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09/02 St Cyrille d’Alexandrie, évêque, confesseur et docteur

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Sommaire

  Textes de la Messe  
  Office  
  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum  
  Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique  
  Benoît XVI, catéchèses, 3 octobre 2007  

Mort à Alexandrie en 444. Introduit au calendrier Romain par Léon XIII le 28 juillet 1882.

Textes de la Messe

(En Carême, on fait seulement mémoire du Saint avec les oraisons de la Messe suivante)
die 9 februarii
le 9 février
SANCTI CYRILLE
SAINT
Ep. Alexandrini, Conf. et Eccl. Doct.
Evêque d’Alexandrie, Confesseur et Docteur de l’Eglise
III classis (ante CR 1960 : duplex)
IIIème classe (avant 1960 : double)
Missa In médio, de Communi Doctorum , cum orationibus ut infra :Messe In médio, du Commun des Docteurs, avec les oraisons ci-dessous :
Oratio. PCollecte
Deus, qui beátum Cyríllum Confessórem tuum atque Pontíficem divínæ maternitátis beatíssimæ Vírginis Maríæ assertórem invíctum effecísti : concéde, ipso intercedénte ; ut, qui vere eam Genetrícem Dei crédimus, matérna eiúsdem protectióne salvémur. Per eúndem Dóminum nostrum.O Dieu, qui avez fait du bienheureux Cyrille, Confesseur et Pontife, le défenseur invincible de la divine maternité de la bienheureuse Vierge Marie, accordez, qu’intercédant pour nous, il nous obtienne, à nous qui la croyons vraiment Mère de Dieu, d’être sauvés par sa protection maternelle.
Et fit commemoratio S. Apolloniæ Virg. et Mart. :Et on fait mémoire de Ste Apolline, Vierge et Martyre :
Oratio.Collecte
Deus, qui inter cétera poténtiæ tuæ mirácula étiam in sexu frágili victóriam martýrii contulísti : concéde propítius ; ut, qui beátæ Apollóniæ Vírginis et Mártyris tuæ natalítia cólimus, per eius ad te exémpla gradiámur. Per Dóminum.O Dieu, qui, entre autres merveilles de votre puissance, avez fait remporter la victoire du martyre même par le sexe le plus faible ; faites, dans votre bonté, qu’honorant la naissance au ciel de la Bienheureuse Apolline, votre Vierge et Martyre, nous tendions vers vous par l’imitation de ses exemples.
Ante 1960 : CredoAvant 1960 : Credo
Secreta PSecrète
Múnera nostra, omnípotens Deus, benígnus réspice : et, intercedénte beáto Cyríllo, præsta ; ut unigénitum tuum Iesum Christum, Dóminum nostrum in tua tecum glória coætérnum, in córdibus nostris digne suscípere mereámur : Qui tecum.Dans votre bonté, jetez un regard sur nos dons, ô Dieu tout-puissant et par l’intercession du bienheureux Cyrille, faites que nous méritions de recevoir dignement dans nos cœurs notre Seigneur Jésus-Christ, votre Fils unique, qui est co-éternel avec vous dans votre gloire.
Pro S. ApolloniaPour Ste Apolline
SecretaSecrète
Súscipe, Dómine, múnera, quæ in beátæ Apollóniæ Vírginis et Mártyris tuæ sollemnitáte deférimus : cuius nos confídimus patrocínio liberári. Per Dóminum.Recevez, Seigneur, les dons que nous vous présentons en la fête de la Bienheureuse Apolline, votre Vierge et Martyre ; en la protection de qui nous avons confiance pour être délivrés.
Postcommunio PPostcommunion
Divínis, Dómine, refécti mystériis, te súpplices deprecámur : ut, exémplis et méritis beáti Cyrílli Pontíficis adiúti, sanctíssimæ Genetríci Unigéniti tui digne famulári valeámus : Qui tecum vivit.Nourris de vos divins mystères, nous vous prions humblement, Seigneur, de faire qu’aidés par les exemples et les mérites du bienheureux Cyrille, votre Pontife, nus puissions dignement servir la très sainte Mère de votre Fils unique.
Pro S. ApolloniaPour Ste Apolline
PostcommunioPostcommunion
Auxiliéntur nobis, Dómine, sumpta mystéria : et, intercedénte beáta Apollónia Vírgine et Mártyre tua, sempitérna fáciant protectióne gaudére. Per Dóminum.Qu’ils nous soient un secours efficace, ô Seigneur, les mystères auxquels nous avons participé et que la bienheureuse Apolline, votre Vierge et Martyre, intercédant pour nous, ils nous fassent jouir d’une protection constante.

Office

Leçons des Matines avant 1960

Quatrième leçon. Cyrille d’Alexandrie, dont l’éloge n’est pas seulement appuyé sur le témoignage de quelques-uns, mais dont les louanges sont même célébrées dans les actes des conciles d’Éphèse et de Chalcédoine, naquit de parents illustres ; ii était neveu de Théophile, Évêque d’Alexandrie. Dès son adolescence, il donna des marques évidentes de son esprit supérieur. Parfaitement instruit des lettres et des sciences, il se rendit auprès de Jean, Évêque de Jérusalem, pour se perfectionner dans la foi chrétienne. Comme il revenait à Alexandrie, Théophile étant mort, il fut élevé à son siège. Dans l’exercice de cette charge, il eut toujours devant lui le type du pasteur accompli, tracé par l’Apôtre, en sorte qu’il acquit à bon droit la réputation glorieuse d’un très saint Prélat.

Cinquième leçon. En flammé de zèle pour le salut des âmes, il mit tous ses soins à maintenir dans la foi et l’intégrité des mœurs, le troupeau qui lui était confié, et à le détourner des pâturages empoisonnés des infidèles et des hérétiques, il s’efforça d’expulser de la ville les sectateurs de Novat, et de punir conformément aux lois les Juifs qui, dans leur frénésie, avaient conspiré le massacre des Chrétiens. Mais le zèle de Cyrille pour l’intégrité de la foi catholique se déploya surtout contre Nestorius, Évêque de Constantinople, lequel prétendait que Jésus-Christ, né de la Vierge Marie, était homme seulement et non Dieu, et que la divinité lui avait été accordée à cause de ses mérites. Ayant vainement tenté d’obtenir l’amendement de l’hérésiarque, il le dénonça au souverain Pontife saint Célestin.

Sixième leçon. Par délégation de Célestin, Cyrille présida au concile d’Éphèse ; l’hérésie nestorienne y fut entièrement proscrite, et Nestorius condamné et déposé de son siège. Le dogme catholique d’une seule et divine personne dans le Christ et de la divine maternité de la glorieuse Vierge Marie, y fut affirmé aux applaudissements du peuple entier, -qui, manifestant une joie indicible, reconduisit les Évêques dans leurs demeures en portant des torches allumées. Ayant eu à subir, à cause de cela des calomnies, des injures et de nombreuses persécutions de la part de Nestorius et de ses partisans, Cyrille les supporta avec fa plus grande patience ; soucieux des seuls intérêts de la foi, il comptait pour rien tout ce que les hérétiques disaient et entreprenaient contre lui. Enfin, ayant accompli les plus grands travaux pour l’Église de Dieu, publié plusieurs écrits, soit pour réfuter les païens et les hérétiques, soit pour expliquer les saintes Écritures et les dogmes catholiques, il entra dans l’éternel repos par une sainte mort, en l’an née quatre cent quarante-quatre, la trente-deuxième de son épiscopat. Le souverain Pontife Léon XIII a étendu à l’Église universelle l’Office et la Messe de cet illustre champion de la foi catholique, qui fut la lumière de l’Orient.

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

« Je mettrai une inimitié entre toi et la femme, entre ta race et la sienne ; elle t’écrasera la tête, et tu chercheras à la mordre au talon [1] » Cette parole qui fut dite au serpent dans les jours que l’Église rappelle maintenant à la pensée de ses fils, domine l’histoire entière du monde. La femme, tombée la première par la ruse de Satan, s’est aussi, en Marie, relevée la première. Dans son immaculée Conception, dans son enfantement virginal, dans l’offrande qu’elle fit à Dieu de l’Adam nouveau sur la montagne d’expiation, la nouvelle Ève a montré à l’antique ennemi la puissance de son pied victorieux. Aussi l’ange révolté, devenu le prince du monde autrefois par la complicité de l’homme [2], a-t-il sans cesse, dès lors, dirigé contre la femme qui triompha de lui les forces réunies de son double empire sur les légions infernales et les fils de ténèbres. Marie, au ciel, poursuit la lutte qu’elle commença sur la terre. Reine des esprits bienheureux et des fils de lumière, elle meneau combat, comme une seule armée, les phalanges célestes et les bataillons de l’Église militante. Le triomphe de ces troupes fidèles est celui de leur souveraine : l’écrasement continu de la tête du père du mensonge, par la défaite de l’erreur et l’exaltation de la vérité révélée, du Verbe divin, fils de Marie et fils de Dieu.

Mais jamais cette exaltation du Verbe divin n’apparut plus intimement liée au triomphe de son auguste mère, que dans le combat mémorable où le pontife proposé en ce jour à nos hommages reconnaissants eut une part si glorieuse. Cyrille d’Alexandrie est le Docteur de la maternité divine, comme son prédécesseur, Athanase, avait été celui de la consubstantialité du Verbe ; l’Incarnation repose sur les deux ineffables mystères qui furent, à un siècle de distance, l’objet de leur confession et de leurs luttes. Comme Fils de Dieu, le Christ devait être consubstantiel à son Père ; caria simplicité infinie de l’essence divine exclut toute idée de division ou de partage : nier en Jésus, Verbe divin, l’unité de substance avec son principe, était nier sa divinité. Comme fils de l’homme en même temps que vrai Dieu de vrai Dieu [3], Jésus devait naître ici-bas d’une fille d’Adam, et cependant rester dans son humanité une même personne avec le Verbe consubstantiel au Père : nier dans le Christ cette union personnelle des deux natures, était de nouveau méconnaître sa divinité ; c’était proclamer du même coup que la Vierge bénie, vénérée jusque-là comme ayant enfanté Dieu dans la nature qu’il avait prise pour nous sauver, n’était que la mère d’un homme.

Trois siècles de persécution furieuse avaient essayé vainement d’arracher à l’Église le désaveu de la divinité de l’Époux. Le monde cependant venait à peine d’assister au triomphe de l’Homme-Dieu, que déjà l’ennemi exploitait la victoire ; mettant à profit l’état nouveau du christianisme et sa sécurité du côté des bourreaux, il allait s’efforcer d’obtenir désormais sur le terrain de la fausse science le reniement qui lui avait été refusé dans l’arène du martyre. Le zèle amer des hérétiques pour réformer la croyance de l’Église allait servir l’inimitié du serpent, et concourir plus au développement de sa race maudite que n’avaient fait les défaillances des apostats. Bien digne par son orgueil d’être, à l’âge de la paix, le premier de ces docteurs de l’enfer, Arius parut d’abord, portant le débat jusque dans les profondeurs de l’essence divine, et rejetant au nom de textes incompris le consubstantiel. Au bout d’un siècle où sa principale force avait été l’appui des puissances de ce monde, l’arianisme tombait, ne gardant de racine que chez les nations qui, récemment baptisées, n’avaient point eu à verser leur sang pour la divinité du Fils de Dieu. C’est alors que Satan produisit Nestorius.

Habile à se transformer en ange de lumière [4], l’ancien ennemi revêtit son apôtre d’une double auréole menteuse de sainteté et de science ; l’homme qui devait exprimer plus nettement qu’aucun autre la haine du serpent contre la femme et son fruit, put s’asseoir sur le siège épiscopal de Constantinople aux applaudissements de l’Orient tout entier, qui se promettait de voir revivre en lui l’éloquence et les vertus d’un nouveau Chrysostome. Mais la joie des bons fut de courte durée. En l’année même qui avait vu l’exaltation de l’hypocrite pasteur, le jour de Noël 428, Nestorius, profitant du concours immense des fidèles assemblés pour fêter l’enfantement de la Vierge-mère, laissait tomber du haut de la chaire épiscopale cette parole de blasphème : « Marie n’a point enfanté Dieu ; son fils n’était qu’un homme, instrument de la divinité. » Un frémissement d’horreur parcourut à ces mots la multitude ; interprète de l’indignation générale, le scolastique Eusèbe, simple laïque, se leva du milieu de la foule et protesta contre l’impiété. Bientôt, une protestation plus explicite fut rédigée au nom des membres de cette Église désolée, et répandue à nombreux exemplaires, déclarant anathème à quiconque oserait dire : « Autre est le Fils unique du Père, autre celui de la vierge Marie. » Attitude généreuse, qui fut alors la sauvegarde de Byzance, et lui valut l’éloge des conciles et des papes ! Quand le pasteur se change en loup, c’est au troupeau à se défendre tout d’abord. Régulièrement sans doute la doctrine descend des évêques au peuple fidèle, et les sujets, dans l’ordre de la foi, n’ont point à juger leurs chefs. Mais il est dans le trésor de la révélation des points essentiels, dont tout chrétien, par le fait même de son titre de chrétien, a la connaissance nécessaire et la garde obligée. Le principe ne change pas, qu’il s’agisse de croyance ou de conduite, de morale ou de dogme. Les trahisons pareilles à celle de Nestorius sont rares dans l’Église ; mais il peut arriver que des pasteurs restent silencieux, pour une cause ou pour l’autre, en certaines circonstances où la religion même serait engagée. Les vrais fidèles sont les hommes qui puisent dans leur seul baptême, en de telles conjonctures, l’inspiration d’une ligne de conduite ; non les pusillanimes qui, sous le prétexte spécieux de la soumission aux pouvoirs établis, attendent pour courir à l’ennemi, ou s’opposer à ses entreprises, un programme qui n’est pas nécessaire et qu’on ne doit point leur donner.

Cependant l’émotion produite par les blasphèmes de Nestorius agitait tout l’Orient, et gagna bientôt Alexandrie. Cyrille occupait alors la chaire fondée par Marc au nom de Pierre, et décorée de l’honneur du second siège par la volonté de ce chef des Églises. L’accord d’Athanase et des pontifes romains avait, au siècle précédent, vaincu l’arianisme ; c’était l’union d’Alexandrie avec Rome qui devait, cette fois encore, écraser l’hérésie. Pourtant l’ennemi, instruit par l’expérience, avait mis à prendre les devants une prévoyance tout infernale ; au jour où le futur vendeur de la Mère de Dieu était monté sur le siège de saint Athanase, l’alliance si formidable au démon n’existait plus. Théophile, le dernier patriarche, l’auteur principal de la condamnation de saint Jean Chrysostome au conciliabule du Chêne, avait refusé jusqu’à la fin de souscrire à la réhabilitation de sa victime par le Siège apostolique, et Rome avait dû rompre avec sa fille aînée. Or Cyrille était le neveu de Théophile ; il ne connaissait rien des motifs inavouables de son oncle en cette triste affaire ; habitué dès l’enfance à vénérer en lui son légitime supérieur autant que son bienfaiteur et son maître dans la science sacrée, Cyrille, devenu patriarche à son tour, n’eut même pas la pensée de rien changer aux décisions de celui qu’il regardait comme un père : Alexandrie resta séparée de l’Église romaine. Véritablement pareil au serpent, dont la bave empoisonne tout ce qu’elle touche, Satan avait donc tourné à son profit contre Dieu les plus nobles sentiments. Mais Notre-Dame, amie des cœurs droits, n’abandonna pas son chevalier. Au bout de quelques années dont les traverses apprirent au jeune patriarche à connaître les hommes, un saint moine, Isidore de Péluse, ouvrait pleinement ses yeux à la lumière ; Cyrille, convaincu, n’hésitait pas à rétablir sur les diptyques sacrés le nom de Jean Chrysostome. La trame ourdie par l’enfer était dénouée : pour les nouvelles luttes de la foi qui allaient s’engager en Orient, Rome retrouvait sur les bords du Nil un nouvel Athanase.

Ramené par un moine dans les sentiers de la sainte unité, Cyrille voua aux solitaires une affection pareille à celle dont les avait entourés son illustre prédécesseur. Il les choisit pour confidents de ses angoisses, au premier bruit des impiétés nestoriennes ; dans une lettre devenue célèbre, c’est leur foi qu’il veut éclairer la première sur le danger qui menace les Églises. « Car, leur dit-il, ceux qui ont embrassé dans le Christ l’enviable et noble vie qui est la vôtre, doivent premièrement briller par l’éclat d’une foi sans équivoque et non diminuée, et greffer ensuite sur cette foi la vertu ; cela fait, ils doivent mettre leur opulence à développer en eux la connaissance du mystère du Christ, tendant par tous les efforts à en acquérir l’intelligence la plus parfaite. C’est ainsi que je comprends, ajoute le saint Docteur, la poursuite de l’homme parfait dont parle l’Apôtre [5], la manière d’arriver à la mesure du Christ et à sa plénitude [6]. »

Le patriarche d’Alexandrie ne devait pas se contenter d’épancher son âme avec ceux dont l’assentiment lui était assuré d’avance. Par des lettres où la mansuétude de l’évêque ne le cède qu’à la force et à l’ampleur de son exposition doctrinale, Cyrille tenta de ramener Nestorius. Mais le sectaire s’opiniâtrait ; à défaut d’arguments, il se plaignit de l’ingérence du patriarche. Comme toujours en pareille circonstance, il se trouva des hommes d’apaisement qui, sans partager son erreur, estimaient que le mieux eût été en effet de ne pas lui répondre, par crainte de l’aigrir, d’augmenter le scandale, de blesser en un mot la charité. A ces hommes dont la vertu singulière avait la propriété de s’effrayer moins des audaces de l’hérésie que de l’affirmation de la foi chrétienne, à ces partisans de la paix quand même, Cyrille répondait : « Eh ! quoi ; Nestorius ose laisser dire en sa présence dans l’assemblée des fidèles : « Anathème à quiconque nomme Marie mère de Dieu ! par la bouche de ses partisans il frappe a ainsi d’anathème nous et les autres évêques de l’univers, et les anciens Pères qui, partout et dans tous les âges, ont reconnu et honoré unanimement la sainte Mère de Dieu ! Et il n’eût pas été dans notre droit de lui retourner sa parole et de dire : Si quelqu’un nie que Marie soit mère de Dieu, qu’il soit anathème ! Cependant cette parole, par égard pour lui, je ne l’ai pas dite encore [7] ».

D’autres hommes, qui sont aussi de tous les temps, découvraient le vrai motif de leurs hésitations, lorsque faisant valoir bien haut les avantages de la concorde et leur vieille amitié pour Nestorius, ils rappelaient timidement le crédit de celui-ci, le danger qu’il pouvait y avoir à contredire un aussi puissant adversaire. « Que ne puis-je en perdant tous mes biens, répondait Cyrille, satisfaire l’évêque de Constantinople, apaiser l’amertume de mon frère ! Mais c’est de la foi qu’il s’agit ; le scandale est dans toutes les Églises ; chacun s’informe au sujet de la doctrine nouvelle. Si nous, qui avons reçu de Dieu la mission d’enseigner, ne portons pas remède à de si grands maux, au jour du jugement y aura-t-il pour nous assez de flammes ? Déjà la calomnie, l’injure, ne m’ont pas manqué ; oubli sur tout cela : que seulement la foi reste sauve, et je ne concéderai à personne d’aimer plus ardemment que moi Nestorius. Mais si, du fait de quelques-uns, la foi vient à souffrir, qu’on n’en doute point : nous ne perdrons pas nos âmes, la mort même fût-elle sur notre tête. Si la crainte de quelque ennui l’emporte en nous sur le zèle de la gloire de Dieu et nous fait taire la vérité, de quel front pourrons-nous célébrer en présence du peuple chrétien les saints martyrs, lorsque ce qui fait leur éloge est uniquement l’accomplissement de cette parole [8] : « Pour la vérité, combats jusqu’à la mort [9] ! »

Lorsqu’enfin, la lutte devenue inévitable, il organise la milice sainte qui devra combattre avec lui, appelant à ses côtés les évêques et les moines, Cyrille ne retient plus l’enthousiasme sacré qui l’anime : « Quant à ce qui est de moi, écrit-il à ses clercs résidant pour lui dans la ville impériale, peiner, vivre et mourir pour la foi de Jésus-Christ est mon plus grand désir. Comme il est écrit, je ne donnerai point de sommeil à mes yeux, je ne clorai point mes paupières, je n’accorderai point de repos à ma tête [10], que je n’aie livré le combat nécessaire au salut de tous. C’est pourquoi, bien pénétrés de notre pensée, agissez virilement ; surveillez l’ennemi, informez-nous de ses moindres mouvements. Au premier jour je vous enverrai, choisis entre tous, des hommes pieux et prudents, évêques a et moines ; dès maintenant je prépare mes lettres, telles qu’il les faut et pour qui il convient. J’ai résolu pour la foi du Christ et de travail1er sans trêve, et de supporter tous les tourments, même réputés les plus terribles, jusqu’à ce qu’enfin m’arrive de subir la mort qui sera douce pour une telle cause [11] ».

Informé par le patriarche d’Alexandrie de l’agitation des Églises, saint Célestin Ier, qui occupait alors le Siège apostolique, condamna l’hérésie nouvelle, et chargea Cyrille de déposer l’évêque de Constantinople au nom du Pontife romain, s’il ne venait à résipiscence. Mais les intrigues de Nestorius allaient prolonger la lutte. C’est ici qu’à côté de Cyrille, dans ce triomphe de la femme sur l’antique ennemi, nous apparaît l’admirable figure d’une femme, d’une sainte, qui fut, quarante années durant, la terreur de l’enfer et, par deux fois, au nom de la Reine du ciel, écrasa la tête de l’odieux serpent. En un siècle de ruines, chargée à quinze ans des rênes de l’empire, Pulchérie arrêtait par sa prudence dans le conseil et son énergie dans l’exécution les troubles intérieurs, tandis que par la seule force de la divine psalmodie, avec ses sœurs, vierges comme elle, elle contenait les barbares. Lorsque l’Occident s’agitait dans les convulsions d’une dernière agonie, l’Orient retrouvait dans le génie de son impératrice la prospérité des plus beaux jours. En voyant la petite-fille du grand Théodose consacrer ses richesses privées à multiplier dans ses murs les églises de la Mère de Dieu, Byzance apprenait d’elle ce culte de Marie qui devait être sa sauvegarde en tant de mauvais jours, et lui valut du Seigneur fils de Marie mille ans de miséricorde et d’incompréhensible patience. Sainte Pulchérie, saluée par les conciles généraux comme la gardienne de la foi et le boulevard de l’unité [12], eut, d’après saint Léon, la part principale atout ce qui se fit de son temps contrôles adversaires de la vérité divine [13]. Deux palmes sont en ses mains, deux couronnes sur sa tête, dit ce grand Pape ; car l’Église lui doit la double victoire sur l’impiété de Nestorius et d’Eutychès qui, se divisant l’attaque, allaient au même but de côtés opposés : la négation de la divine Incarnation et du rôle de la Vierge-mère dans le salut du genre humain [14].

Mais il faut nous borner. Que ne pouvons-nous du moins suivre aujourd’hui les péripéties des luttes glorieuses dont fut témoin la ville d’Éphèse, lorsque Cyrille, appuyé sur Rome, soutenu par Pulchérie, affermit pour jamais au front de Notre-Dame le plus noble diadème qu’il puisse être donné de porter à une simple créature ! Le récit abrégé consacré par l’Église à l’histoire de notre grand pontife, en donnera quelque idée (voir l’Office à Matines)

Saint Pontife, les cieux se réjouissent et la terre tressaille [15] au souvenir du combat où la Reine de la terre et des cieux voulut triompher par vous de l’ancien serpent. L’Orient vous honora toujours comme sa lumière. L’Occident saluait en vous dès longtemps le défenseur de la Mère de Dieu ; et voilà qu’aujourd’hui la solennelle mention qu’il consacrait à votre mémoire, dans les fastes des Saints, ne suffît plus à sa reconnaissance. C’est qu’en effet une fleur nouvelle est apparue, dans nos jours, à la couronne de Marie notre Reine ; et cette fleur radieuse est sortie du sol même que vous arrosiez de vos sueurs. En proclamant au nom de Pierre et de Célestin la maternité divine, vous prépariez à Notre-Dame un autre triomphe, conséquence du premier : la mère d’un Dieu ne pouvait être qu’immaculée. Pie IX, en le définissant, n’a fait que compléter l’œuvre de Célestin et la vôtre ; et c’est pourquoi les dates du 22 juin 431 et du 8 décembre 1854 resplendissent d’un même éclat au ciel, comme elles ont amené sur terre les mêmes manifestations d’allégresse et d’amour.

L’Immaculée embaume le monde de ses parfums, et c’est pourquoi, ô Cyrille, l’Église entière se tourne vers vous à quatorze siècles de distance ; jugeant que votre œuvre est achevée, elle vous proclame Docteur, et ne veut pas que rien manque désormais aux hommages que vous doit la terre. Ainsi, ô Pontife aimé du ciel, le culte qui vous est rendu se complète avec celui de la Mère de Dieu ; votre glorification n’est qu’une extension nouvelle de la gloire de Marie. Heureux êtes-vous ! car nulle illustration ne pouvait valoir un rapprochement pareil de la souveraine du monde et de son chevalier.

Comprenant donc que la meilleure manière de vous honorer, ô Cyrille, est d’exalter celle dont la gloire est devenue la vôtre, nous reprenons les accents enflammés que l’Esprit-Saint vous suggérait pour chanter ses grandeurs, au lendemain du triomphe d’Éphèse : « Nous vous saluons, ô Marie Mère de Dieu, comme le joyau resplendissant de l’univers, la lampe qui ne s’éteint pas, la couronne de virginité, le sceptre de l’orthodoxie, le temple indestructible et le lieu où se renferme l’immense, Mère et Vierge, par qui nous est présenté le béni des saints Évangiles, celui qui vient au nom du Seigneur. Salut, ô vous dont le sein virginal et toujours pur a porté l’Infini, par qui est glorifiée la Trinité, par qui la croix précieuse est honorée et adorée dans toute la terre ; joie du ciel, sérénité des archanges et des anges qui mettez en fuite les démons, par vous le tentateur est tombé du ciel, tandis que la créature tombée se relève par vous jusqu’aux cieux. La folie des idoles enserrait le monde, et vous ouvrez ses yeux à la vérité ; à vous les croyants doivent le saint baptême, à vous ils doivent l’huile d’allégresse ; par toute la terre vous fondez les églises, vous amenez les nations à la pénitence. Que dire encore ? C’est par vous que le Fils unique de Dieu a brillé comme la lumière de ceux qui étaient assis dans les ténèbres et l’ombre de la mort, par vous que les prophètes ont prédit l’avenir, que les apôtres ont annoncé le salut aux nations, que ressuscitent les morts, que règnent les rois par la Trinité sainte. Quel homme jamais pourra célébrer Marie, la toute digne de louange, d’une manière conforme à sa dignité [16] ? »

Si la dignité de la Mère de Dieu surpasse en effet toute louange, ô Cyrille, obtenez d’elle pourtant qu’elle suscite parmi nous des hommes capables de célébrer comme vous ses grandeurs. Que la puissance dont elle daigna vous revêtir contre ses ennemis, ne fasse point défaut à ceux qui ont à soutenir, de nos jours, la lutte engagée dès l’origine du monde entre la femme et le serpent. L’adversaire a crû en audace ; notre siècle est allé plus loin dans la négation de Jésus que Nestorius, que Julien lui-même, cet empereur apostat contre lequel vous défendîtes aussi la divinité du Fils de la Vierge-mère. O vous qui portâtes à l’erreur des coups si terribles, montrez aux docteurs de nos temps la manière de vaincre : qu’ils sachent comme vous s’appuyer sur Pierre ; qu’ils ne se désintéressent de rien de ce qui touche à l’Église ; qu’ils regardent toujours comme leurs propres ennemis, et leurs seuls ennemis, ceux du règne de Dieu. Dans vos sublimes écrits, les pasteurs apprendront la vraie science, celle des saintes Lettres, sans laquelle leur zèle serait impuissant.

Les chrétiens comprendront à votre école qu’ils ne peuvent espérer croître dans la vertu, sans grandir dans la foi tout d’abord, sans développer en eux la connaissance du mystère de l’Homme-Dieu. En un temps où le vague des notions suffit à tant d’âmes, répétez à tous que « c’est l’amour du vrai qui conduit à la vie [17]. » A l’approche de la sainte Quarantaine, nous nous rappelons ces Lettres pascales qui chaque année, en ces jours mêmes, allaient porter partout, avec l’annonce de la Solennité des solennités, l’exhortation à la pénitence ; pénétrez nos cœurs amollis du sérieux de la vie chrétienne, excitez-les à entrer vaillamment dans la carrière sainte où ils doivent retrouver la paix avec Dieu parle triomphe sur la chair et les sens.

Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

Sa fête fut instituée en 1882 par Léon XIII, qui choisit ce jour parce que le 28 janvier, où son nom est mentionné dans le Martyrologe, était déjà occupé par un autre office. Le nom de Cyrille évoque d’emblée le souvenir des premières et célèbres sessions du concile d’Éphèse où, grâce à lui, furent célébrées les suprêmes grandeurs de Marie. Nestorius ayant mis en doute l’unité de personne en Jésus-Christ, il en résultait que le titre de Mère de Dieu ne convenait pas à la Bienheureuse Vierge, titre sous lequel les fidèles étaient auparavant accoutumés à l’invoquer.

A la suite des négations de l’audacieux évêque de Byzance, l’Orient tout entier ne tarda pas à se soulever ; en sorte que, par l’autorité de Célestin Ier un concile s’assembla à Éphèse, et Cyrille — l’héritier spirituel à Alexandrie des anciens pharaons — en fut l’âme. L’examen de la tradition catholique sur l’unité de personne dans la dualité de natures dans le Christ fut fait avec soin et se prolongea jusqu’à une heure avancée de la nuit ; quand les Pères, ayant anathématisé Nestorius, décrétèrent que la sainte Vierge était appelée à bon droit « Theotocos », Mère de Dieu, parce qu’en Jésus-Christ la nature humaine a été unie hypostatiquement au Verbe de Dieu, le peuple d’Éphèse, tressaillant de joie, accompagna les Pères à leurs demeures, avec des flambeaux et des encensoirs où brûlaient des arômes précieux.

A Rome, le monument le plus insigne rappelant le triomphe marial du concile d’Éphèse, est la basilique de Sainte-Marie-Majeure, où Sixte III, successeur de Célestin, fit représenter en mosaïque les faits les plus importants de la vie de Jésus-Christ et de la sainte Vierge.

Les Byzantins fêtent saint Cyrille le 18 janvier et le 9 juin. Dans leurs Menées on loue le saint parce qu’il fut digne de tenu-la place du souverain pontife Célestin à la présidence du concile d’Éphèse.

La messe de saint Cyrille est celle de Commun des docteurs, In médio, sauf les collectes propres, où sont mis en relief ses mérites spéciaux pour le triomphe de Marie à Éphèse sur l’hérésie nestorienne. Le rédacteur de ces prières semble toutefois avoir eu une conception trop unilatérale de l’œuvre théologique de Cyrille. L’hérésie nestorienne était surtout christologique, et l’erreur mariale n’en était qu’une conséquence. Saint Cyrille défendit courageusement l’honneur de la Mère et du Fils, il tint avec intrépidité la place du Pape, et par ses fameux anathèmes il devint pour les Orientaux le représentant le plus autorisé de l’orthodoxie contre les Nestoriens. Si grande fut l’autorité dont jouit autrefois Cyrille, que, aujourd’hui encore, les Coptes Monophysites, pervertissant le sens de ses formules sur l’unité de la personne en Jésus-Christ, en appellent précisément à notre saint Docteur pour appuyer leurs erreurs.

Les Grecs ont coutume d’attribuer à saint Cyrille, outre le titre honorifique de Pape d’Alexandrie, l’ornement d’une tiare ; ils disent que saint Célestin lui aurait destiné cet insigne, quand il le délégua pour présider à sa place le concile d’Éphèse.

Les mérites de saint Cyrille valurent à ses successeurs sur le siège patriarcal d’Égypte, le titre dont ils se parent encore aujourd’hui : orbis terrarum iudex.

L’Orient, pays de Jésus, des Apôtres, des grands Docteurs, des Conciles, à l’égal d’un sarment détaché du cep, est, depuis plusieurs siècles, devenu stérile, et il languit à cause du funeste schisme qui le sépare du centre de l’unité catholique. Combien il importe que tous les fidèles entrent dans les sentiments qui inspirèrent à Léon XIII d’instituer la fête des plus célèbres Docteurs orientaux, hâtant par la prière et par l’action le retour de ces très nobles Églises à l’unité catholique, sous le magistère suprême de Pierre, toujours fidèle à sa divine mission de confirmer ses frères.

Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique

Saint Cyrille. — Jour de mort : 27 juin 444. Tombeau : inconnu. Image : On le représente en évêque, avec un livre dans la main et une colombe sur l’épaule. Sa vie : Saint Cyrille est un des plus grands docteurs de l’Église grecque, il fut l’instrument choisi de la Providence et le premier défenseur de l’Église contre l’erreur de Nestorius qui niait l’unité de Personne du Christ et, par voie de conséquence, refusait à la Sainte Vierge le titre de Mère de Dieu. Dans le combat contre l’hérésie, il n’a d’égal, dans toute l’histoire de l’Église, qu’Athanase et Augustin. Son plus grand mérite fut l’heureuse conduite du concile général d’Éphèse dont il fut l’âme (il était le représentant du Pape). A ce concile, on prit des décisions dogmatiques de la plus haute importance. On proclama, entre autres, le dogme qui déclare que Marie peut être appelée, au vrai sens du mot, Mère de Dieu (Theotokos). Son plus beau titre de gloire est d’avoir défendu ce dogme. Aussi l’Oraison du jour relève ce fait à son honneur. Ses écrits témoignent d’une telle profondeur et d’une telle clarté d’esprit que les Grecs l’appellent « le sceau des Pères ». Il mourut en 444, après avoir été évêque pendant trente-deux ans. — Il y a à Rome un monument vénérable de l’hommage rendu à Marie au Concile d’Éphèse : la basilique de Sainte-Marie Majeure. Sur l’arc triomphal de l’église les principaux événements de la vie de Jésus et de Marie sont représentés en mosaïque.

2. La messe. C’est la messe des docteurs (In médio), cf. le 14 janvier. Certaines parties de cette messe conviennent tout particulièrement à notre saint, par exemple : l’Épître « Prêche la parole, insiste à temps et à contre temps,… il viendra un temps où ils ne supporteront plus la saine doctrine. » Saint Cyrille connut ce temps. Il eut à soutenir de durs combats contre les hérétiques. Mais par contre, comme sa lumière brille et se voit de loin sur le chandelier de l’Église (Év.) ! Les trois Oraisons sont propres, la Collecte célèbre dans saint Cyrille le « défenseur invincible de la maternité divine de Marie » et demande que, sous la protection de la Mère de Dieu, nous soyons sauvés. La Secrète demande (toujours en faisant discrètement allusion aux combats de Cyrille pour la foi) que « nous recevions dignement Jésus-Christ Notre Seigneur qui partage la gloire éternelle de Dieu. » La Postcommunion demande que « nous puissions servir dignement la Très Sainte Mère de Dieu ».

L’introduction des fêtes des saints de l’Église grecque, sous Léon XIII, avait pour but d’exciter le zèle de la chrétienté pour l’union des Églises.

Benoît XVI, catéchèses, 3 octobre 2007

Chers frères et sœurs !

Poursuivant notre itinéraire sur les traces des Pères de l’Église, nous rencontrons une grande figure : saint Cyrille d’Alexandrie. Lié à la controverse christologique qui conduisit au Concile d’Éphèse de 431 et dernier représentant important de la tradition alexandrine, dans l’Orient grec, Cyrille fut plus tard défini le "gardien de l’exactitude" - qu’il faut comprendre comme gardien de la vraie foi - et même "sceau des Pères". Ces antiques expressions expriment un fait qui est caractéristique de Cyrille, c’est-à-dire la référence constante de l’Évêque d’Alexandrie aux auteurs ecclésiastiques précédents (parmi ceux-ci, Athanase en particulier), dans le but de montrer la continuité de sa théologie avec la tradition. Il s’insère volontairement, explicitement dans la tradition de l’Église, dans laquelle il reconnaît la garantie de la continuité avec les Apôtres et avec le Christ lui-même. Vénéré comme saint aussi bien en Orient qu’en Occident, saint Cyrille fut proclamé docteur de l’Église en 1882 par le Pape Léon XIII, qui, dans le même temps, attribua ce titre également à un autre représentant important de la patristique grecque, saint Cyrille de Jérusalem. Ainsi, se révélaient l’attention et l’amour pour les traditions chrétiennes orientales de ce Pape, qui voulut ensuite proclamer saint Jean Damascène Docteur de l’Église, montrant ainsi que tant la tradition orientale qu’occidentale exprime la doctrine de l’unique Église du Christ.

On sait très peu de choses sur la vie de Cyrille avant son élection sur l’important siège d’Alexandrie. Neveu de Théophile, qui en tant qu’Évêque, dirigea d’une main ferme et avec prestige le diocèse alexandrin à partir de 385, Cyrille naquit probablement dans la même métropole égyptienne entre 370 et 380. Il fut très tôt dirigé vers la vie ecclésiastique et reçut une bonne éducation, tant culturelle que théologique. En 403, il se trouvait à Constantinople à la suite de son puissant oncle et il participa dans cette même ville au Synode appelé du "Chêne", qui déposa l’Évêque de la ville, Jean (appelé plus tard Chrysostome), marquant ainsi le triomphe du siège alexandrin sur celui, traditionnellement rival, de Constantinople, où résidait l’empereur. A la mort de son oncle Théophile, Cyrille encore jeune fut élu Évêque de l’influente Église d’Alexandrie en 412, qu’il gouverna avec une grande énergie pendant trente-deux ans, visant toujours à en affirmer le primat dans tout l’Orient, également fort des liens traditionnels avec Rome.

Deux ou trois ans plus tard, en 417 ou 418, l’Évêque d’Alexandrie se montra réaliste en recomposant la rupture de la communion avec Constantinople, qui durait désormais depuis 406, suite à la déposition de Jean Chrysostome. Mais l’ancienne opposition avec le siège de Constantinople se ralluma une dizaine d’années plus tard, lorsqu’en 428, Nestor y fut élu, un moine sévère et faisant autorité, de formation antiochienne. En effet, le nouvel Évêque de Constantinople suscita très vite des oppositions, car dans sa prédication, il préférait pour Marie le titre de "Mère du Christ" (Christotòkos), à celui - déjà très cher à la dévotion populaire - de "Mère de Dieu" (Theotòkos). Le motif de ce choix de l’Évêque Nestor était son adhésion à la christologie de type antiochien qui, pour préserver l’importance de l’humanité du Christ, finissait par en affirmer la division de la divinité. Et ainsi, l’union entre Dieu et l’homme dans le Christ n’était plus véritable, et, naturellement, on ne pouvait plus parler de "Mère de Dieu".

La réaction de Cyrille - alors le plus grand représentant de la christologie alexandrine, qui entendait en revanche profondément souligner l’unité de la personne du Christ - fut presque immédiate, et se manifesta par tous les moyens déjà à partir de 429, s’adressant également dans quelques lettres à Nestor lui-même. Dans la deuxième [18] que Cyrille lui adressa, en février 430, nous lisons une claire affirmation du devoir des Pasteurs de préserver la foi du Peuple de Dieu. Tel était son critère, par ailleurs encore valable aujourd’hui : la foi du Peuple de Dieu est l’expression de la tradition, elle est la garantie de la saine doctrine. Il écrit ainsi à Nestor : "Il faut exposer au peuple l’enseignement et l’interprétation de la foi de la manière la plus irrépréhensible, et rappeler que celui qui scandalise ne serait-ce qu’un seul des petits qui croient dans le Christ subira un châtiment intolérable".

Dans cette même lettre à Nestor - une lettre qui plus tard, en 451, devait être approuvée par le Concile de Chalcédoine, le quatrième Concile œcuménique - Cyrille décrit avec clarté sa foi christologique : "Nous affirmons ainsi que les natures qui se sont unies dans une véritable unité sont différentes, mais de toutes les deux n’a résulté qu’un seul Christ et Fils ; non parce qu’en raison de l’unité ait été éliminée la différence des natures, mais plutôt parce que divinité et humanité, réunies en une union indicible et inénarrable, ont produit pour nous le seul Seigneur et Christ et Fils". Et cela est important : réellement, la véritable humanité et la véritable divinité s’unissent en une seule Personne, Notre Seigneur Jésus Christ. C’est pourquoi, poursuit l’Évêque d’Alexandrie, "nous professerons un seul Christ et Seigneur, non dans le sens où nous adorons l’homme avec le Logos, pour ne pas insinuer l’idée de la séparation lorsque nous disons "avec", mais dans le sens où nous adorons un seul et le même, car son corps n’est pas étranger au Logos, avec lequel il s’assied également aux côtés de son Père, non comme si deux fils s’asseyaient à côté de lui, mais bien un seul uni avec sa propre chair".

Très vite, l’Évêque d’Alexandrie, grâce à de sages alliances, obtint que Nestor soit condamné à plusieurs reprises : par le siège romain, puis par une série de douze anathèmes qu’il composa lui-même et, enfin, par le Concile qui se tint à Éphèse en 431, le troisième concile œcuménique. L’assemblée, qui connut des épisodes tumultueux et une alternance de moments favorables et de moments difficiles, se conclut par le premier grand triomphe de la dévotion à Marie et avec l’exil de l’Évêque de Constantinople, qui ne voulait pas reconnaître à la Vierge le titre de "Mère de Dieu", à cause d’une christologie erronée, qui suscitait des divisions dans le Christ lui-même. Après avoir ainsi prévalu sur son rival et sur sa doctrine, Cyrille sut cependant parvenir, dès 433, à une formule théologique de compromis et de réconciliation avec les Antiochiens. Et cela aussi est significatif : d’une part, il y a la clarté de la doctrine de la foi, mais de l’autre, également la recherche intense de l’unité et de la réconciliation. Au cours des années suivantes, il se consacra de toutes les façons possibles à défendre et à éclaircir sa position théologique jusqu’à sa mort, qui eut lieu le 27 juin 444.

Les écrits de Cyrille - vraiment très nombreux et largement publiés également dans diverses traductions latines et orientales déjà de son vivant, témoignant de leur succès immédiat - sont d’une importance primordiale pour l’histoire du christianisme. Ses commentaires de nombreux livres vétéro-testamentaires et du Nouveau Testament, parmi lesquels tout le Pentateuque, Isaïe, les Psaumes et les Évangiles de Jean et de Luc, sont importants. Ses nombreuses œuvres doctrinales sont également notables ; dans celles-ci revient la défense de la foi trinitaire contre les thèses ariennes et contre celles de Nestor. La base de l’enseignement de Cyrille est la tradition ecclésiastique, et en particulier, comme je l’ai mentionné, les écrits d’Athanase, son grand prédécesseur sur le siège alexandrin. Parmi les autres écrits de Cyrille, il faut enfin rappeler les livres Contre Julien, dernière grande réponse aux polémiques antichrétiennes, dictée par l’Evêque d’Alexandrie probablement au cours des dernières années de sa vie, pour répondre à l’œuvre Contre les Galiléens, écrite de nombreuses années auparavant, en 363, par l’empereur qui fut qualifié d’Apostat pour avoir abandonné le christianisme dans lequel il avait été éduqué. La foi chrétienne est tout d’abord une rencontre avec Jésus, "une Personne qui donne à la vie un nouvel horizon" [19]. Saint Cyrille d’Alexandrie a été un témoin inlassable et ferme de Jésus Christ, Verbe de Dieu incarné, soulignant en particulier son unité, comme il le répète en 433 dans la première lettre [20] à l’Évêque Succenso : "Un seul est le Fils, un seul le Seigneur Jésus Christ, que ce soit avant l’incarnation ou après l’incarnation. En effet, le Logos né de Dieu le Père n’était pas un fils, et celui né de la Sainte Vierge un autre fils ; mais nous croyons que précisément Celui qui existe depuis toute éternité est né également selon la chair d’une femme". Cette affirmation, au-delà de sa signification doctrinale, montre que la foi en Jésus Logos né du Père est également bien enracinée dans l’histoire, car, comme l’affirme saint Cyrille, ce même Jésus est venu dans le temps avec la naissance de Marie, la Theotòkos, et il sera, selon sa promesse, toujours avec nous. Et cela est important : Dieu est éternel, il est né d’une femme, et il reste avec nous chaque jour. Nous vivons dans cette certitude, en elle nous trouvons le chemin de notre vie. © Copyright 2007 - Libreria Editrice Vaticana

[1] Gen. III, 15.

[2] Iohan. XII, 31.

[3] Symbol. Nic.

[4] II Cor, XI, 14.

[5] Eph. IV, 13.

[6] Cyr. Al. Ep. I ad monach.

[7] Ep. VIII, al. VI.

[8] Eccli. IV, 33.

[9] Cyr. AL. Ep. IX, al. VII.

[10] Psalm. CXXXI, 4-5.

[11] Cyr. Al. Ep. X, al. VIII.

[12] Labbe, Conc. IV, 464.

[13] Leo. Ep. XXXI, al. XXVII.

[14] Ibid. et Ep. LXXIX, al. LIX.

[15] Cyr. Al. Ep. XXXIX, al. XXXIV, ex Psalm. XCV, 11.

[16] Cyr. Al. Hom. IV, Ephesi habita ad S. Mariam.

[17] Cyr. Al. Homil. div. I.

[18] PG 77, 44-49.

[19] Enc. Deus caritas est, n. 1.

[20] PG 77, 228-237.