Accueil - Missel - Sanctoral

18/03 St Cyrille de Jérusalem, évêque, confesseur et docteur

Version imprimable de cet article Version imprimable Partager


Sommaire

  Textes de la Messe  
  Office  
  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum  
  Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique  
  Benoît XVI, catéchèses, 27 juin 2007  

Mort à Jérusalem le 18 avril 387. Fêté le 18 mars dans les calendriers orientaux dès le Ve siècles chez les Arméniens.

Léon XIII introduisit sa fête en 1882 avec le titre de Docteur de l’Église.

Textes de la Messe

(En Carême, on fait seulement mémoire du Saint avec les trois oraisons de la Messe suivante)
die 18 martii
le 18 mars
SANCTI CYRILLI
SAINT CYRILLE
Ep. Hierosolymitani, Conf. et Eccl. Doct.
Evêque de Jérusalem, Confesseur et Docteur de l’Eglise
III classis (ante CR 1960 : duplex)
IIIème classe (avant 1960 : double)
Ant. ad Introitum. Eccli. 15, 5.Introït
In médio Ecclésiæ apéruit os eius : et implévit eum Dóminus spíritu sapiéntiæ et intelléctus : stolam glóriæ índuit eum.Au milieu de l’Église, il a ouvert la bouche, et le Seigneur l’a rempli de l’esprit de sagesse et d’intelligence, et il l’a revêtu de la robe de gloire.
Ps. 91,2.
Bonum est confitéri Dómino : et psállere nómini tuo, Altíssime.Il est bon de louer le Seigneur et de chanter votre nom, ô Très-Haut.
V/. Glória Patri.
Oratio.Collecte
Da nobis, quǽsumus, omnípotens Deus, beáto Cyríllo Pontífice intercedénte : te solum verum Deum, et quem misísti Iesum Christum ita cognóscere ; ut inter oves, quæ vocem eius áudiunt, perpétuo connumerári mereámur. Per eúndem Dóminum nostrum.Nous vous en prions, Dieu tout-puissant, accordez-nous, par l’intercession du bienheureux Pontife Cyrille, de vous connaître, vous le seul vrai Dieu, et ce lui que vous avez envoyé, Jésus-Christ, de telle sorte que nous méritions d’être perpétuellement comptés par mi les brebis qui écoutent sa voix.
Léctio libri Sapiéntiæ.Lecture du livre de la Sagesse.
Eccli. 39, 6-14.
Iustus cor suum tradet ad vigilándum dilúculo ad Dóminum, qui fecit illum, et in conspéctu Altíssimi deprecábitur. Apériet os suum in oratióne, et pro delíctis suis deprecábitur. Si enim Dóminus magnus volúerit, spíritu intellegéntias replébit illum : et ipse tamquam imbres mittet elóquia sapiéntiæ suæ, et in oratióne confitébitur Dómino : et ipse díriget consílium eius et disciplínam, et in abscónditis suis consiliábitur. Ipse palam fáciet disciplínam doctrínæ suæ, et in lege testaménti Dómini gloriábitur. Collaudábunt multi sapiéntiam eius, et usque in sǽculum non delébitur. Non recédet memória eius, et nomen eius requirétur a generatióne in generatiónem. Sapiéntiam eius enarrábunt gentes, et laudem eius enuntiábit ecclésia.Le juste appliquera son cœur à veiller dès le matin auprès du Seigneur qui l’a créé, et il priera en présence du Très-Haut. Il ouvrira sa bouche pour la prière, et il demandera pardon pour ses péchés. Car si le souverain Seigneur le veut, il le remplira de l’esprit d’intelligence, et alors il répandra comme la pluie les paroles de sa sagesse, et il glorifiera le Seigneur dans la prière. Il réglera ses conseils et sa doctrine, et il méditera les secrets de Dieu. Il publiera les instructions de sa doctrine, et il mettra sa gloire dans la loi de l’alliance du Seigneur. Beaucoup loueront sa sagesse, et il ne sera jamais oublié. Sa mémoire ne s’effacera point ;, et son nom sera honoré de génération en génération. Les nations publieront sa sagesse, et l’assemblée célébrera ses louanges.
Graduale. Ps. 36, 30-31.Graduel
Os iusti meditábitur sapiéntiam, et lingua eius loquétur iudícium.La bouche du juste méditera la sagesse et sa langue proférera l’équité.
V/. Lex Dei eius in corde ipsíus : et non supplantabúntur gressus eius.V/. La loi de son Dieu est dans son cœur et on ne le renversera point.
Tractus. Ps. 111, 1-3.Trait
Beátus vir, qui timet Dóminum : in mandátis eius cupit nimis.Heureux l’homme qui craint le Seigneur et qui met ses délices dans ses commandements.
V/. Potens in terra erit semen eius : generátio rectórum benedicéturV/. Sa race sera puissante sur la terre ; la postérité des justes sera bénie.
V/. Glória et divítiæ in domo eius : et iustítia eius manet in sǽculum sǽculi.V/. La gloire et les richesses sont dans sa maison, et sa justice demeure dans tous les siècles.
+ Sequéntia sancti Evangélii secundum Matthǽum.Lecture du Saint Evangile selon saint Mathieu.
Matth. 10, 23-28.
In illo témpore : Dixit Iesus discípulis suis : Cum persequéntur vos in civitáte ista, fúgite in áliam. Amen, dico vobis, non consummábitis civitátes Israël, donec véniat Fílius hóminis. Non est discípulus super magístrum nec servus super dóminum suum. Súfficit discípulo, ut sit sicut magíster eius : et servo, sicut dóminus eius. Si patremfamílias Beélzebub vocavérunt ; quanto ma-gis domésticos eius ? Ne ergo timuéritis eos. Nihil enim est opértum, quod non revelábitur : et occúltum, quod non sciétur. Quod dico vobis in ténebris, dícite in lúmine : et quod in aure audítis, prædicáte super tecta. Et nolíte timére eos, qui occídunt corpus, ánimam autem non possunt occídere : sed pótius timéte eum, qui potest et ánimam et corpus pérdere in gehénnam.En ce temps-là : Jésus dit à ses disciples : Lorsqu’ils vous persécuteront dans une ville, fuyez dans une autre. En vérité, Je vous le dis, vous n’aurez pas achevé de parcourir les villes d’Israël, avant que le Fils de l’homme ne vienne. Le disciple n’est pas au-dessus du maître, ni le serviteur au-dessus de son seigneur. Il suffit au disciple d’être comme son maître, et au serviteur comme son seigneur. S’ils ont appelé le Père de famille Béelzébub, combien plus ceux de Sa maison ! Ne les craignez donc point ; car il n’y a rien de caché qui ne doive être découvert, ni rien de secret qui ne doive être connu. Ce que Je vous dis dans les ténèbres, dites-le dans la lumière, et ce qui vous est dit à l’oreille, prêchez-le sur les toits. Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, et qui ne peuvent tuer l’âme ; mais craignez plutôt celui qui peut perdre et l’âme et le corps dans la géhenne.
Ante 1960 : CredoAvant 1960 : Credo
Ant. ad Offertorium. Ps. 91, 13.Offertoire
Iustus ut palma florébit : sicut cedrus, quæ in Líbano est multiplicábitur.Le juste fleurira comme le palmier : et il se multipliera comme le cèdre du Liban.
SecretaSecrète
Réspice, Dómine, immaculátam hóstiam, quam tibi offérimus : et præsta ; ut, méritis beáti Pontíficis et Confessóris tui Cyrílli, eam mundo corde suscípere studeámus. Per Dóminum.Regardez, Seigneur, cette hostie immaculée que nous vous offrons : et, par les mérites de votre bienheureux Confesseur et Pontife Cyrille, faites que nous nous efforcions de la recevoir d’un cœur pur.
Ant. ad Communionem. Luc. 12, 42.Communion
Fidélis servus et prudens, quem constítuit dóminus super famíliam suam : ut det illis in témpore trítici mensúram.Voici le dispensateur fidèle et prudent que le Maître a établi sur ses serviteurs pour leur donner au temps fixé, leur mesure de blé.
PostcommunioPostcommunion
Sacraménta Córporis et Sánguinis tui, quæ súmpsimus, Dómine Iesu Christe : beáti Cyrílli Pontíficis précibus, mentes et corda nostra sanctíficent ; ut divínæ consórtes natúræ éffici mereámur : Qui vivis.O Seigneur Jésus-Christ, nous avons reçu les sacrements de votre Corps et de votre Sang : par les prières du bienheureux Pontife Cyrille, qu’ils sanctifient nos esprits et nos cœurs, afin que nous méritions d’être rendus participants de la nature divine.

Office

A MATINES. avant 1960

Au deuxième nocturne.

Quatrième leçon. Cyrille de Jérusalem s’adonna dès ses plus tendres années, avec un très grand soin, à l’étude des divines Écritures, et fit de tels progrès dans cette science qu’il devint un vaillant défenseur de la foi orthodoxe. Plein d’amour pour les institutions monastiques, il se voua à une perpétuelle continence, et voulut embrasser le genre de vie le plus austère. Après avoir été ordonné prêtre par saint Maxime, Évêque de Jérusalem, il s’acquitta avec le plus grand mérite de la charge de prêcher aux fidèles la parole divine et d’instruire les catéchumènes, et composa ces catéchèses vraiment admirables, dans lesquelles, embrassant avec autant de clarté que d’éloquence toute la doctrine de l’Église,-il établit solidement et défendit contre les ennemis de la foi chacun des dogmes de la religion. Il y disserta d’une manière si nette et si distincte qu’il réfuta non seulement les hérésies qui avaient déjà paru, mais encore celles qui s’élevèrent dans la suite, comme s’il les avait prévues : par exemple, en prouvant la présence réelle du corps et du sang du Christ dans l’admirable sacrement de l’Eucharistie. Après la mort de saint Maxime, il fut désigné pour lui succéder par les Évêques de la province.

Cinquième leçon. Comme le bienheureux Athanase, dont il était le contemporain, il eut à souffrir durant son épiscopat beaucoup d’injustices et de revers pour la cause de la foi, de la part des factions ariennes ; ces factions, supportant difficilement la véhémence avec laquelle Cyrille s’opposait aux hérésies, l’attaquèrent par des calomnies, et après l’avoir déposé dans un conciliabule, elles le chassèrent de son siège. Pour se soustraire à leur fureur, Cyrille se réfugia à Tarse en Cilicie, et il soutint les rigueurs de l’exil tant que vécut Constance. Ce prince étant mort, et Julien l’Apostat ayant été élevé à l’empire, Cyrille put revenir à Jérusalem où il travailla avec un zèle ardent à détourner son peuple des erreurs et des vices. Mais il fut de nouveau forcé de s’exiler sous l’empereur Valens, jusqu’au jour où furent réprimées la cruauté et l’audace des Ariens, la paix ayant été rendue à-l’Église par Théodose le Grand. Cet empereur reçut Cyrille avec honneur comme un très courageux athlète du Christ et le rétablit sur son siège. On voit la preuve de la diligence et de la sainteté avec lesquelles le Pontife remplit les devoirs de son sublime ministère, dans l’état florissant de l’Église de Jérusalem à cette époque, état que saint Basile a décrit, après être allé vénérer les lieux saints et y être resté quelque temps.

Sixième leçon. La tradition nous apprend que Dieu illustra par de célestes prodiges la sainteté de ce vénérable évêque. Parmi ces faits, on cite la célèbre apparition d’une croix plus brillante que les rayons du soleil, événement qui signala le début de son épiscopat. Païens et Chrétiens furent témoins oculaires de ce miracle, ainsi que Cyrille lui-même, qui, après en avoir rendu grâces à Dieu dans l’église, raconta le fait dans une lettre à l’empereur Constance. Un prodige non moins digne d’admiration est ce qui arriva aux Juifs, lorsque, sur l’ordre de l’empereur Julien, ils s’efforçaient de rebâtir le temple renversé par l’empereur Titus : un violent tremblement de terre se produisît, d’énormes tourbillons de flammes sortirent du sol, et le feu consuma tous les travaux, de sorte que les Juifs et Julien, changeant d’avis, abandonnèrent leur entreprise, comme Cyrille l’avait prédit avec assurance. Peu de temps avant sa mort, ce Saint prit part au second concile de Constantinople, dans lequel on condamna l’hérésie des Macédoniens et de nouveau celle des Ariens. De retour à Jérusalem il y fit une sainte mort, étant presque septuagénaire et dans la trente-cinquième année de son épiscopat. Le souverain Pontife Léon XIII a ordonné que son Office et sa Messe fussent célébrés par l’Église universelle.

Au troisième nocturne.

Lecture du saint Évangile selon saint Matthieu. Cap. 10, 23-28.
En ce temps-là : Jésus dit à ses disciples : Lorsqu’ils vous persécuteront dans une ville, fuyez dans une autre. Et le reste.

Homélie de saint Athanase, Évêque.

Septième leçon. La Loi avait ordonné d’établir des villes de refuge, où ceux qu’on rechercherait d’une manière ou d’une autre pour les faire mourir, pourraient être en sûreté. En outre, le Verbe du Père, qui avait précédemment parlé à Moïse, étant venu lorsque les temps furent accomplis, le Verbe fit lui-même à son tour ce commandement : « Lorsqu’on vous poursuivra dans une ville, fuyez dans une autre ». Et peu après il ajoute : « Quand vous verrez l’abomination de la désolation, prédite par le Prophète Daniel, établie dans le lieu saint (que celui qui lit entende) : alors que ceux qui sont dans la Judée s’enfuient sur les montagnes ; que celui qui sera sur le toit ne descende point pour emporter quelque chose de sa maison ; que celui qui sera dans les champs ne retourne pas pour prendre sa tunique. »

Huitième leçon. Instruits de ces choses, les saints en ont toujours fait la règle de leur conduite. Car le Seigneur, avant même d’être venu s’incarner, avait déjà commandé par ses ministres ce qu’il enjoint ici par lui-même, et ses divins préceptes conduisent les hommes à la perfection ; car il faut absolument observer tout ce que Dieu ordonne. Et afin de nous donner l’exemple, le Verbe lui-même, fait homme pour notre salut, n’a pas cru indigne de lui de se cacher comme nous lorsqu’on le cherchait, de fuir et d’éviter les embûches lorsqu’on le persécutait. Mais quand il eut mené au terme fixé par lui le temps où il voulait souffrir en son corps il se livra spontanément à ceux qui lui dressaient des embûches.

Neuvième leçon. Quant aux saints, hommes qu’ils étaient, ils devaient eux-mêmes se conformer à la règle qu’ils tenaient du Sauveur (c’est lui en effet qui les a tous enseignés, et autrefois et depuis). En conséquence, ils fuyaient pour échapper légitimement aux persécuteurs, et cherchés par eux, ils demeuraient cachés. Ignorant combien de temps leur avait mesuré la divine Providence, ils ne voulaient pas se livrer témérairement à leurs perfides ennemis. D’un autre côté, sachant ce que dit l’Écriture, que Dieu tient dans ses mains le sort des hommes, qu’il est le maître de la mort et de la vie, ils trouvaient plus sage de persévérer jusqu’à la fin, s’en allant ça et là, comme dit l’Apôtre, couverts de peaux de brebis et de peaux de chèvre, dans l’indigence, dans l’angoisse, errant dans les solitudes et se cachant au fond des antres et des cavernes ; et cela, jusqu’à ce que le temps de mourir fût arrivé pour eux, ou que Dieu, qui avait déterminé ce temps, les consolât par sa parole et arrêtât les complots des méchants, ou enfin les livrât aux mains des persécuteurs, selon qu’il aurait plu à sa divine Providence.

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

Il était juste qu’en ces jours consacrés à l’instruction des catéchumènes, la sainte Église honorât le Pontife dont le nom rappelle, mieux qu’aucun autre, le zèle et la science que doivent déployer les pasteurs dans la préparation de ses futurs membres au baptême. Longtemps cependant, la chrétienté latine borna ses hommages envers un si grand Docteur à la mention faite de lui, chaque année, en son martyrologe. Mais voici qu’à l’antique expression de sa reconnaissance pour des services rendus en des temps éloignés déjà de quinze siècles, se joint chez elle aujourd’hui, vis-à-vis de Cyrille, la demande d’une assistance rendue maintenant non moins nécessaire qu’aux premiers âges du christianisme Le baptême, il est vrai, se confère aujourd’hui dès l’enfance ; il met l’homme, par la foi infuse, en possession de la pleine vérité avant que son intelligence ait pu rencontrer le mensonge. Mais trop souvent, de nos jours, l’enfant ne trouve plus près de lui la défense dont ne peut se passer sa faiblesse ; la société moderne a renié Jésus-Christ, et son apostasie la pousse à étouffer, sous l’hypocrite neutralité de prétendues lois, le germe divin dans toute âme baptisée, avant qu’il ait pu fructifier et grandir. En face de la société comme dans l’individu, le baptême a ses droits cependant ; et nous ne pouvons honorer mieux saint Cyrille, qu’en nous rappelant, au jour de sa fête, ces droits du premier Sacrement au point de vue de l’éducation qu’il réclame pour les baptisés. Durant quinze siècles les nations d’Occident, dont l’édifice social reposait sur la fermeté de la foi romaine, ont maintenu leurs membres dans l’heureuse ignorance de la difficulté qu’éprouve une âme pour s’élever des régions de l’erreur à la pure lumière. Baptisés comme nous à leur entrée dans la vie, et dès lors établis dans le vrai, nos pères avaient sur nous l’avantage de voir la puissance civile défendre en eux, d’accord avec l’Église, cette plénitude de la vérité qui formait leur plus grand trésor, en même temps qu’elle était la sauvegarde du monde. La protection des particuliers est en effet le devoir du prince ou de quiconque, à n’importe quel titre, gouverne les hommes, et la gravité de ce devoir est en raison de l’importance des intérêts à garantir ; mais cette protection n’est-elle pas aussi d’autant plus glorieuse pour le pouvoir, qu’elle s’adresse aux faibles, aux petits de ce monde ? Jamais la majesté de la loi humaine n’apparut mieux que sur les berceaux, où elle garde à l’enfant né d’hier, à l’orphelin sans défense, sa vie, son nom, son patrimoine. Or, l’enfant sorti de la fontaine sacrée possède des avantages qui dépassent tout ce que la noblesse et la fortune des ancêtres, unies à la plus riche nature, auraient pu lui donner. La vie divine réside en lui ; son nom de chrétien le fait l’égal des anges ; son patrimoine est cette plénitude de la vérité dont nous parlions tout à l’heure, c’est-à-dire Dieu même, possédé par la foi ici-bas, en attendant qu’il se découvre à son amour dans le bonheur de l’éternelle vision.

Quelle grandeur donc en ces berceaux où vagit la faiblesse de l’enfance ! mais aussi quelle responsabilité pour le monde ! Si Dieu n’attend point, pour conférer de tels biens à la terre, que ceux auxquels ils sont départis soient en âge de les comprendre, c’est l’impatience de son amour qui se manifeste en cette hâte sublime ; mais c’est aussi qu’il compte sur le monde pour révéler au temps venu leur dignité à ces enfants des cieux, pour les former aux devoirs résultant de leur nom, pour les élever comme il convient à leur divin lignage. L’éducation d’un fils de roi répond à sa naissance ; ceux qu’on admet à l’honneur de l’instruire, s’inspirent dans leurs leçons de son titre de prince ; les connaissances communes à tous lui sont elles-mêmes présentées delà manière qui s’harmonise le mieux à sa destinée suréminente ; rien pour lui qui ne tende au même but : tout doit, en effet, concourir à le mettre en état de porter sa couronne avec gloire. L’éducation d’un fils de Dieu mérite-t-elle moins d’égards ; et peut-on davantage, dans les soins qu’on lui donne, mettre en oubli sa destinée et sa naissance ?

Il est vrai : l’Église seule est capable, ici-bas, de nous expliquer l’ineffable origine des fils de Dieu ; seule elle connaît sûrement la manière dont il convient de ramener les éléments des connaissances humaines au but suprême qui domine la vie du chrétien. Mais qu’en conclure, sinon que l’Église est de droit la première éducatrice des nations ? Lorsqu’elle fonde des écoles, à tous les degrés de la science elle est dans son rôle, et la mission reçue d’elle pour enseigner vaut mieux que tous les diplômes. Bien plus ; s’il s’agit de diplômes qu’elle n’ait pas délivrés elle-même, l’usage de ces pièces civilement officielles tire sa première et principale légitimité, à l’égard des chrétiens, de son assentiment : il demeure soumis toujours, et de plein droit, à sa surveillance. Car elle est mère des baptisés ; et la surveillance de l’éducation des enfants reste à la mère, quand elle ne fait pas cette éducation par elle-même.

Au droit maternel de l’Église, se joint ici son devoir d’Épouse du Fils de Dieu et de gardienne des sacrements. Le sang divin ne peut, sans crime, couler inutilement sur la terre ; des sept sources par lesquelles l’Homme-Dieu a voulu qu’il s’épanchât à la parole des ministres de son Église, il n’en est pas une qui doive s’ouvrir autrement qu’avec l’espoir fondé d’un effet véritablement salutaire, et répondant au but du sacrement dont il est tait usage. Le saint baptême surtout, qui élève l’homme des profondeurs de son néant à la noblesse surnaturelle, ne saurait échapper, dans son administration, aux règles d’une prudence d’autant plus vigilante que le titre divin qu’il confère est éternel. Le baptisé, ignorant volontaire ou forcé de ses devoirs et de ses droits, ressemblerait à ces fils de famille qui par leur faute ou non, ne connaissant rien des traditions de la race d’où ils sortent, en sont l’opprobre, et promènent inutilement par le monde leur vie déclassée. Aussi, pas plus maintenant qu’au temps de Cyrille de Jérusalem, l’Église ne peut admettre, elle n’a jamais admis personne à la fontaine sacrée, sans exiger dans le candidat au baptême la garantie d’une instruction suffisante : s’il est adulte, il doit tout d’abord faire par lui-même preuve de sa science ; si l’âge lui lait défaut et que l’Église néanmoins consente à l’introduire dans la famille chrétienne, c’est qu’en raison du christianisme de ceux-là même qui le présentent et de l’état social qui l’entoure, elle se tient assurée pour lui d’une éducation conforme à la vie surnaturelle devenue sienne au sacrement.

Ainsi a-t-il fallu l’affermissement incontesté de l’empire de l’Homme-Dieu sur le monde, pour que la pratique du baptême des enfants soit devenue générale comme elle l’est aujourd’hui ; et nous ne devons pas nous étonner si l’Église, à mesure que s’achevait la conversion des peuples, s’est trouvée seule investie de la tache d’élever les générations nouvelles. Les cours stériles des grammairiens, des philosophes et des rhéteurs, auxquels ne manquait que la seule connaissance nécessaire, celle du but de la vie, fuient désertés pour les écoles épiscopales et monastiques où la science du salut, primant toutes les autres, éclairait en même temps chacune d’elles de la vraie lumière. La science baptisée donna naissance aux universités, qui réunirent dans une féconde harmonie tout l’ensemble des connaissances humaines, jusque-là sans lien commun et trop souvent opposées l’une à l’autre. Inconnues au monde avant le christianisme, qui seul portait en lui la solution de ce grand problème de l’union des sciences, les universités, dont cette union fait l’essence même, demeurent pour cette raison l’inaliénable domaine de l’Église. Vainement, en nos jours, l’État, redevenu païen, prétend dénier à la mère des peuples et s’attribuer à lui-même le droit d’appeler d’un pareil nom ses écoles supérieures ; les nations déchristianisées, qu’elles le veuillent ou non, seront toujours sans droit pour fonder, sans force pour maintenir en elles ces institutions glorieuses, dans le vrai sens du nom qu’elles ont porté et réalisé dans l’histoire. L’État sans foi ne maintiendra jamais dans la science d’autre unité que l’unité de Babel ; et, ne pouvons-nous pas déjà le constater avec évidence ? le monument d’orgueil qu’il veut élever à rencontre de Dieu et de son Église, ne servira qu’à ramener l’effroyable confusion des langues à laquelle l’Église avait arraché ces nations païennes dont il reprend les errements. Quant à se parer des titres de la victime qu’on a dépouillée, tout spoliateur et tout larron peut en faire autant ; mais l’impuissance où il se trouve de faire montre, en môme temps, des qualités que ces titres supposent, ne fait que manifester d’autant mieux le vol commis au détriment du légitime propriétaire.

Dénions-nous donc à l’État païen, ou neutre, comme on dit aujourd’hui, le droit d’élever à sa manière les infidèles qu’il a produits à son image ? Nullement ; la protection qui est le droit et le devoir de l’Église, ne regarde que les baptisés. Et même, n’en doutons pas : si l’Église doit être amenée à constater un jour que toute garantie du coté de la société fait désormais vraiment défaut au saint baptême, elle reviendra à la discipline de ce premier âge, où la grâce du sacrement qui fait les chrétiens n’était point accordée comme aujourd’hui indistinctement à tous, mais seulement aux adultes qui s’en montraient dignes, ou aux enfants dont les familles présentaient les assurances nécessaires à sa responsabilité de Mère et d’Épouse. Les nations alors se retrouveront divisées en deux parts : d’un côté les enfants de Dieu, vivant de sa vie, héritiers de son trône ; de l’autre, les hommes qui, conviés comme tout fils d’Adam à cette noblesse surnaturelle, auront préféré criminellement rester les esclaves de celui qui les voulait pour fils en ce monde dont l’Incarnation a fait son palais. L’éducation commune et neutre apparaîtra alors plus impossible que jamais : si neutre qu’on la suppose, l’école des valets du palais ne saurait convenir aux princes héritiers.

Sommes-nous proche de ces temps où les hommes que le malheur de la naissance aura exclus du baptême à leur entrée dans la vie, devront conquérir par eux-mêmes le privilège de l’admission dans la famille chrétienne ? Dieu seul le sait ; mais plus d’un indice porterait à le croire ; l’institution de la fête de ce jour peut n’être pas sans lien, dans le dessein de la Providence, avec les exigences d’une situation nouvelle qui serait faite à l’Église sous ce rapport. Une semaine ne s’est pas écoulée depuis les hommages que nous avons rendus à saint Grégoire le Grand, le Docteur du peuple chrétien ; trois jours plus tôt, c’était le Docteur de l’école, Thomas d’Aquin, dont la jeunesse chrétienne et studieuse fêtait le glorieux patronage : pourquoi aujourd’hui, après quinze cents ans écoulés, ce Docteur nouveau sur le Cycle, ce Docteur d’une classe disparue, les catéchumènes, sinon, comme nous le disions, parce que l’Église voit les services nouveaux que Cyrille de Jérusalem est appelé à rendre, avec l’exemple et l’enseignement contenus dans ses Catéchèses immortelles ? Dès maintenant, combien de chrétiens égarés n’ont pas de plus grand obstacle à surmonter, dans leur retour à Dieu, qu’une ignorance désespérante, et plus profonde que celle-là même d’où le zèle de Cyrille savait retirer les païens et les Juifs !

Vous avez été, ô Cyrille, un vrai fils de la lumière [1]. La Sagesse de Dieu avait dès l’enfance conquis votre amour ; elle vous établit comme le phare éclatant qui brille près du port, et sauve, en l’attirant au rivage, le malheureux ballotté dans la nuit de l’erreur. Au lieu même où s’étaient accomplis les mystères de la rédemption du monde, et dans ce IV° siècle si fécond en docteurs, l’Église vous confia la mission de préparer au baptême les heureux transfuges que la victoire récente du christianisme amenait à elle de tous les rangs de la société. Nourri ainsi que vous l’étiez des Écritures et des enseignements de la Mère commune, la parole s’échappait de vos lèvres, abondante et pure, comme de sa source ; l’histoire nous apprend qu’empêché par les autres charges du saint ministère de consacrer vos soins exclusivement aux catéchumènes, vous dûtes improviser ces vingt-trois admirables discours, vos Catéchèses, où la science du salut se déroule avec une sûreté, une clarté, un ensemble inconnus jusque-là et, depuis lors, jamais surpassés. La science du salut, c’était pour vous, saint Pontife, la connaissance de Dieu et de son Fils Jésus-Christ, contenue dans le symbole de la sainte Église ; la préparation au baptême, à la vie, à l’amour, c’était pour vous l’acquisition de cette science unique, seule nécessaire, profonde d’autant plus et gouvernant tout l’homme, non par l’impression d’une vaine sentimentalité, mais sous l’empire de la parole de Dieu reçue comme elle a droit de l’être, méditée jour et nuit, pénétrant assez l’âme pour l’établir à elle seule dans la plénitude de la vérité, la rectitude morale et la haine de l’erreur.

Sûr ainsi de vos auditeurs, vous ne craigniez point de leur dévoiler les arguments et les abominations des sectes ennemies. Il est des temps, des circonstances dont l’appréciation reste aux chefs du troupeau, et où ils doivent passer par-dessus le dégoût qu’inspirent de telles expositions, pour dénoncer le danger et tenir leurs brebis en garde contre les scandales de l’esprit ou des mœurs. C’est pour cela, ô Cyrille, que vos invectives indignées poursuivaient le manichéisme au fond même de ses antres impurs ; vous pressentiez en lui l’agent principal de ce mystère d’iniquité [2] qui poursuit sa marche ténébreuse et dissolvante à travers les siècles, jusqu’à ce qu’enfin le monde succombe par lui de pourriture et d’orgueil. Manès en nos temps règne au grand jour ; les sociétés occultes qu’il a fondées sont devenues maîtresses. L’ombre des loges continue, il est vrai, de cacher aux profanes son symbolisme sacrilège et les dogmes qu’il apporta de Perse jadis ; mais l’habileté du prince du monde achève de concentrer dans les mains de ce fidèle allié toutes les forces sociales. Dès maintenant, le pouvoir est à lui ; et le premier, l’unique usage qu’il en fasse, est de poursuivre l’Église en haine du Christ. Voici qu’à cette heure il s’attaque à la fécondité de l’Épouse du Fils de Dieu, en lui déniant le droit d’enseigner qu’elle a reçu de son divin Chef ; les enfants mêmes qu’elle a engendrés, qui déjà sont à elle par le droit du baptême, on prétend les lui arracher de vive force et l’empêcher de présider à leur éducation. Cyrille, vous qu’elle appelle à son secours en ces temps malheureux, ne faites pas défaut à sa confiance. Vous compreniez si pleinement les exigences du sacrement qui fait les chrétiens ! Protégez le saint baptême en tant d’âmes innocentes où l’on veut l’étouffer. Soutenez, réveillez au besoin, la foi des parents chrétiens ; qu’ils comprennent que si leur devoir est de couvrir leurs enfants de leur propre corps plutôt que de les laisser livrer aux bêtes, l’âme de ces chers enfants est plus précieuse encore. Déjà plusieurs, et c’est la grande consolation de l’Église en même temps que l’espoir de la société battue en brèche de toutes parts, plusieurs ont compris la conduite qui s’imposait a mute âme généreuse en de telles circonstances : s’inspirant de leur seule conscience, et forts de leur droit de pères de famille, ils subiront la violence de nos gouvernements de force brutale, plutôt que de céder d’un pas aux caprices d’une réglementation d’État païen aussi absurde qu’odieuse. Bénissez-les, ô Cyrille ; augmentez leur nombre. Bénissez également, multipliez, soutenez, éclairez les fidèles qui se dévouent à la tâche d’instruire et de sauver les pauvres enfants que trahit le pouvoir ; est-il une mission plus urgente que celle des catéchistes, en nos jours ? En est-il qui puisse vous aller plus au cœur ?

La sainte Église nous rappelait, tout à l’heure, l’apparition de la Croix qui vînt marquer les débuts de votre épiscopat glorieux. Notre siècle incrédule a été, lui aussi, favorisé d’un prodige semblable, lorsque, à Migné, au diocèse d’Hilaire, votre contemporain et votre émule dans la lutte pour le Fils de Dieu, le signe du salut parut au ciel, resplendissant de lumière, à la vue de milliers de personnes. Mais l’apparition du 7 mai 351 annonçait le triomphe : ce triomphe que vous aviez prévu sans nul doute pour la sainte Croix, lorsque sous vos yeux, quelques années plus tôt, Hélène retrouvait le bois rédempteur ; ce triomphe qu’en mourant vous laissiez affermi par le dernier accomplissement des prophéties sur le temple juif. L’apparition du 17 décembre 1826 n’aurait-elle, hélas ! annonce que défaites et ruines ? Confiants dans votre secours si opportun, nous voulons espérer mieux, saint Pontife ; nous nous souvenons que ce triomphe de la Croix dont vous fûtes le témoin heureux, a été le fruit des souffrances de l’Église, et que vous dûtes l’acheter pour votre part au prix de trois dépositions de votre siège et de vingt ans d’exil. La Croix, dont le Cycle sacré nous ramène les grands anniversaires, la Croix n’est point vaincue, mais grandement triomphante au contraire, dans le martyre de ses fidèles et leurs épreuves patiemment supportées ; c’est victorieuse à jamais qu’elle apparaîtra sur les ruines du monde, au dernier jour.

Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

Le commencement de l’épiscopat de ce Pontife (+ 386 ?) fut marqué par Dieu du prodige d’une croix lumineuse apparue dans le ciel le 7 mai 351 à la vue de Jérusalem tout entière. La fête de saint Cyrille fut instituée en 1882 par Léon XIII ; elle est en relation avec l’œuvre de ce Pontife pour favoriser le retour des Églises orientales à l’unité de la Communion catholique.

La messe est celle du Commun des Docteurs, sauf les particularités suivantes :

La première collecte contient une allusion délicate à l’œuvre doctrinale de Cyrille, qui fut l’énergique champion de la divinité du Verbe contre les Ariens. Pour ce motif, sous les empereurs ariens Constance et Valens, notre Saint fut déposé de son siège et contraint par trois fois de mener une vie difficile en exil, ce qui lui valut le mérite et la gloire de confesseur de la foi.

La lecture de l’Épître se trouve après la messe du Commun des Docteurs ; elle est tirée de l’Ecclésiastique, XXXIX, 6-14.

L’Évangile, que nous retrouverons pour la fête de saint Athanase, se rapporte aux persécutions et à l’exil infligés à Cyrille par les Ariens. Le Sauveur ne veut pas que les Apôtres s’exposent témérairement à la mort, ou qu’ils exercent un ministère inutile auprès de ceux qui n’ont cure de leur œuvre. Il ordonne donc à ses disciples (Matth., X, 23-28) persécutés dans une ville de se rendre dans une autre, afin que la parole évangélique se répande et que tout le monde puisse voir briller le flambeau de la Parole divine et en reçoive le salut. Les Apôtres, Paul surtout, exécutèrent exactement cet ordre que leur avait donné le Sauveur, et, rejetés par les Juifs, ils se portèrent vers les Gentils du monde grec et romain au sein duquel se recruta de préférence l’Église primitive.

Le grand fugitif du IVe siècle, saint Athanase, à la persécution duquel, comme le dit la sainte liturgie, avait conspiré le monde entier, a écrit un livre pour démontrer que la fuite en temps de persécution, c’est-à-dire dans les circonstances prévues par le texte évangélique de ce jour, est un acte de grande perfection, non seulement parce qu’elle est un précepte du Christ, mais parce que, au lieu de mettre fin aux souffrances inhérentes à l’apostolat par une mort rapide, elle les prolonge au contraire, réservant le missionnaire à des épreuves nouvelles et plus dures.

Voici la belle prière sur l’oblation : « Regardez, Seigneur, l’hostie immaculée que nous vous offrons ; et par les mérites de votre bienheureux pontife et confesseur Cyrille, faites que nous la recevions dans un cœur pur. Par notre Seigneur, etc. »

Il était certes à propos que la messe en l’honneur du glorieux auteur des catéchèses mystagogiques de Jérusalem s’inspirât au moins de ces précieux écrits, où Cyrille, avec une clarté et une concision admirables, expose la doctrine de l’Église relativement aux Sacrements, et en particulier à l’Eucharistie. Le concept de la collecte d’action de grâces, où l’on demande que la sainte Communion nous fasse participer à la société de la nature divine, est tiré des écrits de Cyrille, lequel à son tour s’inspire de la IIe Épître de saint Pierre (I, 4). Prière d’action de grâces. — « O Seigneur Jésus-Christ, que par les prières de votre bienheureux pontife Cyrille, le sacrement de votre Corps et de votre Sang que nous venons de recevoir sanctifie notre esprit et notre cœur, en sorte que nous méritions d’avoir part à la nature divine elle-même au moyen de votre grâce. »

Il n’est rien de plus noble ni de plus mystérieux que la grâce qui communique à l’âme, d’une manière créée et proportionnée à sa capacité, certes, mais toujours réelle cependant, la vie divine. Créée, et divine, disons-nous ; deux termes qui semblent s’exclure ; et pourtant l’élévation de l’âme à l’ordre surnaturel exige précisément le soutien de cette vie supérieure. La grâce, en effet, prépare l’âme à la gloire, aussi ne faut-il pas s’étonner si les théologiens semblent si embarrassés quand ils doivent expliquer sa nature intime, puisque, pour la comprendre, il faudrait en connaître aussi le dernier terme, qui est la vision béatifique de l’essence divine.

Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique

Que nous connaissions le seul et vrai Dieu et Jésus-Christ. (Oraison).

Saint Cyrille : Jour de mort. 18 mars 386. — Tombeau : inconnu. Image : représenté comme évêque, avec une bourse (à cause de sa générosité envers les pauvres. Vie : Saint Cyrille est, avec saint Athanase, un des grands champions de la foi dans la lutte contre l’arianisme. Il fut célèbre comme prédicateur et nous a laissé ses catéchèses qui comptent parmi les témoignages les plus complets du christianisme antique. Nous possédons 24 catéchèses. Dix-neuf furent prêchées pendant le Carême comme préparation au baptême ; les cinq autres, dites catéchèses mystagogiques, furent adressées, pendant le temps de Pâques, aux néophytes pour leur faire approfondir les mystères du christianisme. Pratique : Pour le renouvellement et la formation liturgique, notre temps a besoin de maîtres éminents. Il ne s’agit pas d’un enseignement ordinaire et d’une science quelconque ; il faut amener les chrétiens à se mettre intérieurement et extérieurement au service de la vie de grâce, de la vie liturgique. Il s’agit d’une éducation qui, d’une manière efficace, mettra les chrétiens en contact avec les sources profondes de la vie commune dans le Christ. Sous ce rapport, saint Cyrille fut, dans son temps, un modèle des docteurs. Il fut un maître de l’éducation pour les catéchumènes, surtout dans la formation à la vie liturgique. Qu’il soit aussi notre guide pour nous faire arriver au point essentiel et central de la liturgie : Par le Christ, vers la Sainte Trinité. — Nous prenons la messe de Carême et faisons mémoire du saint docteur.

Extraits des catéchèses : « Quand tu t’approches (de l’Eucharistie), ne marche pas les mains ouvertes et étendues ou en écartant les doigts, mais fais de ta main gauche comme un trône pour ta main droite, car c’est elle qui doit recevoir le Roi. Puis, ferme à demi la main et reçois le corps du Christ en ajoutant : « Amen. ») Ensuite, après avoir sanctifié tes yeux en leur faisant toucher avec précaution le saint corps, consomme-le en prenant bien garde de n’en rien perdre. Car si tu en perds quelque chose, c’est comme si tu avais perdu quelque chose d’un de tes propres membres. En effet, dis-moi, si on te donnait des pépites d’or, ne les garderais-tu pas avec le plus grand soin et ne prendrais-tu pas garde de n’en perdre aucune et de ne pas éprouver de dommage ? Ne prendras-tu pas encore plus de soin de ne perdre aucune miette de ce qui est plus précieux que l’or et les pierreries ? Après la communion du corps du Christ, approche-toi aussi du calice du sang. N’étends pas les mains (vers le calice), mais incline-toi, dis avec adoration et respect « Amen », sanctifie-toi en recevant aussi le sang du Christ. Puis, alors que tes lèvres sont encore humides, touche-les avec tes mains et porte-les sur tes yeux, ton front et tes autres sens pour les sanctifier. Attends alors pour la prière et rends grâces à Dieu qui t’a jugé digne de si grands mystères.

Gardez cet enseignement sans rien y changer et demeurez vous-mêmes sans reproche. Ne vous séparez pas de la communion. Ne vous privez pas, par la souillure du péché, de ces mystères saints et spirituels. « Que le Dieu de paix vous sanctifie tout entier avec votre corps et votre âme » [3].

Benoît XVI, catéchèses, 27 juin 2007

Chers frères et sœurs !

Notre attention se concentre aujourd’hui sur saint Cyrille de Jérusalem. Sa vie représente le mélange de deux dimensions : d’une part, le soin pastoral et, de l’autre, la participation - malgré lui - aux controverses enflammées qui troublaient alors l’Église d’Orient. Né autour de 315 à Jérusalem, ou dans ses environs, Cyrille reçut une excellente formation littéraire ; ce fut la base de sa culture ecclésiastique, centrée sur l’étude de la Bible. Ordonné prêtre par l’Evêque Maxime, lorsque celui-ci mourut ou fut déposé, en 348, il fut ordonné Évêque par Acacius, Archevêque métropolitain influent de Césarée de Palestine, philo-arien, qui était convaincu d’avoir trouvé en lui un allié. Il fut donc soupçonné d’avoir obtenu la nomination épiscopale grâce à des concessions à l’arianisme.

En réalité, Cyrille se heurta très vite à Acacius non seulement sur le terrain doctrinal, mais également sur le terrain juridictionnel, car Cyrille revendiquait l’autonomie de son siège par rapport à l’Église métropolitaine de Césarée. En vingt ans, Cyrille connut trois exils : le premier en 357, à la suite d’une déposition de la part d’un Synode de Jérusalem, suivi en 360 par un deuxième exil voulu par Acacius et, enfin, par un troisième, le plus long - il dura onze ans - en 367, à l’initiative de l’empereur philo-arien Valente. Ce n’est qu’en 378, après la mort de l’empereur, que Cyrille put reprendre définitivement possession de son siège, en rétablissant l’unité et la paix entre les fidèles.

D’autres sources, également anciennes, appuient la thèse de son orthodoxie, mise en doute par plusieurs sources de l’époque. Parmi celles-ci, la lettre synodale de 382, après le deuxième Concile œcuménique de Constantinople (381), auquel Cyrille avait participé en jouant un rôle important, est celle qui fait le plus autorité. Dans cette lettre, envoyée au Pontife romain, les Évêques orientaux reconnaissent officiellement l’orthodoxie la plus absolue de Cyrille, la légitimité de son ordination épiscopale et les mérites de son service pastoral, que la mort conclura en 387.

Nous conservons de lui vingt-quatre catéchèses célèbres, qu’il présenta en tant qu’Évêque vers 350. Introduites par une Procatéchèse d’accueil, les dix-huit premières sont adressées aux catéchumènes ou illuminands (photizomenoi) ; elles furent tenues dans la Basilique du Saint-Sépulcre. Les premières (1-5) traitent chacune, respectivement, des dispositions préalables au Baptême, de la conversion des coutumes païennes, du sacrement du Baptême, des dix vérités dogmatiques contenues dans le Credo ou Symbole de la foi. Les suivantes (6-18) constituent une "catéchèse continue" sur le Symbole de Jérusalem, dans une optique anti-arienne. Dans les cinq dernières (19-23), appelées "mystagogiques", les deux premières développent un commentaire aux rites du Baptême, les trois dernières portent sur le chrême, sur le Corps et le Sang du Christ et sur la liturgie eucharistique. On y trouve une explication du Notre Père (Oratio dominica) : celle-ci établit un chemin d’initiation à la prière, qui se développe parallèlement à l’initiation aux trois sacrements du Baptême, de la Confirmation et de l’Eucharistie.

La base de l’instruction sur la foi chrétienne se déroulait également dans un but polémique contre les païens, les judéo-chrétiens et les manichéens. L’argumentation était fondée sur la réalisation des promesses de l’Ancien Testament, dans un langage riche d’images. La catéchèse était un moment important, inséré dans le vaste contexte de toute la vie, en particulier liturgique, de la communauté chrétienne, dans le sein maternel de laquelle avait lieu la gestation du futur fidèle, accompagnée par la prière et le témoignage des frères. Dans leur ensemble, les homélies de Cyrille constituent une catéchèse systématique sur la renaissance du chrétien à travers le Baptême. Il dit au catéchumène : "Tu es tombé dans les filets de l’Église [4]. Laisse-toi donc prendre vivant ; ne t’enfuis pas, car c’est Jésus qui te prend à son hameçon, non pour te donner la mort mais la résurrection après la mort. Tu dois en effet mourir et ressusciter [5]. Meurs au péché, et vis pour la justice dès aujourd’hui" [6].

Du point de vue doctrinal, Cyrille commente le Symbole de Jérusalem en ayant recours à la typologie des Écritures, dans un rapport "symphonique" entre les deux "Testaments", pour arriver au Christ, centre de l’univers. La typologie sera décrite de manière incisive par Augustin d’Hippone : "L’Ancien Testament est le voile du Nouveau Testament, et dans le Nouveau Testament se manifeste l’Ancien" [7]. Quant à la catéchèse morale, elle est ancrée de manière profondément unie à la catéchèse doctrinale : l’on fait progressivement descendre le dogme dans les âmes, qui sont ainsi sollicitées à transformer les comportements païens sur la base de la nouvelle vie en Christ, don du Baptême. Enfin, la catéchèse "mystagogique" marquait le sommet de l’instruction que Cyrille dispensait non plus aux catéchumènes, mais aux nouveaux baptisés ou néophytes au cours de la semaine pascale Celle-ci les introduisait à découvrir, sous les rites baptismaux de la Veillée pascale, les mystères qui y étaient contenus et qui n’étaient pas encore révélés. Illuminés par la lumière d’une foi plus profonde en vertu du Baptême, les néophytes étaient finalement en mesure de mieux les comprendre, ayant désormais célébré leurs rites.

Avec les néophytes d’origine grecque, Cyrille s’appuyait en particulier sur la faculté visuelle qui leur était particulièrement adaptée. C’était le passage du rite au mystère, qui valorisait l’effet psychologique de la surprise et l’expérience vécue au cours de la nuit pascale. Voici un texte qui explique le mystère du Baptême : "A trois reprises vous avez été immergés dans l’eau et à chaque fois vous en êtes ressortis, pour symboliser les trois jours de la sépulture du Christ, c’est-à-dire imitant à travers ce rite notre Sauveur, qui passa trois jours et trois nuits dans le sein de la terre [8]. Lors de la première émersion de l’eau, vous avez célébré le souvenir du premier jour passé par le Christ dans le sépulcre, de même qu’avec la première immersion vous en avez confessé la première nuit passée dans le sépulcre : vous avez été vous aussi comme celui qui est dans la nuit et qui ne voit pas, et celui qui, en revanche, est au jour et jouit de la lumière. Alors qu’auparavant vous étiez plongés dans la nuit et ne pouviez rien voir, en émergeant, en revanche, vous vous êtes trouvés en plein jour. Mystère de la mort et de la naissance, cette eau du salut a été pour vous une tombe et une mère... Pour vous... le moment pour mourir coïncida avec le moment pour naître : un seul et même moment a réalisé les deux événements" [9].

Le mystère qu’il faut saisir est le dessein du Christ, qui se réalise à travers les actions salvifiques du Christ dans l’Église. A son tour, la dimension mystagogique s’accompagne de celle des symboles, qui expriment le vécu spirituel qu’ils font "exploser". Ainsi, la catéchèse de Cyrille, sur la base des trois composantes décrites - doctrinale, morale et, enfin mystagogique -, apparaît comme une catéchèse globale dans l’Esprit. La dimension mystagogique réalise la synthèse des deux premières, en les orientant vers la célébration sacramentelle, dans laquelle se réalise le salut de tout l’homme.

Il s’agit, en définitive, d’une catéchèse intégrale, qui - concernant le corps, l’âme et l’esprit - reste emblématique également pour la formation catéchétique des chrétiens d’aujourd’hui.

© Copyright 2007 - Libreria Editrice Vaticana

[1] Eph V, 8.

[2] II Thess. II, 7.

[3] 1 Thess. V, 23.

[4] cf. Mt 13, 47.

[5] cf. Rm 6, 11.14.

[6] Procatéchèse 5.

[7] De catechizandis rudibus, 4, 8.

[8] cf. Mt 12, 40.

[9] Deuxième catéchèse mystagogique, 4.