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16/07 Notre-Dame du Mont-Carmel

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Sommaire

  Textes de la Messe  
  Office  
  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Bhx cardinal Schuster, Liber Sacramentorum  
  Dom Pius Parsch, Le guide dans l’année liturgique  

Cette commémoraison fut instituée par les Carmes vers 1380.

Sixte-Quint approuva la fête pour tout l’ordre du Carmel en 1578. Elle s’étendit aux États espagnol, autrichiens et portugais au XVIIe siècle.

Benoît XIII l’inscrivit au calendrier romain en 1726 comme double-majeur. Jean XXIII la réduisit au rang de simple commémoraison en 1960.

Textes de la Messe

die 16 Iulii
le 16 juillet
BEATÆ MARIÆ VIRGINIS DE MONTE CARMEL
NOTRE-DAME DU MONT-CARMEL
Commemoratio (ante CR 1960 : duplex maius)
Commémoraison (avant 1960 : double majeur)
Rubrique après 1960 :
Si commemoration B. Mariæ Virg. de Monte Carmelo venerit in Sabbato, Missa dici potest aut de sancta Maria in Sabbato, aut propria de Commemoration B. Mariæ Virg. de Monte Carmelo.Si la Commémoraison de N.-D. du Mont-Carmel tombe un samedi, on peut dire soit la messe de la sainte Vierge au Samedi soit la messe propre de la commémoraison de N.-D. du Mont-Carmel.
Ant. ad Introitum.Introït
Gaudeámus omnes in Dómino, diem festum celebrántes sub honóre beátæ Maríæ Vírginis, de cuius solemnitáte gaudent Angeli et colláudant Fílium Dei.Réjouissons-nous ensemble dans le Seigneur, car la fête que nous célébrons aujourd’hui est celle de la bienheureuse Vierge Marie. Cette solennité réjouit les Anges et tous en chœur louent le Fils de Dieu.
Ps. 44, 2.
Eructávit cor meum verbum bonum ; dico ego opéra mea Regi.De mon cœur a jailli une parole excellente, c’est que je consacre mes œuvres à mon Roi.
V/. Glória Patri.
Rubrique après 1960 :
In Missis votivis :Aux Messes votives :
Ant. ad Introitum. Sedulius.Introït
Salve, sancta Parens, eníxa puérpera Regem : qui cælum terrámque regit in sǽcula sæculórum.Salut, ô Mère sainte ; mère qui avez enfanté le Roi qui régit le ciel et la terre dans les siècles des siècles.
Ps. 44, 2.
Eructávit cor meum verbum bonum : dico ego ópera mea Regi.De mon cœur a jailli une parole excellente, c’est que je consacre mes œuvres à mon Roi.
V/. Glória Patri.
Oratio.Collecte
Deus, qui beatíssimæ semper Vírginis et Genetrícis tuæ Maríæ singulári título Carméli órdinem decorásti : concéde propítius ; ut, cuius hódie Commemoratiónem sollémni celebrámus offício, eius muníti præsídiis, ad gáudia sempitérna perveníre mereámur : Qui vivis.Dieu, vous orné l’Ordre du Carmel du titre particulier de la bienheureuse Marie toujours Vierge et votre Mère : accordez-nous, dans votre bonté, que, soutenus de la protection de celle dont nous honorons aujourd’hui solennellement la mémoire, nous méritions de parvenir aux joies éternelles.
Léctio libri Sapiéntiæ.Lecture du Livre de la Sagesse.
Eccli. 24, 23-31.
Ego quasi vitis fructificávi suavitátem odóris : et flores mei fructus honóris et honestátis. Ego mater pulchræ dilectiónis et timóris et agnitiónis et sanctæ spei. In me grátia omnis viæ et veritátis : in me omnis spes vitæ et virtútis. Transíte ad me, omnes qui concupíscitis me, et a generatiónibus meis implémini. Spíritus enim meus super mel dulcis, et heréditas mea super mel et favum. Memória mea in generatiónes sæculórum. Qui edunt me, adhuc esúrient : et qui bibunt me, adhuc sítient. Qui audit me, non confundétur : et qui operántur in me, non peccábunt. Qui elúcidant me, vitam ætérnam habébunt.Comme la vigne j’ai poussé des fleurs d’une agréable odeur, et mes fleurs donnent des fruits de gloire et d’abondance. Je suis la mère du bel amour, de la crainte, de la science et de la sainte espérance. En moi est toute la grâce de la voie et de la vérité ; en moi est toute l’espérance de la vie et de la vertu. Venez à moi, vous tous qui me désirez, et rassasiez-vous de mes fruits ; car mon esprit est plus doux que le miel, et mon héritage plus suave que le rayon de miel. Ma mémoire passera dans la suite des siècles. Ceux qui me mangent auront encore faim, et ceux qui me boivent auront encore soif. Celui qui m’écoute ne sera pas confondu, et ceux qui agissent par moi ne pécheront point. Ceux qui me mettent en lumière auront la vie éternelle.
Graduale. Graduel
Benedícta et venerábilis es, Virgo María : quæ sine tactu pudóris invénia es Mater Salvatóris.Vous êtes bénie et digne de vénération, Vierge Marie, qui avez été mère du Sauveur, sans que votre pureté ait subi d’atteinte.
V/. Virgo, Dei Génetrix, quem totus non capit orbis, in tua se clausit víscera factus homo.V/. Vierge, Mère de Dieu, Celui que tout l’univers ne peut contenir, s’est enfermé dans votre sein en se faisant homme.
Allelúia, allelúia. V/. Per te, Dei Génetrix, nobis est vita pérdita data : quæ de cælo suscepísti prolem, et mundo genuísti Salvatórem. Allelúia.Allelúia, allelúia. V/. Par vous, ô Mère de Dieu, nous a été rendue la vie que nous avions perdue ; vous qui avez reçu du ciel un rejeton, et qui avez mis au monde le Sauveur. Alléluia.
In missis votivis post Septuagesimam, ommissis Allelúia et versu sequenti, diciturAux messes votives après la Septuagésime, on omet l’Alléluia et son verset et on dit :
Tractus.Trait
Gaude, María Virgo, cunctas hǽreses sola interemísti.Réjouissez-vous, Vierge Marie, vous avez anéanti à vous seule toutes les hérésies.
V/. Quæ Gabriélis Archángeli dictis credidísti.V/. Car vous avez cru à la parole de l’Archange Gabriel.
V/. Dum Virgo Deum et hóminem genuísti : et post partum, Virgo, invioláta permansísti.V/. Car, étant Vierge vous avez enfanté l’Homme-Dieu : et après avoir été mère, vous êtes restée Vierge inviolée.
V/. Dei Génetrix, intercéde pro nobis.V/. Mère de Dieu, intercédez pour nous.
Tempore paschali omittitur graduale, et eius loco dicitur :Pendant le temps pascal, on omet le graduel et à sa place on dit :
Allelúia, allelúia. V/. Num. 17, 8. Virga Iesse flóruit : Virgo Deum et hóminem génuit : pacem Deus réddidit, in se reconcílians ima summis.Allelúia, allelúia. V/. La verge de Jessé a fleuri ; la Vierge a mis au monde l’Homme-Dieu : Dieu a rendu la paix, en réconciliant en sa personne notre bassesse avec sa suprême grandeur.
Allelúia. V/. Luc. 1, 28. Ave, María, grátia plena ; Dóminus tecum : benedícta tu in muliéribus. Allelúia.Allelúia. V/. Je vous salue, Marie, pleine de grâce : le Seigneur est avec vous : vous êtes bénie entre les femmes. Alléluia.
+ Sequéntia sancti Evangélii secúndum Lucam.Suite du Saint Évangile selon saint Luc.
11,27-28.
In illo tempore : Loquénte Iesu ad turbas, extóllens vocem quædam múlier de turba, dixit illi : Beátus venter qui te portávit, et úbera quæ suxísti. At ille dixit : Quinímmo beáti, qui áudiunt verbum Dei et custódiunt illud.En ce temps-là : Jésus parlait au milieu de la foule et une femme s’écria : « Comme elle est heureuse, la Mère qui t’a mis au monde, et qui t’a nourri de son lait ! » Mais Il répondit : « Bien plus heureux encore celui qui écoute la parole de Dieu et qui la met en pratique ! »
Ante 1960 : CredoAvant 1960 : Credo
Ant. ad Offertorium. Ier. 18, 20.Offertoire
Recordáre, Virgo Mater, in conspéctu Dei, ut loquáris pro nobis bona, et ut avértat indignatiónem suam a nobis.Souvenez-vous, ô Vierge Mère, d’intercéder pour nous auprès de Dieu, et de lui faire détourner de nous son indignation.
SecretaSecrète
Sanctífica, Dómine, quǽsumus, obláta libámina : et, beátæ Dei Genetrícis Maríæ salubérrima intercessióne, nobis salutária fore concéde. Per eúndem Dóminum.Rendez saints, Seigneur, nous vous le demandons instamment, ces dons offerts à votre majesté, et moyennant l’intercession si salutaire de la bienheureuse Marie, mère de Dieu, accordez qu’ils soient utiles à notre salut.
Præfatio de B. Maria Virg. Et te in Commemoratióne. Préface de la bienheureuse Vierge Marie Et, en faisant mémoire de la Bse....
Ant. ad Communionem.Communion
Regina mundi digníssima, María, Virgo perpétua, intercéde pro nostra pace et salúte, quæ genuísti Christum Dóminum, Salvatórem ómnium.O Marie, très digne Reine du monde, et toujours Vierge, obtenez-nous la paix et le salut, vous qui avez mis au monde le Christ, Seigneur et Sauveur de tous.
PostcommunioPostcommunion
Adiuvet nos, quǽsumus, Dómine, gloriósæ tuæ Genetrícis sempérque Vírginis Maríæ intercéssio veneránda : ut, quos perpétuis cumulávit benefíciis, a cunctis perículis absolútos, sua fáciat pietáte concórdes : Qui vivis.Nous vous en supplions, Seigneur, que l’intercession digne de respect de la glorieuse Marie, votre Mère toujours Vierge, nous vienne en aide, en sorte que sa bonté fasse régner la concorde parmi ceux qu’elle a comblés d’incessants bienfaits et délivrés de tous les périls.

Office

Tout au commun des fêtes de la Bse Vierge Marie sauf ce qui suit :

Leçons des Matines avant 1960.

Au deuxième nocturne.

Quatrième leçon. Le saint jour de la Pentecôte, les Apôtres, divinement inspirés, parlaient en diverses langues et faisaient beaucoup de prodiges par l’invocation du très auguste nom de Jésus. Or, on rapporte qu’en ce même jour, nombre d’hommes, qui avaient marché sur les traces des saints Prophètes Élie et Elisée, et que Jean-Baptiste, par sa prédication, avait préparés à l’avènement du Christ, ayant reconnu et constaté la vérité des choses, embrassèrent la foi de l’Évangile. Ayant eu le bonheur de jouir des entretiens et de l’intimité de la bienheureuse Vierge Marie, ils commencèrent à la vénérer et à l’aimer tout particulièrement. Les premiers d’entre les Chrétiens, ils construisirent un sanctuaire à la Vierge très pure, sur le mont Carmel, à l’endroit même où Élie avait jadis vu s’élever une nuée, figure de la Vierge.

Cinquième leçon. Ils se réunissaient donc plusieurs fois le jour dans le nouvel oratoire, et honoraient par de pieuses pratiques, des prières et des louanges, la très sainte Vierge, en qualité d’insigne protectrice de leur Ordre. Aussi, commença-t-on dès lors à les appeler partout : les Frères de la Bienheureuse Marie du Mont-Carmel. Non contents de ratifier cette dénomination, les souverains Pontifes accordèrent des indulgences spéciales à ceux qui désigneraient sous ce titre l’Ordre en général et les Frères en particulier. Avec l’honneur de son nom et sa tutélaire bienveillance, la sainte Vierge leur octroya généreusement la marque distinctive d’un scapulaire sacré. Elle le donna au bienheureux Simon, religieux anglais, pour distinguer cet Ordre saint de tous les autres, et le préserver des malheurs à venir. Mais, parce que cet Ordre n’était pas répandu en Europe, on multiplia les instances auprès d’Honorius III, afin qu’il le supprimât. C’est alors que la très bonne et compatissante Vierge Marie apparut pendant la nuit à ce Pape et lui signifia d’accorder sa bienveillance à l’Institut et à ses membres.

Sixième leçon. Ce n’est pas seulement en ce monde que la sainte Vierge a voulu combler de prérogatives un Ordre qui lui est si cher. Une pieuse croyance admet volontiers que, dans l’autre monde aussi (car sa puissance et sa miséricorde étendent en tous lieux leur influence), elle soulage, par un effet de son amour vraiment maternel, ceux de ses enfants qui subissent l’expiation du purgatoire, et les introduit le plus tôt possible dans la patrie céleste, grâce à son intervention, lorsque, enrôlés dans la confrérie du scapulaire, ils ont pratiqué de légères abstinences, récité les quelques prières prescrites et gardé la chasteté, eu égard à leur état de vie. Ainsi comblé de tant et de si grandes faveurs, cet Ordre institua une solennelle Commémoraison de la bienheureuse Vierge Marie, à célébrer perpétuellement chaque année en l’honneur de cette Vierge glorieuse.

Au troisième nocturne. du commun

Lecture du saint Évangile selon saint Luc. Cap. 11, 27-28.
En ce temps-là : En ce temps-là : Jésus parlait au milieu de la foule et une femme s’écria : « Comme elle est heureuse, la Mère qui t’a mis au monde ». Et le reste.

Homélie de saint Bède le Vénérable. Lib. 4, cap. 49 in Luc. 11

Septième leçon. Cette femme fit bien voir la grandeur de sa dévotion et de sa foi. Tandis que les Scribes et les Pharisiens tentent le Seigneur et blasphèment contre lui, elle reconnaît avec tant de sincérité son incarnation, elle la proclame avec tant d’assurance qu’elle confond tout à la fois la calomnie dont les principaux d’entre les Juifs tâchaient alors de noircir le Fils de Dieu, et la perfidie des hérétiques qui devaient s’élever dans la suite des temps. De même qu’à cette époque les Juifs, blasphémant contre l’ouvrage du Saint-Esprit, niaient que Jésus-Christ fût le vrai Fils de Dieu, consubstantiel au Père ; ainsi les hérétiques devaient-ils plus tard, en niant que Marie, toujours Vierge, eût par l’opération du Saint-Esprit, fourni de sa propre chair au Fils de Dieu la matière de ses membres humains, prétendre qu’il ne faut pas le reconnaître pour le vrai fils de l’homme et de la même substance que sa mère.

Huitième leçon. Mais si la chair que le Verbe de Dieu a prise en s’incarnant, n’est pas formée de celle de la Vierge sa Mère, c’est sans motif qu’on appelle heureux le sein qui l’a porté et les mamelles qui l’ont allaité. L’Apôtre a dit : « Dieu a envoyé son Fils, formé d’une femme soumise à la loi ». Il ne faut pas écouter ceux qui pensent qu’il faut lire : Né d’une femme assujettie à la loi ; mais on doit lire : « Formé d’une femme », parce qu’ayant été conçu dans le sein d’une Vierge, il n’a pas tiré sa chair de rien ; mais de la chair de sa mère. Autrement il ne serait pas appelé avec vérité, fils de l’homme puisqu’il ne tirerait pas son origine de l’humanité. Élevons donc, nous aussi, la voix contre Eutychès, avec l’Église catholique, dont cette femme était la figure, élevons aussi notre esprit au-dessus de la foule, et disons au Sauveur : « Heureux le sein qui vous a porté, et les mamelles que vous avez sucées ». Car elle est vraiment une Mère heureuse, celle qui, selon l’expression d’un auteur, « a enfanté le Roi qui gouverne dans tous les siècles le ciel et la terre ».

Neuvième leçon. « Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la gardent ! » Le Sauveur approuve éminemment ce qu’avait dit cette femme, quand il affirme que non seulement celle qui a mérité d’engendrer corporellement le Verbe de Dieu, mais aussi tous ceux qui s’efforcent de concevoir spirituellement le même Verbe par l’audition de la foi, de l’enfanter et de le nourrir par la pratique des bonnes œuvres, soit dans leur cœur, soit en celui de leur prochain, sont véritablement heureux. Certes, la Mère de Dieu est bienheureuse d’avoir servi dans le temps, et contribué à l’incarnation du Verbe ; mais elle est encore plus heureuse d’avoir mérité, en l’aimant toujours, de le garder en elle éternellement.

A Laudes.

V/. Diffúsa est grátia in lábiis tuis. V/. La grâce [1] est répandue sur vos lèvres [2].
R/. Proptérea benedíxit te Deus in ætérnum. R/. C’est pourquoi Dieu vous a bénie pour l’éternité.
Ad Bened. Ant. Caput tuum * ut Carmélus, et comæ cápitis tui sicut púrpura Regis vincta canálibus, allelúia. Ant. au Benedictus Ta tête * est comme le Carmel ; et les cheveux de ta tête, comme la pourpre d’un roi, liés et teints dans les canaux des teinturiers [3].
Benedictus
OratioPrière
Deus, qui beatíssimæ semper Vírginis et Genetrícis tuæ Maríæ singulári título Carméli órdinem decorásti : concéde propítius ; ut, cuius hódie Commemoratiónem sollémni celebrámus offício, eius muníti præsídiis, ad gáudia sempitérna perveníre mereámur : Qui vivis.Dieu, vous orné l’Ordre du Carmel du titre particulier de la bienheureuse Marie toujours Vierge et votre Mère : accordez-nous, dans votre bonté, que, soutenus de la protection de celle dont nous honorons aujourd’hui solennellement la mémoire, nous méritions de parvenir aux joies éternelles.

Aux Vêpres.

V/. Dignáre me laudáre te, Virgo sacráta. V/. Rendez-moi digne de vous louer, Vierge sainte [4].
R/. Da mihi virtútem contra hostes tuos. R/. Donnez-moi de la force contre vos ennemis [5].
Ad Magnificat Ant. Glória Líbani * data est ei, decor Carméli et Saron, allelúia. Ant. au Magnificat La gloire du Liban * lui a été donnée, la beauté du Carmel et de Saron, alléluia [6].
Magnificat
OratioPrière
Deus, qui beatíssimæ semper Vírginis et Genetrícis tuæ Maríæ singulári título Carméli órdinem decorásti : concéde propítius ; ut, cuius hódie Commemoratiónem sollémni celebrámus offício, eius muníti præsídiis, ad gáudia sempitérna perveníre mereámur : Qui vivis.Dieu, vous orné l’Ordre du Carmel du titre particulier de la bienheureuse Marie toujours Vierge et votre Mère : accordez-nous, dans votre bonté, que, soutenus de la protection de celle dont nous honorons aujourd’hui solennellement la mémoire, nous méritions de parvenir aux joies éternelles.

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

Couronné de puissance et de grâce, le Carmel élève sa tête parfumée au-dessus des flots qui baignent le rivage de la terre où se sont accomplis les mystères du salut. Les montagnes de Galilée descendant du Nord, celles de Judée venant du Midi, se joignent en Samarie sur la chaîne assez courte qui tire de lui son nom : elles semblent ainsi faire converger vers lui tous leurs grands souvenirs ; et l’on dirait que par la situation dominante de son promontoire au centre même du littoral sacré, il a pour mission d’annoncer au loin sur la mer d’Occident l’Orient divin qui s’est levé du sein des ténèbres [7].

« Au jour de mon amour, je t’ai introduite de l’Égypte en la terre du Carmel » [8], dit le Seigneur à la fille de Sion, comme si ce seul nom résumait à ses yeux tous les biens de la terre des promesses ; et quand les crimes du peuple élu menacent d’amener la ruine sur la Judée : « J’ai vu le Carmel désert, s’écrie le Prophète, et toutes ses villes détruites au souffle de la fureur de Dieu » [9]. Mais voici qu’au sein de la gentilité une Sion plus aimée succède à la première ; huit siècles à l’avance, Isaïe la reconnaît à la gloire du Liban devenue sienne, à la beauté du Carmel et de Saron qui lui est donnée [10] ; et dans le Cantique sacré les suivantes de l’Épouse, célébrant pour l’Époux celle qui sans retour a ravi son cœur, chantent que « sa tête est comme le Carmel, et sa chevelure comme les fils précieux de la pourpre du roi tressés avec soin dans les eaux colorantes » [11].

La pêche des coquillages fournissant la royale couleur était, en effet, abondante au cap Carmel. Près de là également, et affleurant les pentes de la noble montagne, coulait le Cison, fameux par la victoire de Deborah sur les Chananéens dont il avait roulé les cadavres [12], en attendant que Madian succombât à son tour dans la même plaine où Sisara avait senti la puissance de celle qu’on appelait la Mère en Israël [13]. Présage redoutable pour le funeste serpent de l’Éden : contre Madian Gédéon aussi n’avait marché qu’au nom de la femme terrible comme une armée rangée en bataille [14], et dont le signe avait été pour lui la douce toison rafraîchie par la céleste rosée dans la sécheresse de la terre entière [15]. Et comme si cette plaine glorieuse d’Esdrelon, qui vient mourir au pied du Carmel, ne devait offrir aux horizons de ses divers sommets, aux échos de ses multiples vallées, que les prophétiques figures et les titres variés de la triomphatrice annoncée dès le premier jour du monde : non loin d’Esdrelon quelques défilés conduisent à Béthulie, terreur des Assyriens, qu’illustra Judith, la joie d’Israël et l’honneur de son peuple [16] ; tandis que dans les hauteurs du septentrion se cache Nazareth, blanche cité, fleur de la Galilée [17]. Quand son amour se jouait dans l’affermissement des collines et des monts [18], l’éternelle Sagesse avait en effet choisi le Carmel pour être, aux siècles des figures, l’apanage anticipé de la fille d’Ève qui briserait la tête de l’ancien ennemi. Aussi lorsque le dernier des longs millénaires de l’attente eut commencé de dérouler ses interminables anneaux, quand l’aspiration des nations [19] devenue plus instante obtint du Seigneur l’épanouissement de l’esprit prophétique dont cette époque parut marquée, ce fut au sommet de la montagne prédestinée qu’on vit le père des Prophètes venir dresser sa tente et observer l’horizon.

Les triomphes de David, les gloires de Salomon n’étaient plus ; le sceptre de Juda, brisé par le schisme des dix tribus, menaçait prématurément d’échapper à ses mains ; Baal régnait en Israël. Image de l’aridité des âmes, une sécheresse persistante épuisait partout les sources de la vie. Hommes et animaux près de leurs citernes vides attendaient la mort, lorsque Élie de Thesbé, convoquant tout le peuple sur le Carmel et l’arrachant à ses docteurs de mensonge, rassembla en lui les vœux de cette foule qui représentait le genre humain. Prosterné au faîte du mont le front dans la poussière, raconte l’Écriture même, il dit à son serviteur : « Va, et vois du côté de la mer ». Lui donc étant allé, et ayant regardé, revint dire : « Il n’y a rien ». Élie lui dit : « Retourne ». Et jusqu’à sept fois il fut fait ainsi. Or à la septième fois, voici qu’un petit nuage comme le pied d’un homme s’élevait de la mer [20].

Nuée bénie, sortie de l’amertume des flots et toute de douceur, elle monte, docile au moindre souffle venu du ciel, légère et humble au-dessus du lourd et immense océan ; elle tempère les feux qui brûlaient la terre, enferme en soi le soleil, et rend au monde agonisant la vie, la grâce et la fécondité. Déjà l’envoyé promis, le Fils de l’homme marque en elle son empreinte, et cette empreinte rappelle par sa forme au serpent maudit le talon qui doit l’écraser. Le Prophète, en qui se personnifie l’humanité, sent à cette vue la main de Dieu renouveler sa jeunesse [21] ; sous la bienheureuse pluie qui déjà inonde les vallées, il s’élance au-devant du char portant le roi d’Israël [22]. Il traverse en courant la grande plaine d’Esdrelon, et le terme de sa course est Jezrahel, la ville au nom plein de mystère ; car c’est là, dit Osée, que les enfants d’Israël et de Juda retrouveront un seul chef au grand jour des fils de Dieu [23] qui verra les noces éternelles du Seigneur avec un peuple nouveau [24]. Mais le mystère continue de s’affirmer dans sa divine ampleur. Bientôt Sunam, cité voisine de Jezrahel et patrie de l’Épouse [25], nous montre la Mère dont l’enfant était mort, traverser dans un sens opposé à celui d’Élie la plaine qu’il avait parcourue triomphant sous l’impulsion de l’Esprit-Saint, et derechef monter au Carmel pour implorer la résurrection de ce fils qui là encore nous figurait tous [26].

Déjà cependant le char de feu avait enlevé Élie de cette terre ; aux derniers jours, avant de goûter la mort, il reparaîtra, pour joindre en compagnie d’Hénoch le témoignage des Patriarches et des Prophètes à celui de l’Église, touchant l’Époux né de celle que signifiait la nuée [27]. En attendant, son disciple Élisée, investi du manteau et de l’esprit du père sur les bords du Jourdain, avait aussitôt pris lui-même possession de l’auguste montagne [28] devenue comme la principauté, le titre domanial des enfants des Prophètes, depuis que la Reine des Prophètes s’y était manifestée.

Désormais le Carmel fut sacré pour tous ceux dont les espérances de l’humanité tenaient le regard au-dessus de la terre. Gentils aussi bien que descendants d’Israël, philosophes [29] et princes [30], y vinrent en pèlerins adorer le Dieu sans idole et méditer sur les destinées du monde. Les âmes d’élite de l’Église de l’attente, qui jusque-là erraient déjà nombreuses par les montagnes et dans les solitudes [31], aimèrent à choisir leur lieu de prière et de repos dans les mille grottes que leur ouvraient ses flancs ; car les antiques traditions y remplissaient plus qu’ailleurs de leur majesté le silence des forêts, et la Vierge qui devait enfanter s’y annonçait à ses parfums. Le culte de la douce souveraine de la terre et des cieux fut véritablement à tout jamais fondé dès lors ; et la tribu de ses dévots clients, les ascètes du Carmel, pouvait s’appliquer la parole qui fut dite par Dieu plus tard aux pieux descendants de Réchab : « Il ne manquera point d’homme de cette race pour se tenir devant moi tous les jours » [32].

Lorsqu’enfin les réalités succédèrent aux figures, lorsque le ciel eut répandu sa rosée et que le Juste fut sorti de la nuée [33], bientôt on le vit, son œuvre achevée, remonter vers le Père ; mais il laissait au monde la divine Mère, et il envoyait l’Esprit-Saint à l’Église : et le moindre triomphe de cet Esprit d’amour, qui parlait par les Prophètes autrefois [34], n’était point de révéler Marie aux nouveau-nés de la glorieuse Pentecôte. « Quel ne fut pas, disions-nous alors, le bonheur de ceux des néophytes auxquels il fut donné, en cette heureuse journée, d’approcher d’une si auguste reine, de la Vierge-Mère, à qui il avait été donné de porter dans ses chastes flancs celui qui était l’espérance d’Israël ! Ils contemplèrent les traits de la nouvelle Ève, ils entendirent sa voix, ils éprouvèrent le sentiment filial qu’elle inspire à tous les disciples de Jésus. Dans une autre saison, la sainte Liturgie nous parlera de ces hommes fortunés. Or c’est aujourd’hui que cette annonce est réalisée. Dans les Leçons de la fête, l’Église tout à l’heure nous dira qu’entre tous, les disciples d’Élie et d’Élisée, devenus chrétiens à la première prédication des Apôtres, sentirent croître leur vénération pour la Vierge bénie dont il leur fut loisible de recueillir les paroles si suaves, de goûter l’ineffable intimité. Plus que jamais affectionnés à la montagne où, moins fortunés qu’eux pourtant, leurs pères avaient vécu d’espérance, ils y construisirent, au lieu même d’où Élie avait vu la nuée monter de la mer, un oratoire qui fut dédié dès lors à la très pure Vierge, et leur valut le nom de Frères de la bienheureuse Marie du Mont-Carmel [35].

Au douzième siècle, à la suite de l’établissement du royaume latin de Jérusalem, beaucoup de pèlerins d’Europe venant augmenter le nombre des solitaires de la sainte montagne, il parut bon de donner à leur vie, jusque-là plus érémitique que conventuelle, une forme mieux en rapport avec les habitudes des Occidentaux ; ce fut alors que le légat Aimeric Malafaida, patriarche d’Antioche, les réunit en communauté sous l’autorité de saint Berthold qui, le premier, reçut à cette occasion le titre de Prieur général. Le Bienheureux Albert, patriarche de Jérusalem et également légat apostolique, acheva dans les premières années du siècle suivant l’œuvre d’Aimeric, en donnant une Règle fixe à l’Ordre qui commença de se répandre en Chypre, en Sicile et dans les pays d’au delà de la mer, favorisé par les princes et les chevaliers revenus de Terre Sainte. Bientôt même, Dieu abandonnant les chrétiens d’Orient au châtiment mérité par leurs fautes, les représailles des Sarrasins victorieux devinrent telles en ce siècle de malheur pour la Palestine, qu’une assemblée plénière, tenue au Carmel sous Alain le Breton, décréta l’émigration totale, ne laissant à la garde du berceau de l’Ordre que quelques affamés du martyre. L’année même où elle se consommait (1245), Simon Stock fut élu général dans le premier Chapitre d’Occident, réuni à Aylesford en Angleterre.

Simon était désigné à ce choix par les luttes heureuses qu’il avait précédemment soutenues pour la reconnaissance de l’Ordre, que nombre de prélats, s’appuyant des récentes décisions du concile de Latran, rejetaient comme nouveau en Europe. Notre-Dame même avait alors pris en mains la cause des Frères, et obtenu d’Honorius III le décret de confirmation qui fut l’origine première de la fête de ce jour. Or, ce n’était là ni le commencement, ni la fin des faveurs de la très douce Vierge pour la famille qui si longtemps avait vécu comme à l’ombre de la nuée mystérieuse, obscure comme elle dans son humilité, sans vautre lien ni prétention que l’imitation de ses œuvres cachées et la commune contemplation de sa gloire. Elle-même avait voulu sa sortie du milieu d’un peuple infidèle, comme avant la fin de ce même siècle treizième, elle donnera ordre à ses Anges de transporter en terre catholique sa bénie maison de Nazareth. Que les hommes d’alors, que les historiens de nos temps à vue toujours si courte en aient eu ou non la pensée : les deux translations s’appelaient, comme elles se complètent et s’expliquent mutuellement, comme l’une et l’autre vont être pour notre Europe le point de départ des plus insignes faveurs du ciel.

Dans la nuit du 15 au 16 juillet de l’année 1251, la gracieuse souveraine du Carmel confirmait à ses fils par un signe extérieur le droit de cité qu’elle leur avait obtenu en ces régions nouvelles où les amenait leur exode ; maîtresse et mère de tout l’Ordre religieux, elle leur conférait de ses augustes mains le scapulaire, vêtement distinctif jusque-là de la plus grande et de la plus ancienne des familles religieuses de l’Occident. Saint Simon Stock qui recevait de la Mère de Dieu cet insigne, ennobli encore par le contact de ses doigts sacrés, l’entendait en même temps lui dire : « Quiconque mourra dans cet habit, ne souffrira point les flammes éternelles ».

Mais ce n’était point seulement contre le feu sans fin de l’abîme, que devait s’exercer en faveur de ceux qui porteraient le pieux habit la toute-puissance suppliante de la divine Mère. En 1316, lorsque de toutes les âmes saintes s’élevaient au ciel d’ardentes prières pour obtenir à l’Église la cessation du veuvage désastreux et prolongé qui avait suivi la mort de Clément V, la Reine des Saints se montrait à Jacques d’Euze que le monde allait saluer bientôt du nom de Jean XXII ; elle lui annonçait sa prochaine élévation au pontificat suprême, et en même temps lui recommandait de publier le privilège d’une prompte délivrance du purgatoire qu’elle avait obtenu de son Fils divin pour ses enfants du Carmel. « Moi leur Mère, je descendrai par grâce vers eux le samedi qui suivra leur mort, et tous ceux que je trouverai dans le purgatoire je les délivrerai et les emmènerai à la montagne de l’éternelle vie ». Ce sont les propres paroles de Notre-Dame, citées par Jean XXII dans la bulle où il en rend témoignage, et qui fut dite sabbatine en raison du jour désigné par la glorieuse libératrice comme celui où s’exercerait le miséricordieux privilège.

Nous n’ignorons point les tentatives faites dans le but d’ébranler l’authenticité de ces concessions du ciel ; mais le temps, qui nous est si étroitement mesuré, ne nous permet pas de suivre dans leurs détails infinis ces luttes stériles. L’attaque du principal des adversaires, le trop renommé Launoy, fut condamnée par le Siège apostolique ; et après comme avant ces contradictions, les Pontifes romains confirmèrent maintes fois de leur autorité suprême, autant qu’il en pouvait être besoin, la substance et la lettre même des précieuses promesses. On trouvera dans les ouvrages spéciaux l’énumération des nombreuses indulgences par lesquelles ils voulurent enrichir toujours plus la famille du Carmel, et faire écho de cette terre à la faveur dont elle jouit au ciel.

La munificence de Marie, la pieuse gratitude de ses fils pour l’hospitalité que leur donnait l’Occident, l’autorité enfin des successeurs de Pierre, rendirent bientôt ces richesses spirituelles accessibles au peuple entier des chrétiens, par l’institution de la Confrérie du saint Scapulaire qui fait entrer ses membres en participation des mérites et privilèges de tout l’Ordre des Carmes. Qui dira les grâces, souvent merveilleuses, obtenues par l’humble vêtement ? Qui pourrait compter aujourd’hui les fidèles enrôlés dans la milice sainte ? Lorsque Benoît XIII, au XVIIIe siècle, étendit la fête du 16 juillet à l’Église entière, il ne fit pour ainsi dire que consacrer officiellement l’universalité de fait que le culte de la Reine du Carmel avait conquise presque partout dès lors.

Reine du Carmel, agréez les vœux de l’Église de la terre qui aujourd’hui vous dédie ses chants. Quand le monde gémissait dans l’angoisse d’une attente sans fin, vous étiez déjà son espoir. Bien impuissant encore à pénétrer vos grandeurs, il aimait pourtant, sous ce règne des figures, à vous parer des plus nobles symboles ; la reconnaissance anticipée aidait en lui l’admiration à vous former comme une auréole surhumaine de toutes les notions de beauté, de force et de grâce que lui suggérait la vue des sites les plus enchanteurs, des plaines en rieurs, des cimes boisées, des vallées fertiles, de ce Carmel principalement dont le nom signifie plantation du Seigneur. Sur son sommet, nos pères, qui savaient que la Sagesse a son trône dans la nue [36], hâtèrent de leurs désirs ardents l’arrivée du signe sauveur [37] ; c’est là qu’à leurs prières fut enfin donné ce que l’Écriture nomme la science parfaite, ce qu’elle désigne comme la connaissance des grandes routes des nuées [38]. Et quand Celui qui fait son char [39] et son palais [40] de l’obscurité de la nue, se fut dans un avenir moins éloigné manifesté par elle à l’œil exercé du père des Prophètes, on vit les plus saints personnages de l’humanité se réunir en troupe d’élite dans les solitudes de la montagne bénie, comme autrefois Israël au désert, pour observer les moindres mouvements de la nuée mystérieuse [41], recevoir d’elle leur unique direction dans les sentiers de cette vie, leur seule lumière dans la longue nuit de l’attente [42].

O Marie, qui dès lors présidiez ainsi aux veilles des armées du Seigneur, qui jamais ne leur fîtes un seul jour défaut [43] : depuis qu’en toute vérité Dieu est par vous descendu [44], ce n’est plus seulement le pays de Judée, mais toute la terre, que vous couvrez comme une nuée répandant l’abondance et les bénédictions [45]. Vos antiques clients, les fils des Prophètes, en firent l’heureuse expérience, lorsque, la terre des promesses devenue infidèle, ils durent songer un jour à transplanter sous d’autres cieux leurs coutumes et leurs traditions ; ils constatèrent alors que jusqu’en notre extrême Occident la nuée du Carmel avait versé sa rosée fécondante, que partout aussi sa protection leur restait acquise. Cette fête, ô Mère divine, est l’authentique monument de leur reconnaissance, accrue encore par les bienfaits nouveaux dont votre munificence accompagna cet autre exode des derniers restes d’Israël. Et nous les fils de la vieille Europe, c’est à bon droit que nous faisons écho à l’expression de leur pieuse allégresse ; car depuis que leurs tentes se sont posées autour des collines où sur Pierre est bâtie la nouvelle Sion, la nuée s’est épanchée de toutes parts en pluies plus que jamais précieuses [46], refoulant à l’abîme les flammes éternelles, éteignant les feux du séjour de l’expiation.

En même temps donc que nous joignons pour vous notre reconnaissance à la leur, daignez, Mère de la divine grâce, acquitter envers eux la dette de notre gratitude. Protégez-les toujours. Gardez-les dans nos temps malheureux où les sévices du Sarrasin sont dépassés, en résultats de mort, par l’hypocrisie calculée des modernes persécuteurs. Que non seulement la vieille tige garde la vie dans ses racines profondes, mais que ses vénérables rameaux saluent sans cesse l’accession de nouvelles branches portant comme leurs aînées, ô Marie, les fleurs et les fruits qui vous plaisent. Maintenez au cœur des fils l’esprit de retraite et de divine contemplation qui fut celui de leurs pères à l’ombre de la nue ; faites que leurs sœurs aussi restent fidèles aux traditions de tant de nobles devancières, sous tous les cieux où l’Esprit les a multipliées pour en même temps conjurer l’orage et attirer les bénédictions qui descendent de la nuée mystérieuse. Puissent les austères parfums de la sainte montagne continuer d’assainir autour d’elle l’air que tant de miasmes corrompent ; puisse le Carmel offrir toujours à l’Époux le type des beautés qu’il aime à trouver en sa bien-aimée !

Bhx cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

Aujourd’hui toute l’Église latine s’unit aux Frères de la bienheureuse Vierge du Mont-Carmel, pour célébrer la munificence de la Mère de Dieu envers cet Ordre qui lui est dédié.

Les origines de cette insigne famille religieuse, qui a donné à l’Église un grand nombre de saints, entre autres saint André Corsini, saint Albert, sainte Madeleine de Pazzi, sainte Thérèse, etc., sont connues. Un peu avant 1185, un prêtre calabrais, ayant été l’objet d’une révélation d’Élie, — ainsi du moins l’affirmait-il, — gravit le Mont-Carmel et s’employa à restaurer un antique monastère (il y en avait trois autres) dont restaient seules les ruines. Ante aliquot annos — écrivait en 1185 le prêtre Jean de Pathmos—quidam monachus, dignitate sacerdos, capillitio albus, e Calabria oriundus, ex Prophetæ revelatione, in montem appellans, ea loca, monasterii nempe reliquias, vallo perparvo cinxit et turri ædificata, temploque non ingenti extructo, fratribus ferme decem collectis, etiam nunc sanctum illum ambitum colit [47].

Le nouvel institut prospéra et, quoique le dernier venu, il put heureusement se greffer à la grande tradition plusieurs fois séculaire de la vie monastique, que des cénobites orientaux et des moines bénédictins avaient menée sur le Carmel. Albert, patriarche de Jérusalem, donna quelques règles de vie à ces ermites qui vivaient alors sous un prévôt nommé Brocard, règles qui ensuite furent approuvées, en même temps que la récente institution, par Honorius III et par Grégoire IX.

La fête de la Commémoration de la bienheureuse Vierge du Mont-Carmel, avec le rite double-majeur, fut introduite dans le Calendrier beaucoup plus tard, par Benoît XIII.

L’introït est emprunté à la fête de sainte Agathe et semble être une version d’un texte grec. En effet, il a pénétré aussi dans le Missel Ambrosien, mais avec quelques variantes. « Réjouissons-nous tous dans le Seigneur, en célébrant la fête en l’honneur de la bienheureuse Vierge Marie, dont la solennité réjouit aussi les anges qui en louent le Fils de Dieu ». Suit le premier verset du psaume 44.

Marie est appelée dans la liturgie causa nostræ lætitiæ, parce que son Enfantement sacro-saint a réparé les pertes et la tristesse occasionnées par le péché. Au ciel les Anges se réjouissent, parce qu’ils sont entrés en possession de leur Reine qui, par sa Maternité envers tous les chrétiens, comblera les vides produits dans les chœurs célestes par l’apostasie des anges rebelles. Sur la terre, toute l’Église militante se réjouit, parce que, au moyen de Marie, elle a obtenu Jésus, le fruit béni du sein virginal, qui neutralise le poison absorbé avec l’autre fruit présenté jadis par Ève à Adam.

Voici la collecte : « Seigneur, qui avez voulu honorer l’Ordre du Carmel en lui donnant le nom de Marie votre Mère elle-même, faites que, aidés par celle dont nous célébrons aujourd’hui la mémoire solennelle, nous arrivions aux joies célestes ».

La première lecture est la même que pour la messe vigiliale de l’Immaculée Conception, le 7 décembre.

Le répons-graduel est commun à la fête de la Visitation, le 2 juillet. Le verset alléluiatique est spécial. « Alléluia. Par vous, ô Mère de Dieu, nous a été restituée la vie que nous avions perdue ; en effet, vous avez reçu du Ciel votre Fils et vous avez donné le jour au Sauveur du monde ».

La lecture évangélique est tirée de saint Luc (XI, 27-28), et fait partie de celle qui est assignée au troisième dimanche de Carême, jour où la station est fixée dans la basilique Mariale de l’Agro Verano. Une femme, admirant l’éloquence et la puissance de Jésus, bénit celle qui l’a engendré et allaité petit enfant. Le Sauveur, qui veut rendre plus spirituelle cette admiration enthousiaste, révèle mystérieusement la source intime de toute la grandeur et de la sublimité de la sainte Vierge : Bienheureux ceux qui reçoivent et gardent dans leur cœur le Verbe de Dieu !

Le verset pour l’offertoire a été adapté d’un texte de Jérémie (XVIII, 20) : « Souvenez-vous de nous, ô Vierge et Mère, en présence de Dieu. Parlez en notre faveur et écartez de nous son courroux ».

La Vierge s’est trouvée déjà une première fois en présence de Dieu dans le rôle d’Avocate quand elle assista à l’agonie de son Fils au pied de la Croix. Maintenant Marie est au ciel devant le trône de Dieu, et, avec Jésus, semper vivens interpellat pro nobis, elle plaide notre cause.

Suit la collecte sur les offrandes : « Sanctifiez, Seigneur, ces oblations ; et, par le puissant patronage de Marie, Mère de Dieu, faites qu’elles deviennent pour nous un gage de salut ». Ce ne sont pas tant les offrandes en soi qui doivent être sanctifiées, que les intimes dispositions du sacrificateur, afin que le Sacrifice eucharistique soit fructueux pour ceux qui, avec une foi sincère, y participent.

Voici l’antienne pour la Communion des fidèles : « O très digne Reine du monde, et toujours Vierge, Marie ! Intercédez pour notre paix et notre salut, vous qui avez donné le jour au Christ, Seigneur et Sauveur de tous ».

Marie est la Reine du monde, parce qu’elle est corédemptrice du genre humain avec Jésus et par Jésus, à qui après sa résurrection fut conférée par le Père omnis potestas in cælo et in terra.

Suit la prière d’action de grâces : « Que la vénérable intercession de votre glorieuse Mère la Vierge Marie nous protège. Seigneur, et comme elle ne cesse de nous combler de ses faveurs, ainsi délivrez-nous de tout péril, et, à cause d’elle, établissez entre nous la concorde ».

La concorde fraternelle est un des plus grands biens des communautés, et constitue une faveur spéciale de Dieu ; pour obtenir cette faveur et pour la conserver, il faut de grandes vertus, de grands renoncements et de grands sacrifices.

Dom Pius Parsch, Le guide dans l’année liturgique

« Ta tête est comme le Carmel ».

1. Notre-Dame du Mont-Carmel. — C’est aujourd’hui la grande fête de l’ordre des Carmes. Sur le mont Carmel vivait une communauté de solitaires qui, par les soins de saint Berthold, vers 1150, fut constituée en ordre religieux mieux adapté aux coutumes de l’Occident. Fuyant devant les persécutions des Sarrasins, les moines émigrèrent plus tard en Europe. Dans la nuit du 15 au 16 juillet 1225, la Très Sainte Vierge ordonna au pape Honorius III d’approuver leur ordre (leçon du bréviaire). Les persécutions ne cessant de s’abattre sur ces religieux, saint Simon Stock, leur sixième général, implora de Marie un signe particulier de sa protection. Le 16 juillet 1251, la Très Sainte Vierge lui désigna le scapulaire comme insigne spécial de son maternel amour. De là le nom de fête du scapulaire donné à la fête de ce jour.

Le scapulaire est un vêtement commun à de nombreuses congrégations religieuses, mais particulièrement distinctif de l’ordre des Carmes. On impose aussi le scapulaire, un scapulaire de forme réduite, aux gens du monde afin de leur permettre de participer aux grandes grâces qui y sont attachées, le privilège sabbatin entre autres. Dans sa bulle dite sabbatine, le pape Jean XXII affirme que ceux qui portent le scapulaire seront vite délivrés des flammes du purgatoire, le samedi notamment qui suivra leur mort. Les avantages du privilège sabbatin ont encore été confirmés par la Sacrée Congrégation des Indulgences, le 4 juillet 1908.

Pratique. L’habit de la très sainte Mère de Dieu nous rappelle le devoir pour nous, chrétiens, de pratiquer l’apostolat du vêtement en face des extravagances de la mode. Le vêtement est un symbole chez celui qui le porte. Qu’à l’image de son cœur, la mise du chrétien soit simple et décente, et que les gens du monde puissent juger d’après son extérieur de ses dispositions intérieures.

2. Messe (Gaudeamus). — La messe est en partie composée de textes tirés du commun (Évangile) et en partie de textes propres. Nous commençons par un chant d’allégresse : nous célébrons la fête de Marie ; les anges eux-mêmes y prennent part dans le ciel (Introït) ; l’Église chante en même temps l’épithalame du psaume 44e : l’arrivée du prêtre somptueusement paré représente le cortège nuptial de la céleste épouse. (Cet introït, souvent répété dans le cycle liturgique, provient de la liturgie grecque). Dans la leçon, Marie nous fait elle-même entendre ses enseignements ; elle nous redit son rôle protecteur : « Je suis la Mère du pur amour, de la crainte, de la science et de la sainte espérance... Venez à moi, vous tous qui me désirez, et rassasiez-vous de mes fruits ». L’Évangile renferme le passage bien connu des messes mariales où Jésus proclame bienheureuse sa Mère ; mais heureux également ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la pratiquent ! Exceptionnellement l’Offertoire et la Communion sont deux prières à la Très Sainte Vierge composées par l’Église. L’offertoire en particulier est une véritable prière d’oblation : « Souvenez-vous, Vierge Mère, d’intercéder pour nous auprès de Dieu... » — Ceux qui possèdent un Petit Office de la Sainte Vierge peuvent aujourd’hui le réciter en entier en union avec l’Église.

[1] « Que la grâce, sur les lèvres de Marie, a été belle dans ses très dévotes oraisons et dans ses unions intimes avec Dieu ! On trouve dans l’Évangile sept sentences de Marie qui sont les très douces paroles qu’elle a dites, à savoir deux avec l’Ange, deux avec l’homme et trois avec Dieu : avec l’Ange une parole de pureté et une d’humilité ; avec l’homme une parole de charité à Élisabeth, et un conseil de vérité aux serviteurs de Cana ; avec Dieu une parole de reconnaissance dans son cantique, une parole de plainte amoureuse à Jérusalem, où, depuis trois jours, elle cherchait son Jésus ; enfin, une parole de compassion à Cana. Marie, notre avocate ; redit encore aujourd’hui à son Fils que beaucoup d’entre nous n’ont point le vin de la vie spirituelle ». (Saint Bonaventure).

[2] Ps. 44, 2.

[3] Cant. 7, 5.

[4] St. Éphrem.

[5] Les ennemis de Marie sont les démons et leurs suppôts, qui travaillent à empêcher le règne de son Fils dans les âmes. Ils sont aussi les nôtres.

[6] Is. 35, 2.

[7] Luc. I, 78-79.

[8] Jerem. II, 2-7.

[9] Ibid. IV, 26.

[10] Isai. XXXV, 2.

[11] Cant. VII, 5.

[12] Judic. V, 21.

[13] Ibid. 7.

[14] Cant. VI, 3, 9.

[15] Judic. VII, 36-40.

[16] Judith, XV, 10.

[17] Hieron. Epist. XLVI, Paulae et Eustochii ad Marcellam.

[18] Prov. VIII, 22-31.

[19] Gen. XLIX, 10.

[20] III Reg. XVIII.

[21] Psalm. CII, 5.

[22] III Reg. XVIII, 46.

[23] Ose. I, 11.

[24] Ibid. 11, 14-24.

[25] Cant. VI, 12 ; III Reg. 1, 3.

[26] IV Reg. IV, 8-37.

[27] Apoc. XI, 7.

[28] IV Reg. II, 25.

[29] Jamblic. Vita Pythagor. III.

[30] Tacit. Hist. II, LXXVIII.

[31] Heb. XI, 38.

[32] Jerem. XXXV, 19.

[33] Isai. XLV, 8.

[34] Symbol. Constantinop.

[35] Lectiones IIi Nocturni.

[36] Eccli. XXIV, 7.

[37] Ibid. XLIII, 24.

[38] Job. XXXVII, 16.

[39] Psalm. CIII, 3.

[40] III Reg. VIII, 12.

[41] Num. IX, 15-23.

[42] Psalm. CIV, 39.

[43] Exod. XIII, 22.

[44] Ibid. XXXIV, 5.

[45] Eccli. XXIV, 6.

[46] Ézech. XXXIV, 26.

[47] Act. SS. Apr. I, 775.