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22/11 Ste Cécile, vierge et martyre

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Sommaire

  Textes de la Messe  
  Office  
  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum  
  Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique  

Tous les livres liturgiques anciens en donnent la fête au 22 novembre, qui pourrait être l’anniversaire de la dédicace de sa basilique.

Semidouble dans le calendrier de saint Pie V, double en 1670 par Clément X.

Textes de la Messe

die 22 novembris
le 22 novembre
SANCTÆ CÆCILIÆ
SAINTE CÉCILE
Virg. et Mart.
Vierge et Martyre
III classis (ante CR 1960 : duplex)
IIIème classe (avant 1960 : double)
Ant. ad Introitum. Ps. 118, 46-47.Introït
Loquébar de testimóniis tuis in conspéctu regum, et non confundébar : et meditábar in mandátis tuis, quæ diléxi nimis.Je parlais de vos préceptes devant les rois, et je n’en avais pas de confusion. Et je méditais sur vos commandements, car je les aime.
Ps. Ibid., 1.
Beáti immaculáti in via : qui ámbulant in lege Dómini.Heureux ceux qui sont immaculés dans la voie ; qui marchent dans la loi du Seigneur.
V/. Glória Patri.
Oratio.Collecte
Deus, qui nos ánnua beátæ Cæciliae Vírginis et Mártyris tuæ sollemnitáte lætíficas : da, ut, quam venerámur offício, étiam piæ conversatiónis sequámur exémplo. Per Dóminum.O Dieu, qui nous réjouissez par la solennité annuelle de la bienheureuse Cécile, votre Vierge et Martyre, daignez nous faire la grâce d’imiter par une vie sainte, les exemples de celle à qui nous rendons aujourd’hui nos hommages.
Léctio libri Sapiéntiæ.Lecture du livre de la Sagesse.
Eccli. 51, 13-17.
Dómine, Deus meus, exaltásti super terram habitatiónem meam, et pro morre defluénte deprecáta sum. Invocávi Dóminum, Patrem Dómini mei, ut non derelínquat me in die tribulatiónis meæ, et in témpore superbórum sine adiutório. Laudábo nomen tuum assídue, et collaudábo illud in confessióne, et exaudíta est orátio mea. Et liberásti me de perditióne, et eripuísti me de témpore iníquo. Proptérea confitébor et laudem dicam tibi, Dómine, Deus noster.Seigneur mon Dieu, vous avez exalté mon habitation sur la terre, et j’ai prié pour être délivré de la mort qui se précipitait sur moi. J’ai invoqué le Seigneur, père de mon Seigneur, afin qu’il ne m’abandonnât point au jour de ma tribulation, et sans défense au jour des superbes. Je louerai sans cesse votre nom, et je le glorifierai dans mes actions de grâces, parce que ma prière a été exaucée, et que vous m’avez délivré de la perdition, et que vous m’avez sauvé dans un temps d’injustice. C’est pourquoi je vous rendrai grâce, et je chanterai vos louanges, et je bénirai le nom du Seigneur.
Graduale. 44, 11 et 12.Graduel
Audi, fília, et vide, et inclína aurem tuam : quia concupívit Rex spéciem tuam.Écoutez, ma fille, voyez et prêtez l’oreille, car le roi s’est épris de votre beauté.
V/. Ibid., 5. Spécie tua et pulchritúdine tua inténde, próspere procéde et regna.V/. Avec votre gloire et votre majesté, avancez, marchez victorieusement et régnez.
Allelúia, allelúia. V/. Matth. 25, 4 et 6. Quinque prudéntes vírgines accepérunt óleum in vasis suis cum lampádibus : média autem nocte clamor factus est : Ecce, sponsus venit : exite óbviam Christo Dómino. Allelúia.Allelúia, allelúia. V/. Cinq vierges sages prirent de l’huile dans leurs vases avec leurs lampes ; mais au milieu de la nuit, un cri se fit entendre : Voici l’époux qui vient ; allez au-devant du Christ votre Seigneur. Alléluia.
+ Sequéntia sancti Evangélii secúndum Matthǽum.Lecture du Saint Evangile selon saint Mathieu.
Matth. 25, 1-13.
In illo témpore : Dixit Iesus discípulis suis parábolam hanc : Simile erit regnum cælórum decem virgínibus : quæ, accipiéntes lámpades suas, exiérunt óbviam sponso et sponsæ. Quinque autem ex eis erant fátuæ, et quinque prudéntes : sed quinque fátuæ, accéptis lampádibus, non sumpsérunt óleum secum : prudéntes vero accepérunt óleum in vasis suis cum lampádibus. Horam autem faciénte sponso, dormitavérunt omnes et dormiérunt. Média autem nocte clamor factus est : Ecce, sponsus venit, exíte óbviam ei. Tunc surrexérunt omnes vírgines illae, et ornavérunt lámpades suas. Fátuæ autem sapiéntibus dixérunt : Date nobis de óleo vestro : quia lámpades nostræ exstinguúntur. Respondérunt prudéntes, dicéntes : Ne forte non suffíciat nobis et vobis, ite pótius ad vendéntes, et émite vobis. Dum autem irent émere, venit sponsus : et quæ parátæ erant, intravérunt cum eo ad núptias, et clausa est iánua. Novíssime vero véniunt et réliquæ vírgines, dicéntes : Dómine, Dómine, áperi nobis. At ille respóndens, ait : Amen, dico vobis, néscio vos. Vigiláte ítaque, quia nescítis diem neque horam.En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples cette parabole : Le royaume des cieux sera semblable à dix vierges qui, ayant pris leurs lampes, allèrent au-devant de l’époux et de l’épouse. Or, cinq d’entre elles étaient folles, et cinq étaient sages. Les cinq folles, ayant pris leur lampe, ne prirent pas d’huile avec elles ; mais les sages prirent de l’huile dans leurs vases avec leurs lampes. L’époux tardant à venir, elles s’assoupirent toutes, et s’endormirent. Mais, au milieu de la nuit, un cri se fit entendre : Voici l’époux qui vient ; allez au-devant de lui. Alors toutes ces vierges se levèrent, et préparèrent leurs lampes. Mais les folles dirent aux sages : Donnez-nous de votre huile, car nos lampes s’éteignent. Les sages leur répondirent : De peur qu’il n’y en ait pas assez pour nous et pour vous, allez plutôt chez ceux qui en vendent, et achetez-en pour vous. Mais pendant qu’elles allaient en acheter, l’époux vint, et celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui aux noces, et la porte fut fermée. Enfin les autres vierges viennent aussi, en disant : Seigneur, Seigneur, ouvrez-nous. Mais il leur répondit : En vérité, je vous le dis, je ne vous connais point. Veillez donc, parce que vous ne savez ni le jour ni l’heure.
Ant. ad Offertorium. Ps. 44, 15 et 16.Offertoire
Afferéntur Regi Vírgines post eam : próximæ eius afferéntur tibi in lætítia et exsultatióne : adducántur in templum Regi Dómino.Des vierges seront amenées au roi après vous ; vos compagnes seront présentées au milieu de la joie et de l’allégresse. On les conduira au temple du roi.
SecretaSecrète
Hæc hóstia, Dómine, placatiónis et laudis, quǽsumus : ut, intercedénte beáta Cæcília Vírgine et Mártyre tua, nos propitiatióne tua dignos semper effíciat. Per Dóminum.Nous vous en supplions, Seigneur, faites que votre bienheureuse Vierge et Martyre Cécile intercédant pour nous, cette hostie de propitiation et de louange nous rende toujours dignes de votre miséricorde.
Ant. ad Communionem. Ps. 118, 78 et 80.Communion
Confundántur supérbi, quia iniúste iniquitátem fecérunt in me : ego autem in mandátis tuis exercébor, in tuis iustificatiónibus, ut non confúndar.Que les superbes soient confondus, pour m’avoir maltraité injustement ; mais moi, je m’exercerai dans vos commandements et dans vos lois, afin que je ne sois pas confondu.
PostcommunioPostcommunion
Satiásti, Dómine, famíliam tu-am munéribus sacris : eius, quǽsumus, semper interventióne nos réfove, cuius sollémnia celebrámus. Per Dóminum.Vous avez, Seigneur, nourri votre famille de dons sacrés ; ranimez-nous toujours, s’il vous plaît, grâce à l’intervention de la sainte dont nous célébrons la fête.

Office

A MATINES. avant 1960

Au premier nocturne.

Ant. 1 La vierge Cécile * triomphait d’Almachius et invitait Tiburce et Valérien à conquérir des couronnes.
Ant. 2 Les mains étendues, * elle priait le Seigneur de la délivrer de ses ennemis.
Ant. 3 Par le cilice, * Cécile domptait sa chair, et implorait Dieu avec des gémissements.

Lectures du commun des Vierges, I Cor. 7, 25-35 ; 8, 36-40.
Premier répons.
R/. Au son des instruments de musique, la vierge Cécile adressait en son cœur un chant au seul Seigneur [1], disant : * Que mon cœur et mon corps soient purs, Seigneur, pour que je ne sois pas confondue. V/. Elle recommandait au Seigneur, par des prières et des jeûnes se prolongeant deux et trois jours, le trésor qu’elle craignait de perdre. * Que.
Deuxième répons.
R/. O bienheureuse Cécile, qui avez converti deux frères, triomphé du juge Almachius, * Et fait voir l’Évêque Urbain sous l’aspect d’un Ange. V/. Comme une abeille raisonnable et industrieuse, vous avez servi le Seigneur. * Et.
Troisième répons.
R/. Cette Vierge glorieuse portait toujours l’Évangile du Christ sur son cœur, et ne cessait ni jour ni nuit, * De s’entretenir avec Dieu et de prier. V/. Les mains étendues, elle priait le Seigneur, et son cœur brûlait d’un feu céleste. * De. Gloire au Père. * De.

Au deuxième nocturne.

Ant. 4 Seigneur Jésus-Christ, * qui êtes l’auteur des chastes pensées, recevez les fruits de la divine semence, que vous avez répandue dans le cœur de Cécile.
Ant. 5 La bienheureuse Cécile* dit à Tiburce : Aujourd’hui je vous reconnais pour mon allié, parce que l’amour de Dieu vous a fait mépriser les idoles.
Ant. 6 Faites, Seigneur,* que mon cœur et mon corps soient sans tache, afin que je ne sois pas confondue.

Quatrième leçon. La vierge Cécile, née à Rome de parents illustres, et élevée dès son enfance dans les principes de la foi chrétienne, consacra à Dieu sa virginité. Mais dans la suite, ayant été contrainte d’épouser Valérien, elle lui tint ce discours, le soir de ses noces : « Valérien, je suis placée sous la garde d’un Ange qui protège ma virginité : c’est pourquoi ne teniez rien à mon égard, de peur d’attirer sur vous la colère de Dieu. » Vivement ému de ces paroles, Valérien n’osa point s’approcher d’elle, il ajouta même qu’il croirait en Jésus-Christ, s’il voyait cet Ange. Cécile lui ayant répondu que cela n’était pas possible à moins qu’il n’eût reçu le baptême, il déclara, dans son ardent désir de voir l’Ange, qu’il voulait être baptisé. C’est pourquoi, d’après le conseil de la jeune vierge, il se rendit auprès du Pape Urbain qui, à cause de la persécution, se tenait caché parmi les tombeaux des Martyrs, sur la voie Appia, et il reçut le baptême de ses mains.
R/. Cécile avait dompté sa chair par le cilice, et imploré Dieu avec des gémissements : * Elle invitait Tiburce et Valérien à conquérir des couronnes. V/. Voici une Vierge sage, et du nombre des prudentes. * Elle.

Cinquième leçon. De retour auprès de Cécile, Valérien la trouva en prière, ayant à ses côtés un Ange resplendissant d’une clarté toute divine. Cette vue le frappa d’étonnement ; mais dès qu’il fut revenu de sa frayeur, il manda auprès de lui son frère Tiburce qui, ayant été instruit par Cécile dans la foi de Jésus-Christ et baptisé par le même Pape Urbain, mérita aussi de voir cet Ange que son frère avait vu. Peu de temps après, tous les deux souffrirent courageusement le martyre, sous le préfet Almachius. Celui-ci n’ayant pas tardé à donner l’ordre de s’emparer de Cécile, lui demanda tout d’abord où se trouvaient les richesses de Tiburce et de Valérien.
R/. Valérien trouva Cécile en prière dans sa chambre, et un Ange du Seigneur debout auprès d’elle : * En le voyant, il fut saisi d’une grande crainte. V/. L’Ange du Seigneur descendit du ciel, et la maison fut remplie de lumière. * En.

Sixième leçon. La vierge lui ayant répondu que toutes ses richesses avaient été distribuées aux pauvres, le préfet entra dans une si grande fureur, qu’il ordonna de la ramener chez elle, pour être brûlée dans la salle des bains. Elle y passa un jour et une nuit, sans ressentir aucunement les atteintes de la flamme. On envoya donc le bourreau qui, l’ayant frappée de trois coups de hache, et n’ayant pu lui trancher la tête, la laissa à moitié morte. Trois jours après, le dixième jour des calendes de décembre, sous l’empire d’Alexandre, son âme s’envola dans le ciel, parée de la double couronne du martyre et de la virginité. Le Pape Urbain inhuma lui-même son corps dans le cimetière de Calixte. On a fait de sa demeure une église consacrée sous son vocable. Son corps et ceux des Papes Urbain et Lucius, de Tiburce, de Valérien et de Maxime ont été transférés dans la Ville, par le souverain Pontife Pascal Ier, et déposés dans cette même église de sainte Cécile.
R/. Seigneur Jésus-Christ, bon pasteur, auteur des chastes pensées, recevez le fruit de la divine semence que vous avez répandue dans le cœur de Cécile : * Cécile, votre servante, vous sert comme une abeille raisonnable et industrieuse. V/. Car elle vous a envoyé, doux comme un agneau, l’époux qui était venu à elle, fier comme un lion. * Cécile. Gloire au Père. * Cécile.

Au troisième nocturne.

Ant. 7 Nous croyons que le Christ * Fils de Dieu, qui s’est choisi une telle servante, est le vrai Dieu.
Ant. 8 Nous qui connaissons * son saint nom, nous ne pouvons le renier en aucune manière.
Ant. 9 Valérien * s’en alla et reconnut saint Urbain, au signe qu’on lui avait donné.

Lecture du saint Évangile selon saint Matthieu.
En ce temps-là : En ce temps-là : Jésus dit à ses disciples cette parabole : Le royaume des cieux sera semblable à dix vierges qui, ayant pris leurs lampes, allèrent au-devant de l’époux et de l’épouse. Et le reste.

Homélie de saint Jean Chrysostome.

Septième leçon. Pourquoi, dans cette parabole, le Sauveur met-il en scène des vierges, et non pas indifféremment des personnes quelconques ? Il avait développé de grandes vérités au sujet de la virginité, en disant qu’il en est qui se rendent chastes à cause du royaume des cieux, et avait ajouté : « Que celui qui peut comprendre, comprenne. » II n’ignorait pas que la virginité obtient partout une grande estime ; cette vertu est en effet sublime de sa nature : ce qui le prouve, c’est que, dans l’Ancien Testament, elle n’était pas observée, même par les plus saints personnages, et qu’il ne nous en est pas fait une loi dans le Nouveau ; car Jésus-Christ ne l’a point prescrite, il a laissé les fidèles entièrement libres à cet égard. Aussi saint Paul disait-il : « Quant aux vierges, je n’ai pas reçu de commandement du Seigneur. » Il est vrai, je loue celui qui embrasse cet état ; mais je ne force en rien celui qui n’en veut pas, et je n’en fais pas une chose de précepte.
R/. La bienheureuse Cécile dit à Tiburce : Aujourd’hui je vous reconnais pour mon allié, parce que l’amour de Dieu vous a fait * Mépriser les idoles, V/. Car, de même que l’amour de Dieu a fait de votre frère mon époux, ainsi il vous a rendu mon allié. * Mépriser.

Huitième leçon. La virginité étant donc, et une grande chose et une chose généralement fort estimée, on aurait pu penser que cette seule vertu remplaçait toutes les autres, et, dès lors, négliger celles-ci ; c’est afin de prévenir une telle illusion que le Sauveur propose cette parabole, bien propre à nous persuader que la virginité, quand même elle serait accompagnée des autres vertus, est rejetée comme l’impureté, si les œuvres de miséricorde lui font défaut. Le Christ met sur le même rang que l’impudique, l’homme inhumain et dénué de miséricorde. L’un et l’autre sont subjugués par la passion ; mais celle qui entraine le premier est plus impérieuse que celle qui domine le second. Aussi, plus l’ennemi qui attaque ces vierges est faible, plus elles sont coupables de se laisser vaincre. C’est précisément pour cela que l’Évangile les appelle folles ; car, étant sorties victorieuses du plus rude combat, elles ont tout perdu quand le triomphe leur était plus facile.
R/. Cécile m’a envoyé vers vous, afin que vous me montriez le saint Évêque : * Car j’ai des secrets à lui communiquer. V/. Alors Valérien poursuivit sa route, et reconnut saint Urbain au signe qu’on lui avait donné. * Car. Gloire au Père. * Car.

Neuvième leçon. Les lampes désignent ici le don même de la virginité, la pureté de la vie ; et l’huile symbolise la bienfaisance, l’aumône, le secours prodigué aux indigents. « Or, l’époux tardant à venir, elles s’assoupirent toutes, et s’endormirent. » Le Sauveur fait entendre qu’il dut s’écouler un temps considérable, pour ôter à ses disciples l’idée que son règne arriverait bientôt. Ils en nourrissaient l’espoir, aussi Jésus en revient-il souvent à leur enlever cette illusion. En outre, il présente la mort comme un sommeil : « Elles s’endormirent, » dit-il. « Mais au milieu de la nuit, un cri s’éleva. » Ou bien ceci est ajouté à la parabole, ou bien il veut montrer que la résurrection générale aura lieu pendant la nuit. Le cri, saint Paul en fait aussi mention quand il dit : « Sur l’ordre donné, à la voix de l’Archange et au son de la trompette, il descendra du ciel »

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

Cécile unit dans ses veines au sang des rois celui des héros qui firent la Ville éternelle. Au moment où retentit dans le monde la trompette évangélique, plus d’une famille de l’ancien patriciat ne se survivait plus dans une descendance directe. Mais les adoptions et les alliances qui, sous la République, avaient serré les liens des grandes familles en les rattachant toutes aux plus illustres d’entre elles, formaient de la gloire de chacune un fonds commun qui, jusque dans les siècles de la décadence républicaine, se transmettait intact et constituait l’apanage des survivants de l’aristocratie.

Or il est aujourd’hui démontré, par l’irréfragable témoignage des monuments, que le christianisme dès l’abord s’assimila cette gloire, en faisant siens ses héritiers ; que les premières assises de la Rome des Pontifes, merveilleux dessein de la Providence ! furent ces derniers représentants de la République, conservés tout exprès pour donner aux deux phases de l’histoire romaine l’unité puissante qui est le cachet des œuvres divines. Rapprochés autrefois par un même patriotisme, les Cornelii, les Aemilii, comme eux héritiers des Fabii, les Cœcilii, les Valerii,les Sergii, les Furii, les Claudii, Pomponii, Plautii, Acilii, premiers-nés de l’Église des gentils, virent se resserrer encore au sein du christianisme les liens formés sous la République, et constituèrent, dès le premier et le second siècle de la prédication évangélique, l’indissoluble et noble réseau de la nouvelle société romaine. Puis sur ce tronc vigoureux toujours de la vieille aristocratie vinrent se greffer dans les mêmes siècles, et sous l’influence de la religion que Pierre et Paul avaient prêchée, les membres les plus méritants des nouvelles familles impériales ou consulaires, dignes par leurs vertus vraiment romaines au sein de la dépravation générale, d’être appelés à renforcer les rangs trop éclaircis des fondateurs 4e Rome, et à combler sans brusque transition les vides faits par le temps dans les familles du vrai patriciat. Ainsi Rome poursuivait elle ses destinées ; ainsi l’édification de la Ville éternelle allait s’achevant par ces mêmes hommes qui l’avaient autrefois, dans leur sang et leur génie, constituée forte et puissante sur les sept collines.

Représentante légitime de cette aristocratie sans pareille au monde, Cécile, la plus belle des fleurs de la vieille tige, en fut aussi comme la dernière. Le deuxième siècle de l’ère chrétienne était sur son déclin ; le troisième qui, des mains de l’africain Septime Sévère, allait voir l’empire passer successivement aux Orientaux et aux barbares des rives du Danube, devait être, on le conçoit, peu favorable à la conservation des vieux restes de la noblesse d’antan ; et l’on peut dire que c’en est fait alors de la vraie société romaine, parce qu’alors, sauf de rares et individuelles exceptions, il ne reste plus de romain que le nom, vaine parure d’affranchis et d’hommes nouveaux qui, sous des princes dignes d’eux, exploitent le monde au gré de leurs vices.

Cécile est donc bien apparue à son heure, personnifiant avec une incomparable dignité la société qui va disparaître, son œuvre accomplie. Dans sa force et dans sa beauté, royalement ornée de la pourpre du martyre, c’est l’antique Rome s’élevant aux cieux glorieuse et fière, en face des césars parvenus dont la médiocrité jalouse achève par son immolation, sans en avoir conscience, l’exécution du plan divin. Ce sang des rois et des héros qui s’épanche à flots de sa triple blessure, est la libation du vieux patriciat au Christ vainqueur, à la Trinité dominatrice des nations ; c’est la consécration suprême qui nous révèle dans son étendue la vocation sublime des fortes races appelées à fonder Rome éternelle.

Mais qu’on ne croie pas que la fête de ce jour limite son objet à exciter en nous une admiration théorique et stérile [2]. L’Église reconnaît et honore dans sainte Cécile trois caractères dont la réunion la distingue souverainement au sein de cette admirable famille des Bienheureux qui resplendit au ciel, et en fait descendre les grâces et les exemples. Ces trois caractères sont : la virginité, le zèle apostolique, le courage surhumain qui lui a fait braver la mort et les supplices ; triple enseignement que nous apporte cette seule histoire chrétienne.

Dans ce siècle aveuglément asservi au culte du sensualisme, n’est-il pas temps de protester par les fortes leçons de notre foi contre un entraînement auquel échappent à peine les enfants de la promesse ? Depuis la chute de l’empire romain, vit-on jamais les mœurs, et avec elles la famille et la société, aussi gravement menacées ? La littérature, les arts, le luxe n’ont d’autre but, depuis longues années, que de proposer la jouissance physique comme l’unique terme de la destinée de l’homme ; et la société compte déjà un nombre immense de ses membres qui ne vivent plus que par les sens. Mais aussi malheur au jour où, pour être sauvée, elle croirait pouvoir compter sur leur énergie ! L’empire romain essaya aussi, et à plusieurs reprises, de soulever le fardeau de l’invasion ; il retomba sur lui-même et ne se releva plus.

Oui ; la famille elle-même, la famille surtout est menacée. Contre la reconnaissance légale, disons mieux, l’encouragement du divorce, il est temps qu’elle songe à sa défense. Elle n’y arrivera que par un seul moyen : en se réformant elle-même, en se régénérant d’après la loi de Dieu, en redevenant sérieuse et chrétienne. Que le mariage soit en honneur, avec toutes les chastes conséquences qu’il entraîne ; qu’il cesse d’être un jeu, ou une spéculation ; que la paternité et la maternité ne soient plus un calcul, mais un devoir sévère ; bientôt, par la famille, la cité et la nation auront repris leur dignité et leur vigueur.

Mais le mariage ne remontera à cette élévation qu’autant que les hommes apprécieront l’élément supérieur sans lequel la nature humaine n’est tout entière qu’une ignoble ruine ; cet élément céleste est la continence. Sans doute, tous ne sont pas appelés à l’embrasser dans sa notion absolue ; mais tous lui doivent hommage, sous peine d’être livrés au sens réprouvé, comme parle l’Apôtre [3].

C’est la continence qui révèle à l’homme le secret de sa dignité, qui trempe son âme pour tous les genres de dévouement, qui assainit son cœur, et relève son être tout entier. Elle est le point culminant delà beauté morale dans l’individu, et en même temps le grand ressort de la société humaine. Pour en avoir éteint le sentiment, l’ancien monde s’en allait en dissolution ; lorsque le fils de la Vierge parut sur la terre, il renouvela et sanctionna ce principe sauveur, et les destinées de la race humaine prirent un nouvel essor.

Les enfants de l’Église, s’ils méritent ce nom, goûtent cette doctrine, et elle n’a rien qui les étonne. Les oracles du Sauveur et de ses Apôtres leur ont tout révélé, et les annales de la foi qu’ils professent leur montrent en action, à chaque page, cette vertu féconde à laquelle tous les degrés de la vie chrétienne doivent participer, chacun dans sa mesure. Sainte Cécile n’offre à leur admiration qu’un exemple de plus. Mais la leçon est éclatante, et tous les siècles chrétiens l’ont célébrée. Que de vertus Cécile a inspirées, que de courages elle a soutenus, que de faiblesses son souvenir a prévenues ou réparées ! Car telle est la puissance de moralisation que le Seigneur a placée dans ses saints, qu’ils n’influent pas seulement par l’imitation directe de leurs héroïques vertus, mais aussi par les inductions que chaque fidèle est à même d’en tirer pour sa situation particulière.

Le second caractère que présente à étudier la vie de sainte Cécile est cette ardeur de zèle dont elle est demeurée l’un des plus admirables modèles, et nous ne doutons pas que sous ce rapport encore la leçon ne soit de nature à produire d’utiles impressions. L’insensibilité au mal dont nous n’avons pas à répondre personnellement, dont les résultats ne sont pas en voie de nous atteindre, est un des traits de l’époque ; on convient que tout s’en va, on assiste à la décomposition universelle, et l’on ne songe pas à tendre la main à son voisin pour l’arracher au naufrage. Où en serions-nous aujourd’hui, si le cœur des premiers chrétiens eût été aussi glacé que le nôtre ; s’il n’eût été pris de cette immense pitié, de cet inépuisable amour qui leur défendit de désespérer du monde, au sein duquel Dieu les avait déposés pour être le sel de la terre [4] ? Chacun alors se sentait comptable sans mesure du don qu’il avait reçu. Fût-il libre ou esclave, connu ou inconnu, tout homme était l’objet d’un dévouement sans bornes pour ces cœurs que la charité du Christ remplissait. Qu’on lise les Actes des Apôtres et leurs Épîtres, on apprendra sur quelle immense échelle fonctionnait l’apostolat dans ces premiers jours ; et l’ardeur de ce zèle fut longtemps sans se refroidir. Aussi les païens disaient : « Voyez comme ils s’aiment ! » Et comment ne se fussent-ils pas aimés ? Dans l’ordre de la foi, ils étaient fils les uns des autres.

Quelle tendresse maternelle Cécile ressentait pour les âmes de ses frères, par cela seul qu’elle était chrétienne ! A la suite de son nom, nous pourrions en enregistrer mille autres qui attestent que la conquête du monde par le christianisme et sa délivrance du joug des dépravations païennes, ne sont dues qu’à ces actes de dévouement opérés sur mille points à la fois, et produisant enfin le renouvellement universel. Imitons du moins en quelque chose ces exemples auxquels nous devons tout. Perdons moins de temps et d’éloquence à gémir sur des maux trop réels. Que chacun se mette à l’œuvre, et qu’il gagne un de ses frères-bientôt le nombre des fidèles aura dépassé celui des incroyants. Sans doute, ce zèle n’est pas éteint, il opère dans plusieurs, et ses fruits réjouissent et consolent l’Église ; mais pourquoi faut-il qu’il sommeille si profondément dans un si grand nombre de cœurs que Dieu lui avait préparés !

La cause en est, hélas ! à la froideur générale, produit de la mollesse des mœurs, et qui donnerait à elle seule le type de l’époque, s’il ne fallait encore y joindre un autre sentiment qui procède de la même source, et suffirait, s’il était de longue durée, à rendre incurable l’abaissement d’une nation. Ce sentiment est la peur, et l’on peut dire qu’il s’étend aujourd’hui aussi loin qu’il est possible. Peur de perdre ses biens ou ses places ; peur de perdre son luxe ou ses aises ; peur enfin de perdre la vie. Il n’est pas besoin de dire que rien n’est plus énervant, et partant plus dangereux pour ce monde, que cette humiliante préoccupation ; mais avant tout, il faut convenir qu’elle n’a rien de chrétien. Aurions-nous oublié que nous ne sommes que voyageurs sur cette terre, et l’espérance des biens futurs serait-elle donc éteinte dans nos cœurs ? Cécile nous apprendra comment on se défait du sentiment de la peur. Au temps où elle vécut, la vie était moins sûre qu’aujourd’hui. Alors on pouvait bien avoir quelque raison de craindre ; cependant on était ferme, et les puissants tremblèrent souvent à la voix de leur victime.

Dieu sait ce qu’il nous réserve ; mais si bientôt la peur ne faisait place à un sentiment plus digne de l’homme et du chrétien, la crise politique ne tarderait pas à dévorer toutes les existences particulières. Quoi qu’il arrive, l’heure est venue de rapprendre notre histoire. La leçon ne sera pas perdue, si nous arrivons à comprendre ceci : avec la peur, les premiers chrétiens nous eussent trahis, car la Parole de vie ne fût pas arrivée jusqu’à nous ; avec la peur, nous trahirions les générations à venir qui attendent de nous la transmission du dépôt que nous avons reçu de nos pères (1).

La Passio sanctœ Cœciliæ est indiquée par les plus anciens textes [5] au 16 septembre, et elle eut lieu sous Marc-Aurèle et Commode empereurs [6]. La grande fête du 22 novembre, précédée de sa Vigile, était l’une des plus solennelles du Cycle romain ; elle rappelait aux habitants des sept collines la dédicace de l’église élevée sur l’emplacement du palais consacré par le sang de la descendante des Metelli, et légué par Cécile mourante à l’évêque Urbain, représentant du Souverain Pontife Éleuthère. Urbain, confondu plus tard avec le Pape du même nom qui gouverna l’Église de Dieu au temps d’Alexandre Sévère, amena les légendaires à retarder d’un demi-siècle le martyre de la Sainte, comme on le voit encore aujourd’hui dans les leçons historiques du jour.

Selon toute vraisemblance, ce fut en l’année 178 que Cécile rejoignit Valérien au ciel d’où l’Ange du Seigneur était descendu peu de mois auparavant, dans la nuit des noces, apportant aux deux époux les couronnes où s’entrelaçaient les lis et les roses. Ensevelie par Urbain telle que l’avait laissée la mort, elle vit au commencement du siècle suivant la crypte de famille qui l’abritait donnée par les siens à l’Église romaine, et disposée pour la sépulture des Pontifes de cette Église maîtresse et mère. Paschal Ier la retrouvait près de ces tombes augustes au IX° siècle, et la ramenait triomphalement, le VIII mai 822, à sa maison du Transtévère qu’elle ne devait plus quitter désormais.

Le 20 octobre 1599, des travaux nécessités par la restauration de la basilique faisaient de nouveau reparaître Cécile aux yeux émerveillés de la Ville et du monde. Elle était revêtue de sa robe brochée d’or, sur laquelle on distinguait encore les traces glorieuses de son sang virginal ; à ses pieds reposaient les linges teints de la pourpre de son martyre. Étendue sur le côté droit, les bras affaissés en avant du corps, elle semblait dormir profondément. Le cou portait encore les cicatrices des plaies dont le glaive du licteur l’avait sillonné ; la tête, par une inflexion mystérieuse et touchante, était retournée vers le fond du cercueil. Le corps se trouvait dans une complète intégrité, et la pose générale, conservée par un prodige unique, après tant de siècles, dans toute sa grâce et sa modestie, retraçait avec la plus saisissante vérité Cécile rendant le dernier soupir, étendue sur le pavé de la salle du bain. On se croyait reporté au jour où le saint évêque Urbain avait renfermé dans l’arche de cyprès le corps de Cécile, sans altérer en rien l’attitude que l’épouse du Christ avait choisie pour exhaler son âme dans le sein de son Époux. On admirait aussi la discrétion de Paschal qui n’avait point troublé le repos de la vierge, et avait su conserver à la postérité un si grand spectacle [7].

Sfondrate, l’heureux cardinal-titulaire de Sainte-Cécile qui dirigeait les travaux, retrouva en outre dans la chapelle dite du Bain l’hypocauste et les soupiraux du sudatorium où la Sainte passa un jour et une nuit au milieu des vapeurs embrasées. De nouvelles fouilles entreprises récemment, et qui se poursuivent au moment où nous écrivons ces lignes, ont mis à jour d’autres restes de la patricienne demeure, que leur style doit faire reporter aux temps reculés de la République.

Tout l’ensemble des Antiennes et des Répons du 22 novembre (Voir les Matines) est emprunté aux Actes de la Sainte, et il reste le même après treize siècles qu’au temps de saint Grégoire. Nous en détachons quelques parties de nature à compléter le récit qui précède. La vierge nous y est tout d’abord montrée chantant à Dieu dans son cœur, au milieu des profanes accords du festin nuptial : silencieuse mélodie, supérieure à tous les concerts de la terre, qui inspira l’heureuse idée de représenter Cécile avec les attributs de la Reine de l’harmonie, et de l’acclamer comme la patronne du plus séduisant des arts.

Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

Selon le martyrologe hiéronymien, le natale et passio sanctae Caeciliae tomberait le 16 septembre. Mais, comme ce jour est déjà occupé par les fêtes des saints Corneille et Cyprien et de la vierge Euphémie de Chalcédoine, l’usage s’établit de bonne heure d’en renvoyer la solennité au 22 novembre, jour anniversaire de la dédicace du titulus Caeciliae au Transtévère. Tel est l’état liturgique révélé pour Rome par le Sacramentaire Léonien où, le 22 novembre, sous ce titre : in natali sanctae Caeciliae, nous trouvons cinq différents textes de messes. Une si grande richesse et une telle magnificence de formules témoignent de la faveur dont jouissait le culte de la martyre à Rome, où, au Ve siècle, le Pape lui-même célébrait en ce jour la messe stationnale dans la basilique du Transtévère. Cette indication locale nous est attestée par le biographe du pape Vigile dans le Liber Pontificalis, qui décrit la capture du Pontife par les soldats de Justinien, à l’occasion de l’affaire des Trois Chapitres, au moment même où Vigile, le 22 novembre 538, célébrait la synaxe stationnale dans le Titulus Caeciliae, à proximité de la rive du Tibre.
Le Pape fut donc entraîné dans une barque ; mais comme, après la Communion, il n’avait pas encore récité la dernière formule de bénédiction ou oratio super populum, les fidèles protestèrent bruyamment, demandant qu’on donnât au moins au Pontife le temps de laisser à Rome sa bénédiction. Il fallut bien y consentir, et Vigile récita, de la barque même, l’oratio super populum qui était réclamée ; après quoi, les fidèles ayant répondu amen, les rameurs commencèrent à voguer, et la barque s’éloigna rapidement du rivage.

Le titulus Caeciliae, érigé dans la maison de Valérien, où Cécile souffrit le martyre, apparaît dans les listes des titres romains en 499. Il s’élève sur une antique domus romaine, et à cet égard les actes de sainte Cécile ont trouvé, dans les fouilles exécutées sous le pavement de la basilique, une imposante confirmation topographique. La date du martyre de sainte Cécile est encore sujette à controverse, mais nous croyons qu’on peut l’assigner à la fin du IIIe siècle, du fait que le titre transtévérin fut appelé de son nom et qu’à Rome on en célébrait la dédicace le 22 novembre.
La dépouille ensanglantée de la martyre fut primitivement déposée dans le cimetière de Callixte, près de la crypte papale ; mais en 821 Paschal Ier la transporta dans la basilique du Transtévère, où, maintenant encore, on la vénère à côté de celles de Valérien, époux de Cécile, et de Tiburce, frère de Valérien, convertis par elle à la foi. En 1599 on fit la reconnaissance du corps de Cécile et on le trouva desséché mais intact e.t vêtu ; à ses pieds étaient plies les linges qui avaient servi jadis à recueillir son sang durant les dernières heures de sa terrible agonie.

La première lecture est empruntée à l’Ecclésiastique (Eccli. 51, 13-17.), et fait allusion au titulus où Cécile subit le martyre. « Seigneur, dit la martyre, vous avez glorifié mon habitation terrestre, alors que, dans l’épreuve et le danger suprême, je vous ai invoqué. J’élevai alors vers vous mon cri, et vous m’avez retirée du milieu des impies, en sorte que mon âme s’est échappée d’entre leurs mains. En leur pouvoir ne demeura, semblable à un vêtement inutile, que ma froide dépouille mortelle. »
« Dico autem vobis amicis meis ne terreamini ab his qui occidunt corpus et post haec non habent amplius quod faciant », ajoute le saint Évangile : « Je vous dis donc à vous, qui êtes Mes amis : Ne craignez point ceux qui tuent le corps, et qui, après cela, ne peuvent rien faire de plus. » (Luc 12,4)

Le graduel est tiré du psaume 44 qui traite du chaste hyménée entre le Christ-Messie et l’Église.

V/. Écoutez, ma fille, voyez et prêtez l’oreille, car le roi s’est épris de votre beauté.V/. Avec votre gloire et votre majesté, avancez, marchez victorieusement et régnez.

On ne recommandera jamais trop aux âmes consacrées au Seigneur le recueillement et la générosité. Pour entendre l’appel de l’Époux, il est nécessaire de prêter l’oreille, faisant taire toute autre chose alentour. Mais il ne suffit pas d’entendre seulement l’inspiration divine, il faut aussi la seconder, et c’est pourquoi le Psalmiste dit : Audi, filia, et vide, et inclina aurem tuam, Écoutez, ma fille, voyez et prêtez l’oreille. C’est de ce verset même du psaume 44 que, au VIème siècle, saint Benoît, le patriarche des moines d’Occident, est parti pour dessiner, en soixante-douze chapitres, la Règle de la vie monastique : Obsculta, o fili, praecepta Magistri, et inclina aurem cordis tui, Écoutez, o fils, les préceptes du Maître voyez et prêtez l’oreille de votre cœur.

Secrète : « Nous vous en supplions, Seigneur, faites que votre bienheureuse Vierge et Martyre Cécile intercédant pour nous, cette hostie de propitiation et de louange nous rende toujours dignes de votre miséricorde. »
Nous trouvons indiquées dans cette collecte les fins principales pour lesquelles on offre le Sacrifice eucharistique. Celui-ci est avant tout une oblation placationis, c’est-à-dire ayant vraiment pour effet de satisfaire à la justice de Dieu, et laudis, c’est-à-dire un vrai et parfait sacrifice d’adoration. Il nous rend de plus en plus dignes de la divine propitiation, ce qui revient à dire qu’il possède une valeur propitiatoire et impétratoire souveraine, égale à la valeur et à la dignité de la Victime immolée.

Dans l’inscription métrique dont Paschal Ier accompagna sa mosaïque absidale du titulus Caeciliae, les vers suivants méritent d’être signalés :

AVREA • GEMMATIS • RESONANT • HAEC • DINDIMA • TEMPLI
LAETVS • AMORE • DEI • HIC • CONIVNXIT • CORPORA • SANCTA
CAECILIAE • ET • SOCIIS • RVTILAT • HIC • FLORE • IVVENTVS
QVAE • PRIDEM • IN • CRYPTIS • PAVSABANT • MEMBRA • BEATA
ROMA • RESVLTAT • OVANS • SEMPER • ORNATA • PER • AEVVM

Il resplendit d’or et de pierres précieuses, l’intérieur du temple
où (Paschal Ier) embrasé du divin amour réunit les saints corps
de Cécile et de ses compagnons, tels des fleurs d’une splendide jeunesse.
Leurs membres sacrés reposaient naguère dans l’obscurité des cryptes,
mais maintenant Rome s’en pare et elle s’en réjouit à travers les siècles.

Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique

Sainte Cécile, “L’épouse de Dieu ”

Sainte Cécile est l’une des vierges martyres les plus honorées par la primitive Église Romaine (son nom figure au canon de la messe). Dès le IVe siècle, Rome possédait l’église Sainte Cécile au Transtevere, où reposent aujourd’hui ses restes. Elle fut martyrisée au temps de l’empereur Alexandre Sévère, en 230 environ. En 1599, on ouvrit son tombeau et l’on trouva le corps de la sainte dans un cercueil de cyprès. Le corps y était couché intact, comme si l’âme s’en était envolée à l’instant. Étienne Maderna, qui le vit plus d’une fois, en a sculpté une statue d’après nature. — Sainte Cécile est honorée depuis le Moyen Age comme patronne de la musique religieuse, ce qui provient d’une fausse interprétation d’un passage de son office (cantantibus organis). L’office très poétique du bréviaire comporte des antiennes et répons historiques dont le texte est emprunté au récit du martyre de la sainte.

Vie de la sainte d’après les antiennes et répons du bréviaire et l’antique “Passio” : Sainte Cécile mena une vie de prière et de contemplation. “La glorieuse vierge portait toujours l’Évangile du Christ sur sa poitrine et ne cessait ni jour ni nuit de s’entretenir avec Dieu et de le prier ; elle priait le Seigneur les mains levées vers lui et son cœur brûlait du feu céleste” (3e répons). Sous ses vêtements elle portait un cilice : “Elle domptait ses membres avec un cilice et implorait Dieu avec gémissements” (4e répons). Elle avait fait le vœu de virginité. Un jeune homme, nommé Valérien, espérait, avec l’assentiment de ses parents, pouvoir l’épouser. Tout était prêt pour le mariage ; “tandis que les instruments de musique jouaient, Cécile chantait dans son cœur au Seigneur : Gardez mon cœur immaculé afin que je ne sois pas confondue” (Ps. 118, 80). “Pendant les deux ou trois derniers jours elle pria en jeûnant et confia au Seigneur les craintes de son cœur” (1er répons). La nuit des noces approchant, elle confia un secret à Valérien : “Il y a un secret que je veux te dire : Un ange de Dieu m’aime, qui garde mon corps avec un grand soin” (Ant. de Magn. aux 1ères vêpres). Valérien promit qu’il croirait au Christ s’il pouvait voir cet ange. Cécile lui expliqua que c’était impossible tant qu’il ne serait pas baptisé. Valérien se déclara prêt à recevoir le baptême. Cécile l’envoya avec un signe de reconnaissance au pape Urbain qui se tenait caché dans les catacombes. Valérien rencontra les pauvres, les protégés des saints : “Cécile m’envoie à vous afin que vous me montriez le saint évêque ; j’ai à lui faire part d’un secret. Alors Valérien continua son chemin et, à l’aide du signe qu’il avait reçu, il trouva saint Urbain” (8e répons). Le pape remercia Dieu à genoux de la semence qui portait maintenant ses fruits en Cécile : “Seigneur Jésus-Christ, bon Pasteur, semeur d’un chaste dessein, recevez les fruits de la semence que vous avez semée en Cécile. Votre servante Cécile vous sert, telle une laborieuse abeille ; car, l’époux qu’elle a reçu comme un lion féroce, elle l’a conduit à vous comme un doux agneau” (6e répons). Puis il baptisa Valérien. Lorsque celui-ci fut de retour, “il trouva Cécile en prière dans sa chambre et l’ange du Seigneur debout à côté d’elle. A sa vue, Valérien fut saisi d’une grande frayeur” (5e répons). L’ange leur présenta à tous deux une couronne de roses, rouges comme le feu et blanches comme la neige, venant du paradis, en récompense de leur amour pour la chasteté, couronne qui ne doit pas connaître la souillure et qui n’est visible qu’aux amants de la chasteté. Valérien put alors exprimer un souhait en demandant à l’ange de l’exaucer : il demanda la conversion de son frère Tiburce. Lorsque Tiburce se présenta pour offrir ses vœux aux nouveaux époux, il fut frappé par un parfum inexplicable de roses et de lis. Il en apprit le motif et se fit également baptiser. “Sainte Cécile dit à Tiburce : Je te reconnais aujourd’hui pour mon beau-frère, car l’amour de Dieu t’a fait mépriser les idoles ; de même que l’amour de Dieu m’a donné ton frère pour époux, ainsi il t’a donné à moi comme beau-frère” (7e répons). Le préfet Almachius apprit alors la conversion des deux frères et les fit arrêter et amener dans l’espoir qu’ils sacrifieraient à Jupiter. Leur martyre fut encore précédé de la conversion de Maxime et de sa famille, qui furent baptisés dans la nuit. Le matin, Cécile invita les deux frères à combattre héroïquement pour le Christ : “quand l’aurore toucha à sa fin, Cécile s’écria : Courage, soldats du Christ, rejetez les vêtements des ténèbres et revêtez-vous de l’armure de lumière” (le choix de cette antienne de Benedictus est typique ; elle s’adresse aussi à nous dans la bouche des saints). Alors le préfet instrumenta contre Cécile ; ses biens furent confisques ; mais les soldats eux aussi se convertirent : “Nous croyons que le Christ est vraiment le Fils de Dieu, lui qui s’est choisi une pareille servante” (Ant.). Conduite devant le préfet, elle confessa le Christ : “Nous confessons son saint nom et nous ne le renions pas” (Ant.). Pour éviter tout scandale, le préfet donna l’ordre de l’ébouillanter dans un bain ; elle en sortit intacte : “Je vous remercie, Père de mon Seigneur Jésus-Christ, de ce que par votre Fils vous avez éteint le feu autour de moi” (Ant.). Il fallut la décapiter. Le bourreau lui donna trois coups (un quatrième n’était pas permis par la loi) et la laissa, baignant dans son sang. Elle vécut encore trois jours, encourageant les malheureux, et consacra sa maison comme église au service de Dieu : “J’ai demandé au Seigneur trois jours de répit pour consacrer ma maison à l’usage d’église” (Ant.).

[1] Ce passage des Actes de Ste Cécile, le seul sur lequel soit fondé le culte spécial que lui rendent les musiciens, signifie que, pendant la cérémonie de ses noces, qui était accompagnée du son des instruments, selon l’usage de toute l’antiquité, la vierge chrétienne demandait à Dieu, en se servant des paroles du Psalmiste, de préserver son cœur et ses sens des atteintes de l’amour profane.

[2] Les lignes qui précèdent résument la pensée de notre illustre Père et Maître, en Sainte Cécile et la Société romaine aux deux premiers siècles (Didot, 1874) ; nous ne croyons pouvoir mieux faire que d’emprunter textuellement ce qui suit à la Préface, toujours, hélas ! si actuelle, de sa première Histoire de sainte Cécile, Vierge romaine et Martyre (Lecoffre, 1849).

[3] Rom. 1, 28.

[4] Matth. 5, 13.

[5] Martyrologe hiéronymien.

[6] Actes primitifs.

[7] Dom Guéranger. Sainte Cécile et la Société rom., p. 496 (édition Didot).