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27/05 St Bède le vénérable, confesseur et docteur

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Sommaire

  Textes de la Messe  
  Office  
  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum  
  Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique  
  Benoît XVI, catéchèses, 18 février 2009  

Mort à l’abbaye de Jarrow le 25 mai 835, veille de l’Ascension. Son nom est joint à celui de saint Augustin de Cantorbéry le 26 mai dans les calendriers anglais du XIe siècle.

Baronius l’inscrivit à la date du 27 mai dans le martyrologe en 1584. C’est ce jour qui fut choisi en 1899 pour inscrire sa fête au calendrier sous le rite double quand Léon XIII le proclama docteur.

Textes de la Messe

die 27 maii
le 27 mai
SANCTI BEDÆ VENERABILIS
SAINT BÈDE le VÉNÉRABLE
Conf. et Eccl. Doct.
Confesseur et Docteur de l’Église
III classis (ante CR 1960 : duplex)
IIIème classe (avant 1960 : double)
Missa In médio, de Communi Doctorum, præter orationem sequentem :Messe In médio, du Commun des Docteurs, sauf l’oraison suivante :
Oratio.Collecte
Deus, qui Ecclésiam tuam beáti Bedæ Confessóris tui atque Doctóris eruditióne claríficas : concéde propítius fámulis tuis ; eius semper ilustrári sapiéntia et méritis adiuvári. Per Dóminum.Dieu, qui illustrez votre Église par la science du bienheureux Bède votre Docteur et Confesseur, accordez dans votre bonté à vos serviteurs d’être toujours éclairés de sa sagesse et aidés de ses mérites.
Et fit commemoratio S. Ioannis I Papa et Mart. :Et on fait mémoire de St Jean Ier, Pape et Martyr :
Oratio.Collecte
Gregem tuum, Pastor ætérne, placátus inténde : et, per beátum Joánnem Mártyrem tuum atque Summum Pontíficem, perpétua protectióne custódi ; quem totíus Ecclésiæ præstitísti esse pastórem. Per Dóminum nostrum.Pasteur éternel de l’Eglise, regardez avec bienveillance votre troupeau, protégez-le et gardez-le toujours. Nous vous le demandons par le bienheureux Pape Jean votre Martyr que vous avez placé comme berger à la tête de l’Eglise.
Secreta C2Secrète C2
Sancti Bedæ Confessóris tui atque Doctóris nobis, Dómine, pia non desit orátio : quæ et múnera nostra concíliet ; et tuam nobis indulgéntiam semper obtíneat. Per Dóminum.Que la pieuse intercession de saint Bède, Confesseur et Docteur, ne nous fasse point défaut, Seigneur, qu’elle vous rende nos dons agréables et nous obtienne toujours votre indulgence.
Pro S. IoannePour St Jean
SecretaSecrète
Oblátis munéribus, quǽsumus, Dómine, Ecclésiam tuam benígnus illúmina : ut, et gregis tui profíciat ubique succéssus, et grati fiant nómini tuo, te gubernánte, pastóres. Per Dóminum.Grâce à l’offrande de ces presents, accordez Seigneur, la lumière à votre Eglise ; faites prospérer partout votre troupeau, et daignez diriger ses pasteurs pour qu’ils vous soient agréables.
Postcommunio C2Postcommunion C2
Ut nobis, Dómine, tua sacrifícia dent salútem : beátus Beda Conféssor tuus et Doctor egrégius, quǽsumus, precátor accédat. Per Dóminum nostrum.Afin, Seigneur, que votre saint sacrifice nous procure le salut, que le bienheureux Bède, votre Confesseur et votre admirable Docteur intercède pour nous.
Pro S. IoannePour St Jean
PostcommunioPostcommunion
Refectióne sancta enutrítam gubérna, quǽsumus, Dómine, tuam placátus Ecclésiam : ut, poténti moderatióne dirécta, et increménta libertátis accípiat et in religiónis integritáte persístat. Per Dóminum nostrum.Seigneur, dirigez avec amour votre Eglise qui vient de se nourrir à cette table sainte, pour que, sous votre conduite toute-puissante, elle voie grandir sa liberté, et garde la religion dans toute sa pureté.

Office

Leçons des Matines avant 1960

Quatrième leçon. Bède, prêtre de Jarrow, né sur les confins de la Grande-Bretagne et de l’Écosse, n’avait que sept ans quand son éducation fut confiée à saint Benoît Biscop, abbé de Wearmouth. Devenu moine, il régla sa vie de telle sorte que, tout en se donnant entièrement à l’étude des arts et des sciences, il n’a jamais rien omis des règles monastiques. Il n’est pas de science qu’il n’ait acquise, grâce à des études approfondies ; mais il apporta surtout ses soins les plus assidus aux divines Écritures ; et, pour les posséder plus pleinement, il apprit le grec et l’hébreu. A trente ans, sur l’ordre de son supérieur, il fut ordonné prêtre et aussitôt, à la demande d’Acca, évêque d’Exham, il donna des leçons d’Écriture sainte ; il les appuyait si bien sur la doctrine des Saints Pères, qu’il n’avançait rien qui ne fût fortifié par leur témoignage, se servant souvent presque des mêmes expressions. Le repos lui était en horreur il passait de ses leçons à l’oraison pour retourner de l’oraison à ses leçons ; il était si enflammé par les sujets qu’il traitait, que souvent les larmes accompagnaient ses explications. Pour ne pas être distrait par les soucis temporels, il ne voulut jamais accepter la charge d’abbé qui lui fut bien des fois offerte.

Cinquième leçon. Bède s’acquit un tel renom de science et de piété, que la pensée vint à Saint Sergius, pape, de le faire venir à Rome, pour qu’il travaillât à la solution des difficiles questions que la science sacrée avait alors à étudier. Il fit plusieurs ouvrages, dans le but de corriger les mœurs des fidèles, d’exposer et de défendre la foi, ce qui lui valut à un tel point l’estime générale que saint Boniface, évêque et martyr, l’appelait la lumière de l’Église ; Lanfranc, docteur des Angles, et le concile d’Aix-la-Chapelle, docteur admirable. Bien plus, ses écrits étaient lus publiquement dans les églises, même de son vivant. Et quand le fait avait lieu, comme il n’était pas permis de lui donner le nom de saint, on l’appelait vénérable, et ce titre lui a été attribué dans les siècles suivants. Sa doctrine avait d’autant plus de force et d’efficacité qu’elle était confirmée par la sainteté de sa vie et la pratique des plus belles vertus religieuses. Aussi, grâce à ses leçons et à ses exemples, ses disciples, qui étaient nombreux et remarquables, se distinguèrent-ils autant par leur sainteté que par leurs progrès dans les sciences et dans les lettres.

Sixième leçon. Enfin, brisé par l’âge et les travaux, il tomba dangereusement malade. Cette maladie, qui dura plus de cinquante jours, n’interrompit ni ses prières, ni ses explications ordinaires des Saintes Écritures : c’est pendant ce temps, en effet, qu’il traduisit en langue vulgaire, à l’usage du peuple des Angles, l’Évangile de Saint Jean. La veille de l’Ascension, sentant sa fin approcher, il voulut se fortifier par la réception des derniers sacrements de l’église. Puis il embrassa ses frères, se coucha à terre sur son cilice, répéta deux fois : Gloire au Père, et au Fils et au Saint-Esprit et s’endormit dans le Seigneur. On rapporte qu’après sa mort, son corps exhalait l’odeur la plus suave : il fut enseveli dans le monastère de Jarrow et ensuite transporté à Dublin avec les reliques de Saint Cuthbert. Les Bénédictins, d’autres familles religieuses et quelques diocèses l’honoraient comme docteur : le Saint Père Léon XIII, d’après un décret de la sacrée congrégation des Rites, le déclara Docteur de l’Église universelle et rendit obligatoires pour tous, au jour de sa fête, la Messe et l’Office des Docteurs.

Au troisième nocturne.

Lecture du saint Évangile selon saint Matthieu. Cap. 5, 13-19.
En ce temps-là : Jésus dit à ses disciples : Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel s’affadit, avec quoi le salera-t-on ?. Et le reste.

Homélie de saint Bède le Vénérable, Prêtre.

Septième leçon. Par la terre, entendez la nature humaine ; par le sel, la sagesse. Le sel, de sa nature, fait perdre à la terre sa fécondité. Nous lisons de certaines villes, qui ont passé par la colère des vainqueurs, qu’elles ont été ensemencées de sel. Et ceci convient bien à la doctrine apostolique : le sel de la sagesse, semé sur la terre de notre chair, empêche de germer, et le luxe du siècle, et la laideur des vices. S’il n’y a plus de sel, avec quoi salera-t-on ? C’est-à-dire, si vous, qui devez servir aux peuples de condiment, vous perdez le royaume des cieux par crainte de la persécution, par une vaine terreur, il n’est pas douteux que, sortis de l’Église, vous ne deveniez le jouet de vos ennemis.

Huitième leçon. « Vous êtes la lumière du monde » : c’est-à-dire, vous qui avez été éclairés de la vraie lumière, vous devez être la lumière de ceux qui sont dans le monde. « Une cité bâtie sur la montagne ne peut se cacher » : il s’agit de la doctrine apostolique, fondée sur le Christ ; ou de l’Église, bâtie sur le Christ, formée de beaucoup de nations unies par la foi, et cimentée par la charité. Elle offre un asile sûr à ceux qui entrent, elle est d’un accès difficile à ceux qui approchent ; elle garde ceux qui l’habitent et elle refoule tous ses ennemis.

Neuvième leçon. « Et on n’allume point une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais sur un chandelier ». Or celui-là met la lumière sous le boisseau qui obscurcit, voile la lumière de la doctrine en la faisant servir à des avantages temporels. Et celui-là met la lumière sur le chandelier qui se soumet de telle sorte au ministère de-Dieu, qu’il mette bien au-dessus de la servitude du corps la doctrine de la vérité. Ou bien encore : le Sauveur allume la lumière, lui qui a éclairé notre nature humaine par la flamme de la divinité ; et il a placé cette lumière sur le chandelier, c’est-à-dire sur l’Église, en marquant sur notre front la foi de son Incarnation. Cette lumière n’a pu être placée sous le boisseau, c’est-à-dire enfermée dans les dimensions de la foi et dans la Judée seulement, mais elle a éclairé le monde tout entier.

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

La bénédiction que le Seigneur donnait à la terre en s’élevant au ciel atteint les plus lointaines frontières de la gentilité. Trois jours de suite, le Cycle nous montre les grâces qu’elle annonçait concentrant sur l’extrême Occident leurs énergies : c’est le fleuve de Dieu [1], dont les eaux débordées se font plus impétueuses à la limite qu’elles ne dépasseront pas.

Hier, l’expédition évangélique que le roi Lucius avait sollicitée du Pontife Éleuthère quittait Rome pour la future Ile des Saints. Demain, dans la terre des Bretons devenue celle des Angles, elle sera suivie par le chef du second apostolat, Augustin, l’envoyé de Grégoire le Grand. Aujourd’hui, impatiente de justifier ces célestes prodigalités, Albion produit devant les hommes son illustre fils, Bède le Vénérable, l’humble et doux moine dont la vie se passe à louer Dieu, à le chercher dans la nature et dans l’histoire, mais plus encore dans l’Écriture étudiée avec amour, approfondie à la lumière des plus sûres traditions. Lui qui toujours écouta les anciens prend place aujourd’hui parmi ses maîtres, devenu lui-même Père et Docteur de l’Église de Dieu. Entendons-le, dans ses dernières années, résumer sa vie :

« Prêtre du monastère des bienheureux Pierre et Paul, Apôtres, je naquis sur leur territoire, et je n’ai point cessé, depuis ma septième année, d’habiter leur maison, observant la règle, chantant chaque jour en leur église, faisant mes délices d’apprendre, d’enseigner ou d’écrire. Depuis que j’eus reçu la prêtrise, j’annotai pour mes frères et pour moi la sainte Écriture en quelques ouvrages, m’aidant des expressions dont se servirent nos Pères vénérés, ou m’attachant à leur manière d’interprétation. Et maintenant, bon Jésus, je vous le demande : vous qui m’avez miséricordieusement donné de m’abreuver à la douceur de votre parole, donnez-moi bénignement d’arriver à la source, ô fontaine de sagesse, et de vous voir toujours [2]. »

La touchante mort du serviteur de Dieu ne devait pas être la moins précieuse des leçons qu’il laisserait aux siens. Les cinquante jours de la maladie qui l’enleva de ce monde s’étaient passés comme toute sa vie à chanter des psaumes ou à enseigner. Comme on approchait de l’Ascension du Seigneur, il redisait avec des larmes de joie l’Antienne de la fête : « O Roi de gloire qui êtes monté triomphant par delà tous les cieux, ne nous laissez pas orphelins, mais envoyez-nous l’Esprit de vérité selon la promesse du Père. » A ses élèves en pleurs il disait, reprenant la parole de saint Ambroise : « Je n’ai pas vécu de telle sorte que j’eusse à rougir de vivre avec vous ; mais je ne crains pas non plus de mourir, car nous avons un bon Maître. » Puis revenant à sa traduction de l’Évangile de saint Jean et à un travail qu’il avait entrepris sur saint Isidore : « Je ne veux pas que mes disciples après ma mort s’attardent à des faussetés et que leurs études soient sans fruit. »

Le mardi avant l’Ascension, l’oppression du malade augmentait les symptômes d’un dénouement prochain se montrèrent. Plein d’allégresse, il dicta durant toute cette journée, et passa la nuit en actions de grâces. L’aube du mercredi le retrouvait pressant le travail de ses disciples. A l’heure de Tierce, ils le quittèrent pour se rendre à la procession qu’on avait dès lors coutume de faire en ce jour avec les reliques des Saints. Resté près de lui :»Bien-aimé Maître, dit l’un d’eux, un enfant, il n’y a plus à dicter qu’un chapitre ; en aurez-vous la force ? » — « C’est facile, répond souriant le doux Père : prends ta plume, taille-la, et puis écris ; mais hâte-toi. » A l’heure de None, il manda les prêtres du monastère, et leur rit de petits présents, implorant leur souvenir à l’autel du Seigneur. Tous pleuraient. Lui, plein de joie, disait : « Il est temps, s’il plaît à mon Créateur, que je retourne à Celui qui m’a fait de rien quand je n’étais pas ; mon doux Juge a bien ordonné ma vie ; et voici qu’approche maintenant pour moi la dissolution ; je la désire pour être avec le Christ : oui, mon âme désire voir mon Roi, le Christ, en sa beauté. »

Ce ne furent de sa part jusqu’au soir qu’effusions semblables ; jusqu’à ce dialogue plus touchant que tout le reste avec Wibert, l’enfant mentionné plus haut : « Maître chéri, il reste encore une phrase.— Écris-la vite. » Et après un moment : « C’est fini, dit l’enfant. —Tu dis vrai, répartit le bienheureux : c’est fini ; prends ma tête dans tes mains et soutiens-la du côté de l’oratoire, parce que ce m’est une grande joie de me voir en face du lieu saint où j’ai tant prié. » Et du pavé de sa cellule où on l’avait déposé, il entonna : Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit ; quand il eut nommé l’Esprit-Saint, il rendit l’âme [3].

Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit ! C’est le chant de l’éternité ; l’ange et mme n’étaient pas, que Dieu, dans le concert des trois divines personnes, suffisait à sa louange : louange adéquate, infinie, parfaite comme Dieu, seule digne de lui. Combien le monde, si magnifiquement qu’il célébrât son auteur par les mille voix delà nature, demeurait au-dessous de l’objet de ses chants ! Toutefois la création elle-même était appelée à renvoyer au ciel un jour l’écho de la mélodie trine et une ; lorsque le Verbe fut devenu par l’Esprit-Saint fils de l’homme en Marie comme il l’était du Père, la résonance créée du Cantique éternel répondit pleinement aux adorables harmonies dont la Trinité gardait primitivement le secret pour elle seule. Depuis, pour l’homme qui sait comprendre, la perfection fut de s’assimiler au fils de Marie afin de ne faire qu’un avec le Fils de Dieu, dans le concert auguste où Dieu trouve sa gloire.

Vous fûtes, ô Bède, cet homme à qui l’intelligence est donnée. Il était juste que le dernier souffle s’exhalât sur vos lèvres avec le chant d’amour où s’était consumée pour vous la vie mortelle, marquant ainsi votre entrée de plain-pied dans l’éternité bienheureuse et glorieuse. Puissions-nous mettre à profit la leçon suprême où se résument les enseignements de votre vie si grande et si simple !

Gloire à la toute-puissante et miséricordieuse Trinité ! N’est-ce pas aussi le dernier mot du Cycle entier des mystères qui s’achèvent présentement dans la glorification du Père souverain par le triomphe du Fils rédempteur, et l’épanouissement du règne de l’Esprit sanctificateur en tous lieux ? Qu’il était beau dans l’Ile des Saints le règne de l’Esprit, le triomphe du Fils à la gloire du Père, quand Albion, deux fois donnée par Rome au Christ, brillait aux extrémités de l’univers comme un joyau sans prix de la parure de l’Épouse ! Docteur des Angles au temps de leur fidélité, répondez à l’espoir du Pontife suprême étendant votre culte à toute l’Église en nos jours, et réveillez dans l’âme de vos concitoyens leurs sentiments d’autrefois pour la Mère commune.

Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

La fête de cet ancien moine anglo-saxon fut introduite dans le calendrier de l’Église universelle par Léon XIII, après que la Sacrée Congrégation des Rites lui eût reconnu ce titre de docteur que, depuis de longs siècles, lui avaient décerné les suffrages de l’univers. Cette vénération pour Bède avait même déjà commencé à se manifester de son vivant, si bien que, lors de la lecture publique de ses œuvres, ses contemporains ne pouvant encore lui attribuer le titre de saint l’appelaient venerabilis presbyter, et c’est sous ce titre que Bède est passé à la postérité.

A une science vraiment encyclopédique, Bède unit les plus éclatantes vertus du moine bénédictin, faisant alterner dans sa vie la prière et l’étude. Ora et labora. Il eut de nombreux disciples et laissa tant d’écrits que, durant le haut moyen âge, ceux-ci constituèrent pour ainsi dire toute la bibliothèque ecclésiastique des Anglo-Saxons. La vaste érudition de ce moine rappelle d’une certaine manière celle de saint Jérôme à qui il ressemble quelque peu. Saint Boniface, l’apôtre de l’Allemagne, salua saint Bédé comme la lumière de l’Église, et le Concile d’Aix-la-Chapelle lui donna le titre de docteur admirable.

Bédé mourut très âgé, le 26 mai 735, et sa dernière prière fut l’antienne de l’office (de l’Ascension) : O Rex gloriae, qui triumphator hodie super omnes caelos ascendisti, ne derelinquas nos orphanos, sed mitte promissum Patris in nos Spiritum veri-tatis. Au moment d’expirer, il entonna le Gloria Patri.

Le collège ecclésiastique anglais de Rome est dédié à la mémoire de saint Bédé le Vénérable.

La messe est du Commun des Docteurs, sauf la première collecte qui est propre : « Seigneur, qui avez voulu illuminer votre Église au moyen de la science merveilleuse de votre bienheureux confesseur Bédé le docteur, faites que nous, vos serviteurs, fassions toujours notre trésor de sa doctrine, et que nous soyons aidés par ses mérites. »

Voici ce que rapportent les historiens de saint Bédé le Vénérable : Numquam torpebat otio, numquam a studio cessabat ; semper legit, semper scripsit, semper docuit, semper oravit, sciens quod amator scientiae salutaris vitia carnis facile superaret. Quelle leçon pour notre sensualité, qui se nourrit justement dans l’oisiveté et la frivolité !

Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique

Le docteur de la sagesse biblique.

Saint Bède. — Jour de mort : 26 mai 735 à Jarrow. Tombeau : à Durham, en Angleterre. Image : On le représente en bénédictin, avec le livre du docteur à la main. Vie : L’importance de saint Bède réside dans ce fait qu’il forme la transition entre l’époque des Pères de l’Église et les premiers progrès des peuples germaniques devenus chrétiens. Il transmet les traditions de culture et de science romano-chrétiennes au moyen âge. Ses écrits étaient lus publiquement dans les églises, de son vivant. C’est pourquoi on le vénérait. Comme on ne pouvait pas encore le nommer « saint », on lui donna le titre de « vénérable ». Ce titre lui resta plus tard comme surnom. — Le jour de l’Ascension, il sentit que la mort approchait. Il se munit alors des derniers sacrements. Il embrassa ensuite ses frères, se fit coucher sur un dur cilice et, en prononçant doucement ces paroles : « Gloire au Père et au Fils et au Saint-Esprit », il s’endormit dans le Seigneur.

Pratique : Saint Bède est notre docteur dans la sagesse biblique. Celui qui veut vivre avec l’Église doit avoir à la main le livre des Saintes Écritures, pendant la semaine, pendant sa vie. Saint Bède a expliqué ce livre à d’autres. Peut-être avons-nous t’occasion et la possibilité d’en faire autant. — La messe (In medio) est du commun des docteurs.

Benoît XVI, catéchèses, 18 février 2009

Chers frères et sœurs, Le saint que nous évoquons aujourd’hui s’appelle Bède et naquit dans le Nord-Est de l’Angleterre, plus exactement dans le Northumberland, en 672/673. Il raconte lui-même que ses parents, à l’âge de sept ans, le confièrent à l’abbé du proche monastère bénédictin, afin qu’il l’instruise : "Depuis lors - rappelle-t-il -, j’ai toujours vécu dans ce monastère, me consacrant intensément à l’étude de l’Écriture et, alors que j’observais la discipline de la Règle et l’engagement quotidien de chanter à l’église, il me fut toujours doux d’apprendre, d’enseigner ou d’écrire" [4]. De fait, Bède devint l’une des plus éminentes figures d’érudit du haut Moyen-Âge, pouvant utiliser les nombreux manuscrits précieux que ses abbés, revenant de leurs fréquents voyages sur le continent et à Rome, lui portaient. L’enseignement et la réputation de ses écrits lui valurent de nombreuses amitiés avec les principales personnalités de son époque, qui l’encouragèrent à poursuivre son travail, dont ils étaient nombreux à tirer bénéfice. Étant tombé malade, il ne cessa pas de travailler, conservant toujours une joie intérieure qui s’exprimait dans la prière et dans le chant. Il concluait son œuvre la plus importante, la Historia ecclesiastica gentis Anglorum, par cette invocation : "Je te prie, ô bon Jésus, qui avec bienveillance m’a permis de puiser aux douces paroles de ta sagesse, accorde-moi, dans ta bonté, de parvenir un jour à toi, source de toute sagesse, et de me trouver toujours face à ton visage". La mort le saisit le 26 mai 735 : c’était le jour de l’Ascension.

Les Saintes Écritures sont la source constante de la réflexion théologique de Bède. Après une étude critique approfondie du texte (une copie du monumental Codex Amiatinus de la Vulgate, sur lequel Bède travailla, nous est parvenue), il commente la Bible, en la lisant dans une optique christologique, c’est-à-dire qu’il réunit deux choses : d’une part, il écoute ce que dit exactement le texte, il veut réellement écouter, comprendre le texte lui-même ; de l’autre, il est convaincu que la clef pour comprendre l’Écriture Sainte comme unique Parole de Dieu est le Christ et avec le Christ, dans sa lumière, on comprend l’Ancien et le Nouveau Testament comme "une" Écriture Sainte. Les événements de l’Ancien et du Nouveau Testament vont de pair, ils sont un chemin vers le Christ, bien qu’ils soient exprimés à travers des signes et des institutions différentes (c’est ce qu’il appelle la concordia sacramentorum). Par exemple, la tente de l’alliance que Moïse dressa dans le désert et le premier et le deuxième temple de Jérusalem sont des images de l’Église, nouveau temple édifié sur le Christ et sur les Apôtres avec des pierres vivantes, cimentées par la charité de l’Esprit. Et de même qu’à la construction de l’antique temple contribuèrent également des populations païennes, mettant à disposition des matériaux précieux et l’expérience technique de leurs maîtres d’œuvre, à l’édification de l’Église contribuent les apôtres et les maîtres provenant non seulement des antiques souches juive, grecque et latine, mais également des nouveaux peuples, parmi lesquels Bède se plaît à citer les celtes irlandais et les Anglo-saxons. Saint Bède voit croître l’universalité de l’Église qui ne se restreint pas à une culture déterminée, mais se compose de toutes les cultures du monde qui doivent s’ouvrir au Christ et trouver en Lui leur point d’arrivée.

L’histoire de l’Église est un autre thème cher à Bède. Après s’être intéressé à l’époque décrite dans les Actes des Apôtres, il reparcourt l’histoire des Pères et des Conciles, convaincu que l’œuvre de l’Esprit Saint continue dans l’histoire. Dans la Chronica Maiora, Bède trace une chronologie qui deviendra la base du Calendrier universel "ab incarnatione Domini". Déjà à l’époque, on calculait le temps depuis la fondation de la ville de Rome. Bède, voyant que le véritable point de référence, le centre de l’histoire est la naissance du Christ, nous a donné ce calendrier qui lit l’histoire en partant de l’Incarnation du Seigneur. Il enregistre les six premiers Conciles œcuméniques et leurs développements, présentant fidèlement la doctrine christologique, mariologique et sotériologique, et dénonçant les hérésies monophysite et monothélite, iconoclaste et néo-pélagienne. Enfin, il rédige avec beaucoup de rigueur documentaire et d’attention littéraire l’Histoire ecclésiastiques des peuples Angles, pour laquelle il est reconnu comme le "père de l’historiographie anglaise". Les traits caractéristiques de l’Église que Bède aime souligner sont : a) la catholicité, comme fidélité à la tradition et en même temps ouverture aux développements historiques, et comme recherche de l’unité dans la multiplicité, dans la diversité de l’histoire et des cultures, selon les directives que le Pape Grégoire le Grand avait données à l’Apôtre de l’Angleterre, Augustin de Canterbury ; b) l’apostolicité et la romanité : à cet égard, il considère comme d’une importance primordiale de convaincre toutes les Églises celtiques et des Pictes à célébrer de manière unitaire la Pâque selon le calendrier romain. Le Calcul qu’il élabora scientifiquement pour établir la date exacte de la célébration pascale, et donc tout le cycle de l’année liturgique, est devenu le texte de référence pour toute l’Église catholique.

Bède fut également un éminent maître de théologie liturgique. Dans les homélies sur les Évangiles du dimanche et des fêtes, il accomplit une véritable mystagogie, en éduquant les fidèles à célébrer joyeusement les mystères de la foi et à les reproduire de façon cohérente dans la vie, dans l’attente de leur pleine manifestation au retour du Christ, lorsque, avec nos corps glorifiés, nous serons admis en procession d’offrande à l’éternelle liturgie de Dieu au ciel. En suivant le "réalisme" des catéchèses de Cyrille, d’Ambroise et d’Augustin, Bède enseigne que les sacrements de l’initiation chrétienne constituent chaque fidèle "non seulement chrétien, mais Christ". En effet, chaque fois qu’une âme fidèle accueille et conserve avec amour la Parole de Dieu, à l’image de Marie, elle conçoit et engendre à nouveau le Christ. Et chaque fois qu’un groupe de néophytes reçoit les sacrements de Pâques, l’Église s’"auto-engendre" ou, à travers une expression encore plus hardie, l’Église devient "Mère de Dieu" en participant à la génération de ses fils, par l’œuvre de l’Esprit Saint.

Grâce à sa façon de faire de la théologie en mêlant la Bible, la liturgie et l’histoire, Bède transmet un message actuel pour les divers "états de vie" : a)aux experts (doctores ac doctrices), il rappelle deux devoirs essentiels : sonder les merveilles de la Parole de Dieu pour les présenter sous une forme attrayante aux fidèles ; exposer les vérités dogmatiques en évitant les complications hérétiques et en s’en tenant à la "simplicité catholique", avec l’attitude des petits et des humbles auxquels Dieu se complaît de révéler les mystères du royaume ; b)les pasteurs, pour leur part, doivent donner la priorité à la prédication, non seulement à travers le langage verbal ou hagiographique, mais en valorisant également les icônes, les processions et les pèlerinages. Bède leur recommande l’utilisation de la langue vulgaire, comme il le fait lui-même, en expliquant en dialecte du Northumberland le "Notre Père", le "Credo" et en poursuivant jusqu’au dernier jour de sa vie le commentaire en langue vulgaire de l’Évangile de Jean ; c)aux personnes consacrées qui se consacrent à l’Office divin, en vivant dans la joie de la communion fraternelle et en progressant dans la vie spirituelle à travers l’ascèse et la contemplation, Bède recommande de soigner l’apostolat - personne ne reçoit l’Évangile que pour soi, mais doit l’écouter comme un don également pour les autres - soit en collaborant avec les évêques dans des activités pastorales de divers types en faveur des jeunes communautés chrétiennes, soit en étant disponibles à la mission évangélisatrice auprès des païens, hors de leur pays, comme "peregrini pro amore Dei".

En se plaçant dans cette perspective, dans le commentaire du Cantique des Cantiques, Bède présente la synagogue et l’Église comme des collaboratrices dans la diffusion de la Parole de Dieu. Le Christ Époux veut une Église industrieuse, "le teint hâlé par les efforts de l’évangélisation" - il y a ici une claire évocation de la parole du Cantique des Cantiques [5] où l’épouse dit : "Nigra sum sed formosa" (je suis noire, et pourtant belle) -, occupée à défricher d’autres champs ou vignes et à établir parmi les nouvelles populations "non pas une cabane provisoire, mais une demeure stable", c’est-à-dire à insérer l’Évangile dans le tissu social et dans les institutions culturelles. Dans cette perspective, le saint docteur exhorte les fidèles laïcs à être assidus à l’instruction religieuse, en imitant les "insatiables foules évangéliques, qui ne laissaient pas même le temps aux apôtres de manger un morceau de nourriture". Il leur enseigne comment prier continuellement, "en reproduisant dans la vie ce qu’ils célèbrent dans la liturgie", en offrant toutes les actions comme sacrifice spirituel en union avec le Christ. Aux parents, il explique que même dans leur petit milieu familial, ils peuvent exercer "la charge sacerdotale de pasteurs et de guides", en formant de façon chrétienne leurs enfants et affirme connaître de nombreux fidèles (hommes et femmes, mariés ou célibataires), "capables d’une conduite irrépréhensible, qui, s’ils sont suivis de façon adéquate, pourraient s’approcher chaque jour de la communion eucharistique" [6].

La renommée de sainteté et de sagesse dont, déjà au cours de sa vie, Bède jouit, lui valut le titre de "vénérable". C’est ainsi également que l’appelle le Pape Serge Ier, lorsqu’en 701, il écrit à son abbé en lui demandant qu’il le fasse venir pour un certain temps à Rome afin de le consulter sur des questions d’intérêt universel. Après sa mort, ses écrits furent diffusés largement dans sa patrie et sur le continent européen. Le grand missionnaire d’Allemagne, l’Évêque saint Boniface (+754), demanda plusieurs fois à l’archevêque de York et à l’abbé de Wearmouth de faire transcrire certaines de ses œuvres et de les lui envoyer de sorte que lui-même et ses compagnons puissent aussi bénéficier de la lumière spirituelle qui en émanait. Un siècle plus tard, Notker Galbulo, abbé de Saint-Gall (+ 912), prenant acte de l’extraordinaire influence de Bède, le compara à un nouveau soleil que Dieu avait fait lever non de l’orient, mais de l’occident pour illuminer le monde. Hormis l’emphase rhétorique, il est de fait que, à travers ses œuvres, Bède contribua de façon efficace à la construction d’une Europe chrétienne, dans laquelle les diverses populations et cultures se sont amalgamées, lui conférant une physionomie unitaire, inspirée par la foi chrétienne. Prions afin qu’aujourd’hui également, se trouvent des personnalités de la stature de Bède pour maintenir uni tout le continent ; prions afin que nous soyons tous prêts à redécouvrir nos racines communes, pour être les bâtisseurs d’une Europe profondément humaine et authentiquement chrétienne.
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[1] Psalm. XLV, 5.

[2] BED. Hist. eccl. Cap. ultimum.

[3] Epist. CUTHBERTI.

[4] Historia eccl. Anglorum, v, 24.

[5] 1, 5.

[6] Epist. ad Ecgberctum, ed. Plummer, p. 419.