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18/11 Dédicace des Basiliques Saint-Pierre et Saint-Paul

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Sommaire

  Textes de la Messe  
  Office  
  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum  
  Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique  

« Je puis te montrer les sépulcres des Apôtres, puisque, soit que tu ailles au Vatican, soit que tu te rendes sur la voie d’Ostie, tu trouveras les trophées de ceux qui fondèrent cette église [1]. »

On ignore la date exacte de la dédicace des deux anciennes basiliques dédiées aux Apôtres. C’est au XIe siècle qu’apparaît dans le martyrologe de Saint-Pierre l’annonce de la dédicace de la basilique au 18 novembre. Au siècle suivant, les calendriers du Latran et du Vatican ajoutent au même jour la dédicace de Saint-Paul.

Cet anniversaire demeura localisé à Rome jusqu’en 1568 quand saint Pie V l’inscrit au calendrier général sous le rite double. Léon XIII l’éleva au rang de double majeur en 1897.

Même si ces deux fêtes sont distinctes, la liturgie, au bréviaire unit la dédicace du Latran et celles des deux basiliques des Apôtres : à l’Office, en effet [2], les lectures du 1er nocturne se suivent (Livre de l’Apocalypse [3]) et au 3ème nocturne, on lit le 9 novembre l’homélie prévue pour l’anniversaire de la dédicace (St Ambroise) et le 18 novembre, l’homélie prévue pour l’octave de la dédicace (St Grégoire).

Textes de la Messe

die 18 novembris
le 18 novembre
IN DEDICATIONE BASILICARUM SS. PETRI ET PAULI App.
DÉDICACE DES BASILIQUES SAINT-PIERRE et SAINT-PAUL Apôtres
III classis (ante CR 1960 : duplex maius)
IIIème classe (avant 1960 : double majeur)
Missa Terríbilis, de Communi Dedicationis Ecclesiæ. Et non dicitur Credo.Messe Terríbilis, du Commun de la Dédicace d’une église. Et on ne dit pas le Credo.
Ant. ad Introitum. Gen. 28, 17.Introït
Terríbilis est locus iste : hic domus Dei est et porta cæli : et vocábitur aula Dei.Ce lieu est terrible : c’est la maison de Dieu et la porte du ciel, et on l’appellera le palais de Dieu.
Ps. 83, 2-3.
Quam dilécta tabernácula tua, Dómine virtútum ! concupíscit, et déficit ánima mea in átria Dómini.Que vos tabernacles sont aimables, ô Dieu des armées ! Mon âme soupire et languit après les parvis du Seigneur.
V/.Glória Patri.
Oratio.Collecte
Deus, qui nobis per síngulos annos huius sancti templi tui consecratiónis réparas diem, et sacris semper mystériis repæséntas incólumes : exáudi preces pópuli tui, et præsta ; ut, quisquis hoc templum benefícia petitúrus ingréditur, cuncta se impetrásse lætétur. Per Dóminum.O Dieu, qui renouvelez chaque année en notre faveur le jour où ce saint temple vous a été consacré, et qui nous conservez en état d’assister à vos saints mystères, exaucez les prières de votre peuple et accordez à quiconque entrera dans ce temple pour demander vos grâces, la joie de les avoir obtenues.
Léctio libri Apocalýpsis beáti Ioánnis Apóstoli.Lecture de l’Apocalypse de saint Jean Apôtre.
Apoc. 21, 2-5.
In diébus illis : Vidi sanctam civitátem Ierúsalem novam descendéntem de cælo a Deo, parátam sicut sponsam ornátam viro suo. Et audívi vocem magnam de throno dicéntem : Ecce tabernáculum Dei cum homínibus, et habitábit cum eis. Et ipsi pópulus eius erunt, et ipse Deus cum eis erit eórum Deus : et abstérget Deus omnem lácrimam ab óculis eórum : et mors ultra non erit, neque luctus neque clamor neque dolor erit ultra, quia prima abiérunt. Et dixit, qui sedébat in throno : Ecce, nova fácio ómnia.En ces jours-là, je vis la cité sainte, la Jérusalem nouvelle, qui descendait du ciel, d’auprès de Dieu, prête comme une épouse qui s’est parée pour son époux. Et j’entendis une voix forte venant du trône, qui disait : Voici le tabernacle de Dieu avec les hommes, et il habitera avec eux ; et ils seront son peuple, et Dieu lui-même sera avec eux, comme leur Dieu ; et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort n’existera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car ce qui était autrefois a disparu. Alors celui qui était assis sur le trône dit : Voici, je vais faire toutes choses nouvelles.
Graduale. Graduel
Locus iste a Deo factus est, inæstimábile sacraméntum, irreprehensíbilis est.Ce lieu a été fait par Dieu même : c’est un mystère inappréciable, il est exempt de toute souillure.
V/. Deus, cui astat Angelórum chorus, exáudi preces servórum tuórum.V/. O Dieu devant qui se tient le chœur des Anges, exaucez la prière de vos serviteurs.
Allelúia, allelúia. V/. Ps. 137, 2. Adorábo ad templum sanctum tuum : et confitébor nómini tuo. Allelúia.Allelúia, allelúia. V/. J’adorerai dans votre saint temple, et je célébrerai votre nom. Alléluia.
+ Sequéntia sancti Evangélii secúndum Lucam.Lecture du Saint Evangile selon saint Luc.
Luc. 19, 1-10.
In illo témpore : Ingréssus Iesus perambulábat Iéricho. Et ecce, vir nómine Zachǽus : et hic princeps erat publicanórum, et ipse dives : et quærébat vidére Iesum, quis esset : et non póterat præ turba, quia statúra pusíllus erat. Et præcúrrens ascéndit in arborem sycómorum, ut vidéret eum ; quia inde erat transitúrus. Et cum venísset ad locum, suspíciens Iesus vidit illum, et dixit ad eum : Zachǽe, féstinans descénde ; quia hódie in domo tua opórtet me manére. Et féstinans descéndit, et excépit illum gaudens. Et cum vidérent omnes, murmurábant, dicéntes, quod ad hóminem peccatórem divertísset. Stans au tem Zachǽus, dixit ad Dóminum : Ecce, dimídium bonórum meórum, Dómine, do paupéribus : et si quid áliquem defraudávi, reddo quádruplum. Ait Iesus ad eum : Quia hódie salus dómui huic facta est : eo quod et ipse fílius sit Abrahæ. Venit enim Fílius hóminis quǽrere et salvum fácere, quod períerat.En ce temps-là, Jésus étant entré dans Jéricho, traversait la ville. Et voici qu’un homme, nommé Zachée, chef des publicains, et fort riche, cherchait à voir qui était Jésus ; et il ne le pouvait à cause de la foule, parce qu’il était petit de taille. Courant donc en avant, il monta sur un sycomore pour le voir, parce qu’il devait passer par là. Arrivé en cet endroit, Jésus leva les yeux ; et l’ayant vu, il lui dit : Zachée, hâte-toi de descendre ; car, aujourd’hui, il faut que je demeure dans ta maison. Zachée se hâta de descendre, et le reçut avec joie. Voyant cela, tous murmuraient, disant qu’il était allé loger chez un homme pécheur. Cependant Zachée, se tenant devant le Seigneur, lui dit : Seigneur, voici que je donne la moitié de mes biens aux pauvres ; et si j’ai fait tort de quelque chose à quelqu’un, je lui rends le quadruple. Jésus lui dit : Aujourd’hui le salut a été accordé à cette maison, parce que celui-ci est aussi un fils d’Abraham. Car le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu.
Ant. ad Offertorium. 1. Paral. 29, 17 et 18.Offertoire
Dómine Deus, in simplicitáte cordis mei lætus óbtuli univérsa ; et pópulum tuum, qui repertus est, vidi cum ingénti gáudio : Deus Israël, custódi hanc voluntátem, allelúia.Seigneur, mon Dieu, je vous ai offert toutes ces choses dans la simplicité de mon coeur et avec joie ; et j’ai été ravi de voir aussi tout ce peuple assemblé, ô Dieu d’Israël, conservez cette volonté, alléluia.
Secreta.Secrète
Annue, quǽsumus, Dómine, précibus nostris : ut, dum hæc vota præséntia réddimus, ad ætérna prǽmia, te adiuvánte, perveníre mereámur. Per Dóminum.Nous vous en supplions, Seigneur, accueillez favorablement nos prières et qu’en nous acquittant de nos vœux dans la vie présente, nous méritions de parvenir, grâce à votre secours, aux récompenses éternelles.
In aliquibus diœcesibus, Præfatio de Dedicatione Ecclesiæ.Dans certains diocèses, Préface de la Dédicace .
Ant. ad Communionem. Matth. 21, 13.Communion
Domus mea domus oratiónis vocábitur, dicit Dóminus : in ea omnis, qui pétii, accipit ; et qui quærit, invénit ; et pulsánti aperiétur.Ma maison sera appelée une maison de prière, dit le Seigneur. Quiconque y demande reçoit ; et celui qui cherche trouve ; et on ouvrira à celui qui frappe.
Postcommunio.Postcommunion
Deus, qui de vivis et electis lapídibus ætérnum maiestáti tuæ prǽparas habitáculum : auxiliáre pópulo tuo supplicánti ; ut, quod Ecclésiæ tuæ corporálibus próficit spátiis, spirituálibus amplificétur augméntis. Per Dóminum nostrum. O Dieu qui préparez un temple éternel à votre majesté au moyen de pierres vivantes et choisies, venez en aide à votre peuple suppliant, afin que ce qui est utile à votre Église en fait d’espaces matériels soit l’occasion d’accroissements spirituels.
L’ancienne basilique Saint-Pierre

Office

Leçons des Matines avant 1960

Au premier nocturne.

Du livre de l’Apocalypse de l’Apôtre saint Jean. Apoc. 21, 18-27. [4]

Première leçon. La muraille était bâtie de pierres de jaspe ; mais la ville elle-même était d’un or pur semblable à du verre très clair. Et les fondements de la muraille de la ville étaient ornés de toutes sortes de pierres précieuses [5]. Le premier fondement était de jaspe, le second de saphir, le troisième de chalcédoine, le quatrième d’émeraude, le cinquième de sardonix, le sixième de sardoine, le septième de chrysolithe, le huitième de béryl, le neuvième de topaze, le dixième de chrysopase, le onzième d’hyacinthe, le douzième d’améthyste.

Deuxième leçon. Les douze portes étaient douze perles : ainsi chaque porte était d’une seule perle, et la place de la ville était d’un or pur comme un verre transparent. Je ne vis point de temple dans la ville, parce que le Seigneur tout-puissant et l’Agneau en sont le temple. Et la ville n’a pas besoin du soleil ni de la lune pour l’éclairer, parce que la gloire de Dieu l’éclairé, et que sa lampe est l’Agneau.

Troisième leçon. Les Nations marcheront à sa lumière, et les rois de la terre y apporteront leur gloire et leur honneur. Ses portes ne se fermeront point pendant le jour ; car là il n’y aura pas de nuit. Et l’on y apportera la gloire et l’honneur des Nations. Il n’y entrera rien de souillé, ni aucun de ceux qui commettent l’abomination-et le mensonge, mais ceux-là seulement qui sont écrits dans le livre de vie de l’Agneau.

Au deuxième nocturne.

Quatrième leçon. Parmi les sanctuaires vénérés autrefois des Chrétiens, les plus célèbres et les plus fréquentés étaient ceux dans lesquels des corps de Saints avaient été ensevelis, ou bien dans lesquels se trouvait quelque vestige ou quelque souvenir des Martyrs. Au nombre de ces lieux saints et au premier rang, l’on distingua toujours cette partie du Vatican appelée Confession de saint Pierre. Les Chrétiens, en effet, y accouraient de tous les points de l’univers, comme à la pierre ferme de la foi et au fondement de l’Église, et vénéraient avec une religion et une piété souveraines, l’emplacement consacré par le sépulcre du prince des Apôtres.

Cinquième leçon. L’empereur Constantin le Grand vint là huit jours après avoir reçu le baptême ; il déposa le diadème, et, prosterné à terre, versa des larmes abondantes. Après quelques instants, ayant pris une houe et un hoyau, il se mit à creuser le sol. Il en tira douze corbeilles de terre, en l’honneur des douze Apôtres, désigna l’emplacement destiné à la basilique du prince des Apôtres et y fit commencer la construction d’une église. Le Pape saint Sylvestre la dédia le quatorze des calendes de décembre, en y observant les mêmes rites que pour la consécration de l’église de Latran, qui avait eu lieu le cinq des ides de novembre. Il y érigea un autel de pierre, qu’il oignit du saint chrême, et ordonna que dès lors on ne construirait plus que des autels en pierre. Saint Sylvestre dédia encore la basilique de l’Apôtre saint Paul, élevée à grands frais sur la route d’Ostie, par le même empereur Constantin. Cet empereur donna de grandes richesses à ces basiliques et les orna de splendides présents.

Sixième leçon. La basilique vaticane menaçant ruine par l’effet du temps, elle a été, grâce à la dévotion de beaucoup de Pontifes, totalement reconstruite sur un plan plus vaste et plus magnifique. Urbain VIII l’a solennellement consacrée l’an mil six cent vingt-six, en la date même où elle l’avait été lors de sa première érection. Quant à la basilique de la voie d’Ostie, un terrible incendie la consuma presque entièrement, en mil huit cent vingt-trois. Par les soins infatigables de quatre Papes, elle a été plus splendidement réédifiée, et comme vengée de son désastre. Pour la consacrer, une occasion très favorable s’offrit à Pie IX : la proclamation récente du dogme de l’Immaculée Conception de la bienheureuse Vierge Marie avait attiré à Rome, des régions les plus éloignées de l’univers catholique, un grand nombre de Cardinaux et d’Évêques. Il la dédia donc solennellement, entouré de cette magnifique couronne de membres du Sacré Collège et de Pontifes, le dix décembre mil huit cent cinquante-quatre, et fixa à ce jour la mémoire de cette solennelle Dédicace.

Au troisième nocturne.

Lecture du saint Évangile selon saint Luc. Cap. 19, 1-10.
En ce temps-là : Jésus étant entré dans Jéricho, traversait la ville. Et voici qu’un homme, nommé Zachée, chef des publicains, et fort riche. Et le reste.

Homélie de saint Grégoire, Pape.

Septième leçon. Si nous désirons être vraiment sages et contempler la sagesse même, reconnaissons humblement que nous ne sommes que des insensés. Renonçons à une sagesse dangereuse, apprenons une folie digne de louanges. C’est pour nous y engager qu’il est écrit : « Dieu a choisi ce qui est insensé selon le monde pour confondre les sages ». C’est pour cela encore qu’il a été dit : « Si quelqu’un d’entre vous paraît sage selon ce siècle, qu’il devienne fou pour être sage ». C’est pour cela enfin que les paroles de l’Évangile nous attestent que Zachée, ne pouvant voir à cause de la foule, monta sur un sycomore afin de contempler le Seigneur à son passage. Le mot sycomore signifie, en effet, figuier fou.

Huitième leçon. Zachée, qui était très petit de taille, monta donc sur un sycomore et vit le Seigneur ; car ceux qui choisissent humblement ce que le monde taxe de folie, contemplent avec clarté la sagesse de Dieu. La foule empêche notre petitesse de voir le Seigneur parce que le tumulte des sollicitudes du siècle accable l’infirmité de l’esprit humain, de telle sorte qu’il ne peut porter ses regards vers la lumière de la vérité. Mais nous montons sagement sur le sycomore, si nous gardons avec soin en notre esprit cette folie que nous conseillent les préceptes divins. Qu’y a-t-il en ce monde de plus insensé que de ne pas chercher à recouvrer les biens que l’on a perdus ; d’abandonner ce qu’on possède à ceux qui le ravissent ; de ne pas rendre injure pour injure, mais au contraire de n’opposer que la patience à un surcroît d’outrages ?

Neuvième leçon. Le Seigneur nous ordonne, en quelque sorte, de monter sur le sycomore, quand il nous dit : « Ne redemandez point votre bien à celui qui vous le ravit », et aussi : « A quiconque vous frappe sur une joue, présentez encore l’autre ». Du haut du sycomore on aperçoit le Seigneur qui passe ; car, grâce à cette sage folie, on voit la sagesse de Dieu, non point encore d’une manière complète et durable, mais par la lumière de la contemplation, et comme en passant. Au contraire ceux qui paraissent sages à leurs propres yeux ne le sauraient apercevoir, car, arrêtés par la foule de leurs orgueilleuses pensées, ils n’ont pas encore trouvé le sycomore pour contempler le Seigneur.

Basilique Saint-Paul

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

QUOD DUCE TE MUNDUS SURREXIT IN ASTRA TRIUMPHANS, HANC CONSTANTINUS VICTOR TIBI CONDIDIT AULAM. Parce que le monde sous ta conduite s’est élevé triomphant jusqu’aux cieux, Constantin vainqueur construisit ce temple à ta gloire. C’était l’inscription qui, dans l’ancienne basilique vaticane, se détachait en lettres d’or au sommet de l’arc triomphal [6]. Jamais en moins de mots le génie romain ne s’exprima si magnifiquement ; jamais n’apparut mieux la grandeur de Simon fils de Jean sur les sept collines. En 1506, la sublime dédicace tombant de vétusté périt avec l’arc sous lequel, à la suite du premier empereur chrétien, peuples et rois, le front dans la poussière, s’étaient pressés durant douze siècles en présence de la Confession immortelle, centre et rendez-vous du monde entier. Mais la coupole lancée dans les airs par le génie de Michel-Ange, désigne toujours à la Ville et au monde le lieu où dort le pêcheur galiléen, successeur des Césars, résumant dans le Christ dont il est le Vicaire les destinées de la ville éternelle.

La seconde gloire de Rome est la tombe de Paul sur la voie d’Ostie. Cette tombe, à la différence de celle de Pierre qui continue de plonger dans les profondeurs de la crypte vaticane, est portée jusqu’à fleur de terre par un massif de maçonnerie, sur lequel pose le vaste sarcophage. On fut à même de constater cette particularité en 1841, lorsque l’on reconstruisit l’autel papal. Il parut évident que l’intention de soustraire le tombeau de l’apôtre aux inconvénients qu’amènent les débordements du Tibre, avait obligé de soulever ainsi le sarcophage de la place où d’abord Lucine l’avait établi [7]. Le pèlerin n’a garde de s’en plaindre, lorsque par le soupirail qui s’ouvre au centre de l’autel, son œil respectueux peut s’arrêter sur le marbre qui ferme la tombe, et y lire ces imposantes paroles, tracées en vastes caractères de l’époque constantinienne : PAULO APOSTOLO ET MARTYRI. A Paul Apôtre et Martyr [8].

Ainsi Rome chrétienne est protégée au nord et au midi par ces deux citadelles. Associons-nous aux sentiments de nos pères, lorsqu’ils disaient de la cité privilégiée : « Pierre, le portier, fixe ! à l’entrée sa demeure sainte ; qui niera que cette ville soit pareille aux cieux ? A l’autre extrémité, Paul, de son temple, en garde les murs ; Rome est assise entre les deux : là donc est Dieu [9]. »

Donc aussi la présente fête méritait d’être plus qu’une solennité locale ; l’Église mère, en l’étendant à toute Église dans ces derniers siècles, a mérité la reconnaissance du monde. Grâce à elle, nous pouvons tous ensemble aujourd’hui faire en esprit ce pèlerinage ad limina [10] que nos aïeux accomplissaient au prix de tant de fatigues, ne croyant jamais en acheter trop cher les saintes joies et les bénédictions. « Célestes monts, sommets brillants de la Sion nouvelle ! là sont les portes de la patrie, les deux lumières du monde en sa vaste étendue : là, Paul comme un tonnerre fait entendre sa voix ; là, Pierre retient ou lance la foudre. Par celui-là les cœurs des hommes sont ouverts, par celui-ci les cieux. Celui-ci est la pierre de fondement, celui-là l’ouvrier du temple où s’élève l’autel qui apaise Dieu. Tous deux, fontaine unique, épanchent les eaux qui guérissent et désaltèrent [11]. »

L’Église romaine a consigné, dans les Leçons des Matines, ses traditions concernant les basiliques dont la dédicace fait l’objet de la fête de ce jour.

Pour célébrer les saints Apôtres, il nous plaît d’emprunter aux bibliothèques de nos frères séparés d’Angleterre cette Séquence que la vénérable Église d’York chantait encore, il y a quatre siècles, en leur honneur.

SÉQUENCE.
En cette mémoire solennelle du Prince des Apôtres, que l’harmonie de notre louange, inspirée par l’amour, se fasse jour en cantiques joyeux.
Avec lui vénérons, digne comme lui de nos chants, l’Apôtre des nations ; ainsi la louange réunira ceux que l’amour unit dans la vie et que la mort elle-même n’a pu séparer.
Leur louange, c’est que dans Rome, siège de l’empire, ils renversèrent l’idolâtrie ; que dans cette Rome, l’Église fondée et soutenue par eux gouverne l’univers.
Le fondement de l’Église, c’est la foi de Pierre, comme la doctrine de Paul en est le soutien ; au premier la clef signifiant la puissance, au second celle qui ouvre les horizons de la science : toutes deux concourent à l’œuvre commune.
Car c’est ainsi que le troupeau, que le peuple fidèle se félicite, au milieu des tempêtes de cette vie, d’avoir en Pierre un pasteur et un guide ; tandis que Paul par ses enseignements le fortifie, l’anime et le guérit dans ses maux.
L’un répand la parole de vie, l’autre aux croyants de cette parole ouvre les deux ; ce que l’un prêche, l’autre en montre la vérité par des miracles sans nombre.
Ils appellent au salut, celui-ci les Juifs, celui-là les nations ignorantes du chemin de la vie ; tous deux dirigent les appelés, tous deux combattent pour eux, repoussant l’assaut de l’ennemi,
Ne craignant pas de faire face à la force toute-puissante de l’empire, encourant l’un le supplice de la croix, l’autre celui du glaive.
En la même ville, en un même jour, ils souffrent la mort et passent aux cieux où sont récompensés les justes. Puissent-ils, priant pour nous, nous préserver de tout mal, et nous amener à partager leur bienheureux sort. Amen.

Enfin mettant à profit ce jour pour rappeler et pour compléter les enseignements qui nous furent donnés dans la fête générale de la Dédicace des Églises, terminons par cette autre Séquence, digne d’Adam de Saint-Victor auquel on l’attribua longtemps. Toutes les allégories du temps des figures y sont relevées à l’honneur du grand mystère de l’union du Christ et de l’humanité, qu’exprime la consécration des temples chrétiens.

SÉQUENCE. Qu’ils sont aimés les tabernacles et les parvis du Seigneur des armées ! O architecte incomparable ! ô temple édifié de telle sorte, que l’affermissent, au lieu de l’ébranler, les pluies, les flots débordés, les tempêtes ! Belles sont ses fondations, qui remontent aux jours où de gracieuses figures l’annonçaient sous les ombres ! C’était le côté d’Adam endormi produisant Eve : première image d’une union qui doit durer toujours. C’était l’arche faite du bois : elle sauve Noé, navigue sûrement sur les eaux du déluge où périt le monde. C’est Sara chargée d’ans et sa fécondité tardive, et son rire de bonheur quand elle allaite celui dont le nom signifie notre joie. Rébecca présente l’eau qu’elle a puisée au serviteur, porteur du message, et abreuve aussi ses chameaux. Elle se pare des bracelets, des pendants d’oreilles, pour se montrer telle qu’il convient à une vierge. Par Jacob la synagogue est supplantée, tandis que, ne se confiant qu’à la lettre, elle s’égare. Aux yeux chassieux de Lia bien des choses échappent, qui font la force de Rachel la voyante et rendent égaux ses droits. Veuve longtemps, Thamar voilée donne à Juda deux fils. Là, Moïse est trouvé dans sa corbeille de jonc par la jeune fille qui se baigne au fleuve. Là l’agneau mâle est immolé, rassasiant Israël, le teignant de son sang. Là la mer Rouge est traversée, les Égyptiens sont engloutis sous les flots profonds. Là est l’urne remplie de la manne ; là, mais dans l’arche de l’alliance, sont les dix commandements de la loi. Là sont gardés les ornements du temple, et aussi les vêtements d’Aaron dont le premier est l’éphod du pontife. Là Bethsabée, veuve d’Urie, élevée en gloire, s’assied sur le trône royal. Dans sa robe d’or et sa parure variée, elle est devant le prince semblable aux filles des rois. Là vient s’instruire à la divine sagesse de Salomon la reine du midi ; bien que noire, elle est belle, tout imprégnée de myrrhe et d’encens, toute parfums. Toutes ces figures annonçant sous les ombres l’avenir, le plein jour de la grâce nous en a révélé la portée. Maintenant unis au bien-aimé, goûtons sa paix, chantons des psaumes ; car c’est le jour des noces. Les trompettes éclatantes du festin en annoncent l’ouverture, le psaltérion l’achèvement. L’Époux ! C’est lui que chantent, unique mélodie, les millions de voix qui sans fin disent : Alléluia ! Amen.

Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

Je puis te montrer les sépulcres des Apôtres, puisque, soit que tu ailles au Vatican, soit que tu te rendes sur la voie d’Ostie, tu trouveras les trophées (trópaia) de ceux qui fondèrent cette église [12]. » Ces paroles du prêtre Caïus disputant avec Proclus, chef des Cataphrygiens à Rome, démontrent que, dès le IIe siècle, les chapelles funéraires élevées à la mémoire des deux Princes des Apôtres sur leurs tombeaux par le pape Anaclet, étaient considérées, même par les hérétiques, comme la double pierre angulaire de l’Église romaine ; le symbole de son apostolicité et de sa divine transcendance.

Il n’y a donc pas lieu de s’étonner si, à peine la paix eut-elle été octroyée à l’Église par Constantin, le pape Silvestre lui suggéra de faire, de ces deux principaux sanctuaires de la foi catholique, des édifices correspondants par leur majesté et par leur beauté à l’importance assumée par les deux tombeaux vis-à-vis de l’univers chrétien.

Le vœu du Pape fut bien accueilli par le fils de sainte Hélène, qui, sur la voie Cornelia comme sur la voie d’Ostie, érigea deux véritables domus regales, selon l’expression du Liber Pontificalis, resplendissantes d’or, et riches d’un patrimoine immobilier considérable qui s’étendait jusqu’en Orient.

La première chose que fit donc Constantin fut de blinder, pour ainsi dire, et de protéger d’un épais revêtement de bronze la chambre sépulcrale des deux apôtres. Il en résulta une sorte de cube de bronze ex aere cypro... ad caput, ped. V., ad pedes, ped. V, ad latus dextrum, ped. V, ad latus sinistrum, ped. V, subter, ped. V, supra, ped. V. Le biographe du pape Silvestre dans le Liber Pontificalis, nous assure naïvement qu’à l’intérieur de cette énorme masse de métal les deux loculi apostoliques avaient été mis en sûreté puisqu’il devenait impossible de les mouvoir : quod est immobile.

Sur l’un et l’autre sépulcres, le pieux Empereur déposa une grande croix d’or du poids de cent cinquante livres. Sur celle de saint Pierre se trouvait cette inscription : CONSTANTINVS AVG. ET HELENA AVG. HANC DOMVM REGALEM (auro decorant quam) SIMILI FVLGORE CORVSCANS AVLA CIRCVMDAT. Le Liber Pontificalis nous assure en outre que, sur la voie d’Ostie, Constantin fit de même pour le Docteur des Nations.

A propos des tombes apostoliques, il convient donc de distinguer deux monuments différents : la chambre sépulcrale, domus regalis, et la coruscans aula qui l’entourait, c’est-à-dire la basilique elle-même.

Le sanctuaire, — ad corpus, la domus regalis — c’est-à-dire les deux chambres sépulcrales, étaient devenues à peu près inaccessibles dès le temps du pape Hormisdas, si bien qu’il était à peine permis aux fidèles de faire descendre, pour les approcher du sépulcre, des voiles — brandea — à travers les ouvertures ou cateractae pratiquées dans la pierre tombale. Dans la basilique de Saint-Paul, sous l’autel papal, on voit encore la pierre constantinienne avec les trois ouvertures pratiquées au milieu pour le passage des voiles et des encensoirs votifs.

Les dimensions de la basilique constantinienne sur le sépulcre de saint Paul étaient un peu restreintes, à cause de la position même de la tombe apostolique qui se trouvait comme enfermée entre la voie d’Ostie et un autre iter vetus du côté du Tibre. Bien vite la nef se trouva donc trop étroite pour la foule des pèlerins qui s’y pressaient ; aussi en 386 les empereurs Valen-tinien II, Théodose et Arcadius, par une lettre au préfet de Rome Salluste, en ordonnèrent la reconstruction sur un plan nouveau et plus vaste. Conformément à ce nouveau plan, on laissa intact à sa place l’autel du pape Silvestre sur la tombe de l’Apôtre, mais on changea l’orientation de la basilique. Là où était l’entrée primitive, sur la voie d’Ostie, s’éleva au contraire l’abside du nouvel édifice, lequel fut prolongé d’une centaine de mètres du côté du Tibre ; et autour de l’entrée on ouvrit une grande cour ou paradysus au centre de laquelle saint Léon le Grand fit restaurer la fontaine rituelle, ou cantharus, pour les ablutions.

Lors du transfert de la résidence impériale à Constantinople, Rome chrétienne sentit plus vivement le besoin de se serrer autour du Pontife romain, et de considérer les deux basiliques des Princes des Apôtres comme le véritable Palatin ou le nouveau palais royal — domus regalis — de la religion catholique. Pierre et Paul, tels sont donc les nouveaux souverains de Rome ; et comme, selon le cérémonial antique, les chambellans de la cour portaient le nom de cubicularii, lorsque Léon le Grand, au dire du Liber Pontificalis, institua une garde d’honneur autour des deux tombeaux apostoliques, il accorda à ceux qui la composaient le titre glorieux de cubicularii beati Pétri, cubicularii beati Pauli, dont les possesseurs se prévalent dans plusieurs inscriptions sépulcrales parvenues jusqu’à nous.

Pendant ce temps, l’affluence des fidèles, même des pays les plus lointains ad limina Apostolorum, ne faisait que croître ; aussi le pape Simplice se vit-il obligé d’instituer un service permanent de prêtres attachés aux deux basiliques vaticane et ostienne : ut presbyteri manerent propter poenitentes et baptismum... regio I ad sanctum Paulum, regio VI vel VII ad sanctum Petrum [13].

La liturgie romaine, à son âge d’or, reflète cet état de choses. Rome ignore encore le concept juridique de la cathédrale médiévale, en opposition avec les autres églises inférieures. Grâce à la liturgie stationnale, le Pape n’avait pas alors d’église déterminée où il célébrât normalement les divins offices, mais il se rendait ici ou là, en tel ou tel sanctuaire, selon qu’on fêtait tel ou tel martyr. Si cependant on voulait à tout prix retrouver, dans cette première période, une institution canonique quelconque préludant au concept médiéval de nos cathédrales, il faudrait certainement reconnaître cette primauté à la basilique vaticane.

C’est là, en effet, autour de la tombe du premier fondateur de l’Église romaine, que sont régulièrement ensevelis ses successeurs. C’est là que, dans les circonstances les plus solennelles de la liturgie, a lieu, comme nous l’avons déjà vu, la station eucharistique, pour la Théophanie, pour l’Ascension, pour la Pentecôte, pour toutes les grandes pannuchis qui suivent le samedi des Quatre-Temps. Le Pape, les prêtres et les diacres romains ne sont consacrés qu’à Saint-Pierre. C’est là que le nouveau Pape inaugure son pontificat ; c’est là aussi qu’il le termine par sa sépulture. C’est là, dans le baptistère damasien, que le Pape baptise ordinairement, et que, s’inspirant d’une pensée théologique profonde, il s’assied avec majesté sur la chaire de bois vénérée par la tradition comme celle où siégeait saint Pierre, pour enrôler solennellement les nouveaux agneaux dans le troupeau chrétien par la Confirmation.

C’est pour cette raison qu’Ennodius de Pavie, parlant de cette antique chaire de l’Apôtre conservée au Vatican, l’appelle simplement : sella gestatoria confessionis Apostolicae [14] ; et de même, lorsque dans l’épigraphe sépulcrale du pape Sirice il est question de son exaltation au suprême pontificat, on dit que, parmi les acclamations du peuple, il fut intronisé sur la Chaire de saint Pierre qui se trouvait alors dans le consignatorium damasien :

FONTE • SACRO • MAGNVS • MERVIT • SEDERE • SACERDOS
CVNCTVS • VT • POPVLVS • PACEM • TVNC • SOLI • CLAMARET.
Il mérita de siéger comme pontife dans le saint baptistère,
lorsque le peuple eut proclamé qu’il était en communion avec lui seul.

Vénérée de toutes les générations catholiques, enrichie et ornée de tout ce que, durant de longs siècles de civilisation chrétienne, le génie inspiré par la foi a su produire de meilleur, la basilique vaticane que, pour la défendre contre les Sarrasins, Léon IV avait jadis entourée de la « cité léonine » fortifiée, assuma sur-le-champ, dans l’ancienne pensée médiévale, la signification de symbole de la primauté pontificale. Cette idée est heureusement exprimée dans ces vers, qu’on lisait jadis sous la mosaïque absidale restaurée par Innocent III :

SVMMA • PETRI • SEDES • EST • HAEC • SACRA • PRINCIPIS • AEDES
MATER • CVNCTARVM • DECOR • ET • DECVS • ECCLESIARVM
DEVOTVS • CHRISTO • TEMPLO • QVI • SERVIT • IN • ISTO
FLORES • VIRTVTIS • CAPIET • FRVCTVSQVE • SALVTIS
Voici le siège suprême de Pierre et le temple consacré au Prince des Apôtres.
Voici la mère, la gloire et l’ornement de toutes les Églises.
Celui qui, en ce temple, adore pieusement le Christ,
Obtiendra les fleurs de sa vertu et, un jour, le fruit du salut éternel.

L’histoire des tombes apostoliques de la voie d’Ostie et du Vatican est parallèle en tout. Quand, en 410, Alaric saccagea la Ville, il fit savoir aux Romains terrifiés que ceux qui voulaient échapper au massacre devaient se mettre à l’abri dans les basiliques des deux Apôtres. Nous savons en effet par saint Jérôme que Marcella et sa compagne Principia, laissant l’Aventin, se réfugièrent à Saint-Paul « pour y trouver ou un asile, ou un tombeau ».

Saint Grégoire le Grand atteste que, de son temps, les deux tombes apostoliques étaient illustrées par un tel nombre de miracles que le peuple fidèle, par respect, n’osait même pas s’en approcher.

Après l’invasion des Sarrasins, Jean VIII, imitant l’œuvre de Léon IV à Saint-Pierre, entoura lui aussi la basilique de Saint-Paul d’une nouvelle cité fortifiée qu’il voulut appeler Johannipolis.

Durant tout le haut moyen âge, à côté des moines chargés par saint Grégoire II de la célébration solennelle des divins offices dans la basilique du Docteur des Nations, le clergé hebdomadier et les prêtres des titres de la Ière région continuèrent sans interruption d’exercer leurs attributions primitives touchant l’administration des sacrements.

Pierre Mallius rapporte ainsi la liste des prêtres chargés de la célébration quotidienne du sacrifice solennel sur la Confession apostolique de la voie d’Ostie :

Tit. Sabinae
 » Priscae
 » Balbinae
 » de Fasciola
 » S. Xysti
 » Marcelli
 » Susannae
Mais une seule messe quotidienne, selon l’ancienne coutume, dans chaque église, et sur l’unique autel érigé en chaque temple, ne pouvait suffire aux foules de pèlerins qui affluaient tous les jours ad limina Apostolorum. Aussi Grégoire III décida-t-il que, dans la basilique de Saint-Paul, on célébrerait normalement cinq messes, mais sur cinq autels différents, et à la condition que les moines de l’abbaye, qui déjà administraient les revenus de la basilique, en verseraient les honoraires aux prêtres officiants.

Aux jours les plus solennels de l’année, l’honneur d’officier sur la tombe du Docteur des Gentils était réservé au Pape. Après Noël, après Pâques, avant le Carême, à l’occasion des scrutins des catéchumènes, pour le Natale des Apôtres, la liturgie romaine amenait le Pontife, le clergé et les fidèles de Rome sur la voie Cornélia et sur la voie d’Ostie, aux tombeaux des saints Pierre et Paul, pour y célébrer les vigiles nocturnes et la station solennelle.

Les sanctuaires sépulcraux des Apôtres étaient alors le véritable centre religieux de la Ville, ce que Rome pouvait présenter de plus important et de plus sacré à tout l’univers catholique ; aussi n’est-il pas étonnant qu’à l’occasion des plus grandes fêtes, les cérémonies des deux basiliques fussent, d’une certaine manière, faites collectivement par le clergé tout entier et par le peuple de l’Église romaine.

Comme ils l’avaient fait pour la basilique vaticane, les anciens recueils nous ont conservé les inscriptions qui ornaient jadis celle de la voie d’Ostie, et qui reflètent toute la dignité du sanctuaire apostolique. En voici quelques exemples :

HIC • POSITVS • CAELI • TRANSCENDIT • CVLMINA • PAVLVS
CVI • DEBET • TOTVS • QVOD . CHRISTO • CREDIDIT • ORBIS
Paul, enseveli en ce lieu, s’élève plus haut que le ciel,
lui à qui le monde entier est débiteur de sa foi au Christ.

Voici l’inscription qu’on lisait autrefois sur l’abside du baptistère :

HAEC • DOMVS • EST • FIDEI • MENTES • UBI • SVMMA • POTESTAS
LIBERAT • ET • SANCTO • PVRGATAS • FONTE • TVETVR.
C’est ici le siège de la foi, d’où le souverain Dominateur
Délivre les âmes, les purifie dans la fontaine sacrée et en assume la protection.

Quelque vénérables que fussent en tout temps les deux basiliques des Apôtres, nous ne trouvons toutefois, dans l’ancienne tradition liturgique romaine, aucune commémoration de leur dédicace. Le martyrologe hiéronymien et les Sacramentaires conservent à ce sujet un silence absolu ; le calendrier de l’Antiphonaire de Saint-Pierre, qui est pourtant du XIIe siècle, l’ignore, et il faut arriver jusqu’à Pierre Mallius pour trouver la première mention de la fête de la dedicatio basilicarum Petri et Pauli. Ce silence, dans les documents de la basilique vaticane eux-mêmes, est décisif.

Mais comment en arriva-t-on à déterminer la date du 18 novembre ? C’est précisément ce que nous ignorons, encore que le fait d’avoir réuni les deux dédicaces révèle la pénétration d’une pensée symbolique dans une fête qui, à l’origine, devait sans doute avoir le caractère d’un simple souvenir chronologique.

Le 9 novembre, on célèbre à Rome la dédicace de l’église du Sauveur, et le 18 celle des basiliques des deux Apôtres. N’y a-t-il pas entre ces deux dates, à dix jours de distance, quelque chose d’artificiel, de conventionnel ? Comme nous n’entendons pas l’affirmer, nous n’oserons pas davantage l’exclure.

Quoi qu’il en soit, dans l’Ordo Romanus de Cencius, cette fête a déjà revêtu un caractère solennel. Le Pape et les cardinaux chantent au Vatican les vêpres et les vigiles, passant la nuit à Saint-Pierre où, le matin, la messe stationnale est célébrée. On assigne XII den. pro implendo saccone domini papae, et III sol. pro lignis in camera domini Papae [15]. Admirable simplicité du beau moyen âge !

Cependant, ni la basilique vaticane, ni celle qui s’élève actuellement sur la voie d’Ostie, ne sont plus celles qu’avaient tant admirées les pieux pèlerins du moyen âge. En effet, le temple de saint Pierre, tombant de vétusté et démoli au XVIe siècle, fut reconstruit avec une splendeur plus grande et consacré à nouveau par Urbain VIII le 18 novembre 1626.

En 1823, tandis que Pie VII agonisant évoquait dans son délire les jours heureux où, simple moine, il résidait dans l’abbaye de Saint-Paul, et qu’il se sentait angoissé par la vision d’un grand feu, un terrible incendie détruisit presque entièrement la basilique du Docteur des Nations. Les flammes épargnèrent à peine le transept, où se dressait l’autel de l’Apôtre sous l’arc triomphal de Léon le Grand. On ne dit rien de l’événement au Pape mourant, et ce fut la seule douleur qui fut épargnée à ce saint Pontife.

Léon XII, ayant succédé à PieVII, commença immédiatement à réparer l’immense désastre. Bientôt, grâce aux soins continuels de quatre papes, la basilique de Saint-Paul ressuscita de ses cendres plus belle et plus glorieuse qu’auparavant.

Pie IX consacra le nouveau temple le 10 décembre 1854, entouré d’une couronne de cardinaux et d’évêques, telle qu’on n’en vit plus depuis lors, venus à Rome des parties du monde les plus éloignées pour la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception. Mais pour ne pas séparer, même en cette circonstance, les deux Apôtres dans les honneurs de la sainte liturgie, il fut établi que l’anniversaire de la dedicatio Petri et Pauli continuerait d’être célébré, comme par le passé, le 18 novembre.

Et ainsi, par un admirable conseil de la Providence, il est advenu que toute l’Église catholique célèbre chaque année la dédicace des quatre basiliques patriarcales de Rome, celles du Divin Sauveur, de Saint-Pierre, de Saint-Paul et de Sainte-Marie-Majeure. Comme chaque diocèse, en effet, célèbre la dédicace de sa cathédrale, ainsi l’univers catholique fête aussi, par un rite annuel, celle de la quadruple cathédrale papale, comme pour reconnaître, moyennant cette fête symbolique, que, malgré les confins fixés à chaque diocèse, l’Église du Christ est une, et elle est fondée sur Pierre, qui, de la Ville aux sept collines, continue sa divine mission de paître les agneaux et de gouverner les brebis du Christ sur toute la terre.

La messe est la même que le 9 novembre.

Nous empruntons au Sacramentaire Léonien ces deux collectes, qui toutefois appartiennent à la dédicace d’une basilique de Saint-Pierre toute différente de celle du Vatican :
Deus, qui beati Petri Apostoli dignitatem ubique facis esse gloriosam ; praesta, quaesumus, ut et doctrina semper ipsius foveamur et mentis.
Super Oblata. — Suscipe, Domine, quaesumus, hostias quas maiestati tuae in honorem beati Apostoli Petri, cui haec est basilica sacrata, deferimus, et eius precibus nos tuere. Per Dominum.

Comme on le voit, et à la différence du concept moderne, dans l’antique tradition romaine les fêtes de dédicaces d’églises n’étaient pas envisagées comme festum Domini, mais comme une solennité en l’honneur du Saint sous le vocable duquel l’église était placée.

Pour compléter ce que nous avons déjà dit, nous rapportons ici volontiers une antique inscription, qu’on lisait jadis sur la façade de Saint-Pierre :

QVI • ECCLESIAM • PETRI • SACRASTI • NOMINE • CVIQVE
AGNOS • MANDASTI • PASCERE • CHRISTE • TVOS.
EIVSDEM • PRECIBVS • CONSERVA • HAEC • ATRIA • SEMPER
PRAESIDIO • VT • MANEANT • INVIOLATA • TVO. O Christ, vous qui avez voulu que cette église fût consacrée au nom de Pierre,
auquel vous avez commandé de paître vos agneaux :
par ses prières défendez toujours cet édifice,
_afin que sous votre protection il ne soit jamais violé.

Dans l’abbaye de Saint-Paul, riche encore de nos jours des souvenirs de nombreux saints et d’insignes pontifes qui y professèrent la vie monastique, on peut lire ces beaux vers, composés par Alcuin :

SERVA • PAVLE • TVI • VENERANDI • SACRARIA • TEMPLI NE • LATRO • DEPOPVLANS • VASTET • OVILE • TVVM.
Gardez, ô Paul, votre saint temple, afin que l’adversaire
ne puisse jamais dévaster votre bercail.

Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique

« La Jérusalem céleste »

La fête de la Dédicace. — La fête d’aujourd’hui est un pèlerinage spirituel aux deux saints tombeaux de la chrétienté, à Saint-Pierre et à Saint-Paul de Rome. Les deux basiliques sont un bien commun de la Sainte Église tout entière ; il est donc bien compréhensible que nous célébrions tous la dédicace de ces deux églises. Saint-Pierre est en particulier l’église dans laquelle nous célébrons les plus grandes fêtes de l’année ecclésiastique. A quatorze reprises, nous nous y rendons pour l’office stationnal. C’est là que nous célébrons le dimanche joyeux de l’Avent (Gaudete), la troisième messe de Noël, l’Épiphanie, la Quinquagésime, le dimanche de la Passion, le lundi de Pâques, l’Ascension, la Pentecôte ; de plus, c’est là que nous célébrons le samedi des Quatre-Temps de chaque trimestre. C’est donc à Saint-Pierre que nous recevons les plus grandes grâces attachées aux fêtes de l’année ecclésiastique. Nous devons remercier aujourd’hui pour ces grâces. A Saint-Paul hors les murs, nous ne nous rendons que quatre fois au cours de l’année. Pourtant saint Paul est notre parrain de baptême, il est le témoin de notre renouvellement baptismal (Sexagésime, mercredi après le quatrième dimanche de carême, mardi de Pâques) ; de plus, c’est lui qui nous instruit le plus souvent le dimanche : la plupart des Épîtres sont de-lui.

Voici comment Dom Herwegen décrit les caractères essentiels de Saint-Pierre de Rome : La Ville éternelle possède deux églises principales : Saint-Jean de Latran et Saint-Pierre. La basilique du Latran, la mère de toutes les églises du monde, était la propre cathédrale des fidèles de Rome. C’est là que s’accomplissaient l’ouverture du carême, l’administration solennelle du baptême à Pâques, etc. Mais, de son côté, la basilique Saint-Pierre était l’église des étrangers, des pèlerins qui venaient visiter la tombe du Prince des Apôtres.

C’est là que s’accomplissaient les cérémonies dans lesquelles s’exprime le caractère mondial, universel, de l’Église Romaine, par exemple la messe de l’Épiphanie et jadis aussi la messe du jour en la fête de Noël. Ainsi s’explique l’Introït de ces deux fêtes et toutes leurs lectures et leurs chants, dans le sens d’une proclamation de la royauté universelle du Christ et de sa majesté royale. Qu’il me suffise de mentionner ici rapidement quelques textes dont le sens ressort de leurs paroles mêmes : « Un enfant nous est né et un fils nous a été envoyé ; la souveraineté est le manteau de ses épaules » (Introït de Noël). « Le Fils, qui est le rayonnement de la gloire de son Père et l’empreinte de sa substance, et qui soutient toutes choses par sa puissante parole, après nous avoir purifiés de nos péchés, s’est assis à la droite de la majesté divine au plus haut des cieux... Mais il dit au Fils : Ton trône, ô Dieu, demeure à jamais et éternellement ; le sceptre de ta royauté est un sceptre de droiture » (Épître). « Toutes les limites de la terre ont vu le salut de notre Dieu. Chantez à Dieu dans la jubilation, terre tout entière ! Le Seigneur a révélé son salut aux yeux de toutes les nations » (Graduel). « Voici, dit l’Introït de l’Épiphanie à Saint-Pierre, qu’est arrivé le Grand Roi, le Seigneur ; la royauté est dans sa main, et la puissance et l’empire universel. Mon Dieu, donnez votre jugement au Roi et votre justice au Fils du Roi. » « Lève-toi, poursuit l’Épître, sois une lumière, Jérusalem, car voici que vient ta lumière, et la gloire du Seigneur s’est levée sur toi. » L’Évangile parle du Roi de Juda nouveau-né, auquel, à l’Offertoire, les rois de Tharsis apportent leurs adorations, et les rois d’Arabie et de Saba leurs présents. « Tous les rois de la terre l’adorent, tous les peuples le servent. » Les deux messes sont donc pleines de textes de l’Écriture concernant la royauté du Christ.

La prière des Heures nous parle de la construction et de l’histoire des deux basiliques. Parmi les lieux saints qui étaient spécialement en honneur chez les premiers chrétiens, ceux où reposaient les corps des saints martyrs recevaient plus que d’autres des visites. Mais on témoignait une grande vénération à cette partie du Vatican où se trouvait le tombeau de saint Pierre. De toutes les régions du monde les chrétiens y venaient en pèlerinage, comme au rocher de la foi et au fondement de l’Église. C’est là que vint aussi l’empereur Constantin, huit jours après son baptême, qu’il déposa sa couronne, se prosterna à terre en humble posture et versa d’abondantes larmes Il creusa le sol à la pioche et à la pelle et emporta de ce lieu douze corbeilles de terre, en l’honneur des douze apôtres, dont il se servit pour marquer l’enceinte de la future basilique qu’il voulait faire élever au Prince des Apôtres. Celle-ci fut consacrée le 18 novembre par le pape Silvestre 1er (voir au 31 décembre). Le pape y érigea un autel de pierre qu’il oignit du Saint -Chrême et il ordonna que désormais les autels devraient être construits en pierre. La nouvelle église Saint-Pierre fut consacrée par Urbain VIII, le 18 novembre 1626. La basilique Saint-Paul, qui avait été détruite par un incendie en 1823, fut reconstruite à grands frais et consacrée par le pape Pie IX, le 10 décembre 1854, à l’occasion de la définition du dogme de l’Immaculée Conception. — Pour l’explication de la fête et de la messe de la Dédicace, voir Appendice, p. 993.

Lecture d’Écriture (Apocalypse, XXI, 18-27). — L’Église interrompt la lecture de l’Écriture occurrente et nous présente une peinture apocalyptique de la Jérusalem céleste Cette lecture se rattache aux pensées du temps actuel de l’année ecclésiastique Remarquons le dessein de l’Église : les deux fêtes de la Dédicace en novembre ont des leçons dont les textes se suivent (9 nov. : XXI, 9-18 ; 18 nov. : XXI, 18-27. La lecture du 3e nocturne est empruntée à l’octave de la Dédicace, de sorte que ces deux fêtes sont en étroite liaison). Les leçons nous montrent la Jérusalem céleste dans son achèvement : « La muraille de la ville était construite en jaspe, et la ville elle-même était d’un or pur, semblable à un pur cristal. Les pierres fondamentales du mur de la Ville étaient ornées de toutes sortes de pierres précieuses... Les douze portes étaient douze perles ; chaque porte était d’une seule perle Les rues de la ville étaient d’un or pur... On n’y voyait pas de temple, car Dieu, le Seigneur, le Tout-Puissant, est son temple ainsi que l’Agneau. La ville n’avait besoin ni du soleil ni de la lune pour l’éclairer, car la gloire de Dieu l’illuminait et l’Agneau était son flambeau. Les nations marcheront à sa lumière et les rois de la terre y apporteront leur magnificence et leurs trésors. Ses portes ne sont point fermées chaque jour et il n’y a pas de nuit. On y apportera ce que les nations ont de plus magnifique et de plus précieux Il n’y entrera rien de souillé, aucun artisan d’abomination et de mensonge, mais ceux-là seulement qui sont inscrits dans le livre de vie de l’Agneau. » De ce passage il résulte que ces deux fêtes de Dédicace célébrées à la fin de l’année appartiennent au symbolisme de l’automne ecclésiastique ; elles représentent pour nous la Jérusalem céleste.

[1] EUSEB., Hist. Eccl., II, 25, 7.

[2] Au moins jusqu’en 1960.

[3] Le Commun de la dédicace emploie lui le livre des Chroniques.

[4] Cette lecture fait suite à celle du 1er nocturne de la Dédicace de la Basilique du Latran.

[5] De toutes sortes de pierres précieuses, dont les diverses beautés représentent très bien les dons divers que Dieu a mis dans ses élus, et les divers degrés de gloire. Remarquez aussi que les pierres précieuses sont ici presque les mêmes que celles qui composent le rational du Souverain Pontife. (Bossuet.)

[6] De Rossi, Inscript, christ. T. II, 345.

[7] Voir XVI Septembre, en la Légende de saint Corneille.

[8] Dom Guéranger, Sainte Cécile et la Société romaine aux deux premiers siècles, ch. VI.

[9] Janitor ante fores fixit sacraria Petrus :
Quis neget has arces instar esse poli ?
Parte alia Pauli circumdant atria muros :
Hos inter Roma est : hic sedet ergo Deus.
Inscription de la porte de Rome qu’on appelait au VIe siècle la porte de Saint-Pierre. (De Rossi, Inscript. II, 99.)

[10] Ad limina Apostolorum, aux seuils des basiliques des Apôtres, où l’on se prosternait avant d’entrer dans les basiliques mêmes.

[11] Venant. Fortunat. Miscellanea, III, VII.

[12] Euseb., Hist. Eccl., II, 25, 7.

[13] Lib. Pontif. (Ed. Duchesne), I, 249.

[14] Apolog. pro.Synodo. P. L., LXIII, col. 206.

[15] P. L., LXXVIII, col. 1096.