorifié en présence des rois, il lui a donné ses ordres devant son peuple, et lui a montré sa gloire. Il l’a sanctifié dans sa foi et dans sa douceur, et il l’a choisi entre tous les hommes. Il l’a écouté et a entendu sa voix, et il l’a fait entrer dans la nuée. Il lui a donné ses préceptes face à face, et la loi de la vie et de la science.
Graduale. Ps. 20, 4-5.Graduel
Dómine, prævenísti eum in benedictiónibus dulcédinis : posuísti in cápite eius corónam de lápide pretióso.Seigneur, vous l’avez prévenu des plus douces bénédictions ; vous avez mis sur sa tête une couronne de pierres précieuses.
V/. Vitam pétiit a te, et tribuísti ei longitúdinem diérum in sǽculum sǽculi.V/. Il vous a demandé la vie, et vous lui avez accordé des jours qui dureront dans les siècles des siècles.
Allelúia, allelúia. V/. Ps. 91, 13. Iustus ut palma florébit : sicut cedrus Líbani multiplicábitur. Allelúia.Allelúia, allelúia. V/. Le juste fleurira comme le palmier, et il se multipliera comme le cèdre du Liban. Alléluia.
+ Sequéntia sancti Evangélii secúndum Lucam.Lecture du Saint Evangile selon saint Luc.
Luc. 12, 35-40.
In illo témpore : Dixit Iesus discípulis suis : Sint lumbi vestri præcíncti, et lucernæ ardéntes in mánibus vestris, et vos símiles homínibus exspectántibus dóminum suum, quando revertátur a núptiis : ut, cum vénerit et pulsáverit, conféstim apériant ei. Beáti servi illi, quos, cum vénerit dóminus, invénerit vigilántes : amen, dico vobis, quod præcínget se, et fáciet illos discúmbere, et tránsiens ministrábit illis. Et si vénerit in secúnda vigília, et si in tértia vigília vénerit, et ita invénerit, beáti sunt servi illi. Hoc autem scitóte, quóniam, si sciret paterfamílias, qua hora fur veníret, vigiláret útique, et non síneret pérfodi domum suam. Et vos estóte paráti, quia, qua hora non putátis, Fílius hóminis véniet.En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples : Que vos reins soient ceints, et les lampes allumées dans vos mains. Et vous, soyez semblables à des hommes qui attendent que leur maître revienne des noces, afin que, lorsqu’il arrivera et frappera, ils lui ouvrent aussitôt. Heureux ces serviteurs que le maître, à son arrivée, trouvera veillant ; en vérité, je vous le dis, il se ceindra, les fera asseoir à table, et passant devant eux, il les servira. Et, s’il vient à la seconde veille, s’il vient à la troisième veille, et qu’il les trouve en cet état, heureux sont ces serviteurs ! Or, sachez que, si le père de famille savait à quelle heure le voleur doit venir, il veillerait certainernent, et ne laisserait pas percer sa maison. Vous aussi, soyez prêts ; car, à l’heure que vous ne pensez pas, le Fils de l’homme viendra.
Ant. ad Offertorium. Ps. 20, 3 et 4.Offertoire
Desidérium ánimæ eius tribuísti ei, Dómine, et voluntáte labiórum eius non fraudásti eum : posuísti in cápite eius corónam de lápide pretióso.Vous lui avez accordé, Seigneur, le désir de son cœur, et vous ne l’avez point frustré de la demande de ses lèvres. Vous avez mis sur sa tête une couronne de pierres précieuses.
SecretaSecrète
Sacris altáribus, Dómine, hóstias superpósitas sanctus Antónius Abbas, quǽsumus, in salútem nobis proveníre depóscat. Per Dóminum.Nous vous en supplions, Seigneur, que Saint Antoine, abbé, nous obtienne que les offrandes déposées sur vos sacrés autels nous soient utiles pour notre salut.
Ant. ad Communionem. Luc. 12, 42.Communion
Fidélis servus et prudens, quem constítuit dóminus super famíliam suam : ut det illis in témpore trítici mensúram.Voici le dispensateur fidèle et prudent que le Maître a établi sur ses serviteurs pour leur donner au temps fixé, leur mesure de blé.
PostcommunioPostcommunion
Prótegat nos, Dómine, cum tui perceptióne sacraménti beátus Antónius Abbas, pro nobis intercedéndo : ut et conversatiónis eius experiámur insígnia, et intercessiónis percipiámus suffrágia. Per Dóminum nostrum.O Seigneur, que le bienheureux Abbé Antoine, nous protège, en intercédant pour nous en ce moment où nous avons reçu votre sacrement, afin que nous imitions les remarquables exemples de sa vie et que nous recevions les fruits de son intercession.

Office

Leçons des Matines avant 1960

AU DEUXIÈME NOCTURNE.

Quatrième leçon. Antoine, Égyptien, naquit de parents nobles et chrétiens, dont il se vit privé, encore adolescent. Entrant un jour dans une église, il entendit citer ces paroles de l’Évangile : « Si tu veux être parfait, va et vends ce que tu as, et donne-le aux pauvres ; » il pensa devoir obéir au Christ notre Seigneur, comme si ces paroles lui eussent été adressées. Ayant donc vendu son bien, il en distribua tout l’argent aux pauvres. Dégagé de ces entraves, il entreprit de mener sur la terre un genre de vie tout céleste. Mais comme il descendait dans l’arène pour un combat si périlleux, il jugea qu’il devait adjoindre au bouclier de la foi dont il était armé, le secours des autres vertus, et il s’enflamma d’un tel zèle pour les acquérir, qu’il s’efforçait d’imiter quiconque lui semblait exceller en quelque vertu.

Cinquième leçon. Nul n’était plus continent que lui, nul plus vigilant. Il surpassait tous les autres en patience, en mansuétude, en miséricorde, en humilité, dans le travail, et dans l’étude des divines Écritures. Antoine avait une telle horreur de la rencontre et des discours des hérétiques et des schismatiques, surtout des Ariens, qu’il disait qu’il ne fallait pas les aborder. Il couchait sur le sol lorsqu’un sommeil nécessaire s’emparait de lui, et se portait au jeûne avec tant d’ardeur qu’il ne mangeait que du pain avec un peu de sel, et n’étanchait sa soif qu’avec de l’eau ; et il ne réparait ses forces par cette nourriture et ce breuvage qu’après le coucher du soleil ; souvent même il s’abstenait de nourriture pendant deux jours consécutifs, et très fréquemment passait toute la nuit en prière. Étant devenu ainsi un vrai soldat de Dieu, Antoine fut attaqué de diverses tentations par l’ennemi du genre humain mais le très saint jeune homme en triomphait par le jeûne et la prière. Toutefois, malgré ses nombreuses victoires sur Satan, Antoine ne se croyait pas encore en sûreté ; car il savait que le diable use d’innombrables artifices pour nuire aux hommes.

Sixième leçon. C’est pourquoi il se retira dans une vaste solitude de l’Égypte, où, faisant chaque jour de nouveaux progrès dans la perfection chrétienne, il en vint à mépriser tellement les démons qu’il leur reprochait leur faiblesse. Leurs assauts étaient cependant d’autant plus violents qu’Antoine devenait plus fort pour leur résister. Souvent il disait à ses disciples, qu’il excitait à combattre contre le diable, leur enseignant par quelles armes on peut le vaincre : « Croyez-moi, mes frères, Satan redoute les veilles pieuses, les prières, les jeûnes, la pauvreté volontaire, la miséricorde et l’humilité, mais surtout Tardent amour pour le Christ notre Seigneur, dont la sainte croix lui est si redoutable, que le seul signe de cette croix l’affaiblit et le met en fuite. » Le saint Abbé devint si redoutable aux démons, qu’un grand nombre de possédés furent délivrés en Égypte en invoquant le nom d’Antoine. Telle était la renommée de sa sainteté que Constantin le Grand et ses fils se recommandèrent par lettres à ses prières. Enfin, âgé de cent cinq ans, ayant déjà d’innombrables imitateurs du genre de vie qu’il avait institué, il assembla ses moines, et après leur avoir donné des instructions touchant la règle parfaite de la vie chrétienne, illustre par sa sainteté et ses miracles, il s’en alla au ciel le seize des calendes de février.

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

Qu’aujourd’hui, l’Orient et l’Occident s’unissent pour célébrer le Patriarche des Cénobites, le grand Antoine. Avant lui, la profession monastique existait déjà, comme le démontrent d’irrécusables monuments ; mais il apparaît comme le premier des Abbés, parce que le premier il a établi sous une forme permanente les familles de moines, livrés au service de Dieu, sous la houlette d’un pasteur.

D’abord hôte sublime de la solitude, et fameux par ses combats avec les démons, il a laissé se réunir autour de lui les disciples que ses œuvres merveilleuses et l’attrait de la perfection lui avaient conquis ; et le déserta vu, par lui, commencer les monastères. L’âge des Martyrs touche à sa fin ; la persécution de Dioclétien sera la dernière ; il est temps pour la Providence, qui veille sur l’Église, d’inaugurer une milice nouvelle. Il est temps que le caractère du moine se révèle publiquement dans la société chrétienne ; les Ascètes, même consacrés, ne suffisent plus. Les monastères vont s’élever de toutes parts, dans les solitudes et jusque dans les cités, et les fidèles auront désormais sous les yeux, comme un encouragement à garder les préceptes du Christ, la pratique fervente et littérale de ses conseils. Les traditions apostoliques de la prière continuelle et de la pénitence ne s’éteindront pas, la doctrine sacrée sera cultivée avec amour, et l’Église ne tardera pas à aller chercher, dans ces citadelles spirituelles, ses plus vaillants défenseurs, ses plus saints Pontifes, ses plus généreux Apôtres.

Car l’exemple d’Antoine inspirera les siècles à venir ; on se souviendra à jamais que les charmes de la solitude et les douceurs de la contemplation ne surent le retenir au désert, et qu’il apparut tout à coup dans les rues d’Alexandrie, au fort de la persécution païenne, pour conforter les chrétiens dans le martyre. On n’oubliera pas non plus que, dans cette autre lutte plus terrible encore, aux jours affreux de l’Arianisme, il reparut dans la grande cité, pour y prêcher le Verbe consubstantiel au Père, pour y confesser la foi de Nicée, et pour soutenir le courage des orthodoxes. Qui pourrait jamais ignorer les liens qui unissaient Antoine au grand Athanase, ou ne pas se rappeler que cet illustre champion du Fils de Dieu visitait cet autre Patriarche, au fond de son désert, qu’il procurait de tous ses moyens l’avancement de l’œuvre monastique, qu’il plaçait dans la fidélité des moines l’espoir du salut de l’Église, et qu’il voulut écrire lui-même la vie sublime de son ami ?

C’est dans cet admirable récit qu’on apprend à connaître Antoine ; c’est là que se révèlent la grandeur et la simplicité de cet homme qui fut toujours si près de Dieu. Âgé de dix-huit ans, déjà héritier d’une fortune considérable, il entend lire à l’église un passage de l’Évangile où notre Seigneur conseille à celui qui veut tendre à la vie parfaite de se désapproprier de tous les biens terrestres. Il ne lui en faut pas davantage ; aussitôt il se dessaisit de tout ce qu’il possède, et se fait pauvre volontaire pour toute sa vie.

L’Esprit-Saint le pousse alors vers la solitude, où les puissances infernales ont dressé toutes leurs batteries pour faire reculer le soldat de Dieu ; on dirait que Satan a compris que le Seigneur a résolu de se bâtir une cité au désert, et qu’Antoine est envoyé pour en dresser les plans. Alors commence une lutte corps à corps avec les esprits de malice, et le jeune Égyptien demeure vainqueur à force de souffrances. Il a conquis cette nouvelle arène dans laquelle se consommera la victoire du christianisme sur le Prince du monde.

Après vingt ans de combats qui l’ont aguerri, son âme s’est fixée en Dieu ; et c’est alors qu’il est révélé au monde. Malgré ses efforts pour demeurer caché, il lui faut répondre aux hommes qui viennent le consulter et demander ses prières ; des disciples se groupent autour de lui, et il devient le premier des Abbés. Ses leçons sur la perfection chrétienne sont reçues avec avidité ; son enseignement est aussi simple que profond, et il ne descend des hauteurs de sa contemplation que pour encourager les âmes. Si ses disciples lui demandent quelle est la vertu la plus propre à déjouer les embûches des démons, et à conduire sûrement l’âme à la perfection, il répond que cette vertu principale est la discrétion.

Les chrétiens de toute condition accourent pour contempler cet anachorète dont la sainteté et les miracles font bruit dans tout l’Orient. Ils s’attendent aux émotions d’un spectacle, et ils ne voient qu’un homme d’un abord aisé, d’une humeur douce et agréable. La sérénité de ses traits reflète celle de son âme. Il ne témoigne ni inquiétude de se voir environné de la foule, ni vaine complaisance des marques d’estime et de respect qu’on lui prodigue ; car son âme, dont toutes les passions sont soumises, est devenue l’habitation de Dieu.

Il n’est pas jusqu’aux philosophes qui veulent explorer la merveille du désert. Les voyant venir, Antoine leur adresse le premier la parole : « Pourquoi donc, ô philosophes, leur dit-il, avez-vous pris tant de peines pour venir visiter un insensé ? » Déconcertés d’un tel accueil, ces hommes lui répondirent qu’ils ne le croyaient pastel, mais qu’ils étaient au contraire persuadés de sa haute sagesse. « A ce compte, reprit Antoine, si vous me croyez sage, imitez ma sagesse. » Saint Athanase ne nous apprend pas si la conversion fut le résultat de leur visite. Mais il en vint d’autres qui osèrent attaquer, au nom de la raison, le mystère d’un Dieu incarné et crucifié. Antoine sourit en les entendant débiter leurs sophismes et finit par leur dire : « Puisque vous êtes si bien établis sur la dialectique, répondez-moi, je vous prie : A quoi doit-on plutôt croire quand il s’agit de la connaissance de Dieu, ou à l’action efficace de la foi, ou aux arguments de la raison ? » — « A l’action efficace de la foi, » répondirent-ils. — « Eh bien ! reprit Antoine, pour vous montrer la puissance de notre foi, voici des possédés du démon, guérissez-les avec vos syllogismes ; ou si vous ne le pouvez, et que j’y parvienne par l’opération de la foi, et au nom de Jésus-Christ, avouez l’impuissance de vos raisonnements, et rendez gloire à la croix que vous avez osé mépriser. » Antoine fit trois fois le signe de la croix sur ces possédés, et invoqua le nom de Jésus sur eux : aussitôt ils furent délivrés.

Les philosophes étaient dans la stupeur et gardaient le silence. « N’allez pas croire, leur dit le saint Abbé, que c’est par ma propre vertu que j’ai délivré ces possédés ; c’est uniquement par celle de Jésus-Christ. Croyez aussi en lui, et vous éprouverez que ce n’est pas la philosophie, mais une foi simple et sincère qui fait opérer les miracles. » On ignore si ces hommes finirent par embrasser le christianisme ; mais l’illustre biographe nous apprend qu’ils se retirèrent remplis d’estime et d’admiration pour Antoine, et avouèrent que leur visite au désert n’avait pas été pour eux sans utilité.

Cependant le nom d’Antoine devenait de plus en plus célèbre et parvenait jusqu’à la cour impériale. Constantin et les deux princes ses fils lui écrivirent comme à un père, implorant de lui la faveur d’une réponse. Le saint s’en défendit d’abord ; mais ses disciples lui ayant représenté que les empereurs après tout étaient chrétiens, et qu’ils pourraient se tenir offensés de son silence, il leur écrivit qu’il était heureux d’apprendre qu’ils adoraient Jésus-Christ, et les exhorta de ne pas faire tant d’état de leur pouvoir, qu’ils en vinssent à oublier qu’ils étaient hommes. Il leur recommanda d’être cléments, de rendre une exacte justice, d’assister les pauvres et de se souvenir toujours que Jésus-Christ est le seul roi véritable et éternel.

Ainsi écrivait cet homme qui était né sous la persécution de Décius, et qui avait bravé celle de Dioclétien : entendre parler de Césars chrétiens, lui était une chose nouvelle. Il disait au sujet des lettres de la cour de Constantinople : « Les rois de la terre nous ont écrit ; mais qu’est-ce que cela doit être pour un chrétien ? Si leur dignité les élève au-dessus des autres, la naissance et la mort ne les rendent-elles pas égaux à tous ? Ce qui doit nous émouvoir bien davantage et enflammer notre amour pour Dieu, c’est la pensée que ce Maître souverain a non seulement daigné écrire une loi pour les hommes, mais qu’il leur a aussi parlé par son propre Fils. »

Cependant, cette publicité donnée à sa vie fatiguait Antoine, et il lui tardait d’aller se replonger dans le désert, et de se retrouver face à face avec Dieu. Ses disciples étaient formés, sa parole et ses œuvres les avaient instruits ; il les quitta secrètement, et ayant marché trois jours et trois nuits, il arriva au mont Colzim, où il reconnut la demeure que Dieu lui avait destinée. Saint Jérôme fait, dans la Vie de saint Hilarion, la description de cette solitude. « Le roc, dit-il, s’élève à la hauteur de mille pas : de sa base s’échappent des eaux dont le sable boit une partie ; le reste descend en ruisseau, et son cours est bordé d’un grand nombre de palmiers qui en font une oasis aussi commode qu’agréable à l’œil. » Une étroite anfractuosité de la roche servait d’abri à l’homme de Dieu contre les injures de l’air.

L’amour de ses disciples le poursuivit, et le découvrit encore dans cette retraite lointaine ; ils venaient souvent le visiter et lui apporter du pain. Voulant leur épargner cette fatigue, Antoine les pria de lui procurer une bêche, une cognée et un peu de blé, dont il sema un petit terrain. Saint Hilarion, qui visita ces lieux après la mort du grand patriarche, était accompagné des disciples d’Antoine qui lui disaient avec attendrissement : « Ici, il chantait les psaumes ; là, il s’entretenait avec Dieu dans l’oraison ; ici, il se livrait au travail ; là, il prenait du repos, lorsqu’il se sentait fatigué ; lui-même a planté cette vigne et ces arbustes, lui-même a disposé cette aire, lui-même a creusé ce réservoir avec beaucoup de peines pour l’arrosement du jardin. » Ils racontèrent au saint, en lui montrant ce jardin, qu’un jour des ânes sauvages étant venus boire au réservoir, se mirent à ravager les plantations. Antoine commanda au premier de s’arrêter, et lui donnant doucement de son bâton dans le flanc, il lui dit : « Pourquoi manges-tu ce que tu n’as pas semé ? » Ces animaux s’arrêtèrent soudain, et depuis ils ne firent plus aucun dégât.

Nous nous laissons aller au charme de ces récits ; il faudrait un volume entier pour les compléter. De temps en temps, Antoine descendait de sa montagne, et venait encourager ses disciples dans les diverses stations qu’ils avaient au désert. Une fois même il alla visiter sa sœur dans un monastère de vierges, où il l’avait placée, avant de quitter lui-même le monde. Enfin, étant parvenu à sa cent cinquième année, il voulut voir encore les moines qui habitaient la première montagne de la chaîne de Colzim, et leur annonça son prochain départ pour la patrie. A peine de retour à son ermitage, il appela les deux disciples qui le servaient depuis quinze ans, à cause de l’affaiblissement de ses forces, et il leur dit :

« Mes fils bien-aimés, voici l’heure où, selon le langage de la sainte Ecriture, je vais entrer dans la voie de mes pères. Je vois que le Seigneur m’appelle, et mon cœur brûle du désir de s’unir à lui dans le ciel. Mais vous, mes fils, les entrailles de mon âme, n’allez pas perdre, par un relâchement désastreux, le fruit du travail auquel vous vous êtes appliqués depuis tant d’années. Représentez-vous chaque jour à vous-mêmes que vous ne faites que d’entrer au service de Dieu et d’en pratiquer les exercices : par ce moyen, votre bonne volonté sera plus énergique, et ira toujours croissant. Vous savez quelles embûches nous tendent les démons. Vous avez été témoins de leurs fureurs, et aussi de leur faiblesse. Attachez-vous inviolablement à l’amour de Jésus-Christ ; confiez-vous à lui entièrement, et vous triompherez de la malice de ces esprits pervers. N’oubliez jamais les divers enseignements que je vous ai donnés ; mais je vous recommande surtout de penser que chaque jour vous pouvez mourir. »

Il leur rappela ensuite l’obligation de n’avoir aucun commerce avec les hérétiques, et demanda que son corps fût enseveli dans un lieu secret, dont eux seuls auraient connaissance. « Quant aux habits que je laisse, ajouta-t-il, en voici la a destination : vous donnerez à l’évêque Athanase une de mes tuniques, avec le manteau qu’il m’avait apporté neuf, et que je lui rends usé. » C’était un second manteau que le grand docteur avait donnée Antoine, celui-ci ayant disposé du premier pour ensevelir le corps de l’ermite Paul. « Vous donnerez, reprit le saint, l’autre tunique à l’évêque Sérapion, et vous garderez pour vous mon cilice. » Puis, sentant que le dernier moment était arrivé, il se tourna vers les deux disciples : « Adieu, leur dit-il, mes fils bien-aimés ; votre Antoine s’en va, il n’est plus avec vous. »

C’est avec cette simplicité et cette grandeur que la vie monastique s’inaugurait dans les déserts de l’Égypte, pour rayonner de là dans l’Église entière ; mais à qui ferons-nous hommage de la gloire d’une telle institution, à laquelle seront désormais attachées les destinées de l’Église, toujours forte quand l’élément monastique triomphe, toujours affaiblie quand il est en décadence ? Qui inspira à Antoine et à ses disciples l’amour de cette vie cachée et pauvre, mais en même temps si féconde, sinon, encore une fois, le mystère des abaissements du Fils de Dieu ? Que tout l’honneur en revienne donc à notre Emmanuel, anéanti sous les langes, et cependant tout rempli de la force de Dieu.

Le moyen âge des Églises d’Occident nous a légué, dans les anciens Missels, plusieurs Proses en l’honneur de saint Antoine. Comme elles sont assez peu remarquables, nous n’en donnerons ici qu’une seule.

SÉQUENCE.
Chantons en pieux accords, et, par dévotes louanges, célébrons Antoine.
Exaltons le Saint de Dieu, et honorons en ses Saints l’auteur de toutes choses.
Antoine foule aux pieds la fleur du monde, et ses trésors et ses honneurs, pour obéir à l’Évangile.
Il s’enfuit au désert, pour ne pas courir au hasard, en cette arène de la vie.
Sa vie, à lui, fut admirable : comme ermite, il resplendit de gloire ; mais voici que l’ennemi cauteleux
Livre bataille ; Antoine subit de rudes et fréquents assauts ; mais il n’est point abattu par le choc du diable.
A grands coups il est flagellé, et les démons impitoyables le déchirent horriblement.
Mais la lumière brille au ciel, et dans les nues a résonné l’éclatante voix de Dieu :
« Parce que vaillamment tu as combattu dans la lutte, ton nom sera connu en toute contrée.
« Tout l’univers te proclamera ; pour repousser les maladies ardentes, partout tu seras invoqué. »
Nous voyons cet oracle accompli, ô Antoine ! et le monde entier rempli de ton nom.
Toute gent dévote t’implore et t’offre ses vœux de reconnaissance, pour tes puissants bienfaits.
Tantôt sous la forme d’une femme séduisante, tantôt sous l’apparence d’un or précieux,
Le démon lui tend des pièges. Fourbe, à quoi bon tant d’audace, pour succomber dans la lutte ?
Mille fraudes, mille astuces sont vaines ; à lui seul, il fait reculer l’enfer frémissant.
Devant ce soldat vétéran, sous sa robuste main, l’ennemi tremble et grince des dents.
Sans cuirasse pour protéger sa poitrine, l’athlète a tenu tête à un pareil champion.
De l’eau pour boisson, la terre pour lit : ce sont là ses armes, et il est vainqueur.
Des herbes pour nourriture, des feuilles de palmier pour vêtement, des bêtes féroces pour compagnons dans sa solitude.
Des prières assidues, un travail sans relâche, un sommeil court ont éteint les feux de la volupté.
Il confond les Ariens et les philosophes profanes ; il visite Paul, et ce voyage n’est ni vain ni superflu.
Il le trouve encore vivant, et voit sa sainte âme s’envoler aux cieux, laissant son corps à la terre.
Maintenant, ô Antoine, tu jouis de la gloire dans l’empire de la lumière : laisse émouvoir tes compatissantes entrailles sur nous, courbés sous le poids de la chair.
Et pour nous arracher à la mort de la terrible géhenne, tends-nous la main ; défends-nous du feu ardent, et procure-nous la gloire après le trépas.
Amen.

L’Église Grecque procède avec enthousiasme à la louange de saint Antoine, dans ses Menées, dont nous avons extrait les strophes suivantes :

Quand tu t’enfermas, plein de joie, dans un sépulcre, ô Père, pour l’amour du Christ, tu y souffris avec courage les assauts des démons ; tu repoussas, par la prière et l’amour, leurs tentations plus faibles qu’une fumée ; alors, les Anges applaudirent et crièrent : Gloire à Celui qui te fortifie, Antoine !
Tu parus, ô sage, comme un autre Elie, ayant sous toi des disciples célèbres, nouveaux Elisées ; céleste père, enlevé comme sur un char, tu leur laissas ton douta le esprit ; maintenant qu’ils sont ta gloire, tu te souviens, heureux Antoine, de tous ceux qui célèbrent avec amour ta vénérable solennité.
Honorons Antoine, Ange sur la terre, homme de Dieu dans le ciel, ornement du monde, la fleur des hommes vertueux, la gloire des Ascètes ; planté dans la maison du Seigneur, il a fleuri dans la justice ; et, comme un cèdre au désert, il a multiplié le troupeau des brebis spirituelles du Christ, dans la sainteté et la justice.
O homme illuminé des rayons de l’Esprit, quand le divin amour te consuma et fit envoler ton âme dans la région sublime et désirable de l’amour, tu méprisas la chair et le sang, et devenu étranger au monde, tu fus uni par une ascèse profonde et un doux repos à Celui qui te remplissait ; alors tu cherchais les vrais biens, et tu resplendissais comme une étoile pour illuminer nos âmes, ô Antoine !
Toi, qui as brisé les flèches et les traits des démons par l’amour du divin Esprit, et qui as dévoilé à tous leur malice et leurs embûches, tout éclatant d’enseignements divins, de divines illustrations, tu es devenu le très brillant flambeau des Moines, la première gloire du désert, le suprême médecin des âmes malades, l’archétype des vertus, ô Antoine, notre père !
Professant sur la terre la vie ascétique, tu as émoussé, ô Antoine, tous les traits des passions dans le torrent de tes larmes ; échelle divine et vénérable qui nous élèves jusqu’aux cieux, tu guéris les infirmités des passions de ceux qui, avec foi, crient vers toi : Etoile dorée de l’Orient, réjouis-toi, lampe et pasteur des Moines ; réjouis-toi, homme digne de louanges, disciple du désert, colonne inébranlable de l’Église ; réjouis-toi, chef illustre et libérateur des âmes errantes ; réjouis-toi, ô notre gloire, brillant honneur de l’univers !
Tu es devenu comme une colonne éclatante et appuyée sur les vertus, comme une nuée qui porte l’ombre, toi qui as été préposé à ceux qui, habitant le désert, contemplent Dieu dans les cieux. Tu as divisé la mer des passions par le bois de la croix ; tu as rendu facile la voie difficile et ardue qui mène au ciel, et découvert, ô très heureux, l’éternel héritage ; toi qui assistes au trône du Christ avec les purs esprits, supplie-le d’accorder à nos âmes une grande miséricorde.
Laissant là les agitations de la vie, portant ta croix sur les épaules, tu t’es confié tout entier au Seigneur, devenu étranger à la chair et au monde, tu as été, ô Père, le familier de l’Esprit-Saint ; c’est pourquoi, réveillant le zèle dans les peuples, tu as fait déserter les villes, transféré la cité dans la solitude. Antoine, toi qui portes Dieu, prie le Christ Dieu d’accorder la rémission des péchés à ceux qui célèbrent avec amour ta sainte mémoire.

Nous nous unissons à l’Église entière, ô illustre Antoine, pour vous offrir l’hommage de notre vénération, et pour exalter les dons que l’Emmanuel vous a départis. Que votre vie a été sublime, et vos œuvres fécondes ! Vous êtes véritablement le Père d’un grand peuple, et l’un des plus puissants auxiliaires de l’Église de Dieu. Priez donc pour l’Ordre Monastique, et obtenez qu’il renaisse et se régénère dans la société chrétienne. Priez aussi pour chacun des membres de la grande famille de l’Église. Souvent, votre intercession a été utile à nos corps, en éteignant les ardeurs mortelles qui les consumaient ; daignez continuer d’exercer ce pouvoir bienfaisant. Mais guérissez surtout nos âmes, trop souvent consumées de flammes plus dangereuses encore. Veillez sur nous dans les tentations que l’ennemi ne cesse de nous susciter ; rendez-nous vigilants contre ses attaques, prudents pour prévenir les occasions funestes, fermes dans le combat, humbles dans la victoire. L’ange des ténèbres vous apparaissait sous des formes sensibles ; pour nous, trop souvent, il déguise ses coups ; que nous ne soyons pas victimes de ses illusions Que la crainte des jugements de Dieu, que la pensée de l’éternité dominent notre vie tout entière ; que la prière soit notre fréquent recours, et la pénitence notre rempart. Enfin et surtout, selon votre conseil, ô Pasteur des âmes, que l’amour de Jésus nous remplisse de plus en plus, de Jésus qui a daigné naître ici-bas pour nous sauver et pour nous mériter les grâces par lesquelles nous triomphons de Jésus qui a daigné souffrir la tentation, afin de nous apprendre comment on y résiste.

Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

Le nom de ce célèbre patriarche fut prononcé pour la première fois à Rome par saint Athanase, qui, décrivant ses vertus et ses miracles aux lointains descendants des Gracques et des Scipions sur l’Aventin, dans la maison de Marcelle, leur inspira l’amour de la vie monastique.

Cependant, la fête de saint Antoine n’entra que fort tard dans le calendrier romain et ce fut quand s’élevèrent sous son vocable, en France et en Italie, à l’occasion de la maladie appelée feu sacré ou de saint Antoine, un grand nombre d’hôpitaux et de chapelles.

A Rome plusieurs églises étaient dédiées au saint, près du môle d’Hadrien, à Ripetta, au Forum Romain ; mais la plus célèbre s’élevait sur l’Esquilin — l’antique basilique de Saint-André, de Junius Bassus, dédiée par la suite à l’illustre Père du monachisme égyptien — près de Sainte-Marie-Majeure, et qui avait un hôpital, à elle annexé, où, sous Innocent III, trouva un asile temporaire saint François d’Assise.

La messe est celle du Commun des Abbés, comme pour la fête de saint Sabbas, sauf la lecture de l’Évangile qui est prise en saint Luc, XII, 35-40. Le divin Sauveur a voulu que nous ignorions l’heure de notre mort, afin que, comme de bons serviteurs, nous fussions toujours dans l’attente du Maître qui rentre chez lui durant la nuit.

Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique

Soyez un bon soldat contre le démon.

Saint Antoine. — Jour de mort : 17 janvier 356. — Tombeau : d’abord en un lieu inconnu sur la montagne Kolzin au bord de la mer Rouge, puis, en 561, les restes du saint furent déposés à Alexandrie. Ils se trouvent maintenant à Saint-Julien d’Arles. Image : on le représente en ermite, avec la croix égyptienne en forme de T, avec un livre, avec la cloche de mendiant, avec un porc (symbole des tentations diaboliques). Sa vie : Antoine « le Grand », le « père des moines », est du nombre de ces saints dont la vie exerça sur les générations suivantes une grande influence. Né dans la moyenne Égypte, de parents distingués, il se consacra complètement, après la mort prématurée de ceux-ci, à la mortification. Un jour, il entendit, à l’église, ces paroles de l’Évangile : « Si tu veux être parfait, va, vends tous tes biens et donne-les aux pauvres » (Math. XIX, 21). Il crut que le Christ avait dit ces paroles spécialement pour lui et qu’il devait obéir au Seigneur. Il vendit donc tous ses biens-fonds et en donna le prix aux pauvres. Il n’eut plus désormais pour lit que la terre nue où il se couchait quand le sommeil l’emportait. Il observait un jeûne si rigoureux, qu’il ne mangeait que du pain et du sel et étanchait sa soif avec de l’eau. De plus, il ne mangeait et ne buvait rien avant le coucher du soleil. Parfois, il resta jusqu’à deux jours sans prendre de nourriture ; il passait souvent les nuits entières en prières. Le saint souvent et longtemps tenté par l’Esprit mauvais, mais il n’en resta que plus ferme dans le bien. Il exhortait ainsi ses disciples à combattre le démon : « Croyez-moi, le démon a peur de vos pieuses veilles, de vos jeûnes, de votre pauvreté volontaire, de votre piété, de votre humilité et surtout de votre amour enflammé pour le Christ Notre-Seigneur. Dès qu’il voit le signe de la sainte Croix, il s’enfuit confondu. » Il mourut en 356, à l’âge de 105 ans, sur le mont Kolzin, près de la mer Rouge. Un an après, son ami, le courageux confesseur de la foi, saint Athanase écrivit sa vie qui, pendant des siècles, fut le manuel de l’ascétisme. Le but et la tâche de l’ascétisme, pour lui, est le calme, la sérénité et l’équilibre de l’âme ; l’ascétisme ne tend pas à l’anéantissement du corps, mais à sa soumission, afin de rétablir l’harmonie primitive, la vraie nature de l’homme.

La messe (Os justi). — La messe est celle du commun des Abbés, avec l’Évangile du serviteur vigilant. L’Église nous indique ainsi de quels points de vue principaux nous devons considérer notre saint. Il est, avant tout, le grand ermite, l’Abbé et le père des moines. Il est le grand silencieux ; la solitude est la mère des pensées sages et le silence enseigne le bon usage de la langue (Intr.).

Dans la Leçon, saint Antoine est dépeint comme un second Moïse, le bien-aimé de Dieu et des hommes ; sa parole a chassé les démons, comme nous le savons par sa vie. Dieu l’a glorifié devant les rois et les peuples. C’est pourquoi l’on vante sa « douceur » et sa « fidélité » (Au sens littéral, la leçon parle de Moïse, c’est pourquoi on parle de la nuée à travers laquelle Dieu le conduisit, mais la comparaison de saint Antoine avec Moïse prête à de belles considérations. Le désert d’Égypte, à travers lequel Moïse conduisit le peuple de Dieu, fut peuplé par Antoine d’ermites et de moines).

A l’Évangile, l’Église abandonne le commun et choisit de préférence la parabole du serviteur vigilant. Tel était notre saint. Toute sa vie il porta dans ses mains « la lampe allumée » de l’amour de Dieu et, debout, les « reins ceints » de la mortification la plus rigoureuse, il attendit le Seigneur qui devait venir. Maintenant il est assis au banquet nuptial, dans le ciel. La messe est une image de ce divin banquet et une participation à sa gloire. (Nous voyons une fois encore que les messes du commun ne sont vivantes et plastiques que lorsque nous les appliquons à la vie des saints).

La biographie de saint Antoine. — C’est un usage antique dans l’Église de lire la vie des saints, le jour de leur fête. Or, je voudrais recommander aux lecteurs de ce livre de se procurer des vies classiques de saints, ou bien d’autres ouvrages qui mettent en lumière leur physionomie. On pourrait lire la vie d’un saint, le jour de sa fête, et en continuer la lecture pendant toute l’Octave. Au premier rang de ces livres, il faudrait placer la célèbre « Vie de saint Antoine » de saint Athanase. C’est un saint qui écrit au sujet d’un saint. Des siècles ont trouvé, dans ce livre, édification et profit spirituel. Il a converti beaucoup de gens, comme on peut s’en rendre compte, par exemple, en lisant les Confessions de saint Augustin. Antoine vécut environ vingt ans dans la solitude. « Mais son âme était purifiée, il n’était chagriné d’aucune douleur et n’était adonné à aucune joie. Il n’y avait en lui ni rire ni tristesse ; la vue de la foule ne l’égarait pas, le salut cordial de tant d’hommes ne l’émouvait pas, mais il était entièrement fermé aux vaines illusions, comme un homme gouverné par la raison, dans un état harmonieux. »

Voici un extrait du grand discours de saint Antoine aux moines. « Que ceci soit de préférence l’effort commun : ne pas défaillir dans l’œuvre commencée, ne pas perdre courage dans les épreuves et ne pas dire : il y a si longtemps que nous nous livrons à l’ascèse ! Au contraire, recommençons, pour ainsi dire, chaque jour et augmentons sans cesse notre zèle. Car toute la vie humaine est courte par rapport aux temps futurs, tellement courte que notre temps n’est rien comparé à la vie éternelle. Aussi, mes enfants, persévérons dans l’ascèse. Mais pour ne pas défaillir, il est bon de méditer la parole de l’Apôtre : « Je meurs tous les jours. » Si nous vivons avec l’image de la mort devant les yeux, nous ne pécherons pas. Mais cette parole nous dit que, le matin, nous devons nous réveiller comme si nous ne devions pas voir le soir et, le soir, nous endormir comme si nous ne devions pas nous réveiller. Car, naturellement, notre vie est incertaine et nous est mesurée chaque jour par la Providence. Si nous nous mettons dans ces dispositions, et que nous vivions ainsi chaque jour, nous ne tomberons pas dans le péché, aucune passion ne il nous enchaînera, aucune colère ne nous émouvra, aucun trésor terrestre ne nous retiendra, mais, nous rendant chaque jour la mort présente, nous ne nous attacherons à aucune chose. »