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31/07 St Ignace de Loyola, confesseur

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Sommaire

  Textes de la Messe  
  Office  
  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Bhx cardinal Schuster, Liber Sacramentorum  
  Dom Pius Parsch, Le guide dans l’année liturgique  

Mort à Rome le 31 juillet 1556. Canonisé en 1622 par Grégoire XV. Inscrit au calendrier en 1644 par Innocent X comme semidouble. Élevé au rite double en 1667 par Clément IX, et double-majeur par Pie XI en 1923.

Quel paradoxe de voir que l’ordre établi par Dieu pour abattre l’hérésie réformée et ses séides soit aujourd’hui le plus acharné dans la destruction de la sainte Église et l’anéantissement de la foi que professait St Ignace !

Textes de la Messe

die 31 Iulii
le 30 juillet
SANCTI IGNATII
SAINT IGNACE
Conf.
Confesseur
III classis (ante CR 1960 : duplex maius)
IIIème classe (avant 1960 : double majeur)
Ant. ad Introitum. Phil. 2, 10-11.Introït
In nómine Iesu omne genu flectátur, cæléstium, terréstrium et infernórum : et omnis lingua confiteátur, quia Dóminus Iesus Christus in glória est Dei Patris.Qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse dans le ciel, sur la terre et dans les enfers ; et que toute langue proclame que le Seigneur Jésus-Christ est dans la gloire de Dieu le Père.
Ps. 5, 12-13.
Gloriabúntur in te omnes, qui díligunt nomen tuum : quóniam tu benedíces iusto.Qu’en vous se glorifient tous ceux qui aiment votre nom : parce que vous bénirez le juste
V/. Glória Patri.
Oratio.Collecte
Deus, qui ad maiórem tui nóminis glóriam propagándam, novo per beátum Ignátium subsídio militántem Ecclésiam roborásti : concéde ; ut, eius auxílio et imitatióne certántes in terris, coronári cum ipso mereámur in cælis. Per Dóminum.Dieu, pour propager la plus grande gloire de votre nom, vous avez, par le bienheureux Ignace, procuré à votre Église militante de nouveaux renforts : accordez-nous, avec son secours et combattant à son exemple sur la terre, de mériter d’être couronnés avec lui dans le ciel.
Léctio Epístolæ beáti Pauli Apóstoli ad Timótheum.Lecture de l’Épître de saint Paul apôtre à Timothée.
2. Tim. 2, 8-10 ; 3, 10-12.
Caríssime : Memor esto, Dóminum Iesum Christum resurrexísse a mórtuis ex sémine David, secúndum Evangélium meum, in quo labóro usque ad víncula, quasi male óperans : sed verbum Dei non est alligátum. Ideo ómnia sustíneo propter eléctos, ut et ipsi salútem consequántur, quæ est in Christo Iesu, cum glória cælésti. Tu autem assecútus es meam doctrínam, institutiónem, propósitum, fidem, longanimitátem, dilectiónem, patiéntiam, persecutiónes, passiónes : quália mihi facta sunt Antiochíæ, Icónii et Lystris : quales perseditiónes sustínui, et ex ómnibus erípuit me Dóminus. Et omnes, qui pie volunt vívere in Christo Iesu, persecutiónem patiéntur.Mon bien-aimé : Souviens-toi que le Seigneur Jésus-Christ, de la race de David, est ressuscité d’entre les morts, selon mon évangile, pour lequel je souffre, jusqu’à porter les chaînes comme un malfaiteur ; mais la parole de Dieu n’est pas enchaînée. C’est pourquoi je supporte tout pour les élus, afin qu’ils obtiennent aussi eux-mêmes le salut qui est dans le Christ Jésus, avec la gloire du Ciel. Mais toi, tu as suivi mon enseignement, ma conduite, ma résolution, ma foi, ma douceur, ma charité, ma patience, mes persécutions, mes souffrances : celles qui me sont arrivées à Antioche, à Iconium et à Lystres ; tu sais quelles persécutions j’ai endurées, et le Seigneur m’a délivré de toutes. Aussi tous ceux qui veulent vivre pieusement dans le Christ Jésus subiront la persécution.
Graduale. Ps. 91, 13 et 14.Graduel
Iustus ut palma florébit : sicut cedrus Líbani multiplicábitur in domo Dómini.Le juste fleurira comme le palmier et il se multipliera comme le cèdre du Liban dans la maison du Seigneur.
V/. Ibid., 3. Ad annuntiándum mane misericórdiam tuam, et veritátem tuam per noctem.V/. Pour annoncer le matin votre miséricorde et votre vérité durant la nuit.
Allelúia, allelúia. V/. Iac. 1, 12. Beátus vir, qui suffert tentatiónem : quóniam, cum probátus fúerit, accípiet corónam vitæ. Allelúia.Allelúia, allelúia. V/. Heureux l’homme qui souffre patiemment l’épreuve, car lorsqu’il aura été éprouvé, il recevra la couronne de vie. Alléluia.
+ Sequéntia sancti Evangélii secundum Lucam.Suite du Saint Évangile selon saint Luc.
Luc. 10, 1-9.
In illo témpore : Designávit Dóminus et álios septuagínta duos : et misit illos binos ante fáciem suam in omnem civitátem et locum, quo erat ipse ventúrus. Et dicebat illis : Messis quidem multa, operárii autem pauci. Rogáte ergo Dóminum messis, ut mittat operários in messem suam. Ite : ecce, ego mitto vos sicut agnos inter lupos. Nolíte portare sǽculum neque peram neque calceaménta ; et néminem per viam salutavéritis. In quamcúmque domum intravéritis, primum dícite : Pax huic dómui : et si ibi fúerit fílius pacis, requiéscet super illum pax vestra : sin autem, ad vos revertétur. In eádem autem domo manéte, edéntes et bibéntes quæ apud illos sunt : dignus est enim operárius mercede sua. Nolíte transíre de domo in domum. Et in quamcúmque civitátem intravéritis, et suscéperint vos, manducáte quæ apponúntur vobis : et curáte infírmos, qui in illa sunt, et dícite illis : Appropinquávit in vos regnum Dei.En ce temps-là : le Seigneur désigna encore soixante-dix autres disciples, et il les envoya devant lui, deux à deux, en toute ville et endroit où lui-même devait aller. Il leur disait : La moisson est grande, mais les ouvriers sont en petit nombre. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers à sa moisson. Allez : voici que je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups. Ne portez ni bourse, ni besace, ni sandales, et ne saluez personne en chemin. En quelque maison que vous entriez, dites d’abord : "Paix à cette maison !" Et s’il y a là un fils de paix, votre paix reposera sur lui ; sinon, elle reviendra sur vous. Demeurez dans cette maison, mangeant et buvant de ce qu’il y aura chez eux, car l’ouvrier mérite son salaire. Ne passez pas de maison en maison. Et en quelque ville que vous entriez et qu’on vous reçoive, mangez ce qui vous sera servi ; guérissez les malades qui s’y trouveront, et dites-leur : "Le royaume de Dieu est proche de vous."
Ant. ad Offertorium. Ps. 88, 25.Offertoire
Véritas mea et misericórdia mea cum ipso : et in nómine meo exaltábitur cornu eius.Ma vérité et ma miséricorde seront avec lui et par mon nom s’élèvera sa puissance.
SecretaSecrète
Adsint, Dómine Deus, oblatiónibus nostris sancti Ignátii benígna suffrágia : ut sacrosáncta mystéria, in quibus omnis sanctitátis fontem constituísti, nos quoque in veritáte sanctíficet. Per Dóminum nostrum.Que les suffrages bienveillants de saint Ignace accompagnent nos oblations, Seigneur Dieu : afin que les mystères très saints dans lesquels vous avez établi la source de toute sainteté nous sanctifient aussi en vérité.
Ant. ad Communionem. Luc. 12, 49.Communion
Ignem veni míttere in terram : et quid volo, nisi ut accendátur ?Je suis venu mettre le feu sur la terre, et qu’est-ce que je désire, sinon qu’il s’allume ?
PostcommunioPostcommunion
Laudis hóstia, Dómine, quam pro sancto Ignátio grátias agentes obtúlimus : ad perpétuam nos maiestátis tuæ laudatiónem, eius intercessióne, pérducat. Per Dóminum.Que cette hostie de louange que nous vous avons présentée, Seigneur, en vous rendant grâce pour saint Ignace, nous conduise, par son intercession, à l’éternelle louange de votre majesté.

Office

Leçons des Matines avant 1960.

Au deuxième nocturne.

Quatrième leçon. Ignace de noble famille espagnole, et né à Loyola au pays des Cantabres, vécut d’abord à la cour du roi catholique, d’où il passa au service militaire. Ayant été grièvement blessé au siège de Pampelune, la lecture de livres pieux, qui lui tombèrent sous la main, l’enflamma d’un vif désir de marcher sur les traces de Jésus-Christ. Parti pour Mont-Serrat, il suspendit ses armes devant l’autel de la bienheureuse Vierge, et consacrant la nuit à veiller, fit ses débuts dans la milice sacrée. Retiré ensuite à Manrèse, couvert d’un sac qui remplaçait les riches habits qu’il avait donnés à un pauvre, il y demeura une année, mendiant le pain et l’eau dont il se nourrissait, jeûnant tous les jours excepté le dimanche, domptant sa chair au moyen d’une rude chaîne et d’un cilice, couchant sur la dure, et se flagellant jusqu’au sang avec des disciplines de fer. C’est alors que Dieu le favorisa de si grandes lumières, que plus tard il avait coutume de dire : « Quand même les saintes Écritures n’existeraient pas, je serais néanmoins prêt à mourir pour la foi, rien qu’en raison des choses que Dieu m’a dévoilées à Manrèse. » C’est alors également que cet homme, tout à fait ignorant dans les lettres, composa le livre des Exercices, livre admirable qui se recommande de l’approbation du Siège apostolique et du bien qu’en retirent les âmes.

Cinquième leçon. Afin de se rendre plus capable de travailler au salut des âmes, Ignace résolut de s’assurer le secours des lettres, et se mêla aux enfants pour commencer l’étude de la grammaire. Cependant il ne négligeait rien par rapport au salut d’autrui, et on ne saurait dire combien de fatigues et d’affronts il eut à subir en tous lieux, souffrant les plus dures épreuves, la prison et les coups, au point presque d’en mourir, ce qui ne l’empêchait pas d’en souhaiter bien davantage pour la gloire de son Maître. S’étant adjoint neuf compagnons de nations diverses, appartenant à l’Université de Paris, tous maîtres es arts et pourvus de leurs grades en théologie, il jeta les premiers fondements de son Ordre à Paris, sur le mont des Martyrs. L’ayant établi ensuite à Rome, ajoutant aux trois vœux ordinaires un quatrième vœu, relatif aux missions, il le mit sous l’étroite dépendance du Saint-Siège. Paul III d’abord l’admit et le confirma ; bientôt après, d’autres Pontifes et le concile de Trente l’approuvèrent. Ayant envoyé saint François Xavier prêcher l’Évangile aux Indes, et disséminé d’autres missionnaires dans les diverses parties du monde pour propager la religion, Ignace déclara lui-même la guerre à la superstition païenne et à l’hérésie. Cette lutte se continua avec un tel succès que, du sentiment universel appuyé sur le témoignage du souverain Pontife, il était évident que Dieu avait opposé Ignace et son institut à Luther et aux hérétiques d’alors, comme il avait suscité d’autres saints personnages à d’autres époques.

Sixième leçon. Ce qu’Ignace eut surtout à cœur, ce fut le renouvellement de la piété chez les catholiques. La beauté des temples, l’enseignement du catéchisme, la fréquentation des assemblées saintes et des sacrements durent beaucoup à son action. Il ouvrit partout des collèges pour former la jeunesse dans les lettres et la piété ; à Rome, il fonda le collège Germanique, des refuges pour les femmes perdues et les jeunes filles exposées à se perdre, des maisons pour recueillir tant les orphelins que les catéchumènes des deux sexes ; il s’appliquait encore avec un zèle infatigable à d’autres bonnes œuvres, afin de gagner des âmes à Dieu. Plus d’une fois on l’a entendu dire : « Si le choix m’était donné, j’aimerais mieux vivre incertain de la béatitude, tout en servant Dieu et en travaillant au salut du prochain, que de mourir immédiatement avec l’assurance de la gloire céleste. » Il exerça sur les démons un empire extraordinaire. Saint Philippe de Néri et plusieurs autres ont vu son visage tout radieux d’une lumière surnaturelle. Enfin, après avoir toujours eu sur les lèvres la plus grande gloire de Dieu, et l’avoir aussi cherchée en toutes choses, il quitta la terre dans sa soixante-cinquième année, pour aller s’unir au Seigneur. Ses grands mérites et ses miracles l’ayant rendu illustre dans l’Église, Grégoire XV ajouta son nom au calendrier des Saints, et Pie XI, accédant aux désirs des saints évêques, le déclara et l’établit céleste protecteur de tous ceux qui suivent les retraites dites exercices spirituels.

Au troisième nocturne. [1]

Lecture du saint Évangile selon saint Luc. Cap. 10, 1-9.
En ce temps-là : Le Seigneur désigna encore soixante-douze autres disciples, et les envoya deux à deux devant lui dans toutes les villes et tous les lieux où lui-même devait venir. Et le reste.

Homélie de saint Grégoire, Pape. Homilía 17 in Evangelia

Septième leçon. Notre Seigneur et Sauveur nous instruit, mes bien-aimés frères, tantôt par ses paroles, et tantôt par ses œuvres. Ses œuvres elles-mêmes sont des préceptes, et quand il agit, même sans rien dire, il nous apprend ce que nous avons à faire. Voilà donc que le Seigneur envoie ses disciples prêcher ; il les envoie deux à deux, parce qu’il y a deux préceptes de la charité : l’amour de Dieu et l’amour du prochain, et qu’il faut être au moins deux pour qu’il y ait lieu de pratiquer la charité. Car, à proprement parler, on n’exerce pas la chanté envers soi-même ; mais l’amour, pour devenir charité, doit avoir pour objet une autre personne.

Huitième leçon. Voilà donc que le Seigneur envoie ses disciples deux à deux pour prêcher ; il nous fait ainsi tacitement comprendre que celui qui n’a point de charité envers le prochain ne doit en aucune manière se charger du ministère de la prédication. C’est avec raison que le Seigneur dit qu’il a envoyé ses disciples devant lui, dans toutes les villes et tous les lieux où il devait venir lui-même. Le Seigneur suit ceux qui l’annoncent. La prédication a lieu d’abord ; et le Seigneur vient établir sa demeure dans nos âmes, quand les paroles de ceux qui nous exhortent l’ont devancé, et qu’ainsi la vérité a été reçue par notre esprit.

Neuvième leçon. Voilà pourquoi Isaïe a dit aux mêmes prédicateurs : « Préparez la voie du Seigneur ; rendez droits les sentiers de notre Dieu » [2]. A son tour le Psalmiste dit aux enfants de Dieu : « Faites un chemin à celui qui monte au-dessus du couchant » [3]. Le Seigneur est en effet monté au-dessus du couchant ; car plus il s’est abaissé dans sa passion, plus il a manifesté sa gloire en sa résurrection. Il est vraiment monté au-dessus du couchant : car, en ressuscitant, il a foulé aux pieds la mort qu’il avait endurée [4]. Nous préparons donc le chemin à Celui qui est monté au-dessus du couchant quand nous vous prêchons sa gloire, afin que lui-même, venant ensuite, éclaire vos âmes par sa présence et son amour.

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

Bien que le cycle du Temps après la Pentecôte nous ait maintes fois déjà manifesté la sollicitude avec laquelle l’Esprit divin préside à la défense de l’Église, l’enseignement resplendit aujourd’hui d’une manière nouvelle. Au XVIe siècle, un assaut formidable était livré à la cité sainte. Satan avait choisi pour chef de l’attaque un homme tombé comme lui des hauteurs du ciel. Luther, sollicité dans ses jeunes années par les grâces de choix qui font les parfaits, n’avait point su, dans un jour d’égarement, résister à l’esprit de révolte. Comme Lucifer, qui prétendit égaler Dieu, lui se posa en face du vicaire du Très-Haut sur la montagne du Testament [5] ; bientôt, roulant aussi d’abîme en abîme, il entraînait de même à sa suite la troisième partie des étoiles du ciel de la sainte Église [6]. Loi mystérieuse et terrible, que celle qui si souvent laisse à l’homme ou à l’ange déchu, dans les sphères du mal, la principauté qui devait s’exercer par eux pour le bien et l’amour ! Mais l’éternelle Sagesse n’est cependant jamais frustrée dans la divine loyauté de ce jeu sublime commencé avec le monde, et qui régit toujours les temps [7] ; c’est alors qu’à l’encontre de la liberté pervertie de l’ange ou de l’homme, elle met en œuvre cette autre loi de substitution miséricordieuse dont Michel bénéficia le premier.

La vocation d’Ignace à la sainteté suit pas à pas dans ses développements la défection luthérienne. Au printemps de l’année 1521, Luther, jetant son défi à toutes les puissances, venait à peine de quitter Worms et de gagner la Wartbourg [8], qu’Ignace, à Pampelune, était frappé du coup qui devait le retirer du monde et bientôt le conduire à Manrèse. Valeureux comme ses nobles ancêtres, il s’était senti pénétrer dès ses premiers ans de l’ardeur belliqueuse qu’on les vit montrer sur les champs de bataille de la terre des Espagnes ; mais la campagne contre le Maure a pris fin dans les jours mêmes de sa naissance [9] ; se pourrait-il qu’il n’eût, pour satisfaire ses chevaleresques instincts, que les querelles mesquines où la politique des rois va toujours plus s’abaisser ? Le seul vrai Roi resté digne de sa grande âme, se révèle à lui dans l’épreuve qui vient d’arrêter ses projets mondains ; une milice nouvelle s’offre, à son ambition ; une autre croisade commence ; et l’an 1522 voit, des monts de Catalogne à ceux de Thuringe, se développer la divine stratégie dont les Anges seuls ont encore le secret.

Admirable campagne, où l’on dirait que le ciel se contente d’observer l’enfer, lui laissant prendre les devants, ne se gardant que le droit de faire surabonder la grâce là où l’iniquité prétend abonder [10]. De même que, l’année d’auparavant, le premier appel d’Ignace avait suivi de trois semaines la rébellion consommée de Luther : à trois semaines également de distance, voici qu’en celle-ci l’enfer et le ciel produisent leurs élus sous l’armure différente qui convient aux deux camps dont ils seront chefs. Dix mois de manifestations étranges et d’ascèse diabolique ont préparé le lieutenant de Satan dans la retraite forcée qu’il nomme sa Pathmos ; et le 5 mars, en rupture de ban, le transfuge du sacerdoce et du cloître quitte la Wartbourg transformé sous la cuirasse et le casque en chevalier de fausse marque. Le 25 du même mois, dans la glorieuse nuit où le Verbe prit chair, le brillant soldat des armées du royaume catholique, le descendant des Ognès et des Loyola, vêtu d’un sac comme de l’insigne de pauvreté qui révèle ses projets nouveaux, passe en prières au Mont-Serrat sa veille des armes ; il suspend à l’autel de Marie sa vaillante épée, et de là s’en va préludant aux combats inconnus qui l’attendent dans une lutte sans merci contre lui-même.

Au drapeau du libre examen, qui partout déjà fait flotter ses plis orgueilleux, il oppose sur le sien pour unique devise : À la plus grande gloire de Dieu ! Bientôt Paris, où Calvin recrute dans le secret les futurs huguenots, le voit enrôler, pour le compte du Dieu des armées, la compagnie d’avant-poste qui doit dans sa pensée couvrir l’armée chrétienne en éclairant sa marche, porter et recevoir les premiers coups. L’Angleterre vient-elle, aux premiers mois de 1534, d’imiter dans leur défection l’Allemagne et les pays du Nord, que, le 15 août de cette année, les premiers soldats d’Ignace scellent à Montmartre avec lui l’engagement définitif qu’ils doivent renouveler solennellement plus tard à Saint-Paul-hors-les-Murs. Car c’est à Rome qu’est fixé le point de ralliement de la petite troupe, qui s’accroîtra bientôt merveilleusement, mais dont la profession spéciale sera d’être toujours prête à se porter, au moindre signe, sur tous les points où le Chef suprême de l’Église militante jugera bon d’utiliser son zèle pour la défense de la foi ou sa propagation, pour le progrès des âmes dans la doctrine et la vie chrétienne [11].

Une bouche illustre a dit en nos temps [12] que « ce qui frappe de prime abord dans l’histoire de la société de Jésus, c’est que pour elle l’âge mûr est contemporain de la première formation. Qui connaît les premiers auteurs de la compagnie, connaît la compagnie entière dans son esprit, dans son but, dans ses entreprises, dans ses procédés, dans ses méthodes. Quelle génération que celle qui préside à ses origines ! Quelle union de science et d’activité, de vie intérieure et de vie militante ! On peut dire que ce sont des hommes universels, des hommes de race gigantesque, en comparaison desquels nous ne sommes que des insectes : de genere giganteo, quibus comparati quasi locustae videbamur [13] ».

Combien plus touchante n’en apparaît pas la simplicité si pleine de charmes de ces premiers Pères de la compagnie, faisant la route qui les sépare de Rome à pied et jeûnant, épuisés, mais le cœur débordant d’allégresse et chantant à demi-voix les psaumes de David [14] ! Quand il fallut, pour répondre aux nécessités de l’heure présente, abandonner dans le nouvel institut les grandes traditions de la prière publique, il en coûta à plusieurs de ces âmes ; ce ne fut pas sans lutte que Marie, sur ce point, dut céder à Marthe : tant de siècles durant, la solennelle célébration des divins Offices avait paru l’indispensable tâche de toute famille religieuse, dont elle formait la dette sociale première, comme elle était l’aliment premier de la sainteté individuelle de ses membres !

Mais l’arrivée de temps nouveaux promenant partout la déchéance et la ruine, appelait une exception aussi insolite alors que douloureuse pour la vaillante compagnie qui dévouait son existence à l’instabilité d’alertes sans fin et de sorties perpétuelles sur les terres ennemies. Ignace le comprit ; et il sacrifia au but particulier qui s’imposait à lui l’attrait personnel qu’il ressentit jusqu’à la fin pour le chant sacré, dont les moindres notes parvenant à son oreille faisaient couler de ses yeux des larmes d’extase [15]. Après sa mort, l’Église, qui jusque-là n’avait point connu d’intérêt primant la splendeur à donner au culte de l’Époux, voulut revenir sur une dérogation qui portait une atteinte si profonde aux instincts les plus chers de son cœur d’Épouse ; on vit Paul IV la révoquer absolument ; mais saint Pie V eut beau lui-même longtemps lutter contre elle, il dut enfin la subir.

Avec les derniers siècles et leurs embûches, l’heure des milices spéciales organisées en camps volants avait sonné pour l’Église. Mais autant il devenait plus difficile chaque jour d’exiger de ces troupes méritantes, absorbées dans de continuels combats au dehors, les habitudes de ceux que protégeaient la Cité sainte et ses anciennes tours de défense : autant Ignace répudiait le contre-sens étrange qui eût voulu réformer les mœurs du peuple chrétien d’après la manière de vivre entraînée par le service de reconnaissances et de grand’garde, auquel il se sacrifiait pour tous. La troisième des dix-huit règles qu’il pose, comme couronnement des EXERCICES SPIRITUELS, pour avoir en nous les vrais sentiments de l’Église orthodoxe, est de recommander aux fidèles les chants de l’Église, les psaumes, et les différentes Heures canoniales au temps marqué pour chacune. Et, en tête de ce livre qui est bien le trésor de la Compagnie de Jésus, établissant les conditions qui permettront de retirer le plus grand fruit possible des mêmes Exercices, il détermine, dans son annotation vingtième, que celui qui le peut devra choisir, pour le temps de leur durée, une habitation d’où il lui soit facile de se rendre aux Offices de Matines [16] et des Vêpres ainsi qu’au divin Sacrifice. Que fait du reste en cela notre Saint, sinon conseiller pour la pratique des Exercices le même esprit dans lequel ils furent composés, en cette retraite bénie de Manrèse où l’assistance quotidienne à la Messe solennelle et aux Offices du soir fut pour lui la source de délices du ciel [17] ?

La victoire qui triomphe du monde est notre foi [18]. Une fois de plus vous l’avez montré, ô vous qui fûtes le grand triomphateur du siècle où le Fils de Dieu vous choisit pour relever son drapeau humilié devant l’étendard de Babel. Contre les bataillons sans cesse grossissant des révoltés, vous fûtes longtemps presque seul, laissant au Dieu des armées le soin de choisir son heure pour vous mettre aux prises avec les cohortes de Satan, comme il l’avait choisie pour vous retirer de la milice des hommes. Le monde, instruit alors de vos desseins, n’y eût vu qu’un objet de risée ; et toutefois nul certes aujourd’hui ne saurait le nier : ce fut un moment solennel pour l’histoire du monde, que celui où, pareil dans votre confiance aux plus illustres capitaines concentrant leurs armées, vous donniez ordre à vos neuf compagnons de gagner trois par trois la Ville sainte. Quels résultats durant les quinze années où cette troupe d’élite, que recrutait l’Esprit-Saint, vous eut à sa tête comme premier Général ! L’hérésie refoulée d’Italie, confondue à Trente, enrayée partout, immobilisée jusqu’en son foyer même ; d’immenses conquêtes sur des terres nouvelles, réparant les pertes subies dans notre Occident ; Sion elle-même rajeunissant sa beauté, relevée dans son peuple et ses pasteurs, assurée pour ses fils d’une éducation répondant à leurs célestes destinées : sur toute la ligne enfin où il avait imprudemment crié victoire, Satan rugissant, dompté à nouveau par ce nom de Jésus qui fait fléchir tout genou dans le ciel, sur la terre et dans les enfers [19] ! Quelle gloire pour vous, ô Ignace, eût jamais égalé celle-là dans les armées des rois de la terre ?

Du trône que vous avez conquis par tant de hauts faits, veillez sur ces fruits de vos œuvres, et montrez-vous toujours le soldat de Dieu. Au travers des contradictions qui ne leur manquèrent jamais, soutenez vos fils au poste d’honneur et de vaillance qui fait d’eux les sentinelles avancées de l’Église. Qu’ils soient fidèles à l’esprit de leur glorieux Père, « ayant sans cesse devant les yeux : premièrement Dieu ; ensuite, comme une voie qui conduit à lui, la forme de leur institut, consacrant tout ce qu’ils ont de forces à atteindre ce but que Dieu leur marque ; chacun pourtant suivant la mesure de la grâce qu’il a reçue de l’Esprit-Saint et le degré propre de sa vocation [20] ». Enfin, ô chef d’une si noble descendance, étendez votre amour à toutes les familles religieuses, dont le sort en face de .la persécution est devenu si étroitement solidaire aujourd’hui de celui de la vôtre ; bénissez spécialement l’Ordre monastique qui protégea de ses antiques rameaux vos premiers pas dans la vie parfaite, et la naissance de l’illustre Compagnie qui sera votre couronne immortelle dans les cieux. Ayez pitié de la France, de ce Paris dont l’université vous fournit les assises de l’inébranlable édifice élevé par vous à la gloire du Très-Haut. Que tout chrétien apprenne de vous à militer pour le Seigneur, à ne jamais renier son drapeau ; que tout homme, sous votre conduite, revienne à Dieu son principe et sa fin.

Bhx cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

Parler rapidement des mérites d’Ignace envers le catholicisme est impossible. Son nom en effet résume à lui seul tout l’immense travail entrepris par l’Église au XVIe siècle, pour opposer à la réforme luthérienne une véritable réforme catholique, si bien que la liturgie elle-même affirme, à la louange d’Ignace, que la Providence l’envoya pour l’opposer à Luther.

Maintenant encore, le nom de Loyola et de la Compagnie fondée par lui sont synonymes de vie et d’action catholique au sens le plus élevé du mot ; en sorte que les adversaires, tout en affectant de la tolérance envers d’autres congrégations religieuses, nourrissent une haine irréductible contre l’institut d’Ignace, où ils reconnaissent à bon droit l’armée la plus aguerrie et la plus invulnérable que la Providence ait placée sous le commandement immédiat du Vicaire de Jésus-Christ. On peut dire de la Compagnie de Jésus ce que l’Évangile dit du Divin Sauveur ; persécutée dès sa naissance, supprimée puis rétablie, objet d’une haine infinie pour les uns et de confiance illimitée pour les autres, pertransiit benefaciendo et sanando [21]. Ainsi en était-il il y a trois siècles, ainsi en est-il aujourd’hui, ainsi en sera-t-il toujours dans l’avenir [22].

Le corps de saint Ignace est conservé à Rome dans le magnifique temple farnésien de la première maison professe, près du titulus Marci. Toutefois dans la Ville éternelle beaucoup d’autres sanctuaires rappellent le zèle du Saint, à commencer par la Basilique de Saint-Paul, où lui et ses premiers compagnons émirent la solennelle profession religieuse. Le souvenir de saint Ignace est aussi gardé dans l’église de Saint-Apollinaire, près de laquelle il fonda le Collège germanique ; dans celle de Sainte-Marthe, où il recueillit les pauvres femmes coupables qui voulaient faire pénitence ; dans celle de Sainte-Catherine des funari, où il institua un pensionnat pour les jeunes filles pauvres ; et enfin au Collège romain, séminaire de toutes les nations, comme l’appela Grégoire XIII.

L’antienne d’introït pour le Fondateur de la Compagnie de Jésus ne peut être que celle du Ier janvier, où l’Apôtre exalte la puissance du Nom très saint du Sauveur. Puis viennent — contrairement aux règles classiques de l’antiphonie romaine — non point le premier, mais les douzième et treizième versets du psaume 5 : « Qu’ils se glorifient en Vous, tous ceux qui aiment votre Nom, parce que vous bénissez le juste ».

Pour rémunérer Jésus des ignominies de la Passion, le Père éternel a conféré au glorieux Rédempteur un Nom qui est au-dessus de tout autre nom. Ceux qui ont part aux peines et à l’obéissance de Jésus participent aussi à la gloire de ce Nom dans lequel ils sont largement récompensés des pertes temporelles de leur fortune, de leur réputation et de leur vie elle-même, pertes que parfois ils subissent pour la cause de Dieu.

Prière. — « Dieu qui, pour propager la plus grande gloire de votre Nom, avez voulu fortifier par un nouveau soutien l’Église militante grâce au bienheureux Ignace, faites que, en l’imitant maintenant dans le combat, nous puissions avoir part un jour à sa couronne dans le ciel ». Le programme de saint Ignace, évoqué dans cette collecte : Ad majorem Dei gloriam, se rattache, dans la tradition de l’ascèse catholique, à celui qui fut donné jadis par le Patriarche du monachisme occidental à ses fils : Ut in omnibus glorificetur Deus [23]. Nous connaissons les relations de saint Ignace avec les Bénédictins du Mont-Serrat, où il se retira immédiatement après sa conversion ; avec les moines du Mont Cassin, où il demeura quelque temps dans la solitude, et avec les cénobites de Saint-Paul à Rome où il émit ses vœux et où il fut canoniquement élu premier préposé général de la nouvelle Compagnie. Il n’est pourtant pas possible de démontrer que la devise de saint Ignace découle de celles des moines bénédictins. Un même esprit, celui des saints, a employé, pour s’exprimer, des mots analogues ; et il en va de même au sujet des rapports existant entre le petit Livre des Exercices spirituels et l’Exercitatorium de l’abbé Garcia de Cisneros dont le Saint aurait eu connaissance, dit-on, au Mont-Serrat.

Dans la première lecture, l’Apôtre y rappelle sa prédication orthodoxe, les nombreuses persécutions dont il fut l’objet, et, en dernier lieu, ses chaînes. Aux yeux de ses adversaires, il passe quasi male operans, et on a même voulu l’enchaîner. C’est bien, observe saint Paul : le corps sera retenu par les menottes et par les chaînes, mais rien ne pourra lier la parole de Dieu qui, semblable à l’air et à la lumière, est destinée à se répandre dans le monde et à triompher.

La lecture évangélique pour la fête du père d’un si grand nombre d’apôtres et de missionnaires, auquel saint François Xavier n’écrivait, du Japon, qu’à genoux, ne peut être autre que celle du 3 décembre.

Sur les oblations. — « Qu’à nos oblations soient jointes les bienveillantes prières de saint Ignace ; afin que les Divins Mystères dans lesquels vous avez ouvert pour nous la source de toute sainteté, nous sanctifient nous aussi dans la Vérité qui est le Christ ». Cette prière semble se rapporter à l’un des aspects les plus importants de l’œuvre réformatrice de saint Ignace. Au XVIe siècle, en beaucoup d’endroits, le culte catholique languissait misérablement. En Italie, il ne s’agissait pas seulement de prêtres grossiers et ignorants qui parfois ne comprenaient pas même le canon de la messe, mais le peuple lui-même avait presque perdu l’habitude des sacrements, si bien que beaucoup d’églises étaient laissées dans la malpropreté et l’abandon. Ignace et ses compagnons commencèrent donc leur réforme liturgique surtout par la prédication et l’enseignement du catéchisme. Tandis qu’au moyen des Exercices spirituels ils cherchaient à élever le clergé à une conscience plus haute de sa dignité et de sa mission, ils ramenaient dans les églises la propreté, la dignité et la richesse. Attirés par ces formes extérieures, les fidèles se portèrent plus facilement à fréquenter la Table eucharistique et les cérémonies.

L’antienne pour la Communion est bien tirée de saint Luc (XII, 49), mais d’un autre chapitre que la péricope évangélique de ce jour. « Je suis venu apporter le feu sur la terre, et que désire-je davantage sinon qu’il s’allume ? » Le feu vit en se consumant ; ainsi la charité et le zèle pour Dieu s’éteignent si le sacrifice ne les alimente.

Après la Communion. — « Que l’Hostie de louange que nous venons d’offrir en vous rendant grâces, Seigneur, pour la fête de saint Ignace, nous vaille par son intercession l’heureux sort d’arriver à Vous louer dans l’éternité ». La divine Eucharistie s’appelle aussi sacrificium laudis, parce que Jésus voulut qu’elle fût un hymne perpétuel de louange et d’action de grâces à la bonté du Père. C’est pourquoi, à la dernière Cène, il l’institua durant le chant d’un hymne pascal d’action de grâces, — le grand hallel, — raison pour laquelle les Apôtres l’appelèrent Eucharistia, c’est-à-dire chant d’action de grâces.

Dom Pius Parsch, Le guide dans l’année liturgique

Tout pour la plus grande gloire de Dieu.

La Compagnie de Jésus (ou Ordre des Jésuites) fut destinée par la Providence à être le rempart de la chrétienté contre les hérésies du XVIe siècle. Elle s’est illustrée dans tous les domaines qui intéressent la vie de l’Église, éducation de la jeunesse, ministère apostolique... La flamme ardente de son fondateur s’est propagée par le zèle de ses fils (Ignace signifie « homme plein de feu »). Le livre des Exercices de saint Ignace a été l’instrument d’innombrables conversions ; ce petit ouvrage que tous les siècles ne cesseront de relire a déjà suscité plus de saints, a-t-on pu dire, qu’il ne contient de lettres.

1. Saint Ignace. — Jour de mort : 31 juillet 1556. Tombeau : son corps repose à Rome dans l’église du Gesù, près de la première maison professe des Jésuites. Sa vie : Ignace naquit en 1491. Après avoir été page à la cour d’Espagne, il embrassa la carrière des armes. C’est pendant sa convalescence, à la suite d’une blessure reçue au siège de Pampelune, que se dessina la nouvelle orientation de sa vie. Guéri, il se rendit en pèlerinage à Montserrat, puis à Manrèze où il se soumit à de rudes pénitences et composa son livre des Exercices. Il entreprit ensuite ses études tardives (1528-35), réunit ses premiers compagnons, et, en 1534, dans la chapelle de Montmartre, à Paris, posa enfin les assises de son institut. C’est alors qu’il commença son œuvre de réforme dans toutes les branches de l’activité chrétienne. On l’entendait dire que, si le choix lui en était donné, il préférerait vivre incertain de la béatitude, tout en se dévouant au service de Dieu et au salut d’autrui, plutôt que de mourir avec l’assurance immédiate de la gloire éternelle. Saint Philippe Néri et d’autres le virent, souvent, le visage rayonnant d’un éclat céleste. Enfin, dans sa soixante-cinquième année, après avoir toujours eu sur les lèvres la plus grande gloire de Dieu et constamment agi pour elle, il alla rejoindre son Maître.

2. La messe (In nomine Jesu). — Les différents textes de cette messe rappellent très clairement la vie et les maximes du saint. L’Introït reproduit la grande devise de son institut : « Omnia ad majorem Dei gloriam. — Tout pour la plus grande gloire de Dieu ». A l’Épître, saint Ignace raconte ses labeurs évangéliques et nous exhorte à l’imiter. L’Évangile, récit de la mission des soixante-douze disciples, le range parmi les grands missionnaires qui parcoururent l’univers au nom du Sauveur. Le texte de la Communion est remarquablement frappant : « Je suis venu apporter le feu sur la terre, et que désiré-je, sinon qu’il s’allume ? » Ignem — Ignace ; il fut un vrai Prométhée qui transmit le feu divin à la terre. Et ce feu, où le recevons-nous de nouveau, lorsque notre cœur est froid ? Dans l’Eucharistie. La Secrète nous dit que Dieu « a placé la source de toute sainteté dans les mystères sacro-saints ».

3. Les manifestations de la dévotion dans le cours des siècles se ramènent à deux types que l’on peut appeler l’un, dévotion objective, et l’autre, subjective. La religion et la dévotion établissent un lien entre Dieu et sa créature. Selon que l’on insiste sur le côté humain ou le côté divin, la dévotion est subjective ou objective. On peut dire, d’une façon générale, que l’Orient aime plutôt la piété objective et plus passive, c’est-à-dire, qu’il se laisse conduire et porter par Dieu, le rôle de l’homme restant à l’arrière-plan. L’Occident est à la fois actif et subjectif. Il veut travailler avec sa volonté, il veut laisser la parole à l’homme, au service du Seigneur. Il faut que l’individu intervienne avec ses émotions. L’Église d’autrefois, pouvons-nous dire encore, aimait la piété objective, tandis qu’actuellement nos tendances vont de plus en plus au subjectivisme. Ignace de Loyola est un des porte-parole de cette piété mettant l’homme en valeur qui prévaut dans la vie intérieure de la plupart des chrétiens aujourd’hui. Assurément nous devons être reconnaissants à saint Ignace de nous montrer les énergies puissantes qui sommeillent en nous, de nous révéler des voies qui épurent et approfondissent notre vie intérieure. Reconnaissons pourtant que la piété liturgique suit d’autres sentiers ; elle insiste davantage sur l’élément divin, social, cultuel, créant ainsi un salutaire équilibre. L’objectif et le subjectif, la société et l’individu, l’activité et la passivité, la grâce et la volonté, tout cela réparti, équilibré et dosé comme il convient, constitue l’idéal vers lequel nous devons tendre. Saint Ignace le résume lui-même fort bien ainsi : « Dans toutes vos entreprises appuyez-vous sur Dieu, comme s’il devait, seul, tout accomplir sans vous ; et travaillez, néanmoins, avec autant de zèle que si tout le résultat dépendait uniquement de vous ».

[1] L’évangile de la Messe reprenant celui des Messes des Évangélistes, les lectures du 3ème nocturne sont celles de ce Commun.

[2] Is. 40, 3.

[3] Ps 67, 5.

[4] La passion du Christ peut être comparée au couchant parce que la gloire de cet astre divin y a comme disparu et la mort du Sauveur également puisqu’elle l’a couché inanimé dans le tombeau.

[5] Isai. XIV, 13.

[6] Apoc. XII, 4.

[7] Prov. VIII, 30, 31.

[8] La diète de Worms, où eut lieu la rupture officielle de l’hérésiarque en présence des divers ordres de l’empire, vit cette rupture se consommer dans les derniers jours d’avril, et ce fut le 20 mai qu’Ignace reçut la blessure dont sa conversion fut la suite.

[9] 1491.

[10] Rom. V, 20.

[11] Litt. Pauli III, Regimini militantis Ecclesiae ; JULII III Exposcit debitum ; etc.

[12] Cardinal Pie, Homélie prononcée dans les fêtes de la béatification du B. Pierre Le Fèvre.

[13] Num. XIII, 34 : De la race des géants, auprès desquels nous paraissions que comme des sauterelles.

[14] P. Ribadeneira, Vita Ignatii Loiolae Lib. II, cap. VII.

[15] J. Rhous, in Variis virtutum historiis, Lib. III, cap. II.

[16] Nous suivons ici l’édition latine authentique publiée sous les yeux de saint Ignace après l’approbation de Paul III, et réimprimée depuis par l’autorité des Congrégations générales. Une traduction nouvelle, faite en ce siècle sur le texte espagnol, ne parle pas ici des Matines ; mais elle insiste sur l’assistance de tous les jours, autant que faire se peut, à la Messe et aux Vêpres.

[17] Acta a L. Consalvo S. J. ex ore Sancti excepta.

[18] I Johan. V, 4.

[19] Philip. II, 10.

[20] Litt. apost. Primae Instituti approbationis, Pauli III, Regimini militantis.

[21] Act. 10, 38 : Il passa, faisant le bien et guérissant.

[22] No more comment.

[23] pour que Dieu soit glorifié en toute chose.