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14/08 Vigile de l’Assomption

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Sommaire

  Textes de la Messe  
  Office  
  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Bhx cardinal Schuster, Liber Sacramentorum  
  Dom Pius Parsch, Le guide dans l’année liturgique  

Instaurée sous Serge Ier (687-701), rétablie sous Léon IV en 847 (de même que l’Octave), la vigile de l’Assomption est une des plus solennelles de l’année liturgique et la plus importante des vigiles mariales (la seule à subsister à la suppression des vigiles sous Pie XII et Jean XXIII).

Selon l’ancien code de droit canon (1917), aujourd’hui : jeûne et abstinence (can. 1252 §2).

Textes de la Messe

die 14 augusti
le 14 août
In Vigilia Assumptionis B. Maríæ Virg.
Vigile de l’Assomption de la Bse Vierge Marie
II classis (ante CR 1960 : simplex)
IIème classe (avant 1960 : simple)
Ant. ad Introitum. Ps. 44,13,15 et 16.Introït
Vultum tuum deprecabúntur omnes dívites plebis : adducéntur Regi vírgines post eam : próximæ eius adducéntur tibi in lætítia et exsultatióne.Tous les riches d’entre le peuple vous offriront leurs humbles prières : des vierges seront amenées au roi après vous : vos compagnes seront présentées au milieu de la joie et de l’allégresse.
Ps. Ibid., 2.
Eructávit cor meum verbum bonum : dico ego ópera mea Regi.De mon cœur a jailli une excellente parole : c’est que j’adresse mes œuvres à un roi.
V/. Glória Patri.
Non dicitur Glória in excelsis.On ne dit pas le Glória in excelsis.
Oratio.Collecte
Deus, qui virginálem aulam beátæ Maríæ, in qua habitáres, elígere dignátus es : da, quǽsumus ; ut, sua nos defensióne munitos, iucúndos fácias suæ interésse festivitáti : Qui vivis.Dieu, vous avez daigné choisir le palais virginal de la bienheureuse Vierge Marie pour y habiter : faites, nous vous en prions, qu’à l’abri de sa protection, nous puissions avec joie prendre part à sa fête.
Et fit commemoratio S. Eusebii Conf. :Et on fait mémoire de St Eusèbe, Confesseur :
Oratio.Collecte
Deus, qui nos beáti Eusébii Confessóris tui ánnua solemnitáte lætíficas : concéde propítius ; ut, cuius natalítia cólimus, per eius ad te exémpla gradiámur. Per Dóminum.Dieu, vous nous réjouissez par la solennité annuelle du bienheureux Eusèbe, votre Confesseur : faites, dans votre bonté, qu’honorant sa naissance au ciel, nous marchions vers vous en suivant ses exemples.
Léctio libri Sapiéntiæ.Lecture du Livre de la Sagesse.
Eccli. 24, 23-31.
Ego quasi vitis fructificávi suavitátem odóris : et flores mei fructus honóris et honestátis. Ego mater pulchræ dilectiónis et timóris et agnitiónis et sanctæ spei. In me grátia omnis viæ et veritátis : in me omnis spes vitæ et virtútis. Transíte ad me, omnes qui concupíscitis me, et a generatiónibus meis implémini. Spíritus enim meus super mel dulcis, et heréditas mea super mel et favum. Memória mea in generatiónes sæculórum. Qui edunt me, adhuc esúrient : et qui bibunt me, adhuc sítient. Qui audit me, non confundétur : et qui operántur in me, non peccábunt. Qui elúcidant me, vitam ætérnam habébunt.Comme la vigne j’ai poussé des fleurs d’une agréable odeur, et mes fleurs donnent des fruits de gloire et d’abondance. Je suis la mère du bel amour, de la crainte, de la science et de la sainte espérance. En moi est toute la grâce de la voie et de la vérité ; en moi est toute l’espérance de la vie et de la vertu. Venez à moi, vous tous qui me désirez, et rassasiez-vous de mes fruits ; car mon esprit est plus doux que le miel, et mon héritage plus suave que le rayon de miel. Ma mémoire passera dans la suite des siècles. Ceux qui me mangent auront encore faim, et ceux qui me boivent auront encore soif. Celui qui m’écoute ne sera pas confondu, et ceux qui agissent par moi ne pécheront point. Ceux qui me mettent en lumière auront la vie éternelle.
Graduale. Graduel
Benedícta et venerábilis es, Virgo María : quæ sine tactu pudóris invénia es Mater Salvatóris.Vous êtes bénie et digne de vénération, Vierge Marie : qui avez été mère du Sauveur, sans que votre pureté ait subi d’atteinte.
V/. Virgo, Dei Génetrix, quem totus non capit orbis, in tua se clausit víscera factus homo.V/. Vierge, Mère de Dieu, Celui que tout l’univers ne peut contenir, s’est enfermé dans votre sein en se faisant homme.
+ Sequéntia sancti Evangélii secúndum Lucam.Suite du Saint Évangile selon saint Luc.
11,27-28.
In illo tempore : Loquénte Iesu ad turbas, extóllens vocem quædam múlier de turba, dixit illi : Beátus venter qui te portávit, et úbera quæ suxísti. At ille dixit : Quinímmo beáti, qui áudiunt verbum Dei et custódiunt illud.En ce temps-là : Un jour que Jésus parlait au milieu de la foule, une femme s’écria : « Comme elle est heureuse, la Mère qui vous a mis au monde, et qui vous a nourri de son lait ! » Mais Jésus répondit : « Bien plus heureux encore celui qui écoute la parole de Dieu et qui la met en pratique ! »
Ant. ad Offertorium.Offertoire
Beáta es, Virgo María, quæ ómnium portásti Creatórem : genuísti qui te fecit, et in ætérnum pérmanes Virgo.Vous êtes bienheureuse, Vierge Marie, qui avez porté le Créateur de toutes choses : vous avez enfanté celui qui vous a créée, et vous demeurez à jamais Vierge.
SecretaSecrète
Múnera nostra, Dómine, apud cleméntiam tuam Dei Genetrícis comméndet orátio : quam idcírco de praesénti sǽculo transtulísti ; ut pro peccátis nostris apud te fiduciáliter intercédat. Per eúndem Dóminum.Que la prière de la bienheureuse Vierge Marie accompagne nos offrandes, Seigneur, jusqu’à votre clémence : elle que vous avez retirée de ce monde afin qu’avec une pleine confiance elle intercédât près de vous pour nos péchés.
Pro S. EusebioPour St Eusèbe
SecretaSecrète
Laudis tibi, Dómine, hóstias immolámus in tuórum commemoratióne Sanctórum : quibus nos et præséntibus éxui malis confídimus et futúris. Per Dóminum.Nous vous immolons, Seigneur, une hostie de louange en mémoire de vos saints en qui nous avons confiance pour obtenir de triompher des maux de la vie présente et d’échapper aux maux de la vie future.
Ant. ad Communionem.Communion
Beáta viscera Maríæ Vírginis, quæ portavérunt ætérni Patris Fílium.Bienheureux le sein de la Vierge Marie, qui a porté le Fils du Père éternel.
PostcommunioPostcommunion
Concéde, miséricors Deus, fragilitáti nostræ præsídium : ut, qui sanctæ Dei Genetrícis festivitátem prævénimus ; intercessiónis eius auxílio a nostris iniquitátibus resurgámus. Per eúndem Dóminum nostrum.Seigneur miséricordieux, portez secours à notre faiblesse : et comme nous prévenons la fête de la sainte Mère de Dieu, qu’ainsi l’aide de son intercession nous relève de nos iniquités.
Pro S. EusebioPour St Eusèbe
PostcommunioPostcommunion
Refécti cibo potúque cælésti, Deus noster, te súpplices exorámus : ut, in cuius hæc commemoratióne percépimus, eius muniámur et précibus. Per Dóminum.Nourris par un aliment et un breuvage célestes, nous vous prions et supplions, ô notre Dieu, de faire que nous soit assuré le secours des prières de celui en la fête de qui nous les avons reçus.

Office

On fait l’Office de la Férie, comme à l’Ordinaire et au Psautier ; sauf les Leçons qui, se disent comme ci-après, mais avec les Répons de la Férie courante, comme au Propre du Temps.

Leçons des Matines.

Lectio i7e leçon
Léctio sancti Evangélii secundum Lucam.Lecture du saint Évangile selon saint Luc.
Cap. 11, 27-28.
In illo témpore : Loquénte Iesu ad turbas, extóllens vocem quædam múlier de turba dixit illi : Beátus venter qui te portávit. Et réliqua.En ce temps-là : Pendant que Jésus parlait au peuple, une femme éleva la voix et dit : Heureux le sein qui vous a porté. Et le reste.
Homilía sancti Ioánnis Chrysóstomi.Homélie de saint Jean Chrysostome.
In Ioann. c. 2 Homilia 20 circa finem
Cum audíeris mulíerem illam dicéntem : Beátus venter qui te portávit, et úbera quæ tu suxísti ; deínde Dóminum respondéntem : Quinímmo beáti qui áudiunt verbum Dei et custódiunt illud ; ea senténtia dictum exístima, non quod Matrem neglígeret, sed nihil ei utilitátis matris nomen allatúrum osténderet, nisi bonitáte et fide præstáret. Quod si Maríæ nihil, sine virtúte, matérna cáritas erat profutúra ; longe minus nobis patris, fratris, matris, fílii bónitas, nisi áliquid nostrum afferámus.Lorsque vous entendrez une femme s’écrier : « Bienheureux le sein qui vous a porté, bienheureuses les mamelles que vous avez sucées » et Jésus lui répondre : « Bienheureux plutôt ceux qui font la volonté de mon Père » attribuez ces diverses paroles au même sentiment. Ici Jésus ne prétend pas rebuter sa mère, il prétend seulement établir que sa maternité ne lui servirait de rien sans la foi et sans la vertu. Mais, s’il n’eût servi de rien à Marie, sans la vertu, d’avoir mis au monde le Christ, il ne nous servira de rien à nous également d’avoir un père, un frère, une mère, un enfant remarquables par leur vertu, si nous-mêmes ne les imitons pas.
Lectio ii8e leçon
In nullo namque álio, nisi in solis sui ipsíus virtútibus, post divínam grátiam, de salúte cuípiam sperándum est. Nam, si id profutúrum erat Christus secúndum carnem ; profuísset civitáti, in qua natus est ; profuísset frátribus. Atqui, dum fratres rerum suárum curam habuérunt, nihil eis propinquitátis nomen prófuit, sed cum réliquo mundo damnáti erant.Après la grâce de Dieu, vous ne devez mettre votre confiance que dans vos bonnes œuvres. Si la maternité de Marie eût été pour elle un titre suffisant de salut, les Juifs qui étaient parents du Christ par le sang auraient joui d’un titre semblable ainsi que les habitants de la ville dans laquelle il était né, ainsi que ses frères. Or, tant que ses frères vécurent avec négligence, ils ne tirèrent aucun avantage de leur parenté ; cette condamnation qui pesait sur le monde les enveloppait eux-mêmes.
Lectio iii9e leçon
Tunc autem admiratióni esse cœpérunt, quando própria claruérunt virtúte. Pátria vero nihil inde consecúta cécidit, et incéndio absúmpta est ; concíves mísere interémpti periére ; consanguínei secúndum carnem nil ad salútem lucráti sunt, deficiénte virtútis patrocínio. Verum Apóstoli ante omnes claríssimi evasérunt, cum se ad veram et expeténdam eius familiaritátem consuetudinémque per obediéntiam contulérunt. Hunc intellígimus, fide semper nobis opus esse, et vita quæ virtútibus lúceat : hæc dumtáxat salvos nos fácere póterit.Ils ne devinrent un sujet d’admiration que lorsqu’ils empruntèrent à la vertu leur éclat. La patrie du Sauveur fut ruinée et livrée aux flammes sans que ce titre ait pu la sauver ; ceux qui lui étaient unis par le sang périrent misérablement égorgés ; leur parenté devenant impuissante à les sauver dès lors qu’ils n’étaient point sous le patronage de la vertu. Ceux qui brillèrent de l’éclat le plus vif furent les apôtres parce qu’ils recherchèrent les liens les plus propres à les unir étroitement au Christ, les liens de l’obéissance. C’est là une preuve que la foi, les vertus, les bonnes œuvres nous sont indispensables ; cette voie est la seule qui puisse nous conduire au salut.

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

Quelle aurore fait pâlir au Cycle sacré l’éclat des plus nobles constellations ? Laurent, qui brillait au ciel d’août comme un astre incomparable, s’efface lui-même et n’est plus que l’humble satellite de la Reine des Saints, dont le triomphe s’apprête par delà l’empyrée.

Demeurée sur terre après l’Ascension pour donner le jour à l’Église de son Fils, Marie ne pouvait voir éterniser son exil ; elle ne devait cependant gagner à son tour les cieux, que lorsque ce nouveau fruit de sa maternité aurait pris d’elle la croissance et l’affermissement qui relèvent d’une mère. Dépendance d’ineffable suavité pour l’Église, et dont le divin Chef, en en faisant sa propre loi, avait assuré le bienheureux privilège à ses membres [1] ! Comme nous vîmes, au temps de Noël, le Dieu fait homme porté le premier dans les bras de celle qui l’avait mis au monde, puisant ses forces, alimentant sa vie au sein virginal : ainsi donc le corps mystique de cet Homme-Dieu, la sainte Église, fut pour Marie dans ses premières années l’objet des mêmes soins dont elle avait entouré l’enfance de l’Emmanuel.

Comme autrefois Joseph à Nazareth, Pierre maintenant gouvernait la maison de Dieu ; mais Notre-Dame n’en était pas moins pour l’assemblée fidèle la source de la vie dans l’ordre du salut, comme jadis elle l’était pour Jésus dans son être humain. Au jour de la Pentecôte féconde, nul don de l’Esprit-Saint qui, comme l’Esprit lui-même, ne se fût reposé en elle premièrement et dans la plénitude ; nulle grâce communiquée aux privilégiés du cénacle, qui ne demeurât plus éminente, plus abondante au béni réservoir. Le fleuve sacré inonde comme un torrent la cité de Dieu ; mais c’est que le Très-Haut a d’abord sanctifié celle qui fut son temple [2], et qu’il en a fait le puits des eaux vives qui coulent avec impétuosité du Liban [3].

Elle-même, en effet, l’éternelle Sagesse se compare dans l’Écriture aux eaux débordantes [4] ; à cette heure, la voix de ses messagers parcourt le monde pleine de magnificence comme la voix du Seigneur sur les grandes eaux, comme le tonnerre qui révèle sa force et sa majesté [5] : déluge nouveau renversant les remparts de la fausse science, réduisant toute hauteur qui s’élève contre Dieu [6], fertilisant le désert [7]. O fontaine des jardins [8], qui dans le même temps vous cachez en Sion si calme et si pure, le silence qui vous garde ignorée des profanes [9] voile à leurs yeux souillés la dérivation de ces flots portant le salut aux plus lointaines plages de la gentilité. A vous pourtant, comme à la Sagesse sortie de vous elle-même, s’applique l’oracle où elle dit : C’est de moi que sortent les fleuves [10]. A vous s’abreuve l’Église naissante, altérée du Verbe. Fontaine et soleil, disait l’Esprit-Saint parlant d’Esther votre figure, fleuve qui se transforme en lumière sans cesser de répandre ses eaux [11] ! les Apôtres, à l’âme inondée de la divine science, reconnaissent en vous la source plus riche qu’eux tous, qui, ayant donné une fois au monde le Seigneur Dieu, continue d’être pour eux-mêmes le canal de sa grâce et de sa vérité.

Comme une montagne élargit sa base en raison de l’altitude où se perd son sommet, l’incomparable dignité de Marie s’élevait sur une humilité chaque jour croissante. Ne croyons pas pourtant que le rôle d’intermédiaire silencieux des faveurs du ciel fût le seul alors de cette mère des Églises. L’heure était venue pour elle de communiquer aux amis de l’Époux les ineffables secrets que son âme virginale avait seule connus ; et quant aux faits publics de l’histoire du Sauveur, quelle mémoire plus sûre, plus complète que la sienne, quelle intelligence plus profonde des mystères du salut, pouvait fournir aux évangélistes du Dieu fait chair l’inspiration et la trame de leurs sublimes récits ? Comment au reste, en toute entreprise, les chefs du peuple chrétien n’eussent-ils point consulté la céleste prudence de celle dont nulle erreur ne pouvait obscurcir le jugement, pas plus qu’aucune faute n’en pouvait ternir l’âme ? Aussi, bien que sa douce voix [12] ne retentît jamais au dehors [13], bien qu’elle se complût dans l’ombre de la dernière place aux assemblées [14], Marie fut-elle vraiment dès lors, ainsi qu’observent les docteurs, le fléau de l’hérésie, la maîtresse des Apôtres et leur inspiratrice aimée.

« Si l’Esprit instruisait les Apôtres, on ne doit pas en conclure qu’ils n’eussent point à recourir au très suave magistère de Marie, dit Rupert [15]. Bien plutôt, déclare-t-il, sa parole était pour eux la parole de l’Esprit lui-même ; elle complétait et confirmait les inspirations reçues par chacun de Celui qui divise ses dons comme il veut [16] ». Et l’illustre évêque de Milan, saint Ambroise, rappelant le privilège du disciple bien-aimé à la Cène, n’hésite pas à reconnaître aussi dans l’intimité plus persévérante de Jean avec Notre-Dame, qui lui fut confiée, la raison de l’élévation plus grande de ses enseignements : « Ce bien-aimé du Seigneur, qui sur sa poitrine avait puisé aux profondeurs de la Sagesse, je ne m’étonne pas qu’il se soit expliqué des mystères divins mieux que tous autres, lui pour qui demeurait toujours ouvert en Marie le trésor des secrets célestes » [17].

Heureux les fidèles admis à contempler dans ces temps l’arche de l’alliance où, mieux que sur des tables de pierre, résidait et vivait la plénitude de la loi d’amour ! Tandis que la verge du nouvel Aaron, le sceptre de Simon Pierre, gardait près d’elle sa force verdoyante, à son ombre aussi la vraie manne des cieux restait accessible aux élus du désert de ce monde. Denys d’Athènes, Hiérothée, que nous retrouverons bientôt de compagnie près de l’arche sainte, combien d’autres, venaient aux pieds de Marie se reposer du chemin, s’affermir en l’amour, consulter le propitiatoire auguste où la Divinité s’était reposée ! Des lèvres de la divine Mère ils recueillaient ces oracles plus doux que le lait et le miel [18], pacifiant l’âme, ordonnant toute vie, rassasiant leurs très nobles intelligences des clartés des cieux. C’est bien à ces privilégiés du premier âge, que s’applique la parole de l’Époux achevant dans ces années bénies la moisson du jardin fermé qui fut Notre-Dame : J’ai moissonné ma myrrhe et mes parfums, j ’ai mangé le miel avec son rayon, j’ai bu le vin avec le lait ; mangez, mes amis, et buvez ; enivrez-vous, mes très chers [19].

Comment s’étonner que Jérusalem, favorisée d’une si auguste présence, ait vu l’assemblée des premiers fidèles s’élever unanimement par delà l’observation des préceptes à la perfection des conseils ? Ils persévéraient d’une seule âme en la prière, louant Dieu en toute simplicité de cœur et allégresse, aimables à tous [20]. Communauté fortunée, qui ne pouvait que présenter l’image du ciel sur la terre, ayant pour membre la Reine des cieux ; le spectacle de sa vie, son intercession toute-puissante, ses mérites plus vastes que tous les trésors réunis des saintetés créées, étaient la part de contribution que Marie apportait à cette famille bénie où tout était commun à tous, dit l’Esprit-Saint. De la colline de Sion, cependant, l’Église a étendu ses rameaux sur toute montagne et sur toute mer [21] ; la vigne du Roi pacifique est en plein rapport au milieu des nations [22] : l’heure est venue de la laisser pour la durée des siècles aux vignerons qui doivent la garder pour l’Époux [23]. Instant solennel, où va s’ouvrir une nouvelle phase dans l’histoire du salut. O vous qui habitez dans les jardins, les amis en suspens prêtent l’oreille ; faites-moi entendre votre voix [24]. C’est l’Époux, c’est l’Église de la terre et celle des cieux, attendant de la céleste jardinière à qui la vigne doit d’avoir affermi ses racines un signal semblable à celui qui autrefois fit descendre l’Époux. Mais les cieux vont l’emporter aujourd’hui sur la terre. Fuyez, mon bien-aimé [25] ; c’est la voix de Marie qui va suivre les traces embaumées du Seigneur son Fils, pour gagner les montagnes éternelles où l’ont précédée ses propres parfums.

Entrons dans les sentiments de la sainte Église, qui se dispose, par l’abstinence et le jeûne de ce jour de Vigile, à célébrer le triomphe de Marie. L’homme ne peut trouver quelque assurance à s’unir d’ici-bas aux joies de la patrie, qu’en se rappelant d’abord qu’il est pécheur et débiteur à la justice de Dieu. La tâche bien légère qui nous est imposée aujourd’hui le paraîtra plus encore, si nous la rapprochons du Carême par lequel les Grecs se préparent depuis le premier de ce mois à fêter Notre-Dame.

Bhx cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

Collecte à Saint-Adrien, station à Sainte-Marie-Majeure.

De toutes les fêtes de Notre-Dame, celle de la dormitio (κοίμησις) sanctae Mariae, ou de son assomption corporelle au ciel fut, dès l’antiquité, la plus célèbre et la plus solennelle. Nous avons déjà décrit ailleurs les rites de sa célébration, il suffira donc de rapporter ici la messe qui, dans la basilique Libérienne, mettait fin à la longue procession aux flambeaux. Ce fut le pape Serge Ier qui institua cette procession nocturne du clergé et du peuple. Léon IV dut simplement en remettre l’usage en vigueur. Cependant, vers le Xe siècle, la solennité prit plus d’importance et le cortège, au lieu de partir de Saint-Adrien au Forum, sortait de la résidence papale du Latran, avec les images du Sauveur et de la Theotocos, entourées de centaines de lumières.

Hors de Rome, en de très nombreux endroits d’Italie, on imita, pour la vigile de l’Assomption, la touchante coutume de la Ville éternelle ; maintenant encore, en quelques villages du Latium, ce soir se forment deux processions, l’une avec l’image du Sauveur, l’autre avec celle de Notre-Dame, et elles vont au-devant l’une de l’autre. Quand les deux cortèges se rencontrent, les porteurs des deux images échangent le baiser de paix ; et après que le célébrant leur a offert l’encens, le Christ prend la droite, la Vierge la gauche, et l’on poursuit ainsi, en procession triomphale, vers quelque église dédiée à Marie, où l’on commence la fête de l’Assomption. Tel est le rite observé depuis de longs siècles à Leprignano, sur le territoire de l’Abbaye de Saint-Paul.

Selon le XIe Ordo Romanus, le 14 août au matin le pape et les cardinaux, à jeun et les pieds nus, se rendaient à l’oratoire de Saint-Laurent, dans le Patriarchium, où ils faisaient sept génuflexions devant l’icône byzantine du Sauveur qu’on y garde aujourd’hui encore. Alors le Pontife en ouvrait les battants, et, au chant du Te Deum, la descendait pour que, dans la soirée, elle pût être portée en procession par les diacres cardinaux.

Les vêpres et l’office vigilial de neuf leçons étaient chantés à la tombée du jour, à Sainte-Marie-Majeure ; puis le Pontife et tout le clergé retournaient au Latran, pour commencer la procession nocturne.

Cette nuit, l’introït de la messe vigiliale est le même que le 25 mars : Vultum tuum deprecabuntur. Toute l’humanité se tourne avec confiance vers le beau visage de Marie pour le contempler, ce visage sur lequel le divin Enfant imprima tant de baisers ; visage tout rayonnant de majesté, de pureté et de grâce ; visage qui est la plus parfaite image de celui du Christ.

Prière. — « Seigneur qui avez choisi vous-même le cœur virginal de Marie comme le palais où vous vouliez habiter, faites que son intercession nous permette de participer avec joie à sa fête imminente ».

La lecture est la même que le 16 juillet, avec le répons-graduel « Benedicta » et la lecture évangélique, déjà notés le 5 août.

Il faut remarquer que la liste des Évangiles de Würzbourg ignore la vigile de l’Assomption. Cela indique qu’effectivement le pape Serge institua une simple procession litanique nocturne, qui précédait la célébration de la messe festive à Sainte-Marie-Majeure. Ce fut Léon IV qui dut instituer l’office et la messe vigiliale.

L’antienne pour l’offrande des oblations fait écho à la lecture évangélique, où une pieuse femme avait acclamé bienheureuse la sainte Vierge : « Vous êtes bienheureuse, ô Vierge Marie, qui portâtes dans votre sein le Créateur de l’univers ; vous avez donné le jour à Celui qui vous a faite, et êtes demeurée quand même toujours vierge sans tache ».

Prière sur les oblations. — « Que la prière de la bienheureuse Vierge Marie accompagne nos offrandes, Seigneur, jusqu’à votre trône, elle que vous avez retirée de ce monde afin qu’avec une pleine confiance elle intercédât près de vous pour nos péchés ». Même au ciel, Marie est notre avocate, fonction que Jésus lui confia sur le Calvaire, afin que la Rédemption remédie en tout à la ruine ; bien plus, qu’elle la répare surabondamment. A Adam et Ève, pécheurs et source de notre faute originelle sur la terre, Dieu a opposé le Christ et Marie, le Rédempteur et la Corédemptrice du genre humain.

L’antienne pour la Communion est la même que le 16 juillet.

Après la Communion. — « Seigneur, ayez égard à notre faiblesse ; et comme (cette nuit) nous prévenons la fête de la bienheureuse Mère de Dieu, qu’ainsi le secours de ses prières nous relève du sépulcre de nos iniquités ».

Contre l’hérésie des Pélagiens, et aussi contre certaines directions pédagogiques récentes, qui ne tiennent pas assez compte de l’inclination au mal de notre nature corrompue, l’Église, dans sa liturgie, met avec insistance à la base de notre spiritualité la vérité, c’est-à-dire une exacte notion du travail de reconstruction intime qui doit être fait en nous. Nous sommes un splendide monument en ruines, à la restauration duquel n’est pas moins nécessaire la divine grâce que la coopération de notre libre arbitre.

Dom Pius Parsch, Le guide dans l’année liturgique

Préparons-nous à la grande fête de demain.

1. Vigile. — Préparons-nous à la grande fête d’été, vraie fête de la moisson. Dans l’esprit de l’Église, la vigile est un jour de pénitence, un jour de préparation sérieuse à la solennité qu’elle précède et dont elle est pour ainsi dire l’aspect austère. Si nous voulons monter au ciel demain avec Marie, commençons dès aujourd’hui à rompre les liens qui nous retiennent à la terre. Si nous voulons, demain, avec Marie, faire de notre corps et de notre âme un temple digne du Fils de Dieu (virginalem aulam. Or.), dès aujourd’hui purifions la demeure de notre âme des souillures du péché. Si nous voulons nous aussi, demain, « choisir la meilleure part, l’unique nécessaire », abandonnons aujourd’hui tous nos soucis terrestres. Préparons-nous soigneusement à la grande fête de la Sainte Vierge !

2. La Messe (Vultum tuum). — Remarquons le lyrisme de cette belle messe. A l’Introït, nous nous adressons à l’Épouse Royale ; nous, les « notables » (divites plebis), nous allons à sa rencontre lui rendre nos hommages.

L’Oraison exprime une profonde pensée. C’est Dieu lui-même qui a choisi et orné le palais virginal où il devait habiter. Et c’est son privilège de Mère de Dieu qui, avant tout, a valu à Marie sa place éminente au ciel.

L’Épître appartient aux plus beaux passages de la Sainte Écriture que la liturgie applique à la sainte Vierge : « Je suis la mère du pur amour, de la crainte, de la science et de la sainte espérance. Venez à moi, vous tous qui me désirez, et rassasiez-vous de mes fruits ». C’est donc Marie qui, de sa propre bouche, nous convie à prendre part à ses faveurs.

L’Évangile répète le bel éloge que la femme du peuple fit un jour de la Mère de Dieu ; à quoi le Seigneur répondit : « Heureux ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la pratiquent », nous indiquant ainsi lui-même comment nous pouvons devenir semblables à Marie.

Les autres parties de la messe sont du Commun.

[1] Carnalia in te Christus ubera suxit, ut per te nobis spiritualia fluerent. Richard, a S. Victore, in Cant. cap. XXIII. Le Christ a sucé votre sein charnel pour que par vous coule le spirituel.

[2] Psalm.XLV, 5.

[3] Cant. IV, 15.

[4] Eccli. XXIV, 35-46.

[5] Psalm. XXVIII.

[6] II Cor. X, 4-6.

[7] Isai. XXXV.

[8] Cant. IV, 15.

[9] Isai. VIII, 6.

[10] Eccli. XXIV, 40.

[11] Esth. X, 6.

[12] Cant. IV, 3.

[13] Isai. XLII, 2.

[14] Act. I, 14.

[15] Rupert. in Cant. I.

[16] I Cor. XII, 11.

[17] Ambr. De instit. virg. VII.

[18] Cant. IV, 11.

[19] Cant. V, 1.

[20] Act. II, 42-47, IV, 32-35.

[21] Psalm. LXXIX, 10-12.

[22] Cant. VIII, 1 1.

[23] Ibid. 11-12.

[24] Cant. VIII, 13.

[25] Ibid 14.